Narration résumée de Polybe et de Tite-Live : attaqué des Allobroges à l'entrée des Alpes. I. Les Barbares qui avaient escorté l'armée carthaginoise venaient de se retirer : Annibal commençait à entrer dans les Alpes, et à couronner de ses bataillons les premières collines que l'on rencontre, lorsqu'il aperçut les Allobroges (les Montagnards suivant Tite-Live) postés sur les hauteurs qui dominaient le passage qu'il allait avoir à franchir. Le carthaginois fait halte, et dresse son camp dans la vallée en face de ces hauteurs. Il envoie ensuite quelques-uns des gaulois qui l'accompagnaient découvrir les dispositions et les projets de l'ennemi. D'après leur rapport, dès le point du jour il fait quitter à ses troupes leurs positions, s'avance à la vue de ces montagnards jusqu'au pied des hauteurs qu'ils occupaient, et s'approchant du défilé dont on voulait lui disputer le passage, il établit son camp à une légère distance de l'ennemi. La nuit venue, il se détache de son armée avec un corps d'élite, après avoir fait allumer des feux dans le camp pour ne point laisser soupçonner son mouvement. Puis, franchissant ce pas difficile, il va s'emparer des postes que les Allobroges avaient abandonnés pendant la nuit. Le lendemain, grand étonnement pour ces Barbares qui venaient reprendre leurs positions et les trouvent occupées : ils voulaient déjà renoncer à leur projet d'attaque, mais bientôt remarquant les bêtes de charge et la cavalerie serrées dans ces défilés et cheminant avec peine sur une longue file, ils viennent de différents côtés fondre sur cette arrière-garde, et favorisés par la nature du terrain qui ne leur laissait qu'un passage étroit, inégal, et bordé de précipices, ils jettent partout le désordre et l'effroi. C'en était fait de l'armée carthaginoise si Annibal ne fût survenu. Il voit le danger auquel il va se trouver exposé par la perte de ses munitions et de ses bagages, accourt des hauteurs dont il s'était emparé, et tombant sur les assaillants, écrase les uns et force les autres à prendre la fuite : il fait ensuite passer le défilé à ce qui lui restait de chevaux et de bêtes de charge, et va s'emparer de la ville où ces Barbares étaient venus l'attaquer[1]. Contresens des traducteurs sur le mot άναβολή. Obscurités qui en résultent.Dans le récit de ce premier fait, Polybe et Tite-Live
toujours d'accord, et se complétant l'un par l'autre, se réunissent pour nous
donner l'idée la plus nette des lieux qu'ils font traverser par Annibal.
Quand on les a vus et qu'on s'y reporte par la pensée, on est frappé de cette
lumière soudaine qui vient dissiper les obscurités répandues par les
traducteurs de Polybe sur cette partie de la narration, et expliquer de la
manière la plus simple ce qu'ils avaient rendu inexplicable. Ainsi nous
voyons dans les traductions françaises et latines qu'Annibal après avoir
marché l’espace de 800 stades le long du fleuve, arriva au point où commence la
montée des Alpes[2]
; qu'il commença à monter les Alpes conscendere
Alpes cœpit ; or, indépendamment de ce qu'il y aurait
d'invraisemblable dans le passage d’une montagne
que l'armée carthaginoise aurait mis quinze jours à franchir[3], il suffit de
jeter les yeux sur les expressions mêmes de Polybe, pour voir que dans le cas
où le mot άναβολή
serait ici employé comme désignant l’action de monter, la phrase signifierait
tout au plus qu’Annibal commença à monter vers les Alpes, c'est-à-dire
à franchir les premières collines que l'on rencontre depuis Des trois premières journées de marche dans les Alpes. Application de toutes les circonstances du récit.Nous voyons d'abord Annibal franchissant ces dernières
collines[7] qui se succèdent
depuis Poursuivons avec M. de Saussure : La
partie inférieure de la vallée de l'Arc, dit-il § 1191, depuis sa jonction à celle de l'Isère, jusqu'à Aiguebelle,
est large et à peu près droite ; mais d'Aiguebelle en haut, elle devient
très-étroite et tortueuse ; les montagnes s'élèvent ; l'on voit des neiges à
leur sommet, et tout annonce que l'on approche de la chaîne centrale. Si
Annibal a remonté l'Arc en traversant les Alpes, comme le croyait M. Abauzit, c'est vraisemblablement entre Aiguebelle et Saint-Jean-de-Maurienne que les Allobroges lui livrèrent le premier combat, dans lequel il perdît une partie de son arrière-garde. En effet, de cet espace, la vallée se change fréquemment en défilés très-étroits, serrés entre des montagnes très-escarpées. Presque en sortant d'Aiguebelle, on rencontre un grand rocher qui remplît à peu près toute la largeur de la vallée, et l’on est obligé de suivre un chemin étroit et rapide qui passe entre ce rocher et la montagne[12]. Au-delà de ce rocher, on descend dans une jolie petite plaine de forme ovale que l'on traverse suivant sa longueur ; et au bout de cette plaine, à une demie-lieue d'Aiguebelle, le chemin est de nouveau serré entre la montagne et la rivière, au point qu'on a été obligé de le soutenir avec un mur. A cet étranglement succède une seconde plaine, après laquelle la vallée se resserre pour la troisième fois : mais il serait trop long de détailler les nombreux défilés que l’on passe dans cette route, et de noter combien de fois les étranglements de la vallée et les sinuosités de l’Arc forcent à passer d'une rive à l'autre. M. de Saussure a donc nommé pour nous le défilé qu'Annibal franchit pendant la nuit, et où se passa le lendemain, c'est-à-dire le troisième jour depuis son entrée dans les Alpes, cette affaire qui faillit être si désastreuse pour son armée. Seulement comme il se borne à dire qu'elle eut lieu vraisemblablement entre Aiguebelle et Saint-Jean-de-Maurienne, et qu'entre ces deux bourgs éloignés l'un de l’autre de 9 lieues de poste, il se rencontre plusieurs défilés, il nous laisse encore une certaine latitude pour chercher celui qui fut témoin du combat. Or Polybe l’indique de manière à ne laisser aucun doute en disant que le camp des Carthaginois s'étendait jusqu'à l’entrée de ce défilé ; car puisque ce camp avait été dressé dans la vallée d'Aiguebelle, ce défilé dut être nécessairement celui que l'on rencontre au sortir de cette vallée ; il ne présente qu'un chemin étroit et rapide resserré entre l'Arc que l’on a sur la gauche, et le rocher qui s'avance sur la droite[13]. Nous ne verrions néanmoins aucun inconvénient à y comprendre la seconde gorge que l’on traverse à une demi-lieue plus loin, et qui offre à peu près les mêmes caractères que la précédente, la route côtoyant le rocher qui la borne à droite, tandis que sur la gauche on a l'Arc coulant dans le fond de cet étroit passage. Il n y aurait rien d'invraisemblable à ce que l'affaire se fut passée sur toute la ligne qui s'étend depuis Aiguebelle jusque vers le petit hameau d'Argentil, comprenant l'espace d'une demi-lieue environ. Au sortir du second défilé, on passe un petit pont de deux arches qui conduit sur la rive droite de l'Arc non loin d'Ar-gentil. On se trouve là dans la secondai plaine dont parle M. de Saussure, large vallée circulaire où Annibal put dresser son camp pour laisser reposer son armée. D'Aiguebelle à Argentil il n'y a guère que pour une heure de marche, à peu près 4 milles romains. L'armée carthaginoise n'aura donc fait qu'une trentaine de stades dans cette troisième journée, ce qui s'explique par les retards qu'elle éprouva nécessairement au passage du défilé. Du reste, on pourrait encore, si l’on veut, la faire camper une lieue plus loin dans cette large vallée où se trouve le petit hameau d’Eypierre. Suite du récit. Prise de la ville des Allobroges. II. Pendant qu'elle s'établissait dans ses retranchements, Annibal, d'après Polybe[14], réunissant les hommes qui lui parurent le moins fatigués du combat, marcha contre la ville d’où les ennemis étaient venus l'attaquer. Il la trouva presque déserte, s'en empara, et fit un assez riche butin en bestiaux et provisions diverses qui lui suffirent pour nourrir son armée pendant deux ou trois jours. De ces côtés, entre Argentil et Eypierre, on aperçoit divers chemins qui conduisent aux villages jetés çà et là dans ces montagnes ; la ville prise par Annibal devait être située par là, au milieu des monts qu’on a sur la droite, peut-être du côté où sont aujourd'hui les mines de Saint-Georges-d'Urtières. Quatrième Jour. Station dans la vallée d’Argentil. — Cinquième et Sixième journées. — Epoque choisie par Annibal pour ce passage.De retour de cette expédition, Annibal reste campé durant toute la journée du lendemain, la quatrième depuis son entrée dans les Alpes, dans l’endroit où il s'était établi la veille[15]. Le jour suivant, le cinquième depuis son entrée dans les Alpes, il lève le camp, et se porte en avant. D'après Polybe, avec lequel Tite-Live continue d'être d'accord, il marcha tranquille pendant trois jours, sans éprouver d'obstacles de la part des lieux ni de celle des montagnards encore tout étourdis de leur premier échec. Mais au quatrième jour (le huitième depuis son entrée dans les Alpes), il se vit exposé de nouveau aux plus grands dangers[16]. Avant d'en venir à cette affaire, nous allons continuer de donner le journal de sa marche d'après ce que la nature des lieux et les distances permettent de supposer. Le cinquième jour
depuis son entrée dans les Alpes (le premier
depuis son départ de la vallée d’Argentil
ou d’Eypierre), il aura pu
venir camper dans la plaine de Saint-Jean-de-Maurienne.
D’Eypierre à Saint-Jean-de-Maurienne
on compte trois postes[17], c'est-à-dire 12.000
toises : l'armée aura donc fait dans cette journée environ 128 stades ou 16 milles
romains, et 4 milles de plus si l'on veut fixer son troisième campement à Argentil.
