Nicolas
Foucquet était mort le 23 mars 1680. Aux termes de la législation en vigueur,
la condamnation à une prison perpétuelle entraînait la mort civile[1], l'incapacité non seulement de
tester, peine sans conséquence, vu le défaut de biens, mais encore celle de
recevoir par donation ou héritage, à quelque titre que ce fat. Toutefois, la
famille n'avait pas cessé de tenir son chef comme vivant. Après son décès, la
grand'mère, Marie de Maupeou, n'étant plus obligée de se soumettre à une
odieuse clause d'exclusion, n'hésita pas à partager entre ses enfants et
petits-enfants le peu de biens qui lui restaient. Le 23
juin 1680, elle les réunit dans sa maison de Moulins, au Faubourg d'Alier, paroisse d'Izeur, savoir : Illustrissime
et révérendissime seigneur messire Louis Foucquet, évêque et comte d'Agde,
abbé de Vézelai, de Sorèze et de Ham ; Messire
Gilles Foucquet, chevalier, cy-devant premier escuyer de la grande escurye du
Roy ; Dame
Marie-Magdelaine de Castille, veuve de très-haut et très-puissant seigneur
messire Nicolas Foucquet, chevalier, vicomte de Melun et de Vaux, ministre
d'Etat, surintendant des finances de France, et procureur général du Roy. Cette
dernière comparaissait comme tutrice de messire
Charles-Armand Foucquet, prieur de Mauregard, de Louis Foucquet, chevalier
non profès de l'ordre de Saint-Jean de Hiérusalem, de demoiselle
Marie-Magdelaine Foucquet,
ses trois enfants mineurs, de haut et puissant seigneur, messire
Louis-Nicolas Foucquet, chevalier, comte de Vaux, son fils aîné, qui
d'ailleurs était présent. La
fille du premier mariage de Nicolas, très-haute
et très-puissante dame, Marie Foucquet, épouse de Mgr Armand de Béthune, duc
de Charost, pair de France,
n'avait pas pu venir, et noble homme Pierre
Girault, seigneur de Changy, châtelain et juge ordinaire de la ville et
châtellenie de Moulins,
se présentait avec sa procuration[2]. Seules
manquaient à la séance les filles de François Foucquet, religieuses de la
Visitation, qu'on n'oublia pas, d'ailleurs. Deux
notaires de Moulins, Decamps et Berruyer, assistaient de leurs conseils la
vénérable aïeule Marie de Maupeou, qui avait d'avance rédigé ses dispositions
par écrit. L'exposé
en était touchant : À cause de son grand âge
qui ne lui permet plus de s'appliquer avec la méme exactitude qu'elle a faict
jusqu'ici, elle
propose, pour conserver la paix et l'union
dans sa famille entre ses enfants, de disposer en leur faveur, pendant sa
vie, des biens qui luy restent, pour leur en remettre dès à présent
l'administration, et éviter par ce moyen les difficultez et contestations qui
surviennent ordinairement lors des partages entre les personnes les plus
proches, qui devroient estre les plus unies. On
reconnaît bien à ce style la noble femme qu'on avait toujours vue inébranlable à la fortune et aux malheurs de son fils[3], toujours résignée à soumettre
aux plus lourds fardeaux ses épaules courbées par l'âge. Que de souvenirs
amers dans cet appel à l'union, et quelle évocation de l'absurde jalousie
entre Basile et Nicolas, si fatale à la famille entière ! C'étaient
pourtant les biens de Basile qui composaient le plus clair du maigre actif à
partager, cent mille livres placées en rentes, la baronnie de Villars,
quelques meubles. Marie
de Maupeou donna un tiers des rentes à l'évêque d'Agde, un tiers à Gilles
Foucquet, le reste aux enfants de Nicolas. Ces derniers reçurent en outre un
tiers de la baronnie de Villars, dont le surplus fut attribué à Louis
Foucquet. Venant
à ses biens propres, qui ne sont pas désignés, l'aïeule n'applique pas tout à
fait la même règle à leur partage : un tiers fut donné à l'évêque d'Agde, un
autre tiers à Mme d'Aumont, femme séparée de
biens de Gilles Foucquet,
sans doute pour garder un morceau de pain à ce pauvre garçon. Le
dernier tiers revint aux enfants de Nicolas, à partager entre eux, mais avec
cette mention significative que la part des enfants du second mariage serait
employée au payement des créanciers plus
anciens ou privilégiés
de leur mère, Marie-Magdelaine de Castille, sauf
néanmoins le droit d'aînesse acquis au comte de Vaux. Cela veut dire que la mère
s'était endettée dans ses longues luttes contre le Roi et contre les
créanciers de son mari ; la grand'mère, soucieuse de l'honneur du nom,
voulait qu'avant tout son argent servit à payer ces dettes de famille. Elle
chargea ses enfants donataires de servir 200 livres annuelles à ses filles
religieuses, leur vie durant, plus 100 livres à leur mort pour dire des
messes. C'était
tout et c'était peu de chose. Si pauvre qu'elle fût relativement, la
donataire ne laissa pas de se montrer généreuse. Les filles de la Magdelaine
de Paris lui devaient une rente de 100 livres, elle les en quitta.
Elle donna 200 livres pendant dix ans aux Sœurs de la Charité de Moulins ; 1.000
livres une fois payées aux Nouvelles-Catholiques de la rue Sainte-Anne à
Paris ; un diamant de 1.500 livres au sieur Chomel, en marque d'estime et de reconnaissance ; 5.000 livres enfin à employer
en œuvres pies, suivant l'avis de son fils l'évêque, de sa belle-fille et de
son fils Gilles. Tout
terminé, une dernière pensée lui revint. Cette femme de quatre-vingt-dix ans
passés se rappela les commencements de sa fortune, alors que son mari,
François, l'ami de Richelieu, s'occupait des choses
de la mer. Elle se
réserva la portion qui lui appartient en la
compagnie ancienne des Iles d'Amérique, et des deniers qui lui peuvent estre
deus par ladite Compagnie, pour en faire la disposition au profit de qui elle
advisera bon estre. La
compagnie ancienne des Isles, en liquidation depuis des années, était le Panama
de ce temps-là. L'acte
de partage fut signé par les parties et resta sous seing privé[4]. Peu de
temps après, Marie de Maupeou revint à Paris et se retira dans un de ces
petits appartements ménagés dans les dépendances du Val-de-Grâce, où les
personnes pieuses et modestes trouvaient un asile peu dispendieux. C'est là
qu'elle mourut, pleurée des pauvres, honorée de tous les gens de bien,
estimée par les plus implacables ennemis de son fils. Les
Foucquet apprirent que le survivant des prisonniers de Pignerol, M. de
Lauzun, était autorisé par le Roi à venir prendre les eaux de Bourbon. Il
avait poussé tant de plaintes, tant gémi sur le délabrement de sa santé, que
la Grande Mademoiselle avait obtenu du Roi qu'on laisserait son ami
faire une cure dans la station alors en vogue[5]. Le terrible Gascon y arriva,
alerte et vigoureux, se moquant des eaux, se répandant en conversations,
malgré les défenses de sa grande amie. Mécontent sans doute de
n'avoir pas obtenu à Pignerol tout le succès qu'il espérait, il disait du
surintendant pis que pendre, et colportait force contes sur
Mme Foucquet : l'évêque d'Autun faisait la cour à la belle veuve, et autres
propos du même genre. Propos doublement blâmables, et tenus surtout pour
dépister la jalousie de Mademoiselle. Au même moment, en effet, le séducteur
renouait ses relations avec ces dames si décriées. A une
saison en 1680, en succéda une autre. Lauzun revint en 1681. Bourbon
présentait alors le même caractère de vie mondaine qu'on trouve dans les
stations balnéaires de nos jours : traitement et coquetterie combinés. Les
distractions n'abondaient pas dans cette province. Les dames Foucquet, soit
pour prendre les eaux, soit pour faire voir le monde à leurs enfants, se
rendaient aux bains. Là comme à Moulins, elles étaient reçues dans la
meilleure société. Lauzun les y retrouva, fit son galant, compromit la jeune
fille, au moins il le laissa dire, tout en continuant de critiquer la
conduite de la mère. La
veuve de Nicolas ne s'occupait pourtant que d'œuvres pieuses. En 1682,
Marie-Magdeleine de Castille, femme à M.
Foucquet, fondait à
Moulins, au faubourg d'Allier, la maison des Sœurs de la Croix pour
l'instruction des filles pauvres[6]. La même année, elle
s'installait à Paris avec sa fille. Permissionnaire
à Bourbon, Lauzun fut interné dans Amboise, où il retrouva Mme d'Alluyes,
l'ex-Fouilloux de 1661. Il continue de geindre et d'étourdir Mademoiselle,
qui enfin délia les cordons de sa bourse et racheta le prisonnier. De plus en
plus ingrat, le Gascon, revenu à Paris, dédaignait la princesse, qui, par
ordre du Roi, ne lui donnait que son cœur, mais le lui donnait mûrement et
résolument. Il retrouvait encore Mine Foucquet et surtout sa fille, et
continuait à déblatérer contre elles, toujours, disait-il, pour abuser sa
bienfaitrice. Le
maréchal de Créqui, ami de Foucquet par les Plessis-Bellière, Pellisson, ami
fidèle au malheur, s'entremirent pour réconcilier avec la veuve et
l'orpheline ce personnage dangereux. C'était son secret désir. Le voilà
rentré dans la maison, s'y présentant en vainqueur, commandant dans la
chambre de la jeune fille comme chez lui. Ses intentions sont pures : Que le
Roi lui rende son titre, sa place à la Cour, et il épousera Mlle Foucquet. Le
propos est à noter. Ou Lauzun était le plus impudent des hommes, ou son
prétendu mariage avec la Grande Mademoiselle n'avait jamais été légalement
réalisé. Cependant la mère, femme de bon sens, ne crut pas à ses paroles ;
elle mit, non sans difficulté, sa fille en religion, à l'Abbaye-au-Bois. Par malchance,
la haute main dans le couvent appartenait à une dame de Lannoy, qui avoit bonne opinion de tout le monde. Lauzun ne quittait plus le
couvent[7]. Soit
que ce Gascon se fût vanté, soit que ces poursuites n'eussent fait
qu'enflammer un galant plus jeune, et bientôt mieux apprécié, toujours est-il
que le 21 juillet 1683, on célébrait dans la petite chapelle du château de
Pomay le mariage de Mile Foucquet avec haut
et puissant seigneur Messire Balaguier de Crussol d'Uzès, chevalier, seigneur
de Monsalès, Aubayrat,
etc. M.
