NICOLAS FOUCQUET

HUITIÈME PARTIE

 

CHAPITRE II. — RIGUEURS NOUVELLES CONTRE FOUCQUET.

EMPRISONNEMENT DE LAUZUN À PIGNEROL. — ÉTAT DES BIENS DE FOUCQUET. IL RÉDIGE DES PLANS FINANCIERS POUR LOUVOIS. — LETTRE DE FOUCQUET À SA FEMME. — TENTATIVE D'ÉVASION DE LAUZUN. — EUSTACHE DAUGER EMPRISONNÉ À PIGNEROL. — IL EST DONNÉ À FOUCQUET COMME VALET. — RAPPORTS DE FOUCQUET ET DE LAUZUN. -- ENTREVUES DE MADAME FOUCQUET AVEC MADAME DE MONTESPAN. — AFFAIBLISSEMENT DE FOUCQUET. — PROCÈS AVEC RETZ AU SUJET DE BELLE-ISLE. — CORRESPONDANCE ENTRE LOUVOIS ET FOUCQUET AU SUJET D'EUSTACHE DAUGER. — ADOUCISSEMENT DE LA PRISON DE FOUCQUET ET DE LAUZUN. — LE ROI LEUR PERMET DE SE VOIR LIBREMENT. — LETTRE DE FOUCQUET À SA MÈRE. — LE ROI PERMET À LA FAMILLE FOUCQUET DE VENIR À PIGNEROL. — MÉSINTELLIGENCE ENTRE FOUCQUET ET LAUZUN. — LOUVOIS CHERCHE À EN TIRER PARTI. — LE BRUIT COURT DE LA MISE EN LIBERTÉ DE FOUCQUET ET DE LAUZUN. — AFFAIRE DES POISONS. — MORT DE NICOLAS FOUCQUET. — MORT DE MARIE DE MAUPEOU, SA MÈRE. — INHUMATION DE FOUCQUET AU COUVENT DE LA VISITATION. (1670-1680.)

 

 

Aussitôt après la découverte du complot, Louvois, informé par le lieutenant Blainvilliers, envoyé d'urgence à Paris, s'empressa d'ordonner qu'aux grilles des fenêtres on ajouterait des jalousies intérieures. Le premier modèle soumis par Saint-Mars ne donna pas satisfaction ; on exigea des claies autour des grilles, en saillie et à hauteur nécessaire pour empescher qu'il ne voie les terres des environs de son logement[1]. Foucquet ne songeait plus à regarder au dehors, depuis la fin tragique de son fidèle Laforêt. Estimant que sa liberté et le temps qu'il avait encore à vivre ne valaient pas de tels sacrifices, il se concentra dans une vie tout intérieure. On ne lui permettait pas de récréer ses veux en regardant les terres environnantes, il renonça à la terre elle-même et ne contempla désormais que le ciel idéal, dont nulle voûte de prison ne peut cacher l'azur au croyant. On lui avait retiré son valet Champagne[2], ne lui laissant le service que du seul La Rivière. Il demanda des livres à l'usage de ce garçon, un de ceux sans doute à qui il avait appris à lire[3]. Pour lui, il s'appliqua principalement à l'étude de la Bible. Depuis son arrestation et l'effroyable coup qui l'avait frappé, l'ex-surintendant avait retrouvé les sentiments religieux déposés dans son cœur par la piété maternelle. Après dix ans de captivité, d'épreuves, de douleur, le pauvre homme n'avait plus de pénitence à faire. Ses idées, d'abord uniquement reportées sur les erreurs de sa vie passée, prenaient un cours moins triste et s'élevaient à de sereines contemplations. Comme il avait édifié d'Artagnan, il émerveilla Saint-Mars, qui ne savait plus quel éloge en faire à Louvois. Monsieur Foucquet est un agneau ![4]

Il faut dire que le commandant du donjon avait, depuis décembre 1671, un prisonnier qui lui faisait fortement apprécier la douceur de Foucquet. Il s'était montré gardien si exact, si vigilant, qu'on n'avait pas voulu confier à d'autres M. de Lauzun, l'homme le plus entreprenant de France, le plus hardi, le plus fertile en tours de souplesse, Lauzun agréé pendant un jour comme le mari de Mademoiselle, Lauzun, le quasi-cousin du Roi. Ce dragon inspirait de si grandes craintes, et, au contraire, l'ex-surintendant vivait tellement en quiétude, que Louvois avait songé à déménager l'un pour mettre l'autre dans ces chambres si bien murées et clayonnées par ses ordres. On aurait logé Foucquet dans l'appartement de Mme de Saint-Mars. Le ministre aurait dû savoir depuis longtemps qu'il est plus facile de prendre une ville que de déloger un fonctionnaire. Quand la lettre du ministre arriva à Pignerol, Saint-Mars avait déjà fait préparer deux grandes chambres, bien claires, bien chaudes, au-dessous de celles de Foucquet. Il répondait de tout. Malgré cette assurance, le Roi fit placer des grilles intérieures aux fenêtres, des grilles à la cheminée, de peur qu'on ne parlât d'un étage à l'autre[5]. Le capitaine jura ses grands dieux que le ministre n'entendrait jamais parler de Lauzun : Il sera comme in pace.

C'est ce que devina le prisonnier à la vue de ces portes redoublées et de ces grilles superposées. Il protesta, cria, menaça de faire un malheur ; il feignit d'être malade, simula la folie. Saint-Mars crut remarquer qu'il se défiait de lui[6], le prit de haut, n'entra plus dans la chambre que si Lauzun l'en priait. Il n'en devait pas être quitte à si bon compte. C'étaient d'incessants orages. Le capitaine avait commencé par trouver ce jeu assez divertissant. Ces finesses-là sont si grossières que cela fait pitié. Depuis dix ans que je suis à la garde de M. Foucquet, j'en ai vu bien d'autres que les siennes, sans pourtant avoir esté attrapé que lorsqu'il a donné de ses nouvelles par le moyen de mes traîtres de soldats. J'appréhende beaucoup plus les douceurs de M. Foucquet et son honnêteté que la fierté de M. de Lauzun. Cela me plaît au métier que je fais et ne voudrois pour rien au monde qu'il discontinuât sa façon de faire ![7]

Un an plus tard, Saint-Mars changeait d'avis. Tant que je n'ai pas eu M. de Lauzun, je croyois que M. Foucquet étoit un des plus méchants prisonniers à garder qu'on pût trouver, mais à présent je dis qu'il est un agneau auprès de l'autre[8].

 

Vers octobre 1672, on autorisa madame Foucquet à envoyer à son mari un premier mémoire, puis un second[9]. Bien que cela ne soit pas formellement énoncé, on comprend qu'il s'agissait de règlements d'intérêts. La condamnation du surintendant, sa prison, n'avaient pas supprimé ces affaires formidables, ces millions de créances appartenant à Foucquet, et ces millions de dettes plus nombreux encore dont il était chargé. On se rappelle assez ces débats, les articulations de Pussort sur la fausseté des dettes, le syndicat des créanciers, la réclamation de Mme Foucquet exerçant ses reprises matrimoniales, enfin, pour porter la confusion au comble, la confiscation prononcée par l'arrêt de 1664. Après des années de discussions, la vérité avait fini par se faire jour, pour la plus grande justification de Foucquet. Malgré Colbert et Chamillart, on n'avait pas osé confisquer des biens, gage de créanciers qui, pour la plupart, avaient prêté au Roi par l'intermédiaire du surintendant. L'arrêt, comme toutes les décisions de ce genre, portait la réserve tacite du droit d'autrui. Où il n'y avait rien, le Roi ne pouvait rien prendre. Toutefois, si la confiscation n'était pas applicable dans l'espèce, les poursuites civiles restaient possibles, et si le surintendant avait volé le prince, le prince pouvait assurément le poursuivre comme son débiteur. Or, on ne trouve pas trace de poursuites contre Foucquet, pas même de taxes. Alors qu'on imposait arbitrairement quiconque avait de près ou de loin touché aux finances, même les amis comme Châtelain, Herwarth, les Rambouillet, Cantarini, Maissat[10], on ne demanda rien à Foucquet ni aux siens. On n'osa pas le qualifier de traitant. Le débat resta circonscrit entre les créanciers et la femme du débiteur.

 

Les premiers temps avaient été fort durs pour la famille -de cet homme, possesseur d'un si grand crédit qu'il ne gardait même pas mille écus chez lui en réserve. Sans Gour-ville, Mme Foucquet eût manqué du nécessaire. Rien ne subsistait de cette opulence, et l'on fut doublement heureux de ce que la vieille grand'mère Marie de Maupeou vécût encore, conservant à ses petits-enfants, avec ses bons conseils, sa part de la fortune patrimoniale des Foucquet. Ce fut l'antique abri où se réfugia la famille après le coup de tonnerre qui foudroyait son chef.

Les biens actifs de Nicolas se composaient d'immeubles et de créances plus ou moins liquides. Marie-Madeleine de Castille avait apporté par contrat environ 1.200.000 livres. Son mari avait vendu ses châteaux, ses maisons, ses terres, ses rentes, engageant leur produit dans ses opérations. La créance de la femme n'était donc pas contestable, et il ne paraît pas non plus qu'on ait voulu la contester. Le 19 mars 1673, plus de douze ans après le cataclysme, un arrangement intervint. Mme Foucquet conserva, pour se payer de sa dot, les terres de Melun, Vaux, Maincy, Bouy, les Hautes-Loges, Belle-Isle, L'Argouet, Prévezac, Cautisac, La Guerche, Keraoul, les Moulins-Neufs, à charge d'acquitter 1.950.000 livres de dettes privilégiées[11].

Évidemment, on eût mal vendu ces domaines, aménagés en vue de temps prospères. Consentir à les prendre en payement, c'était faciliter la liquidation des dettes du surintendant, puisque les créanciers restaient maîtres des valeurs et que la femme se chargeait en outre de 1.950.000 livres de passif privilégié. La mère se sacrifiait pour réserver l'avenir de ses enfants.

