LE SANS-CULOTTE J.-J. GOULLIN

 

CHAPITRE DOUZIÈME.

 

 

Les avocats Tronson-Ducoudray et Réal. — Observations de Tronson-Ducoudray sur la défense de Goullin par Réal. — Son explication de l'acquittement. — Récit de M. Louis Blanc. — Explication de M. Michelet. — Paroles de Goullin avant la délibération du jury. — Attitude des acquittés dénoncée à la Convention par Lecointre. — Indignation de la population parisienne. — Avanies faites à Goullin. — Mécontentement des habitants de Nantes à la nouvelle de la mise en liberté des accusés. — Députation envoyée de Nantes pour demander à la Convention leur renvoi devant un autre tribunal. — Question de droit. — Renvoi des acquittés devant le tribunal criminel du District d'Angers décrété par la Convention. — Leur mise en liberté. — Goullin après sa libération. — Sa mort.

 

Deux des avocats qui avaient accepté de plaider dans l'affaire du Comité révolutionnaire avaient un nom célèbre, mais d'une célébrité bien différente. L'un était Tronson-Ducoudray, orateur d'un grand talent, dont le caractère était à la hauteur du talent, et qui, après avoir défendu Marie-Antoinette, ne dédaigna pas de prêter son ministère à Proust, membre du Comité, et à deux ou trois accusés inconscients de leurs méfaits. L'autre était Réal, qui avait été en même temps qu'Hébert substitut de Chaumette à la Commune de Paris, et qui fut plus tard l'un des serviteurs les plus zélés de Napoléon.

Réal défendait Goullin, et son plaidoyer n'a point été imprimé ; celui de Tronson-Ducoudray, au contraire, forme une brochure dans laquelle le plaidoyer est précédé d'Observations préliminaires, où sont exposées les causes qui amenèrent, selon lui, l'acquittement de Goullin et de ses complices.

Réal, dit Tronson-Ducoudray, avait joué un rôle fort actif dans l'affaire du 3 1 mai ; ses clients le savaient, et ils lui persuadèrent que ce qu'ils appelaient leurs fautes, ne venait que de leur aversion pour les prétendus fédéralistes de Nantes. Voilà donc Réal qui se persuade graduellement une absurdité. On le voit perdre insensiblement de sa prévention contre ses clients ; sa tête se monte. il répétait : Examinons ; bref, Réal, à force d'examiner, n'y voit plus. En effet, il commence bientôt à s'attendrir sur Goullin, Bachelier et autres gens de cette trempe, et il finit par se passionner pour Goullin ; oui, pour Goullin. Il trouvait même que c'était le héros du sentiment ; il me citait à moi-même des anecdotes de roman, à l'appui de sa vision. Réal était donc, comme on voit, l'agent involontaire d'une intrigue ; il avait devant lui moins encore son cher Comité que le 31 mai[1].

Tronson-Ducoudray expose ensuite comment, ayant plaidé l'affaire générale pour ses clients qui n'étaient que faibles ou exagérés, il montra que la terreur et l'enthousiasme, mobiles du système de sang, étaient en même temps l'excuse des hommes égarés qui n'en avaient été que les instruments. Cette partie de son discours avait été écoutée avec faveur par les accusés, et l'idée avait paru heureuse à Goullin qui donna des signes d'approbation. Ce fut tout le contraire quand l'orateur, développant son plan, s'attacha à montrer que, même en Révolution, un assassin est toujours un assassin. Réal se fâcha et cria à plusieurs reprises : Ce n'est pas là la cause. Après l'audience, une vive altercation eut lieu entre les deux avocats, et le lendemain Tronson-Ducoudray ne vint pas au tribunal. Réal profita de cette absence pour soutenir que Tronson-Ducoudray avait accusé les accusés au lieu de les défendre. Enfin le jugement est rendu ; il n'y a que Carrier, Pinard et Grandmaison de condamnés. Le peuple s'étonne, — continue Tronson-Ducoudray, — que des assassins, convaincus de l'être, ne soient pas convaincus, en même temps, d’intentions même criminelles ; et quant à lui, il ne doute pas que le succès de Réal a tenu à l'art avec lequel il a su persuader aux jurés, en réponse à deux ou trois avocats qui avaient fait l'apologie du 31 mai, que si Goullin et autres étaient condamnés, le 31 mai l'était aussi. Il est certain, dit-il en terminant, qu'on a cité le 31 mai, qu'on l'a pris même pour base ; que l'on a supposé à l'audience que l'on en voulait à cette mémorable journée, que les assassins se disaient persécutés par le fédéralisme, et que Réal a épuisé sa minerve sur ce texte-là[2].

