DE LA MILICE ROMAINE

 

QUATRIÈME PARTIE. — ADMINISTRATION DE L'ARMÉE

CHAPITRE PREMIER. — DES DIFFÉRENTES FORMES DE LEVÉES.

 

 

Des levées sous Romulus ; changement opéré par Servius ; des levées sons la République. — Legitima milites, conjuratio, evocatio. — Établissement, sous Auguste, d'un corps de légions permanent. — Irrégularité des levées après le règne de Caracalla. — Des tenebriones et des châtiments qui leur étaient réservés.

 

Nous avons exposé la composition de l'armée romaine, les divisions et subdivisions de la légion, les différentes armes des soldats, leur manière de manœuvrer et de combattre, soit sur terre, soit sur mer : cela ne suffit pas. La véritable force d'une armée n'est pas dans le nombre des troupes, ni même toujours dans la puissance des armes et l'habileté de.la tactique : elle est surtout dans le courage, dans les qualités personnelles du soldat. Rome choisissait avec soin les citoyens chargés de la défendre ; elle les dressait au maniement des armes ; elle les préparait, dans les exercices, à tous les événements des batailles ; elle les savait contenir par une sévère discipline ; et cette vigilance qu'elle mettait à les choisir, à les exercer, à les entretenir, cette discipline admirable de ses armées lui valut plus de triomphes sans doute que le nombre de ses soldats ou l'habileté de ses généraux.

Nous avons donc à nous occuper maintenant de cette partie importante de notre sujet, et, après avoir étudié la composition de l'armée romaine, nous en étudierons la discipline et l'administration.

Prenons d'abord le soldat à son entrée dans le service, et tâchons de comprendre les différentes formes de levées qui furent en usage à Rome depuis Romulus jusqu'aux empereurs.

Sous Romulus, tous les Romains, sans distinction, étaient enrôlés dès l'âge de dix-sept ans : chaque citoyen connaissait le décurion auquel il devait obéir au premier signal ; chaque décurion avait son centurion désigné, et celui-ci se trouvait sous les ordres d'un officier supérieur qui n'obéissait qu'au roi. Dès que le roi déclarait une guerre, l'officier supérieur en instruisait ses centurions, qui passaient leurs ordres aux décurions, et ceux-ci distribuaient immédiatement les armes à leurs soldats[1]. En mourant, Romulus laissa quarante-six mille hommes en âge d'aller à la guerre, et, après le règne pacifique de Numa, plus tard, sous Servius, il s'en trouva quatre-vingt mille[2].

Servius, alors, changea l'ordre de Romulus. Le peuple fut divisé en six classes : la dernière, composée des citoyens les plus pauvres, fut dispensée du service militaire ; la cinquième n'eut à fournir que des troupes légères, et l'infanterie pesamment armée fut tirée des quatre premières. Des cent quatre-vingt-treize centuries qui composèrent le peuple romain tout entier, la première classe, formée des citoyens les plus riches, en compta quatre-vingt-dix-huit : les dix-huit premières centuries de cette première classe fournirent la cavalerie, et les quatre-vingts autres, avec les soixante-quatre centuries de la seconde, de la troisième et de la quatrième, donnèrent tous les fantassins pesamment armés. De ces cent quarante-quatre centuries, celles de la première classe comptaient beaucoup moins de citoyens, mais elles furent toutes obligées de fournir un nombre égal de soldats : il en résulta que les plus riches allèrent plus souvent à la guerre. Et cela fut très-juste, dit Denys d'Halicarnasse[3], car on ne devait pas confier des armes aux citoyens dont l'indigence n'offrait aucune garantie à l'État ; les riches, ayant plus à perdre, devaient faire plus d'efforts pour la conservation de leurs biens : un plus grand intérêt devait leur inspirer plus d'ardeur et de courage[4]. Cette institution de Servius, sauf quelques exceptions dans les grandes circonstances, fut observée durant plus de quatre siècles, jusqu'à ce que Marius, étant consul pour la première fois, résolut de réhabiliter par une espèce de révolution[5] les centuries infimes du peuple romain, et fit des levées dans toutes les classes indistinctement, en prenant tous les citoyens qui se présentèrent[6].