Que valait le domaine de Vaux comme revenu net ? On l'avait estimé 43.895 livres, plus certaines redevances[12] ; mais tous ces revenus avaient fort périclité. Il en était de même de Belle-Isle, d'où le commerce avait disparu. Ce qui était plus certain, c'était la charge de 1.950.000 livres dont il fallait servir la rente, en attendant qu'on pût les rembourser. De là, nécessité absolue d'user d'industrie et surtout de ménage. On vendit les meubles, les objets d'art dont le Roi prit une partie. On fit de l'argent avec les conduites de plomb des jeux hydrauliques[13].

Saint-Mandé était resté aux créanciers. C'était bien, comme l'avait dit Foucquet, une maison de plâtre et de moellon, dont la grossièreté apparut quand on lui retira ses ornements, les livres et les objets d'art. Mais les terres avaient pris de la valeur, convenaient à de riches voisins, comme les Maslon de Charenton[14], à des voisins plus puissants encore, comme le Roi, à Vincennes. Le domaine fut dépecé et la maison resta seule, quasi sans valeur ; on y installa un hospice[15].

 

En somme, cette liquidation si laborieuse faisait encore plus pour l'honneur du surintendant déchu que ses seize volumes des Défenses. Ce qu'il avait dit était donc lu vérité, qu'il resterait pauvre, victime d'ennemis de plus en plus riches.

Ce règlement de ses affaires resta ignoré du prisonnier. Depuis plusieurs mois, souffrant, malade, il avait dû recourir aux conseils de Pecquet, dont on lui montra l'ordonnance, en refusant de la lui laisser. Sans fièvre, sans mal l'obligeant à garder le lit, Foucquet souffrait de coliques, avec un dégoût de toutes choses et tin abattement si grand qu'il sembloit que la nature défaillit en lui[16]. L'esprit n'était pas touché. Son génie, au contraire, se réveillait. Il concevait des plans de finances, comme s'il eût encore charge d'assurer la subsistance de l'État. À défaut d'autre, il en entretenait Saint-Mars, espérant qu'un écho de ses confidences parviendrait aux oreilles de Louvois.

Calcul très juste. On était en 1673. Après dix ans de prospérité, réaction naturelle de toutes les crises, on commençait à sentir la pénurie. Colbert rappelait le Roi à l'économie, et le Roi n'écoutait pas Colbert. D'autres s'ingéniaient à chercher des moyens de plaire à Louis XIV. Louvois, sans trop d'affectation, autorisa Saint-Mars à provoquer les explications de Foucquet. Il lui donnerait même du papier, tout en déclarant qu'il agissait sans ordre, s'exposant même à une réprimande, pour rendre service[17].

Alors Saint-Mars s'avança. Le 20 janvier au soir, en visite de voisinage, il mit la conversation sur les inventions dont les gens d'esprit se servoient pour avoir de la finance. Foucquet répondit qu'il n'était pas impropre à ces fonctions-là ; il avait trouvé des expédients où d'autres seraient restés courts. Puis, après force choses : Comme je me sens tout moribond, dit le prisonnier, je charge votre honneur et la fidélité que vous avez pour le Roi de faire savoir à M. le marquis de Louvois comme je m'occupe depuis longtemps à examiner les services les plus considérables qu'on pourroit rendre à Sa Majesté. Ces desseins sont grands, faciles, glorieux. Ce serait faire tort au Roi de les lui cacher. Saint-Mars s'offre à les faire parvenir ; mais Foucquet s'excuse. Il faut pour les entendre un homme versé dans ces connaissances. Saint-Mars affirme qu'il comprendra tout ; il offre du papier. Cela ne suffit pas. Foucquet exige une transmission directe[18]. La conversation n'aboutit pas ce jour-là.

L'envoi direct fut autorisé. Foucquet écrivit, à deux reprises, sur papier nombré et compté, ses projets financiers, que Saint-Mars, dans son enthousiasme, fit, en plein mois de janvier, porter, le premier par exprès et le second par la poste, à Paris[19]. Foucquet, selon lui, se tenait assuré de son bâton. Il n'en fut rien. Louvois prétendit que le travail renfermait force compliments et non ce que l'ex-surintendant avait annoncé comme si important au service du Roy. Il le renvoya, avec ordre de déclarer au prisonnier que Louvois n'avait pas jugé à propos de montrer son écrit à Sa Majesté, puis de le brûler devant lui[20].

Ainsi finit, non sans quelque obscurité, cette tentative de Foucquet pour se reprendre à la vie. Avait-il, comme le ministre le donnait à entendre, usé de trop de réserve dans l'exposé de ses plans ? Louvois voulut-il s'en attribuer tout l'honneur ? Craignit-il de préparer un retour du surintendant ? Lors de l'arrestation de Lauzun, des bruits de la grâce, du rappel de Foucquet avaient couru[21], bruits ridicules, mais qui ne laissaient pas d'indiquer un état de l'opinion publique. Toujours est-il qu'il ne fut plus question de rien.

En mai et en juin, Foucquet montra encore quelque préoccupation au sujet de la guerre. Il se plaignait de pas entendre le canon de la citadelle tonner en l'honneur des victoires du Roi[22].

A cette époque, Louise de la Vallière était entrée aux Carmélites, Colbert n'espérait plus rien prendre sur les biens immenses du surintendant. Rien n'y faisait. Louis (peut-être le chargeait-on de toutes les mauvaises réponses) demeurait hostile. Mme Foucquet, après son arrangement avec les créanciers, demanda la permission d'aller à Vaux. On la lui refusa[23]. Elle sollicita la grâce de s'enfermer à Pignerol avec son mari. Le Roi repoussa sa requête[24]. Un an plus tard, en août 1675, cette rigueur persistait. Louis ne veut pas qu'on lui parle du séjour de Mme Foucquet à Pignerol[25]. À la jalousie, à la convoitise, désormais sans cause, la colère royale survivait, et quinze ans écoulés ne l'avaient pas amortie.

Par une rigueur vraiment odieuse, on refusait à Nicolas la consolation de recevoir plus de deux fois par an des nouvelles de sa famille. Le moindre fait alarmait la susceptibilité du geôlier ou de ses chefs ; une expression mal choisie ou mal comprise, entraînait un retard de plusieurs mois. Aussi le prisonnier vivait-il dans une continuelle anxiété. Votre lettre, écrit-il à sa femme en 1675, m'a tiré d'une inquiétude plus grande que vous ne sauriez croire. J'avois passé trois mois avec impatience à l'attendre. Elle est enfin arrivée et m'a donné autant de consolation que je suis capable d'en recevoir dans un lieu d'amertume et de douleur.

Mme Foucquet lui avait appris, dans cette lettre si attendue, qu'elle s'occupait de l'entretien de leur chapelle de famille à la Visitation Sainte-Marie, où reposait son père. Nicolas songe à la mort, que je sens, dit-il, n'être pas éloignée. Il voudrait s'y préparer par l'entretien libre et fréquent d'un très-bon religieux ou ecclésiastique, non suspect, auquel il pourroit ouvrir, entièrement et sans précipitation, sa conscience sur sa mauvaise vie passée et présente. Mais il n'a pas pu obtenir cette faveur. Le prêtre officiel vient cinq fois par an, à Noël, Pâques, Pentecôte, Assomption et Toussaint, et c'est tout. Ainsi je me trouve quelquefois, comme cette année, quatre mois entiers, entre Noël et Pâques, privé d'une assistance que l'on ne croit peut-être pas si nécessaire ici qu'ailleurs, mais qui l'est en effet beaucoup davantage, parce qu'une oisiveté forcée est la mère des désespoirs, des tentations et agitations continuelles, dans un esprit accablé de désirs et d'impuissance, surchargé d'ennuis et de déplaisirs que personne ne prend soin de soulager. On croit être oublié ou abandonné de ses proches, méprisé des autres, inutile et à charge à tout le monde. À cela, il n'y a d'autre remède que la patience et la tranquillité, qui procèdent ordinairement d'un bon usage des sacrements, et de l'entretien journalier d'un homme spirituel et charitable qui n'ait que Dieu pour but, et non point de lâches desseins de faire sa fortune aux dépens d'un affligé.

Ainsi Foucquet avait appris ou deviné les tristes pratiques du prêtre à qui on l'obligeait de se confesser.

Faisant alors un retour sur lui-même et sur ce qu'il avait pu ordonner autrefois : Je sais bien, dit-il, que quand c'est pour peu de temps et qu'il y a des considérations de justice qui les requièrent, on se dispense de ces règles et on ne s'arrête pas à la satisfaction d'un particulier ; mais quand les procès sont terminés et que les choses tirent de longueur, dans un cours ordinaire, les prisonniers peuvent avec respect inspirer des sentiments de christianisme et d'humanité dans le cœur de ceux dont tels secours dépendent : et moi je ne le puis pas, quoique l'incertitude de ma vie, tous les jours menacée par des foiblesses extrêmes, me fasse sentir très souvent la douleur de cette privation. C'est pourquoi, si vous pouvez obtenir par vos bonnes prières que les obstacles qui se rencontrent à l’exécution d'un désir si légitime soient levés, je vous assure, moyennant la grince de Dieu, qu'en toutes les communions que j'aurai l'honneur de faire tout le reste de ma vie, au moins tous les huit jours, si je le puis, ceux par qui cette permission me sera procurée y auront bonne part, et que je prierai mon Dieu, que je recevrai par leur moyen, de leur faire la même miséricorde qu'à moi.

