ESSAI SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

 

DE L’OPINION ET DES INSTITUTIONS EN FRANCE À LA VEILLE DE 89.

 

 

Si j’ai insisté sur les théories de la démocratie absolue, c’est surtout en raison de l’importance qu’elles acquirent plus tard et de la fatale méprise qui fit voir en elles l’aboutissement naturel de la Révolution, car au moment où elle éclata, elles germaient encore obscurément à l’état d’instincts au sein des masses populaires, ou à l’état de rêves dans quelques cerveaux malades. Il était indispensable, pour l’intelligence des événements qui suivirent, de marquer avec précision leur origine. A ce moment, d’ailleurs, elles ont quelque chose de l’ingénuité de leur âge et laissent bien mieux pénétrer leurs mobiles.

L’opinion était encore tout entière à Voltaire et à Montesquieu. Quant à Rousseau, on voyait en lui l’initiateur des mœurs nouvelles et l’apôtre convaincu de l’austérité républicaine, et non cet ennemi involontaire et égaré de la liberté que l’inflexible logique des événements devait sous peu dénoncer par de si terribles leçons.

Sous l’inspiration de ces grands hommes et de leurs ardents et innombrables disciples, l’esprit public, si longtemps distrait par de misérables curiosités et de puérils entraînements, se sentait enfin saisi lui- même de la fièvre puissante qui les avait possédés. Toutes leurs passions étaient devenues les siennes. Il continuait leurs luttes en invoquant leur mémoire vénérée. Il aimait le bien et croyait naïvement à sa réalisation, noble foi qu’on lui a reprochée dans ce temps d’impuissance, incapable même d’avoir une foi. Il adorait la justice, seule divinité qu’il voulût désormais reconnaître, et il transportait l’objet de son culte dans le ciel désert, à la place des anciens dieux. Enfin il avait la volonté ferme et réfléchie de fonder la liberté, quoi qu’il dût lui en coûter, la mettant au-dessus de tous les intérêts et de tous les biens. Il s’était élancé sur toutes les routes que ses maîtres lui avaient ouvertes, et sur plus d’un point il avait signalé de nouveaux horizons.

A côté de ces aspirations infinies, de cette universelle élévation des intelligences et des ambitions, mettez en regard le morne et décourageant tableau des faits et des institutions, vous comprendrez comment la réalité va tomber en poussière devant l’idéal, et vous ne me demanderez plus où sont les vraies causes delà Révolution. Elles sont tout entières dans ce contraste. Laissez les petites explications qui n’expliquent rien, parce qu’elles-mêmes ont besoin d’être expliquées. L’épuisement des finances, les rivalités des classes, les embarras d’une administration dont tous les ressorts étaient usés, peuvent bien motiver une crise, mais non ce renouvellement de toutes choses. Quoi donc ! je vous montre la terre bouleversée, et vous voudriez que ce fût à l'aide de ces imperceptibles secousses ? Montrez-moi une force qui puisse soulever un monde.

Ces doctrines, ces abstractions, ces systèmes, cet enivrement d’orgueil et d’espérance, c’est la Révolution dans les intelligences. Laissez venir les faits, ils se courberont en serviteurs dociles.

Examinez à cette lumière des idées la société de la fin du XVIIIe siècle, et dites si elle ne vous paraît pas évidemment condamnée à périr, comme elle l’a, plus d’une fois, reconnu elle-même.

De tous les éléments destinés à lui servir de défense, il n’en est pas un qui ne tombe de lui-même en dissolution. Allons, tout d’abord, à celui qui y représente la vie morale, le gouvernement des esprits, au clergé.

Il est, je le sais, de bon goût et de bonne politique aujourd’hui de réhabiliter le clergé français du XVIIIe siècle, au rebours de nos pères qui n’étaient pas dans le secret de ce changement de tactique. Il était devenu très tolérant, disent les nouveaux historiens ; il était bienfaisant, plein de vertus et de lumières. Voyez, ajoutent-ils, après de Maistre, quelle expression terrible, satanique, l’irréligion adonnée à la physionomie de la Révolution française ! quelle instabilité elle a communiquée à son œuvre ! Voyez comme la noblesse s’est convertie aussitôt qu’elle a été frappée, et comme la bourgeoisie est revenue à de meilleurs sentiments aussitôt qu’elle s’est sentie atteinte !