Saint-Jean-de-Maurienne, dit M. Albanis-Beaumont[18], est situé au sommet d’un charmant bassin dont le sol forme
une espèce de glacis couvert de la plus agréable végétation. Toute la
partie de cette vallée, qui s'étend jusqu'à la petite rivière d'Arvan, est fort large et bien cultivée. Elle produit
du grain et offre de belles prairies couvertes de noyers, pommiers et autres
arbres fruitiers. Je m'y trouvai deux ou trois jours avant Le sixième jour, il put venir camper dans les vallons qui s'étendent depuis le bourg de Saint-Michel jusqu'au petit hameau de Lasaussaye et au-delà. On se trouve là, dit M. de Saussure, dans une petite plaine riante, couverte de prairies et de beaux vergers, au milieu desquels est le village de Saint-Michel[19]. De Saint-Jean-de-Maurienne à Saint-Michel, on compte deux postes, c'est-à-dire 8.000 toises qui donnent à peu près 84 stades ou 10 milles romains ; de Saint-Michel à Lasaussaye, il y a à peu près pour un quart d'heure de marche. L'armée carthaginoise n'aurait donc fait en cette journée que 92 stades environ, ou 11 mille romains, et Annibal se serait arrêté là, y trouvant un lieu favorable pour faire camper son armée ' ce qu'il n'aurait pu rencontrer en passant plus loin. Suite du récit. Septième journée. Les barbares viennent au-devant d’Annibal. III. Le septième jour, eut lieu la rencontre suivante, rap- [Manque la page 106 du livre] lui remit les otages, on le fournit de bestiaux, et on s'abandonna entièrement à lui, sans précaution, sans aucune marque de méfiance. De son côté, il se livra tellement à leur bonne foi apparente, qu'il les prit pour 'guides dans les défilés qu'il avait encore à franchir. Ils marchèrent ainsi en tête de l'armée pendant deux jours... c'est-à-dire pendant le septième et le huitième depuis l’entrée d'Annibal dans les Alpes, supposé qu'ils soient venus à sa rencontre au commencement de la septième journée. Au bout de ce septième jour, l'armée des Carthaginois, accompagné de ces Barbares, aura pu camper dans la vallée qui conduit de Modane à Villaraudin : elle est assez large, et l'on trouve encore des prairies, des pâturages et des champs qui produisent du bled et du seigle. La distance de Saint-Michel à Modane, étant de deux postes et demie, et d'une poste de Modane à Villaraudin[20], l'armée aurait fait dans cette journée à peu près trois postes et demie, ou 14.000 toises ; c'est-à-dire environ 18 milles, ou 144 stades. Suite du récit. Huitième journée. L'armée attaquée au Défilé du λευκόπετρον. IV. Le huitième
jour, c'est-à-dire le quatrième depuis le départ de Saint-Jean-de-Maurienne,
l'armée se sera trouvée dans les circonstances critiques exposées par Polybe,
dont nous reprenons le récit : Les Gaulois qui
étaient venus à la rencontre d'Annibal, marchèrent en tête de l’armée pendant
deux jours : mais les barbares dont nous avons déjà parlé plus haut, s'étant
ralliés, se mirent à la poursuite de l'armée carthaginoise, et vinrent fondre
sur elle au moment où elle traversait une gorge étroite et profonde, d'un
accès difficile et bordée de précipices. Toute l'armée eût péri dans cette
occasion, si le général carthaginois, à qui il était resté quelque méfiance,
et qui en conséquence avait pris ses précautions, n'eût mis en tête les bagages
avec la cavalerie, et l'infanterie à l'arrière-garde. Ce fut elle qui soutint
le choc, et qui empêcha que la perte ne fut aussi considérable qu'elle aurait
pu l'être. Néanmoins, malgré cette défense, il périt en cet endroit grand
nombre de chevaux et de bêtes de charge. En effet, les Barbares avançant sur
les hauteurs à mesure que les Carthaginois avançaient dans le bas, et de-là
faisant rouler ou lançant d'énormes pierres, répandirent tant de terreur et
de désordre dans l'armée qu'Annibal fut obligé de se tenir toute la nuit, avec
la moitié de ses troupes, sur un certain rocker blanc d'où il put en sûreté
protéger le passage de sa cavalerie et de ses bêtes de somme ; encore cette
nuit suffit-elle à peine pour les tirer de ce mauvais pas. Da véritable sens du mot λευκόπετρον. Réfutation de l’opinion de M. Letronne.Il s'agit maintenant de chercher quel peut être le défilé où se passa cette affaire. Polybe, après l'avoir décrit, ajoute une circonstance qui a paru décisive au général Melville et à M. Deluc, c'est qu'Annibal fut obligé de se tenir toute la nuit avec la moitié de ses troupes sur un certain rocker blanc qui lui présentait une position forte et sûre, d'où il pouvait protéger le passage de sa cavalerie et de ses bêtes de somme. L'interprétation du général Melville paraît si simple, elle sort si naturellement de la décomposition du mot essentiel λευκόν-πέτρον, que nous n'aurions jamais cru avoir ici une question à débattre, si M. Letronne n’avait élevé à ce sujet des difficultés que M. Deluc a laissées sans réponse. Attaquant le sens donné à ce mot par le général Melville : Assurément, dit M. Letronne, il n'existe pas de passage des Alpes où l'on ne trouvât quelque roche blanche, puisqu'il y a du gypse blanchâtre sur tous les cols de la chaîne. Mais d'ailleurs il est fâcheux pour cette découverte du général Melville, que, dans Polybe, le mot λευκόπετρον, qui revient plusieurs fois, soit pris comme le λεωπέτρα des autres auteurs[21], pour λεΐς λίθος, et ne signifie rien autre chose que roche nue, escarpée ; c'est ce qui est prouvé, surtout par un passage du livre X, chap. XXX, § 5, όυα ήν άδύνατος ή δι' άυτών λευκπέτρων άναβολή, c'est-à-dire, δίά τών κρημνών, mots qui se lisent plus haut[22]. Nous pourrions d'abord demander à M. Letronne sur quoi repose la supposition que, dans ce passage de Polybe, le mot λευκόπετρον est pris comme le λεωπέτρα des autres auteurs pour λεΐς λίθος. Existe-t-il quelque manuscrit qui porte λεωπέτρα au lieu de λευκόπετρον ? On n'en cite aucun. Le texte, en lui-même, est donc hors de discussion, et ce n est que sur son sens qu’on en peut établir une. Or, ce n'est pas à nous de prouver que λευκόπετρον signifie rocher blanc, la chose est par trop claire ; mais ce serait à M. Letronne de nous montrer par quelle suite d'idées et de dérivations analogiques on en pourrait venir à donner au mot λευκός le sens de λεΐος ; tant que cela ne sera pas fait, nous sommes en droit de rejeter l'interprétation comme arbitraire. M. Letronne cite bien, à l’appui du sens qu'il donne à ce mot, deux passages, l’un de Diodore, et l'autre de Polybe ; mais je ne doute point qu'en y réfléchissant, le savant académicien ne se fût convaincu que le premier ne prouve rien en faveur de son opinion, et que le second prouve contre. Ainsi, dans le passage de Diodore, cet historien, parlant de la manière dont les Ichthyophages de l'Ethiopie préparent les poissons dont ils se nourrissent, nous dit qu'ils mettent les chairs sur une pierre lisse et polie, sur laquelle ils les battent, les foulent aux pieds, pour ensuite les assaisonner avec des herbes[23]. Or, que conclure de ce passage ? Bien autre chose ce me semble, sinon que le mot de λευπετρία est employé par Diodore, comme il l’est par beaucoup d'autres auteurs, dans un sens qui n'a aucun rapport avec celui de λευκόπετρον : je ne vois pas quelle autre induction l'on en pourrait tirer relativement à l'objet qui nous occupe. Quant à Polybe, voici ce qu'il dit au chapitre XLVIII de
son 10e livre. Il s'agit d'Antiochus traversant les défilés du pays des
Parthes ; il était impossible aux soldats pesamment armés de gravir les
montagnes dont cette contrée est couverte. Mais,
ajoute l'historien, il n'était pas impossible aux
troupes légères de franchir même les rochers blancs. M.
Letronne, adoptant la traduction de Casaubon suivie par M. Schweighæuser,
prend encore ici ce mot de λευκοπέτρων
dans le sens de λευκπέτρων
: mais sans reproduire les observations que nous venons de faire contre ces
sortes de substitutions qui tendraient à donner aux mots un sens absolument
étranger à celui qu’ils offrent par eux-mêmes ; je me bornerai à demander si
l’on peut être satisfait du sens que présenterait la phrase traduite par ces
mots, rochers nus et découverts ; si Polybe, qui veut réellement indiquer un point
déterminé du pays que traverse Antiochus, ne nous donnerait pas là une
désignation qui, par sa généralité même, n'indique rien, ne caractérise rien
; enfin, s'il n'est pas plus que probable que, parlant d'une chaîne de
montagnes ou de rochers connus sous cette dénomination de Λευκόπετρα,
les rochers blancs, et qui peut-être
passaient pour être d'un accès difficile, il les désigne par le nom spécial
sous lequel on les désignait ordinairement ? £n consultant les géographes, je
trouve cette conjecture déjà si naturelle et si conforme au texte littéral,
confirmée par Ortelius qui traduit ce mot par Albi
montes, et le considère comme le nom propre de la chaîne de
montagnes qui séparent Quant à l'assertion, qu'il n'existe point de passage dans les Alpes où l’on ne trouvât quelque roche blanche, puisqu'il y a du gypse blanchâtre sur tous les cols de la chaîne ; elle est, je crois, fort hasardée. J'avoue pour mon compte que, sur les points que j'ai parcourue en traversant soit le Simplon, soit le Grand Saint-Bernard, soit le mont Genèvre, je n'ai remarqué nulle part de montagne de gypse, dont la blancheur fût sensible. Il me semble que M. de Saussure[29] et M. Albanis Beaumont[30] n'auraient pas décrit avec tant de soin celles qui se rencontrent sur la route de Saint-Jean-de-Maurienne au mont Cenis, si ces montagnes étaient aussi communes que le prétend M. Letronne. M. de Saussure, par exemple, ne dirait pas dans le chap. X, intitulé : Coup d'œil général sur cette partie des Alpes : Le mont Cenis présente quelques singularités que je ne dois pas omettre de faire remarquer dans ce résumé. D'abord ce grand amas de gypse du côté de la Savoie[31], etc. Mais si l'on ne trouve pas partout des rochers blancs y on trouve partout des rochers nus et découverts, nudas et calvas rupes, comme traduisent Casaubon et M. Schweighæuser ; et ce serait en donnant au mot grec ce sens adopté par M. Letronne, que Polybe, qui veut ici déterminer le lieu où se passe l'affaire qu'il raconte, ne déterminerait rien par le vague même et la généralité des expressions dont il se servirait. D'un autre mot mal interprété.M. Deluc, avec qui nous sommes d'accord sur le sens du mot λευκοπέτρων, ne l'est pas avec nous sur celui du mot περί que nous traduisons par sur avec dom Thuillier, Folard, Casaubon et M. Schweighæuser qui supposent, comme nous le faisons, que le général carthaginois se porta sur ce rocher. M. Deluc traduit, près d'un certain rocher blanc, dans le voisinage d'un certain rocher blanc[32]. Plus tard nous verrons les raisons locales qui, dans son système, le forcent de traduire ainsi. Dans le nôtre chacune de ces deux traductions peut se concilier avec la nature des lieux ; et, si nous avons préféré la première, c'est qu’elle est plus en rapport avec les autres mots de la phrase et le but qu'Annibal se proposait en prenant cette position. Ainsi, par exemple, le mot όχυρόν ne signifiera plus rien si l'on se borne à supposer que le général se soit placé dans le voisinage de ce rocher, tandis que dans notre sens on conçoit que ce rocher devenait pour lui une position forte d'où il pouvait protéger son armée, sans craindre d'être lui-même surpris par l'ennemi. Le chevalier de Folard remarque à ce sujet que, dans les guerres de montagnes, on doit songer avant tout à se saisir des hauteurs qui dominent la marche[33] ; et Végèce avait déjà dit, longtemps auparavant : In montibus altiora loca prœmissis sunt præsidiis occupanda, ut cum hostis advenerit reperiatur inferior, nec audeat obviare, cum tam a fronte quam supra caput cernat armatos[34]. Une seule considération qui aurait pu nous engager à adopter la traduction de M. Deluc, ce serait le cas où la proposition περί, dans le sens où nous la prenons, n'aurait pu se construire avec l'accusatif. Mais nous en trouvons tant d'exemples, et dans ce même livre de Polybe[35], qu'il faut encore compter celte preuve grammaticale au nombre de toutes celles que les circonstances de la narration fournissent en notre faveur. Détermination du lieu de la scène décrite par Polybe.Ces principes une fois posés, et le sens de la phrase bien établi, il reste à chercher sur notre route à partir de Villaraudin, ce certain rocher, appelé le rocher blanc, sur lequel Annibal passa cette nuit qui faillit être si fatale à son armée. Pour n'omettre aucune des indications qui peuvent aider à le reconnaître, rappelons-nous en même temps qu'il dominait une gorge étroite et profonde, d’un accès difficile et bordée de précipices ; que le général se porta sur ce rocher avec la moitié de ses troupes, probablement avec ses archers et ses frondeurs qui devaient déloger à coups de flèches et de pierres les barbares maîtres des hauteurs opposées, lorsqu'ils se montraient pour inquiéter l'armée dans sa marche. C'est ainsi que, dans une autre expédition décrite également par Polybe, nous voyons Antiochus se servir des mêmes moyens pour débusquer les Parthes des hauteurs qui dominaient les défilés qu'il traversait[36] ; cette dernière circonstance suppose encore, qu'en cet endroit, la vallée devait avoir peu de largeur, sans quoi les archers carthaginois n'eussent pu atteindre les Barbares qui se trouvaient de l'autre côté. Sous ces conditions, si nous pouvons montrer la réunion de tant de circonstances remarquables sur l'un des points de la vallée où nous avons cru jusqu'ici reconnaître la trace d'Annibal, n'aurons-nous pas désormais la certitude de ne nous être pas égarés ? Or, il est impossible de n'être pas frappé de l'identité