Quelque étrange que soit cette explication de l'acquittement de Goullin et de ses complices, elle vient d'une source trop autorisée pour qu'il y ait lieu d'en rechercher une autre. Le jugement lui-même était plus étrange encore, puisque Goullin et consorts étaient, aussi bien que Carrier, Pinard et Grandmaison, convaincus de crimes odieux, mais qu'ils étaient acquittés pour les avoir commis sans intentions révolutionnaires, tandis que l'on prêtait des intentions de cette sorte à ceux que l'on condamnait.

M. Louis Blanc, qui connaît assez le public qui achète ses livres pour espérer d'être cru sur parole, a raconté l'acquittement des membres du Comité révolutionnaire de Nantes en des termes qui auraient pu fournir à Greuze, le peintre des scènes de famille, le sujet d'un tableau touchant. Après avoir vanté, comme une preuve de courage, le cynisme avec lequel Goullin dérouta un instant les réticences de Carrier, en lui disant que ses démarches à lui étaient aussi franches que ses paroles, et qu'il n'admettait pas, dans son vocabulaire, le mot translation comme synonyme de noyade, M. Louis Blanc affirme qu'il fut donné, dans le cours du procès, des preuves irrécusables de la probité sans tache de Bachelier, et de l'humanité de Chaux. Réal, dit-il, produisit sur l'auditoire une impression profonde, lorsque, après avoir passé en revue tous les actes qui déposaient en faveur de la moralité de Goullin, son client, il s'écria : Sa tête fut exaltée ; son cœur est celui d'un patriote pur, d'un homme de bien. Et l'émotion fut à son comble, quand on vit tout à coup se lever, pâle, tremblant, éperdu, les yeux pleins de larmes, l'accusé Gallon, ami de Goullin, et qu'on entendit ces paroles, proférées par une voix qu'étouffaient à demi les sanglots : Goullin est un honnête homme ; c'est mon ami ; il a élevé mes enfants ; tuez-moi, mais sauvez-le. Le désespoir de Gallon était tel, qu'il fallut l'entraîner hors de la salle. Sont-ce là des hommes féroces ? demanda Réal. L'auditoire répondit par des pleurs et le tribunal par un acquittement[3].

Que Gallon aimât Goullin, et que Goullin aimât Gallon, la chose est fort possible ; ils avaient longtemps vécu à Nantes, sous le même toit ; mais il faut que M. Louis Blanc ait une foi bien robuste dans les illusions de ses lecteurs, pour s'imaginer qu'ils croiront à l'honnêteté et à l'humanité de Goullin sur la foi de Gallon.

D'après M. Michelet, ce qui saisit le jury et fit qu'il condamna Goullin à vivre, ce fut le dernier mot dont celui-ci donna lecture, dans la nuit du 25 frimaire an III (15 décembre 1794), au moment où les jurés se retiraient pour prononcer sur son sort. Ce dernier mot est une confession où, au travers de l'étalage des sentiments généreux, éclate une vanité démesurée.

