HISTOIRE DE NAPOLÉON IER

TOME QUATRIÈME

 

CHAPITRE VIII. — INSURRECTION D'ESPAGNE. - L'AVÈNEMENT DU ROI JOSEPH

MAI-JUILLET 1808

 

 

La nouvelle des fusillades du 2 mai répandue au milieu d'une population déjà inquiète, agitée, indignée de la présence de tant de soldats étrangers sur son territoire, produisit dans toute l'Espagne un long frémissement de colère. Mais lorsqu'on y connut les odieuses circonstances de la trahison de Bayonne et les deux abdications qui l'avaient suivie, ce ne fut plus d'un bout à l'autre de la Péninsule qu'un seul cri, immense, instantané, foudroyant, cri de vengeance et d'extermination destiné à retentir dans les siècles, et tel que le monde n'en avait jamais entendu jusque-là ! On eût dit qu'une grande commotion volcanique venait de soulever le sol de l'Espagne sur toute sa surface. En un jour, en une heure, sans concert et sans mot d'ordre, toute la nation fut debout, enflammée d'un sentiment unanime. Ces vastes mouvements qui entrainent tout un peuple dans le même courant de d'amour ou d'enthousiasme, n'étaient pas un spectacle nouveau pour l'Europe. La France le lui avait donné plus d'une fois pendant les longues péripéties de sa Révolution ; mais là comme dans toutes les monarchies unitaires et centralisées, tantôt la capitale, tantôt quelques hommes, dictateurs improvisés, avaient voulu et décidé, la multitude avait suivi. Elle avait suivi avec une exaltation et un dévouement souvent aveugles ; elle n'avait eu ni la pensée ni l'initiative. Ce qui fait l'originalité et la grandeur du soulèvement espagnol, ce qui lui donne une physionomie à part dans l'histoire, c'est que non-seulement toutes les provinces, toutes les villes et même les villages se levèrent à l'insu les uns des autres, mais que chaque homme en quelque sorte, à ce moment de péril suprême, osa, dans son isolement, regarder en face le tyran du monde, et lui déclara la guerre pour son propre compte. Il est toujours facile et souvent peu glorieux de suivre le mouvement qui entraîne les foules, mais lorsque l'homme, sans autre témoin que lui- même, et sous la seule impulsion de son honneur, embrasse d'un cœur intrépide une résolution qui expose sa fortune et sa vie à une destruction presque certaine, ceux qui ont à raconter de tels faits doivent s'incliner avec respect, car ils ont sous les yeux ce phénomène rare et sublime qu'on nomme l'héroïsme.

Cet exemple, des milliers d'hommes le donnèrent au même instant, en accourant en armes au petit centre de leur canton ou de leur province. Seraient-ils imités et soutenus ? Ils l'ignoraient ; ils ne savaient qu’une chose, c'est qu'ils préféraient la mort à l'ignominie d'une domination imposée et subie sous de tels auspices. Il faut dire d'ailleurs que jamais, dans les temps modernes, la conquête ne s'était encore présentée sous des traits aussi révoltants et aussi hideux. L'invasion de l'Espagne offrait un caractère à part, même parmi les entreprises de Napoléon, où la fourberie avait toujours tenu une si grande place. Il s'y était surpassé lui-même, mais par malheur il y avait aussi dépassé la mesure de ce que pouvaient supporter ses contemporains, car il est certain qu'aucune nation de l'Europe n'était alors assez dégradée pour endurer patiemment les turpitudes qui soulevèrent le peuple espagnol. Voilà ce dont le plus grand des hommes n'avait pas la moindre idée. Loin d'avoir aperçu un seul des signes précurseurs de cette grande convulsion nationale, il était plein de sécurité, de confiance, de contentement de lui-même. Il avait, par une combinaison ingénieuse, épargné à l'Espagne les horreurs d'une conquête violente, il avait obtenu presque sans effusion de sang le prix de dix années de carnage ; tout le monde devait lui être reconnaissant du subtil et salutaire expédient qu'il avait choisi, et bientôt les Espagnols allaient bénir le nom de leur régénérateur ; il ne voyait pas au-delà En cela, le manque de sens moral, la grossière ignorance des susceptibilités de l'honneur, du patriotisme, de la dignité individuelle ou nationale, qui sont un des traits distinctifs de cette âme perverse, équivalent à une lacune de l'intelligence, car ces perfidies, si laborieusement combinées, vont directement contre leur but, ces profonds calculs sont une grosse bévue, ce crime est presque de la niaiserie. A ne rien soupçonner, à ne rien prévoir des effets que de telles noirceurs devaient naturellement produire chez un peuple fier et passionné, il y avait une aberration de jugement qui parait à peine croyable ; et l'on conçoit que, plus tard, Napoléon soit allé jusqu'à écrire un faux pour faire absoudre son génie à défaut de son honneur ; mais il lui eût fallu pour se disculper refaire sa correspondance tout entière, qui témoigne, quoi qu'on en ait dit, du plus étrange et du plus inconcevable aveuglement, non-seulement avant l'insurrection, mais longtemps après qu'elle a éclaté sous ses yeux.