Pour donner à la guerre une apparence d'équité qui augmentait l'assurance du peuple, en semblant lui promettre la protection des dieux, les rois avaient aussi établi plusieurs formalités qui précédaient la levée des troupes[7]. On envoyait sur le territoire ennemi des hérauts sacrés, nommés feciales, qui protestaient contre l'injustice commise envers Rome, et qui demandaient satisfaction. Si la satisfaction était refusée, la guerre était déclarée, et le héraut lançait une javeline sur le territoire qu'on allait envahir. Ce fut en mémoire de cet ancien usage qu'on éleva plus tard, devant le temple de Bellone, une colonne nommée Columna bellica, pardessus laquelle le général, avant le départ, lançait un javelot sanglant, comme pour signifier le commencement des hostilités[8].

Sous la république, quand les circonstances n'exigeaient pas beaucoup de promptitude, on laissait ordinairement trente jours d'intervalle entre la déclaration de guerre et l'entrée en campagne. Pendant ce temps, on faisait ses préparatifs de part et d'autre : c'est ce qu'on appelait justi dies : Justi dies, dit Festus, dicebantur triginta, quum exercitus esset imperatus, et vexillum in arce positum[9]. Un étendard rouge était arboré sur le haut du Capitole. Virgile y fait allusion, quand il dit :

Ut belli signum Laurenti Turnus ab arce

Extulit[10] . . . . .

On envoyait aussi des crieurs publics dans les campagnes pour annoncer la guerre prochaine ; on affichait dans la ville un édit qui indiquait le jour de l'enrôlement ; on consultait les auspices ; on faisait des sacrifices ; puis, le jour venu, les consuls[11], assis sur leurs chaises curules, présidaient à l'enrôlement, positis sellis delectum habebant ; ils faisaient l'appel des jeunes gens, citabant nominatim juniore ; ceux-ci répondaient, ad nomen respondebant, et ils étaient inscrits sur le rôle des soldats, scribebantur milites. Ce rôle, que les Grecs appelaient le grand registre des légions, κατάλογος μέγας, donnait le nom de tous les soldats et leurs années de service.

Plus tard, ce furent les tribuns qui firent eux-mêmes l'enrôlement, sous l'ordre des consuls : Tite-Live parle de ce changement, pour la première fois, dans l'année 582[12]. C'était l'époque de Polybe, et celui-ci ne manque pas de donner sur ce sujet des détails très-précis. Voici ce qu'il dit de la levée des quatre légions qu'on avait coutume de mettre sur pied tous les ans : Lorsque le choix et le partage des tribuns sont achevés, de sorte que chaque légion ait le même nombre de chefs, ceux-ci, assis dans le camp, loin les uns' des autres, tirent au sort, une à une, les tribus, et appellent à eux successivement celles que l'urne désigne. Ils y choisissent quatre jeunes gens semblables, autant qu'il se peut, pour l'âge et l'extérieur. Lorsque ceux-ci se sont approchés, les tribuns de la première font leur choix les premiers ; ceux de la seconde, les seconds ; puis ceux de la troisième ; enfin ceux de la quatrième. Quatre autres jeunes gens sont appelés à leur tour, et, cette fois, le choix appartient d'abord aux tribuns de la seconde légion, et ainsi de suite, ceux de la première étant les derniers. Pour les quatre qui succèdent aux huit premiers, les tribuns de la troisième choisissent d'abord ; ceux de la seconde, les derniers. Le même ordre s'observe, comme il est juste, jusqu'à la fin, ce qui fait que les légions se composent d'hommes à peu près semblables. L'ancien usage était que, le nombre fixé atteint, on choisit ensuite les cavaliers pour les joindre aux fantassins ; maintenant on commence par eux, et le censeur les classe, d'après leur fortune, au nombre de trois cents par légion[13]. Nous voyons, par ce qu'en dit Polybe, combien les Romains s'étudiaient à lever de bons soldats et à faire un partage raisonné entre les différentes légions, afin qu'elles eussent entre elles la plus grande égalité possible[14].

