NICOLAS FOUCQUET

HUITIÈME PARTIE

 

CHAPITRE PREMIER. — LECTURE DE L'ARRÊT À FOUCQUET.

IL QUITTE LA BASTILLE. — IL EST CONDUIT À PIGNEROL. — SA GARDE EST CONFIÉE À SAINT-MARS. — ORGANISATION DE LA SURVEILLANCE. — LE ROI DÉFEND DE DONNER AU PRISONNIER DES NOUVELLES DE SA FAMILLE. — EXIL DE LA FAMILLE FOUCQUET ET DE SES AMIS. — PUNITION DES COMMISSAIRES DE LA CHAMBRE DE JUSTICE. — DIVERSES EXÉCUTIONS PAR LA CHAMBRE. — DESTRUCTION DES PAPIERS DE MAZARIN. — LA FOUDRE FRAPPE LE DONJON DE PIGNEROL. — NOUVELLES RIGUEURS CONTRE FOUCQUET. — IL FST TRANSFÉRÉ À LA PÉROUSE. — FIN DES POURSUITES DE LA CHAMBRE. — APOGÉE DE COLBERT. — LOUIS XIV QUITTE LA VALLIÈRE. — FOUCQUET RÉINTÉGRÉ À PIGNEROL. — TRAVAUX DE FOUCQUET DANS SA PRISON. — LAFORÊT TENTE DE SAUVER SON MAÎTRE. — IL EST PENDU. (1664-1666.)

 

 

Le lundi 27 décembre, sur les huit heures du matin, Foucault, assisté d'un commis greffier et de quatre huissiers, se rendit à la Bastille pour signifier à l'accusé l'arrêt de l'avant-veille. D'Artagnan fit descendre Foucquet dans une vaste pièce située au-dessous de sa chambre. C'était l'ancienne chapelle haute du château. Aux quatre coins, paraissaient encore les emblèmes symboliques des quatre évangélistes, derniers vestiges du caractère religieux du lieu. On y avait fait apporter d'avance une table et un seul siège, pour Foucault.

Interpellé d'abord d'avoir à dire son nom : Vous le connaissez assez, répondit Foucquet ; et, comme Foucault insistait, alléguant l'usage : J'ai refusé de dire mon nom à la Chambre, pour sauvegarder mon privilège ; au surplus, c'est à vous à me dire pourquoi sous me demandez mon nom[1]. Sans pousser plus loin la discussion, Foucault, prenant son bonnet qu'il avait posé sur la table, et s'en couvrant, lut l'arrêt au prisonnier, resté debout, découvert, le chapeau à la main. Cette lecture finie, Foucquet renouvelle ses protestations, en demande acte. N'obtenant pas de réponse, il s'adresse aux témoins, les supplie de se souvenir de ce refus. Pour couper court à cette scène émouvante, d'Artagnan fait rentrer le condamné dans sa chambre. En même temps, Besmaux conduisait La Vallée et Pecquet dans une autre pièce de la prison. Ces deux hommes de cour fondaient en larmes, demandant à suivre leur maître. Qu'alloit-on faire de luy ? ne vouloit-on pas le faire mourir ? Dans leur désespoir, ils s'arrachaient les cheveux. D'Artagnan, par humanité, leur envoya dire de se rassurer, et qu'il ne s'agissait que du bannissement.

C'était un dur, mais loyal soldat que d'Artagnan. Se trouvant seul avec Ormesson, venu ce même matin pour reprendre les fameux registres de l'Épargne, il l'embrassa et lui dit à l'oreille qu'il était un illustre, on dirait aujourd'hui un brave hommeJe n'entends rien, ajouta-t-il, à toute cette affaire ; à mon retour, je viendrai vous entretenir.

Foucault, son expédition terminée, en rend compte au rapporteur, rédige avec lui le procès-verbal de décharge des registres. Puis, Ormesson, conduit dans la chambre occupée jusqu'alors par Foucquet, prend tous les papiers, simples copies, parait-il, des pièces du procès[2]. S'il y en avait d'autres, Besmaux avait eu le temps de les enlever. Comme l'honnête magistrat revenait, Foucquet, de la fenêtre de la nouvelle chambre où on l'avait séquestré, l'aperçut, lui cria qu'il était son très humble serviteur. Ormesson n'osa répondre que par un salut ; mais il courut, le cœur serré, chez son amie Sévigné, se soulager en lui racontant ce qu'il avait vu[3].

Sur les onze heures, on fit monter Foucquet en carrosse, sans lui permettre de voir personne de sa famille, pas même sa mère, pas même sa femme ni ses enfants. On ne put si bien faire, toutefois, que le fidèle Laforêt ne parvint à se placer sur le passage de son maitre. Foucquet, d'un geste amical, lui témoigna toute sa reconnaissance. Je suis ravi de vous voir ; je sais votre fidélité et votre affection. Dites à nos femmes qu'elles ne s'abattent point ; que j'ai du courage de reste et que je me porte bien[4].

Laforêt était ce brave garçon qui, voyant le surintendant arrêté à Nantes, était parti à la première minute à franc étrier pour Paris. S'il avait autrefois servi son maitre jusque dans ses faiblesses, il lui resta non moins fidèle dans le malheur, et dévoué jusqu'au sacrifice de sa vie.

Spectacle non moins surprenant, quand le carrosse sortit de la Bastille et franchit la porte Saint-Antoine, tout le peuple acclama le prisonnier, le couvrant de bénédictions[5]. Au jour de son arrestation, le surintendant eût couru risque d'être pendu. Un jugement déloyal dans la procédure, arbitraire dans l'application de la peine, cette peine elle-même cruellement commuée en une sorte de mort perpétuelle, cette complète tyrannie avait retourné les esprits. Ce fut comme un triomphe. Au fond de son carrosse, entre les trois hommes qui le gardaient à vue, au milieu des cent cavaliers[6] de son escorte, Foucquet paraissait calme, souriant à ce dernier souffle de la faveur populaire, faveur sincère, cette fois. Le peuple n'avait rien compris aux chicanes du procès ; il était devenu clair pour lui que Foucquet, prodigue peut-être, jamais avare, n'était pas un de ces pleutres qui, chassés d'un pouvoir malhonnêtement exercé, se retirent piteusement dans l'ignominie d'une fortune faite à ses dépens.

 

La désignation de Pignerol comme lieu de captivité constituait déjà une première peine. Nicolas, à chaque étape de ce triste convoi, put croire qu'il redescendait le cours de sa vie.

La première couchée fut à Villeneuve Saint-Georges. Le lendemain, on passa par Melun, presque en vue de Vaux, pour aller prendre le gîte du soir dans quelque auberge à Fontainebleau, à deux pas de la Surintendance et de la petite laiterie de la Mi-Voie. La pauvre Menneville expiait les faiblesses de son cœur dans un couvent, où bientôt elle devait mourir, victime peut-être innocente.

Le lendemain, nouveaux souvenirs, Moret à traverser, son vieux donjon, séjour alors détesté, envié à cette heure. L'avant-dernier voyage du surintendant, au temps de sa prospérité, s'était fait sur cette route, mais dans l'autre sens, quand il revenait des Pyrénées, premier messager de la paix assurée, personnellement vainqueur de ses ennemis, il le croyait du moins, s'apprêtant à recevoir la soumission de Colbert abandonné par son maître Mazarin. À Dijon, il avait parlé en maitre aux États ; à Lyon, il avait reçu les ovations.

Ce fut bien pis, quand de Lyon il fallut gagner le Dauphiné, en suivant d'abord ces rives du Rhône, où quelques lieues plus bas, à Valence, il avait failli être précipité par une foule en fureur. C'est à Grenoble qu'il avait pour la première fois exercé le pouvoir comme intendant. Il y revenait prisonnier.