Bertrand de Savaux, docteur en Sorbonne,
vicaire général de Mgr l'illustrissime évêque d'Autun, officiait. Dans l'assistance,
on voyait, outre les futurs époux, Marie-Magdelaine Foucquet, la mère ;
Charles Armand Foucquet, frère de la future, devenu abbé Foucquet ; Gérard de
Changy, le châtelain de Moulins, deux notaires, enfin Thibaud, curé de la paroisse de Lusigny[8]. Certes,
la situation de Foucquet justifiait à un certain point le caractère modeste
de la cérémonie. La chapelle de Pomay n'était pas grande ; mais rien
n'explique l'absence de l'oncle, évêque d'Agde, du frère acné, comte de Vaux,
des Charost, et surtout l'isolement absolu du futur, Emmanuel de Crussol
d'Uzès. Au surplus, tout était en règle. L'évêque de Cahors avait donné un celebret (30 juin 1683)
; mais ce mariage sans père, ni mère, ni parents, ni amis éveille le soupçon.
Évidemment le fiancé se mariait contre le gré des siens. L'aventure
eut son pendant : Louis Foucquet, dernier fils du surintendant, né à
Fontainebleau en 1861, qu'on a vu presque jeté à la rue lors de la disgrâce
de son père, qu'on a retrouvé en 1680 chevalier non profès (heureusement) de
Jérusalem, était encore à cette époque presque un enfant, tout au plus un
jeune homme de vingt ans, sans position, sans moyens d'existence. Il habitait
avec sa mère à Pomay, à Moulins, à Bourbon. Mais il avait du sang de Foucquet
dans les veines. Le
gouverneur du Bourbonnais, le vieux marquis de Lévis de Charlus, successeur
de la Vallière, résidait dans son gouvernement avec sa famille, garçons et
filles. Une de ces dernières, Catherine-Agnès, âgée de vingt et un ans,
remarqua le chevalier non profès, garçon de
peu de bien, mais de beaucoup d'esprit et de savoir[9], et sans doute de quelques
qualités de plus. Que Charles-Armand ait été séducteur ou séduit, l'amour, plus tôt satisfait que de raison, lui valut une
grande alliance. Le marquis de Lévis, grand-père du duc de Lévis, n'eut
d'autre parti que de lui laisser épouser sa fille, de la chasser de chez lui,
et de ne vouloir jamais entendre parler d'eux. Ce
récit de Saint-Simon n'a pas besoin de commentaires. La noce fut aussi
sommaire que celle de Magdelaine Foucquet. Les jeunes époux, réduits à suivre le sort et les exils de l'évêque d'Agde, se retirent à Villefranche.
C'est là que le 21 septembre 1684 naquit un enfant nommé Louis-Charles-Auguste
Foucquet. Voilà
un fils et une fille du surintendant mariés dans de déplorables conditions.
Loin de reprendre des forces par ces alliances, la famille Foucquet en
perdait. On ne pouvait compter pour la rétablir sur Charles-Armand, abbé de
Beauregard, qui d'ailleurs donnait beaucoup de consolations à sa mère[10]. Restait
Louis-Nicolas, l'aîné, homme d'un rare courage, ne demandant qu'à servir,
toujours le premier à tous les assauts[11]. Zèle inutile, le Roi ne
pouvait se résoudre à tenir ses services pour agréables. Après chaque
campagne, il se retrouvait en quelque sorte exilé dans le vaste domaine de
Vaux, qui, faute de ressources, tombait en délabrement sous ses yeux. Sa mère
lui en abandonna la propriété, ainsi que de la vicomté de Melun, de Maincy,
etc. (13
février 1684)[12]. Le comte de Vaux prit peu à
peu le goût de la retraite[13]. Les
années succédaient aux années. Louis-Nicolas avait déjà trente-deux ans,
lorsqu'en 1689 (26 août)
on le présente à une toute jeune fille, âgée de quatorze ans à peine, fort
riche[14]. Il
était dit que toutes les alliances contractées par les Foucquet en décadence
présenteraient un caractère particulier. Cette jeune fille, qui n'avait
jamais connu son père, mort en 1676, était élevée par une mère trop
vertueuse, Marie-Jeanne Bouvier de la Motte, veuve d'un sieur Guyon, fils de
l'entrepreneur du canal de Briare, enrichi par son entreprise et anobli par
Richelieu[15]. Cette femme extraordinaire,
épouse et mère par devoir, gardait tout son amour pour Dieu. Veuve, elle put
se livrer sans contrainte à sa vocation. C'est
alors que son histoire se lie assez intimement à celle de la famille
Foucquet. L'aînée des filles du surintendant, Mme de Charost, avait depuis
1661 logé à plusieurs reprises à Montargis, chez le père de Mme Guyon. La
duchesse était très pieuse, et la jeune veuve remarqua vite qu'elle
pratiquait une méthode particulière d'oraison. Elle essaya de s'approprier
cette méthode, et ne parut pas y réussir. On ne la trouvait pas assez avancée[16]. En juillet 1681, elle quitta
Montargis, sa patrie, pour aller chercher des inspirations mystiques dans les
montagnes du Jura et les vallées de la Savoie et pour y retrouver le seul
directeur qui sût la comprendre, le Barnabite La Combe. Après
quelque temps, le directeur et l'inspirée quittaient le diocèse de Genève,
venaient à Turin, de Turin à Grenoble, priant et vivant ensemble, objet
d'édification pour les uns, de scandale pour les autres, d'étonnement pour
tous. Cependant,
ne pouvant rester à Grenoble, Mme Guyon revient à Dijon, puis à Paris. La
duchesse de Beauvilliers, fille de Colbert, avait connu Mme Guyon à
Montargis, où ses filles étaient élevées aux Bénédictines. Elle la mit en
relation avec ses sœurs, les duchesses de Chevreuse et de Mortemart. Ces
dames étaient en communauté de pratiques religieuses avec la duchesse de
Charost. On créa une petite église, où l'on s'adonna particulièrement à la
spiritualité, à la méthode d'oraison, au pur amour. Cette
dernière, comme on l'a vu, n'était pas nouvelle. Notamment, elle paraissait
déjà, au moins à l'état de discussion, dans ce livre des Conseils de la
sagesse, qu'on croyait l'œuvre de Foucquet prisonnier, et dont un petit
extrait avait été publié en 1684 sous ce titre de Méthode de converser avec
Dieu. Sur ces
entrefaites, un sieur de la Maisonfort amena à Paris sa fille, chanoinesse de
Poussay, personne d'esprit et de mérite, qui plut à Mme de Maintenon et devint
une des supérieures de la maison de Saint-Cyr. Comme la Maison-fort était
parent de Mme Guyon, un commercé de visites fut commencé et se développa.
Excellente recrue pour Mme Guyon. Tout justement, la duchesse de Charost
emmenait fréquemment son amie dans sa maison de campagne, à Beynes, au-delà
de Saint-Cyr, où l'on entrait en allant et en revenant. Là, on voyait Mme de
Maintenon, la grande puissance du jour. Mme
Guyon était une charmeuse. La Combe, au contraire, parlait rudement, choquait
les gens par ses airs de sectaire et de novateur. Tout à
coup, l'archevêque de Paris, Chanvalon, le fit, par ordre du Roi, arrêter et
mettre à la Bastille. En même temps, on enferma Mme Guyon chez les
religieuses de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine. Mais tandis que le
Barnabite s'entêtait 'n soutenir sa doctrine, la dame faisait toutes les
soumissions demandées. Sa parente, Mme de la Maisonfort, la réclama,
soutenant que derrière ces querelles de théologie, se cachait un secret
dessein de faire épouser la fille de Mme Guyon par un neveu de l'archevêque.
Les trois duchesses demandaient leur amie, leur mère, leur prophétesse. Elles
obtinrent enfin pour elle la permission de se retirer chez Mme de Miramion,
qui avait précisément fondé une maison de refuge près l'hôtel de Nesmond.