C'était ordinairement au Capitole que s'opérait la levée ; mais, quelquefois, les consuls, pour s'affranchir de l'opposition des tribuns du peuple, faisaient porter leurs chaises curules dans le champ de Mars. En commençant, ils avaient soin, pour en tirer un bon présage, que le soldat choisi le premier eût un nom heureux : In delectu, dit Cicéron[15], consules observant ut primus miles fiat bono nomine ; c'était un nom comme Valerius, Salvius, etc. Ils avaient soin aussi de ne pas appeler plus de soldats que le sénat n'avait ordonné ; car c'eût été une faute qu'on leur aurait reprochée plus tard, comme Cicéron la reprocha à Pison[16]. Enfin, comme le pouvoir du général était nul dans l'intérieur de Rome, le consul, dès que les soldats étaient choisis, leur donnait rendez-vous, soit aux portes de la ville, soit à quelque distance de là ; et ils s'y rendaient sans armes, sans bagages, sans aucun ordre : ce n'était qu'au lieu indiqué qu'on leur donnait leurs enseignes et leurs rangs, et qu'on les incorporait dans les centuries, d'où l'expression centuriare milites. Tous n'entraient pas immédiatement dans le cadre des légions : les uns étaient placés dans ces cohortes indépendantes dont nous avons parlé, et qu'on nommait cohortes extraordinariæ ; les autres suivaient l'armée en qualité de surnuméraires pour remplir les places vacantes pendant la guerre ; d'autres, qui n'avaient pas encore atteint l'âge voulu, accompagnaient les anciens ponr apprendre le métier des armes ; un certain nombre, enfin, étaient renvoyés dans l'intérieur de Rome pour y former ces légions urbaines, legiones urbanæ, qui servaient au besoin d'armée de réserve.

Quant au consul, après avoir été remuer les boucliers sacrés (ancilia) au temple de Mars, en invoquant le dieu des combats, il partait lui-même revêtu de l'habit de général, paludatus ; à son arrivée au lieu du rendez-vous, il faisait un sacrifice, prenait note des absents[17], afin de les punir plus tard comme déserteurs, perinde ac si deseruissent[18], et, après avoir purifié son armée, il commençait les hostilités.

Tel était l'enrôlement ordinaire, la forme de levée régulière, legitima militia. Mais, toutes ces formalités demandant un certain temps, dans les circonstances urgentes il était impossible de les observer. Dans les alarmes soudaines, dès que le consul et le sénat avaient déclaré que la République était en danger, tumultum esse, on arborait deux drapeaux sur le Capitole, l'un rouge pour les fantassins, l'autre verdâtre pour les cavaliers ; les femmes remplissaient les temples, couvertes de vêtements de deuil ; les tribunaux étaient fermés, et tous les citoyens, quittant la toge et prenant le sagum, habit militaire, se réunissaient à la hâte pour prêter tous ensemble le serment ; c'est ce qu'on appelait conjuratio. Virgile y fait allusion, quand il dit :

. . . . . . . . . . Simul omne tumultu

Conjurat trepido Latium . . . . . . . . .

de même que Lucain, quand il décrit l'alarme qui se répandit dans Rome à l'approche de César :

. . . . . . . . . . . . . . . . Ferale per urbem

Justitium : latuit plebeio tectus amictu

Omnis honos : nullos comitata est purpura fasces.

Tune questus tenuere suos, magnusque per urbem

Errait sine vote dolor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . .  Cultus matrone priores

Deposuit, mœstreque tenent delubra catervæ.

La levée extraordinaire, nommée conjuratio, était proprement une levée en masse : nulle exemption n'était admise, pas même pour les prêtres ou les vieillards[19]. Elle se faisait avec une grande rapidité : Tite-Live nous en donne un exemple, quand il raconte comment le dictateur Quintius, pour aller au secours du consul Minuties enveloppé par les Èques[20], rassembla les citoyens au champ de Mars, les enrôla et les emmena tous armés dans le même jour.