des lieux, lorsqu'après avoir passé Braman
et Thermignon, l'on arrive au défilé
que l'on traverse à trois-quarts d'heure de marche de ce dernier village, une
demi-lieue en avant de Lans-le-Bourg. Les divers détails de localités,
fournie par l'historien, se trouvent rassemblés de manière à ne laisser aucun
doute. La vallée se resserrant en cet endroit y forme une gorge étroite et
profonde ; le chemin s'y trouve bordé sur la droite par le précipice, au fond
duquel coule le torrent de l’Arc ; sur la gauche, par d'énormes rochers nus et arides, souvent escarpés
et roides, d'où les Barbares pouvaient écraser les Carthaginois obligés de
passer immédiatement au-dessous. A droite de la route, et de l'autre côté de l’Arc,
se voit le λευκόπετρον,
que j'entendis encore appeler, par les habitants du pays, le rocher blanc, ou le plan de roche blanche,
quoique son véritable nom soit le rocher du plan
de Témoignages de Saussure et de M. Albanis-Beaumont.Comme dans ces sortes de questions les faits sont des
preuves, quelque connus que soient les lieux, quelque soin que j'aie pris
pour ne rien insérer dans ma description qui ne fût le résultat d'une exacte
et scrupuleuse observation, je crois ne pouvoir mieux faire que d'invoquer à
l'appui de mes assertions l'autorité des deux savants géologues que j'ai déjà
tant de fois cités, et qui certes ne pourraient être soupçonnés d'avoir
supposé des circonstances propres à favoriser un système quelconque. Ecoutons
d'abord M. de Saussure : En approchant de
Lans-le-Bourg, on retrouve encore des rocs calcaires micacés, et ensuite le
chemin coupe une colline entièrement composée de débris angulaires,
faiblement agglutinés entre eux et disposés par couches horizontales. Vis-à-vis
de cet endroit, de l'autre côté de l'Arc, on voit des gypses blancs. Au
reste, je n'ai point noté toutes les montagnes de ce genre de pierre que l'on
rencontre sur cette route ; elles y sont trop fréquemment répétées[37]. Voici
maintenant ce que dit M. Albanis Beaumont : En
sortant de Thermignon, l'on continue à gravir une rampe assez rapide, mais le
chemin est beau, il serpente sur les flancs d'une espèce de terre-plein,
très-élevé, d'où l'on a une vue fort étendue sur la vallée d'Arc Le chemin
prend ensuite une direction à l'est, et la vallée se rétrécit de nouveau :
l’on côtoie la base d'un rocher calcaire très-élevé, de l'espèce du micacé, dont
les couches sont très-inclinées, quelques-unes sont même verticales et unies
à des filons argileux et fissiles. Les montagnes qui bordent la rive gauche
de l’Arc continuent d'être un mélange de schiste, de gypse et de palœopêtre[38]. M. de Saussure
vient aussi d'observer que les montagnes de gypse sont très-fréquentes sur cette route ; ainsi on en voit une assez
remarquable un quart d'heure avant d'entrer à Thermignon,
près le petit hameau de Salières ; une autre encore entre Braman et Ossois,
à un quart d'heure de ce dernier village. Je les avais notées avec soin, et
ce n'est qu'après avoir reconnu que, sous d'autres rapports, la nature des
lieux ne conviendrait point aux autres circonstances delà narration, que je
me suis décidé pour le lieu auquel j'ai rapporté la scène en question. Suite, du récit. Neuvième journée. L’armée monte le Cenis et arrive au sommet du passage. — La montée facile. V. Après avoir dit qu'Annibal employa toute la nuit à faire défiler son armée, Polybe ajoute : Le lendemain l'ennemi s'étant retiré, et Annibal ayant rejoint sa cavalerie et ses bêtes de charge, il poussa en avant, et s'avança vers la cime des Alpes. Dans cette marche, les Barbares ne vinrent plus l'attaquer en masse, mais seulement par petits détachements, et dans les endroits avantageux. Ils se jetaient, suivant l’occasion, tantôt sur les soldats qui marchaient en tête, tantôt sur les traîneurs, et trouvaient toujours moyen d'enlever quelques bagages. Dans cette circonstance les éléphants furent d'un grand secours, car partout où ils paraissaient, l'ennemi n'osait approcher, frappé d'étonnement à la vue de ces animaux. Le neuvième jour, Annibal atteignit le sommet[39]. Ainsi, le huitième jour, l'armée carthaginoise étant venue des environs de Villaraudin au défilé ou elle fut attaquée, un peu en avant de Lans-le-Bourg, aura fait à-peu-près six lieues de poste, c'est-à-dire environ cent vingt-huit milles romains ; car on compte trois postes, c'est-à-dire douze mille toises, de Villaraudin à Lans-le-Bourg. Le neuvième jour,
au sortir du défilé, elle se sera trouvée bientôt à Lans-le-Bourg, et prenant aussitôt la montée du
Cenis, elle aura pu facilement arriver au sommet vers le milieu de la
journée. Polybe et Tite-Live toujours d'accord, n'entrent ici dans aucun
détail particulier. Ils ne disent point que la montée ait offert aucun
danger, aucun obstacle aux Carthaginois ; ils se bornent à ces mots : le neuvième jour on parvint au sommet des Alpes
: nono die in jugum Alpium perventum est.
En effet, la montée du Cenis, du côté de Evaluation des distances.Quant à la distance qu'elle parcourut en cette journée, il
serait assez difficile de l'évaluer avec précision, en ce qu'elle dépendra
des circuits plus ou moins longs qu’elle dut faire pour tourner la montagne,
et la gravir de cette manière sur une pente moins rapide. C'est ainsi que
nous voyons le livre de postes pour l'année 1802, ne compter pour cette route
qu'une poste et demie de Lans-le-Bourg
aux Tavernettes, petit hameau situé au
sommet du mont Cenis, tandis que le livre de postes de 1814 en compte trois,
en mesurant les distances sur la nouvelle route construite dans l’intervalle
par Napoléon[40].
Voici ces distances évaluées en heures de marche par M. Albanis Beaumont : En sortant de Lans-le-Bourg,
et après avoir traversé l’Arc, on commence presque aussitôt à gravir sur une
des premières bases du mont Cenis, autrefois par un chemin très-pierreux et
très-rapide, mais maintenant très-large, très-uni, et praticable aux voitures.
Après deux heures et demie de montée, dont la descente se fait ordinairement
en vingt minutes, lorsqu'il y a de la neige et que l’on peut se servir de
traîneaux, on passe à côté de deux ou trois misérables chalets nommés Suite du récit. Dixième et onzième journées. Station sur le plateau du mont Cenis. VI. Annibal ayant atteint au neuvième jour le sommet de la montagne, y dressa son camp, et s'y arrêta pendant deux jours, voulant donner du repos à ceux de ses soldats qui étaient arrivés sains et saufs, et laisser aux traîneurs le temps de rejoindre l'armée. Pendant ce séjour on eut l'agréable surprise de voir reparaître un grand nombre de chevaux que la frayeur avait dispersés, de bêtes de charge qui s'étaient débarrassées de leur fardeaux, et qui, sur les traces de l'armée, étaient venues droit au camp. Il y avait déjà beaucoup de neige sur les sommets des montagnes, car c'était le temps du coucher des Pléiades : Annibal remarquant l’abattement de la plupart de ses soldats, découragés par le souvenir des maux déjà soufferts et par l’idée de ceux qui les attendaient, les rassemble pour les haranguer, profitant, pour ranimer leurs espérances, d'une unique et dernière ressource, le spectacle de l'Italie qui s'offrait à leurs regards. Ce pays, en effet, est situé au pied de ces montagnes de manière que, pour le spectateur, embrassant l'ensemble du tableau, les Alpes paraissent être comme la forteresse de toute l'Italie. Leur montrant donc les plaines qui bordent le Pô, leur rappelant la bonne disposition des Gaulois qui habitent ces contrées, leur indiquant même du doigt où Rome était située, il releva jusqu'à un certain point leur courage[43]. Nous avons à fixer ici deux faits importants sur lesquels Polybe et Tite-Live sont d'accord, et qui vont jeter un nouveau jour sur tout notre itinéraire. Il s'agit du campement de l'armée au sommet de la montagne, et de la vue des plaines arrosées par le Pô. Description de ce plateau : possibilité d’y camper. Exactitude de Polybe.Pour ce qui regarde le premier fait, examinons si, au
sommet du mont Cenis, la nature des lieux se prête à ce qu'une armée puisse y
camper : voici la description qu'en donne M. de Saussure : Du chalet de Il semble donc que, sous tous les rapports, il était impossible
à Annibal de trouver à cette hauteur un lieu plus favorable à un campement.
M. de Saussure ne donne à cette plaine qu'une lieue et demie de longueur ;
mais il faut observer qu'il compte en lieues de pays, valant près de deux
lieues de poste. C'est ainsi qu'il n'en compte que trente-quatre de
Montmélian à Turin, tandis que notre livre de postes en donne cinquante-six
et demie par l'ancienne route, et soixante-deux et demie par la nouvelle. M. Albanis-Beaumont
dit aussi, page 646, que l’étendue de la plaine du mont Cenis est d'environ
deux lieues ; mais ses lieues, quoique plus courtes que celles de M. de
Saussure, sont bien plus longues que les nôtres, puisqu'il adopte la mesure
de deux lieues au myriamètre, comme on peut le conclure de quelques passages
de son ouvrage[45].
Lorsque je passai le mont Cenis, je mis près de deux heures à traverser cette
plaine depuis l'auberge de Polybe ajoute qu'il y avait beaucoup de neige sur les sommets
des montagnes, vu que c'était le temps du coucher des Pléiades[47]. M. Deluc, page
155, dit que l’astronome Maskelyne, consulté par le général Melville sur ce
sujet, fixa le coucher des Pléiades du temps de Polybe au 26 octobre. Je
traversai le mont Cenis le 28 du même mois, en 1822, tout le plateau supérieur,
et même bien au-dessous, la plaine Saint-Nicolas
jusques dans les environs de Annibal montre à ses soldats les plaines qu'arrose le Pô. Exactitude rigoureuse de ce fait témoigné par Polybe et Tite-Live. Réfutation du sens de M. Deluc.Passons maintenant au second fait, et examinons si de
quelqu'un des points de la montagne, Annibal aura pu montrer à ses soldats
les plaines qu'arrose le Pô. M. Deluc prétend que les
expressions de Polybe ne doivent point être prises à la lettre
;... qu'il suffisait qu'Annibal fit voir à ses
soldats les vallées inférieures par lesquelles ils devaient descendre en
Italie. Mais c'est là une supposition tout-à-fait gratuite : le
texte de Polybe est formel, et se trouve formellement confirmé par Tite-Live
; il considère la vue des plaines du Pô, du sommet de la montagne, où il a
conduit Annibal, comme un fait connu qu'il semble avoir constaté par
lui-même, lorsqu'il fut sur les lieux. Les expressions même dont il se sert
ne laissent aucun doute : Annibal profita de l’occasion
que lui présente la vue claire et manifeste de l’Italie[48] ; il leur montre du doigt les plaines qui bordent le Pô
; tandis qu'en parlant de Rome, qu’ils ne pouvaient voir, il se sert de
l'expression ύποδεικνύων
Ρώμης άντής
τόπον, il leur indique la place ou elle est
située. Tite-Live n'est pas moins décisif, Italiam
ostentam, subjectosque Alpinis montibus circumpadanos campos. Quant à ce qu’ajoute M. Deluc, que du passage du mont
Cenis on ne peut voir ni les plaines du Piémont, ni celles de Quel est le point du mont Cenis d’où Annibal montra l’Italie à son armée ? — Cette vue serait impossible d'après les autres systèmes.J'avais d'abord cru le reconnaître sur un des points de la
nouvelle route du mont Cenis, dont parle lady Morgan. En doublant, dit-elle, un promontoire
d'une projection hardie, les brillantes plaines de l'Italie sont révélées[49]. Voulant m'en
assumer, j'étais parti de Suse avant le jour, afin de me trouver sur la
montagne au lever du soleil. Après avoir monté pendant plus d'une heure,
j'avais à peine passé les dernières maisons du petit hameau de Jaillon,
qu'en me retournant j'aperçus en plein la vallée de Suse, et dans le fond, à
une distance très-considérable, un horizon rougeâtre et des vapeurs
enflammées circulant sur un espace trop étendu pour qu'il fût possible de n'y
voir qu'une prolongation de la vallée. En continuant de monter, je ne tardai
pas à voir lever le soleil et à discerner clairement la campagne de Turin, et
même au-delà l'élégante basilique de Superga, dominant la plaine et resplendissante
de lumière sur le dernier plan de ce merveilleux paysage. J'eus encore plus
haut, et à diverses reprises, la même vue, et je ne la perdis entièrement
qu'au moment d'atteindre les premières maisons du petit hameau de Saint-Martin.