J’ai grand’peur que cette admiration rétrospective de nos auteurs pour le clergé de cette époque, ne soit aussi factice que ces conversions intéressées. Elles sont un reniement de soi-même qui est la mort de l’âme avant la mort du corps. Croyez-moi, vous qui voulez vivre, restez dans l’impénitence finale. Ces repentirs improvisés ne sont le plus souvent, chez l’homme, qu’une suggestion de la peur ou un signe de l’affaiblissement de ses facultés, et les sociétés y sont sujettes, comme les individus, quand leur heure suprême est venue. Mais l’histoire n’est point faite pour partager une telle pusillanimité ; elle ne flatte pas le passé pour convertir le présent ; elle les domine tous deux, étrangère aux complaisances, aux conventions, aux mots d’ordre des partis qui s’agitent autour d’elle.

Eh quoi ! ce clergé est tolérant, dites-vous ? Cependant le bûcher du chevalier Labarre fume encore ; Calas vient d’être roué vif, Sirven d’être flétri par la main du bourreau, Buffon d’être contraint de rétracter les théories inoffensives de sa Théorie de la terre, Rousseau de fuir, Voltaire de s’exiler ; et pendant tout le règne de Louis XV, le don gratuit a payé, une à une, toutes les pénalités portées par la royauté contre les philosophes et les libres penseurs, comme, sous Louis XIV, il a payé les persécutions contre les protestants, et la révocation de l’édit de Nantes. Ces crimes lui seront facilement pardonnes par nos politiques, car ils ne voient dans leur énumération qu’un lieu commun qui ne dit rien à leur esprit ; mais peuvent-ils oublier sa conduite comme corps d’État ? N’était-il pas le plus factieux, le plus turbulent, le plus compromettant de tous les ordres ? Combien de ministères n’a pas renversés l’éternelle agitation de ses démêlés avec le Parlement ? Et combien d’utiles réformes n’a-t-il pas empêchées ? Il est vrai d’ajouter qu’en présence de l’attitude de l’opinion publique de plus en plus favorable aux idées nouvelles, le pouvoir, tombé d’ailleurs en des mains hostiles, tendait insensiblement à se séparer de son impérieux allié, et lui faisait plus de promesses que de concessions ; mais ce n’était là qu’un accident heureux, dépendant de l’humeur d’un prince ou du caprice de sa maîtresse, un état de choses n’offrant ni garantie, ni sécurité, ni chance de durée. Le clergé gardait tous ses privilèges, tous ses droits. En attendant l’heure de frapper, il menaçait, s’emportait en paroles. Chaque jour amenait son réquisitoire. Et si le Dauphin eût vécu, il eût bien prouvé que ces menaces n’étaient pas de vains mots.

Quant à ses vertus, à sa bienfaisance, à ses lumières, il est difficile de prendre au sérieux de tels éloges, à moins d’y voir une ironie. Il suffit de rappeler les noms trop fameux de Dubois, de Tressan, de Tencin, de Bissy, de Laffitteau, des deux cardinaux de Rohan, de Maury, de Loménie, de Talleyrand, et tant d’autres ou équivoques ou déshonorés. On peut y ajouter, comme commentaire, les tristes péripéties de l'histoire de la constitution unigenitus, la bruyante et ridicule querelle des billets de confession, la résistance furieuse, inique, qu’opposa le clergé à Machault, lorsqu'on présence des pressants besoins de l’État il proposa timidement d’imposer ses biens immenses dont les revenus seuls dépassaient 300 millions ; et son silence accablant, honteux, manifeste aveu d’impuissance, devant les attaques et les sommations hautaines de l’esprit philosophique.