La résolution héroïque et désespérée qui s'empara des Espagnols à la nouvelle des événements de Bayonne, eut toute la soudaineté d'une explosion ; il fallut toutefois au soulèvement quelques jours pour s'organiser. Ce fut en général du 24 au 30 mai 1808 qu'il éclata, et presque partout avec des circonstances analogues. Le signal ne partit ni de la ville ni des campagnes ; il fut donné sur tous les points à la fois. Dans les hameaux, dans les villages, sur les routes, des hommes, obéissant à la même pensée, se réunissent spontanément ; ils marchent ensemble au chef-lieu ou à la capitale de la province ; ils en trouvent les habitants déjà soulevés ou prêts à se révolter ; ils déposent les autorités hésitantes ou suspectes, nomment des juntes insurrectionnelles, s'emparent des arsenaux et arment les populations, après avoir fait décréter les levées en masse. Partout les contributions volontaires affluent dans les caisses du nouveau gouvernement, et tous les hommes en état de porter les armes s'enrôlent sous sa bannière. Nobles, paysans, bourgeois, moines, prêtres, soldats, toutes les classes luttent de zèle et d'émulation. Rien n'est plus faux et plus insoutenable que l'opinion de ceux qui persistent encore à présenter ce soulèvement comme a : l'œuvre des moines. » C'est là un vieux thème inventé par Napoléon pour déshonorer ceux qu'il ne pouvait vaincre. J'en montrerai bientôt l'origine et le peu de solidité. Ce qu'on doit dire à l'honneur du clergé espagnol, c'est que, loin de montrer la complaisance ordinaire de l'Église catholique à l'égard de ce qu'elle nomme les pouvoirs établis, il se prononça avec énergie en faveur du mouvement national ; mais il ne le devança pas, il le suivit ; et dans les commencements surtout il se manifesta plus d'une fluctuation dans sa conduite. Il n'est pas permis d'oublier que parmi les plus empressés à saluer à Bayonne la royauté éphémère de Joseph, figuraient en première ligne les représentants de la sainte inquisition. Les passions religieuses eurent sans doute leur part d'influence dans l'insurrection espagnole. Cette influence s'accrut surtout lorsque Napoléon qui les avait d'abord caressées avec un soin extrême, reconnut l'inutilité de ses efforts pour gagner les prêtres après sa déclaration de guerre au pape, et rompit brusquement avec eux dans l'espoir non moins chimérique de s'attacher les opinions philosophiques. Mais il n'y a pas plus de vérité à attribuer cette révolte au fanatisme religieux qu'à en faire honneur au fanatisme monarchique comme d'autres l'ont essayé ; sa force et sa gloire sont d'avoir réuni tous les mobiles et toutes les opinions, depuis la superstition du paysan jusqu'au patriotisme presque républicain de l'étudiant des universités. A côté des bataillons enrôlés sous la bannière des saints de l'Espagne, on voit figurer dans l'armée insurgée les compagnies Brutus et de Caton, la compagnie du Peuple, qui avait pour devise : La liberté ou la mort. Cette révolte est essentiellement une révolution d'indépendance, et c'est là ce qui l'a rendue invincible. Aussi restera-t-elle l'éternelle leçon des peuples menacés dans leur existence nationale, en leur apprenant à préférer les maux les plus effroyables à la domination étrangère, même déguisée sous d'apparentes améliorations. Au milieu de l'unanimité extraordinaire de ce soulèvement, deux catégories d'hommes seulement se montrèrent disposées, non pas à ratifier ce qui s'était fait, mais à transiger avec un état de choses qu'elles considéraient comme inévitable, ce sont celles que dans tous les temps et dans tous les pays on a vues se plier le plus docilement aux circonstances : les fonctionnaires et les gens de cour. Encore faut-il dire que leur défection fut non-seulement très partielle, mais très-passagère, car l'immense majorité des premiers ou resta fidèle à la cause nationale, ou lui revint après une courte hésitation ; et quant aux seconds, comme c'est à la cour et non au monarque qu'ils sont attachés, il fallait être naïf comme l'était le roi Joseph pour s'étonner, soit de leur empressement, soit de leur désertion. Au reste on doit convenir que les bonnes raisons pour se soumettre et accepter les faits accomplis ne leur manquaient ni aux uns ni aux autres, et ils ne se firent pas faute de prêcher à leurs com- patriotes une résignation qui semblait la loi même de la nécessité. Que voulait-on, qu'espérait-on en organisant une résistance ? Avait-on la folle idée de triompher des armées de Napoléon ? Non, une pareille illusion ne pouvait entrer dans aucun esprit sensé. Le seul résultat possible de l'insurrection était la défaite, une défaite sans remède, parce qu'elle ajouterait tous les maux de l'anarchie à tous ceux de la guerre. La facilité avec laquelle s'était accomplie la chute de l'ancienne dynastie indiquait assez que c'était là «un terme fixé par la Providence.» En acceptant un nouveau souverain des mains de Napoléon, l'Espagne n'abdiquait nullement son indépendance, elle la voyait consacrée plus solidement que jamais et soutenue par toute la force de l'empire. Délivrée d'une royauté incapable et vieillie, gouvernée par un prince que recommandaient ses qualités personnelles et son esprit éclairé, l'Espagne pourrait enfin participer aux réformes et aux améliorations dont jouissaient tous les peuples de l'Europe ; elle pourrait reprendre la place éminente qu'elle avait eue parmi les puissances. Tous ces biens dont on allait entrer en possession presque sur-le-champ devaient faire oublier des irrégularités regrettables, mais passées désormais à l'état de faits accomplis, et les bons citoyens ne pouvaient plus avoir qu'une pensée, celle de prévenir des malheurs irréparables par une prompte adhésion au nouveau régime[1].

Ces sophismes étaient spécieux ; au début surtout plus d'un patriote sincère s'y laissa prendre dans la crainte de voir tant d'efforts généreux aboutir à la ruine et à l'anéantissement de l'Espagne. Mais le sentiment populaire n'hésita pas un instant, et en préférant la mort même au bonheur qu'on lui promettait, il vit plus juste et plus loin que les sages. Là où les calculs des politiques sont en défaut, l'instinct des simples triomphes, car l'héroïsme comme le génie est chose d'inspiration, non de raisonnement ; et dans toutes les situations désespérées une Jeanne Darc sera toujours supérieure à un Machiavel.

La principauté des Asturies fut de toutes les provinces espagnoles celle qui se prononça la première, si toutefois on peut assigner une initiative à un mouvement qui fut essentiellement simultané- Ce petit pays perdu à l'extrême nord, resserré entre les montagnes et la mer, presque sans communication avec les autres provinces, avait été le dernier refuge des guerriers de Pélage à l'époque de l'invasion arabe ; il était digne par son énergie et son patriotisme de servir de berceau à une guerre d'indépendance. Dès le 9 mai la junte des Asturies, réunie à Oviedo, avait décidé aux acclamations de la population entière qu'elle désobéirait aux ordres de Murat, et son président, le marquis de Santa-Cruz, avait déclaré er qu'en quelque lieu qu'il vit un homme se lever contre Napoléon, il prendrait un fusil et marcherait à ses côtés[2]. » Le soir du 24 mai, vers minuit, le tocsin retentit dans la ville et dans les villages environnants, on s'empare du commandant envoyé par Murat, on enlève l'arsenal où se trouvait un dépôt de cent mille fusils. Le lendemain la junte s'assemble, elle organise la défense, elle décrète une levée de dix-huit mille hommes ; puis cela fait, les représentants de cette humble contrée, à peine perceptible sur une carte d'Europe, saisis d'un enthousiasme inexprimable, déclarent solennellement la guerre à l'oppresseur des peuples. Sublime accès de folie, aussi digne des regards de l'histoire que l'immortelle inspiration qui poussa les trois cents fils de Sparte au-devant de toute une armée I Et en commençant cette lutte si prodigieusement inégale, la junte des Asturies se croyait si bien réduite à ses seules ressources, elle agissait tellement en son propre et privé nom que sans plus attendre et sans consulter personne, elle envoie sur-le-champ en Angleterre, pour y réclamer l'appui des forces britanniques, deux députés, dont l'un était le vicomte de Matarosa, le même qui, plus connu plus tard sous le nom de comte de Toreno, nous a laissé le récit le plus fidèle et le plus judicieux qui ait été publié sur ces événements. Les envoyés de la junte débarquèrent à Falmouth dans la nuit du 6 juin 1808, et dès le lendemain à sept heures du matin ils étaient admis à l'hôtel de l'Amirauté. Ils apportaient à Canning la déclaration de guerre que la junte des Asturies venait de signifier à l'empereur des Français, roi d'Italie, et la requête qu'elle adressait à S. M. britannique. A l'audition d'un message si extraordinaire, la vive intelligence de Canning, suppléant aux nouvelles qui faisaient absolument défaut, entrevit aussitôt quel prodigieux ébranlement devait avoir reçu la Péninsule pour qu'il s'y produisit des événements aussi inouïs. Il comprit qu'une émotion si vive et si profonde ne pouvait pas être un fait isolé, que cette conflagration n'était que l'épisode d'un vaste incendie ; il promit aux députés l'appui énergique de la Grande-Bretagne et bientôt leur en donna par écrit l'assurance officielle au nom du cabinet