Ici la route s'avançant en saillie et comme suspendue au-dessus de la
profonde vallée de Suite du récit. Descente. Le chemin intercepté par une avalanche. Douzième journée. VII. Le lendemain (c'est-à-dire le douzième
jour depuis son entrée dans les Alpes), Annibal lève le camp, et commence à descendre. Excepté
quelques pillards qui venaient furtivement attaquer ses bagages, il n'eut
point ici d'ennemis à repousser. Mais les difficultés des lieux et les
neiges, lui firent perdre presque autant de monde qu'il en avait déjà perdu
dans le trajet de ces montagnes[51]. En effet, la descente étant rapide, et le chemin étroit et
couvert de neige, pour peu que l’on s'en écartât, ou que le pied vînt à
manquer, l'on était entraîné dans des précipices. Cependant le soldat
accoutumé à ces sortes d’accidents, ne se laissait pas décourager. Mais
bientôt on arriva à un certain endroit où il n'était plus possible ni aux éléphants
ni aux bêtes de charge d'avancer davantage, le chemin se trouvant trop étroit
par suite d'un éboulement de terres survenu récemment, » et qui avait encore
augmenté la roideur de la montagne, présentant déjà auparavant un escarpement
de près de trois demi-stades. Ce fut alors que le découragement et la
consternation se répandirent de nouveau dans l’armée. La première pensée du
général carthaginois fut d'éviter ce mauvais pas par quelque détour ; mais la
neige rendant cette tentative également impraticable, il fut obligé d'y
renoncer. En effet, il avait rencontré dans ce détour un obstacle particulier
et extraordinaire. Sur l'ancienne neige de l'hiver précédent, il en était
tombé récemment de nouvelle. Celle-ci, molle et peu profonde, se laissait
aisément pénétrer ; mais lorsqu'elle eut été foulée et que l’on marcha sur
celle de dessous, qui était ferme et compacte, les pieds ne pouvant plus y
enfoncer, les soldats chancelaient, et faisaient presque autant de chutes que
de pas, comme il arrive lorsque l'on marche sur un terrain boueux et glissant.
Cet accident en attirait d'autres plus fâcheux encore : car, ne pouvant plus
pénétrer la neige inférieure, s'ils venaient à tomber, et qu'ils voulussent
s'aider de leurs genoux ou s'accrocher à quelque objet pour se relever, ils
glissaient encore plus, entraînant avec eux sur cette petite rapide tout ce qui
leur servait à se retenir. Quant aux bêtes de charge, la vieille neige ne
leur résistait pas ; partout où elles tombaient, elles brisaient la glace par
les efforts mêmes qu'elles faisaient pour se relever : mais ensuite elles restaient
là comme gelées elles-mêmes avec leurs fardeaux, retenues par leur poids et
par la glace où leurs pieds se trouvaient pris. Annibal renonçant donc à l'espérance
de se frayer un passage de ce côté, campa à l'entrée du chemin dégradé[52], après avoir fait enlever la neige qui couvrait la place.
Toute l’armée s'étant ensuite mise à l’ouvrage pour reconstruire le chemin le
long du précipice, on parvint, à force de bras, à pratiquer un chemin assez
bon pour les chevaux et les bêtes de charge. Le général les fit passer
d'abord, et dressant de nouveau son camp dans les endroits où la neige
n'était pas encore tombée, il les envoya aussitôt dans les pâturages. Il fit
aussi travailler les Numides, par bandes, à affermir le chemin pour que les éléphants
pussent y passer. Après bien des fatigues, il ne réussit qu'à peine, au
troisième jour, à les faire descendre. La faim avait réduit ces animaux dans
l'état le plus déplorable ; car, si le penchant des Alpes présente des deux
côtés des arbres, des forêts et des habitations, il n'en est pas de même de
la cime et des lieux qui en sont voisins : ils sont tous entièrement nus et
sans arbres, la neige y restant constamment, été comme hiver. Annibal descendit enfin lui-même
avec le gros de l'armée, et ayant achevé, au troisième jour seulement, le
passage des précipices dont nous venons de parler, il atteignit le plat pays.
Cette armée se trouvait bien réduite par tout ce qu'elle avait eu à souffrir dans
sa marche, des attaques de l’ennemi et au passage des rivières : mais c'était
surtout en traversant les défilés, les précipices des Alpes, qu'elle avait
fait ses plus grande pertes en hommes et principalement en chevaux et en
bêtes de charge. Enfin, ayant achevé sa marche depuis Carthagène en cinq mois,
et le passage des Alpes en quinze jours, Annibal s'avança vers les plaines du
Pô et le pays des Insubres, sans avoir rien perdu de son audace. Et cependant
il ne lui restait plus de ses troupes africaines que douze mille fantassins,
huit mille environ de ses troupes espagnoles, et six mille chevaux, comme il
le déclare lui-même dans une inscription concernant son armée, qu'il laissa
gravée sur une colonne à Lacinium....
Arrivé en Italie avec les forces dont nous venons de
parler, il campa au pied même des Alpes, pour donner à ses troupes le temps
de se remettre de leurs fatigues[53]. Etrange circonstance ajoutée par Tite-Live.Tel est, dans Polybe, le récit exact des derniers
incidents de la marche d'Annibal à travers les Alpes ; la narration de
Tite-Live n'est en général qu’une élégante répétition des mêmes détails, sauf
une addition assez extraordinaire pour qu'elle exige que nous nous arrêtions
à l'examiner. Après avoir parlé de la rencontre de ce rocher escarpé qui
empêchait l'armée d'avancer, il ajoute : Comme il
était nécessaire de rompre le rocher pour s'y frayer un chemin, les soldats
abattirent dans les environs, des arbres énormes qu'ils taillèrent, et après
en avoir fait un immense bûcher, ils y mirent
le feu. Dans cet instant il s'éleva un vent violent qui accéléra l’embrasement.
Quand les rochers furent ardents, ils les rendirent friables en y versant du
vinaigre. Le roc se trouvant ainsi calciné par l'action du feu, ils
l’entrouvrirent avec le fer, adoucissant la roideur de la pente par de courts
zigzags, jusqu'à ce qu'enfin on put faire passer non seulement les bêtes de
somme, mais encore les éléphants[54]. Nous conviendrons d'abord qu'il peut y avoir un fond de vérité dans cette circonstance du récit de Tite-Live. Appien fait mention de ce rocher dans lequel Annibal fit pratiquer un chemin qui s'appelle encore, nous dit-il, le Passage d'Annibal[55], et quoique Polybe ne semble parler que d'un simple éboulement de terres, il pourrait se faire que des débris de rochers eussent été entraînés dans cette espèce d'avalanche, et fussent venus dégrader le chemin et fermer le passage. Nous conviendrons encore que l’action du feu et du vinaigre peut calciner toute roche qui n'est pas primitive[56] ; les rochers qui dominent le passage où nous montrerons qu'Annibal fut arrêté, sont précisément dans ce cas, étant des rocs calcaires, dont la pierre fait effervescence avec les acides[57]. Mais nous n'en croirons pas moins qu'il y a de l'exagération dans les détails donnés par Tite-Live, et que le fait n'est pas présenté de manière à nous en donner une idée bien nette et à nous inspirer une entière confiance. Nous pensons à cet égard comme M. Deluc, et nous ne pouvons rien faire de mieux que de reproduire ici ses observations. Pour amollir le rocher,
dit-il, et pour y couper le chemin avec plus de
facilité, on accumula un tas énorme d'arbres monstrueux auxquels on mit le
feu. Il se présente ici une difficulté, c'est de savoir dans quelle partie de
l’escarpement on put placer cet énorme bûcher, qui devait former un carré de
cinquante pieds au moins ; car ces arbres monstrueux ne pouvant être que des
sapins, devaient avoir cette longueur, et en les rangeant en tas pour y
mettre le feu, il fallut les croiser les uns sur les autres pour laisser
entr'eux les jours suffisants. Où trouver un espace horizontal de cette
grandeur contre une face de rochers à pic ? Ce bûcher ne put donc s'entasser
que sur le sommet du précipice ou à son pied. Dans le premier cas, le rocher
seul sur lequel aurait reposé le brasier aurait pu être rougi ou rendu ardent
à une profondeur de quelques pouces, ou, si l’on veut, d'un pied. Dans le
second cas, il n'y aurait eu que les colonnes de flamme qui auraient pu
toucher l’escarpement, et comme cet escarpement ne peut pas se considérer
comme un mur vertical, puisqu'un soldat avait pu descendre en se tenant avec
les mains aux souches qui croissaient à l'entour, les flammes n'auraient pas
même touché la face du rocher. Le brasier, ou les flammes, ne purent donc produire
aucun effet sur l'escarpement, de quelque manière que l'on conçoive que le
bûcher fût placé. Le moyen supposé par Tite-Live pour réparer le chemin est
donc purement imaginaire.... Quant au
vinaigre, je demande à ceux qui ont visité les montagnes, s'il fallait tracer
un chemin avec plusieurs tournants contre la face escarpée d'un rocher de
mille pieds de hauteur, ce qui occuperait une largeur de quelques centaines
de pieds ; je leur demande, dis-je, si tout le vinaigre que l’on pourrait
rassembler à plusieurs lieues à la ronde, dans un pays très-peuplé, suffirait
pour mouiller une surface de rochers aussi étendue, et pour la pénétrer à une
profondeur de plusieurs pieds, de manière à pouvoir y tailler un chemin assez
large pour que les éléphants pussent y descendre. Or, une armée qui avait
perdu presque tous ses bagages par deux attaques différentes des habitants,
dans lesquelles elle avait couru risque d'être elle-même détruite en entier,
pouvait-elle avoir conservé une quantité de vinaigre bien considérable, en
supposant que ce fut la boisson ordinaire du soldat, ce que l’on ignore ? Des
soldats qui traversent des montagnes, où ils trouvent de l’eau en abondance
pour boire, et rien à manger, ne se chargeraient-ils pas plutôt de provisions
que de vinaigre ?.... D'ailleurs quand l'armée
entière aurait été chargée de vinaigre, ce vinaigre aurait été parfaitement
inutile, parce que le brasier, ou les flammes, de quelque manière que les
arbres fussent placés, ne pouvaient atteindre l'escarpement ; et le vinaigre
ou l'eau n'a d'effet sur la pierre calcaire, pour la rendre friable, que
lorsque celle-ci est incandescente[58]. Toutes ces
objections de M. Deluc sont évidentes, et nous pouvons en conclure que si l'incident
ajouté par Tite-Live n'est pas une fable, c'est du moins un fait présenté
avec des circonstances merveilleuses, qui ne font que compliquer et
embrouiller ce qui est si simple et si clair dans
Polybe. Ainsi, pour nous en tenir à
cet historien, nous ne verrons avec lui, dans cet éboulement de terres qui
avait dégradé le chemin et augmenté l’escarpement de la montagne, qu'une de
ces espèces d'avalanches si fréquentes dans les Alpes, et en particulier,
comme nous allons le voir, dans la partie du mont Cenis dont il s'agit. On
peut aussi penser arec M. Deluc que ces arbres coupés, suivant Tite-Live,
furent peut-être employés à reconstruire et affermir le chemin le long du
flanc de la montagne, en rangeant ces troncs d'arbres les uns à côté des
autres, suivant leur longueur, et les soutenant avec d'autres placés par dessous[59], etc. Les trois demi-stades de l’escarpement s'appliquent à la profondeur, non à la longueur du précipice.Quant aux reproches que M. Deluc fait à Tite-Live d'avoir
mal compris Polybe en comptant les mille pieds de l'escarpement en profondeur,
au lieu de les prendre en longueur, et de les appliquer à la partie
interrompue du chemin[60], j'avoue que je
ne vois pas sur quoi il se fonde. Je ne conçois pas même quelles raisons
solides M. Deluc aurait pu donner à l'appui de son opinion, qui aurait pu
être énoncée d'une manière un peu moins abstraite. Serait-ce par hasard que
M. Deluc n'aurait pas retrouvé, à la descente du petit Saint-Bernard, ce
précipice de trois demi-stades de profondeur ? Mais alors il resterait à
savoir si c'est M. Deluc qui a mal rencontré, ou Tite-Live qui a mal compris.