Bientôt même, toute surveillance étant levée, on recommença à faire de
nouveaux prosélytes. La duchesse de Charost amena l'abbé de Fénelon dans la
maison de Beynes. Pendant le retour à Paris, Mme Guyon expliqua sa doctrine,
d'autres disaient ses illusions[17]. Au mois
d'août 1688, les partisans du pur amour et du quiétisme se virent à l'apogée
de leur fortune. Le Roi donna aux princes M. de Beauvilliers pour gouverneur
et M. de Fénelon pour précepteur. Événement moins en vue, mais qui fut
remarqué, M. de Vaux, le fils aîné de Foucquet, épousa Mlle Guyon, fille très riche qui n'a qu'un frère[18]. Le mariage eut lieu chez Mme
de Miramion (26 août 1689). La
mariée avait alors quatorze ans à peine. Je
fus obligée à cause de son extrême jeunesse, dit Mme Guyon, d'aller
rester quelque temps avec elle. J'y restai deux ans et demi[19]. (Août 1689, février 1692.) La
nouvelle mariée était aimable et jolie, mais bien jeune. M. de Vaux, au
contraire, à trente-deux ans, portait plus vieux que son âge. Le premier aux
périls, le dernier aux récompenses, rebuté, découragé, il se repliait sur
lui-même. La belle-mère aurait pu être utile au nouveau ménage, d'autant
qu'elle ne devait pas être de commerce désagréable. Ses quarante ans la
laissaient très belle à voir. Elle avait dans le visage je ne sais quoi de
doux et de majestueux[20] ; ses manières étaient
gracieuses et insinuantes, avec une conversation pleine d'esprit et de
douceur. C'était, en son genre pieux et dévot, une séductrice. Que les
temps étaient changés ! En 1660, on donnait tout à l'amour et aux
intrigues. À cette heure, on ne parlait que d'amour divin, et avec d'étranges
colères. Oui n'aimait pas Dieu selon certaines formules devenait l'objet de
haines. Au boat
de deux ans, Mme Guyon quitta sa fille, prit une petite maison, éloignée du
monde, pour y suivre le penchant qu'elle
avait à la retraite.[21]. Retraite mal cachée, d'où la
dame sortait souvent pour se rendre à Saint-Cyr. Ses doctrines soulevèrent de
nouveau les critiques des évêques. Nicole, Bossuet intervinrent[22]. Mme de Maintenon l'abandonna.
On sait l'histoire. Bref, en décembre 1695, un exempt, nommé Desgrès, entra
par ruse dans la maison des adeptes, y arrêta Mme Guyon, saisit ses papiers. Elle ne voulut pas reconnaitre des opéras, des pièces de
Molière et quelques romans comme Jean de Paris, Richard sans peur,
qu'elle déclara appartenir aux laquais de son fils, lieutenant aux gardes. Il
n'y eut que Griselidis et Don Quichotte qu'elle avoua être à
elle[23]. Ces
méchantes chicanes d'un homme de police rappelaient les mauvais jours de
1661. Mine Guyon, qui pouvait s'être compromise par légèreté, avait de bonnes
mœurs. Mais on était alors plus scrupuleux sur les questions religieuses
qu'au temps de Foucquet sur les questions financières. La veuve, qui touchait
à ses cinquante ans, reprit successivement les tristes logements du beau-père
de sa fille, au donjon de Vincennes, à la Bastille où elle resta de juin 1698
à mars 1703[24]. Elle n'en sortit que pour être
reléguée d'abord en Touraine, puis à Blois, où elle vécut et mourut en
vénération à son petit troupeau[25]. L'avenir
semblait plus que jamais fermé à la descendance du surintendant. En 1694,
Gilles Foucquet, brave garçon, ayant noblement supporté sa disgrâce, mourait
sans enfants. En 1702, ce fut le tour de l'évêque d'Agde, rentré depuis dix
ans dans son diocèse, qui soutenait son neveu, Louis-Armand, sa femme et ses
deux enfants[26]. Cette petite famille peu
fortunée retomba à la charge de la veuve de Nicolas. Cette
noble femme, qui devait pendant près d'un demi-siècle expier sa prospérité de
quelques années, avait quitté sa maison de la rue du Parc-Royal, et vivait
alors retirée dans un appartement dépendant du Val-de-Grâce. Les soucis de
famille ne lui faisaient pas oublier les pauvres, ni l'amour des pauvres
négliger ce qu'elle devait à ses parents. Elle gérait avec application les
débris de fortune laissés entre ses mains, Belle-Isle notamment[27]. Très
énergique, elle n'abandonnait pas plus l'espoir d'une réhabilitation de son
mari que la réclamation de ses droits. On se
rappelle son ardeur, de 1662 à 1664, à imprimer les défenses rédigées par le
surintendant. Elle avait fait appel aux presses des Elzévirs[28]. Mais les Elzévirs
travaillaient lentement ; ils livrèrent leurs volumes de 1665 à 1667, alors
que l'attention publique était depuis longtemps tournée vers d'autres objets.
Les exemplaires restèrent sous cordes, ni offerts, ni demandés. En 1696, on
réimprima quelques volumes, et l'on tira pour tous un titre nouveau, titre
bien caractéristique : Les défenses de M. Foucquet, ministre d'État,
contenant son accusation, son procéz et ses défenses, contre Louis XIV, roy
de France. Sommes-nous
en présence d'une spéculation de libraire ? Cela se peut, car le privilège
annoncé ne parait nulle part. Aurait-on osé tenter l'entreprise en usurpant
le nom de la veuve de Cramoisy, faire les frais de réimpression de plusieurs
volumes sans s'être assuré du consentement de l'éditeur et du concours de la
famille ? En tout cas, on trouva un obstacle à cette publication qui fut arrêtée,
ou resta clandestine. Le temps n'était pas encore venu où l'on pourrait
évoquer l'ombre de Foucquet et se présenter comme l'adversaire de Louis XIV,
roi de France. Mme
Foucquet, chargée d'enfants et de petits-enfants, était tenue à beaucoup de
circonspection. En 1704, le Roi avait, en conseil, décidé la reprise du
domaine de Belle-Isle, par voie d'échange[29]. La veuve profita de cette
ouverture pour réclamer ce qu'elle appelait justement son dû, le prix des
fortifications, armements, munitions confisqués en 1661. Louis, parait-il,
reconnut le bienfondé de sa demande et ordonna le payement d'une indemnité de
400.000 livres. Mais,
hélas ! on était revenu aux pratiques financières contemporaines du temps de
la Fronde, et, entre l'ordonnancement et le payement, les créanciers de
l'État mouraient. Cependant
tout arrive. Le
lecteur qui a eu la patience de lire le récit des origines et du
développement de la famille Foucquet, de la grandeur et de la chute du
surintendant, va maintenant assister à l'un des plus étonnants retours de
fortune dont l'histoire fasse mention. Le 22
septembre 1684, à Villefranche, où Armand Foucquet et sa femme avaient dû
demander un asile et le pain quotidien à leur oncle Louis Foucquet, exilé
lui-même, un enfant, un garçon, Charles-Louis-Auguste, était issu de ce
mariage d'amour, si mal vu des grands-parents. Né dans la pauvreté, élevé par
un père intelligent, mais que la disgrâce du sort rendait morose, l'enfant
apprit de bonne heure à ne compter que sur lui-même. Heureusement doué, il
profita d'une éducation solide, qu'aucune distraction ne troublait. Tout
jeune, il entra au service, combattit comme capitaine en Italie, montrant
beaucoup de zèle et d'amour pour son métier, l'étudiant avec passion, dans
son détail et dans son ensemble. Zèle et
capacité ne paraissaient pas devoir mieux lui servir qu'à son père ni qu'à
son oncle. Le Roi, s'il ne ressentait plus de haine, éprouvait encore une
rancune d'entêtement contre tout ce qui portait le nom de Foucquet.
Charles-Louis ne put obtenir de régiment, ni de cavalerie ni d'infanterie.
Par tolérance, on lui permit d'acquérir en 1705 la commission de mestre de
camp d'un régiment de dragons, corps militaire encore non classé. Obstiné et
résigné à la fois, il entra dans le chemin qu'on ne lui fermait pas. Son
mérite n'eût peut-être pas réussi à forcer la mauvaise fortune, sans un appui
tout-puissant qui lui vint du côté où il devait le moins en attendre. Son
grand-père, Charles de Lévis, homme rigide, n'avait jamais voulu revoir sa
fille ni voir son petit-fils. Son oncle, qui, par obéissance, n'osait pas
montrer plus de bienveillance à ces expulsés de la famille, se maria. Grande
et riche alliance, cette fois. L'épousée était Mlle de Chevreuse, la
petite-fille de Colbert. C'est
cependant cette petite-fille de l'implacable adversaire de Nicolas Foucquet
qui devait ramener la fortune dans la famille appauvrie du surintendant. La mère
du jeune Charles, si elle avait eu le tort d'aimer sans la permission
paternelle, n'en était pas moins bonne femme et bonne mère. Son mari, qui s'étoit offert à tout et dont on ne vouloit pour rien, était devenu presque sauvage,
partant, de nul secours pour ses enfants. Mme Foucquet, décidée à sortir de
sa retraite du Val-de-Grâce, se fit humble et aimable devant sa jeune et
puissante belle-sœur, conquit sa bienveillance. Aux premiers sentiments de
compassion succéda bientôt chez l'oncle et la tante une vive affection,
surtout pour ce neveu qui se présentait si bien, et qui se couvrit de gloire
au siège de Lille, en 1708. Il y reprit à l'ennemi deux mortiers qu'on
croyait irrémédiablement perdus[30]. Le maréchal de Boufflers ne
tarissait pas d'éloges sur le compte de ce brillant officier. Le Roi
ne put faire autrement que le nommer brigadier (12 novembre 1708). Mais Mme de Lévis n'était pas
femme à s'arrêter en chemin. Apprenant que la charge de mestre dé camp
général des dragons était à vendre, elle se rend chez Mme de Maintenon, qui
n'avait point oublié que Nicolas Foucquet donnait une pension de 1.200 livres
à Mme Scarron[31]. Elle plaide la cause de son
neveu, demande à le présenter. Mme de Maintenon, par égard pour le Roi, ne
veut pas recevoir le jeune héros, mais consent à ce qu'il se trouve sur son
passage. Elle le regarda sans mot dire, mais elle en parla au Roi. Quand le
ministre Chamillart, fils de ce procureur général près la Chambre de justice
qui avait requis la peine de mort contre Nicolas Foucquet, présenta sa liste
de candidats à la mestrise de camp générale, Louis demanda pourquoi le nom de
M. de Belle-Isle n'y figurait pas. Surprise de Chamillart, qui objecte le
défaut de fortune du jeune homme. Informez-vous
bien, dit le Roi.