Au moment où les montagnards asturiens jetaient leur cri de guerre, un cri semblable leur répondait à l'autre extrémité de la Péninsule, à Carthagène. Là ce fut le désir de conserver à l'Espagne une escadre que Napoléon faisait diriger sur Toulon par l'amiral Salcedo, qui précipita les événements. La vue de cette honteuse spoliation, accomplie au grand jour comme l'acte le plus légitime, remplit les habitants de colère et d'indignation. La nouvelle des abdications de Bayonne qui survint au même instant acheva de les décider à la révolte. Ils savaient que l'escadre devait d'abord relâcher à Mahon ; c'est là qu'ils iront l'arrêter. Ils se précipitent vers la demeure du capitaine général, le déposent et le remplacent par un de leurs adhérents, nomment une junte d'insurrection, ouvrent leurs arsenaux et leurs dépôts d'armes aux provinces voisines. Cela fait, ils se hâtent d'envoyer à Mahon un officier de marine qui vient intimer à Salcedo la défense de partir et l'escadre échappe à ses ravisseurs (22, 23 mai). Murcie imite aussitôt Carthagène. Une autre ville du même littoral, la riche et populeuse Valence, n'a pas attendu ce signal pour éclater. A Valence, la lecture du numéro de la Gazette de Madrid, qui contient les abdications, a suffi pour soulever le peuple. En une heure toute la ville est debout aux cris de : Vive Ferdinand ! mort aux Français !

Malheureusement on ne s'en tient pas aux paroles. Ici comme dans la plupart des villes où se trouvent de grandes agglomérations populaires, l'irritation des multitudes, surexcitée jusqu'au délire, amène des scènes lamentables auxquelles de courageux citoyens essayent en vain de s'opposer. Le comte de Cervellon, qui trahissait l'insurrection en feignant de la servir, échappe à une mort méritée grâce au dévouement de sa fille qui arrache aux mains des accusateurs les preuves écrites de sa trahison ; mais le baron d'Albalat, innocent quoique suspect, est mis en pièces par une foule furieuse, nouvel exemple des méprises de ces justices sommaires qui jugent sans discernement et frappent à l'aveugle. Quelques jours plus tard le peuple de Valence, tombé sous la domination d'un prêtre fanatique, le chanoine Calvo, déshonore sa révolution par le massacre des résidents français réfugiés dans la citadelle. Mais ces assassinats sont bientôt punis par le supplice de Calvo et de ses partisans, et la ville, honteuse de leurs excès, va les effacer avant peu par des exploits qui la réhabiliteront aux yeux du monde.

Au début de l'insurrection, ces scènes sanglantes qui, une fois la guerre engagée, deviendront le plus souvent de justes quoique inexorables représailles, sont loin d'être un fait général ; on peut même soutenir qu'elles sont exceptionnelles, surtout si l'on tient compte de la violence des passions qui s'y trouvaient en jeu. Les Français établis en Espagne furent presque partout protégés contre la fureur populaire malgré la haine dont ils étaient devenus l'objet. Quant aux fonctionnaires qui furent frappés, si leur châtiment était à la fois irrégulier et excessif, leur adhésion au gouvernement de Murat était à bon droit considérée comme un crime. Dans beaucoup de villes on se contenta de les déposer ; dans d'autres on les enrôla purement et simplement dans l'insurrection. À Valladolid, résidait le capitaine général du royaume de Léon, don Gregorio de la Cuesta, vieux militaire et bon patriote, mais caractère hautain et obstiné, habitué à ne croire qu'à la force enrégimentée et comme tel jugeant toute résistance inutile. Les révoltés, voyant que ni par leurs prières, ni par leurs raisons, ni par leurs menaces, ils ne pouvaient décider le vieux général à se déclarer pour l'insurrection, élevèrent une potence devant le balcon de son hôtel et le sommèrent de choisir entre la mort et le commandement des forces insurgées. Ce raisonnement péremptoire mit fin aux scrupules de la Cuesta, soit qu'il fût intimidé, soit qu'il comprit enfin qu'une telle énergie pouvait devenir un puissant instrument de délivrance.

Le soulèvement de la Galice avait suivi de près celui des Asturies, pays auquel elle confine de plusieurs côtés. Cet événement fit tomber au pouvoir de l'insurrection les ports et les arsenaux du Ferrol et de la Corogne, dont Napoléon travaillait depuis longtemps à s'assurer la possession. Mais on eut à y déplorer le meurtre du capitaine général Filangieri, homme qui s'était fait aimer par la douceur et la droiture de son caractère. On apprit presque en même temps la révolte de la province de Santander, qui menaçait de très-près nos communications par les Pyrénées. Celle du royaume d'Aragon fit son explosion à Saragosse où le peuple devina et choisit un héros en la personne de don José Palafox ; enfin celle de la Vieille-Castille et de la Catalogne vint compléter en peu de ours l'insurrection des provinces du nord. Seules les provinces basques, inondées de nos soldats qui les parcouraient dans tous les sens, s'abstinrent de prendre part au mouvement. Déjà le midi tout entier était en feu. Là comme partout, c'était sans rien savoir de ce qui se passait dans le reste de l'Espagne qu'on avait couru aux armes. La junte insurrectionnelle de Séville croyait si bien être seule en agissant pour tous, qu'elle avait pris naïvement le titre de Junte suprême d'Espagne et des Indes, persuadée qu'elle était le dernier asile du patriotisme espagnol et parodiant à sa façon le beau vers du poète :

Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis.

Ce bel élan national fut malheureusement souillé par le meurtre du comte del Aguila. L'Andalousie était la province où il y avait le plus de troupes espagnoles, grâce aux précautions que Napoléon avait prises pour les éloigner de Madrid. Il s'en trouvait un assez grand nombre à Séville, plus encore à Cadix, et au camp de Saint-Roque, près de Gibraltar. Ces combinaisons, soi-disant prévoyantes, eurent pour effet de faire de l'Andalousie, pays fortifié naturellement par les escarpements de la Sierra Morena, le centre le plus formidable de l'insurrection espagnole. Les troupes de Séville ayant immédiatement pris parti pour la cause nationale, la junte songea aussitôt à s'assurer de Cadix, le premier port de la Péninsule, et du camp de Saint-Roque où se trouvait sa plus importante armée. Castaños, le commandant du camp, se prononça dès l'arrivée de l'envoyé de la junte de Séville. L'émissaire envoyé à Cadix y rencontra des obstacles inattendus. Le capitaine générai de Cadix était ce même Solano qui avait fait campagne en Portugal comme auxiliaire de Junot. Mécontent d'abord de son triste rôle dans cette aventure, mais gagné depuis par les flatteries de Murat, Solano s'était résigné à accepter le nouveau régime. Après avoir tout fait pour arrêter le mouvement, il se soumit d'assez mauvaise grâce lorsqu'il en eut reconnu la force irrésistible, et promit d'obéir à la volonté populaire.

Mais il n'était plus en son pouvoir de dissiper la défiance et les ressentiments que ses tergiversations avaient excités dans l'âme d'un peuple dont quelques jours auparavant il était l'idole. Saisi dans la maison d'un ami où il avait cherché un refuge, Solano fut massacré sur une place de Cadix et mourut avec un courage qui aurait fait sa gloire s'il l'avait employé contre les ennemis de son pays. Don Thomas de Morla fut nommé capitaine général à sa place. La junte lui intima l'ordre d'attaquer la flotte française qui, depuis la catastrophe de Trafalgar, était bloquée dans le port de Cadix. Il adressa des sommations menaçantes à l'amiral Rosily qui la commandait, et fit les préparatifs nécessaires pour bombarder l'escadre en cas de résistance. Rosily gagna quelques jours par des négociations, puis il prit position au milieu de la rade, hors de portée des feux de la ville, convaincu qu'il ne tarderait pas à être dégagé par le corps de Dupont qui devait occuper l'Andalousie.