Enfin on peut invoquer, contre ses apologistes, un témoin qu’ils n’attendent guère sans doute, et qu’en tous cas ils n’oseront sûrement pas récuser ; ce témoin c’est le clergé lui-même. S’ils avaient pris le soin de lire ses cahiers de 1789, ils y auraient vu l’humiliant aveu de ses faiblesses, la confession dans laquelle il impute à l’exemple offert par ses mauvaises mœurs l’affaiblissement si général du sentiment religieux.

Convaincu d’erreur et de mauvaise foi comme doctrine, d’impuissance et d'anarchie comme institution, de corruption comme ordre ; voilà le conducteur des âmes, voilà le représentant de la vie morale, voilà le clergé devant la Révolution.

Si du clergé nous passons à la noblesse, la même fatalité semble peser sur elle. Son arrêt est écrit. Et on dirait qu'elle le sait et cherche à s’étourdir. Toutefois, il est juste de le reconnaître, le tableau est infiniment moins odieux. Une classe n’a pas une action aussi réfléchie, aussi voulue qu’un corps organisé comme le clergé, car il est loin d’avoir la même personnalité. La noblesse française ne peut plus vivre ; et cela non parce qu’elle est dégénérée, exclusive, jalouse, qu’elle a des privilèges iniques, révoltants, des mœurs dépravées, des habitudes insolentes. D’autres aristocraties ont eu tous ces défauts et tous ces inconvénients à un degré infiniment plus exorbitant, sans pouvoir invoquer les mêmes excuses, et n’en ont pas moins survécu aux plus terribles vicissitudes. Elle ne peut plus vivre, parce qu’elle a un vice qu’on n’a jamais pardonné à une classe privilégiée, elle est inutile.

Une fois qu’une aristocratie n’a plus de fonctions qui lui soient propres, une fois qu’elle ne représente plus un principe de vie ou de force, que ce soient les affaires, ou les armes, ou la justice, cette aristocratie est morte. Richesses, honneurs, plaisirs, pouvoir, les peuples prodiguent tous les biens à leurs patriciens, mais c’est à la condition que, sous une forme ou sous une autre, ils paieront leur tribut d'utilité ; malheur à eux le jour où ils l’oublient[1].

La noblesse française en était précisément à ce moment fatal. Elle avait perdu sa raison d’être. On pouvait la supprimer sans que la nation en ressentît d’autre effet qu’un immense soulagement ; tandis qu’à une autre époque, au moyen âge, par exemple, on eut brisé le nerf même de sa vitalité. Non-seulement elle n’était plus une classe politique, mais elle n’était même plus une classe militaire. Je n’en voudrais pas d’autre preuve que cette ordonnance de Ségur qui, s’avisant, un peu tard, en 1781, que les plébéiens commençaient à accaparer pour eux les hasards et les honneurs du champ de bataille, crut apporter au mal un remède efficace en arrêtant que désormais les nobles seuls pourraient parvenir au grade d’officier. Cet appel ne fut pas compris.

C’était à la cour et non au camp que la noblesse entendait conquérir ses grades. Depuis les grandes guerres de Louis XIV, le peuple avait tout à fait envahi l’armée et encombrait toutes les avenues du commandement. Les cadets seuls et les petits nobles prenaient encore à cœur le métier des armes. La haute noblesse achetait les régiments et les commandait in partibus jusqu’à ce qu’une occasion brillante vînt lui offrir un moyen facile de recueillir toute la gloire des succès préparés sans elle.

Pourtant les camps étaient restés sa place d’honneur et sa profession favorite. Elle y avait encore la popularité et l'influence due à son tempérament chevaleresque ; mais elle n’y avait plus le monopole du courage et des vertus militaires.

Partout ailleurs elle n’était plus qu’une ombre. Partout l’homme du roi, c’est-à-dire l’homme du Tiers avait dépossédé les gens de la noblesse. La magistrature, les intendances, les fermes générales, le conseil du roi lui-même, l'administration tout entière, en un mot, étaient entre les mains de ces parvenus anoblis, dont Saint-Simon a si bien décrit la physionomie et les instincts, hommes d’affaires et de « vile bourgeoisie, » sortis du Tiers et fidèles à ses haines, qui ne semblaient prendre la livrée du noble que pour le combattre avec plus d’avantages, serviles envers la royauté, âpres au gain et au travail, patients, procéduriers, humbles et souples d’échine, mais d’une ténacité inflexible.