On était en plein hiver, par un temps fort rude. Quelque chemin qu'on prit pour gagner Embrun et Briançon, la neige et la glace les couvraient. À Embrun, l'évêque d'Agde chercha à voir son frère au passage. On ne sait s'il y réussit[7]. Après la première heure de surexcitation à la sortie de Paris, et la première joie de ne plus sentir peser sur ses épaules les lourdes voûtes de la Bastille, Foucquet avait été repris par ses infirmités. On le sut bientôt à Paris, car on y suivait le prisonnier jour par jour dans sa marche vers l'exil. Les amis s'alarmèrent. Des bruits d'empoisonnement avaient couru. Quoi, déjà ![8] s'écria Mme de Sévigné. Alarme vaine ; crainte injuste, au moins quant au Roi, trop enclin à la rancune, mais incapable d'un pareil crime. D'Artagnan, au contraire, continuait à donner à son captif de nombreuses preuves de bonté, relevant son courage, lui répétant que tout allait bien. Il le couvrit de fourrures, quand le convoi franchit les Alpes, en gravissant le mont Genèvre, vers le 10 janvier, par un froid partout rigoureux en cette saison, presque insupportable au milieu de ces montagnes et dans ce col étroit de Cervière, où le vent cingle le visage.

On atteignit enfin les fameuses portes Dauphinoises, anciennes frontières de la France, Fenestrelle, où un pontife devait être un jour enfermé par un despote populaire, plus dur que Louis XIV, puis le petit fort, à demi ruiné, de la Pérouse. Enfin, le 16 janvier[9], au détour de la vallée, on aperçut, se détachant sur le fond blanc des montagnes, une enceinte de briques brunes, des maisons aux toits rouges, et par-dessus tout, dominant les clochers des églises et de l'abbaye, le haut donjon de Pignerol.

Pignerol ! Pendant le règne de Louis XIII, on n'avait parlé que de cette conquête. Le père de Nicolas Foucquet était un des négociateurs qui en avaient apporté la clef à Richelieu. Sept ans déjà passés, l'aimable et intelligente petite Bretonne, Mlle de Trécesson, l'aurait fait rendre aux Piémontais, si le duc de Savoie eût voulu épouser une Mazarini. Le mariage d'Espagne avait fait avorter toutes ces combinaisons. Où était-elle à cette heure, cette nièce de Mme du Plessis-Bellière ? Elle menait une existence assez agitée ; mariée à un Cavour, puis chassée du Piémont, elle s'était retirée en Provence[10].

Autre souvenir, le gouverneur de Pignerol était un sieur de Roncherolles, cousin de Menneville, la belle et aimable fille d'honneur[11].

 

Pignerol était alors une ville non pas italienne, non pas française non plus. On y parlait piémontais, et cela suffisait pour qu'un étranger, un espion, un conspirateur d'enlèvements s'y fit promptement reconnaître à son langage. Entrer dans Pignerol était déjà difficile, mais il n'était permis à personne de la ville de pénétrer dans la citadelle, à personne de la citadelle de franchir la porte du donjon assigné pour séjour à Foucquet.

Dans ce donjon, situé au nord-est, divisé en plusieurs étages, on avait préparé une chambre assez grande, de 26 pieds de long (8m,60) sur 12 pieds (3 mètres) de large, une autre un peu plus petite, avec une grande garde-robe[12]. C'est là qu'on introduisit le maître de Saint-Mandé, le seigneur de Vaux. D'Artagnan prit congé de Nicolas, le laissant à la garde d'un de ses lieutenants, le sieur de Saint-Mars, qui, dès le 20 décembre, avait été envoyé en avant à Pignerol, où il était arrivé le 10 janvier pour préparer les logements[13].

Le choix qu'on avait fait de Saint-Mars pour le garder ne déplut pas au prisonnier. C'était déjà une vieille connaissance pour lui ; il l'avait vu dans l'escorte qui de Nantes le conduisit à Angers, puis d'Angers à Amboise. Peut-être même le connaissait-il de plus loin. Le brigadier, de son vrai nom, s'appelait d'Auvergne ; son père, escuyer, sieur de Saint-Mars, servait comme capitaine d'infanterie dans le régiment de Persan[14], que Foucquet avait eu sous ses ordres lors du blocus de Paris en 1658.

Louis d'Auvergne, comme son régiment, avait suivi Condé dans sa lutte contre Mazarin et s'était retiré à Bruxelles[15]. Bénigne, le fils, avait pris ses grades parmi les mousquetaires. C'était un homme de quarante-trois ans environ, grand, beau soldat, d'humeur assez gaie, mais rompu à la discipline, suivant les ordres à la lettre, plutôt au-delà qu'en deçà. Colbert le connaissait bien et lui avait donné des instructions en conséquence.

Circonstance aussi véritable que surprenante, le geôlier et le prisonnier, Saint-Mars et Foucquet, étaient parents sans le savoir. Dans la descendance de Jean Bureau, grand maitre de l'artillerie sous Charles VII, le savant Godefroy avait placé les Castille-Villemareuil et Mme la surintendante. Or, en remontant à plusieurs générations en arrière, on y trouvait aussi un sieur du Tremblay allié à une famille Garreau ou Garrot. Précisément la mère de Saint-Mars était issue de cette famille[16].

Une grande dame, comme Mme Foucquet, ne considérait pas l'alliance d'un brigadier de mousquetaires. Le brigadier eût peut-être agi autrement ; mais, sans fortune, pris dans les troubles, il n'avait guère eu le temps de s'enquérir des parents de sa mère.

On peut ajouter que, si la moindre reconnaissance de parenté se fût opérée publiquement, la défiance de Colbert eût aussitôt changé le geôlier.

 

Interdiction absolue de toute communication du prisonnier avec qui que ce soit, de vive-voix ou par écrit, de toute visite, de toute sortie, même pour se promener. Pas de plumes, pas d'encre, ni de papier. Des livres, un à la fois, visité avant et après la lecture. Pour le service, un valet, mais qui n'aura non plus de liberté que ledict Foucquet, moyennant quoi on lui allouera 600 livres de gages. Quant à la forme de la garde, on ne prescrivait rien. Saint-Mars se réglera sur ce qu'il a vu pratiquer par le sieur d'Artagnan, à Vincennes et à la Bastille[17]. Pour plus de sûreté, Louvois donnait à Saint-Mars un surveillant, pour ne pas dire un espion, dans la personne d'un sieur Damorezan, commissaire des guerres à Pignerol, qui lui tenait par des liens plus étroits que légitimes[18].

Saint-Mars, nommé capitaine d'une compagnie franche, commandait seul dans le donjon. Suivant une méthode qui rappelait l'administration romaine, les provinces réunies et les villes frontières étaient partagées entre les différents ministres. Pignerol appartenait comme gouvernement au ministère de Le Tellier. Cependant, les travaux neufs ou réparations concernaient celui de Colbert. Saint-Mars était d'ailleurs résolu à rester agréable à l'un et à l'autre de ces deux illustres.

Il s'appliqua d'abord à former sa compagnie. Quatre officiers, autant de bas officiers, cinquante hommes, puis soixante[19]. Toute sa famille y entra, les Formanoir, les Blainvilliers, braves gens, ayant reçu plus de coups à la guerre que de pensions. L'entretien de tout ce monde, payé par abonnement, était une source presque autorisée de petits profits. Avec un prisonnier pour qui le Roi donnait 8.000 livres environ par an, 40.000 francs à la valeur de nos jours, non compris les habits, les livres, etc., la situation devenait acceptable. Enfin, et pour mettre le capitaine tout à fait en bonne disposition, on paya la solde à partir du 1er janvier, bien qu'il n'eût pris son service qu'à la fin du mois. On lui fit d'ailleurs fortement sentir le prix de cette grâce[20].