En attendant que ce dernier point soit prouvé, nous nous en tiendrons au sens
qui nous paraît sortir naturellement au texte de Polybe, et à
l'interprétation de Tite-Live, que nous avons le droit de regarder comme
exacte tant qu'on ne nous aura pas démontré le contraire. Elle n’est qu'une
traduction presque littérale du passage grec, si ce n'est que la profondeur
de l'escarpement s'y trouve évaluée en pieds, au lieu de l'être en stades.
Mais ces mille pieds reviennent à peu près aux trois demi-stades au texte ;
en effet, le stade étant égal à Description des lieux à la descente du mont Cenis.Maintenant il faut chercher si là nature des lieux, à la descente du mont Cenis n peut se prêter aux circonstances singulières que nous venons d'exposer. Au sortir de la plaine du mont Cenis, après le hameau de En sortant de Nous allons compléter cette description par les
observations de Grosley sur la descente de la montagne. La descente en Italie, dit-il, est telle que Tite-Live la décrit.... Omnis fere via prœceps, angusta, lubrica.... L'Arche que l’on côtoie en montant nous étonnait par la
rapidité de son cours, mais c'est une eau d'étang en comparaison de Applications. Lieu où Annibal fut arrêté.Quand on rapproche de cette description les circonstances
principales de la narration grecque, comment ne pas être frappé de l'identité
des lieux décrits par Grosley et M. Beaumont, avec ceux où se passèrent les
faits retracés par Polybe ? Annibal descend de la plaine où il avait campé,
par un chemin rapide' étroit, bordé de précipices : or, n'est-ce pas là le
chemin qui conduit de Détour qu'il tenta certainement.Polybe ajoute qu'Annibal, ne pouvant passer par le chemin
dégradé, voulut éviter cet endroit périlleux par un détour, et tenter passage
sur un autre point, mais que là encore il fut arrêté par l'incident
extraordinaire qu'il décrit. Or, ce fait ne s'explique-t-il pas de la manière
la plus simple et la plus claire, en supposant qu'Annibal, renonçant à passer
par le chemin éboulé qui se trouvait, comme le chemin actuel, taillé sur le
penchant escarpé de la montagne, sera descendu jusqu'au fond de la gorge où
coule De la neige conservée depuis l’hiver précédent. Explication de ce fait.M. Deluc, insistant beaucoup sur ce point dont il pense tirer un grand parti en faveur de son hypothèse du passage d'Annibal par le petit Saint-Bernard[66], il convient que nous nous y arrêtions pour l’examiner. Nous pourrions déjà remarquer avec M. Letronne[67], que ce fait si
difficile à expliquer' suivant M. Deluc, pourrait fort bien se réduire à un
fait très-naturel, c'est-à-dire à une fausse supposition de Polybe ou des
Carthaginois. En effet, l'armée ayant atteint le sommet du Cenis le 26 octobre,
devait se trouver le 29 devant le défilé dont il s'agit. Or y les neiges
tombent souvent bien avant cette époque sur cette montagne ; du temps
d'Annibal, la température des Alpes étant peut-être plus froide que de nos
jours, les neiges pouvaient y tomber encore plutôt. L'on a observé que celles
qui viennent au commencement de l'automne par un temps doux, se condensent
plus promptement, et se convertissent plus facilement en glace[68]. Pourquoi ne
pourrions-nous donc supposer avec M. Letronne que cette vieille neige, que
les Carthaginois ou Polybe crurent être de l'hiver précédent, était tout
simplement de la neige tombée quelques semaines auparavant[69], et qui avait eu
le temps de prendre beaucoup de consistance par les alternatives des temps
doux de la journée, et des gelées de la nuit ? Mais admettons que cette
supposition si raisonnable soit sans fondement, et examinons le fait dans
l'hypothèse de Polybe. Qu'y voyons-nous ? Que c'était un phénomène accidentel,
singulier, extraordinaire, et non pas propre de ces montagnes,
comme traduit dom Thuillier. On sent qu'il n'y a rien à conclure d'un fait de
cette nature, puisque ce n'était pas un fait habituel et caractéristique du
lieu dont on nous parle, non plus que ce fait cité par M. Deluc : M. de
Saussure, descendant le petit Saint-Bernard le 8 août 1792, vit, en passant
près du village de Douzième journée. Lieu du campement. — Treizième journée. Passage et campement d'une partie de l'armée.Poursuivons notre marche : Annibal, le jour même de sa descente du mont Cenis, le douzième depuis son entrée dans les Alpes, campe dans la plaine Saint-Nicolas, et fait travailler à la reconstruction du chemin. Le treizième jour,
il fait continuer le travail, fait passer les chevaux et les bêtes de charge,
et dressant de nouveau le camp dans les endroits où la neige n'était pas
encore tombée, il les envoie aussitôt dans les pâturages. Voici, d’après M.
de Saussure, la description des lieux depuis Lorsque je passai par là au 28 octobre, la neige n'était
point encore tombée sur ce point de la montagne : je ne commençai à marcher
sur les premières neiges que vers Quatorzième journée. Passage terminé. Campement. Aspect général de la descente du mont Cenis. Le quatorzième jour, les Numides affermirent assez le
chemin pour que les éléphants pussent passer. Ce jour même ils descendirent[80], et Annibal,
avec le reste de son armée, vint rejoindre son avant-garde, campée dans les
environs de Suse. Tite-Live décrit ainsi les lieux : Inferiores valles et apricos quosdam colles habent,
rivosque prope sylvas, et jam humano cultu digniora loca[81]. Il n'était
réellement pas possible de donner une idée plus exacte du pays, depuis Cet historien dit aussi en parlant de la descente de la
montagne : Cæterum iter multo quam in adscensu
fuerat (ut pleraque Alpium ab Italia sicut breviora ita adrectiora sunt),
difficilius fuit[82]. Cherchons dans
M. de Saussure l’application de ce passage. Les
Alpes, du côté de Turin, dit-il, se terminent
d'une manière parfaitement nette et tranchée.... Au contraire, du côté de Quinzième journée. Détermination de la sortie des Alpes.Le quinzième jour, Annibal,
d'après Polybe, s’avança vers les plaines
qu'arrose le Pô. Inde ad planum descensum, dit également
Tite-Live. Suivant donc le cours de Voyons si les lieux nous présenteront ici l'aspect de ce
qu'on peut appeler la sortie des Alpes. Depuis Suse, la vallée se trouve
encore pendant quelque temps resserrée entre les hautes montagnes qui la
bordent des deux côtés ; mais à mesure qu'on s'approche de Saint-Ambroise et
d'Avigliana, les monts s'abaissent et s'éloignent ; la lumière pénètre et se
répand de tous côtés ; l'atmosphère semble se dilater et s'éclaircir, largior hic campos œther....[84] ; on pressent la
plaine, mais on ne l'atteint pas encore j on sent qu'on va sortir des Alpes,
mais on n'en est pas encore sorti. En allant de Saint-Ambroise à Avigliana on
a toujours sur la droite la grosse montagne de Saint-Michel ou monte Picheriano, la dernière, de ce côté, de
la chaîne des Alpes qui confine à cette partie de la plaine du Piémont[85]. Passé
Avigliana, la vallée s'ouvre de plus en plus, mais on. a encore devant soi
sur la gauche la montagne de Musinet, qui s'étend un peu au-delà de Rivoli,
et qui est, comme celle de Saint-Michel, la dernière des Alpes de ce côté du
Piémont[86].
Ce n'est réellement qu'après la descente de la colline de Rivoli qu'on se
trouve tout- à-fait dans la plaine. Nous aurons encore recours au témoignage
de de Saussure : C'est à peu près à Avigliana que se
termine la chaîne des montagnes qui borde le côté méridional de cette vallée
; la chaîne septentrionale de l'autre côté de Fin du récit. Entrée en Italie par le pays des Taurini. VIII. Une dernière circonstance du récit de Polybe va déterminer avec la dernière précision ce point de la sortie des Alpes pour l'armée d'Annibal. Voici le passage de cet auteur : L'armée se trouva bientôt remise et en état d'aller en avant. Les Taurini, peuple situé au pied des Alpes, faisaient alors la guerre aux Insubres, et se méfiaient des Carthaginois. Annibal leur proposa d'abord de faire alliance, et de se joindre à eux contre leurs ennemis ; mais n'ayant pu vaincre leur défiance, il alla camper devant leur ville principale, et après un blocus de trois jours, il l'emporta, fit passer au fil de l'épée tous ceux qui lui avaient été opposés, et répandit par ce terrible début une si grande frayeur parmi les Barbares des pays voisins qu'ils vinrent tous d'eux-mêmes se rendre à discrétion[88]. Témoignage de Tite-Live.Tite-Live rapporte le fait de la même manière, et en tire
la même conclusion. Après avoir dit que l'historien Cincius Alimentus
attestait avoir entendu dire à Annibal qu'il avait perdu trente six mille
hommes depuis le passage du Rhône jusqu'à son arrivée en Italie par le
territoire des Taurini, la première nation qu'on rencontre en quittant Tite-Live reconnaissant donc avec Polybe que les Taurini
furent la première nation qu'Annibal rencontra à sa sortie des Alpes, en
devait conclure nécessairement que ce général traversa cette vallée, qui
débouche sur la plaine de Turin, et qui, de Suse conduisant en ligne directe
à cette ville capitale des Taurini, était par cette raison appelée Saltus Taurinus.