Ce n'est pas pour moi, dit-il, que je prends la parole... pendant le cours de la procédure, je fus constamment vrai. Je tâchai même d'être grand sur la sellette comme on me reproche de l'avoir été dans le fauteuil du Comité. Mais je n'ai rempli que la moitié de mon devoir. L'heure de la liberté ou de la mort va sonner, et ce n'est pas à l'instant du péril que Goullin reculera. Enfiévré de patriotisme, poussé jusqu'au délire par l'exemple de Carrier, je fus plus coupable à moi seul que le Comité tout entier. C'est moi qui fis passer dans l'âme de mes collègues cette chaleur brûlante dont j'étais consumé. C'est leur excès de confiance dans mon désintéressement, mon républicanisme, mes vertus, j'ose le dire, qui les a perdus. Je suis, avec les intentions les plus pures, le bourreau de mes camarades. S'il faut des victimes au peuple, je m'offre. Indulgence pour eux. que le glaive de la loi s'appesantisse sur moi seul ! que j'emporte dans la tombe la consolation de sauver la-vie à des frères, à des patriotes ! Mon nom, si la loi le proscrit, vivra du moins dans la mémoire de ceux pour lesquels je me dévouai. Puisse mon sang consolider la République ! puisse-t-il imprimer une leçon terrible aux fonctionnaires audacieux qui seraient tentés de méconnaître les lois et d'outrepasser leurs pouvoirs ![4]

Ce morceau est de ceux que l'on se contente de citer. Le lecteur me saura gré de n'en pas relever les énormités, car il sait de reste, je le suppose, que la générosité envers les gredins et la cruauté envers les honnêtes gens étaient des vertus républicaines.

L'acquittement de Goullin et de ses coaccusés n'en fut pas moins regardé à la Convention comme un scandale judiciaire. Je demande, dit Lecointre, à la séance du 28 frimaire an III (18 décembre 1794), pour la vindicte publique, car je ne crois pas que personne veuille tolérer ou défendre l'assassinat, que le Comité de législation nous présente un projet de décret pour que ces hommes soient envoyés devant le tribunal criminel de leur département, qui les jugera conformément aux lois. (Vifs applaudissements.) Je ne dirai pas, pour prouver la nécessité de ma proposition, que ces hommes parcourent les maisons publiques de Paris, où ils se font gloire des assassinats qu'ils ont commis, où ils insultent à la mémoire de ceux qu'ils ont immolés, au malheur des familles qu'ils ont désolées. (Vifs applaudissements.) Je demande, en outre, que le Comité de Sûreté générale prenne des mesures pour que ces hommes ne sortent pas de Paris et restent sous la main de la justice jusqu'au rapport du Comité de législation. Bréard ajouta : La Convention ne doit pas laisser circuler dans la société des hommes couverts d'opprobre, coupables des plus grandes atrocités[5].

Cet acquittement n'avait pas été mieux accueilli par la population parisienne : Hier, vers huit heures du soir, au Café des Canonniers, — ce renseignement est emprunté à un rapport de police en date du 28 frimaire an III, — Goullin, Nantais acquitté par le Tribunal révolutionnaire, a été reconnu, vu de mauvais œil, et mis à la porte par le public, qui l'a traité d'homme de sang, etc., en disant que s'il avait été acquitté au Tribunal révolutionnaire, il ne l'était pas dans l'opinion publique ; les esprits étaient fort échauffés à cette occasion, et tout le monde disait qu'il ne voulait jamais se trouver avec un pareil maître[6].

Semblable avanie lui fut faite le même soir au Café de Chartres, où il était entré avec un de ses amis : Il y fut, dit le Courrier républicain, universellement couvert de huées, et obligé de s'enfuir tout confus. Le même journal ajoute : A la suite de cet événement, il s'est engagé, dans la plupart des lieux publics, des conversations très animées sur ce mémorable jugement, et nous devons dire que partout il a été attaqué, sans que personne se soit présenté pour le défendre, si l'on en excepte un juré du tribunal, qui a fini par dire que, s'il eût siégé dans l'affaire, il eût condamné Goullin et autres[7].