Les premiers mois de la captivité se passèrent sans difficultés trop grandes, si ce n'est pour le choix d'un confesseur. C'était le seul, l'inévitable défaut dans le solide réseau forgé autour du prisonnier. Le plus autoritaire des Rois Catholiques n'aurait pas refusé un confesseur au plus dangereux de ses ennemis. Captif et tyran s'inclinaient sous la même loi. Cependant, Foucquet pouvait ne se confesser que pour obtenir des nouvelles. De là, nécessité de choisir et de surveiller le confesseur. On en prit d'abord un du pays, puis un autre, parlant français, précepteur chez le commissaire des guerres, Damorezan. Cet ecclésiastique était de l'humeur souhaitée. Certes il ne révélait pas les secrets de la confession, mais donnait des renseignements utiles, par exemple, d'avoir à veiller aux livres empruntés pour Foucquet. Aussitôt, Saint-Mars, renonçant aux emprunts, en acheta fort loin, à Turin, à Lyon. On limita les confessions à quatre fois par an[21].

Le printemps revint, faisant fondre les neiges sur les montagnes. Foucquet demanda des lunettes d'approche. Puisqu'on lui défendait de sortir des quatre murs de sa prison, ne pouvait-on pas lui permettre d'appeler à lui, par une illusion d'optique, la montagne verdoyante, l'espace, l'apparence de la liberté ? Louvois refusa. Le prisonnier a, dit-il, vraisemblablement dessein de s'en servir à quelque chose contre le service de Sa Majesté. On avait vu dans la ville un homme suspect ; puis deux domestiques du surintendant[22], qui cherchaient peut-être à faire passer quelque billet à leur maître. Par un redoublement de sévérité, le Roi n'avait plus voulu qu'on donnât au prisonnier des nouvelles de sa famille. Une lettre de Mme Foucquet, remise à d'Artagnan, fut renvoyée au souverain et gardée par lui[23]. Nicolas se plaignit de la rigueur de Saint-Mars, qui transmit la plainte avec une scrupuleuse fidélité. Cela lui valut un compliment sur son exactitude et un encouragement. Il faut faire son devoir et laisser parler ceux qui y trouvent à dire[24].

 

Le Roi, absolument implacable, de même qu'il avait commué le bannissement de Foucquet en prison perpétuelle, trouva bon d'infliger à une famille innocente un exil arbitraire. Le 21 décembre 1664, bien que ce fût un dimanche, le prévôt de l'Isle enjoignit à Mme Foucquet la mère et à sa belle-fille de se rendre à Montluçon, la marquise de Charost et à son mari de se retirer à Ancenis, enfin à Gilles Foucquet, l'écuyer, de se tenir à Joinville en Champagne[25]. C'étaient ces braves gens qui, à l'admiration générale, avaient si généreusement défendu leur mari, leur fils, leur frère. Foucquet prisonnier, ses biens sous séquestre, ils n'étaient pas faits pour donner de si grandes craintes.

La pauvre grand'mère, Marie de Maupeou, supplia le Roi de lui laisser au moins son fils Gilles. Elle avait soixante-douze ans. Il l'assisterait à la fin d'une vie qui apparemment ne serait pas longue. Gilles Foucquet lui-même, abandonné par sa femme, Mlle d'Aumont, déclarait qu'il n'avait pas pour se nourrir, si on ne le laissait avec ses parents. Il fallut se rendre à l'évidence. On autorisa d'abord Mme Foucquet la mère à habiter l'abbaye du Parc-aux-Dames, auprès de sa fille, qui en était abbesse[26], puis Gilles à vivre auprès de sa belle-sœur. Enfin, après un pénible marchandage, ces trois victimes reçurent la permission d'habiter ensemble à Montluçon.

Les autres frères, bien que s'étant moins montrés dans le procès, ne furent pas mieux traités. François Foucquet, l'archevêque de Narbonne, Louis, l'évêque d'Agde, Basile, l'abbé, reçurent l'ordre de se rendre à Alençon, à Villefranche, à Bazas[27].

Comme les parents, on dispersa les amis et les serviteurs. Bailli, avocat au Grand Conseil, fut exilé pour avoir dit à Gisaucourt de prendre garde en donnant son avis, que la Compagnie serait déshonorée s'il suivait Colbert et Pussort[28]. Pecquet et La Vallée furent gardés à la Bastille pendant quatre mois, par défiance, pour les empêcher de conspirer. Pecquet offrit en vain de s'enfermer à Pignerol. Il avait montré trop de talents divers en aidant Foucquet au cours du procès, en copiant ses pièces. Cet homme admirable fut reconduit à Dieppe, où, tout en illustrant son nom, il ne cessa jamais de veiller de loin sur la santé de son cher maitre et ami[29].

 

Vit-on jamais dévouements plus nobles, plus touchants ? Seul, le jeune Louis restait inexorable, montrant toujours, même en dansant ses ballets, un front sévère et hautain. La bonne Sévigné, obligée d'assister à ces fêtes, et comme mère et parce qu'il ne lui était pas permis de laisser voir trop de peine, se désolait à l'aspect de ce dur visage et murmurait ce vers :

Forge più di timor che di speranza[30].

Ce jeune prince se trouvait, parait-il, plus lésé que Foucquet par l'arrêt du 20 décembre. Les juges l'avaient trahi. Colbert le lui prouvait.

A quel but devait tendre la Chambre ? À venger le peuple, à reprendre aux financiers leurs profits.

Qu'avait-elle fait depuis trois ans et trois mois ? Au civil, elle a supprimé un million de rentes sur les tailles ; imputé les arrérages sur le principal ; décidé le retour au Roi des domaines aliénés depuis son avènement. Voilà tout.

Au criminel ? Elle a jugé Bruant, Gourville, par contumace. Colbert ne disait pas qu'il avait fait échapper Gour-ville. Elle a condamné à mort deux ou trois misérables. On n'a rien fait des trésoriers de l'Épargne, de Catelan, de Boilève, de Delorme. Au surplus, que peut-on attendre d'une Chambre qui n'a pas trouvé Foucquet assez criminel pour le condamner, lui convaincu par l'aveu de son crime, par son écriture reconnue, par tant de millions consommés ? Assurément, ces gens-là ne condamneront pas des trésoriers, simples exécuteurs de ces désordres ; tout au plus frapperont-ils quelque sergent. La corde n'est faite que pour les coquins.

Aussi les prétentions des accusés vont en augmentant. Un Aubert allègue, pour sa défense, qu'on n'a pas condamné à plus de 2.000.000 de livres les fermiers des Gabelles, à qui le Roi doit sept millions. Un sieur Jacquier s'inscrit en faux contre tous les procès-verbaux de l'Épargne et veut compenser ses dettes avec ses créances sur le Roi. Et la Chambre l'admet ! C'est désormais sa jurisprudence !

Les treize, qui ont esté favorables au sieur Foucquet et qui sont les mesmes qui ont toujours esté contraires à ce qui a esté advantageux au service du Roy, le seront encore en toutes choses. Quant aux neuf — les neuf qui avaient voté la mort —, ce sera beau s'ils se maintiennent, abandonnés de tous, exposés aux insultes et aux affronts.

Voici ce que proposerait Colbert, si le Roi l'agréait. Continuer quand même la séance de la Chambre jusqu'au départ du souverain pour Saint-Germain, lui faire juger quelques procès criminels, les affaires d'Aubert et de Jacquier, dans le sens voulu, former sur le, tout une déclaration du Roi, abolissant le crime et convertissant les recherches en taxes ; réunir les biens des traitants au domaine royal, à charge des hypothèques. On payera les créances véritables ; on emprisonnera les traitants. — Le Roi est jeune ; il purgera, par la longue possession, les défauts possibles du titre ainsi obtenu[31].