Nous pourrions ajouter que Tite-Live dans une autre partie de son histoire,
racontant l'expédition de Bellovèse en Italie et lui faisant suivre la route
que prit Annibal par le pays des Tricastini, le fait passer également par le
même défilé : ipsi
Taurino saltu invias Alpes transcenderunt[90]. Polybe ne le
dit pas aussi formellement d'Annibal, mais il le donne à entendre d'une
manière non moins claire, non seulement dans le passage que nous venons de
citer, mais dans plusieurs autres, également importants ; par exemple
lorsqu'il dit qu'Annibal avait envoyé depuis l'Espagne,
à différentes reprises, des députés dans Réfutation de l'opinion de M. Deluc sur le passage de Polybe cité par Strabon.Nous pourrions donc déjà regarder la question comme décidée, quand même nous ne connaîtrions pas d'une manière plus directe l'opinion de l'historien grec par un passage que Strabon nous a conservé. Le voici traduit littéralement par M. Letronne ; Polybe ne nomme que quatre passages (des Alpes) ; un par les Liguriens le long de la mer Tyrrhénienne ; un autre par le pays des Taurins, et qu'Annibal traversa ; un autre par celui des Salasses ; le quatrième par les Rhétiens : tous quatre remplis de précipices[94]. Voici le texte : Τέτταρας δ' ὑπερβάσεις ὀνομάζει μόνον· διὰ Λιγύων μὲν τὴν ἔγγιστα τῷ Τυρρηνικῷ πελάγει, εἶτα τὴν διὰ Ταυρίνων, ἣν Ἀννίβας διῆλθεν, εἶτα τὴν διὰ Σαλασσῶν, τετάρτην δὲ τὴν διὰ Ῥαιτῶν, ἁπάσας κρημνώδεις[95]. M. Deluc sentant tout ce qu'il y a de décisif dans ce
passage, qui ruine son système de fond en comble, n'a rien négligé pour en
atténuer la force[96] ; mais M. Letronne
lui a répondu de manière à ne rien laisser à répliquer[97]. Il s'étonne
d'abord que M. Deluc, en rapportant le passage de Strabon, en ait oublié la
circonstance la plus importante, ἣν Ἀννίβας διῆλθεν. M. Deluc prétend qu'ici c'est
Strabon qui parle et non Polybe : c'est Strabon qui saisit cette occasion d'exprimer
son opinion sur le lieu du passage d'Annibal. M. Letronne répond que c'est là une supposition tout-à-fait gratuite ; qu'on
pourrait dire aussi par la même raison que ces deux autres circonstances, qui
suit la mer Tyrrhénienne, et tous quatre remplis de précipices, n'appartiennent
pas non plus à Polybe, en sorte que le texte de l'historien se trouverait
réduit à l'indication sèche des quatre cols des Alpes, supposition d'autant moins
vraisemblable, que comme Strabon extrait ce texte d'un ouvrage bien plus
détaillé que le sien il n'est pas à présumer qu'il y ait ajouté une
circonstance nouvelle..... Mais quand cette
supposition serait fondée, ajoute le savant académicien, quand il serait certain que la circonstance du passage
d'Annibal est une addition faite par Strabon, qu'est-ce que cela prouverait
encore ? Car Strabon, qui n'a jamais vu les Alpes, qui n'a pu recueillir, sur
les lieux, de ces traditions vagues que les peuples aiment à entretenir, n'a
dû avoir à cet égard que les notions puisées dans les auteurs qu'il avait
sous les yeux. Or quels sont les auteurs qu'il cite sur les Alpes ? Il n'y en
a qu'un seul, et cet auteur, c'est Polybe : la géographie de cet historien,
ou plutôt la partie de son histoire qui traite de la géographie était donc la
source unique où il puisait ce qu'il rapporte des Alpes. Si c'est lui qui a
ajouté » la circonstance du passage d'Annibal, il n'a pu la prendre que dans
l'ouvrage de Polybe, son unique guide : car le moyen de croire qu'il aurait
prêté oreille à un bruit populaire si Polybe eût fait passer Annibal par un
autre chemin ? Ainsi donc, que la phrase soit de Polybe, comme on l'a cru
jusqu'ici, qu'elle soit de Strabon, comme le veut M. Deluc, elle n'en exprime
pas moins un fait qui appartient à Polybe.... Toutes ces raisons paraissent péremptoires. Mais, dit M. Deluc, si Annibal avait traversé le mont Cenis, il serait arrivé à peu de distance de Turin au bout des quatre jours qu'il mit à descendre les Alpes. Il aurait campé par exemple dans les villages de Bussolin, de Saint-Antonin, de Saint-Ambroise et de Rivoli, qui ne sont éloignés que de deux à huit lieues de Turin, et qui devaient faire partie du territoire des Taurini. Ces amis des Romains n'auraient pas manqué d'attaquer l'armée carthaginoise avant qu'elle eût le temps de se rétablir de ses fatigues[98]. Comment expliquer cette inaction des Tauriniens à l'égard de l'armée carthaginoise lors de son arrivée au pied des Alpes, si cette armée dans son état de délabrement s'était trouvée alors sous les murs de Turin ?[99] — C'est ce que Polybe lui-même a pris soin de nous expliquer, en disant que les Taurini étaient alors occupés à faire la guerre aux Insubres ; certes ce n'était pas là pour eux le moment de s'attirer un nouvel ennemi sur les bras, et surtout un ennemi tel que celui qui apparaissait d'une manière si extraordinaire. Aussi voyons nous que bien loin de songer à attaquer les Carthaginois, ils redoutaient même leur alliance. M. Deluc, après avoir désigné les villages où Annibal aurait campé, ajoute qu’ils devaient faire partie du territoire des Taurini : quand cela serait, on n'en pourrait rien conclure. En effet, chez ces peuples barbares, dans un état de choses où tout homme était soldat, la nation étant alors en guerre, toute la population militaire avait dû se porter contre l'ennemi ; de sorte qu'Annibal, quoique sur le territoire des Taurini, aurait pu n'y rencontrer personne en état de s'opposer à lui. Mais rien n'est moins prouvé que ce que suppose là M. Deluc. Rien ne nous dit que les Taurini qu'on nous représente à cette époque comme habitant les plaines fertiles qu'arrose le Pô, se fussent étendus jusque dans l'intérieur des montagnes. On ne peut, sous ce rapport, tirer aucune induction du nom même du passage Saltus Taurinus, qui peut n'être qu'une dénomination prise du pays auquel il aboutissait, et non de celui qu'il traversait. Réfutation de l’opinion de M. Letronne, sur la situation du Saltus Taurinus.Mais il se présente ici une difficulté. C'est de savoir si
le Pas de Suse est bien le Saltus Taurinus des anciens. Ni Strabon, ni Ptolémée,
ni aucun géographe moderne ne donnent aucun renseignement à ce sujet. On
pourrait donc sur ce point nous reprocher d'avoir préjugé la question,
d'autant plus que quelques auteurs semblent vouloir appliquer au mont Genèvre
cette dénomination latine. Polybe, suivant M.
Letronne, dit formellement qu'Annibal a passé par le
pays des Taurini, c'est-à-dire par le mont Genèvre, comme M. Deluc le
reconnaît.... Et Tite-Live en conduisant
Annibal par le mont Genèvre est d'accord avec ce témoignage si formel de Polybe[100]. Et plus loin, Tite-Live racontant l'expédition de Bellovèse en Italie, qu'il
conduit comme Annibal par le mont Genèvre (Taurino saltu) etc. L'opinion de M.
Letronne est, comme on voit, bien positive. Avant de la discuter, il est bon
d'établir deux points sur lesquels nous ne pouvons pas être d'accord : le
premier, que le Saltus Taurinus était situé dans le pays des Taurini,
ou du moins y conduisait ; le second, qui, ressort nécessairement du récit de
Polybe et de Tite-Live, qu’Annibal traversa ce défilé à la descente de la
montagne qu'il eut à franchir pour entrer en Italie. Cela posé, le Saltus Taurinus
serait donc, dans le système de M. Letronne, la vallée d'Oulx, que l’on rencontre
à gauche, à la descente du mont Genèvre, et qui, partant de Césanne, et passant par Oulx et Exiles, va aboutir à Suse ? Mais ne
pourrions-nous pas d'abord demander au savant académicien qui reconnaît que
ce fût ce passage par où Bellovèse entra en Italie, s'il pense qu'il soit
vraisemblable que ce chef gaulois, partant de la
région moyenne de Cette dénomination ne peut convenir qu'au Pas de Suse.On nous dit que cette vallée conduit au pays des Taurini. Mais, à ce titre, le grand et le petit Saint-Bernard pourraient également revendiquer la dénomination latine. Car ces deux passages, comme M. Deluc ne manque pas de l'observer, peuvent également aboutir à Turin, puisque lorsqu'on est arrivé à Yvrée, après être sorti de la vallée d'Aoste, on peut prendre la route de Turin comme celle de Milan[101]. Mais qui ne voit que se diriger dans la dénomination des lieux, d'après des rapports aussi éloignés, serait vouloir tout bouleverser, et que, si l’on avait songé à désigner ces deux passages d'après les mêmes analogies observées dans le nom du Saltus Taurinus, on aurait dû naturellement appeler l'un Saltus Salassensis, et l'autre, Saltus Segusianus, d'après le nom du premier pays ou de la première ville importante auxquels ils conduisaient directement ? Il est donc certain que ni le passage du mont Genèvre — et ce que nous disons ici de l'opinion de M. Letronne s'applique à l'opinion de Folard et à celle du comte de Fortia d'Urban, qui conduisent Annibal par la vallée de Pragelas — ; ni le passage du grand ou du petit Saint-Bernard, n'ayant reçu dans aucun auteur ancien la dénomination de Saltus Taurinus, ne peuvent en aucune manière se l'appliquer par eux-mêmes, et que c'est ailleurs, c'est plus près du pays des Taurini qu'il faut chercher ce passage. Or, ne l'avons-nous pas déjà trouvé dans cette vallée où l'on entre à la descente du mont Cenis, laquelle partant de Suse, et présentant d'abord l'aspect d'un étroit défilé, s'élargit ensuite, et va déboucher dans la plaine, à sept ou huit milles de Turin, se trouvant depuis son point de départ en ligne presque directe avec cette ville ? La position de la ville qui forme l'entrée de cette vallée, et que l'on a appelée pendant si longtemps la porte de l’Italie, la clé de l’Italie[102] ; la direction de diverses routes passant par les Alpes cottiennes, et que les anciens itinéraires nous montrent tous aboutissant à Suse ; la position de cette ville, toujours placée avant Turin dans tous ces itinéraires, qui ne présentent sur aucun autre point des Alpes nul autre chemin conduisant à cette capitale des Taurini : ne sont-ce pas là des preuves décisives en faveur de l'opinion qui nous détermine à placer le Saltus Taurinus dans la vallée qui va de Suse à la plaine de Turin. Il n'est pas nécessaire d'ajouter que cette question n'en peut plus être une pour nous, sitôt que nous regardons comme démontré qu'Annibal a passé le mont Cenis ; car, à la descente de cette montagne, ce défilé s'offrait à lui comme le seul passage qui le conduisit directement au pays des Taurini. Longueur itinéraire totale du passage des Alpes. Conformité de nos distances avec celles de Polybe. IX. Il nous reste à examiner si, dans toute cette partie de la marche d'Annibal, c'est-à-dire depuis l’entrée jusqu'à la sortie des Alpes, nos distances se trouvent conformes à celles de Polybe. Nous avons va précédemment que cet historien comptait depuis le passage du Rhône jusqu'à l’entrée des Alpes, 1.400 stades que nous avons retrouvées sur notre route. Immédiatement après, il ajoute : Reste le passage des Alpes elles-mêmes, qui est d'environ 1.200 stades ; en les passant, Annibal devait arriver dans les plaines de l’Italie qui bordent le Pô[103]. Nous avons d'abord senti que si nous voulions ici mesurer nos distances sur la carte, nous aurions infailliblement, par suite de la nature du pays, du passage des montagnes, des détours des vallées, etc., des 'réductions tellement fortes, qu'elles s'éloigneraient beaucoup trop de la précision dont nous voudrions approcher le plus possible. Mais heureusement pour nous, la route que nous avons à suivre étant aujourd'hui route de poste, nous possédons un moyen aussi sûr que facile d'apprécier les distances que nous cherchons. Voici l'état de ces distances d'après les intervalles des stations modernes[104], avec les mesures d'élévation au-dessus de la Méditerranée[105].
