DE LA MILICE ROMAINE

 

DEUXIÈME PARTIE. — DE L'ARMÉE MANŒUVRANT SUR TERRE

CHAPITRE PREMIER. — L'ARMÉE DANS SES CAMPEMENTS.

 

 

Manière de former un camp ; forme générale des camps romains au temps de Polybe ; service intérieur ; garde de nuit, sentinelles, rondes. — Plan d'un camp romain.

 

Après avoir étudié l'armée dans les éléments qui la composent, nous devons la considérer dans tous ses travaux de guerre, dans sa manière de camper, de marcher, de combattre, d'attaquer et de défendre une place. C'est par l'examen de ces différents travaux des soldats romains que nous pourrons ensuite admirer leur discipline, et comprendre plus facilement tous les avantages de leur organisation militaire.

Même durant leurs plus longues marches, les Romains ne passaient pas une seule nuit sans dresser un camp et sans le fortifier par un retranchement et par un fossé[1] aussi les expressions de alteris castris, tertiis castris, avaient-elles le même sens que altero die, tertio die, le second jour, le troisième jour[2]. Quand les troupes ne restaient ainsi qu'une seule nuit dans un camp, celui-ci s'appelait simplement castra, ou mansio ; mais, quand elles y séjournaient quelque temps, il prenait le nom de castra stativa, camp fixe, estiva, camp d'été, hiberna, camp d'hiver. Rien de plus régulier, d'ailleurs, que ces campements, car il n'existait chez eux, dit Polybe[3], qu'une seule et bien simple manière de camper, dont ils se servaient en tout temps et en tous lieux.

Lorsque l'on approchait du lieu où l'on se proposait de camper, un tribun allait en avant avec ceux des centurions qui avaient été désignés à leur tour pour ce travail[4] : les uns faisaient les fonctions de métateurs (metatores, castra metari) pour choisir l'emplacement, les autres de mesureurs (mensores) pour en tracer les différentes parties. Après avoir choisi l'endroit où le camp devait être établi, ils commençaient par prendre un emplacement convenable pour la tente du général, et par examiner sur quel côté du terrain qui entourait cette tente les légions devaient être logées. Ils mesuraient alors l'étendue du prétoire, traçaient la ligne sur laquelle devaient s'élever les tentes des tribuns, puis une autre ligne, parallèle à celle-là, et à partir de laquelle commençaient les campements des légions. Toutes ces dispositions prises avec une rapidité qu'expliquaient la facilité de l'opération, l'invariabilité des dimensions et un long usage, ils plantaient un premier étendard à la place réservée au prétoire, un second sur le côté choisi, un troisième sur la ligne tracée pour les tentes des tribuns, et un quatrième sur celle d'où partaient les logements des légions. Le drapeau du consul était blanc, les autres, couleur de pourpre. On mesurait ensuite les rues, et l'on désignait chacune d'elles par une pique, de sorte que les légions, dès qu'elles approchaient, et que l'emplacement du camp devenait visible, en connaissaient aussitôt tout le dessin, le drapeau du consul leur servant d'indice et de point fixe. Comme l'ordre était toujours le même, chacun savait immédiatement la rue et la partie de la rue qui lui étaient assignées ; l'armée entrait clans son lieu de campement comme dans sa ville natale.

Toutes ces dimensions si bien prises, en ménageant le terrain, permettaient aux Romains de camper sur des surfaces de peu d'étendue. Cela avait un double avantage : ils pouvaient ainsi se garder plus facilement, et ils avaient moins de peine à élever les retranchements. C'est ce que nous lisons dans le Précis des guerres de Jules César par l'empereur Napoléon Ier[5] : La légion a pu camper sur des surfaces de peu d'étendue, afin d'avoir moins de peine à en fortifier les pourtours et de pouvoir se garder avec le plus petit détachement. Une armée consulaire, renforcée par des troupes légères et des auxiliaires, forte de vingt- quatre mille hommes d'infanterie, de dix-huit cents chevaux, en tout près de trente mille hommes, campait dans un carré de trois cent trente-six toises de côté, ayant mille trois cent quarante-quatre toises de pourtour, ou vingt et un hommes par toise, chaque homme portant trois pieux, ou soixante-trois pieux par toise courante. La surface du camp était de cent dix mille toises carrées ; trois toises et demie par homme, en ne comptant que les deux tiers des hommes, parce qu'au travail cela donnait quatorze travailleurs par toise courante : en travaillant chacun trente minutes au plus, ils fortifiaient leur camp et le mettaient hors d'insulte.