En Conseil, Colbert avait proposé de fermer la Chambre. Le Roi devait porter au Parlement un acte de confiscation de tous les biens des gens d'affaires. C'est de Sève qui fit ajourner la décision[32]. Colbert, comme on l'a vu, consentait bien à modifier la forme, pourvu qu'on lui abandonnât le fond. C'est par là qu'il séduisait ce jeune prince, très avide comme son conseiller, mais avec cette vue toute différente de pouvoir être aussi très prodigue.

Colbert ne quittait pas aisément une idée. Il en voulait à la Chambre. Il fallait la révoquer, composer une Chambre royale.

En fin de compte, on se décida pour une épuration. Dès le 11 février, Rocquesante fut exilé à Quimper-Corentin. — On sait assez que le destin adresse là les gens quand il veut qu'on enrage. En annonçant à la Chambre la décision du prince, Séguier laissa entendre qu'on serait allé plus loin, sans certaines considérations. En d'autres termes, on aurait pu poursuivre Rocquesante pour corruption. Lui et une dame de Rute avaient trafiqué avec Berryer. Un comble ! Punir ce juge consciencieux ne suffisait pas, on voulait le flétrir. Un arrêt fut rendu, sans délibéré, et Rocquesante livré à Gisaucourt.

En même temps, on renvoya Du Verdier à Bordeaux. On inquiéta l'honnête Moussy, l'héroïque Masnau. Ormesson se vit privé de la charge de son père, avec un mot très dur.

 

A la rentrée de la Chambre de justice (12 janvier 1665), un premier arrêt ordonna que des monitoires seraient partout publiés pour obtenir connaissance des biens appartenant ou ayant appartenu au sieur Foucquet[33]. Tous les locataires, fermiers, etc., du surintendant sont sommés d'avoir à produire leurs titres[34].

Foucquet n'avait pas menti, ses créanciers se révélaient en grand nombre, et pour de grosses sommes. La confiscation de tous les biens de leur débiteur, au seul profit du Roi, ne pouvait les satisfaire. Aussi s'étaient-ils réunis, nommant des directeurs. À leur requête, il fallut ordonner un récolement des meubles à Vaux, à Saint-Mandé, à Paris, où depuis trois ans tout était au pillage[35]. On veilla à l'entretien des magnifiques orangers de Saint-Mandé[36]. Le Roi les prit.

Aussitôt, le procureur général Chamillart intervient, expose à la Chambre qu'il a voulu saisir les biens de Foucquet en vertu de l'arrêt du 20 décembre. Des créanciers prétendent s'opposer à cette saisie ; ridicule prétention qui réduirait le Roi à la simple perception de l'amende, à une confiscation illusoire. C'est inadmissible ! Les créanciers n'ont rien à espérer[37].

Évidemment, on voulait se dédommager sur les biens de ceux qu'on ne pouvait faire périr. Les créanciers de Jeannin s'étant aussi opposés à la saisie de son actif, alléguaient qu'on lui devait plus de six à sept millions, sur lesquels le Roi pouvait se payer des huit cent mille livres de restitution. Séguier se récria. Pas de compensation ! Ce chef de la justice ne parlait plus que par maximes capables de donner de l'horreur à un Turc[38].

Un autre traitant, Jacquier, un de ceux que Colbert avait désignés aux poursuites, s'était échappé. De sa retraite, il protestait avec une telle énergie que Pussort eut peur et se fit récuser. Sainte-Hélène fut avisé qu'il serait pris à partie, lui et sa postérité[39].

Tous cependant ne s'en tiraient pas à si bon compte. Au cours de son procès, Foucquet avait cité, comme preuve de l'amnistie accordée à tous les crimes, l'exemple de Fargues, l'ex-gouverneur de Hesdin[40]. Est-ce ce souvenir ? est-ce un autre incident qui ramena l'attention sur cet infortuné ? Toujours est-il qu'il fut pris, jugé, pendu en quelques semaines. Il eut pour juge Machault, le fils d'un des commissaires de Chalais, et non pas Lamoignon ; comme Saint-Simon l'a dit ; mais Lamoignon eut le tort grave d'accepter les biens de la victime. C'était relativement si peu de chose, que le Roi les donna, tristes largesses, ensanglantant à la fois les mains qui les reçoivent et celles qui les donnent.

Une tempête de confiscations soufflait sans relâche. Colbert, dans un Mémoire sur le règlement des taxes, n'indiquait pas d'autre moyen : rechercher tous les effets des gens d'affaires ; attacher un homme intelligent à la recherche des vieux billets remboursés ; en distribuer la restitution. On entend bien que, par distribuer, Colbert veut dire imposer. Une cote mal taillée, voilà tout !

Les effets (c'est-à-dire les créances) de ces gens-là une fois saisis, M. Chamillart en a la liste, voir ce qui leur sera dû par Foucquet. Le Roi le prendra en payement de leur propre dette envers lui[41].

Pour éviter la criaillerie, il sera bon de se rendre maitre d'une des prisons de Paris, comme le For-l'Évêque, pour y mettre tous les gens d'affaires qu'on arrêtera, s'ils ne pavent leurs taxes. Au besoin, vider la Bastille de tout ce qui s'y trouve à présent, même des criminels, le seul Jeannin excepté. Ces gens-là y sont trop à leur aise ; il faut les fatiguer[42].

Comme pour mieux marquer la volonté du gouvernement, le 1er juin 1665, le procureur général près de la Chambre de justice requit la nomination d'un tuteur aux enfants de Nicolas Foucquet, la désignation à cet effet d'un conseil soi-disant de famille, uniquement composé d'étrangers, quatre d'un côté, quatre de l'autre. Ainsi Foucquet était mort civilement et sa famille restait placée, en dehors du droit commun, sous la juridiction de la Chambre[43].

 

Au moment où l'on traitait l'infortuné prisonnier comme s'il n'était plus de ce monde, peu s'en fallut que la fiction de droit ne devînt une réalité. L'ingénieur chargé d'assurer son logement à Pignerol avait signalé comme nécessaires certains travaux dans la citadelle, notamment la construction de magasins à poudre, si l'on voulait retirer du donjon ces dépôts dangereux[44]. Vers le 18 juin, en plein midi, une explosion formidable ébranlait l'édifice jusque dans ses fondements. La foudre l'avait frappé, allumant les poudres amoncelées. Quand Saint-Mars accourut, il aperçut d'abord un certain nombre de soldats blessés ou mourants ; sous l'amas des décombres on cherchait Foucquet et son domestique, et déjà on les tenait pour morts, quand on les aperçut réfugiés et comme suspendus sur l'embrasure d'une fenêtre faisant saillie en dehors. Le plancher de leur chambre avait sauté sans les emporter. Ils se trouvaient, en quelque sorte, hors du donjon, dans la ville, en liberté[45].

 

A cette nouvelle, ce fut une exclamation générale. Le ciel avait miraculeusement sauvé Foucquet. Le ciel ratifiait la conduite d'Ormesson. Bien souvent ceux qui paroissent criminels devant les hommes ne le sont pas devant Dieu[46].

