Les
juges assurément étaient moins tranquilles que l'accusé. Par surcroît, un
événement bien fait pour frapper leurs esprits survint le 30 novembre. Le
président de Nesmond avait été pris d'une fièvre quarte, et l'on profita de
l'occasion pour travailler sans lui, parce
qu'on le soupçonnoit d'estre plus favorable à M. Foucquet qu'on ne l'eust
voulu. Un érysipèle
parut, et en peu de jours cet homme, fait pour vivre cent ans, était emporté
presque subitement, non pas toutefois sans avoir eu le temps de se reconnaître.
Or, à cette heure suprême, il chargea ses héritiers de demander pardon à la
famille du surintendant de ce qu'il avait opiné contre la récusation de
Pussort et de Voisin. Il se reprochait d'avoir cédé à de puissantes
sollicitations pour sauver leur honneur, et sur leur promesse de se désister
d'eux-mêmes dès que la Chambre aurait prononcé en leur faveur. Promesse
faussement donnée ou faussement tenue, mais qui constituait une faiblesse
dont le mourant s'accusait devant Foucquet et devant Dieu[1]. On
équivoqua bien un peu ; Nesmond n'avait pas fait cette amende honorable dans
un testament ; mais la rétractation restait certaine[2]. Si cela
pouvait donner au chancelier les sentiments d'un homme qui va paraître devant
son juge ! se disaient les amis de l'accusé. Au fond, ils craignaient fort
que Séguier ne mourût comme il avait vécu. En réalité, ce vieillard était
très effrayé par la mort de Nesmond, mais uniquement parce qu'il se sentait
exposé au mème danger de l'érysipèle[3]. Précisément,
un scandale venait d'éclater, plus grave encore que celui des pièces
détournées et des procès-verbaux falsifiés. Un certain La Mothe Le Hardy,
espèce d'agent d'affaires en relation avec la chancellerie, poursuivi pour
faux, fit de soi-disant révélations sur des concussions commises par Foucquet
; puis, à la dernière heure, il déclara qu'il n'avait parlé qu'à la
sollicitation de Poncet, du procureur général Hotman, de Besmaux, gouverneur
de la Bastille. Ce coquin avait proposé de charger le surintendant et ses
commis ; Poncet, toujours très fin, était un peu défiant, mais Foucault avait
pris les ordres de Séguier, Séguier ceux de quelque autre, et, depuis six
mois, on gardait La Mothe pour s'en servir au besoin 4. On finit pourtant par
le condamner, et alors il s'efforça de tirer parti contre ses juges des
vilaines machinations complotées avec lui. Sa déclaration finale était le
sujet de toutes les conversations à la ville et à la Cour. Raison
de plus pour intervenir auprès de tous les juges, par promesses, par menaces
au besoin. Un seul était excepté, Ormesson. Colbert jugeait inutile de
s'attirer un second échec. Cependant, on ne pouvait rien faire sans le
rapporteur. Si l'on avait achevé l'interrogatoire de Foucquet avec une hâte
indécente, c'était pour parvenir plus vite à une condamnation. Or, il était
de règle qu'avant d'aller aux opinions, les commissaires rapporteurs fissent
une récapitulation du procès. Qui parlerait et opinerait le premier, Ormesson
ou Sainte-Hélène ? Séguier était sans instructions. Le 30
novembre, Chamillart avait prévenu Ormesson de la fin prochaine du procès,
grand secret qu'il le priait de garder. Seuls, le Roi, M. Colbert et lui le
savaient. Hotman, l'autre procureur général, en dit tout autant, très surpris
de ce que l'on ne se fût pas concerté avec le rapporteur[4]. La direction continuait de
faire défaut. Séguier, ne sachant que faire, décida qu'Ormesson et son
collègue parleraient successivement sur chaque article ; mais il réserva
l'agrément supérieur. En haut lieu, on n'agréa pas le procédé ; tout au
contraire, on ordonna qu'Ormesson parlerait le premier, Sainte-Hélène le
second, en manière de correctif. Ce
point réglé, nouvelle cause de malaise. Le dimanche 7 décembre, le bruit se
répandit que Berryer, le fourbe qu'Ormesson avait encore vu le mercredi
précédent chez Séguier, subitement pris de folie, s'était enfui, criant qu'on
voulait le pendre. Deux jours errant, on l'avait enfin retrouvé, ramené à son
œuvre de persécution, et il s'y était remis. Des archers passent, sans songer
à lui ; il s'effraye à leur vue et retombe dans l'épouvante de sa mauvaise
conscience[5]. Pour les amis de Foucquet,
Berryer fuyant, affolé, c'était Judas courant au figuier. Ce 8
décembre (1664) devait être la journée des
fous. Le duc Mazarin, le mari infortuné de la belle Hortense Mancini,
l'héritier du nom et des richesses du Cardinal, pénétra dans la chambre du
Roi, suivant le prince pas à pas, tournoyant. Louis, étonné, l'interroge.