Ces retranchements d'ailleurs se construisaient plus ou moins solidement, selon que l'ennemi était plus ou moins éloigné. Lorsque la marche de l'armée, par exemple, ne pouvait être inquiétée, on se contentait en route d'élever un retranchement de gazon, sur lequel on piquait des pieux[6] : ces gazons devaient avoir un pied de haut, en sorte que la racine des herbes y tînt ; on leur donnait à peu près la forme d'une brique. Si la, terre n'avait pas la consistance nécessaire pour être levée en gazon, on se contentait de creuser à la hâte un fossé de cinq pieds de large sur trois et demi de profondeur, et la terre, relevée du côté du camp, le mettait hors d'insulte pour une nuit.

Mais, dans le voisinage de l'ennemi, on ne se bornait pas à un travail de fortification si sommaire. Les officiers chargés de marquer le camp distribuaient à chaque centurie un certain terrain à retrancher : alors les soldats, ayant rassemblé autour des enseignes leurs boucliers et leurs bagages, ouvraient, sans quitter l'épée, un fossé de neuf, onze, treize et même dix-sept pieds. Derrière ce fossé, et de la même terre qu'on en avait tirée, se formait le rempart, qu'on soutenait par des palissades et des branches entrelacées pour empêcher l'écroulement ; on y ménageait des créneaux pour les archers et les machines de guerre. Les centurions réglaient la tâche de chaque travailleur, afin que tous fouillassent également sur les mêmes proportions, et les tribuns ne perdaient pas de vue cet ouvrage jusqu'à ce qu'il fût terminé. Quant mit cavaliers et à ceux des fantassins qui par leurs grades se trouvaient dispensés de ces sortes de travaux, ils se rangeaient en bataille à la tête de l'ouvrage, afin de couvrir les travailleurs en cas d'attaque ; et, si l'ennemi se présentait, c'était à eux de repousser ses agressions, tandis que les retranchements s'élevaient avec le même ordre et la même régularité qu'auparavant.

La forme générale du camp était carrée : c'était quelquefois un carré parfait, mais plus souvent un carré long[7]. Chacun des quatre côtés avait une porte : celle qui regardait l'ennemi, en avant du prétoire, s'appelait porta prætoria ou extraordinaria[8] ; celle qui se trouvait au côté opposé, derrière le camp, ab tergo castrorum et hosti aversa, se nommait decumana[9] ; et celles des côtés latéraux, porta principalis dextra et principalis sinistra[10]. Sur les quatre côtés, entre le retranchement et les tentes, était un grand chemin de ceinture, de deux cents pieds de large[11], destiné à faciliter les mouvements des troupes, à contenir les bestiaux, le butin, les prisonniers, et aussi à rendre moins dangereux pour toutes les tentes de l'intérieur le feu et les traits lancés du dehors par l'ennemi. Deux cents pieds, dit Polybe[12], séparent partout les tentes du retranchement, et cet espace vide est d'un grand et fréquent usage ; il est commode et parfaitement ménagé pour l'entrée et pour la sortie des légions les soldats peuvent y arriver par les rues qui s'étendent devant leurs corps, au lieu de se renverser et de se culbuter en s'élançant tous par un seul chemin. C'est aussi là que l'on dépose et que l'on garde en sûreté, pendant la nuit, les troupeaux bu tout autre butin enlevé à l'ennemi. Mais le principal avantage, c'est que ; dans les attaques nocturnes, il n'y a pas de feu ni de traits qui puissent arriver jusqu'aux soldats ; et si cela se présente par hasard, il n'en résulte aucun mal, à cause de la distance où sont placées les tentes, et de la protection qu'elles prêtent à ceux qu'elles couvrent.

Entre les deux portes latérales était établie une communication directe, appelée voie principale, via principalis. Cette rue était large de cent pieds, et divisait le camp en deux parties : l'une, vers la porte prétorienne, renfermant le prétoire, les tentes des tribuns et quelques corps d'élite ; l'autre, vers la porte décumane, comprenant le campement des légions. Voyons d'abord la première de ces deux parties.