Le brave et honnête Ménage, versificateur à toute heure, mais vraiment poète ce jour-là, inspiré par Mlle de Scudéry, par Mme de Sévigné, par la fidélité au malheur, adressa au Roi une très belle supplique en vers latins. Ô Louis, que de vicissitudes ! Foucquet, jadis tant aimé de toi ; Foucquet, tes délices, à qui tu confiais ta puissance, ton trésor, le voilà condamné par toi, loin de ses chers enfants, loin de sa patrie. Dans une haute prison, cent gardes se relèvent pour surveiller sa porte. Le ciel, par quelle cause, on l'ignore, foudroie les gardes et la prison. L'un est blessé, l'autre mourant. L'infortune est chose sacrée ; la foudre déchaînée épargne l'infortuné. Il te reste sain et sauf, ô Louis. À ton tour, ô Louis, image de la Divinité, d'imiter le Dieu suprême et de pardonner à ce malheureux[47].

Le Roi ne répondit pas. Louvois estima Foucquet très heureux d'avoir esté conservé dans un si grand désordre, alors qu'il y avait grand sujet de le croire, lui et son valet, ensevelis sous les ruines[48]. Ce fut tout ; ce terrible accident eut plutôt pour conséquence un redoublement de rigueur. Comme aucun logement n'était entier dans le donjon, ni même dans la citadelle, on dut conduire le prisonnier dans une maison de Pignerol, occupée par Damorezan, commissaire des guerres[49]. Comble de fatalité, parmi les débris des meubles brisés, on trouva des billets écrits par Foucquet, un livre où certaine page exposée au feu laissa voir des caractères écrits à l'encre sympathique. Un dossier de chaise renfermait des papiers. Le tout fut envoyé à Louvois et au Roi. Le captif, très ingénieux, avec un os de chapon faisait une plume ; avec du vin et de la suie, une encre excellente. À cela pas de remède ; mais on peut l'empêcher d'avoir du papier, en le fouillant. Le valet a trahi en n'avertissant pas. Il faut le réprimander sévèrement, surtout savoir de lui comment cette encre sympathique a été composée[50].

 

On ne laissa pas longtemps Foucquet dans Pignerol. Le 15 août, on le conduisit à la Pérouse, petit fort situé sur la croupe d'une colline à quelques lieues à l'ouest, en venant de France. Cet avant-poste, utile autrefois aux Piémontais, à cette heure inutile aux Français, était presque abandonné. On avait dû le remettre en état[51], mais quoi qu'on fit, le pauvre malade qu'on y enferma sentit tomber sur lui la fraîcheur des murs nouvellement recrépis de sa nouvelle prison, la huitième depuis sept ans. Une année s'y écoula, sans autres incidents que ceux de l'éternelle lutte entre les efforts de Foucquet pour écrire, donner ou recevoir des nouvelles, et l'application de Saint-Mars à déjouer ces ruses incessantes. Un jour on surprenait une plume, le lendemain du papier. Foucquet alors écrivit sur son mouchoir. Louvois ordonna de fouiller le prisonnier tous les jours[52]. On remplaça le valet infidèle, ce traître qui ne dénonçait pas son maitre. Le Roi d'abord n'avait point paru soucieux de connaître les sentimens de M. Foucquet ; mais Louvois fit sentir la nuance. Le Roi craignait les fausses confidences ; il voulait bien toutefois qu'on s'enquît auprès du valet de ce que faisait le prisonnier[53].

Surveillé dans ses pensées, traqué dans ses faits et gestes, le malheureux finit par se donner une occupation, qu'on ne connaît pas exactement. Elle marque bien, écrit le ministre à Saint-Mars, l'oisiveté dans laquelle il se trouve présentement. Il ne faut pas s'estonner qu'un homme qui a eu une longue habitude au travail s'aplique à de petites choses, pour s'occuper[54].

Cette inaction forcée pendant ces longues heures d'un emprisonnement qui ne comportait ni promenade, ni fenêtre ouverte, ni observation même lointaine de la terre ou du ciel, ni nouvelles d'aucune sorte, même de la famille, était la plus terrible des tortures que le Roi pût infliger à l'homme qui avait tant travaillé pour lui. Foucquet, vers le mois de juin, tomba malade, demanda le secours de son fidèle Pecquet. On le lui refusa durement. Cet homme, écrivit Louvois, ne luy rendra jamais ses services, soit dans sa profession, soit dans le mestier d'un simple valet[55].

 

On ne pouvait pas être tendre pour Foucquet alors qu'on s'efforçait de tirer comme conséquence de ce vaste procès, et comme consolation de son avortement, de grands profits pécuniaires.

Colbert, avec le coup d'œil sûr d'un oiseau de proie, ne s'était pas trompé. Les poursuites au criminel ne donneraient plus rien. On condamna aux galères un pauvre diable de Gisors, appelé Lempereur. Ce fut tout, ou à peu près. On finit, malgré Poncet, toujours hypocrite, à accorder une abolition à M. de Guénégaud, admirablement défendu par sa femme, amie de Foucquet, amie de Mme de Sévigné.

Entre temps, l'honnête Masnau avait surpris de nouvelles fraudes. Le propre secrétaire du procureur général, Chamillart, copiait pour les Guénégaud les pièces de l'instruction[56]. Évidemment, on ne prenait plus au sérieux la Chambre de justice. Cette vieille machine de guerre pouvait encore servir à quelques confiscations. Rien de plus.

Le 14 juillet, on envoya à Vaux et à Saint-Mandé, faire le récolement des meubles, le procureur Chamillart et le commissaire La Baulme. Ce dernier se fit répéter l'ordre, tant la besogne lui répugnait[57]. Deux mois après, le pauvre homme était renvoyé dans ses foyers[58]. Il partit, heureux d'être libéré de ces corvées répugnantes. Tous les fermiers de Foucquet étaient appelés à rendre compte[59]. La surveillance était exacte. On avait signalé à l'hôtel de Chartres[60] des livres marqués aux armes de Foucquet. Ils furent saisis et, malgré l'opposition de Jannart, substitut au Parlement, remis avec les autres manuscrits en la bibliothèque du Roi.

Toutes ces procédures n'allaient pas à de grands résultats. Le Roi expulsa lui-même la Chambre du Grand Arsenal dans le Petit Arsenal. C'est là que M. Guénégaud, à genoux, écouta lire les lettres d'abolition de ses crimes[61]. Le 18 octobre 1666, on finit par où Foucquet avait autrefois voulu commencer, par une transformation de toutes ces poursuites en taxes, arbitrairement fixées à un total de 110 millions de livres[62]. L'exécution fut digne de la conception. La Chambre conféra au Roi un droit d'hypothèque sur tous les biens des gens d'affaires, par préférence à tous autres créanciers. En vain quelques hommes de bon sens et d'équité protestèrent-ils contre cette violation du droit commun. Cette confiscation à peine déguisée fut mise à exécution. En vain allégua-t-on les familles ruinées, le crédit abattu, la foi publique détruite. Rien ne valut. On sut et il faudrait ne jamais oublier qu'il y a des temps où les particuliers ne peuvent se fier à la parole ou à la signature des gouvernants. Rien ne fausse plus la conscience d'un peuple que ces spoliations commises au nom de l'État, juge et partie. Le dépositaire de l'autorité, prince ou chef d'État qui, par méchanceté, par abandon aux passions mesquines des sous-ordres, réalise ces tristes profits, ruine le trésor qu'il croit enrichir, et lui fait plus de mal que les pires déprédations.

 

Ces décisions souveraines, rapaces et vexatoires, furent promulguées en séance solennelle du Parlement, le 22 décembre 1666. C'était le coup de massue. Lamoignon commença par louer le Roi des poursuites dirigées contre les financiers, il exprima la crainte toutefois que cette guerre ne portât jusque sur les innocents. L'avocat général Bignon parla avec une grande vertu en termes fort doux. Le Roi se montrait sur son trosne, plein de majesté et de terreur ; au-dessus cependant se voyait un autre trosne... le cœur de ses sujets, où il devoit régner... le trosne où Dieu mesme prenoit plaisir à demeurer. Puisque Votre Majesté veut estre obéie et qu'elle agit avec la plénitude entière de sa puissance, par son très exprès commandement et par le seul respect que nous devons à la présence de Sa Majesté, je requiers qu'il soit mis lu, vu et registré. — Cette harangue, dit un contemporain, satisfit extrêmement toute la Compagnie ; mais le Rov parut l'escouter avec peine[63].