La cause était à demi gagnée. Belle-Isle
n'avait pas de fortune, mais il s'était fait des amis et des amies. M. de
Pléneuf, premier commis du ministre, lui prêta 50.000 écus, moitié du prix de
la charge. Le reste fut trouvé (juillet 1709). Le
premier commis n'était pas seul à apprécier le jeune officier. Le petit-fils
du surintendant avait su plaire à Mme de Pléneuf, femme de petite origine,
paraît-il, mais de beaucoup d'esprit, et très belle. A
partir de ce moment, tout réussit à Belle-Isle. Le 20
mai 1711, il épousa Henriette-Françoise de Durfort-Civrac. La plus grosse
part de sa dot, qui lui fut constituée par sa grand'mère, consistait dans 400.000
livres d'indemnité à réclamer pour les fortifications de Belle-Isle[32]. Malgré
cet avoir hypothétique, la fortune revenait aux Foucquet. La tante de
Belle-Isle, une Crussol-Montsalès, était apparentée aux d'Harcourt, et par
eux à la famille régnante de Pologne. Son oncle, le Père Foucquet, était
nommé assistant du général de l'Oratoire (1711-1717). Enfin, l'aîné de cette famille
déchue et renaissante trouva sa plus grande force, son plus sar point d'appui
dans son frère, le chevalier de Belle-Isle, de dix ans plus jeune que lui. Il faut
ici laisser la parole à Saint-Simon : Jamais
le concours ensemble de tant d'ambition, d'esprit, d'art, de souplesse, de
moyens de s'instruire, d'application, de travail, d'industrie, d'expédients,
d'insinuation, de suite, de projets, d'indomptable courage d'esprit et de
cœur, ne s'est si complètement rencontré que dans ces deux frères, avec une
union de sentiments et de volontés, c'est trop peu dire, une identité entre
eux inébranlable : voilà ce qu'ils eurent de commun. L'aîné, de la douceur,
de la figure, toutes sortes de langages, de la grâce à tout, un entregent,
une facilité, une liberté à se retourner, un air naturel à tout, de la
gaieté, de la légèreté, aimable avec les dames et en bagatelles, prenant
l'unisson avec hommes et femmes, et le découvrant d'abord. Le cadet, plus
froid, plus sec, plus sérieux, beaucoup moins agréable, se permettant plus,
se contraignant moins, et paraissant m'oins aussi, peut-étre plus d'esprit et
de vue, mais' moins juste, peut-étre encore plus capable d'affaires et de
détails domestiques, qu'il prit plus particulièrement, tandis que l'aîné se
jeta plus au dehors : haineux en dessous et implacable, l'aîné glissant
aisément et pardonnant par tempérament ; tous deux solides en tout, marchant
d'un pas égal à la grandeur, au commandement, à la pleine domination, aux
richesses, à surmonter tout obstacle, en un mot, à régner sur le plus de
créatures qu'ils s'appliquèrent sans relâche à se dévouer, et à dominer
despotiquement sur gens, choses et pays que leurs emplois leur soumirent, et
à gouverner généraux, seigneurs, magistrats, ministres dont ils pouvoient
avoir besoin, toutes parties en quoi ils réussirent et excellèrent jusqu'à
arriver à leurs fins par les puissances qui les craignoient et qui même les
haïssoient[33]. Par la
mort de son père, le jeune Belle-Isle devenait chef de famille. On avait fini
par vendre le domaine de Vaux au maréchal de Villars (29 août 1701), qui lui imposa son nom. Quelque
lien s'établit sans doute entre acheteur et vendeur, car Villars emmena
Belle-Isle aux conférences de Rastadt. Le jeune attaché, on disait alors
assistant, écrivait à sa femme le 7 mars 1714 pour lui donner des nouvelles
du traité, la chargeant de remettre une lettre à Mme de Maintenon. C'était un
homme prudent et habile, participant toutefois aux défauts communs à toute
l'humanité. Je sçais, dit-il à la comtesse, que vous n'avez que les agréments de votre sexe, et que
vous ne rendrez ma lettre publique que lorsque vous ne serez sûre de ne plus
commettre d'indiscrétion[34]. Or, de l'aveu de tous les
contemporains, la comtesse était une femme bizarre, à moitié folle. Le
gouvernement de Huningue fut la récompense un peu jalousée[35] du collaborateur de Villars,
qui revint à la Cour, où le Roi l'accueillit favorablement. Les premiers services que le comte rendit à ce monarque, dit un biographe, firent oublier les fautes de son ayeul, et on perdit de
vue le surintendant dès qu'on vit son petit-fils se rendre utile, et
quelquefois nécessaires[36]. Cette
palinodie d'un panégyriste est indigne non seulement de Belle-Isle, mais de
Louis XIV. Le vieux et grand monarque, malgré de fréquents retours
d'amour-propre, entrevoyait, à la lueur des clartés d'un monde éternel où il
allait entrer, les fautes et les injustices commises dans cet autre monde
périssable dont la possession lui échappait. En 1715, presque à la veille de
sa mort, il donna au petit-fils de sa victime 400.000 livres à prendre sur
les États de Bretagne, qui les devaient au seigneur de Belle-Isle[37]. Comme Mazarin, il restituait
aux dépens d'autrui ; mais il ne vécut pas assez longtemps pour assurer
l'exécution de sa volonté. Le comte assista presque à ses derniers moments[38]. Nous
n'avons pas à écrire la vie de Belle-Isle, mais seulement à relever les faits
caractéristiques de cette dernière période de l'histoire de Foucquet. Le
Régent reprit les pourparlers au sujet de Belle-Isle. Le marquis demandait en
échange le comté de Gisors, Auvillars, la Regade d'Ariès, les leudes de
Carcassonne, en vue de n'y pas perdre. Les bureaux résistaient. Enfin, en
1718, grâce à un coup de main donné par Saint-Simon, l'affaire fut conclue au
pied levé. Je pense, monsieur, dit au Régent M. le duc de
Bourbon, que vous avez dessein d'aller à
l'Opéra, moi aussi. Finissons donc comme il est convenu. Et on en finit[39]. Des
commissaires furent chargés de procéder à l'estimation des biens échangés (17 août 1718), et, après arrêt du Conseil
d'État en date du 27 septembre suivant, un contrat d'échange fut passé chez
le garde des sceaux, le 8 octobre de la même année[40]. Mais il
était dit que ce domaine de Belle-Isle devait être, jusqu'à la fin, fatal aux
Foucquet. La Chambre des comptes souleva des difficultés, demanda de
nouvelles vérifications. La procédure fut traînée en longueur. Le Régent
mourut, et une autre influence féminine s'exerça, mais cette fois soufflant
la ruine sur les Belle-Isle. Saint-Simon
a si bien vu cette curieuse aventure qu'il faut encore la lui laisser
raconter[41] : Plénœuf
étoit Berthelot, c'est-à-dire de ces gens du plus bas peuple qui
s'enrichissent en le devorant, et qui des plus abjectes commissions des
fermes, arrivent peu à peu, à force de travail et de talents, aux premiers
étages des maltotiers et des financiers, par la suite. Tous ces Berthelot, en
s'aidant les uns les autres, étoient tous parvenus, les uns moins, les autres
plus ; celui-ci s'étoit gorgé par bien des metiers ; et enfin dans les
entreprises des vivres pour les armées. Ce fut cette connoissance qui le fit
prendre à Voysin, devenu secrétaire d'État de la guerre, pour un de ses
principaux commis. Il avoit épousé une femme de même espèce que lui, grande,
faite au tour, avec un visage extrêmement agréable, de l'esprit, de la grâce,
de la politesse, du savoir-vivre, de l'entregent et de l'intrigue, et qui
auroit été faite exprès pour fendre la nue à l'Opéra et y faire admirer la
déesse. Le mari étoit un magot, plein d'esprit, qui vouloit en avoir la
meilleure part, mais qui du reste n'étoit pas incommode, et dont les gains
immenses fournissoient aisément à la délicatesse et à l'abondance de la
table, à toutes les fantaisies de parure d'une belle femme, et à la splendeur
d'une maison de riche financier. La maison étoit fréquentée ; tout y attiroit
; la femme adroite y souffroit par complaisance les malotrus amis de son mari
qui, de son côté, recevoit bien aussi des gens d'une autre sorte qui n'y
venoient pas pour lui. La femme étoit impérieuse, vouloit des compagnies qui
lui fissent honneur ; elle ne souffroit guère de mélange dans ce qui venoit
pour elle. Éprise d'elle-même au dernier point, elle vouloit que les autres
le fussent ; mais il falloit en obtenir la permission. Parmi ceux-là elle
savoit choisir ; elle avoit si bien su établir son empire, que le bonheur
complet ne sortoit jamais à l'extérieur des bornes du respect et de la
bienséance, et que pas un de la troupe choisie n'osoit montrer de la
jalousie, ni du chagrin. Chacun espéroit son tour dans un parfait silence,
sans la moindre altération entre eux. Il est étonnant combien cette conduite
lui acquit d'amis considérables, qui lui sont toujours demeurés attachés,
sans qu'il fût question de rien plus que d'amitié, et qu'elle a trouvés, au
besoin, les plus ardents à la servir dans ses affaires. Elle fut donc dans le
meilleur et le plus grand monde, autant qu'alors une femme de Plénceuf y
pouvoit être, et s'y est toujours conservée depuis parmi tous les changements
qui lui sont arrivés. Les
plus anciens tenants et les plus favorisés étoient Le Blanc et Belle-Isle.