Goullin s'était plaint avec amertume, durant son procès, d'être accusé devant un tribunal où le peuple de Nantes n'avait point accès. C'est à Nantes, disait-il, c'est devant le peuple de cette ville que notre procès devrait s'instruire ; c'est devant lui que nous pourrions confondre nos calomniateurs. Les sans-culottes de Nantes n'ont pas le moyen de faire des voyages coûteux, n'ont pas la ressource de venir à Paris cabaler et accaparer l'opinion publique ; la partie n'est pas égale, et ne peut le devenir à cent lieues de l'endroit où se sont passés nos actes et nos prétendus forfaits[8]. Il eût été facile de répondre à ces plaintes, en rappelant à Goullin que la Société populaire de Nantes s'était, dans la séance du 18 vendémiaire (9 octobre), cotisée pour envoyer à Paris, par des voies rapides, celui des témoins dont la déposition était regardée comme devant entraîner le plus sûrement la condamnation des membres du Comité, le témoin Julien Leroy, échappé à la noyade du Bouffay[9]. Ce malheureux avait les droits les plus incontestables à se proclamer sans-culotte, car une partie de la collecte était destinée à lui acheter des vêtements, et les membres de la Société populaire, qui lui payaient son voyage, étaient bien des sans-culottes de l'espèce de ceux que Goullin souhaitait de voir autour de lui ; mais l'envoi à Paris d'une députation, chargée de hâter le jugement des acquittés par un autre tribunal, prouve davantage encore à quel point Goullin en imposait lorsqu'il parlait des sympathies des patriotes de Nantes.

Cette députation comparut à la barre de la Convention, le 3o nivôse an III (19 janvier 1795), et l'adresse des citoyens de Nantes, dont lecture fut donnée, commençait ainsi :

Nous venons au nom des citoyens de Nantes vous témoigner leurs inquiétudes sur le jugement du Comité révolutionnaire de Nantes. Ces êtres, auxquels nous ne donnerons pas le nom d'hommes, ont été acquittés parce que leur intention, a pensé le jury, n'a pas été de faire la contre-révolution. Quelques réflexions vous démontreront que la contrerévolution était faite s'ils avaient pu continuer leur plan de massacres et d'horreurs. Ces quelques réflexions occupent presque deux colonnes entières du Moniteur ; et comme Carrier avait depuis longtemps expié ses crimes, les paroles qui viennent d'être citées démontrent clairement que ses complices n'avaient pas laissé de meilleurs souvenirs que lui dans l'esprit des patriotes de Nantes. L'adresse continuait : Il faut que les ministres de la mort qui ont si longtemps exercé leurs sanglantes fonctions à Nantes, reparaissent devant les tribunaux ; et elle se terminait par la demande d'un prompt rapport sur le jugement du Comité révolutionnaire de Nantes, de ses agents et de ses complices[10].

La remise en jugement d'individus qui avaient été acquittés soulevait une question de droit fort délicate. Mon ami, M. de la Sicotière, ayant traité cette question avec le talent du publiciste et l'autorité du jurisconsulte, je ne puis que renvoyer le lecteur au très intéressant travail intitulé Le Patriote D'héron. D'héron était un des complices des membres du Comité, qui, bien que convaincu d'avoir assassiné des enfants, avait été acquitté comme ayant, lui aussi, selon la doctrine de Tartufe :

. . . . . rectifié le mal de l'action

Avec la pureté de son intention.

Les principes du droit criminel s'opposaient certainement à ce que les bénéficiaires d'un jugement en dernier ressort fussent, pour les mêmes faits, renvoyés devant de nouveaux juges ; mais qui se souciait alors des principes et des lois ? Le Comité révolutionnaire n'avait-il pas lui-même proclamé dans son Compte rendu de nivôse qu'en révolution il vaut mieux que dix patriotes aient à souffrir d'une erreur involontaire, que de voir échapper un seul conspirateur ! Plusieurs fois la Convention avait annulé des sentences parfaitement régulières selon les lois du temps, parce qu'elles innocentaient des contre-révolutionnaires, et ordonné la remise en jugement des prévenus acquittés[11] ; l'Assemblée souveraine ne fit donc que suivre ses propres errements en décrétant, le 2 floréal an III (21 avril 1795), sur la proposition de Bourdon, que les individus du Comité révolutionnaire de Nantes, acquittés par le Tribunal révolutionnaire, seront renvoyés par devant le Tribunal du District d'Angers, pour y être jugés sur les délits ordinaires[12].