Nous avons donc depuis la ville de Montmeillan, en face le laquelle nous plaçons l'entrée des Alpes, jusqu'à Rivoli, où l'on en sort tout-à-fait, 28 postes, c'est-à-dire 56 lieues de 2.000 toises chaque ; autrement 112.000 toises, lesquelles réduites en stades, donnent 1.185 stades, plus 17 toises ½ ; autrement encore, 148 milles romains, plus 112 toises ½. Polybe compte 1.200 stades ou 150 milles romains. Nous n'avons donc ici qu'une différence de 15 stades ou 2 milles romains environ[108]. Mais qu'est-ce qu’une différence de 2 milles sur 150, de 15 stades sur 1.200 ? Que devient-elle, surtout si l'on considère que le nombre grec est énoncé d'une manière approximative ? Cette dernière preuve, réunie à toutes celles d'un autre ordre que nous avons observées, ne porte-t-elle pas jusqu'à l'évidence l'opinion que nous nous proposions d'établir ? En jetant un coup d'œil sur la troisième colonne du tableau
précédent, nous voyons qu'à mesure qu'on avance, le terrain s'élève, et que
par conséquent la route doit monter dès que l’on commence à entrer dans les
Alpes, à Examen des objections contre ce passage par le mont Cents. — Première objection tirée des difficultés qu'il aurait offertes. X. Après nous être assurés des bases de notre opinion, il nous reste à discuter les objections qu'on y a faites. Si elle est la vraie, il est probable que, bien loin de l'affaiblir, plusieurs de ces objections pourront servir à lui donner une nouvelle force. Le passage du mont Cenis,
dit M. Deluc, ne se trouve point dans les itinéraires
romains, et il ne paraît pas qu'il ait été jamais une voie romaine, ou qu'il ait
été même connu des Romains. Il offrait de trop grandes difficultés : car les
rochers, du côté de l'Italie, sont presque à pic, et il a fallu tailler en
zigzag dans le roc vif le chemin par lequel on descend de Nous remarquerons d'abord que cette rivière de l’Arc, qui devait présenter de si grands obstacles, est une espèce de torrent presque partout guéable, surtout à l'époque de la fin d'octobre, où les eaux sont extrêmement basses dans ces montagnes. Ayant parcouru ces vallées, du 18 au 31 octobre, j’ai pu m'en assurer par moi-même. Souvent l'Arc ne m'offrait qu'un pied de profondeur tout au plus, quelquefois je le trouvais entièrement à sec dans les deux tiers de son lit. L'infanterie pouvait sans peine le passer presque partout, soit à pied, soit sur des troncs d'arbres jetés transversalement, comme on en rencontre encore aujourd'hui sur cette petite rivière[111]. Quant à sa largeur, on peut s'en faire une idée d'après celle de son plus grand pont qui est de deux arches, et encore à peu de distance de son embouchure, non loin d'Aiguebelle. Voilà pour ce qui regarde les grands obstacles de la marche le long de l'Arc. Maintenant M. Deluc ajoute : Ce qu’il y a au contraire de remarquable dans la route (que M. Deluc a suivie), c'est qu'elle ne traverse pas une seule fois l'Isère. Mais ce critique oublie-t-il que Polybe, au chapitre 56 de son livre troisième, dit formellement qu'Annibal avait perdu beaucoup de monde au passage des rivières, τών ποταμών ? Il avait donc eu d'autres rivières que le Rhône à traverser, et dans le système de M. Deluc il 'en serait tout autrement. Quant à la roideur de la descente du mont Cenis du côté de l’Italie, les objections de M. Deluc sont des arguments en notre faveur : car Polybe ne dit-il pas que la descente était très-rapide, bordée de précipices, etc. ; et Tite-Live, que les chemins des Alpes du côté de l’Italie sont pour l’ordinaire plus courts, mais aussi plus roides ; ajoutant que le chemin était presque à pic, suivant la traduction de M. Deluc lui-même[112] ? Voilà pour l’autre objection. Mais nous croyons à présent devoir examiner en elle-même une assertion importante si elle est fondée. M. Deluc nous a dit que le passage du mont Cenis ne se trouve pas dans les itinéraires romains, et qu'il ne paraît pas qu'il ait été une voie romaine, ou qu'il ait été même connu des Romains. Deuxième objection. Nouveauté de cette route. Preuve de son antiquité.Nous observerons d'abord que tous ces arguments, tirés de
l’existence des anciennes voies romaines données par les itinéraires, sont
absolument étrangers à la question, puisqu'à l'époque de l'expédition
d'Annibal il n'existait point encore de voie romaine dans Contradictions apparentes de ce passage. Erreur de Strabon expliquée.Mais, dira-t-on, en voyant dans le lac dont parle Strabon
le lac du mont Cenis, d'Anville ne donne qu'une conjecture, et
très-contestable : car comment le concilier avec ce qu'ajoute le géographe
grec, que Quoique cette conclusion tombe d'elle-même avec le principe sur lequel on avait voulu l'établir, nous pourrions encore faire à IKI. Deluc une réponse À laquelle je ne vois pas ce qu'il pourrait opposer. Comme il est certain d'après Polybe et Tite-Live que le passage habituel des Gaulois se rendant en Italie était par le Saltus Taurinus, et que ce passage, diaprés les itinéraires anciens, et le pays, auquel il aboutissait, ne peut être situé qu'à Suse, deux routes seulement conduisant à cette ville, l'une par le mont Genèvre, l'autre par le mont Cenis, et M. Deluc ayant prouvé qu'Annibal n'a pu passer par la première[129], il en résulte nécessairement qu'il n'a pu suivre que la dernière, et que c'est là ce second passage nommé par Polybe, et qu'il a si grand soin de distinguer de celui qui traversait le pays des Salassi ; enfin celui que prenaient habituellement les Gaulois, et qu'ils firent prendre à Annibal. Nous pouvons donc avec une entière confiance dire comme Grosley, que les raisons qui rendent aujourd'hui cette route la plus connue et la plus fréquentée de toutes celles qui traversent les Alpes, ont dû dès les premiers temps l'indiquer et l’ouvrir[130]. Troisième objection de M. Deluc, fondée sur une fausse interprétation du texte de Polybe.Une dernière objection de M. Deluc nous reste à résoudre,
et d'autant plus facilement qu'elle repose sur une traduction évidemment
fausse ; voici le passage : τὴν δὲ τῶν Ἄλπεων ὑπερβολὴν ἡμέραις δεκαπέντε κατῆρε τολμηρῶς εἰς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία καὶ τὸ τῶν Ἰνσόμβρων ἔθνος[131]. M. Deluc
traduit : Annibal ayant accompli le passage des
Alpes en quinze jours, entra hardiment dans les plaines qui avoisinent le Pô,
et dans le pays des Insubres ; d'où il conclut que les Taurini ne
furent pas le premier peuple qu'il rencontra à sa descente des Alpes. M.
Deluc aurait dû naturellement en conclure, par la même raison, que ce ne
furent pas non plus les Salassi. Mais, sans élever cette difficulté, nous
nous bornerons à remarquer que le grec ne dit nullement qu'Annibal entra dans le pays des Insubres, mais qu'il se
dirigea vers ce pays, εἰς τὸ τῶν Ἰνσόμβρων ἔθνος. En effet il connaissait, comme
nous l'avons déjà vu, la disposition de ces peuples en sa faveur. Il savait
que les Boïens, apprenant la marche des Carthaginois
vers l'Italie, s'étaient soulevés contre les Romains, et avaient entraîné
dans leur révolte les Insubres, qui s'y trouvaient déjà disposés par
d'anciens ressentiments. Ces peuples réunis avaient déjà ravagé les nouvelles
colonies romaines de Plaisance et de Crémone. Ils avaient battu Lucius Manlius,
envoyé pour s'opposer à leurs incursions, et ils assiégeaient les restes de
son armée enfermés dans la petite ville de Tanès, lorsqu'Annibal
arriva en Italie[132]. Annibal savait
tout cela, l'ayant appris des Gaulois qui étalent venus le trouver dans ces
contrées. C'était donc là qu'il devait tendre, vers
ce pays des Insubres où il allait rencontrer des peuples prêts à
faire cause commune avec lui ; pour y arriver, le chemin le plus naturel et
le plus court était le pays des Taurini. L'objection de M. Deluc nous ramène
donc encore au Saltus Taurinus, et par
conséquent au mont Cenis. Des autres chemins que l’on rencontre dans le mont Cenis, et qu'Annibal n'a pas dû prendre. XI. Avant de terminer ce que nous avions à dire du passage d'Annibal par cette montagne, nous ferons quelques observations sur les autres chemins que l’on rencontre de ce côté de la chaîne des Alpes. Sans chercher à démontrer en détail que les lieux, sur ces différentes routes, ne pourraient s'accorder avec les diverses circonstances de la marche du général carthaginois, Il me suffira d'en Indiquer quelques-unes dont ils ne pourraient rendre raison, pour que la question, par cela seul, reste décidée en faveur de notre hypothèse où tous les incidents de cette marche trouvent leur application. 1° Du chemin qui va de Braman au sommet du mont Cenis.Outre le chemin ordinaire qui conduit de Lans-le-Bourg au
sommet du Cenis, il en existe un autre qui vient aboutir au même point, mais
de l’autre côté du lac, débouchant par une petite vallée qu'on appelle 2° Du chemin qui passe par le Col de
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[1] Polybe, III, 50, 51. — Tite-Live, XXI, 32, 33.
[2] Histoire du passage des Alpes par Deluc, p. 77, 83, etc. — Journal des Savants, 1819, article de M. Letronne, 33.
[3] Polybe, III, 56. — Tite-Live, XXI, 33.
[4] Polybe, si exact dans le choix des expressions qui tiennent à la nature des lieux, se sert en général préférablement du mot ύπερβολή (cap. 53), pour désigner la montée des Alpes.
[5] Polybe, III, 50-51 ; il représente les Gaulois comme occupant les postes qui dominaient les lieux par lesquels il fallait qu'Annibal passât. Plus loin il dit, en parlant de ces lieux, il traversa le défilé, et plus bas encore, il acheva de franchir ce pas difficile. Dans chacune de ces phrases la préposition διά détermine le sens de la préposition άνά dans άναβολή, de manière à ce qu'il soit impossible de s'y méprendre.
[6] Polybe, III, 39.
[7] C'est ce qu'expriment ces mots de Tite-Live : erigentibus in primos agmen clivos, XXI, 32.
[8] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 591, etc.
[9]
Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 603 : Depuis
[10] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 603 et 605. — Voici ce que Végèce recommande pour les campements : Cavendum ne pabulatis desit aut dignorum copia, ne campus... sit in abruptis ac deviis, et circumsedentibus adversariis, difficilis prœstetur egressus, ne ex superioribus locis missa ab hostibus tela in eum perveniant. Végèce, de re milit., lib. III, cap. 8.
[11] Voyage dans les Alpes, in-8°, t. V, chap. IV, § 1187.
[12] Cf. Description des Alpes grecques et cottiennes, p. 606. En sortant d'Aiguebelle, le chemin qui continue pendant quelque temps à suivre les rives gauches de l'Arc, est en plusieurs endroits bordé de rochers feuilletés qui présentent leur face abrupte du côté de la vallée.
[13] L'ancien château de Charbonnières, dont on voit les mines au sud d'Aiguebelle, défendait autrefois ce passage. Il fut rasé par Henri IV qui s'en était emparé.
[14] Polybe, III, 52.
[15] Polybe, III, 52.
[16] Polybe, III, 52. — Tite-Live, XXI, 33.
[17] État général des postes de la république française, an XI (1802).
[18] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 613, 614. — De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. V, chap. IV, § 1206.
[19] Voyage dans les Alpes, in-8°, t. V, chap. V, § 1214. — Description des Alpes grecques et cottiennes, t. II, p. 626.
[20] Voy. l'Etat général des postes de la république française, an XI, rapproché du livre de postes de l'année 1814.
[21] Schweighæuser, Polybe, X, 48, § 5 ; adde Diod. Sic., III, 15, et ibi Wessel.
[22] Journal des Savants, janvier 1819, p. 29.
[23] Diodore de Sicile, III, 15.
[24] Abrah. Ortelius, Thésaurus géographic., art. λευκόπετρα.
[25] Strabon, t. I, lib. VI, p. 372.
[26] Ptolémée, lib. III, c. I. Pline, Histoires naturelles, III, 6 et 10.