C'étoit d'où étoit venue leur union. Tous deux étoient nés pour la fortune ;
tous deux en avoient les talents ; tous deux se crurent utiles l'un à l'autre
; cela forma entre eux la plus parfaite intimité, dont Mme de Plénœuf fut
toujours le centre. Le Blanc voyoit dans son ami tout ce qui pouvoit le
porter au grand, et Belle-Isle sentoit dans la place qu'occupoit Le Blanc de
quoi "y conduire, tellement que l'un pour s'étayer, l'autre pour se
pousser, marchèrent toujours dans le plus grand concert sous la direction de
la divinité qu'ils adoroient sans jalousie. Entre
plusieurs enfants, elle eut une fille, belle, bien faite, plus charmante
encore par ces je ne sais quoi qui enlèvent, et de beaucoup d'esprit,
extrêmement orné et cultivé par les meilleures lectures, avec de la mémoire
et le jugement de n'en rien montrer. Elle avoit fait la passion et
l'occupation de sa mère à la bien élever. Mais devenue grande, elle plut, et
à mesure qu'elle plut elle déplut à sa mère. Elle ne put souffrir de vœux
chez elle qui pussent s'adresser à d'autres ; les avantages de la jeunesse
l'irritèrent. Sa fille, à qui elle ne put s'empêcher de le faire sentir,
souffrit sa dépendance, essuya ses humeurs, supporta les contraintes ; mais
le dépit s'y mit. Il lui échappa des plaisanteries sur •la jalousie de sa
mère qui lui revinrent. Elle en sentit le ridicule, elle s'emporta ; la fille
se rébecqua, et Plénœuf, plus sage qu'elles, craignit un éclat qui nuiroit à
l'établissement de sa fille, leur imposa en sorte qu'il en étouffa, les
suites, qui n'en devinrent que plus aigres dans l'intérieur domestique, et
qui pressèrent Plénœuf de l'établir. Belle-Isle,
favori de la mère, sera haï de la fille, et l'édifice, frêle encore, de sa
fortune, va être compromis au milieu de ces passions féminines. Entre
plusieurs partis qui se présentèrent, le marquis de Prie fut préféré. Il
n'avoit presque rien, il avoit de l'esprit et du savoir ; il étoit dans le
service, mais la paix l'arrêtoit tout court. L'ambition de cheminer le tourna
vers les ambassades, mais point de bien pour le soutenir ; il le trouvoit
chez Plénceuf. L'affaire fut bientôt conclue ; Mme de Prie fut présentée au
feu Roi par la duchesse de Ventadour ; sa beauté fit du bruit ; son esprit,
qu'elle sut ménager, et son air de modestie la relevèrent. Presque
incontinent après, de Prie fut nommé à l'ambassade de Turin, et tous deux ne
tardèrent pas à s'y rendre. On y fut content du mari, la femme y réussit
fort, mais leur séjour n'y fut pas fort long. La mort du Roi et l'effroi des
financiers pressèrent leur retour ; l'ambassade ne mulon que sur la bourse du
beau-père. Mme de Prie avoit donc vu le grand monde françois et étranger,
elle en avoit pris le ton et les manières en ambassadrice et en femme de
qualité distinguée et connue ; elle avoit été applaudie partout. Elle ne
dépendoit plus de sa mère ; elle la méprisa, et prit des airs avec elle qui
lui firent sentir toute la différence de hi fleur d'une jeune beauté d'avec
la maturité des anciens charmes d'une mère, et toute la distance qui se
trouvoit entre la marquise de Prie et Mme de Plénceuf. On peut juger de la
rage que la mère en conçut : la guerre fut déclarée, les soupirants prirent
parti, l'éclat n'eut plus de mesure ; la déroute et la fuite de Plénceuf
suivirent de près. La misère, vraie ou apparente, et les affaires les plus
fàcheuses accablèrent Mme de Plénceuf. Sa fille rit de son désastre, et
combla son désespoir. Mme
de Prie devint maîtresse publique de M. le Duc, et son mari ébloui des succès
prodigieux que M. de Soubise avoit eus, prit le parti de l'imiter, mais M. le
Duc n'étoit pas Louis XIV, et ne menoit pas cette affaire sous l'apparent
secret et sous la couverture de toutes les bienséances les plus
précautionnées. Mme de Prie, parvenue à dominer M. le Duc entièrement, fit
par lui la paix de son père, et le fit revenir. Elle l'aimoit assez, et il la
ménageoit dans la situation brillante où il la trouvoit ; car ces gens-là, et
malheureusement bien d'autres, comptent l'utile pour tout, et l'honneur pour
rien. Lui et sa fille avoient grand intérêt à sauver tant de biens. Mais la
fille, non contente de se venger de la sorte des jalousies et des hauteurs de
sa mère, qui ne put ployer devant l'amour de M. le Duc, se mit à prendre en
aversion les adorateurs de sa mère, et la crainte qu'elle leur donna en fit
déserter plusieurs. Toujours
est-il qu'en 1723 les deux frères furent décrétés d'ajournement, mis à la
Bastille. C'est alors qu'on évoque les anciens souvenirs. Le comte a voulu imiter son grand-père et s'enrichir aux dépens du
Roi' s[42]. Comme son grand-père, il se
ruinait en bâtiments, témoin cet hôtel qu'il faisait construire entre le quai
d'Orsay et la rue de Lille. Cette fois on n'imagina pas de complot de
lèse-majesté, mais l'assassinat d'un obscur complice[43]. Les deux frères, emprisonnés à
la Bastille, comparurent devant une Chambre de justice siégeant à l'Arsenal,
où on les conduisit en chaise, à travers le jardin, par le même chemin
d'angoisse où jadis avait passé leur grand-père[44] (7 avril 1724). Pas plus que Nicolas Foucquet,
ils ne perdirent leur sang-froid. Leur défense fut si complète qu'on dut les
mettre hors de cour, mais en les condamnant à rapporter 600.000 livres à
titre d'indemnité civile. Détail
curieux, on avait saisi leurs papiers qu'on eut soin de mettre sous scellés.
À leur libération, on les leur rendit en ayant soin de leur faire reconnaître
que les cachets n'avaient pas été rompus[45]. Le souvenir des anciennes
fraudes commises en 1661 tenait tout le monde en respect. En
somme, l'accusation n'était pas soutenable. On n'en infligea pas moins aux
deux frères une sorte d'internement à l'intérieur. En mai 1725, ils reçurent
l'ordre de se retirer à Carcassonne[46]. Ils
n'allèrent pas si loin du premier coup. Militaires expérimentés, habitués à
défendre le terrain pied à pied, ils s'arrêtèrent à Nevers, où ils ne
connaissaient personne. Ils se mirent dans un
cabaret, ayant fort peu d'argent. Ils avoient père et mère, lesquels
n'étoient pas riches.