Le plus triste, c'est que Louise de La Vallière, si douce, si désintéressée, venue seule avec quelques autres damoiselles, assistait à cette séance, spectatrice inconsciente de tant d'injustices accumulées, dont elle devait être bientôt la victime expiatoire.

Cette cérémonie équivalait à l'enterrement de la Chambre, qui ne resta plus qu'à l'état de fantôme pour enregistrer des décisions imposées, rendre des arrêts faits d'avance chez le contrôleur général et tirer le dernier sou des 110 millions. Si peu de chose que fût ce corps judiciaire, on tint à en chasser Masnau, Brilhac, Renard, Le Féron, Ormesson enfin. Croirait-on qu'on envoya un mouchard en Picardie, où cet honnête homme avait été intendant, pour chercher quelque prétexte à l'inquiéter et à le poursuivre[64] ?

Si la rancune de Colbert se chargeait des uns, le remords poursuivait et tuait les autres. Il n'appartient pas à l'homme de se faire le héraut de la justice divine ; mais il lui est donné de recueillir certains aveux. De celui de Sainte-Hélène, sitôt qu'il eut eu achevé d'opiner, il se sentit frappé au cœur, perdit le goût, l'appétit, sans pouvoir en revenir. Il avait opiné selon sa conscience, et pourtant, répétait-il chez ses amis, il voudroit qu'il luy en eust cousté un bras et n'avoir jamais opiné à la mort. Ferriol, confident de ces remords, en éprouvait de non moins cruels. L'un et l'autre moururent à bref délai[65], juges faibles, au fond braves gens. Les Pussort et les Poncet ne se troublaient pas pour si peu.

C'est vers ce temps-là que fut accompli un acte vraiment étonnant et qu'on ne saurait croire, si l'on n'en avait pas la preuve authentique. Colbert obtint du Roi la permission de livrer au feu les papiers de Mazarin, dont il était dépositaire, afin d'assurer ainsi le secret d'État et sa tranquillité personnelle. Ce fut toute sa reddition de comptes. Il est à croire que dans le brasier allumé pour détruire les pièces intéressant la mémoire du Cardinal, on jeta celles qui auraient pu servir à la justification de Foucquet[66].

 

Colbert, cependant, touchait à l'apogée de sa fortune, mariant une de ses filles au duc de Chevreuse, une fille de la Chevreuse à un de ses fils[67]. La chasse au Foucquet, à l'ennemi commun, finissait par des mariages.

Louise de La Vallière aussi était faite duchesse, mais malgré elle ; les lettres patentes de ce titre[68] non sollicité n'étaient au fond que des lettres de congé. La nouvelle duchesse courait après le Roi, qui courait après Mme de Montespan. À voir cette inconstance du jeune souverain, on aurait pu espérer que sa colère contre le surintendant tomberait comme sa passion pour la naïve demoiselle d'honneur. Mais, à mesure que ce prince si remarquable montrait, chaque jour croissantes, les qualités d'un grand roi, chaque jour aussi, par la force invincible du naturel et de l'éducation, augmentait son monstrueux égoïsme. Assurément, il ne pouvait plus ressentir de jalousie contre Foucquet ; mais il voulait ses trésors introuvables, ses biens qui disparaissaient sous les dettes. Colbert avait habilement changé l'objectif. Le Roi ne songeait plus à la confiscation du corps, si ce n'est pour parvenir à celle de l'argent.

Depuis le 14 août 1666, Foucquet avait été réintégré dans le donjon de Pignerol[69]. Les jours, les mois, les ans, allaient se passer désormais avec une régularité mortelle. Louvois consentit bien à donner des livres, le Dictionnaire nouveau des rimes françoises, les œuvres de saint Bonaventure, celles de Clavius, mathématicien du dernier siècle ; mais il refusait celles de saint Jérôme et de saint Augustin. Simple question d'argent peut-être ; car Louvois était très serré. S'il autorisait la confection d'un habit d'hiver pour le prisonnier, il obligeait à faire resservir les collets à passements. Tout vieil habit sera repris, de peur que Foucquet ne s'en serve pour corrompre son valet[70].

Vaine précaution. Les valets sont toujours infidèles. Saint-Mars propose de les enfermer, de manière qu'ils ne sortent que par la mort.

On avait encore trouvé des pièces d'escritures prouvant que le prisonnier a Grande envie de négocier et de lier commerce. Il affectionnait une vue du côté des chapelles, sur la montagne. Ordre de la boucher immédiatement. Il écrit sur ses rubans ; on ne lui en donnera que de noirs, on mettra des doublures noires à son pourpoint. On installera une blanchisseuse dans le donjon. Autre mesure. Une gratification de 1.200 livres est accordée au confesseur, et en même temps on fait dire à Foucquet que cet ecclésiastique n'est pas domestique de M. Damorezan, parti depuis plus d'un an de Pignerol[71]. Cela devait donner confiance à l'un et à l'autre. Le pénitent gardait toutefois quelque inquiétude. Il demanda le supérieur des Jésuites ou le Père gardien des Capucins. Par un même sentiment de défiance, on les lui refusa.

L'infortuné Foucquet ne passait point tout son temps en tentatives de correspondances. Il s'appliquait à la contemplation des choses spirituelles, composait des traités dignes de l'approbation de tout le monde. La connaissance s'en était répandue dans le public, sans qu'on puisse deviner par quelle voie. On y répétait que les disgrâces du surintendant qui le devoient apparemment accabler, au contraire, le portaient à un plus haut degré de perfection. On lui appliquait l'emblème du ver à soie : Inclusum Tabor illustrat[72]. Ces traités avaient pour sujet la piété, la religion, comme les Conseils de la sagesse, qu'on attribua plus tard au prisonnier, et qui ne seraient pas une œuvre indigne de lui.

 

C'était un terrible séjour que celui de cette citadelle de Pignerol, l'hiver comme ensevelie au fond d'un précipice de neiges et de glaces, l'été brûlée du soleil, au milieu de rochers concentrant et gardant jusque dans la nuit la lourde chaleur du jour. Les ardeurs de juin y étaient plus redoutables encore que les frimas de janvier. À partir de 1667, la santé de Foucquet périclita de nouveau. Le commencement de 1668 fut particulièrement pénible. Le maitre, si l'on peut donner ce nom au captif, et les valets étaient malades. Saint-Mars, redoutant quelque piège, redoublait de surveillance. Un jour, les Récollets venant demander une pistole qu'un des valets leur avait promise, le gouverneur la refusa. Cette aumône devait cacher quelque mystère. Vite, il en écrit à Louvois[73]. Nouvelles précautions contre Foucquet, qui en prend du chagrin[74]. Chagrin de prisonnier, tentative d'évasion.

En conscience, le logement de l'infortuné était bien fait pour redoubler ses aspirations à la liberté. Tout autour, au nord, à l'ouest, au sud, un cercle infranchissable de rocs neigeux, formant comme la dernière enceinte de la prison. Mais au levant, la vallée s'ouvre, s'élargit, laisse les regards atteindre les belles et vastes plaines du Piémont. Si, chaque soir, le soleil se couchait derrière les montagnes rendues par l'ombre plus effrayantes encore, chaque matin, il se levait riant et lumineux sur ces horizons ravissants, d'où l'on s'imaginait recevoir comme un parfum de vignes en fleur, comme un souffle de liberté.