Un billet de la mère de Nicolas était joint à la lettre de sa femme : J'ai regardé le billet de ma mère comme un miracle et comme une relique. Sa main est plus forte que la mienne, et sa bonté est extrême pour un fils qui lui a donné tant de déplaisirs... Je la supplie de me pardonner si je prie Dieu tous les jours et toutes les heures que la couronne qu'elle a méritée par ses vertueuses souffrances lui soit encore retardée jusqu'à ce qu'il me soit permis de m'aller jeter à ses pieds, et de ne me plus séparer d'elle et de vous que par une mort qui ne me sera point désagréable quand j'aurai fait mon devoir.

En attendant, Madame, continuez et redoublez vos sollicitations auprès de Dieu et de ceux qui exercent sa puissance en terre, pour venir passer quelque temps et impétrer la liberté de me voir. Dieu veut être prié et importuné[26]. Il n'y a rien contre la raison ni contre la justice qu'après quatorze ans d'absence une femme voie son mari sur le déclin de sa vie, et j'espère qu'un monarque glorieux, et que Dieu rend triomphant de toute l'Europe, voudra bien, pour l'amour et en l'honneur du même Dieu, pardonner et accorder un peu de soulagement à un (le ses sujets dont la personne, les biens et les espérances sont eu son pouvoir. Si je me suis mal conduit, j'ai été châtié et j'ai eu le temps de faire pénitence.

Il poursuit, et s'oublie pour ne penser qu'aux siens : après avoir parlé de son fils aîné, que Louvois protège, il ajoute :

Je loue Dieu de la bonne disposition en laquelle vous me mandez que sont nos enfants, chacun selon son âge. C'est une singulière bénédiction de sa Divine Majesté, qui ne veut pas, pour les péchés d'un père, détruire absolument la famille d'une mère vertueuse. Cultivez bien ce qu'ils ont de bon, et tâchez de détourner leur esprit du vice, et d'y mettre l'aversion du jeu, qui est une très pernicieuse inclination de plusieurs de notre famille[27]. Gravez clans leur cœur une ferme résolution de gratitude envers ceux dont ils recevront les bienfaits, et une inviolable exactitude à garder leur parole. Cela, et la crainte de Dieu surtout, les fera prospérer. N'employez point vos soins et vos poursuites pour me faire voir leurs portraits, qui ne feroient que me serrer le cœur et ne pourroient profiter de ce que je pour-rois leur dire, mais que votre charité s'emploie à me faire voir les originaux.

Je n'ai pas bien compris comment vous vous êtes chargée des terres, par quelle forme, pour quel prix, et ce que vous êtes tenue d'acquitter de dettes. J'eusse bien voulu savoir cela en général, car je vous trouve bien accablée.

Vraisemblablement, on n'avait pas permis à Mme Foucquet de donner à son mari des détails précis sur son arrangement avec les créanciers. Le prisonnier, impuissant à l'aider même de ses conseils, retombe sur lui-même :

Depuis la Notre-Dame de septembre, que mourut devant mes yeux un de mes valets, nommé Champagne, je n'ai eu joie ni santé. C'étoit un garçon diligent et affectionné, que j'aimois tendrement, qui me soulageoit. Je voudrois que son frère fût avec vous pour lui faire du bien. L'autre valet meurt ici dans les remèdes, et en a autant et plus besoin que moi. Il est chagrin de son humeur, et ainsi, n'y ayant que lui et moi à nous entretenir jour et nuit, jugez comment je passe ma vie Nous pourrions beaucoup mériter, si la vertu répondoit à l'affliction ; c'est assurément un des moyens les plus efficaces que Dieu nous donne pour nous sauver, si elle pouvoit être bien supportée. Mais la peine est à gagner sur soi d'aimer ce qui naturellement n'est point aimable...

M. de Saint-Mars vient quelquefois savoir de mes nouvelles, mais par cérémonie, non pas par entretien, ou pour amener un médecin...

Foucquet, comme presque tous les malades, était inquiet, et souhaitait le secours permanent d'un médecin. On lui avait refusé Pecquet, mais ne pouvait-il en avoir un autre ?

L'air de notre citadelle étant toujours dans quelque excès, et moi infirme et pas assez habile pour savoir ce qui me seroit bon, il m'en faudroit un, bien expert et sage, qui ne me quittât point, ou qui me vît deux ou trois fois par jour pour se conduire comme il verroit à propos, et non par ce qu'on lui dira, dans un temps que par pudeur je n'ose tout dire devant le monde.

Apprenez donc à cette fois qu'il n'y a mal dans un corps humain dont je ne ressente quelque atteinte. Je ne me vois point quitte de l'un que l'autre n'y succède, et il est à croire qu'ils ne finiront qu'avec ma vie. Il me faudroit un assez gros volume 'pour en écrire ici un détail ; mais le principal est que mon estomac n'est point de concert avec mon foie ; ce qui sert à l'un nuit à l'autre, et, de plus, vous savez que j'ai toujours les jambes enflées. J'ai des sciatiques, des coliques, et si vous me permettez de tout dire, des hémorroïdes très fâcheuses. J'ai fait cette année deux petites pierres[28], et Dieu m'a fait la grâce de me donner relâche de cette douloureuse et importune sorte d'infirmité. Envoyez à M. Pecquet, qui sait mon tempérament, un petit mémoire. M. de Saint-Mars sait ce que je dis là, et qu'on m'a fait observer, pour ma gravelle, un régime de bouillon et sirop qui m'ont soulagé...

J'ai cru devoir, par raison de conscience ou autre, car on se flatte aisément, m'abstenir des jeûnes que je faisois sans y être obligé, et Dieu veuille que je ne sois pas forcé de quitter le carême...

À la fin, mes yeux sont réduits aux lunettes, et mes dents minées. Le plus sûr est de quitter les soins de ce corps entièrement et de songer à l'àme. Cela nous est important, et cependant le corps nous touche le plus. Si vous veniez ici, ce seroit le moyen que l'un et l'autre se portasssent mieux. Vous me communiqueriez de votre vertu et moi je vous fournirois la matière de l'exercer.

Un autre passage révèle toute la tristesse :de l'infortuné :

Faites mes compliments à mes frères et à mes sœurs, s'il y en a encore en vie. Je ne doute pas que Dieu n'en ait voulu appeler à lui depuis le temps que je n'ai ouï parler, et il faut que tout prenne fin, mais non pas ma reconnaissance et mon amitié pour vous[29].

Cette lettre touchante circula dans Paris entre les parents et les amis de Nicolas[30].

Tout d'ailleurs, au donjon, restait fort calme. Saint-Mars n'entendait même plus récriminer son terrible prisonnier, M. de Lauzun[31].

 

Tout à coup, vers le 24 février 1676, alors que les jours sont les plus courts, les nuits les plus longues, Lauzun avait pu forcer un barreau et rompre un châssis d'une fenêtre, descendre dans un endroit de quelques toises plus bas ; en sortir, percer un mur, et, rencontrant la roche, tenter et trouver un passage à un autre endroit, sortir du fossé du donjon et attaquer le mur de la contrescarpe. Il allait s'évader quand la sentinelle d'un magasin l'arrêta[32].

Grand émoi de Saint-Mars. Cependant, il fut à peine admonesté. Louvois, au contraire, le rassura, lui recommandant de mieux veiller à l'avenir. Il demanda seulement si Lauzun avait eu quelque communication avec Foucquet. Ce dernier ne soupçonna l'aventure que par le redoublement de précautions dont il était l'objet. Comme, pour nécessité d'affaires, on l'avait autorisé à écrire à sa femme, il se plaignit et on lui donna tort[33]. Ses plaintes devaient être modérées, car depuis deux ans il s'appliquait à distiller, à composer des remèdes, à se soigner et à soigner ses valets[34], un ancien, La Rivière, un nouveau, Eustache Danger.

Au mois de juillet 1669, Louvois avait prévenu Saint-Mars qu'on lui enverrait le nommé Eustache Danger, qui devait être détenu au secret, avec le plus grand soin, dans un cachot, fermé de portes doubles. Le gouverneur devait lui porter lui-même une fois par jour sa nourriture pour toute la journée, sans prêter l'oreille à ce qu'il pourrait raconter, avec menace de le faire mourir s'il parlait. Le ministre ajoutait, parlant des meubles du cachot : Comme ce n'est qu'un valet, il ne luy en faut pas de bien considérables[35].

Le même jour, un autre ordre était expédié à Vauroy, major de la citadelle de Dunkerque, d'avoir à saisir, arrêter et conduire à Pignerol le même personnage. Un mois après, le prisonnier était installé dans un cachot du donjon, au-dessus de la cave du gouverneur. On lui donnait un livre d'heures ; on l'autorisait à se confesser quatre fois par an et à entendre la messe dite pour Foucquet, mais sans vue ni communication possibles avec personne[36].

Le nouveau prisonnier tomba d'abord un peu malade, et Saint-Mars, par un scrupule excessif, écrivit à Paris pour obtenir l'autorisation de le faire soigner[37]. Sa présence, les soins extrêmes pris pour la garde de cet inconnu, intriguèrent d'abord beaucoup. Saint-Mars, pour dépister les curieux, mit en circulation des Contes jaunes ; puis, avec le temps, surtout avec le changement de garnison qui suivit la tentative de Laforêt, tout rentra dans le calme. Quant à Eustache Danger, encore une fois malade en 1671, il ne disait rien, vivait content, résigné à la volonté de Dieu et du Roy[38]. Qui était ce personnage et pourquoi l'avait-on arrêté ? Il était Français, catholique, valet de profession. Tout porte à croire qu'il s'appelait réellement Eustache Dauger. On l'avait employé à une certaine besogne, qui n'a jamais été précisée. Vraisemblablement encore, c'était un de ces hommes qu'on charge de missions louches, enlèvement de pièces ou de personnes, peut-être pis encore, et dont, le coup une fois accompli, on assure le silence par la mort ou par la prison.