Ces individus furent transférés à Angers ; une procuration envoyée par Bachelier à sa femme est datée d'Angers, le 15 prairial an III[13], et ce fut en vue de la prochaine instance que le même Bachelier fit imprimer son Mémoire pour les acquittés, qui a été cité plusieurs fois. Il paraît certain néanmoins qu'il n'y eut contre Goullin et ses coaccusés aucune reprise d'instance ; jamais on n'a pu découvrir, aux greffes d'Angers, la moindre pièce d'une procédure quelconque engagée contre eux. Goullin vraisemblablement recouvra sa liberté en même temps que Bachelier, c'est-à-dire le 17 frimaire an IV (8 décembre 1795)[14].

Bachelier revint à Nantes, où il vécut longtemps[15], Chaux y revint également[16] ; mais à partir de ce moment, les habitants de Nantes perdirent complètement les traces de Goullin, et plusieurs versions erronées ont été publiées sur le lieu et l'époque de sa mort.

M. le comte Théobald Walsh, dans un écrit intitulé Mes souvenirs de trois quarts de siècle, a raconté que Goullin serait mort à Angers, assommé par un gentilhomme dont il avait fait périr les parents sur l'échafaud[17]. Nogaret a prétendu qu'il s'était suicidé pour échapper à ses remords[18]. Goullin mourut d'une façon moins tragique, et je prie M. Dugast-Matifeux d'agréer tous mes remerciements d'avoir bien voulu rechercher dans ses papiers et me communiquer une note ainsi conçue, qui met fin à toutes les incertitudes : Goullin ne retourna point à Nantes. Il erra çà et là sous un nom d'emprunt, cherchant des moyens d'existence, car il n'avait aucune fortune. Un gentilhomme du Haut-Poitou, nommé du Theil, le prit pour instituteur de ses enfants. Sa mauvaise santé ne lui ayant pas permis de continuer l'enseignement, il fut en dernier lieu recueilli par le président de l'Administration municipale du canton de Saint-Barbant, nommé Desbordes, qui s'intéressait à lui. Il languit plusieurs mois, et mourut dans la demeure de M. Desbordes, au hameau du Repaire, commune de Bussière-Poitevine[19], le 24 prairial an V (12 juin 1797), à l'âge d'environ quarante ans. Il est inscrit dans l'acte de décès sous son véritable nom, qu'il avait révélé en mourant.

L'acte de décès, dont un de mes amis qui habite la Haute-Vienne m'a fait parvenir une expédition authentique, confirme l'exactitude de ces renseignements. Goullin y figure avec les prénoms Jean-Jacques et l'indication de sa naissance à Saint-Domingue.

Ce Desbordes était un prêtre marié ; sorti depuis peu de temps du séminaire d'Angoulême quand la révolution éclata, il était à l'époque de la Terreur commissaire du Directoire du département de la Haute-Vienne, et il avait été, en cette qualité, envoyé à Rochechouart pour y faire une enquête sur les mauvais traitements infligés par un geôlier à de malheureuses prisonnières. En remplissant sa mission, M. Desbordes s'était épris d'une jeune fille noble, l'une de ces prisonnières, qui consentit à l'épouser pour assurer le salut de sa famille[20].

C'est ainsi que la demeure d'un prêtre apostat fut le dernier asile de celui qui avait tant haï les prêtres fidèles à leurs serments.