En entrant par la porte prétorienne, et après avoir traversé le chemin de ceinture, on rencontrait l'infanterie extraordinaire fournie par les alliés, pedites extraordinarii (1)[13], et, derrière cette infanterie, les cavaliers extraordinaires, equites extraordinarii (2), fournis également par les alliés. Sur le côté de ces deux corps, à droite et à gauche, restaient deux emplacements (5) abandonnés aux étrangers et aux alliés qui ne devaient pas servir longtemps. Puis venait une vaste place quadrangulaire, au milieu de laquelle était une petite enceinte de cent pieds carrés (4), nommée prætorium. Outre la tente du général, cette enceinte renfermait un petit autel de gazon où l'on prenait les auspices. A droite et à gauche du prætorium étaient deux tentes d'officiers généraux : l'une celle du legatus, lieutenant du général en chef, qui donnait sur le forum (5) ; l'autre, celle du quæstor, trésorier de l'armée, qui donnait sur un emplacement où l'on déposait les munitions (6). Sur la même ligne encore, et dans la même place quadrangulaire, à droite du forum et à gauche du quæstorium, on réservait deux emplacements (7, 8) à une partie des soldats extraordinaires et de ceux qui s'étaient engagés volontairement pour le consul. Placés sur les deux flancs du camp, dit Polybe, une partie des cavaliers extraordinaires et volontaires (8) sont tournés les uns vers les équipages du questeur, les autres vers le marché. Non-seulement ils campent auprès du consul, mais le plus souvent, dans les marches et dans beaucoup d'autres circonstances, ils sont à sa disposition. L'infanterie extraordinaire et volontaire (7) se tient derrière la cavalerie, tournée vers le retranchement et consacrée au même service. Enfin, derrière le prætorium et sur une seule ligne parallèle à la voie principale, mais à une distance de cinquante pieds de cette voie, étaient disposées les tentes des tribuns (9). L'intervalle (10) laissé entre ces tentes et la voie principale était réservé aux chevaux, aux bêtes de somme et aux bagages des tribuns. Or nous avons vu que chaque légion avait six tribuns, et qu'un consul commandait à deux légions : chaque consul avait donc sous lui douze tribuns, et les tentes dont nous parlons devaient être au nombre de douze. Elles étaient placées à des distances égales et occupaient autant d'étendue en largeur que toute l'armée légionnaire campée de l'autre côté de la voie principale[14].

C'était sur cette voie, qui s'appelait aussi principia[15], que le général réunissait les soldats pour les haranguer[16]. C'était là que s'élevait le tribunal (11 sur le plan) du haut duquel se rendait la justice[17], et immédiatement après venait le campement des légions et des alliés.

Du milieu de la voie principale partait une rue transversale de cinquante pieds de large qui allait aboutir au chemin de ceinture, en face de la porte Décumane. Sur les deux côtés de cette rue campaient les dix turmes de cavaliers, de sorte que les corps de cavalerie des deux légions étaient en face l'un de l'autre. Derrière chaque turme était un manipule de triaires. Puis venait une seconde rue transversale, semblable à la première ; les manipules des princes, et derrière -eux les manipules des hastats formaient ensemble une colonne de campement semblable à la première colonne, formée par les cavaliers et les triaires. Les hastats étaient séparés par une troisième rue transversale de la troisième colonne, formée de la cavalerie et de l'infanterie des alliés.

Ainsi il y avait cinq rues transversales, et celle du milieu séparait nettement les deux légions ; puis toutes ces rues étaient elles-mêmes coupées par la via quintana, voie parallèle à la via principalis, et qui avait le nom de quintana parce que, divisant chaque colonne de campement en deux parties égales, elle passait immédiatement derrière la cinquième turme et le cinquième manipule de chaque corps. Entre le cinquième et le sixième escadron, dit Polybe, de même qu'entre le cinquième et le sixième manipule, on laisse un intervalle de cinquante pieds qui forme une nouvelle rue au milieu des légions. Cette rue, qui coupe transversalement les autres, est parallèle aux tentes des tribuns, et reçoit le nom de quintane parce qu'elle longe le cinquième corps.

Enfin, aux quatre portes, et en dehors du camp, étaient des espèces d'avant-camps nommés procestria, où logeaient les lixæ et les calones, qui ne faisaient pas partie de l'armée, mais qui la servaient. Les lixæ étaient des vivandiers qui fournissaient de la nourriture aux soldats et qui leur apportaient de l'eau dans leurs tentes. Les calones étaient des esclaves volontaires des soldats et les aidaient à transporter leurs bagages[18].