Saint-Mars, qui n'aimait pas les bouches inutiles, avait dès 1672 proposé à Louvois d'utiliser le prisonnier qui est dans la tour. Il ferait, ce me semble, un bon valet. Je ne pense pas qu'il dit à M. de Lauzun d'où il sort, après que je le lui aurois défendu ; je suis sûr qu'il ne lui diroit aussi aucune nouvelle — cela se comprend, Dauger étant prisonnier depuis 1669 —, ni ne demanderoit point de sortir de sa vie, comme tous les autres[39]. Évidemment, pour ce mystérieux personnage, le donjon de Pignerol constituait une sûreté relative. Louvois refusa. Ce n'est qu'en 1675 qu'il permit de mettre Dauger au service de Foucquet, mais, ajoutait-il : Quelque chose qui puisse arriver, vous debvez vous abstenir de le mettre avec M. de Lauzun, ni avec qui que ce soit autre que M. Foucquet. Le ministre revint à plusieurs reprises sur cette clause qu'il considérait comme capitale. Pour quelque raison que ce puisse être, il ne faut point que vous luy (à Lauzun) donniez le prisonnier que le sieur de Vauroy vous a amené[40].

Pourquoi cette crainte ? On ne peut hasarder qu'une conjecture. Dauger avait été arrêté à Dunkerque, au cours de ce voyage moitié politique, moitié militaire, où l'on préparait l'alliance anglaise. Or, Lauzun avait aussi pris part à ce voyage. Ils se connaissaient sans doute ou tout au moins ils avaient entendu parler l'un de l'autre.

De plus, après la tentative d'évasion de Lauzun, Louvois avait prescrit un redoublement de surveillance, l'établissement d'ouvertures au-dessus des chambres des prisonniers, même de leurs privés, pour voir à quoi ils s'occuperont ; des avancées dans l'antichambre de Lauzun, des chenets scellés dans les cheminées[41] ; des grilles, des gardiens partout.

 

Il était dit que tant de précautions ne serviraient de rien.

 

Saint-Mars avait raison. Aucun valet ne lui restait fidèle. On les lui débauchait tous, malgré les promesses et les menaces. Un beau jour, ou plutôt un beau soir, ceux de Foucquet, s'entendant avec leurs camarades de l'étage du dessous, parvinrent à hisser Lauzun dans la chambre du surintendant. Ce dernier ne le connaissait guère que sous le nom de Péguilin. II l'avoit laissé jeune homme, introduit à la cour par le maréchal de Grammont, bien reçu chez la comtesse de Soissons, d'où le Roi ne bongeoit, et le voyoit déjà d'un bon œil. En 1661, au moment de la catastrophe, Péguilin était à Nantes, cherchant le vent, flairant les événements. Quinze à seize ans avaient passé par là-dessus.

Les voilà donc ensemble, et Lauzun à conter sa fortune et ses malheurs à Foucquet. Le malheureux surintendant ouvroit les oreilles et de grands yeux quand ce cadet de Gascogne, jadis trop heureux d'être recueilli et hébergé chez le maréchal de Grammont, lui raconta qu'il avoit été colonel général des dragons, capitaine des gardes, général d'armée. Foucquet le crut fou et visionnaire, quand il lui expliqua comment il avoit manqué la grand maitrise de l'artillerie, et ce qui s'étoit passé après là-dessus ; la folie lui parut arrivée à son comble, quand Lauzun raconta son mariage avec Mademoiselle, consenti, puis rompu par le Roi, tous les biens que l'avare princesse lui avoit assurés. Foucquet, lui croyant la cervelle totalement renversée, ne prenait que pour des contes en l'air toutes les nouvelles que Lauzun lui disoit de tout ce qui s'étoit passé dans le monde, depuis la prison de l'un jusqu'à la prison de l'autre[42]. Son étonnement devint presque de la peur.

Le grand peintre de ce tableau en a représenté les traits qu'il a pu saisir[43] et ceux qui l'ont le plus intéressé. Le mystère entre Lauzun et Mademoiselle préoccupait Saint-Simon. Mais combien d'autres sujets d'entretien : La Vallière, sa faveur inouïe, ses enfants reconnus, son duché, son abandon, pis que son abandon, sa servitude, aux côtés de la jeune Tonnav-Charente, devenue marquise de Montespan, et Montespan devenu furieux ; et lui, Lauzun, jouant les Colbert, emportant, dans les plis de son manteau, le petit adultérin dont on devait faire un duc du Maine ; et Mme Scarron, la belle veuve, élevant ce petit enfant ! Puis, comme si ces intrigues ne devaient pas suffire à l'avide curiosité de Foucquet, que de récits sur la puissance du Roi ! L'Espagne renonçant à disputer le premier rang ; la Flandre prise plutôt que conquise ; Rome humiliée ; et à l'intérieur cette grande crise financière où tout devait s'effondrer, déjà oubliée, à peine sentie au milieu d'un développement inouï de prospérité ; et Molière, jouant Tartuffe ; et La Fontaine, poète favori de Mme de Montespan ; et Pellisson, homme en faveur, et Colbert, Colbert, plus riche que Mazarin, beau-père de ducs et de duchesses, supérieur de Lamoignon, de Pomponne, de Le Tellier.

Toutes ces conversations s'échangeaient furtivement, entre des valets l'oreille au guet, dans une perpétuelle alarme, sans savoir comment on se quitterait, si on se reverrait le lendemain.

 

Saint-Mars envoyait à Louvois les rapports les plus rassurants.

 

Ce qui se passait au dehors n'était pas moins surprenant. Vers le mois de mai 1676, Mme de Montespan quittait Paris pour se rendre aux eaux de Bourbon. La belle-sœur de Louise de La Vallière, la femme du marquis, l'accompagnait jusqu'à Sens[44]. En Bourbonnais, le propre frère de la Carmélite, gouverneur de la province, donnait ordre de haranguer officiellement la favorite, qui eut le bon goût de décliner ces honneurs. Elle avait à subir des entretiens d'autre nature.

Un des frères de Foucquet, qui prenait les eaux, alla lui rendre visite avec sa mère, Marie de Maupeou. Mme de Montespan causa une heure avec lui sur les chapitres les plus délicats. Le lendemain se présentait la femme du surintendant. Même accueil honnête. La maîtresse du Roi l'écouta, avec douceur et avec une apparence de compassion admirable, dit Mme de Sévigné, et, on peut le croire, avec quelque autre sentiment encore. La marquise, séparée d'un mari redouté, entendait la femme de Foucquet demandant avec instance l'autorisation de s'enfermer à Pignerol, exprimant de la façon la plus saisissante les horreurs de sa séparation, espérant que la Providence donnerait à Mme de Montespan quelque souvenir et quelque pitié de ses malheurs. Sans préciser rien, elle se confiait à sa bonté ; et tout cela, sans importunité, sans bassesse, avec les paroles les plus propres à toucher le cœur. Dieu semblait inspirer cette noble femme[45].

Autre rapprochement plus étrange encore. À quelques lieues de là, presque à la porte de Moulins, dans le petit château de Pomé, ravissant, mais simple asile, caché dans les bocages, la mère de Foucquet donnait l'hospitalité à un petit garçon, d'une dizaine d'années, beau, spirituel. C'était le propre fils de la marquise, que son père, M. de Montespan, obligé d'aller à Paris pour régler son divorce forcé, avait laissé dans cette maison des exilés.

On ne sait rien de positif à ce sujet, mais on voudrait croire que Mme de Montespan ne résista pas au désir d'embrasser son premier-né, son seul enfant légitime. En tout cas, cet asile donné à son fils n'était-il pas la plus éloquente prière qu'on pût adresser à la marquise en faveur du prisonnier de Pignerol ?

On connaît toute cette histoire par Mme de Sévigné. Elle l'apprit peu de jours après, à Moulins ou à Pomé, de la bouche même de mesdames Foucquet, qui mirent à sa disposition leur maison de la ville et furent tout heureuses de la recevoir dans leur maison des champs, que la voyageuse qualifie de petite maison[46], sans doute par comparaison avec le château de Vaux. Le jeune Montespan y était encore, sous la garde des deux saintes. On nommait ainsi la belle-fille et la mère de Foucquet.

Coquette, ambitieuse, cruelle au besoin quand son amour-propre s'exaltait, la Montespan n'était pas autrement méchante. À Vichy, elle versa l'aumône à pleines mains. Mais si elle sollicita en faveur de l'ex-surintendante„ ce fut en vain.

 

Toutefois, vers le mois d'août, Louvois fit parvenir à Pignerol une lettre de Mine Foucquet. En même temps, il autorisa Saint-Mars à donner au prisonnier de l'encre, du papier en la manière accoutumée, c'est-à-dire par compte[47]. Ainsi, après quinze ans de captivité, Foucquet n'avait pas encore la liberté d'écrire.

Quel supplice !

En 1677, on constate quelques indices de clémence.

Louvois, qui n'est jamais qu'un écho, recommande à Saint-Mars, au nom de Sa Majesté, d'avoir pour M. Foucquet et pour M. de Lauzun toutes les honestetés et les complaisances compatibles avec la sûreté de leur garde[48]. Un peu plus tard, on peut dire au prisonnier que son fils fait bien son debvoir et se distingue dans toutes les occasions[49]. Éloge mérité. Ce jeune homme, à peine âgé de vingt ans, en était à sa seconde campagne, cherchant sans affectation à montrer son zèle et sa bravoure. Le chevalier de Grignan, qui ne jettoit pas les louanges à la tête, déclarait qu'il ne connaissait pas un plus véritablement brave homme[50].

La mère du surintendant, la vénérable Mme Foucquet, reçut l'autorisation d'habiter auprès de sa fille, l'abbesse du Parc-aux-Dames, et même de passer par Paris et d'y demeurer cinq ou six jours.

L'abbé Basile put changer son séjour de Bazas contre celui de Mâcon, mais avec défense d'en sortir sans permission. Quant à la femme du surintendant, elle n'avait pas même le droit d'accompagner sa belle-mère dans son voyage. Le Roi appliquait sa clémence à petite dose[51].