C'est un peu la réédition des affaires de 1661, où l'on avait vu un
surintendant arrêté pour détournement de millions et qui n'avait pas un sou
vaillant chez lui. Marquer
des attentions et de l'amitié à des exilés n'est pas une pratique en usage,
surtout à la Cour ; aussi beaucoup de gens de la connaissance de MM. de
Belle-Isle, et qui dans un autre temps se seroient peut-être dits de leurs
amis, ayant à passer par la grande route de Lyon, évitèrent de les voir, soit
en passant par Nevers, soit en prenant une autre route. Ils furent étonnés de
voir arriver dans leur auberge le capitaine des gardes de M. de Nevers (car
il a le gouvernement de Nivernais) avec une lettre de M. de Nevers, rempli
d'estime, de politesses et même d'amitié, et un ordre précis de les mener au
château de Nevers où il avoit fait meubler magnifiquement sept ou huit
appartements (le vieux Conciles qui vit encore étoit avec eux ; il étoit
compris dans leurs affaires, on ne sait trop pourquoi). lis reçurent de la
part des officiers de M. de Nevers toutes sortes de bons traitements dans ce
château ; ils y restèrent quatorze mois. M. de Belle-Isle connoissoit fort
peu M. de Nevers, mais il n'a jamais oublié ce procédé et s'est fait un
plaisir de lui donner des marques de sa reconnoissance par les soins qu'il a
eus de M. deNivernois à l'armée et dans toutes occasions[47]. Les
deux fils persécutés de Nicolas Foucquet trouvant un asile généreux et
spontané chez le petit-fils adoptif de Mazarin, quelle surprise ! Nous en
aurons de plus grandes ! On
chicana cet asile aux deux frères qui durent se retirer dans ces leudes de
Carcassonne qui, valant peu de chose, ne leur étaient pas contestées. Ils s'y
trouvèrent comme au temps de leur jeunesse, dans la solitude de Villefranche
ou d'Agde, et donnèrent à l'étude ces loisirs forcés. À l'étude et à la
défense de leurs droits. En 1726 parut un mémoire sur l'échange du marquisat
de Belle-Isle, qui, par la force du raisonnement et l'énergie respectueuse de
l'expression, rappelle ceux de Nicolas Foucquet. Nous
n'en citerons qu'un passage : Je
sçais que le Roy peut tout ce qu'il veut ; mais je sçais aussi que la règle
de sa volonté est celle de l'équité. Plus
même ce pouvoir est absolu dans nos Rois, plus aussi par la raison de la
sublimité de leur rang, et de la force qu'ils ont en main, consentent-ils que
ce qui fait Loy pour leurs sujets, la fasse encore plus sévèrement à l'égard
de leurs propres intérêts qui sont en compromis. Or
si les Rois veulent que l'on tienne l'égalité de la balance, entre eux et
leurs sujets, ce doit être surtout dans des échanges libres, qu'ils ont
eux-mêmes souhaités[48]. La mort
de M. le Duc enleva toute leur puissance aux ennemis des deux frères, qu'on
rappela bientôt à la Cour. Non seulement l'échange de Belle-Isle fut terminé
à leur satisfaction, mais on proposa le comte pour le cordon bleu, quoiqu'il
ne fût ni ancien officier, ni grand seigneur. Peut-être
veut-on par-là justifier la mémoire de son grand-père, qui fut la victime de
la colère de Louis XIV'[49]. — Il y a soixante-dix ans que son grand-père pensa périr pour
le même Belle-Isle[50]. Autrefois les accusés ne se tiroient pas si tôt
d'affaire. Et le
chroniqueur ajoute : C'est qu'on lui a donné
le Parlement pour juge, et non des commissaires[51]. Ces
mots résument toute l'histoire des Foucquet, depuis le jugement de Chalais
jusqu'à celui des fils de Nicolas. Ils sont la glorification de la
magistrature régulière, inamovible, indépendante, la condamnation des
tribunaux arbitraires, tristes instruments de la puissance abusive des
princes et des gouvernements, quels qu'ils soient. A
partir de ce moment, l'astre des Foucquet resplendit de tout son éclat. Le
comte est promu lieutenant général des armées (27 décembre 1731) ; gouverneur de Metz (mars 1733) ; chevalier des ordres du Roi (13 juin 1734) ; ambassadeur plénipotentiaire
à la diète de Francfort (en février 1741) ; maréchal de France (11 février
1741). L'Empereur
demande au Roi la permission de le nommer prince de l'Empire (février 1742). La même année, en deux mois,
Belle-Isle est fait duc de Gisors (mars 1742) et chevalier de la Toison d'or (5 avril 1742). En mai 1748, il est créé pair
de France, et reçu en cette qualité au Parlement (24 avril 1749)[52]. Nous ne
raconterons pas la longue suite des services qui mérita à leur auteur tant de
distinctions. Il nous suffit de dire qu'il porta la fortune avec modération.
Ayant à fournir ses preuves pour entrer dans l'Ordre, il ne chercha pas à en
faire accroire sur sa généalogie. Les titres qu'il produisit sont ceux-là
mêmes que Nicolas Foucquet avait réunis[53]. On lui
offrit ce collier si ardemment désiré par son aïeul, et dont ses oncles
n'avaient jamais porté que le rapé. La
réception du maréchal de Belle-Isle au Parlement, le 24 avril 1749, fut
particulièrement intéressante. Le premier président était un Maupeou. Après
un éloge plein de tact, ce descendant collatéral de la noble et sainte Marie
de Maupeou, arrière grand'mère de Belle-Isle, ajouta : Combien ne dois-je pas être flatté d'avoir à contribuer moi-même
à l'illustration d'un nom auquel je m'intéresse, avec tous les sentiments que
l'estime la plus parfaite, l'amitié la plus tendre et les liens même du sang
sont capables d'inspirer ![54] C'était
la première fois depuis quatre-vingt-dix ans peut-être que l'on évoquait dans
un discours officiel non pas encore le nom, mais le souvenir de Nicolas
Foucquet et des siens, qu'on s'honorait d'une alliance avec la famille du
surintendant disgracié. Mais
qu'est-ce que ce discours à côté de ce qu'on va voir ? Belle-Isle,
d'un second mariage avec Marie-Casimire-Thérèse-Geneviève-Emmanuelle, fille
du comte de Béthune-Selles[55] (15 octobre 1729), avait eu un fils (27 mars 1732) appelé Louis-Marie, qui, par
ses belles qualités, paraissait appelé à succéder à son père et à en
continuer les œuvres. Le 23
mai 1753, ce fils épousa Hélène-Julie-Rosalie Mazarini Mancini, fille ainée
du duc de Nivernais, et petite-fille du duc de Nevers[56], héritier de Mazarin. Le
mariage fut célébré dans l'hôtel de Mortemart par un parent, Bernardin
Foucquet, archevêque d'Embrun. M. de Luynes y assista. La dépense à la charge
de Belle-Isle fut estimée 100.000 livres, et n'offusqua personne[57]. On ne
s'étonna pas plus de voir la fortune du cardinal Mazarin faire retour à un
Foucquet. Les contemporains ne pensent qu'à eux et jettent volontiers un
voile sur le passé gênant. Il faut qu'un long espace de temps s'écoule pour
que certains rapprochements se présentent à l'esprit. Le 25
mai 1588, on mariait à Dampierre Mlle de Chevreuse avec le vidame d'Amiens,
fils unique de M. de Chaulnes[58]. M. le maréchal de Belle-Isle, dit M. de Luynes, le grand-père
de l'épousée, est venu exprès de Versailles pour le mariage. Il a dîné ici et
est retourné le soir même à Versailles. Grande marque d'amitié, au milieu de
toutes ses affaires ! Si les
morts sont plus attentifs que les vivants à ces vicissitudes du monde, quel
spectacle pour la duchesse de Chevreuse, bisaïeule de l'épousée, que de voir
ses héritiers tenir à si grand honneur la présence d'un Foucquet à Dampierre
! Combien
d'autres descendants des contemporains de Nicolas Foucquet suggèrent par leur
conduite, leurs amitiés, leurs alliances, les mêmes réflexions sur le peu de
durée des sentiments humains, haine ou amour ! A cette
même époque, un Lamoignon, petit-fils du président qui avait refusé de
s'associer aux faussetés de Berryer, épousa l'arrière-petite-fille du
faussaire lui-même[59]. Le père de la 'mariée, après
avoir été lieutenant de police, devint garde des sceaux. Nul n'en connaissait
ni n'en recherchait l'origine. Quelque investigateur obscur croyait savoir
que le grand-père avait été laquais[60] ; mais les propos ne
circulaient pas, et les familles Lamoignon et Berryer faisaient souche
commune. On avait bien vu la veuve de Foucquet, le fils du surintendant,
l'ex-mademoiselle Guyon, convoler hâtivement avec le duc de Sully, petit-fils
du chancelier Séguier, s'épanouir dans cette nouvelle union, sans souci de
son ancienne alliance, non plus que des spiritualités de sa mère[61]. Ainsi
va le monde. Revenons
au maréchal. Stratégiste
et tacticien de premier ordre, il sauva, dans maintes occasions, l'honneur
des armes françaises, et sa conduite a inspiré cette belle réflexion au
descendant d'un de ses émules Éclairés
par nos tristesses récentes, nous pouvons mieux peut-être que les
contemporains mesurer l'étendue du service que Belle-Isle rendit à son roi, à
sa patrie, à ses compagnons d'armes, car les douleurs qu'il leur épargna,
nous en avons, nous, connu l'amertume. Si, parmi ceux qui jetteront les yeux
sur ces pages, il est des combattants de nos dernières guerres qui aient subi
le supplice d'un siège soutenu sans espérance, et terminé par une
capitulation sans conditions, s'il en est qui aient été traînés captifs sur
les rives glacées de l'Elbe et de l'Oder, ceux-là, j'en suis sûr, estimeront
heureuse l'armée qui avait trouvé un général décidé à la soustraire,
n'importe au prix de quels hasards, à ces dernières insultes de la fortune.