De ses droits féodaux la noblesse n’avait conservé que des formes, des souvenirs, des signes d'autant plus insultants qu’ils ne représentaient plus qu’un pouvoir illusoire. La seule réalité qui lui en restait, c’était des redevances pécuniaires ; mais ici encore se révélaient les impossibilités de cette situation. Le paysan était devenu le sujet du roi. Il était jugé, administré, imposé, enrôlé de par le roi. Et tous les ans, il voyait apparaître l’homme du château, — un étranger, — ou son intendant, car il ne quittait plus guère la cour, qui venait percevoir sur ses travaux un second tribut, d’autant plus lourd et plus humiliant qu’il n’était ni un signe de suzeraineté, puisque le suzerain c’était le roi, ni même un gage de fidélité, puisque tous les liens de l’antique solidarité féodale étaient à jamais rompus.

Si de tous ces présages d’une dissolution prochaine on rapproche l’Histoire de France tout entière, ce long combat de la royauté, unie au Tiers, contre la noblesse, et surtout cette passion d’égalité qui est le fond le plus solide du caractère national ; une seule conclusion est encore possible : l’abolition de la noblesse.

Et ainsi elle se condamna elle-même dans l’immortelle nuit du 4 août, cette race légère et charmante, insouciante et généreuse, si rebelle aux leçons de l’expérience, mais si loyale, si désintéressée, si pleine d’honneur et de bravoure. En proclamant la nécessité du sacrifice, on ne peut se défendre d’un sentiment de regret de voir perdues tant de qualités brillantes, dont la séduction se fit si longtemps supporter à la France, malgré d’intolérables défauts. Et comment d’ailleurs ne pas se souvenir ici que les deux premiers initiateurs de la liberté furent deux de ses fils : Lafayette et Mirabeau !

D’où viendra donc le salut ? delà royauté ? Sous des apparences plus rassurantes, son état est tout à fait désespéré. Voyez plutôt tous ces empiriques rassemblés autour d’elle. Chose étrange ! pour la première fois, elle commence à s’effrayer de sa responsabilité. Elle a des scrupules de conscience. Elle va au-devant des réformes. Elle publie des comptes rendus que personne ne lui demande. Son pouvoir l'embarrasse, car elle sent le vide se faire autour d'elle.

Lui est-il permis du moins de compter sur le bon Louis XVI ? — On raconte qu’à l’époque du sacre l’illustre Turgot fit de grands efforts pour obtenir de lui qu’il voulût bien retrancher du cérémonial d’usage une formule qui avait quelque peu vieilli : le serment d’exterminer les hérétiques. Le roi convint de la justesse de ses observations, et Turgot crut l’avoir persuadé. Mais le jour de la cérémonie venu, et au moment de prêter le serment, Louis XVI, au lieu des termes consacrés, balbutia, d’une voix troublée, quelques paroles qu’il rendit, à dessein, inintelligibles, au grand étonnement de l’assistance. Il avait pensé concilier ainsi les égards dus à l’opinion avec les ménagements qu’il voulait garder pour le clergé.

Cette misérable et puérile transaction donne la vraie mesure du caractère de ce malheureux prince, et de l’esprit qui dicta tous ses actes. Entre les partis opposés qui s’offraient à lui, il finissait toujours par adopter un moyen terme plus dangereux qu’eux tous. Faible, irrésolu, flottant au gré de mille impulsions contraires, on le voyait associer dans un même ministère Turgot à Maurepas, c’est-à-dire la droiture, le désintéressement, la pureté, à la corruption et à l'intrigue. Et cette dualité il la portait en lui-même. Son premier mouvement était presque toujours juste, grâce à des instincts honnêtes et à un certain bon sens ; mais bientôt les passions, les préjugés, les influences de son entourage, les exigences terribles de sa propre situation, élevaient la voix, grondaient, menaçaient, et le pauvre roi, troublé, éperdu, se hâtait de céder à l’orage. Le lendemain effaçait toujours le travail de la veille, et le repentir suivait de près ses résolutions. Aussi dès le début paraît-il en proie au vertige. Il a l’air d’une victime marquée par la fatalité. A qui croire ? à qui s’adresser ? Il va en désespéré à tous ceux qui lui promettent le salut, de Turgot et de Malesherbes à Necker, de Necker à de Galonné, de Galonné à Loménie. Il a dans sa timide attitude je ne sais quoi d’inquiet et d’effaré.