Jaën et Cordoue s'étaient promptement ralliées au mouvement de Séville. Grenade se prononça en armant toute sa population valide ; elle entraîna dans la révolte les troupes suisses que Théodore Reding commandait à Malaga. A Badajoz, capitale de l'Estrémadure, le peuple attendit, comme dans beaucoup d'autres villes, le jour de la Saint-Ferdinand (30 mai) pour s'insurger. Il fit sa révolution presque sous le canon des Français qui occupaient Elvas, à peu de distance de là et se mit sur-le-champ à relever les fortifications de la ville qui tombaient en ruines. L'Estrémadure eut en peu de temps une armée de vingt mille hommes, qui rendit de grands services en interceptant les communications de Junot avec l'armée française d'Andalousie.

On voit par ce rapide coup d'œil jeté sur l'insurrection d'Espagne, avec quel ensemble et quelle spontanéité éclata cette grande commotion. Il est aussi puéril de l'expliquer par l'influence d'une certaine classe ou d'une superstition particulière, monarchique ou religieuse, que d'attribuer à un ruisseau la formation de l'Océan. Ce n'était pas le sentiment monarchique qui était irrité contre Napoléon, car ce n'était certes pas la république qu'il apportait à l'Espagne ; ce n'était pas non plus le sentiment religieux, car, sans parler de l'affaiblissement des idées religieuses qui s'était opéré partout, même en Espagne, à la suite des luttes philosophiques du dix-huitième siècle, Napoléon était encore aux yeux du clergé espagnol le restaurateur des autels, le grand soutien du catholicisme. On ne savait rien ou presque rien encore de ses démêlés avec le pape. Ce qu'il avait blessé et révolté par d'irréparables outrages, c'étaient d'abord ces sentiments d'honneur et de justice élémentaires que tout homme porte dans sa propre conscience, c'était ensuite ce grand sentiment à la fois individuel et collectif qui embrasse tous les autres, et qu'on nomme le patriotisme.

Pendant que se déclarait cette grande crise nationale, dans laquelle l'Espagne devait se retremper ou périr, Napoléon, toujours à Bayonne, pressait à la fois l'arrivée de son frère Joseph qu'il voulait faire régner sur les Espagnols, celle des députés récalcitrants qui devaient bon gré ou malgré offrir cette couronne au nom du peuple, enfin ce qu'il lui plaisait d'appeler la réorganisation d'un royaume qui déjà n'était plus à lui. Il avait signifié ses intentions à Joseph par une lettre brève et péremptoire qui n'admettait pas d'objections : « C'est à vous, lui disait-il, que je destine cette couronne.... à Madrid, vous êtes en France, Naples est le bout du monde. Je désire donc qu'immédiatement après avoir reçu cette lettre, vous laissiez la régence à qui vous voudrez, le commandement des troupes au maréchal Jourdan et que vous partiez pour vous rendre à Bayonne.... Vous recevrez cette lettre le 19, vous partirez le 20 et vous serez ici le 1er juin. » (10 mai.) Ce ton impératif était calculé en raison des répugnances connues de Joseph à abandonner un royaume où il se considérait comme affermi, et aussi en raison de son caractère facile et complaisant. Il est fort probable, en effet, que lors de son voyage en Italie, Napoléon avait parlé à Joseph de son élévation au trône d'Espagne comme d'une éventualité possible. Si plus tard il avait offert cette couronne à Louis, c'était, selon toute apparence, par égard pour le peu d'empressement que lui avait témoigné son frère aîné. Ce qui est certain, c'est que Joseph quitta à contre cœur le royaume de Naples, et partit, sinon disposé à désobéir, du moins peu satisfait du changement qu'on lui imposait et avec l'espoir secret d'y échapper[3]. Mais Napoléon prenait d'avance toutes ses précautions pour que l'acceptation de Joseph fût pour ainsi dire forcée, et qu'il se trouvât engagé avant d'avoir eu le temps de rien voir par lui-même. Dès le commencement du mois de mai, il s'était efforcé d'obtenir de la junte suprême de Madrid et du conseil de Castille une déclaration appelant Joseph au trône d'Espagne. L'empereur espérait donner au guet-apens de Bayonne la couleur d'une déférence pour le vœu national. Ces deux assemblées ne lui ayant envoyé, après s'être fait beaucoup prier, qu'une décision mêlée de beaucoup de réserves, il se flatta de tirer un meilleur parti d'un simulacre d'assemblée de cortès. Il les convoqua à Bayonne, comme ces députés de la Cisalpine qu'il avait, quelques années auparavant réunis à Lyon, et qui, venus pour assurer la liberté de leur pays, étaient repartis après la lui avoir livrée. Cette junte extraordinaire, chargée de donner en même temps un roi et une constitution à l'Espagne, était convoquée pour le 15 juin ; elle devait réunir dans son sein les représentants de la grandesse, du clergé, des ordres religieux, des universités, de l'armée, du haut commerce, des colonies, et même de l'inquisition.

Elle fut composée en réalité, partie des grands d'Espagne qui avaient accompagné les princes à Bayonne et que Napoléon avait retenus en France, partie de hauts fonctionnaires empressés de sauvegarder leur position sous tous les régimes, partie enfin de tous les personnages qu'on parvint à entraîner à grand renfort de promesses, de menaces ou de flatteries. Elle devait comprendre cent cinquante députés, et n'en réunit qu'un peu plus de la moitié.

Cette solennelle parodie des formes et des principes de la souveraineté nationale ne devait être que la préface des combinaisons de Napoléon. En se consacrant à la régénération de l'Espagne, il avait eu sur tout en vue de s'emparer de ses ressources. C'est ce qu'il avait fait dans tous les pays dont il avait entra-pris de faire le bonheur, c'est c-e qu'il venait de faire dans le malheureux Portugal, et l'on ne doit pas laisser attribuer à une conception bienfaisante et civilisatrice des projets uniquement inspirés par des convoitises d'ambitieux. L'impatience fiévreuse avec laquelle Napoléon s'occupa des finances, de la marine et surtout des colonies de l'Espagne, tenait tout entière à l'illusion qui lui faisait supposer qu'il allait y trouver des moyens immenses pour réaliser ses projets sûr le reste du monde ; c'est se moquer du bon lecteur que de la représenter comme une noble et généreuse ambition de faire oublier l'usurpation à force de bienfaits. Certes, s'il avait été capable d'éprouver ces vertueux sentiments, ce n'était pas l'occasion qui lui avait manqué pour les mettre en pratique. Parmi les peuples qu'il tenait courbés sous sa verge de fer, il n'aurait eu que l'embarras du choix s'il avait voulu déployer cette philanthropie expiatoire. Malheureusement chaque page de sa correspondance est là pour prouver qu'en s'occupant de l'Espagne, il ne pense qu'à lui-même.