A-t-il quelque chose à dire ? — Oui, mais il n'ose. Enfin, poussé, pressé, il
parle. Le matin, faisant ses dévotions, en la présence de Dieu, une pensée
lui est venue. — Quelle pensée ? Expliquez-vous ! Le duc, tremblant, balbutie
à demi-voix : Cette pensée, c'est que Dieu n'est peut-être pas content de ce
qui se passe entre le Roi et Mlle de La Vallière. En conscience, il doit en
avertir le Roi. — Louis engagea M. Mazarin à garder cette pensée pour
lui-même, dans son intérêt. La harangue n'en devint pas moins publique dès le
lendemain[6]. Fou ou non, le duc avait
prononcé tout haut le nom que chacun murmurait tout bas, celui de la femme,
cause indirecte du procès dont l'issue prochaine préoccupait tous les
esprits. Chose
remarquable, les personnes les plus calmes, les seules calmes peut-être,
étaient les parents de Foucquet. Alors que les amis et les amies de l'accusé,
Mme de Guénégaud, Mme de Sévigné, la sincère, ne vivaient plus, ils
paraissaient rassurés. Il semble, disait Sévigné, qu'ils n'aient jamais ni su ni lu ce qui est arrivé dans
les temps passés ! Et
elle songeait à tous ces procès sanglants jugés par commissaires, à Marillac,
à Chalais, cet infortuné dont François Foucquet, le père de Nicolas, avait
signé la condamnation[7]. Magdeleine de Scudéry, et les
gens de son groupe, montraient plus de confiance. En savaient-ils plus que
d'autres ? ne s'abusaient-ils pas ? Sévigné ne se rassurait un peu que pour
retomber dans son incertitude. Encore, son point d'appui allait-il lui manquer.
Ormesson la pria doucement de cesser ses visites jusqu'au prononcé du jugement.
Se considérant comme en conclave, il s'interdisait tout commerce avec le
monde. Il ne parlait plus ; mais il écoutait encore, et, avant de prendre
congé de lui, cette incomparable amie, femme d'autant de cœur que d'esprit,
tint à lui redire tout ce qu'elle pensait, jusqu'au moment où, définitivement
éconduite, elle dut se retirer pour rentrer le soir chez elle, accablée de
tristesse[8]. En
effet, pour les amis comme pour les ennemis, Ormesson tenait le sort du
prisonnier entre ses mains. Quand
on songe à cette situation, on ne peut s'empêcher de trembler. L'Évangile a
dit : Noli judicare. On peut ajouter : Ne vous
exposez pas au jugement ! Hommes, vous allez voir de qui et de quoi dépend le
sort d'un homme. Fils de
bon père et de bonne mère, né dans une famille où un saint avait laissé comme
un ferment de vertu, Olivier d'Ormesson était honnête, instruit, suffisamment
intelligent pour tout comprendre ; mais, déjà soumis au régime des
intendances, prévenu par état en faveur du prince, il n'eût peut-être pas
maintenu son intime sentiment, sans la brutalité de Colbert qui l'avait enfin
révolté. Si son avis eût prévalu le jour où il proposa d'appliquer à
Foucquet, dans toute sa rigueur, la procédure contre les muets, Foucquet
était perdu sans ressource. Les directeurs du procès, Colbert, Foucault,
Pussort crurent faire mieux et tromper le public en laissant une liberté
fictive à l'accusé, qui, se saisissant d'une liberté tout entière, écrivit,
parla, signala les détournements des pièces, les procès-verbaux falsifiés.