De tous ces hommes, un seul avait eu assez de génie pour embrasser l’étendue du désastre, et assez de caractère pour tenter de le prévenir, en désarmant la Révolution et en lui donnant d’avance ses plus essentielles satisfactions. Il fut le premier abandonné : j’ai nommé Turgot.

Il faut dire d’ailleurs que les hésitations de Louis XVI n’étaient que trop souvent justifiées par d’inexorables difficultés. À force de se faire le centre de toutes choses, la royauté en était venue à ce point qu’aucune partie de l’État ne pouvait recevoir d’atteinte qu’elle n’en ressentît immédiatement le contre-coup. Chaque réforme qu’elle essayait ne faisait que susciter ou révéler une complication et une impossibilité nouvelle, parce que le vaste ensemble d’innovations auquel elle aurait dû se rattacher n’existant pas, elle n’était plus qu'un élément de trouble et de désaccord au sein d’un ordre de choses conçu dans un tout autre esprit. C’est ainsi que les meilleurs projets de Turgot eurent parfois des résultats funestes, que les assemblées provinciales réveillèrent dans toute la nation le désir d’une vie politique plus réelle et plus effective, que les emprunts de Necker amenèrent naturellement ses comptes rendus qui, malgré leurs illusions, ne firent que rendre publique la détresse des finances, que l’assemblée des notables vint fortifier l’opposition des parlements, et enfin rendit nécessaire la convocation des États-Généraux.

Tous les remèdes ayant été épuisés et étant tous restés sans effet, parce qu’ils avaient tous pour base la conservation intégrale des institutions existantes, on commença à s’habituer à l’idée de faire la part du feu et d’en sacrifier une portion. Le clergé et la noblesse ne tardèrent pas à s’apercevoir, aussi bien que la royauté, que le gouffre pourrait bien finir par les engloutir tous trois. Mais dans l’espoir qu’un seul sacrifice suffirait, ils se renvoyaient le suicide, chacun le trouvant très inopportun pour soi et d’un à-propos irrésistible pour ses rivaux. Personne ne voulait être le Décius. Les cahiers des deux ordres privilégiés et les dernières ordonnances de la monarchie expriment cette préoccupation avec une singulière naïveté d’égoïsme.

Alors parut de Calonne qui, froidement, prononça le mot décisif, l’arrêt du destin : « Pour combler l’abîme, que faut-il ? — les abus. »

Les abus, c’étaient : la royauté, la noblesse et le clergé.

Mais, dira-t-on, cela supprimé, que reste-t-il ?

On peut répondre hardiment, avec Sieyès : « Il reste la nation française. »

 

 

 



[1] Cette vérité si dure pour la noblesse, la royauté ne la lui épargnait guère. Voici, en effet, ce qu’on peut lire dans le discours d’ouverture des États-Généraux, de M. de Barentin, le garde des sceaux :

« Tant que le service de l’arrière-ban a duré, tant que les possesseurs des fiefs ont été contraints de se transporter à grands frais d’une extrémité du royaume à l’autre avec leurs armes, leurs chevaux, leurs équipages de guerre n’était-ce pas une manière de partager l'impôt, ou plutôt n’était-ce pas un impôt réel, que ce service militaire que l’on a vu plus d’une fois concourir avec des contributions volontaires ? » Et la noblesse ne fournissant plus ce concours, il concluait contre son privilège d’exemption d’impôt : n’était-ce pas conclure contre tous les autres ?