En mémoire de ce qu'ils ont souffert, ils accorderont à la résolution virile
qui sauva, ce jour-là, l'honneur des armes françaises, un retour de justice
et presque de reconnaissance[62]. Il ne
convient à personne, et à nous moins qu'à tout autre, de recommencer une
histoire qui a été faite avec le caractère définitif d'un chef-d'œuvre. Cet
admirable récit nous peint le jeune fils du maréchal le comte de Gisors comme
possédant toutes les qualités de ses aïeux, exemptes de leurs faiblesses,
épurées de leurs défauts. Brave comme son père, prudent et réfléchi comme son
grand-père, fin, délié, spirituel comme son bisaïeul, Nicolas Foucquet,
Gisors semblait avoir également hérité de toutes les vertus de ses aïeules
maternelles. Il eût fait la joie de Marie-Magdelaine Foucquet et de la noble
Marie de Maupeou. Suprême effort d'une tige épuisée, cette belle fleur
s'épanouissait à peine qu'elle fut fauchée par la mort. A la
fin d'une bataille où dix mille Français avaient lutté tout un jour contre
quarante mille Allemands, notre cavalerie chargea l'ennemi pour rompre ses
efforts, tenter de ressaisir la victoire, en tout cas, assurer la retraite de
l'armée. Abordés avec furie, les Allemands furent percés deux fois, deux fois
encore pris à revers et culbutés de nouveau. Ce
fut au retour de cette charge que le comte de Gisors reçut presque à bout
portant un coup de feu dans les reins. Mon très cher père, écrivait-il au maréchal de
Belle-Isle, je vous prie de n'être pas
inquiet de ma blessure. Je ne l'ai reçue du moins qu'après avoir percé avec
les carabiniers l'infanterie hanovrienne. Faites passer cette lettre à ma
femme. Je vous aime et je vous respecte de tout mon cœur[63]. Une
heure après, il était mort. L'illustre historien dont nous avons cité plus
haut les considérations sur la retraite de Prague, s'excusait de certains
rapprochements qu'interdit d'ordinaire la sévère discipline de l'histoire. Qu'y faire cependant ? ajoutait-il ; la
force de certaines considérations l'emporte, et les comparaisons reviennent
involontairement sous la plume de l'écrivain comme à la pensée du lecteur[64]. Nous
sera-t-il permis de dire à notre tour qu'il est impossible de ne pas songer
ici à la charge de Reischoffen où d'autres cuirassiers, également héroïques,
ont couvert de leurs corps amoncelés la retraite de nos troupes, et occupent
encore par leurs ossements le territoire envahi par l'ennemi ? Belle-Isle
ne survécut guère à son fils. Rien de plus caractéristique, de plus
douloureusement ému que la lettre écrite au Roi par ce Français attristé, par
ce père désolé, dernier survivant d'une famille épuisée. Sire,
mon âge, mon ancien attachement pour votre personne et surtout vos bontés
infinies doivent m'autoriser à ouvrir mon cœur à Votre Majesté. Il y a
cinquante-neuf années révolues que je sers Votre Majesté et le feu roi votre
bisaïeul, j'ose dire avec un zèle actif dont il y a bien peu d'exemples. De
quatorze frères ou sœurs, il ne m'en restoit qu'un qui a été tué en 1747 ;
Votre Majesté a perdu en lui un de ses meilleurs lieutenants généraux et qui
eût le plus dignement commandé ses armées. J'ai
également perdu une femme qui, outre bien des qualités respectables, avoit eu
celle d'être aussi occupée du bien de votre service que moi-même, et y a été
extrêmement utile, surtout en Allemagne, où elle s'étoit concilié l'estime
générale et la confiance des princes, des ambassadeurs, et de tous les
notables de l'Empire à Francfort. Il
ne me restoit plus qu'un fils unique que nous avions élevé dans les principes
de religion et de dévouement à votre service. Dans le temps que j'avois la
consolation de le voir si bien répondre à notre attente, il a plu à la divine
Providence de me l'enlever, et avec lui tout ce qui me restoit dans ce monde.
Frappé de ce coup de foudre, je me suis cru incapable d'aucune autre idée que
de celle de ma mort. J'aurai
dans trois mois soixante-quinze ans faits ; j'ai de fréquents ressentiments
de la blessure que j'ai reçue à la poitrine, ce qui, joint aux autres
infirmités inséparables de la vieillesse et à une surdité dont Votre Majesté
n'a que trop souvent occasion de s'apercevoir, je ne songeois qu'à la
retraite, lorsque Votre Majesté, par les- marques les plus distinguées de
bonté, a daigné prendre part à ma douleur, et m'a touché si profondément le
cœur que je lui ai fait le sacrifice de ce qui me reste de vie et de santé,
en me livrant tout entier et uniquement à votre personne, à votre service et
à vos affaires qui sont devenues les miennes. Je n'ai plus d'héritier
naturel, ce que je possède mème est en plus grande partie de vos bienfaits ou
de mon échange. Je
puis dire avec vérité que ce que j'ai dépensé ou que je dois, qui monte
environ à dix-sept cent mille francs, l'a été pour ou relativement à votre
service, excepté ce que j'ai employé à ma maison de Paris ou de Bizy. Je
supplie Votre Majesté de trouver bon que mon attachement ou ma reconnaissance
ne se bornent pas à une simple effusion de cœur, et que je lui fasse don de
l'un et de l'autre. Le
maréchal priait le Roi d'accepter tous ses biens après sa mort. C'est,
ajoutait-il, une restitution de vos bienfaits d'autant plus raisonnable que
je ne fais tort à qui que ce soit, et que je satisfais mon attachement pour
votre personne et ma reconnaissance. Je finis, Sire, en assurant encore Votre
Majesté que, de tous ses sujets, il n'y en a aucun sur la terre qui, comme
moi, n'y tienne plus que pour elle, et dont l'attachement soit aussi pur,
aussi complet et aussi indépendant de toute autre espèce de vue ni de
considération quelconque. Mes vœux se bornent, Sire, à ce que vous en soyez
persuadé[65]. Ainsi
finit la famille Foucquet dans sa descendance directe après quatre siècles de
durée. Les collatéraux eux-mêmes, descendants des Foucquet-Chaslain, ont
disparu. Leur dernier représentant, victime de la Révolution, n'avait conservé
qu'un souvenir confus du passé de cette famille illustre. Vers
1822, une femme douée de grandes qualités d'esprit et de cœur, Mme la
vicomtesse de Bertier, née de Foucquet, laissant à son fils une sorte de
testament moral, fit suivre les conseils les plus nobles d'un petit résumé
historique. Je
te ferai brièvement l'histoire de ma famille. Mon nom s'éteindra bientôt, mon
père et mon oncle n'ayant que des filles, et notre maison n'ayant formé
aucune branche... On
trouve dans l'histoire une ancienne maison de seigneurs de Foucquet. On en
voit en Normandie, en Bretagne et en Anjou. Nos pères prétendaient en
descendre sans pouvoir complètement le prouver ; mais notre filiation est
bien établie depuis l'érection du parlement de Bretagne. Un Foucquet y entra
dès sa création, et, jusqu'à mon grand-père, l'aîné de la famille en a
toujours fait partie. Lorsque le parlement de Metz fut établi, ses charges
principales furent données à des membres distingués d'autres parle-mens. Un
Nicolas Foucquet fut envoyé de Rennes pour en être procureur général[66], et une inscription que j'ai
vue à Metz porte encore son nom. Lorsque Henri IV vint en Bretagne, il voulut
s'attacher les gens les plus considérables de la province et les principaux
du parlement, un Foucquet fut fait par lui conseiller d'Etat. J'ai oublié de
te dire que mon père m'a raconté souvent qu'il avait un portrait d'un de ses
ancêtres, gentilhomme de Charles IX, qui ne s'est perdu que pendant la
Révolution. Lorsque le surintendant Foucquet devint tout-puissant, il parait
qu'il chercha à se faire reconnaître comme parent par notre famille, quoique
cela ne soit pas prouvé. Mon père m'a dit avoir vu dans les papiers du sien
une liasse de lettres du Surintendant à celui de ses aveux qui était son
contemporain ; mais ses lettres ont été perdues avec tous nos papiers, et mon
père ignore ce qu'elles contenaient. Le
maréchal de Belle-Isle tint encore plus à cette parenté, et se chargea de la
fortune de mon grand-père, à qui il restait fort peu de chose. Mon bisaïeul
avait de la fortune, mais, grand chasseur et grand dépensier, il avait vendu
toutes ses terres, et ne lui laissa que la petite terre de la Bouchefolière,
qui passa même dans les partages à M. de Rézeux, dont la mère était une
Foucquet. Le maréchal de Belle-Isle fit avoir un régiment à mon grand-père,
et le mena avec lui à sa fameuse ambassade de Francfort, pour faire les
honneurs de sa maison. Personne n'y était moins propre. Mon
grand-père, brave et honnête homme, avait peu de moyens et d'ambition,
beaucoup d'indolence et de timidité, et se sauvait dans sa chambre quand le
maréchal avait du monde. Celui-ci, impatienté, vit qu'il ne pourrait en tirer
parti, et le laissa à Metz où, devenu lieutenant général, il commandait en
l'absence du maréchal. À l'âge de cinquante ans, il s'y maria et épousa Mlle
de Lesseville, fille unique d'un conseiller au Parlement, qui avait près d'un
million de bien. Ce fut avec sa dot qu'il acheta la terre de la Grange, qui
venait d'être bâtie par un fournisseur qui s'y était ruiné. Mon
grand-père avait deux frères cadets qui lui étaient fort supérieurs, et qui
parvinrent par leur seul mérite. L'un d'eux entra dans la marine, s'y
distingua et est mort à Brest, cordon rouge et lieutenant général ou chef
d'escadre. L'autre, après avoir été agent du clergé, devint archevêque
d'Embrun. Sa fierté ne pouvait se prêter à aucune complaisance pour le
maréchal de Belle-Isle[67] ; il ne voulait point le
reconnaître pour parent, et l'accusait hautement de s'être emparé de papiers
de notre famille, qui ne se sont jamais retrouvés. M.