 

Vers la fin de l'année 1670, deux hommes, précisément en passant par l'Italie, parvinrent à s'introduire dans Pignerol. L'un, le sieur de Valcroissant, se faisait appeler Honeste[75], l'autre, le véritable chef de l'expédition, était le fidèle Laforêt. Ce brave homme, bien muni d'argent, voulait délivrer son maitre.

Avec quelques pistoles, il gagna plusieurs des soldats placés en sentinelle sous les fenêtres de Foucquet et de ses valets, Champagne et La Rivière. Un plan d'évasion se forma. Mais Saint-Mars était un gardien vigilant. De plus, comme on l'a dit, il avait mis dans sa compagnie des neveux, des cousins, hommes très sûrs, aux oreilles très fines. Le complot fut déjoué par quelque indiscrétion de soldat.

Laforêt n'était pas homme à s'être coupé la retraite. Il avait fait à Nantes ses preuves de diligence. Lui et son compagnon, alors qu'on les cherchait encore dans Pignerol, avaient déjà gagné les terres neutres du Piémont et la grande ville de Turin. Ils étaient sauvés ; ils le croyaient du moins. Mais Saint-Mars n'était pas homme non plus à s'arrêter devant le premier obstacle. Il agit sans perdre de temps, et bientôt le major de place de Turin, peu soucieux du droit d'asile, surtout en matière politique, faisait arrêter les réfugiés et les renvoyait à Pignerol.

Furieux de ce qu'il avait failli être surpris, le gouverneur fit deux lots des coupables. Il réserva Honeste, personnage encore mystérieux ; quant au valet et à ses soldats, ils lui appartenaient. Il assembla ses officiers, jugea, condamna, exécuta sur-le-champ[76].

Le pauvre Laforêt fut pendu, ayant ainsi poussé le dévouement jusqu'à la mort. Foucquet put voir balancé à la potence le corps de ce fidèle serviteur. Que de douleurs, que de regrets, que de souvenirs durent s'emparer de lui ! Laforêt, qui l'avait servi jusque dans ses faiblesses, lui donnait sa vie aux jours d'infortune. Inutile sacrifice qui ne fit qu'augmenter la peine du prisonnier. Si Colbert et Talon eussent fait pendre le surintendant en 1664, aurait-il plus souffert ?

 

 

 



[1] FOUCAULT, Extraits sommaires, t. X, p. 377.

[2] ORMESSON, Journal, t. II, p. 287.

[3] On a quatre sources principales pour ces trois journées des 19, 20 et 21 décembre 1664 : ORMESSON, Journal, t. II, p. 287 ; SÉVIGNÉ, lettres des 21 et 22 décembre ; Défenses, t. XV I, p. 355 ; Extraits sommaires, t. X, f° 377.

[4] SÉVIGNÉ, lettre du 22 décembre. Dans l'édition de 1774, p. 315 (seconde édition), le texte porte : Laforêt, son défunt écuyer. Or, Laforêt ne mourut qu'en 1670. Cela indique une copie postérieure à cette date.

[5] ORMESSON, Journal, t. II, p. 287.

[6] Sévigné parle de cinquante mousquetaires, mais Foucault (Extraits sommaires, t. X, p. 384 ; Archives de la Bastille, t. II, p. 392), en compte cent.

[7] JUGE, Etude historique sur les Fouquet de Belle-Isle, p. 66. M. Juge publie le testament de Louis Foucquet, évêque d'Agde (p. 71). Je regrette que la place me manque pour le reproduire.

[8] SÉVIGNÉ, lettre du 26 décembre 1664.

[9] La date du 16 s'induit d'une lettre de Louvois à Saint-Mars, 22 janvier 1665. Arch. nat. K, 120, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 84.

[10] Mlle de MONTPENSIER, Mémoire, t. III, p. 360. Les aventures de Trécesson sont indiquées sous la forme anonyme dans les Mémoires de Mme la comtesse de ***, attribués à Saint-Évremond, Amsterdam, 1690. V. liv. V et VI, ce qui est dit de la demoiselle de Bretagne.

[11] État de la France pour 1658.

[12] Lettre de l'ingénieur Levé à Colbert, 30 janvier 1665. Archives de la Bastille, t. II, p. 397.

[13] Louvois à Saint-Mars, 17 janvier 1665. Arch. nat. K, 120, 22, orig. DELORT, Détention, t. II, p. 83.

[14] Archives du château de Palteau, obligeamment communiquées par Mme la comtesse de Sébeville.

[15] V. dans le Cabinet historique, t. IX, p. 339, une lettre de Marigny à Gaston d'Orléans. Il cite, à la suite du bon béquillart Persan, Saint-Mars, etc.

[16] Saint-Mars était né aux Menus près Montfort-l'Amaury. J'ai tiré ces détails des archives du château de Palteau.

De plus, un savant aussi laborieux que courageux, aussi instruit que perspicace, M. de Dion, a bien voulu me communiquer, avec une rare générosité, les matériaux réunis par lui pour établir la généalogie des du Tremblay, Saint-Mars, Formanoir, Blainvilliers. J'y ai trouvé la confirmation absolue des indications que m'avaient fournies les archives de Palteau.

Si la place ne me manquait pas, je donnerais cette généalogie en note à la fin de ce volume.

[17] Œuvres de Louis XIV, t. VI, p. 371 ; DELORT, Détention des philosophes, t. I, p. 25. L'original en aux Arch. nat., sect. hist. K, n° 120.

[18] Louvois à Damorezan, 6 février. Archives de la Bastille, t. II, p. 399.

[19] Louvois à Saint-Mars, 20 février 1665. Arch. nat. K, 120, 4, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 86. Louvois à Saint-Mars, 24 avril 1665. Arch. nat. K, 120, 9, orig. DELORT, t. I, p. 91.

[20] Louvois à Saint-Mars, 15 mars 1665. Arch. nat. K, 120, 7, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 88.

[21] Louvois à Saint-Mars, 20 février 1665. Arch. nat. K, 120, 4, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 86. Le même au même, 24 février 1665. Arch. nat. K, 120, 5, orig. DELORT, ibid., p. 87. Le même au même, 24 avril 1665, Arch. nat. K, 120, 9, orig. DELORT, ibid., t. I, p. 90. Louvois à Damorezan, 24 avril 1665. Archives de la Bastille, t. II, p. 410.

[22] Louvois à Saint-Mars, 3 mars 1665. Arch. nat. K, 120, 6, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 89. Louvois à Saint-Mars, 8 juin 1665. Arch. nat. K, 120, 10, orig. DELORT, ibid., p. 82.

[23] Le Tellier à d'Artagnan,31 décembre 1664. Archives de la Bastille, t. II, p. 394, d'après les Arch. de la guerre. — Louvois à Saint-Mars, 10 février 1665. Arch. nat. K, 120, 3, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 85.

[24] Louvois à Saint-Mars, 18 juin 1665. Arch. nat. K,120,11, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 92.

[25] ORMESSON, Journal, t. II, p. 285 ; SÉVIGNÉ, lettre du 22 décembre 1664.

[26] SÉVIGNÉ, lettre du 22 décembre 1664.

[27] Archives de la Bastille, t. II, p. 393.

[28] ORMESSON, Journal, t. II, p. 281 ; SÉVIGNÉ, lettre du 22 décembre 1664.

[29] La ville de Dieppe devrait bien consacrer par un monument, an moins par une inscription, le souvenir de cet homme aussi habile dans son art que courageux et dévoué.

[30] SÉVIGNÉ, lettre du 30 décembre 1664.