Au premier moment, il éprouve une sorte d'éblouissement à l'idée qu'il va mettre la main sur tant de riches possessions. Il fait le calcul des piastres que va lui rapporter le Mexique ; il lance dans toutes les directions des avisos qui vont porter aux colonies espagnoles le roman de l'abdication de Bayonne, arrangé de façon à les détourner d'une rupture. Il compte sur ses doigts les vaisseaux, l'appoint redoutable que la marine espagnole et les nombreux ports de la Péninsule vont lui permettre d'ajouter à ses escadres. Avant la fin de septembre 1808, il veut avoir 35 vaisseaux neufs. Ces 35 bâtiments ajoutés aux 42 qu'il possède déjà aux 54 vaisseaux qu'il lève sur les puissances alliées et jusque sur la Russie, va lui constituer un armement total de 131 vaisseaux de guerre[4]. A cette pensée son imagination s'exalte et il s'écrierait volontiers comme à Boulogne : « L'Angleterre est à moi ! » il écrit au pauvre Decrès jusqu'à six lettres dans la même journée sur les magnifiques plans qu'il médite. Mais à l'heure où il développe ces vues fantastiques qui n'existèrent jamais que sur le papier et que, par une singulière aberration, on a décorées du nom de réorganisation de la marine espagnole, tous les ports de la Péninsule sont déjà aux mains de l'insurrection. Pour donner une idée du prétendu profit que l'Espagne aurait reçu de l'impulsion imprimée à ses ressources maritimes, il suffit de dire qu'il destine tous ces armements à une gigantesque expédition dirigée soit sur l'Égypte et les Indes, soit sur Alger, soit enfin sur la Sicile pour y venger l'échec de celle de Ganteaume, avortée avant même d'avoir commencé ses opérations[5]. Le bénéfice le plus certain que les escadres espagnoles eussent retiré de sa sollicitude, t'eût été d'être menées à un nouveau Trafalgar.

Le sens de la réorganisation que Napoléon médite pour l'armée espagnole est encore plus clair que celui des améliorations qu'il rêve pour la marine. Cette réorganisation consiste tout simplement à faire filer en France le peu de troupes qui restent à l'Espagne. Il se propose de les diriger ensuite sur le Nord Q afin de leur faire partager la gloire du corps de la Romana, » gloire qui consiste à mourir de froid et d'ennui sur les rives de la Baltique. En ce qui concerne les finances, enfin, ce qu'il imagine de plus ingénieux lorsqu'il s'est bien assuré qu'il ne reste pas un écu dans le trésor espagnol, c'est de faire prêter à l'Espagne vingt-cinq millions par la banque de France en lui offrant pour gage les diamants de la couronne[6]. Encore faut-il dire que s'il destine une partie de cet argent à la marine, afin de presser les constructions navales, la plus grosse portion doit servir à payer les frais d'installation de son frère Joseph. Et n'est-ce pas une vraie dérision que de présenter de tels actes comme une conception de génie, qui, si elle avait pu être réalisée, aurait assuré la grandeur et la félicité du peuple espagnol ?

Ce n'étaient là dans le vrai que de très-médiocres châteaux en Espagne, qui allaient s'écrouler au premier souffle des vents contraires ; mais celui qui les construisait en était venu, à force d'infatuation et de succès, à considérer toute entreprise, bonne ou mauvaise, comme infaillible, par cela seul qu'il y avait mis la main. La facilité sans exemple avec laquelle s'était réalisée sa nouvelle conquête, avait exalté jusqu'à l'ivresse cette puissance d'imagination qui avait été de tout temps la force et la faiblesse de son génie, mais qu'il avait mieux réussi à maîtriser aux débuts de sa carrière. Il ne doutait plus de rien : il était bien à tout jamais le maitre légitime et définitif de cette magnifique monarchie de Charles-Quint, sur laquelle le soleil ne se couchait jamais. Il était comme le certifiait le Moniteur, « revêtu de tous les droits de la maison d'Espagne[7]. » L'héritier de tant de rois existait bien encore quelque part, mais réduit à une sorte de mendicité, et dans une condition si misérable que Napoléon détourne ses regards avec dégoût. Le croirait-on ? ce pauvre hère se souvient encore qu'il y a un mois il s'appelait le roi des Espagnes ! De tous ses titres il n'a retenu qu'une formule inoffensive, seul reste de tant de splendeurs, et il ose s'en servir dans les suppliques tremblantes qu'il adresse au tout-puissant empereur. Napoléon est outré de l'audace et de l'inconvenance de ce Lazare de la royauté : « Mon cousin, écrit-il à Talleyrand, le prince Ferdinand, en m'écrivant, m'appelle son cousin. Tâchez de faire comprendre à M. de Sari Carlos que cela est ridicule, et qu'il doit m'appeler simplement sire. » (24 mai.) Cela ne vaut-il pas le « appelez-moi tout simplement monseigneur » du régicide Cambacérès ? Le souverain de ces vastes États, c'est lui, on ne doit pas supposer qu'il y en a jamais eu un autre. Et il envoie ses ordres à ses sujets, comme un roi par droit de naissance, avec la parfaite certitude d'être obéi. ll mande ceux-ci aux cortès de Bayonne où il a besoin de leur dévouement, il décerne à ceux-là des gouvernements dans les colonies, il envoie à Gregorio de la Cuesta sa nomination à la vice-royauté du Mexique. Or, les cortès ne viennent pas, les colonies refusent de le reconnaître, et le jour même où Napoléon lui expédie son brevet de vice-roi du Mexique (26 mai), Gregorio de la Cuesta accepte le commandement en chef des forces insurgées de Léon et de Valladolid. En réalité, l'empereur n'est jusqu'ici que le souverain d'un royaume imaginaire.

Cette imperturbable confiance qui tient du somnambulisme s'étend aux opérations militaires comme à tout le reste, et les nouvelles, même les plus authentiques, de la formidable insurrection qui vient d'éclater, ne parviennent point à l'ébranler. Non-seulement l'empereur ne la voit pas venir, mais une fois qu'elle est venue, il n'en soupçonne ni la force ni la portée. Murat, ayant, dès le début, manifesté quelques appréhensions et témoigné des velléités d'apaiser les habitants par de bons procédés, Napoléon lui reproche ses ménagements comme une faiblesse, il lui recommande « d'appeler son esprit au « secours de son caractère » (17 mai). Que redoute Murat ? Toutes nos mesures de précaution ne sont-elles pas prises ? nous n'avons rien de sérieux à craindre nulle part.

Il en est de même en Portugal où Napoléon emprunte quatre mille hommes à Junot pour les prêter à Dupont, qu'il lance sur l'Andalousie et sur Cadix. Que peut craindre Junot ? « Les Anglais ne sont pas en mesure de rien tenter parce qu'ils savent bien qu'ils seraient écrasés[8]. » Voilà ce qu'il écrit lorsque Arthur Wellesley est à la veille d'opérer son débarquement. Ne reste-t-il pas à Junot, outre ses propres troupes, un corps de 8.000 Espagnols ? Il ne lui vient pas même à l'esprit que ces Espagnols peuvent avoir l'idée de se révolter. Quant à Dupont, il ne lui donne que 9.000 soldats pour envahir l'Andalousie et occuper Cadix, mais n'aura-t-il pas avec lui 8.000 Suisses au service de l'Espagne, et dont la fidélité est également assurée ?