Telle était la disposition générale d'un camp, d'après la description que nous en a laissée Polybe, à l'époque où les armées romaines étaient divisées par manipules, et le plan que nous donnons à la fin de ce chapitre permettra d'en saisir l'ensemble et les détails d'un seul coup d'œil. Mais lorsque, après Marius, la division en cohortes eut prévalu, et qu'il n'y eut plus de triaires, de princes, de hastats, il y eut nécessairement quelques modifications partielles de peu d'importance : ainsi, Marius ayant composé l'infanterie légionnaire de deux corps uniques, l'un, des plus vieux soldats, et l'autre, des plus jeunes, le premier prit la place des anciens triaires et le second celle des princes et des hastats. Toutefois le plan général et les traits principaux de la disposition que nous avons indiquée restèrent les mêmes. Ce n'est que beaucoup plus tard, au temps de Végèce par exemple, qu'on commence à voir des changements importants : les camps n'ont plus un plan régulier et l'on se conforme, pour les dresser, à la disposition des lieux où l'on se trouve : On fera son camp, dit Végèce[19], rond ou carré, triangulaire ou rectangle, selon que le terrain le souffrira ; car ce n'est pas la forme d'un camp qui le rend imprenable : mais si vous avez la liberté du choix, campez sur un terrain dont la longueur ait un tiers de plus que la largeur. Cette proportion est plus agréable à l'œil que toute autre. C'est aux officiers chargés de tracer le camp à le ménager de sorte qu'il contienne commodément la troupe qui doit l'occuper : il est dangereux qu'elle y soit trop à l'étroit ou trop au large. On voit, d'après ces quelques mots de Végèce, qu'il n'y avait plus de règle certaine, et que tout dépendait de l'intelligence et de l'habileté des officiers chargés de ce travail. Il y eut cependant quelques innovations heureuses : Hygin nous dit que de son temps il y avait dans les camps un lieu réservé aux malades et aux blessés, valetudinarium, et un autre destiné aux chevaux à soigner : double précaution que nous ne trouvons pas dans le camp de Polybe. Mais, en général, comme il n'y a rien de tel pour la bonne discipline d'une armée qu'une règle simple, uniforme, égale pour tous, praticable en tous lieux et en tous temps, la plupart de ces changements qui s'introduisirent peu à peu dans la castramétation des Romains leur furent beaucoup plus nuisibles qu'utiles.

Après avoir vu la disposition des camps, il est important de savoir comment ils étaient gardés, et comment était organisé le service intérieur.

Il y avait des sentinelles à chaque porte et en dehors des retranchements : c'étaient les vélites qui étaient chargés de cette surveillance ; ils n'étaient pas armés comme pour le combat et n'avaient pas leurs boucliers, ils devaient simplement veiller et se replier pour donner l'alarme à l'approche de l'ennemi. Leur service avait lieu le jour aussi bien que la nuit : Les vélites, dit Polybe, qui pendant le jour sont chargés de veiller sur les retranchements, occupent durant la nuit la partie extérieure du camp ; dix d'entre eux gardent aussi les différentes portes.

Le service de l'intérieur était réglé d'une façon on ne peut plus régulière. On désignait dans chaque légion deux manipules des princes et des hastats pour prendre soin de la voie principale : car, les soldats passant en général une grande partie du jour sur cette large chaussée, on veillait à ce qu'elle fût constamment arrosée et propre. Sur les dix-huit autres manipules des hastats et des princes, chaque tribun en tirait trois au sort et chacun des trois était tour à tour affecté à son service. Le manipule de service lui fournissait deux postes de quatre hommes, l'un devant sa tente et l'autre derrière, pour veiller sur les chevaux. Cet usage n'était pas seulement d'une grande commodité pour les tribuns, il servait aussi à rehausser la dignité et l'autorité de leur grade. Les manipules des triaires étaient exempts de cette corvée, mais ils donnaient une garde de quatre hommes à la turme placée devant eux, et fournissaient chaque jour un manipule au prætorium pour faire honneur à la personne du consul et le défendre au besoin. Quant aux cavaliers et aux centurions, ils se rendaient dès le point du jour aux tentes des tribuns et ceux-ci à celle du consul. Le consul donnait ses ordres aux tribuns qui les transmettaient aux cavaliers et aux centurions, et ceux-ci aux soldats, lorsque le moment était venu.

Au coucher du soleil, les trompettes, rangés en cercle dans le prætorium, sonnaient l'heure du souper : c'est alors aussi que se donnait le mot d'ordre. Un soldat choisi dans le dixième manipule de chaque corps et exempt de garde se rendait à la tente du tribun, recevait de lui le mot d'ordre écrit sur une petite planche de bois (tessera), s'en retournait à son manipule et la remettait devant témoin au centurion du manipule suivant. Celui-ci la passait au centurion du manipule le plus proche, et ainsi de suite pour tous, jusqu'à ce que la tessère parvint aux premiers manipules voisins des tribuns auxquels elle devait ainsi revenir en peu de temps. Si toutes les tessères étaient rendues, le tribun était certain qu'elles avaient circulé dans toutes les mains jusqu'à lui, mais s'il en manquait quelqu'une, il cherchait aussitôt le centurion coupable, qui était puni comme il le méritait.