 

Il était grand temps toutefois d'accorder quelques soulagements au prisonnier. Sa santé périclitait de nouveau. Son médecin Pecquet était mort (en février 1674). On lui permit de consulter, par écrit, Vezou, l'ancien médecin de Mazarin. Le Mémoire révélait une situation lamentable, Vezou répondit, envoya du thé, sa provision à lui, car il ne s'en trouvait pas alors à Paris. Que de précautions pour remettre au prisonnier et la consultation et le thé ! On lui montra la première en original, mais on n'en donna qu'une copie. On transvasa le thé de peur de surprise[52]. Toutes ces précautions, dures à supporter à tout prisonnier, devaient exaspérer un malade. 'Foucquet, cependant, humble, résigné, souffrait tout, ne se plaignait jamais, ne demandait rien.

Par bonheur pour lui, il avait un compagnon de captivité moins endurant et avec lequel on comptait.

On ne pouvait traiter à la légère le fiancé de Mademoiselle, la titulaire du domaine d'Eu, la généreuse donatrice. Les richesses soi-disant immenses du surintendant avaient disparu dans l'abîme des dettes ; mais les terres, les châteaux, les droits presque régaliens de Mademoiselle étaient parfaitement tangibles, libres d'hypothèques. Il fallait donc agir sur la princesse et sur Lauzun pendant qu'on les tenait, l'une dans sa passion, l'autre dans sa prison. Quant à la passion de Mademoiselle, on ne pouvait douter de sa persistance. À la nouvelle de l'évasion manquée de Lauzun, la pauvre princesse, ne pouvant se tenir, avait écrit au Roi une lettre éplorée[53].

En avril 1676, le duc de La Force constitua Lauzun son héritier. En septembre 1677, le frère aîné de ce dernier mourut. Il fallait bien régler ces affaires de famille. À cet effet, Mme de Nogent, le chevalier de Lauzun et l'avocat Izarn se rendirent à Pignerol. Mais il était défendu de traiter le chapitre de Mlle de Montpensier, soubz quelque prétexte que ce puisse estre. Dans cette entrevue, l'ex-favori joua la comédie d'un bout à l'autre, tantôt sombre, tantôt lugubre, comme on l'avait vu autrefois à la Bastille, n'attendant rien que de la miséricorde de Dieu et du Roi[54].

Mme de Nogent se rendit à Turin, près de Mme de Savoie[55]. Le chevalier de Lauzun et Izarn reprirent le chemin du mont Genèvre, chemin, par ce mois de novembre, particulièrement pénible aux voyageurs[56].

Cette visite et cette vue directe de la situation des prisonniers firent plus que vingt prières. Aussitôt, les adoucissements abondent. Les prisonniers pourront prendre l'air, se promener, jouer à tous les jeux, si ce n'est d'argent. Lauzun et Foucquet se promèneront, séparément, à heures différentes. Ce dernier recevra le Mercure galant. Le premier aura un habit neuf et saura que sa sœur est revenue à Paris en bonne santé. Saint-Mars doit les faire jouir sans retard de la consolation qu'il plaist à la piété de Sa Majesté de leur accorder[57].

De son côté, Foucquet remerciait le ministre avec force honnestetés[58]. Il remit même une pièce de vers à Saint-Mars, qui s'empressa de l'envoyer à Louvois. Louvois, à son tour, demandait de l'eau de casse-lunettes à son prisonnier, qui, digne fils de sa mère, s'entendait en remèdes et distillations. Toutefois, très prudent, le fils de Le Tellier se renseignait sur ce qu'en avait ressenti l'aide-major de Pignerol[59]. On donne au prisonnier toutes les nouvelles courantes, spécialement celles de son fils[60]. Le Roi, avant appris que certains officiers généraux hésitaient à employer M. de Vaux, en avait manifesté son étonnement.

 

L'effet sur l'opinion publique fut prodigieux. Encore une fois, on parla du retour du surintendant aux affaires. Pellisson était parti pour Pignerol à l'effet de traiter de sa rentrée[61]. Ce retour, Bussy le souhaitait. Souhait aussi peu sincère sans doute que la nouvelle n'était vraie. La seule chose certaine, c'est que l'évêque d'Autun avait accueilli Mme Foucquet avec une grande distinction[62]. Mais, à cette époque, l'opinion et le gouvernement restaient fort distincts. On en eut la preuve évidente. Le cardinal de Retz intenta un procès à Mme Foucquet au sujet de Belle-Isle. Le surintendant avait toujours dit que la grande cause du secret gardé lors de l'achat de ce domaine, c'était la peur des revendications de la famille de Retz et d'un retrait lignager exercé par elle. L'événement lui donnait raison, sans que cela libérât sa femme des poursuites. Elle sollicita en vain l'autorisation d'aller à Paris défendre ses intérêts. Le Roi préféra lui faire donner des lettres d'État ou de surséance[63].

 

Cependant, malgré les adoucissements à leur captivité, malgré les promenades quand Saint-Mars avait le temps de les accompagner, les prisonniers étaient retombés malades. Foucquet, plus habitué à la souffrance ou plus habile à se soigner, se rétablit assez vite. Lauzun traîna plus longtemps[64], peut-être par dessein. On sut plus tard qu'il avait conçu un plan de délivrance à base de maladie[65].

A Paris, on travaillait à un autre projet avec non moins d'application, projet comportant une grande amélioration du sort des prisonniers. Bien qu'on ne songeât qu'au seul Lauzun, par politique, on ne parlait guère que de Foucquet.

Vers la fin de décembre, ce dernier voyait Saint-Mars lui apporter une lettre de Louvois, lettre close, puis de l'encre et tout ce qu'il fallait pour y répondre. La réponse devait être également transmise au ministre toute fermée. Bien plus, le Roi trouvait bon que dorénavant l'ex-surintendant écrivit au ministre lorsqu'il le désirerait. On lui donnerait donc autant de papier, d'encre et de cire qu'il en demanderait[66].

Cette conduite ne laissait pas de surprendre, mais il faut avouer que le contenu de la lettre portait l'étonnement à son comble.

Monsieur, c'est avec beaucoup de plaisir que je satisfais au commandement qu'il a plu au Roi de me faire. Sa Majesté est en disposition de donner, dans peu de temps, des adoucissements fort considérables à votre prison ; mais, comme elle désire auparavant être informée si le nommé Eustache, que l'on vous a donné pour vous servir, n'a point parlé, devant l'autre valet qui vous sert, de ce à quoi il a été employé auparavant que d'être à Pignerol, Sa Majesté m'a commandé de vous le demander, et de vous dire qu'elle s'attend que, sans aucune considération, vous me manderez la vérité de ce que dessus, afin qu'elle puisse prendre les mesures qu'elle trouvera plus à propos sur ce qu'elle apprendra par vous que ledit Eustache aura pu dire de sa vie passée à son camarade. L'intention de Sa Majesté est que vous fassiez réponse à cette lettre, en votre particulier, sans rien témoigner de ce qu'elle contient à M. de Saint-Mars, auquel je mande que le Roi désire qu'il vous remette du papier..... Je prends une part sincère à la joie que le commencement de cette lettre vous doit donner[67].

 

Louvois, évidemment, redoutait la divulgation du secret d'Eustache Dauger. À vrai dire, il ne paraissait préoccupé que du camarade, que de l'autre valet ; il était pourtant facile de comprendre qu'à la veille de rendre au maitre quelque communication avec le monde, il désirait aussi savoir ce qu'il avait appris de ce prisonnier mystérieux. Sa Majesté s'attend que, sans aucune considération, vous me manderez la vérité là-dessus ! Sans considération, ni de Dauger, ni de Foucquet lui-même et de ses désirs de liberté.

Son sort était sans doute ce qui préoccupait le moins le prisonnier. On se rappelle ce qu'affirmaient ses avocats, qu'il n'aurait pas voulu sauver sa vie au prix d'un mensonge. Mais son valet La Rivière, mais ce pauvre diable d'Eustache Dauger, qui en définitive le servait depuis trois ans ! Et enfin, les autres, les visiteurs inconnus, Lauzun, ses valets, qui, malgré la surveillance de Saint-Mars, se voyaient, se parlaient chaque jour !

On ne connaît pas la réponse de Foucquet. On voit seulement qu'il la fit à la satisfaction de Louvois. Sa Majesté, écrivait ce dernier, veut bien s'en remettre à vous de la conduite qu'il faudra tenir à l'égard d'Eustache Dauger[68].

Saint-Mars avait reçu une lettre à peu près semblable : Le Roy se remet à vous de régler avec M. Foucquet, comme vous jugerez à propos, ce qui regarde la seureté de la personne du nommé Eustache Danger, vous recommandant surtout de faire en sorte qu'il ne parle à personne en particulier[69].

Ces lettres étaient le dernier corollaire d'un mémoire assez long, très étudié, sur la manière dont le Roy désire que M. de Saint-Mars garde, à l'advenir, les prisonniers qui sont à sa charge[70].

Les prisonniers eurent sans doute quelque peine à ne pas sourire à cette déclaration de Saint-Mars : Sa Majesté trouve bon que M. Foucquet et M. de Lauzun se voyent en toute liberté, toutes fois et quantes qu'ils le désireront (sic), c'est-à-dire qu'ils passent les jours ensemble, qu'ils mangent ensemble, et, s'ils le désirent, Sa Majesté trouve bon que M. de Saint-Mars mange avec eux.

Ce dernier point, il est vrai, constituait une faveur nouvelle. Ce n'était pas la seule. Les prisonniers pouvaient jouer, converser avec les officiers de M. le gouverneur, se promener à toute heure, non seulement dans le donjon, mais encore dans toute la citadelle.