[27] Ptolémée, lib. III, cap. 17. — Strabon, lib. X, p. 692.
[28] Pline, lib. XVI, 60.
[29] Voyage dans les Alpes, in-8°, t. V, ch. V.
[30] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, ch. XV, p. 616-650.
[31] Voyage dans les Alpes, t. V, § 1301.
[32] Histoire du passage des Alpes, p. 136, 151.
[33] Polybe, trad. par dom Thuillier, avec comment. du chevalier de Folard, t. IV, p. 92, 93.
[34] Flavius Végèce, de re milit., III, cap. 6, 26.
[35] Polybe, III, 54. La neige étant déjà tombée sur le sommet des montagnes. La version τοΐς άκροις que propose M. Schweighæuser, n'est donnée par aucun manuscrit. Autre exemple : III, 55, ayant dressé son camp sur les lieux où il n'y avait plus de neige. — De même, lib. III, c. 101, Minucius espérait rencontrer les Carthaginois sur les hauteurs. C'est ainsi que la préposition ύπέρ est employée dans ce même sens par Strabon, lib. IV, t. I, p. 285, où il dit que les Medulli habitent sur les montagnes les plus élevées.
[36] Polybe, X, 29, 30.
[37] Voyage dans les Alpes, in-8°, t. V, ch. V, § 1231.
[38] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 637, 638.
[39] Polybe, III, 53. Voy. aussi Tite-Live, XXI, 35.
[40] Voy. Etat général des relais de postes de la république française, an XI (1802). — État général des postes du royaume, 1814.
[41] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 645-647.
[42] Voyage dans les Alpes, t. V, chap. VI.
[43] Polybe, III, 53, 54. — Tite-Live, XXI, 35.
[44] Voyage dans les Alpes, t. V, ch. VI, § 1236.
[45] Description des Alpes, 1re part, t. II, p. 236 et 311, etc.
[46] Œuvres diverses d'Abauzit, t. II, p. 180.
[47] Du temps de Pline il arrivait au 3 des Ides de novembre, c'est-à-dire le 11 de ce mois. Histoires naturelles, lib. II, 47, XVIII, 31. Vergiliarurn occasus in III idus novembris incidere consuevit.
[48] Histoire du passage des Alpes, p. 157.
[49] L'Italie, par lady Morgan, t. I, p. 52.
[50] Nouveaux Mémoires sur l'Italie, par deux gentilshommes Suédois, Londres, 1764, t. I, p. 56.
[51] Κατά τήν άνάβασιν, ce qui ne doit pas s'entendre uniquement de la montée du Cenis, où l’on ne voit pas qu'Annibal ait perdu beaucoup de monde, mais aussi de toute la traversée de ces montagnes, depuis son entrée dans les Alpes, d'après la double signification de la préposition άνά, dont nous avons déjà parlé au paragraphe Ier du présent chapitre.
[52] Le grec porte περί τήν άρχήν, vers le commencement du chemin dégradé, à l'entrée du passage ; c'est arbitrairement que M. Schweighæuser a voulu changer le texte en mettant à la place περί τήν 'ράχιν, parce qu'il y a dans Tite-Live in jugo. Il ne cite aucun manuscrit à l’appui de son innovation, qui présenterait un fait impossible à concevoir ; car comment Annibal aurait-il pu camper sur le penchant de cette montagne si escarpée, si roide ? L'expression de Tite-Live est générale et vague ; elle signifie simplement qu'il campa sur la montagne, comme cet auteur l'a déjà dit en parlant du campement précédent.
[53] Polybe, III, 53-56. — Tite-Live, XXI, 35-38.
[54] Tite-Live, XXI, 37.
[55] Appien, de bello Annibalo, § 4, éd. Schweighæuser.
[56] Pline, Hist. nat., XXXIII, 3. — De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. V, ch. VI, § 1252.
[57] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. V, ch. VI, § 1249-1251.
[58] Histoire du passage des Alpes par Annibal, p. 234-237.
[59] Histoire du passage des Alpes, p. 168.
[60] Histoire du passage des Alpes, p. 233.
[61] Bergier, Histoire des grands chemins de l'empire romains, t. I, p. 371.
[62] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 652-654. — Voy. aussi de Saussure, Voyage dans les Alpes, t. V, ch. VI, § 1248-1256.
[63]
Nouveau Mémoire et Observation sur l'Italie, par deux gentilshommes suédois,
t. I, p. 58-60. La nouvelle route construite lors de l'occupation de
[64] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. V, p. 106.
[65] Voyage dans les Alpes, t. V, chap. VI, § 1250.
[66] Histoire du passage des Alpes, pag 166-171. — Journal des Savants, 1819, p. 751.
[67] Journal des Savants, 1819, p. 757-758.
[68]
Biselx, Notice sur l'hist. nat. du mont Saint-Bernard, dans
[69] C*est ainsi que, dans le même chapitre, Polybe suppose que la neige reste constamment, été comme hiver, sur les sommets de ces montagnes, quoique le mont Cenis ni aucune des montagnes environnantes ne soient à la hauteur des neiges perpétuelles.
[70] Nous sommes d’autant plus fondes à faire cette supposition, que M. de Saussure, après avoir parlé des observations faites par lui le 7 août dans la prairie plate et découverte, qui est située au midi de l'hospice, remarque que la neige n'avait été entièrement fondue et n'avait quitté cette prairie que trois semaines auparavant. Voyage dans les Alpes, t. VIII, ch. II, § 2231.
[71] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. IV, § 990.
[72] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. VIII, ch. XXI § 2229.
[73] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. VIII, ch. XXI § 2232.
[74] De Saussure, Voyage dans les Alpes, t. VIII, ch. XXI § 2231.
[75] Nouv. Mém. ou Observ. sur l'Italie, t. I, p. 51.
[76] Strabon, t. I, lib. IV, p. 243.
[77]
De Saussure, t. V, § 1252. — M. Deluc, p. 281, objecte que la descente du mont
Cenis est tournée vers le sud-est, exposition où la neige fond plus vite. Mais
les différents points de cette vallée étroite et tortueuse (De Saussure, §
1283) n'ont pas tous la même exposition ; aussi, lorsqu'on arrive à la partie
où se trouve
[78] Hist. du passage des Alpes, p. 156.
[79] De Saussure, t. V, § 1286.... 1283-1285.
[80] M. Deluc remarque que l’éléphant, malgré sa pesanteur et son air lourd, est un animal souple, qui monte et descend avec facilité, et que, dans le Bengale, il habite les forêts sur le penchant des montagnes. Histoire du passage des Alpes, p. 175.
[81] Tite-Live, XXI, 36.
[82] Tite-Live, XXI, 35.
[83] Voyage dans les Alpes, t. V, ch. X, § 1300-1301 ; ch. XI, § 1305.
[84] Virgile, Énéide, lib. VI, v. 640.
[85] De Saussure, t. V, § 1289, 1293, 1300.
[86] De Saussure, t. V, § 1292, 1300, 1308.
[87] De Saussure, § 1294.
[88] Polybe, III, 60.
[89]
Tite-Live, XXI, 38, 39. Il est plus que probable que Cremonis jugum est dans Tite-Live pour Centronis jugum, tirant son nom de la petite
ville de Centron, dans
[90] Tite-Live, V, 34. — Polybe, III, 48.
[91] Polybe, III, 34.
[92] Polybe, III, 39.
[93] Polybe, III, 44.
[94] Journal des Savants, 1819, p. 754.
[95] Strabon, Oxon., p. 293.
[96] Histoire du passage des Alpes, p. 19, 186, 187. — Journal des Savants, 1819, p. 748-751.
[97] Journal des Savants, 1819, p. 24, 25, 754, 755.
[98] Histoire du passage des Alpes, p. 187.
[99] Journal des Savants, 1819, p. 751.
[100] Journal des Savants, janvier 1819, p. 25 et 33.
[101] Histoire du passage des Alpes, p. 186.
[102] Du côté des Alpes, Suse est la clé de la plaine du Piémont : elle occupe le centre du débouché qui ouvre cette plaine. Grosley, t. I, p. 61.
[103] Polybe, III, 39.
[104] État général des Postes du royaume de France, 1814. — Cartes des routes de postes de l'empire français, par Tardieu, 1814.
[105] Description des Alpes grecques et cottiennes, par M. Albanis-Beaumont, 2e part., t. II, p. 590 et 615.
[106]
C'est la hauteur du lac devant lequel se trouve la poste. A partir de ce point,
nous donnons les mesures d'élévation prises par M. de Saussure. Voy. t. V, ch.
VI et IX. Quant aux distances, le livre de postes de la république française,
an XI (1802), donnant les mesures de l'ancienne route par
[107] De Rivoli à Turin, on compte une poste trois quarts. Turin est élevé de 123 toises au-dessus de la mer.
[108] Nous pourrions même remarquer que le livre de postes fait les distances de Suse à Turin plutôt plus courtes que plus longues, si on les compare aux résultats que présentent les anciens itinéraires. En effet il ne donne que 14 lieues ½, c’est-à-dire un peu plus de 38 milles romains de Suse à Turin, tandis que tous les itinéraires romains en comptent 40. En retranchant les 8 milles de Rivoli à Turin, nous aurions depuis Suse 32 milles au lieu de 30, ce qui donnerait juste 2 milles qui nous manquent pour atteindre les 150 milles de Polybe.
[109] Observations sur l'Italie, t. I, p.58.
[110] Histoire du passage des Alpes, p. 33. Pour ce qui suit, p. 279, 280.
[111] Voyez Polybe, avec comment. de Folard, t. IV, p. 250.
[112] Histoire du passage des Alpes, p. 224.
[113] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 89, 90, 94. Voyez aussi Bergier, Histoire des grandes routes romaines.
[114] Histoire du passage des Alpes, p. 280.
[115] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 11, 58, 59, 60, 99.
[116] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 601, 602.
[117] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 603.
[118]
Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p.
[119] Notice de l'ancienne Gaule : Medulli.
[120] Géographie de Strabon, lib. IV, trad. par M. Coray, t. II, p. 90. Notes de M. Gosselin.
[121] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part, t. I, p. 62.
[122] D'Anville, Notice de l'ancienne Gaule, Druentia.
[123] D'Anville, Notice de l'ancienne Gaule, Druentia. — Strabon, trad. de M. Coray. Note de M. Gosselin, t. II, lib. IV, p. 91.
[124] Pline, Histoires naturelles, lib. III, c. 16.
[125] V. Ammien Marcellin, lib. XV, c. 10, cum not. Hadr. Valesii.
[126] Observations sur l'Italie, t. I, p. 55.
[127] Notice de l'ancienne Gaule, Druentia.
[128] Histoire du passage des Alpes, p. 280.
[129] La position de l'arc de triomphe de Suse, sur l'ancienne voie romaine qui conduisait par la vallée d'Oulx au mont Genèvre, me porte à croire que cette route date de l'époque du roi Cottius, lequel leva en l'honneur d'Auguste, à l'entrée de la ville, ce monument qui existe encore. Ce fut là probablement un de ces chemins que le prince gaulois fit percer à travers les Alpes, suivant Ammien Marcellin (lib. IV, c. X). Il n’existait donc pas du temps d’Annibal, du moins nous sommes en droit de le conclure, puisqu'on cite l'époque de sa construction.
[130] Observations sur l'Italie, t. I, p. 44.
[131] Polybe, III, 56. — Histoire du passage des Alpes, p. 289. — Collection des Classiques latins, par N.-E. Lemaire ; Tite-Live, t. IV, p. 488-491.
[132] Polybe, III, 40, 41 ; Tite-Live, XXI, 25.
[133] État général des postes de la république française, an XI (1802).
[134] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 94, 95.
[135] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 631.
[136] Description des Alpes grecques et cottiennes, 1re part., t. I, p. 98, 99.
[137] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 632, 633, 640, 641.
[138] Description des Alpes grecques et cottiennes, 2e part., t. II, p. 640, 643.