Les rôles furent intervertis, et les accusateurs devinrent les accusés. S'ils
n'avaient eu le pouvoir du Roi comme soutien, une condamnation les eût
frappés. Dans son dernier interrogatoire, Foucquet l'avait dit tout haut. A cette
heure, libre de tout engagement, poursuivi dans sa fortune, dans son honneur,
Ormesson songeait surtout à se défendre contre toute supposition qu'il pût
sacrifier l'accusé à la faveur du prince. Un bruit courut qu'il conclurait à
la peine de mort, afin de rentrer en grâce auprès du Roi[9]. Rien ne pouvait plus rejeter
ce juge intègre du côté de l'oppresseur. Après toute une semaine consacrée à
la préparation de son rapport, ayant écrit ce qu'il voulait dire, afin de ne
rien dire au-delà de sa volonté, il finit son travail le 6 décembre, jour de
Saint-Nicolas, patron de Foucquet et de sa paroisse, ce que le curé de
Saint-Nicolas des Champs, M. Joly, voulut considérer comme une observation bien favorable à l'accusé[10]. Pendant que Colbert, Pussort,
le Roi, sollicitaient les juges, les Foucquet, les Sévigné, les d'Ormesson
sollicitaient Dieu, priaient et faisaient prier dans toutes les églises et
dans tous les couvents[11]. Après
une courte séance où l'on statua, pour la forme, sur les innombrables
requêtes présentées par le surintendant[12], Ormesson commença la
récapitulation du procès, le mardi 10 décembre. Ce premier jour, il parla
deux heures et demie sans s'arrêter, et le lendemain, deux heures trois
quarts, toujours avec une grande netteté, une parfaite intelligence. Bien
qu'il n'exprimât pas encore son opinion, ce seul exposé paraissait si
favorable à l'accusé qu'à plusieurs reprises Pussort interrompit : Monsieur, nous parlerons après vous[13]. À un autre moment, à propos du
marc d'or, le même Pussort s'écria : Voilà
qui est contre l'accusé !
— Il est vrai, reprit Ormesson, mais
il n'y a pas de preuves.
— Quoi ! on n'a pas fait interroger les deux
officiers ! — Non
— Ha ! cela ne se peut ! — Je n'en ai rien trouvé dans le procès. — Monsieur d'Ormesson, vous deviez le dire plus tôt. Voilà
une lourde faute ! Si
d'Ormesson n'eût pas dédaigné ces attaques, il eût pu répondre : Je suis juge et non dénonciateur. En outre, qu'auraient déclaré
les deux officiers ? On ne sait. En tout cas, lorsque le rapporteur signala
cette lacune de l'instruction, on ne pouvait plus la combler. De même,
Séguier s'efforça d'interrompre l'exposé des faits du prétendu crime d'État
et de ses preuves, qui, impartialement exposés, paraissaient trop ridicules[14]. Le
jeudi, la récapitulation eût été achevée, si Séguier ne se fût mis à
discourir. Selon lui, Ormesson finirait le lendemain. Sainte-Hélène parlerait
ensuite pendant deux jours, puis Ormesson reprendrait pour dire son avis.