Là une nuance. Pour Foucquet, on se contentait de le faire accompagner d'un officier, de quelques sergents ou soldats. Quant à Lauzun plus capable que M. Foucquet de songer à se sauver, il était prévenu que des soldats armés d'armes à feu, marchant à sa suite sont là pour tirer sur luy, s'il faisoit le moindre effort pour s'évader.

Au surplus, livres, gazettes, jeux, compagnie des officiers de la garnison, tout était accordé aux prisonniers, dans l'espoir qu'ils n'abuseraient pas de la clémence royale.

Deux paragraphes du Mémoire étaient consacrés à Eustache Dauger.

Touttes les fois que M. Foucquet descendra dans la chambre de M. de Lauzun, ou que M. de Lauzun montera dans la chambre de M. Foucquet, ou quelqu'autre estranger, M. de Saint-Mars aura soin de retirer le nommé Eustache et ne le remettra dans la chambre de M. Foucquet que lorsqu'il n'y aura plus que luy et son ancien valet.

Il en uzera de mesme lorsque M. Foucquet ira se promener dans la citadelle, faisant rester le dit Eustache dans la chambre de M. Foucquet, et ne souffrant point qu'il le suive à la promenade que lorsque mon dit sieur Foucquet ira seul, avec son ancien valet, pour se promener dans le lieu où Sa Majesté a trouvé bon depuis quelque temps que M. de Saint-Mars luy fist prendre l'air[71].

Ce qui frappe à cette heure, en 1679 comme en 1676, c'est que Louvois avait de graves raisons d'interdire toute communication entre Lauzun et Danger, entre deux hommes qui secrètement se voyaient et s'entretenaient chaque jour ou chaque nuit depuis des années !

Le Mémoire contenait encore une nouvelle qui devait rester secrète entre le ministre et le gouverneur : Il pourra arriver que, dans quelque mois, Sa Majesté permettra (sic) que des gens de la ville leur viennent tenir compagnie (aux prisonniers) ; mesme que leurs parents les viennent voir et particulièrement la femme et les enfants de M. Foucquet ; mais il faudra attendre un ordre exprès et jusque-là ne rien dire, ne rien savoir[72].

Assurément Saint-Mars garda le secret. Assurément aussi on fut moins discret au dehors. Mme Foucquet s'empressa de renouveler sa prière d'aller s'enfermer à Pignerol. L'heure des grâces n'avait pas encore sonné, lui répondit Louvois ; encore quelques mois de patience.

Foucquet, de son côté, eût comme un pressentiment d'un meilleur avenir, témoin la lettre touchante qu'il écrivit à sa mère :

Madame, je ne puis pas mieux user de la liberté d'écrire que la bonté du Roi m'a octroyée, qu'en vous rendant, par cette lettre, une partie des respects que je vous dois, en attendant que la même clémence royale, laquelle, à l'exemple de celle de Dieu, se montre quelquefois peu à peu et s'avance par degré, juge à propos de me permettre d'aller consommer le surplus de mon devoir à vos pieds.

C'est là, Madame, que mon cœur, ma bouche et peut-être mes yeux par leurs larmes, vous expliqueront plus au long ce que vous verrez ici maintenant en deux mots, c'est-à-dire le sensible regret des déplaisirs dont ma mauvaise conduite a troublé le repos de votre honnête vieillesse et donné un pénible exercice à votre vertu ; c'est là que je vous demanderai très humblement pardon d'avoir mal pratiqué vos saints enseignements, et pris un chemin tout contraire à celui de vos bons exemples ; et c'est là que je vous rendrai les grâces que je suis tenu de vous rendre pour celui que vos dévotes prières m'ont attiré du Ciel, et pour les maux dont elles m'ont préservé ; mais c'est dès à présent et sans différer que je vous conjure d'employer ces mèmes efficaces prières envers Dieu pour en impétrer les bénédictions les plus désirables sur la sacrée personne de Sa Majesté, en reconnaissance de la charité que j'en viens de recevoir, sans oublier de m'obtenir les vertus qui me sont nécessaires pour mon salut et pour être digne de la qualité de, etc.[73].

Bien que la lettre du prisonnier n'engageât point le Roi, elle parut compromettante. On la garda.

 

Tout le secret de ces hésitations, peu dignes d'un grand prince, c'est que ces grâces accordées ou promises n'étaient qu'un moyen de négociation entre Mme de Montespan et la Grande Mademoiselle. Depuis un certain temps, l'astucieuse marquise se montrait attendrie pour ce pauvre Lauzun. Mais songez donc, disait-elle à l'amoureuse princesse, à ce que vous pourriez faire d'agréable au Roi pour vous faire accorder ce qui vous tient tant au cœur ! Et autres propos. Mademoiselle, qui avait l'oreille dure aux sollicitations, s'avisa à la fin que ces gens-là pensoient à son bien. Elle se rappela le conseil d'un ami de son ami : Si vous leur faisiez espérer de faire M. du Maine votre héritier ! M. du Maine, le fils légitimé de Mme de Montespan ! En effet, on lui amenait l'enfant, un peu boiteux, très joli de visage, très spirituel. Quand il ne venait pas, il écrivait. Mademoiselle voyait enfin ce qu'on voulait, et restait hésitante[74].

Vers le milieu de mai 1678, le Roi autorisa Mme Foucquet, ses enfants, son beau-frère Gilles, Mme de Nogent, le chevalier de Lauzun, à se rendre à Pignerol, près de leurs parents prisonniers.

A part une rapide entrevue, en 1663, et quelques regards furtifs à l'Arsenal, depuis quinze ans Foucquet et sa femme ne s'étaient pas vus. Le mari avait quitté sa femme à peine âgée de trente ans, il la retrouvait touchant à la cinquantaine. Quant à lui, il portait le poids écrasant de dix-huit années de captivité, de maladies, de douleurs physiques et morales. Que dire du comte de Vaux, perdu de vue à cinq ans, reparaissant en officier de vingt-quatre ans, de belle mine et bonne tenue ; que dire de ce troisième fils, né à la veille du désastre, et que son père n'avait pour ainsi dire pas revu ? Et cette jeune fille, grandie au milieu des larmes et des angoisses, dans une sorte d'exil en Bourbonnais, et à qui ce voyage à Pignerol devait paraître comme l'aube d'un avenir meilleur !

Une personne cependant manquait à cette fête tant attendue, la mère, la sainte Mme Foucquet, trop âgée pour entreprendre ce grand voyage et donner sa bénédiction suprême à ce fils dont la conversion lui avait fait oublier et presque bénir l'infortune.

Après les premières effusions de tant de tendresses longtemps comprimées, que de choses à se dire ! Les récits de Lauzun s'arrêtaient à 1671.

On raconte que lors de la première rencontre entre l'ex-favori et la famille de Foucquet, ce dernier, portant un doigt à son front, donna à entendre aux siens que son compagnon de captivité avait l'esprit un peu dérangé[75].

Il faut avouer qu'en cette circonstance l'imagination la plus robuste était soumise à une rude épreuve.

Que d'événements depuis lors, et entre tous, le plus surprenant, cette pauvre Louise de La Vallière entrée aux Carmélites, édifiant la ville et la cour ! Un cloître ! une prison pour la vie ! quelle fin à cette intrigue d'un moment ! Et quelle suite ! Mme Scarron, devenue Mme de Maintenon, forçant déjà la Montespan à compter avec elle.

Tout cela, en somme, était le passé. Les malheureux comme les jeunes gens aiment surtout à regarder l'avenir. On pouvait tout espérer. En attendant, il ne manquait pas d'affaires à régler. Foucquet écrivit d'abord une lettre de remerciements à Gourville, un peu l'ami de tout le monde, mais enfin qui avait ouvert sa bourse à la surintendante malheureuse, alors que tous les intimes de la veille l'abandonnaient[76]. Salvert, l'homme qui avait aidé Mme Foucquet à se débrouiller dans l'horrible amas des procédures civiles, obtint la permission de venir à Pignerol[77], conférer avec le prisonnier, qui eut lu consolation de travailler pour sa femme et pour ses enfants. Par contre, Mme Foucquet et son fils ainé durent s'arracher aux joies de cette première réunion pour aller à Moulins mettre à exécution les mesures décidées dans la prison[78].

 

L'entrevue de Lauzun et des siens fut moins édifiante. Mme de Nogent, aussi folle que son frère, intriguait, opposant Mlle de la Motte-Argencourt à Mlle de Montpensier. Il dut survenir quelque incident grave, puisque Saint-Mars n'osa en confier le récit à la poste et dépêcha son neveu Blainvilliers à Paris[79]. Les réponses de Louvois témoignent d'une assez vive irritation[80]. Une de ses lettres contient un passage curieux. Il n'y a pas d'apparence, écrivait-il à Saint-Mars, que je puisse demander à M. Foucquet ce qu'il sçait à l'égard de M. de Lauzun. Essayez de le porter à m'escrire, sans néantmoins luy dire que je vous av prié de luy en parler. Pour s'être permis une insinuation semblable, Saint-Mars avait dû surprendre les marques de quelque mésintelligence entre les deux compagnons de captivité.

On en eut bientôt l'explication.

Mme de Nogent était partie pour Turin, continuant ses intrigues auprès de Mme de Savoie, reniant la protection de Mademoiselle[81]. Madelaine Foucquet s'était installée à demeure auprès de son père. Louvois avait même permis qu'on lui aménageât un petit logement sous la même clef[82]. La présence de cette jeune fille égayait le donjon. Les officiers de la garnison, Saint-Mars, sa femme y venaient jouer, converser[83]. Le jour tout allait bien ; mais le soir, Lauzun, sorti par la porte, rentrait par le passage secret. Lauzun redevenait coquet, faisant coudre à son habit des boutons d'argent. Devant cette jeune fille, le petit homme oublia Mademoiselle, oublia tout, même le soin de son salut, pour ne plus songer qu'à séduire. Madelaine, on l'a dit, avait à peine entrevu le monde, élevée entre sa mère et sa grand'mère, les deux saintes, à Moulins visitant les pauvres, à Pomay vivant dans une complète solitude. Le courtisan, rompu à toutes les ruses, maitre en tous artifices, conquit vite l'attention de cette enfant inexpérimentée et même plus que son attention. Les officiers ne tardèrent pas à surprendre ces manœuvres. Foucquet lui-même en fut instruit.