Peu après le signal des trompettes on posait les gardes de nuit. Le prétoire était gardé par la cohorte qui en était voisine, les tribuns et les turmes par ceux qui étaient désignés dans chaque manipule comme nous venons de le voir. Chaque manipule se gardait aussi lui-même. Parmi les soldats choisis dans chaque poste pour faire sentinelle, ceux qui devaient commencer étaient conduits le soir par un chef subalterne de leur manipule chez le tribun. Celui-ci remettait à tous une tessère, après quoi ils se rendaient à la place qui leur était assignée.

Pour surveiller les sentinelles on faisait des rondes à chaque veille : c'étaient les cavaliers qui étaient chargés de ce soin et qu'on appelait alors circitores. Un chef de turme, dans chaque légion, ordonnait à l'un de ses officiers de désigner avant le dîner quatre cavaliers : ces quatre cavaliers tiraient au sort leur tour de veille, et allaient trouver le tribun de qui ils recevaient un écrit leur prescrivant combien de postes et quels postes ils devaient visiter. Ils se rendaient alors auprès des premiers manipules des triaires, dont le centurion était chargé de faire sonner de la trompette à chaque veille nouvelle.

Le moment arrivé, celui à qui était échue la première veille faisait sa ronde, accompagné de quelques amis comme témoins. Il visitait tous les postes indiqués, non-seulement ceux des retranchements et des portes, mais aussi ceux qui veillaient sur chaque manipule et chaque turme. S'il trouvait le premier poste éveillé, il recevait de lui une tessère ; s'il le trouvait endormi ou absent, il prenait à témoin ceux qui l'accompagnaient et s'éloignait. Tous ceux qui faisaient les autres rondes agissaient de même. Puis, au jour naissant, tous les circitores apportaient au tribun les tessères qu'ils avaient reçues pendant la nuit. Si le nombre en était moindre que celui des gardes, on reconnaissait bientôt quelle était celle qui manquait : on confrontait alors les sentinelles avec le circitor ; si la faute était aux premiers, le cavalier le prouvait aisément en produisant ses témoins ; sinon, la responsabilité retombait sur lui et il était puni sévèrement.

Telle était l'organisation intérieure du camp. Pour le décampement, nous allons voir, au chapitre suivant, avec quelle facilité l'armée l'opérait lorsqu'elle devait se mettre en marche.

 

 

 

 



[1] Tite-Live, XLIV, 39 ; Salluste, Jugurtha, 45 et 91.

[2] Tacite, Hist., III, 15 ; IV, 71 ; César, Bel. G., VII, 38.

[3] Polybe, VI, 28.

[4] Plus tard il y eut un préfet du camp chargé de cette mission (Végèce, II, 10).

[5] Paris, 1836, p. 81 et 82.

[6] Végèce, III, 8.

[7] Végèce, I, 23 ; III, 8.

[8] Tite-Live, XL, 27.

[9] Tite-Live, III, 5 ; X, 32 ; César, Bel. G., II, 24 ; Bel. Civ., III, 79.

[10] Tite-Live, XL, 27.

[11] 59m,26.

[12] Polybe, VI, 31.

[13] (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10) : voir le plan en fin de chapitre.

[14] Les tentes étaient en peaux d'animaux cousues les unes près des autres. Leur plan était quadrangulaire. Celles des officiers avaient extérieurement la forme d'une petite maison élevée carrément de terre, an moins à la hauteur d'un homme, et couvertes d'un toit à deux égouts. Pour celles des soldats, les peaux étaient tendues sur une perche horizontale, et retombaient en ligues droites de chaque côté, de sorte que leur élévation présente l'image d'un triangle vertical. Chaque tente contenait dix hommes, qui formaient un contubernium, sous l'autorité du decanus. Quelques bottes de paille servaient de lit à la chambrée (Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, let. CXII, t. IV, p. 213).

[15] VII, 12.

[16] Tacite, Ann., I, 67 ; Hist., III, 13.

[17] Tite-Live, XXVIII, 24.

[18] Tite-Live, XXIII, 18 ; Tacite, Hist., IV, 22 ; Acad. Inscr., t. XXXVII, p. 227.

[19] Végèce, III, 8.