L'evocatio était une troisième forme de levée : Fiebat evocatio, dit Servius quum ad diverse loca diversi propter cogendos mittebantur exercitus. Le sénat faisait nommer des commissaires, conquisitores, qui parcouraient les campagnes et les villes, recherchant et enrôlant les hommes de condition libre. Ce ne fut d'abord que dans les grands dangers qu'on eut recours à ce mode d'enrôlement, mais on s'en servit régulièrement lorsque les Italiens furent devenus citoyens romains. Alors les généraux et leurs lieutenants purent lever dans toutes les provinces de l'Italie le nombre d'hommes déterminé par le sénat. Bientôt même, par suite des guerres civiles, les généraux s'arrogèrent le droit de créer des légions à leur volonté, et les anciennes règles furent mises en oubli.

Avec Auguste se forma un corps régulier de légions subsistant et perpétuel. Chaque légion eut sa province, et le général chargé d'une guerre trouva toujours des troupes à sa disposition[21] : on n'eut plus besoin que de recrues, et l'enrôlement de ces recrues ne put être fait que par l'empereur, qui en détermina le nombre. Mais lorsque tous les habitants de l'empire, sous Caracalla, furent devenus citoyens[22], chaque province dut fournir une certaine quantité de soldats ou payer son contingent en argent ; on les taxa : ce ne fut plus peu à peu qu'un impôt tout arbitraire, et Végèce attribue en partie les malheurs des Romains aux malversations qu'introduisit cette coutume : Toutes les pertes que nous avons essuyées, dit-il[23], ont pour cause le relâchement qu'une longue paix a introduit dans les levées, la négligence ou la lâcheté des commissaires qui remplissent indistinctement les milices, et font des soldats de misérables que les particuliers dédaignent pour valets.

La corruption des mœurs, le luxe, les richesses, avaient enlevé aux habitants de Rome, avec la vigueur du corps, toute générosité, toute virilité de cœur. Sans amour pour la patrie, sans regret pour la liberté, sans souci de leur honneur, entièrement énervés et comme efféminés, ils n'aimaient plus qu'une vie molle, ils ne craignaient plus que la guerre. Ils envoyaient au combat les peuples jadis vaincus par la vaillance de leurs pères ; ils ne reculaient devant aucun moyen pour se soustraire au service des camps[24].

Cependant il y avait eu de tout temps de terribles châtiments réservés à ceux qui cherchaient ainsi à se soustraire aux enrôlements. Au temps de la guerre de Pyrrhus, un citoyen de la tribu Pollia ayant refusé de répondre à l'appel du consul Curius, celui-ci ordonna de vendre ses biens, et, sur sa réclamation, le vendit lui-même, disant que la République n'avait que faire d'un citoyen inutile : M. Curius consul in Capitolio quum delectum baberet, nec citatus in tribu civis respondisset, vendidit tenebrionem[25]. Cette vente du tenebrio, de celui qui voulait éviter le service militaire, passa dès lors en usage, et Cicéron en parle dans son discours pro Cæcina : Jam populus, dit-il[26], quum eum vendidit, qui miles factus non est, judicat non esse eum liberum, qui, ut liber sit, adire periculum noluit. — Le peuple, en faisant vendre celui qui refuse de porter les armes, décide qu'il ne regarde pas comme un homme libre celui qui n'a pas voulu s'exposer au péril pour défendre sa liberté. Sous les premiers empereurs, ce crime fut encore sévèrement puni. Après la défaite de Varus, les jeunes gens ayant refusé de s'enrôler, Auguste condamna, à la perte de leurs biens et nota d'infamie, par la voie du sort, le cinquième des réfractaires de trente ans et le dixième de tous ceux au-dessus de cet âge ; beaucoup refusant encore d'obéir, il en punit plusieurs du dernier supplice[27]. Une autre fois, il fit vendre un chevalier romain, et ses biens avec lui, parce qu'il avait coupé les pouces à ses deux fils afin de les soustraire au recrutement[28]. Mais, plus tard, cette sévérité disparut : la toute-puissance des empereurs dut reculer devant une désertion si générale du premier devoir du citoyen ; et nous lisons dans le Digeste[29] : Qui ad delectum olim non respondebant ut proditores libertatis in servitutem redigebantur ; sed mutato statu militiæ recessum a capitis pœna est, quia plerumque voluntario milite numeri supplentur. Ainsi, la loi elle-même sembla encourager au crime les habitants de Rome : elle sembla leur dire que l'armée pouvait se recruter sans eux, et que, sans eux, il y avait assez de volontaires pour la composer[30]. Les soldats, ramassés de toutes parts, n'eurent plus de romain que leur nom.