Louvois, mis au courant de l'intrigue, ne vit que le parti à en tirer. Voilà l'occasion cherchée pour savoir de Foucquet ce que pouvait méditer Lauzun. Il conseille de laisser durer cette désunion et d'en profiter[84]. Elle pouvait cependant produire un assez grand inconvénient. Que dirait, que ferait Mademoiselle si elle apprenait cette conduite déréglée de son amant ? On lui cachait bien toutes les nouvelles ; toutefois il devenait nécessaire de brusquer le dénouement. On autorisa le voyage à Pignerol d'un homme de confiance, Barrait, que Mlle de Montpensier entretint avant son départ. Elle lui déclara qu'elle était prête à donner de son bien pour obtenir la liberté de l'homme qu'elle aimait. Pendant les huit jours que dura cette visite, Lauzun parla fort de Mademoiselle et n'oublia rien de ce qu'il falloit luy dire pour l'engager plus que jamais dans ses intérêts[85]. Sur ce beau récit, la grande amoureuse, plus naïve encore que Madelaine Foucquet, prit la résolution de faire de M. du Maine son héritier, pourvu que le Roi fit revenir Lauzun et lui permit de l'épouser[86].

Malgré les folies du petit homme, l'heure de la liberté allait sonner pour lui, et, par certaines raisons, il entrait dans le plan de la Cour de traiter Foucquet comme Lauzun.

La colère du Roi contre le surintendant semblait entièrement tombée. On laissait son frère Gilles en résidence à Pignerol ; son frère Louis, l'évêque d'Agde, recevait la permission d'y passer quatre mois[87]. L'abbé rentrait en correspondance avec son frère aîné. Dans le monde, à la Cour, à Paris, on attendait de jour en jour la libération du prisonnier, et l'année 1680 s'ouvrit sous les plus heureux auspices.

Espérances de courte durée. D'abord, l'abbé Basile, malade depuis plusieurs mois, mourut[88]. À Paris, éclata la scandaleuse affaire des poisons. L'attention de Mme de Montespan fut détournée de la négociation avec Mademoiselle. Le nom de Foucquet fut même prononcé par une des hideuses créatures saisies et interrogées par la justice ; mais ces propos sans preuve, sans apparence, ne furent pas retenus, et la victime de Pignerol ne les connut même pas. Malgré la présence des siens, après la surexcitation de ces joies longtemps désirées, le prisonnier s'était senti repris par la maladie, à ce point qu'on songeait à l'envoyer aux eaux de Bourbon. C'était peut-être le salut ; à coup sûr c'était le premier pas vers la liberté. Le Roi était assez disposé à accorder cette faveur au malade ; mais le mal prévint sa clémence. Le 23 mars 1680, une sorte d'apoplexie emporta subitement Nicolas Foucquet.

Ainsi mourut d'une façon presque tragique cet homme dont la vie présente le plus étonnant assemblage de prospérités et d'infortunes, de grandeurs et d'humiliations, de faiblesses et de vertus.

Le comte de Vaux était auprès de son père à cette heure suprême et recueillit dans sa chambre de nombreux papiers, vers et prose, aujourd'hui perdus ou ignorés. Le Roi se formalisa, Louvois s'inquiéta, se fit envoyer ceux qu'on trouva encore dans les poches du prisonnier. Ce premier mouvement de mauvaise humeur passé, on autorisa Saint-Mars à remettre aux gens de Mme Foucquet le corps de feu Monsieur son mari, pour le faire transporter où bon lui semblera[89].

On songea d'abord à le ramener à Paris, puis les avis furent partagés. Mme de Sévigné donna le sien. Si la famille de ce pauvre homme me crovoit, elle ne le feroit point sortir de prison à demi : puisque son âme est allée de Pignerol dans le ciel, j'y laisserois son corps après dix-neuf ans ; il iroit de là tout aussi aisément à la vallée de Josaphat, que d'une sépulture au milieu de ses pères, et comme la Providence l'a conduit d'une manière extraordinaire, son tombeau le seroit aussi.

Il fallait au moins tirer le cercueil du donjon, on le mit en dépôt dans un couvent de l'église de Sainte-Claire[90]. Enfin, une triste circonstance décida l'adoption d'un parti définitif. Marie de Maupeou, mère du surintendant, mourut moins d'une année après le prisonnier. Il fallut cette fois rouvrir le tombeau de la chapelle de famille, en l'église de la Visitation Sainte-Marie. On y descendit à la fois la mère et le fils.

Plusieurs religieuses de la Visitation, filles et sœurs de ces morts amenés à leur dernière demeure, vivaient encore, et peut-être n'avaient-elles pas choisi la moins bonne part. C'est sous leur inspiration que la notice suivante fut rédigée et inscrite sur le registre du couvent :

Le 28 mars 1681, fut inhumé dans notre église, en la chapelle de Saint-François de Sales, messire Nicolas Foucquet, qui fut élevé à tous les degrés d'honneur de la magistrature, conseiller du Parlement, maître des requêtes, procureur général, surintendant des finances et ministre d'État.

Il fit éclater dans les fonctions des grands emplois une extraordinaire capacité et suffisance, des inclinations si nobles et si belles avec des sentiments si justes et si généreux, que les siècles passés n'ont presque rien vu y approcher d'un mérite si accompli. Mais Dieu, qui en vouloit faire un prédestiné, renversa par un coup de providence ces grands établissements de la terre. Il fut disgracié après ses importants 'services ; on lui fit son procès et on le tint en prison plus de dix-huit ans. Ce fut dans ce bannissement que, dépouillé de toutes ses dignités, revêtu de sa seule vertu et épuré des plus pures lumières de la foi, il commença d'ouvrir les yeux pour reconnaître le néant des grandeurs humaines, qu'il renonça aux vanités pour se remplir l'esprit et le cœur des vérités éternelles et des plus pures lumières de l'Évangile. Il prit ses importantes occupations dans la lecture, la prière et la fréquentation des saints sacrements. Enfin, d'un homme entêté de ce qu'il y a de plus grand et vain dans le monde, il devint par l'esprit de Dieu parfaitement instruit et touché de ce qu'il y a de plus saint dans la religion. Ainsi ce fut par sa disgrâce qu'il se convertit, qu'il se sanctifia et qu'il mourut, chargé de bonnes œuvres et de mérites devant Dieu[91].

 

 

 



[1] Louvois à Saint-Mars, 26 mars 1670. Arch. nat. K, 120, 78. DELORT, Détention, t. I, p. 167.

[2] Louvois à Saint-Mars, 11 février 1670. Arch. nat. K, 120, 78. DELORT, Détention, t. I, p. 166.

[3] Louvois, du 14 juillet 1670. Arch. nat. K, 120, 83. DELORT, Détention, t. I, p. 171. Dans la Vie de saint Vincent de Paul, par COLLET, il est dit que Foucquet apprit à lire à un de ses valets.

[4] Saint-Mars à Louvois, 30 juillet 1672. Archives de la Bastille, t. III, p. 134. Cf. ibid. Lettres du 20 janvier, 26 février, 5 mars, 29 mars 1672, p. 113, 119, 126.

[5] Instruction pour la carde de M. de Lauzun. Arch. nat. K, 120, 93. Musée des archives, n° 865. DELORT, Détention, t. I, p. 176. Saint-Mars à Louvois, Archives de la Bastille, t. III, p. 103.

[6] Saint-Mars, compte de septembre 1661. Lettres de Saint-Mars à Louvois, 22 décembre 1671, 30 décembre 1671, 8 janvier 1672. Archives de la Bastille, t. III, p. 107, 108, 109. Cf. Saint-Simon, Mémoires, t. XIII, p. 72 et suiv., édit. Hachette, in-18.

[7] Saint-Mars à Louvois, 27 février 1872. Archives de la Bastille, t. III, p. 121.

[8] Lettre à Louvois, 30 juillet 1872. Archives de la Bastille, t. III, p. 134.

[9] Louvois à Saint-Mars, 18 octobre 1672 et 10 novembre 1672. Archives de la Bastille, t. III, p. 137.

[10] Extraits sommaires, t. VI ; ms. de la Bibl. nat., Ve de Colbert, n° 532, f° 69, 173, 687.

[11] Acte du 19 mars 1673. Bibl. nat., cabinet des titres, Foucquet, n° 234. Bulletin de la Société archéologique de Seine-et-Marne, IVe année, p. 379.

[12] Estat du revenu de Vaux-le-Vicomte et de ses dépendances dressé par l'ordre de Mgr le chancelier. Bibl. nat., ms. fr., n° 7620, f° 156.

[13] BONNAFFÉ, Le surintendant Foucquet.

[14] V. dans les Mémoires de la Société de l'histoire de Paris une notice de M. de Boislisle sur le domaine de Bercy.

[15] M. U. ROBERT, Notes historiques sur Saint-Mandé, p. 84. Saint-Mandé, 1889.

[16] Saint-Mars à Louvois, 7 janvier 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 140, d'après les Archives de la guerre.

[17] Louvois à Saint-Mars, 10 janvier 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 141.

[18] Louvois à Saint-Mars, 20 janvier 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 143.

[19] Louvois à Saint-Mars, 28 janvier 1673, 4 mars 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 147, 153. Louvois à Saint-Mars, 27 février 1673 et 29 mars 1673. Arch. nat. K, 120, 130, 132. DELORT, Détention, t. I, p. 216, 218.

[20] Louvois à Saint-Mars, 27 février 1673. Arch. nat. K, 120, 130.

[21] ORMESSON, Journal, t. II, p. 616.