Ainsi toutes ses prévisions militaires sont échafaudées sur des hypothèses, et lorsque la révolte vient le mettre en demeure d'agir avec vigueur et décision, ses illusions, loin de se dissiper, se changent en un aveuglement dont l'histoire offre peu d'exemples. Il commet une première faute en s'obstinant à diriger les opérations à distance, et sans sortir de Bayonne, lui qui a si sévèrement blâmé cette manie chez te Directoire et les comités de la Convention. Il en commet une seconde en divisant ses forces contrairement à ses propres principes, au lieu de les réunir pour frapper de grands coups. Napoléon avait alors dans la Péninsule, si l'on s'en rapporte à sa propre évaluation[9], une armée de 110 à 120 mille hommes, indépendamment de celle de Portugal. Ce n'était pas assez pour soumettre toute une nation fanatisée par la haine de l'étranger, mais c'était assez pour occuper de bonnes positions défensives au centre même du pays, et pour battre toutes les armées de l'insurrection qui oseraient s'aventurer en rase campagne, jusqu'au jour où l'arrivée des renforts permettrait d'entreprendre davantage. De telles visées étaient trop modestes pour Napoléon. Il résolut d'écraser en même temps la révolte dans toutes les localités où elle s'était produite. Il lança ses troupes dans ces diverses directions, en prenant, il est vrai, la précaution de faire appuyer ces détachements par des corps de moindre importance, qui devaient les rejoindre en cas de besoin, mais sans prévoir le cas où ces corps ne pourraient pas opérer leur jonction, ce qui se réalisa le plus souvent. C'est ainsi qu'en dirigeant le maréchal Moncey sur Valence, il détacha de Barcelone le général Chabran, pour prendre position sur un point intermédiaire entre Barcelone et Valence[10]. Cette tactique fut appliquée sur tous les points. Un détachement de Junot et la division Vedel durent appuyer de loin le mouvement de Dupont sur l'Andalousie ; la brigade Sabatier fut chargée de soutenir à distance l'expédition de Merle contre Santander[11], de Verdier contre Logrono. Enfin il fit partir de Madrid un petit corps de trois à quatre mille hommes, pour renforcer au besoin les dix mille hommes qu'il envoyait contre Saragosse, sous les ordres de Lefebvre-Desnouettes[12].

Partout c'est la même obstination à vouloir occuper le pays tout entier au moyen de corps échelonnés, et c'est le même éparpillement de ses forces. Il est convaincu que ses troupes n'auront qu'à se montrer pour dissiper ces méprisables rassemblements. Partout aussi ce sont les mêmes instructions qu'il donne à ses généraux : Faire des exemples. Ils savaient depuis longtemps ce que ce mot signifiait dans sa bouche. Brûler, piller, fusiller, tel était le programme sanglant dont quelques-uns d'entre eux éludèrent noblement l'exécution, mais que le plus grand nombre réalisa avec une rigueur qui était déjà passée dans les goûts aussi bien que dans les habitudes de l'armées

Ces dispositions, quelque insuffisantes qu'elles fussent, eurent d'abord un semblant de succès. Nos troupes eurent facilement raison des insurgés lorsqu'elles les rencontrèrent en rase campagne ou retranchés dans des villes sans fortifications. Verdier les battit sans peine à Logrono, Frère à Ségovie, Lasalle à Torquemada (6 juin), où commença la série es exécutions par un massacre en règle, puis au pont de Cabezon, devant Valladolid, où Gregorio de la Cuesta fit combattre ses troupes adossées à une rivière. Merle, envoyé à Santander, après avoir aidé Lasalle à vaincre, battit Velarde avec aussi peu de difficulté à Lantueno, pendant que Lefebvre-Desnouettes, dans sa marche contre Saragosse, repoussait successivement les bandes aragonaises à Tudela (8 juin) et à Mallen (13 juin). Dans toutes ces affaires, la résistance des insurgés fut presque insignifiante ; nous n'eûmes à combattre que des rassemblements de bourgeois et de paysans mal disciplinés, mal armés, à qui la rapidité et l'ensemble de nos mouvements faisaient perdre la tête. Ce qui donnera, plus que tout autre détail, une idée de leur inexpérience et de leur infériorité naturelle, c'est la proportion des pertes subies de chaque côté. A Logrono, ils eurent cent tués et nous un seul ; à Cabezon, ils en eurent plus de cinq cents et nous de quinze à vingt ; à Tudela, trois cents et nous dix ; à Mallen enfin, ils avaient perdu près de mille hommes et nous à peine une vingtaine. Encore la plupart de ces malheureux succombèrent-ils dans la fuite sous le sabre de nos cavaliers, plutôt que dans l'action, qui ne durait que quelques instants. On voit, d'après ces proportions, que ce furent là de vraies boucheries, et non des combats dans l'acception ordinaire du mot. Et pour ceux qui massacraient ces fugitifs incapables de se défendre, pour ceux qui étaient venus porter la dévastation dans un pays où ne les appelait ni un intérêt, ni une passion, ni une idée, ni l'ombre même d'un grief, cela s'appelait de la gloire ; pour ceux, au contraire, qui mouraient sur le seuil de leurs foyers envahis, en invoquant tout ce que l'homme a de cher et de sacré, cela s'appelait du brigandage.

Les deux expéditions de l'Est et du Midi, celle de Dupont surtout, qui devait être si désastreuse, ne s'annoncèrent pas sous des auspices moins brillants que celles du Nord. Moncey, qui devait soumettre Valence, s'avança à pas comptés jusqu'à Cuenca, à peu près à mi-chemin de Madrid (11 juin), et là il attendit prudemment que Chabran, qui devait le seconder en partant de Barcelone et en filant le long du littoral, eût suffisamment accentué son mouvement, pour lui permettre de s'avancer plus loin. Chabran s'était en effet mis en marche, comme lui, le 4 juin, et il avait poussé jusqu'à Tarragone. Mais la Catalogne entière s'était insurgée derrière lui malgré les places fortes que nous occupions sur plu sieurs points ; le général Duhesme, se trouva bloqué par la révolte dans Barcelone, au point d'être menacé de perdre ses communications avec le corps expéditionnaire, et Chabran dut s'arrêter comme Moncey, mais avec encore plus de crainte de se voir forcé de rétrograder. Peu de jours après on apprit que les faciles triomphes de Desnouettes avaient trouvé leur terme devant Saragosse, où il était tenu en échec par Palafox.