 

 

 



[1] Denys d'Halicarnasse, II.

[2] Tite-Live, I, 44.

[3] Denys, IV, 16.

[4] Aulu-Gelle, XVI, 10.

[5] Voir le chapitre préliminaire.

[6] An. 646 ; Salluste, Jugurtha, 86 ; V. Maxime, II, 3, 1 ; Plutarque, Marius, 9.

[7] Tite-Live, I, 32 ; Aulu-Gelle, XVI, 4.

[8] Cet usage se conservait encore sous Marc-Aurèle (Xiphilin, in Marco).

[9] Festus, in Justi.

[10] Virgile, Æn., VIII, 1.

[11] Consules militiæ summum jus habento (Cicéron, Leg., III, 8).

[12] Tite-Live, XLII, 33.

[13] Polybe, VI, 20.

[14] Sur ce choix des soldats romains nous pouvons citer quelques paroles de M. Dupin, procureur-général à la Cour de cassation : On n'est pas soldat de plein droit, par cela seul qu'on est Français et qu'on est âgé de vingt ans accomplis ; on fait choix des personnes, et c'est ce que les Romains, nos maîtres en tant de choses, et aussi dans l'art militaire, appelaient electa militia. Il faut que l'homme appelé soit apte au service, bien constitué, parfaitement sain..... (Audience du 19 décembre 1862.)

[15] Cicéron, De Divin., I, 102.

[16] Cicéron, In Pis., c. XXXII, 1.

[17] Un convoi de famille, un sacrifice anniversaire à célébrer, tin auspice à expier, la violence on la présence d'un ennemi, l'obligation de paraître en justice avec un étranger, étaient regardés comme dm motifs légitimes de retard (Tite-Live, III, 69 ; Aulu-Gelle, XVI, 4).

[18] Digeste, l. XLIX, tit. 16, leg. 3, § 7.

[19] Cicéron, Phil., V, 19 ; VIII, 1 ; Tite-Live, X, 5 ; XXXIV, 56 ; Appien, de Bell. civ., II.

[20] An de Rome 295.

[21] Voir le chapitre préliminaire.

[22] Ammien Marcellin, XXI, 6.

[23] Végèce, I, 7.

[24] Chez les anciens, qui combattaient principalement à l'arme blanche, la main devait être complète, et l'action du pouce était indispensable. Aussi arrivait-il parfois que, parmi les jeunes Romains appelés à la milice, quelques-uns se coupaient la première phalange du pouce de la main droite. Lorsqu'il était reconnu que cette mutilation provenait de leur fait, ils étaient punis de mort. Et c'est de ce pouce tronqué, pollex truncatu, que Sichterman, auteur d'un traité de Pœnis militaribus Romanorum, fait dériver le mot poltron, appliqué depuis à tous les lâches. (M. Dupin, procureur-général à la Cour de Cassation.)

[25] Varron, in nebulones.

[26] Cicéron, Pro Cræc., 99.

[27] Dion Cassius, LVI, 27.

[28] Suétone, Auguste, 24.

[29] L. XLIX, tit. 16, leg. 4, § 10.

[30] Ce que nous reprochons à cette loi, ce n'est pas l'abolition de la peine capitale en telle matière, mais bien le motif qu'elle exprime en ces termes : quia plerumque volontario ilite numeri supplentur. Nous voyons en effet que la loi française, qui n'a garde d'omettre ce genre da délit, le punit beaucoup moins sévèrement que les anciens ; l'article 41 de la loi du 21 mars 1832 sur le recrutement de l'armée prononce en ces termes : Les jeunes gens appelés à faire partie du contingent de leur classe qui seront prévenus de s'être rendus impropres au service militaire, soit temporairement, soit d'une manière permanente, dans le but de se soustraire aux obligations imposées par la présente loi, seront déférés aux tribunaux par les conseils de révision ; et, s'ils sont reconnus coupables, ils seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an...