[22] Saint-Mars à Louvois, 17 mai, 22 juin 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 159, 162.

[23] Louvois à Mme Foucquet, 13 juin 1674.

[24] Louvois à Mme Foucquet, 13 juin 1674. Archives de la Bastille, t. III, p. 178.

[25] Louvois à Mme Foucquet, 5 avril 1675. Archives de la Bastille, t. III, p. 181.

[26] Il est bon de rapprocher de ce passage un paragraphe des Conseils de la sagesse, attribués à Foucquet : Dieu veut être poursuivi, sollicité, importuné, etc., édit. 1736, p. 22.

[27] Cf. Conseils de la sagesse, p. 145.

[28] M. Chéruel, après M. Monnier, a lu prières. M. Thénard a donné d'après le ms. de Montpellier la variante pierres.

[29] Francis MONNIER, Le chancelier d'Aguesseau, p. 452. CHÉRUEL, Mémoires, t. II, p. 451, d'après le ms. de la Bibl. nat., suppl. fr. 2358, f° 234. Thénard, dans les Chroniques du Languedoc, n° du 5 janvier 1875, p. 268 et suiv.

[30] BUSSY.RABUTIN, Correspondance, t. III, p. 49. Lettre du P. Rapin, du 3 juillet 1675. Foucquet n'avait le droit d'écrire que tous les six mois.

[31] Louvois à Mme Foucquet, 5 août 1675. Archives de la Bastille, t. III, p. 181.

[32] On connaît les détails de cette évasion par les réponses de Louvois à Saint-Mars, 2 et 9 mars 1676, Archives de la Bastille, t. III, p. 182, 184 ; par les Mémoires de Mlle de Montpensier, t. IV, p. 443. Les lettres de Saint-Mars ne nous sont pas parvenues (24 février, 4 et 7 mars 1676).

[33] Louvois à Mme Foucquet, 19 mai 1676. Archives de la Bastille, t. III, p. 188.

[34] Lettres de Louvois, des 8 et 30 novembre 1673. Archives de la Bastille, t. III, p. 165 et suiv.

[35] Lettre du 19 juillet 1669. Arch. nat. K, 120, 67. DELORT, Détention, t. I, p. 155. Cf. TOPIN, le Masque de fer, p. 246 ; IUNG, la Vérité sur le Masque de fer, p. 187. Le nom se lit de manières différentes : Danger, Dauger, d'Anger, d'Auger, d'Angers.

[36] Louvois à Saint-Mars, 10 septembre 1669. Arch. nat. K, 120, 65. DELORT, Détention, t. I, p. 157.

[37] Louvois à Saint-Mars, 25 septembre 1669. Arch. nat. K, 120, 69. DELORT, Détention, t. I, p. 158.

[38] Saint-Mars à Louvois, 12 avril 1670. DELORT, Détention, t. I, p. 169.

[39] Saint-Mars è Louvois, 20 février 1672. Archives de la Bastille, t. III, p. 118, d'après les Archives de la guerre.

[40] Lettres des 39 janvier et 11 mars 1675. Arch. nat. K, 120, 167, 168. DELORT, Détention, t. I, p. 233, 234.

[41] Lettres des 2 mars et 9 mars 1678. Archives de la Bastille, t. III, p. 183, 186, 187.

[42] SAINT-SIMON, Mémoires, t. III, p. 73.

[43] Saint-Simon a souvent essayé de faire parler Lauzun, qui s'est toujours dérobé à ses interrogatoires.

[44] SÉVIGNÉ, lettre du 6 mai 1676.

[45] SÉVIGNÉ, lettre du 17 mai 1676.

[46] SÉVIGNÉ, lettres des 17 mai, 18 et 21 juin 1676.

[47] Louvois à Saint-Mars, 30 août 1676. Arch. nat. K, 120, 190. DELORT, Détention, t. I, p. 247.

[48] Dépêche du 16 janvier 1677. Arch. nat. K, 120, 198. DELORT, Détention, t. I, p. 251.

[49] Louvois à Saint-Mars, 6 mai 1677. Arch. nat. K, 120, 205. DELORT, Détention, t. I, p. 255.

[50] SÉVIGNÉ, lettre du juillet 1676.

[51] Louvois à Le Tellier, 14 mai 1677. Archives de la Bastille, t. III, p. 195, d'après les Archives de la guerre.

[52] V. lettres du 3 juillet, 28 octobre, 27 novembre 1677. Arch. nat. K, 120, 207. DELORT, Détention, t. I, p. 206, 257, 271.

[53] Mlle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 380.

[54] Lettre de l'avocat Izarn, novembre 1677. Archives de la Bastille, t. III, p. 197.

[55] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 445. Mlle de Montpensier ne donne pas la date exacte ; mais Mme de Nogent n'a fait qu'un voyage à Pignerol.

[56] La première étape fut de Pignerol à Boussart, nommé à tort Broussart dans les Archives de la Bastille.

[57] Louvois à Saint-Mars, 27 novembre 1677. Arch. nat. K, 120, 226. DELORT, Détention, t. I, p. 269. Louvois à Mme Foucquet, 27 décembre 1877. Louvois à Saint-Mars, 22 décembre 1677. Archives de la Bastille, t. III, p. 204, 205.

[58] Louvois à Saint-Mars, 28 décembre 1677. Arch. nat. K, 120, 228. DELORT, Détention, t. I, p. 271.

[59] Louvois à Saint-Mars, 13 juin, 5 juillet 1678. Arch. nat. K, 120, 235, 237. DELORT, Détention, t. I, p. 273, 274.

[60] Archives de la Bastille, t. III, p. 206.

[61] BUSSY-RABUTIN, Correspondance, t. IV, p. 7, 86.

[62] Bussy à Mme de Sévigné, 20 juin 1678. V. PIGNOT, Gabriel de Roquette, t. II, p. 259, Paris, 1876.

[63] Louvois à Mme Foucquet, 31 juillet 1678. Archives de la Bastille, t. III, p. 207.

[64] Archives de la Bastille, t. III, P. 207 et 208. Louvois à Saint-Mars, 10 et 25 septembre 1678.

[65] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 402, 447.

[66] Louvois à Saint-Mars, 23 décembre 1679. Arch. nat. K,120, 245. DELORT, Détention, t. I, p. 273.

[67] Archives de la Bastille, t. III, p. 208. Louvois à Foucquet.

[68] 17 février 1669. Archives de la Bastille, t. III, p. 209, d'après les Archives du ministère de la guerre. Foucquet écrivit à Louvois vers le 7 janvier et vers le 3 février 1679.

[69] Louvois à Saint-Mars, 15 février 1679. Arch. nat. K, 120, 257. DELORT, Détention, t. I, p. 286. Je dois noter ici que M. Iung, L'homme au masque de fer, s'est trompé en supposant que Dauger ne fut mis au service de Foucquet qu'à partir de décembre 1678.

[70] 20 janvier 1879. DELORT, Détention, t. I, p. 280.

[71] DELORT, Détention, t. I, p. 284.

[72] DELORT, Détention, t. I, p. 283.

[73] Archives de la Bastille, t. III, p. 210. Lettre de Foucquet à sa mère, datée de Pignerol, 20 février 1879.

[74] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 420.

[75] SAINT-SIMON, Mémoires, t. XIII, p. 74.

[76] GOURVILLE, Mémoires, p. 569.

[77] 10 mai 1679. DELORT, Détention, t. I, p. 297.

[78] Louvois à Saint-Mars, 18 août 1679. Arch. mat. K, 120, 275. DELORT, Détention, t. I, p. 300.

[79] 18 août 1679. Lettre déjà citée.

[80] 6 et 13 novembre 1679. Arch. nat. K, 120, 285, 286. DELORT, Détention, t. I, p. 306, 307.

[81] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 445.

[82] Louvois à Saint-Mars, 18 décembre 1679. Arch. nat. K, 120, 289. DELORT, Détention, t. I, p. 310. Cf. Louvois à Mme Foucquet, 31 juillet 1679. Archives de la Bastille, t. III, p. 212. Madelaine Foucquet resta à Pignerol avec son second frère.

[83] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 401.

[84] Louvois à Saint-Mars, 24 janvier 1080. Ara. nat. K, 120, 293. DELORT, Détention, t. I, p. 313.

[85] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 402. Je mis ici le texte d'un ms. qui m'appartient : Vous jugez bien qu'il luy parla fort de moy et qu'il n'oublia rien, etc. Ms. IV, f° 704.

[86] MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 420.

[87] Louvois à Saint-Mars, 28 novembre 1673 et 11 décembre 1679. Arch. nat. K, 120, 288, 290. DELORT, Détention, t. I, p. 308, 309.

[88] Le bruit de sa mort avait déjà couru en 1679. BUSSY-RABUTIN, Correspondance, t. IV, p. 455, 467.

[89] Louvois à Saint-Mars, 9 avril 1680. Arch. nat. K, 120, 203. DELORT, Détention, t. I, p. 321.

[90] Cette église est aujourd'hui un dépôt de mendicité.

[91] Archives de la Bastille, p. 213, 214.

On a publié une épitaphe latine de Nicolas Foucquet :

Nicolaus Foucquet, Fr[ancisci] eques, vicecomes Melodunen[sis], procurator generalis senatus Parisien[sis], summus aerario praefectus, Statua minister, auctur fuit transferendi senatum Parisiis Pontisaram, unde primo saluas publicae origo ; aerarium, fide et pecunia exhaustum, restitnit spe lucri ; bine invidiae calumniandi occasio, quae, dum virum virtute electum deprimere nititur, reddidit utraque fortuna illustrissimum, eripiente eum Domino. JUGE, Étude historique sur les Fouquet de Belle-Isle. Paris 1866, p. 54. M. Juge ne dit pas où il a trouvé cette épitaphe. Il nous parait douteux qu'elle ait été publiée. On lui aura sans doute trouvé un trop grand caractère de protestation.