La marche de Dupont vers l'Andalousie avait été plus heureuse et plus rapide. Dès le let' juin, ce général s'était engagé impétueusement, avec environ quatorze mille hommes, dans ces longs défilés de la Sierra-Morena, qui devaient être avant peu témoins de sa défaite. Dupont était, on peut le dire, un des lieutenants favoris de Napoléon. A Albeck, à Halle, à Friedland il s'était mis au premier rang par d'éclatants coups d'audace ; il était sur le point d'être fait maréchal, et l'Empereur lui avait offert la campagne d'Andalousie comme une occasion de mériter ce couronnement envié de sa carrière militaire. Il partit donc plein d'ardeur, d'espérance, de désir de se distinguer. Comme Moncey lui-même, il devait recueillir en route de nombreux auxiliaires espagnols et suisses ; il essuya le même mécompte et ne put réunir qu'environ deux mille Suisses dont la fidélité incertaine avait grand besoin d'être encouragée. A Baylen, il apprit que toute l'Andalousie était en armes et qu'il aurait à livrer plusieurs batailles rangées avant d'arriver jusqu'à Cadix. Il n'en persista pas moins à marcher sur Cordoue par Andujar. L'armée de Cordoue, qui voulait combattre pour son compte comme celle de Séville, vint au-devant de lui jusqu'au pont d'Alcoléa sur le Guadalquivir. Dupont la battit facilement malgré sa propre infériorité numérique, mais il éprouva une résistance plus vive qu'il ne s'y attendait et fit des pertes plus sensibles qu'aucun des autres généraux engagés au même moment (7 juin). Il poursuivit les Espagnols l'épée dans les reins sur la route de Cordoue, et parut devant cette ville après une marche forcée de plusieurs heures sous un soleil brûlant. Ayant fait sommer inutilement la place, il en enfonce les portes à coups de canon, et ses soldats y pénètrent en tuant et dévastant tout ce qui se présente sur leur passage. Ils entrent dans les maisons, s'y livrent à d'ignobles orgies, puis, échauffés par le vin, ils pillent la cathédrale, forcent les caisses publiques, saccagent les couvents et les demeures opulentes. Le général rit enlever dans les seuls dépôts de la trésorerie -une somme de dix millions de réaux pour les besoins de l'armée.

Après ce bel exploit, Dupont aurait dû, pour remplir sa mission, marcher immédiatement sur Séville et sur Cadix, mais il ne se sentit pas de force à s'avancer plus loin et s'enferma dans Cordoue en attendant que des renforts lui permissent d'achever sa tâche. Ainsi, après les succès plus apparents que solides du début de cette campagne compliquée que Napoléon venait de diriger de Bayonne, il se manifestait partout un temps d'arrêt motivé par l'insuffisance de nos forces devant la multiplicité des entreprises : Moncey était arrêté à Cuenca, Chabran à Tarragone, Lefebvre-Desnouettes à Saragosse ; enfin, Duhesme était enfermé dans Barcelone et Dupont dans Cordoue. A la date du 15 juin, tout devient indécis, et nous sommes tenus en échec sur tous les points, paralysés par le seul vice de ces opérations décousues.

Loin de soupçonner le danger de cette situation, Napoléon continuait à ne pas douter du succès. Dès le 9 juin, il annonçait déjà hautement l'entrée triomphale de Dupont à Séville, celle de Moncey à Valence, et il ajoutait que l'entrée prochaine de Joseph en Espagne allait « achever de dissiper les troubles, d'éclairer les esprits et de rétablir partout la tranquillité[13]. » Que les premiers avantages remportés sur l'insurrection lui inspirent de pareilles illusions, on le conçoit, mais les mauvaises nouvelles qui surviennent les jours suivants ne lui ouvrent nullement les yeux. Il ne sait que s'irriter contre les lenteurs de Moncey, et il lui réitère, ainsi qu'à Chabran, l'ordre de marcher sur Valence ; il considère la prise de Saragosse comme tellement certaine qu'il envoie un colonel du génie pour « faire mettre le château dans un état respectable et pouvoir contenir la ville[14] » ; enfin, le 19 juin, alors que tous les éléments de cette difficile situation lui sont connus, il va, par un trait d'aberration qui parait à peine croyable, jusqu'à ordonner que tout en désarmant les rebelles on forme dans chaque ville des compagnies de gardes nationales qui prêteront main-forte aux alcades, assumeront la responsabilité et maintiendront la tranquillité du pays. « Voilà ajoute-t-il, ce qu'on aurait dû faire à Tolède, à Aranjuez, à Ségovie et partout ailleurs[15]. » C'est à son confident Savary, toit fraîchement arrivé à Madrid pour suppléer Murat tombé gravement malade à la suite de ses mécomptes, que Napoléon expose cette lumineuse conception.

Par bonheur, il avait enfin sous la main, à Bayonne, ce précieux spécifique qui, dans sa pensée, devait infailliblement mettre un terme aux déchirements de l'Espagne. Ces troubles et ces désordres ne devaient après tout surprendre personne ; ils avaient été dans tous les temps l'accompagnement obligé de ces crises qu'on nomme des interrègnes. La présence et le couronnement du roi Joseph allaient tout faire rentrer dans l'ordre, rallier non-seulement les pacifiques, mais ces classes si nombreuses qui ont besoin par-dessus tout d'un état de choses régulier. Joseph était connu en Europe comme un souverain d'humeur douce et paisible ; nul doute que les Espagnols, mis en demeure de choisir entre un tel prince et les maux d'une anarchie sans espoir, ne finissent par l'adopter au moins comme un pis aller en dépit de leur ombrageuse susceptibilité nationale. Il fallait donc que Joseph acceptât la couronne et se montrât le plus tôt possible à son peuple pour rassurer, apaiser, concilier les esprits. Napoléon savait que Joseph n'avait quitté Naples qu'à regret, il n'était nullement sûr de ses dispositions définitives. Il résolut en conséquence de l'entraîner et de l'éblouir dès son arrivée, afin de ne pas lui laisser le temps de se reconnaître.

Joseph s'était mis en route vers la fin de mai. Lorsqu'on sut qu'il approchait de Bayonne, Napoléon, sans attendre son arrivée, se hâta de faire publier le décret qui proclamait Joseph roi d'Espagne et des Indes, vu l'urgente nécessité « d'assurer le bonheur de l'Espagne en mettant fin à l'interrègne. » Le décret faisait bien allusion aux vœux de la junte, du conseil de Castille et de la municipalité de Madrid, mais cette mention n'avait nullement le sens d'une déférence quelconque pour la volonté nationale ; et Napoléon transmettait ses droits à la façon d'un roi de l'ancien régime. Ce décret parut le 6 juin ; le lendemain, 7, Joseph arrivait à Pau et y apprenait son avènement. Il ne savait encore rien de ce qui s'était passé en Espagne, car toutes les nouvelles étaient interceptées avec le plus grand soin. Napoléon alla à sa rencontre à plusieurs lieues de Bayonne ; il le fit monter dans sa voiture, l'accabla de démonstrations de tendresse tout à fait inusitées de sa part, et, enfin, développa, avec son impétuosité accoutumée, tous les projets qu'il avait conçus pour la prospérité, la grandeur et la consolidation de la nouvelle monarchie[16].

Lorsque les deux frères arrivèrent à Bayonne, le pauvre Joseph avait à peine trouvé moyen de placer un mot dans les temps d'arrêt de ce brillant monologue. A Bayonne, la scène change ; on ne laisse pas au voyageur un seul instant pour se reposer. En descendant de voiture il aperçoit, au bas de l'escalier du palais, l'Impératrice entourée de toutes ses darnes d'honneur qui le complimentent au sujet de sa nouvelle royauté. Une autre surprise l'attend dans l'intérieur du palais. En entrant dans le salon d'honneur, Joseph y est reçu en grand appareil par toutes ces députations que Napoléon a fait venir moitié de gré, moitié de force, à Bayonne, de toutes les villes qui sont occupées par l'armée française. Là se trouvent réunis des hommes qui portent quelques-uns des plus grands noms d'Espagne, les ducs d'Ossufia, de l'Infantado, de Frias, le prince de Castelfranco, les comtes de Santa-Colonna et de Fernan-Nunez ; à côté d'eux, des évêques, d'anciens ministres, des courtisans, de hauts fonctionnaires et jusqu'à un inquisiteur, don Raimundo Ethenard y Salinas. Et tous ces grands personnages sont des sujets soumis et dévoués ; ils en ont l'attitude et les protestations. Ils acclament Joseph et le saluent roi ; puis chacune des députations qui composent la junte vient tour à tour lui lire une adresse de félicitations.