Quelles furent ses dernières pensées quand, moribond sur son lit de douleurs, le souvenir de ses victimes obséda sa conscience ? Eut-il, aux approches de la mort, comme tant d'autres âmes aveuglées durant leur vie, une claire vision de l'éternelle justice ? La foi nous enseigne que la miséricorde divine se mesure au repentir du pécheur et la dernière pensée est le secret de Dieu ; mais l'histoire ne serait que la satisfaction d'une vaine curiosité si elle n'infligeait à la mémoire de Goullin, et de ceux qui, lui semblent, les marques de sa flétrissure.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Plaidoyer de Tronson-Ducoudray dans l'affaire du Comité révolutionnaire de Nantes, in-8°. Paris, Desenne, an III. Observations préliminaires, p. viij et suiv.

[2] Observations de Tronson-Ducoudray, déjà citées.

[3] Histoire de la Révolution, in-18, t. XI, p. 281 et suiv.

[4] Le manuscrit de ce discours fait partie de la collection de M. Dugast-Matifeux, et la citation ci-dessus est empruntée à l'Histoire de la Révolution, de M. Michelet, t. VII, p. 91.

[5] Moniteur du 30 frimaire an III, Réimpression, t. XXII, 782.

[6] Tableau de la Révolution française, Schmidt, t. II, p. 253. Cet ouvrage, composé tout entier de rapports de police copiés à Paris par un Allemand, a été imprimé à Leipzig, ce qui explique la multiplicité des fautes d'impression ; ainsi, il est à croire qu'au lieu de maître, il faut lire ministre.

[7] Courrier républicain du 29 frimaire an III - 19 décembre 1794, p. 401.

[8] Bulletin du Tribunal révolutionnaire, VI.

[9] Les Noyades de Nantes, 2e édit., p. 35, note 3.

[10] Réimpression du Moniteur, XXIII, 258.

[11] Notamment le décret rendu le 11 prairial an II sur la proposition de Carrier, à l'effet de traduire devant le Tribunal révolutionnaire de Paris plusieurs individus acquittés par le Tribunal criminel du Cantal. Réimpression du Moniteur, XX, 606.

[12] Moniteur, XXIV, 285.

[13] Cette procuration est mentionnée sur le registre du Bureau des Emigrés, 20 messidor an III, f° 20.

[14] Une décision du Bureau des Émigrés, du 12 ventôse an IV, f° 10, mentionne l'expédition d'un jugement du Tribunal correctionnel d'Angers, du 17 frimaire an IV, qui met Bachelier en liberté, mais ce jugement n'existe point sur les registres. (V. Le Patriote D'héron, par M. de la Sicotière.) — Une note de Villenave, inscrite sur la chemise du dossier de Louis Naud et autres, porte simplement que ces accusés furent renvoyés devant le Tribunal criminel d'Angers, où ils furent mis en liberté. (Collection de M. G. Bord.)

[15] Bachelier mourut à Nantes, le 10 août 1843. (Notice sur Bachelier, par M. Dugast-Matifeux. Fontenay, Robuchon, 1849. — Biographie bretonne, t. I, p. 59.)

[16] Chaux mourut à la Roche, commune de Doulon, le 26 novembre 1817 ; son acte de décès porte : Chaux de Champeau ; Champeau était le nom d'une propriété qu'il avait possédée dans la commune du Grand-Auverné.

[17] Revue de France, 15 mars 1877.

[18] Histoire de la Guerre civile en France, t. III, p. 312.

[19] Les communes de Saint-Barbant et de Bussière-Poitevine font aujourd'hui partie du canton de Mézières, arrondissement de Bellac (Haute-Vienne).

[20] Rochechouart. — Histoire, Légendes, Archéologie, par M. l'abbé Dulery, in-8°, Limoges, Ducourtieux et Cie, 1855, p. 273 et suiv. — M. Desbordes devint plus tard, sous l'Empire, juge de paix de Mézières (Haute-Vienne), et fut élu, en 1815, membre de la Chambre des représentants.