[31] Mémoire sur la résolution à prendre pour la conclusion de la Chambre de Justice, autogr. de Colbert. CLÉMENT, Lettres et Instructions, t. II, préf., p. CCVII. Ce mémoire est daté de mars 1665 par Clément ; mais je le crois antérieur au mois de février. On y parle de la durée de la Chambre, trois ans et trois mois, novembre 1661 à janvier 1665. On y parle des Treize. Or, dès février, Rocquesante était exilé. Vraisemblablement, le Mémoire est de février 1665. Cf. ORMESSON, t. II, p. 255.

[32] Avant le 13 janvier 1665. ORMESSON, Journal, t. II, p. 294.

[33] Extraits sommaires, t. X, f° 95. Bibl. nat., ms. fr., v° de Colbert, n° 237.

[34] Extraits sommaires, t. X, f° 119 (5 février 1665).

[35] 26 février 1865. Extraits sommaires, t. X, f° 129 v°.

[36] Extraits sommaires, t. X, f° 122. 21 janvier 1666. ORMESSON, Journal, t. II, p. 316, 343. Archives de la Bastille, t. II, p. 403.

[37] Extraits sommaires, t. X, f° 195 v°. 22 mai 1665. ORMESSON, Journal, t. II, p. 362.

[38] ORMESSON, Journal, t. II, p. 362.

[39] ORMESSON, Journal, t. II, p. 361.

[40] ORMESSON, Journal, t. II, p. 339. Jusqu'à plus ample informé, Fargues ne méritait pas un tel traitement.

[41] COLBERT, Lettres et Instructions, t. II, p. 1. M. Clément a donné à cette pièce la date de 1661, 1662. Elle est certainement de 1665.

[42] ORMESSON, Journal, t. II, p. 361.

[43] Extraits sommaires, t. X, f° 209. Le tuteur devait être ce que nous appelons un subrogé tuteur. En nomma-t-on un ? je l'ignore.

[44] Sève à Colbert, Pignerol, 30 janvier 1665. Archives de la Bastille, t II, p. 397, d'après la Correspondance de Colbert.

[45] Louvois à Saint-Mars, 29 juin 1665. Arch. nat. K, 120, 12, orig. DELORT, Détention, t. I, p. 93 ; ORMESSON, Journal, t. II, p. 372 (29 juin 1665).

[46] ORMESSON, Journal, t. II, p. 372 ; Défenses, t. XVI, p. 356 ; Édit de 1668, t. XIII.

[47] MENUCII POEMATA, 1680, p. 122. Il faut remarquer le causa latet. Fulminæ, causa latet, custodes et ferit arsem, Jupiter. J'ai traduit Jupiter par le ciel. Ce sont libertés qu'on peut prendre avec Ménage. Cf. BACHOT.

[48] Lettre du 14 juillet 1665. Arch. nat. K, 120, 15. DELORT, Détention, t. I, p. 103.

[49] La ville de Pignerol, très modifiée du côté de la gare, a conservé dans le centre son ancien caractère et beaucoup de vieilles maisons. Peut-être pourrait-on y retrouver ce logis, qui a dû rester affecté à quelque service public C'est une curieuse recherche à faire pour les archéologues locaux.

[50] Louvois à Saint-Mars, 29 août 1665. Arch. nat. K, 120, 19. DELORT, t. II, p. 106. L'ingénieur Levé à Colbert, 15 août 1665. Archives de la Bastille, t. II, p. 453 ; et 21 août 1665.

[51] Louvois à Saint-Mars, 26 juillet 1665. Arch. nat. K, 120, 16 et 18. DELORT, Détention, t. I, p. 103, 105. Le Roy souhaite de les voir (ces papiers).

[52] Lettres du 13 novembre 1665, 12 décembre 1665. Arch. nat. K, 120, 24, 25, 26, 27. DELORT, Détention, t. I, p. 112, 115, 116, 117.

[53] Louvois à Saint-Mars, 18 décembre 1863, 21 mai 1666. Arch. nat. K, 120, 26, 36. DELORT, t. II, p. 116, 122.

[54] 16 juin 1866. Arch. nat. K, 120, 38. DELORT, t. II, p. 125.

[55] Lettre de conséquence de Mgr le marquis de Louvois, 4 juin 1666. Arch. nat. K, 120, 37. DELORT, t. II, p. 123.

[56] ORMESSON, Journal, t. II, p. 373, etc.

[57] Extraits sommaires, t. V, f° 4 v° et f° 6 v°. Bibl. nat., ms. Ve de Colbert, n° 232.

[58] Extraits sommaires, t. V, f° 74.

[59] Meusnier, président de l'élection de Melun, rendra compte de la gestion des biens du sieur Foucquet. Arrêt du 5 août 1665. Extraits sommaires, t. V, f° 30 v°. Martin Mathieu, notaire, régisseur de Belle-Isle, Ch. Loréal, receveur de la terre de Belle-Isle, Gilles Richard, fermier des biens judiciairement saisis en Brie, rendront compte. Ibid., f° 30 v°, 64, 88.

[60] Extraits sommaires, t. V, f° 71. 17 septembre 1665.

[61] Extraits sommaires, t. V, f° 99 v°.

[62] ORMESSON, Journal, t. II, p. 400, 401.

[63] ORMESSON, Journal, t. II, p. 430.

[64] ORMESSON, Journal, t. II, p. 403.

[65] ORMESSON, Journal, t. II, p. 531. Archives de la Bastille, t. III, p. 45. M. Ravaisson fait une étrange réflexion et semble croire à des vengeances et à des empoisonnements. Imagination pure.

[66] Je dois la communication de ce fait curieux à M. A. Moranvillé, qui en a découvert les preuves incontestables dans les arrêts du Conseil. Colbert poussa la précaution jusqu'à faire ordonner par le Roi la suppression de l'ordonnance qui avait autorisé l'incinération des papiers de Mazarin. M. Moranville se propose de publier ce texte, dont l'authenticité ne fait aucun doute.

[67] ORMESSON, Journal, t. II, p. 513 (2 janvier, 1er février 1667).

[68] Mai 1667.

[69] Louvois à Saint-Mars. Arch. nat. K. 120, 43.

[70] Louvois à Saint-Mars, 23 octobre 1666. Arch. nat. K, 120, 46. DELORT, Détention, t. I, p. 117.

[71] Louvois à Saint-Mars, 14 février 1667,18 décembre. Arch. nat. K, 120, 50, 54. DELORT, p. 139, 146.

[72] Défenses, t. XVI, p. 356. Ce volume XVI n'est que la reproduction, sans impression nouvelle, d'un volume paru en 1668 : Conclusion des Défenses de M. Foucquet, 1668, sans lien d'impression. On y voit un cocon de ver à soie avec la devise. Ces ouvrages se sont-ils trouvés parmi les papiers saisis ? Foucquet a-t-il pu les faire passer par des voies inconnues ? Mystère. Quel était le sujet de ces traités ? Des matières spirituelles. On ne saurait dire plus.

[73] Louvois à Saint-Mars, 26 mars 1669. Arch. nat. K, 120, 64. DELORT, Détention, t. I, p. 154.

[74] Louvois à Saint-Mars, 22 avril 1669. Arch. nat. K, 120,66. DELORT, Détention. t. I, p. 155.

[75] Valcroissant, château, canton de Lamotte-Ternaut, arrondissement de Semur, canton de Saulieu (Côte-d'Or).

[76] Louvois à Foucquet, 17 décembre 1669. Arch. nat. K, 120, 72, 73. DELORT, Détention, t. 1, p. 159, 162.

Honeste et Valcroissant sont un seul et même personnage. M. Chéruel, Mémoires, t. II, p. 533, a exprimé l'opinion contraire, mais à tort.