Joseph, en proie à l'espèce de fièvre qui est le résultat ordinaire d'un long voyage, et à jeun depuis le matin, bien qu'il fût alors près de dix heures du soir, était charmé, enivré et à moitié étourdi de cette réception si inattendue. Naturellement vaniteux, il recevait ces ovations avec bonheur, mais de l'air d'un homme à demi éveillé et qui n'est pas bien sûr de ne pas continuer un rêve. lin incident des plus désagréables vint pourtant mêler une fausse note à ce concert de bénédictions ; il trahit l'art caché d'une mise en scène qui imitait si bien la nature. Le duc de l'Infantado, après avoir lu son adresse de félicitations au nom de la grandesse, fit entendre des paroles outrageusement malsonnantes : « Sire, dit-il à Joseph, les lois de l'Espagne ne nous permettent pas d'offrir autre chose à Votre Majesté. Nous attendons que la nation se prononce et nous autorise à donner un essor plus libre à nos sentiments. » Cette évocation soudaine de la nation espagnole et de ses droits méconnus produisit sur Napoléon un effet inexprimable ; il s'élança vers l'Infantado, l'accabla de reproches, le somma d'aller se joindre à l'insurrection plutôt que de se réfugier derrière de pareils subterfuges, et finit par son grand argument, c'est-à-dire en le menaçant de le faire fusiller. Le duc, intimidé, s'excusa, et son adresse séditieuse fut sur-le-champ modifiée ; mais cet épisode jeta quelque froid dans une cérémonie qui avait si bien marché jusque-là[17]. On remarqua beaucoup les paroles rassurantes que Joseph adressa à l'inquisiteur en réponse à son compliment, car les Français étant venus en Espagne au nom du progrès et en missionnaires de la civilisation, on supposait qu'ils voudraient au moins se donner le facile mérite d'abolir un tribunal odieux et impopulaire. Mais ce n'est que plus tard, lorsqu'ils virent l'inutilité de leurs ménagements envers le clergé, qu'ils jugèrent à propos de faire cette avance aux idées philosophiques. Joseph répondit à l'inquisiteur, avec son sourire le plus affable, « que, bien qu'il y eût des pays où plusieurs cultes étaient admis, l'Espagne devait se réputer heureuse de ce que chez elle on n'honorait que le seul véritable. » On ne pouvait promettre plus clairement de consacrer le principe des religions d'État.

Cette solennité terminée, Joseph était roi ; il ne pouvait plus s'en dédire. Les jours suivants, bien qu'il ne sût pas encore quelle couronne d'épines il venait de placer sur sa tête, il commença à entrevoir la vérité, mais il n'était plus temps de repousser ce fatal présent, il était roi, et Napoléon n'était pas homme à lui permettre de revenir en arrière. Le 15 juin, les députés de cette junte, qui était si bien nommée extraordinaire, ouvrirent leurs séances malgré l'insuffisance du nombre, et par la plus vaine des formalités ils se mirent à discuter le projet de Constitution qu'ils étaient admis, non pas à examiner, mais à approuver. Il serait aussi superflu que fastidieux de s'arrêter à cette production mort-née, pâle copie de toutes les élucubrations du même genre émanées de Napoléon. Ces tristes compositions n'ont pas même ces apparences auxquelles les peuples se laissent prendre si facilement ; elles ne respirent que l'uniformité, le vide et le néant. Je me contenterai de rappeler que ce régénérateur de l'Espagne osa lui offrir en don de joyeux avènement un sénat où figuraient ces deux comités de liberté individuelle et de liberté de la presse qui fonctionnaient si bien dans le sénat français, et un corps législatif dont les délibérations devaient rester secrètes. L'article premier de la Constitution était ainsi conçu : « La religion de l'État est la religion catholique. Aucune autre n'est permise[18]. »

Joseph composa ensuite son ministère parmi les hommes qui se trouvaient autour de lui et dont la plupart étaient d'anciens ministres. Plusieurs d'entre eux étaient des esprits distingués. Ils s'étaient ralliés à lui, les uns par un effet de cette maladie qui s'attache aux hommes lorsqu'ils ont une fois exercé le pouvoir, les autres dans l'espoir chimérique qu'ils parviendraient à changer le courant des choses. Urquijo était secrétaire d'État, Azanza ministre des Indes, Mazarredo ministre de la marine, O-Farrill et Cabarrus étaient à la guerre et aux finances ; Cevallos était ministre des affaires étrangères. Napoléon avait jeté les yeux pour le ministère de l'intérieur sur l'historien Jovellanos, homme intègre et populaire. Jovellanos le refusa malgré les instances de quelques-uns de ses amis. Napoléon n'en fit pas moins publier sa nomination dans la Gazette de Madrid, soit afin de le gagner plus facilement une fois compromis, soit afin de le perdre auprès du parti national par cette calomnie persistante que Joseph n'eut pas le courage de faire cesser. Il était dans la destinée de ce roi malgré lui d'avoir aussi des ministres malgré eux. Joseph nomma en dernier lieu ses grands dignitaires. Enfin, le 7 juillet, tout fut terminé et réglé, proclamation du nouveau roi, reconnaissance éternelle des courtisans, Constitution, ministère, charges de cour, serments de fidélité, médailles commémoratives. Il ne manquait plus à Joseph que des sujets.

 

 

 



[1] Ces représentations ne sont point imaginaires ; elles sont le résumé exact de celles que la junte extraordinaire de Bayonne et la junte suprême de Madrid adressaient alors à leurs concitoyens.

[2] Toreno, Histoire de la révolution d'Espagne.

[3] Voir Miot de Melito, un peu en désaccord sur ce point avec les Souvenirs de Stanislas Girardin, et les Mémoires du roi Joseph.

[4] Napoléon à Decrès, 28 mai 1808.

[5] Napoléon à Decrès, 26, 28, 29 Mai 1808.

[6] Napoléon à Murat, 28 mai ; à Mollien, 3 juin 1808.

[7] Moniteur du 16 niai 1808.

[8] Napoléon à Berthier, 18 mai.

[9] Ce chiffre est emprunté à une feuille de situation en date du 18 juillet suivant et qui porte le total de nos forces en Espagne à 116.000 hommes. Ce nombre n'avait pas pu varier sensiblement depuis le commencement de juin : il n'était d'ailleurs qu'un minimum.

[10] Napoléon à Murat, 30 mai.

[11] Napoléon à Bessières, 3 juin.

[12] Napoléon à Murat, 8 juin.

[13] Napoléon à Talleyrand, 9 juin 1808.

[14] Napoléon à Berthier, 17 juin.

[15] Napoléon à Savary, 19 juin.

[16] Voir Miot de Mélito, les Mémoires du roi Joseph, et Toréno, très-bien informé sur ce point.

[17] Cevalios, de Pradt.

[18] V. la Constitution espagnole dans le Moniteur du 15 juillet 1808.