de Gisors, fils du maréchal, qui à vingt-cinq ans avait déjà une si grande
réputation que sa mort fut regardée comme une calamité publique, M. de
Gisors, dis-je, marié malgré lui à Mlle de Nivernais, qu'il n'aimait pas et
avec laquelle il ne voulait pas vivre[68], passa par Metz se rendant à
l'armée pour la dernière fois. Mon père avait cinq ans et s'en rappelle
encore. Il le prit sur ses genoux et dit à sa mère : Madame, je n'aurai point d'enfant, je vous demande de me
donner votre fils, il sera mon héritier, je me charge de son éducation et de
sa fortune. La mort
en disposa autrement : M. de Gisors ne revint plus. Le
maréchal de Belle-Isle, dégoûté de n'avoir pu faire jouer un grand rôle au
comte de Foucquet, mon grand-père, fit la fortune du duc, depuis maréchal de
Castries, que l'on prétendait lui tenir de très près, lui laissa une partie
considérable de sa fortune, donna l'autre au Roi et ne se souvint plus de
nous que pour laisser à mon père, alors enfant, la vicomté d'Auvillars qu'il
lui substitua comme à son héritier de nom et d'armes. Ce sont ses expressions[69]. On
comprend et l'on excuse aisément le petit sentiment de vanité professé par
l'aîné à l'égard du puîné, par les Foucquet de Bretagne pour les Foucquet de
Paris. On a vu, pourtant, avec preuves à l'appui, qu'il en allait tout
autrement à l'époque de la splendeur du surintendant. Mais que dire sur cette
appréciation, sur la réserve de l'archevêque d'Embrun qui, pourtant, avait
assisté au mariage du comte de Gisors ; que dire de ces anecdotes sur Gisors
lui-même, absolument controuvées ! Supposons
pourtant que ce document, avec son authenticité que rien n'égale si ce n'est
sa sincérité, nous soit seul parvenu, qui ne lui accorderait une confiance
absolue, comme si l'on puisait à la source même ? Et cependant, que d'erreurs
il contient ! Quel ami de l'histoire et de la vérité ne frémirait pas à cette
pensée ? Mais
surtout, quel philosophe, quel homme ne sera ému en constatant le peu de
durée des souvenirs les plus précis, les plus glorieux, les plus intimes ? Si
Nicolas Foucquet revenait au monde, il n'y trouverait pas à s'abriter sous le
toit d'un descendant ou d'un neveu de son nom. Il serait inconnu parmi les
siens. Il ne
reviendra pas ; les siens, au contraire, sont allés à lui. Les générations,
oublieuses et oubliées tour à tour, les suivront. Vaux disparaîtra un jour
comme l'hôtel de la rue Croix-des-Petits-Champs, comme la belle maison de
Saint-Mandé. Humble berceau de la famille, les antiques Moulins-Neufs, sans
cesse renouvelés, subsisteront dans leur médiocrité plus longtemps que les
fastueuses demeures, et s'écrouleront enfin comme le reste. Tout ce passé ne
revivra peut-être que dans quelques feuillets de livres, consultés plutôt que
lus, à moins qu'ils ne tombent aux mains d'un lecteur de loisir, voulant se
remettre devant les yeux la preuve de cette éternelle vérité que les hommes
en tous les temps ont éprouvé les mêmes passions, et, avec un mélange de courtes
joies, subi de longues peines et de grandes douleurs. FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME
|
[1]
Encyclopédie d'Alembert, art. Mort civile.
[2]
Procuration donnée devant Derprez et Thibert, notaires au Châtelet, 6 mai 1680.
[3]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XI, p. 66, édit. Hachette, 1865. On m'excusera de ne pas toujours mentionner
les éditions plus récentes. Je me sers de celles que je possède, tant qu'il n'y
a pas de contestations sur le texte.
[4]
Bibl. nat. ms., cabinet des titres, dossier Foucquet, pièce 270.
[5]
MONTPENSIER, Mémoires,
t. IV, p. 448.
[6]
Arch. de l'Allier, inventaire sommaire, reg. B, 746, f° 379 v°. Je saisis cette
occasion de remercier mon confrère, M. Vayssier, du concours qu'il m'a si
obligeamment prêté quand j'ai eu occasion de visiter le dépôt confié à ses
soins.
[7]
MONTPENSIER, Mémoires,
IV, p. 472.
[8]
Acte extrait des registres de la paroisse de Lusigny, communiqué par M.
Vayssier, archiviste de l'Allier.
[9]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XI, p. 65. Ce récit est confirmé par d'Argenson, Loisirs d'un ministre.
[10]
13 janvier 1684, Moulins. Bibl. nat. ms., cabinet des titres, dossier Foucquet,
pièces n° 284, 286.
[11]
SÉVIGNÉ, Lettres.
[12]
Bibl. nat., cabinet des titres.
[13]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XI, p. 66.
[14]
DANGEAU, Mémoires,
t. II, p. 459.
[15]
Mémoires sur la vie de Mme Guyon, écrits par elle-même. — PHÉLYPEAUX, Relation
de l'origine, du progrès et de la condamnation du quiétisme, s. l., 1732,
p. 4. L. GUERRIER,
Mme Guyon, sa vie, sa doctrine, son influence. Paris, Didier, in-8°.
Abbé Ch. BELLET,
Histoire du cardinal Le Camus, évêque et prieur de Grenoble. Paris,
Picard, 1888, in-8°.
[16]
Vie de Mme Guyon, t. I, p. 74 et 233.
[17]
Relation, etc., p. 35. Vie de Mme Guyon, t. III, ch. 21. REAUSSET, Vie de
Fénelon, t. I, p. 281.
[18]
DANGEAU, Mémoires,
t. Il, p. 459. Elle en avait deux.
[19]
Vie de Mme Guyon, t. III, ch. XI.
[20]
Relation, etc., p. 14.
[21]
Vie de Mme Guyon, t. III, ch. XI.
[22]
Vie de Nicole, Luxembourg, 1732, p. 201.
[23]
Relation, etc., p. 154. DANGEAU, Mémoires, t. IV, p. 414.
[24]
DANGEAU, Mémoires,
t. V, p. 351 ; t. VI, p. 361.
[25]
DANGEAU, Mémoires,
t. IX, p. 153 ; t. XVII, p. 106.
[26]
Saint-Simon par erreur (Mémoires, t. VIII, p. 248) fixe la mort de L.
Foucquet à 1708.
[27]
En 1710, elle vendit pour 50.000 écus de blé qu'elle fit venir de Belle-Isle au
port Saint-Paul, à Paris. V. le Mémoire publié par son petit-fils, le marquis
de Belle-Isle, en 1740.
[28]
Archives de la Bastille.
[29]
Mémoire du marquis de Belle-Isle, 1740.
[30]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. IV, p. 258.
[31]
LUYNES, Mémoires,
t. XVI, p. 296.
[32]
Mémoires du comte de Belle-Isle, 1740.
[33]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. VIII, p. 250.
[34]
Vie du maréchal de Belle-Isle, p. 6.
[35]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. VIII, p. 251. V. Villars diplomate, par M. DE VOGUË, Revue des Deux Mondes (13
septembre 1866).
[36]
Vie du maréchal de Belle-Isle, p. 8.
[37]
DANGEAU, Mémoires,
t. XVI, p. 200.
[38]
Codicille du testament du maréchal de Richelieu, p. 15. Il était dans
l'antichambre du Roi le 29 août 1715.
[39]
Mémoire du comte de Belle-Isle sur l'eschange du marquisat de Belle-Isle
avec le Roy, s. l. n. d. (vers avril 1726).
[40]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XI, p. 70.
[41]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XII, p. 432.
[42]
BARBIER, Mémoires,
t. I, p. 286.
[43]
BARBIER, Mémoires,
t. I. p. 344. Cet hôtel est devenu la Caisse des dépôts et consignations. V. JUGE, Notice sur
Fouquet, p. 91.
[44]
Archives de la Bastille, t. VIII, p. 390, 393.
[45]
BARBIER, Mémoires,
p. 339.
[46]
BARBIER, Mémoires,
t. I, p. 387.
[47]
LUYNES, Mémoires,
t. XII, p. 459.
[48]
Mémoire du comte de Belle-Isle sur l'échange du marquisat de Belle-Isle avec
le Roi, s. l. n. d. (1728), in-4°, p. 38.
[49]
Mathieu MARAIS, Mémoires,
t. II, p. 417.
[50]
Mathieu MARAIS, Mémoires,
t. II, p. 474.
[51]
Mathieu MARAIS, Mémoires,
t. III, p. 183.
[52]
Mémoire de chronologie généalogique, année 1754, p. 144.
[53]
Bibl. nat., cabinet des titres, dossiers Foucquet de Belle-Isle, Il existe
aussi une généalogie au ministère des affaires étrangères,
[54]
LUYNES, Mémoires,
t. X, p. 64.
[55]
Elle était veuve de François Roussel de Medavy, comte de Graucey.
[56]
Elle était née le 13 septembre 1740.
[57]
LUYNES, Mémoires,
t. XII, p. 457.
[58]
La mariée aura quatorze ans au mois de septembre, et le marié en a près de
dix-sept. On ne compte les laisser vivre ensemble que dans deux ans. LUYNES, Mémoires,
t. XVI, p. 448.
[59]
LUYNES, Mémoires,
t. XVI, p. 409.
[60]
BARBIER, Mémoires,
t. I, p. 387.
[61]
SAINT-SIMON, Mémoires,
t. XI, p. 393.
[62]
Duc DE BROGLIE, Études
diplomatiques, Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1884, p. 265.
[63]
C. ROUSSET, Le
conte de Gisors, p. 490.
[64]
Duc DE BROGLIE, Études
diplomatiques, Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1884, p. 265.
[65]
C. ROUSSET, Le
conte de Gisors, p. 315.
[66]
Non pas procureur général, mais conseiller.
[67]
Nous avons vu au contraire l'archevêque d'Embrun marier le fils du maréchal.
[68]
M. C. Rousset a publié des lettres qui prouvent tout le contraire, et
démontrent que le ménage Gisors-Nivernais était excellent.
[69]
Note de la main de Marie-Renée-Louise de Foucquet, vicomtesse de Renier, écrite
le 16 juin 1822, conservée dans les archives de la famille de Renier. Je dois
cette communication à l'obligeance de M. le comte A. de Bertier. Je tiens à le
remercier ici publiquement.