Mais Séguier était un président fictif. Le lendemain, il n'avait rien dit de
semblable, bien que tout le monde l'eût entendu. Il voulut contraindre
Ormesson à opiner immédiatement. Il faut que
je me sois mépris,
fait observer le rapporteur ; mais il est
près de midi, c'est trop tard. Alors, Séguier : Je vous
donnerai jusqu'à trois heures. — Il y a trois heures que je
parle, c'est assez,
répond Ormesson. — Il faut donc souffrir ce
que MM. les rapporteurs veulent. Quant à vous, je vous ferai châtier par
votre père, dit
Séguier, en affectant de plaisanter. Plaisanterie malheureuse, évoquant le
souvenir de l'odieuse pression exercée par Colbert sur un noble vieillard. Le
vendredi 13, Ormesson donna son avis[15]. Les
faits sont exposés. Sont-ils prouvés ? Constituent-ils des crimes, et, en ce
cas, quelles peines sont établies par les lois du royaume ? Le rapporteur ne
dissimule pas sa peine d'avoir à juger le
premier du bien, de l'honneur et de la vie d'un officier et d'un homme qui a
tenu un rang considérable dans l'État. Il parlera avec un entier détachement
de toute préoccupation extérieure, prêt à revenir à un meilleur sens, si on
lui donne de plus grandes lumières. Le
procès comprend quatre-vingt-seize chefs d'accusation. Ormesson les réduira à
neuf. 1° Les
pensions et, en premier lieu, celle de 120.000 livres sur les gabelles. Il
est constant que l'acte a été trouvé dans les papiers de l'accusé, cela se
voit par le petit mémoire de la cassette de Fontainebleau. On a accusé M.
Colbert de supposition de pièces ; mais, dit Ormesson, un homme d'une probité ordinaire ne le feroit pas. L'accusé n'a pas opposé
d'abord cette objection ; au contraire, il a varié. Ormesson
aurait peut-être été plus sévère s'il eût connu tout ce qu'on sait
aujourd'hui des agissements de Colbert à Saint-Mandé. En fait, Foucquet
n'avait pas prouvé la supposition. De plus, Foucault colportait partout une
lettre du Roi déclarant qu'il trouverait fort mauvais que des juges
appuyassent leur avis sur la soustraction des papiers ; lui seul avait donné
des ordres à ce sujet, et il ne fallait pas juger
là-dessus[16]. Venant
au fond, le rapporteur réunit en un bloc toutes les pensions. Gourville a dû
abuser de sa situation auprès de Foucquet pour s'en faire donner une sur les
Aides ; mais les personnes qui sont en place
et qui ont la principale autorité dans les affaires, seroient bien
malheureuses, si elles despendoient de leurs gens et si elles estoient
responsables de leurs désordres. Même raisonnement sur la pension dite du convoi de Bordeaux,
avec une nuance plus accentuée de reproche. C'est une faute considérable à un surintendant de tolérer un abus quand il le
tonnait. Le
cardinal Mazarin était aussi lié que Foucquet avec Girardin, l'homme des
gabelles ; il luy avoit fait passer par M.
Colbert une procuration bien ample ; il l'employait pour la négociation de ses plus particuliers intérêts dans le même temps que
cette pension avoit esté traitée. — Il seroit difficile de
prendre parti. Au
fond, cette hésitation du rapporteur était la condamnation formelle de
Mazarin. En
résumé, le fait constituait non un péculat, mais tout au plus une exaction ;
Foucquet n'était pas convaincu d'y avoir pris part, non plus qu'aux autres
pensions. Partant, pas de crime. 2° Les
prêts supposés, par exemple, celui de 100.000 livres, dont l'accusé aurait
tiré 500.000 livres de profit. Mais le prêt a été de 10.800.000 livres, sur
lesquels Foucquet a versé personnellement et incontestablement 3.800.000
livres. Le profit de 500.000 livres ne résulte d'aucune preuve, ne tombe même
pas sous le sens et n'a pu avoir lieu. 3°
Droits acquis frauduleusement sur le Roi. Le fait est avoué, mais quoi ?
Foucquet a acheté en 1657 des droits résultant d'un traité de 1655. On
prétendra que c'est une grande faute à un surintendant d'acquérir de première main des droits du Roi, que cela autorise le soupçon ;
mais il y a grande différence entre avoir
esté traitant du droit ou l'avoir acquis du traitant. 4°
Affaire des parisis et des commissaires des tailles. Le premier grief n'a pas
de base ; le second a été implicitement abandonné par le procureur général.
Ormesson a cependant voulu savoir la vérité et croit l'avoir trouvée. Le
traité des commissaires des tailles intéressait Mme du Plessis-Bellière. 5° Le
Marc d'or. Sur ce chef encore, les allégations du procureur général ne sont
pas justifiées. Il n'y en avoit aucune preuve
au procès. Il
semble bien qu'on s'est arrangé en cette affaire pour profiter ; mais qui et
comment ? C'estoit deviner. Si l'on se livre à la
divination, M. Servien a eu sa part, M.
Foucquet la sienne, et aussi M. de Nouveau, qu'il fallait faire taire. Tout
cela n'est que présomption. 6° et
7° Les octrois. L'emprunt des comptables. On pouvait relever un grand abus
dans la forme ; rien de considérable au fond. Financièrement parlant, tout se
retrouve. 8° Les
six millions détournés. Le fait est gros. L'accusation présente d'abord le
témoin Tabouret, que Foucquet accuse de faux et qui paraît suspect au
rapporteur. Tabouret, homme mal en ses affaires, sous la main de la justice,
venu grâce à un sauf-conduit, en dit plus qu'on ne lui en demande. Cette
déposition fait peine. On cite encore le témoin
Jeannin. Ormesson le tient pour un homme d'honneur, mais qui doit d'abord se
défendre. Les procès faits à Jeannin, à Bruant, à Gourville, à Foucquet
auraient dû être conjoints. On a voulu les juger séparément, ce qui affaiblit
la preuve. Sur ce point, le rapporteur est moins formel dans son avis qu'au
cours des débats, bien qu'il tienne toujours pour certain que pas un sou des
six millions n'a été dérobé. Encore une question de forme et de bonne
gestion. Ainsi
s'écroulaient peu à peu, sous les coups de cette dialectique serrée, toutes
les charges accumulées depuis quatre ans par les plus habiles procédures.
Restait le neuvième grief, le crime d'État. 9° Le
projet qui sert de preuve à ce crime est fort
meschant, mais ne
constitue qu'une simple pensée, sans exécution. L'engagement
pris par Deslandes, gouverneur de Concarneau, ne visait que l'abbé Foucquet,
non le Roi. Les autres n'ont pas plus de portée. L'acquisition de Belle-Isle
prouve l'ambition de l'accusé, sa témérité ; mais le Cardinal a connu
l'opération et l'a approuvée. Les vaisseaux n'ont été achetés que pour
commercer aux Indes. Toutes ces actions montrent un homme enivré de sa
fortune, se portant partout, visant à succéder au Cardinal ; on ne peut pas y
voir une exécution du projet. Il
semble qu'après un tel avis, le rapporteur n'avait plus qu'à conclure à
l'acquittement. Cependant, Ormesson passe à l'examen des peines applicables
aux cas dont l'accusé se trouvoit convaincu. La
peine de péculat ne doit être cherchée ni en droit romain ni dans
l'ordonnance de 1629, non enregistrée, mais dans la coutume, telle qu'on
l'appliqua au chancelier Poyet, qui fut condamné à la dégradation et à une
amende. À ce sujet, Ormesson cite une curieuse anecdote. Très irrité, le roi
François Ier demanda raison aux commissaires de cette sentence modérée. On
juge sur des preuves. non sur des accusations, répondit leur président, et l'inobservation des formes affaiblit les preuves d'un
procès. Ormesson
exprimait, comme par parabole, sa pensée intime. A
partir de ce moment, le rapporteur parait défendre Foucquet. On n'a pas voulu
citer les hommes qui, comme Herwarth, Jacquier, auraient donné des
renseignements certains. L'accusé est, dit-on, coupable d'une mauvaise
administration, mais il faut considérer le temps ; M. le Cardinal traitoit des despenses de la guerre, de la
marine, des munitions, par un bon principe, dont chacun prenoit occasion
d'abuser. Le Surintendant, par l'empressement de fournir de l'argent, croyoit
estre dispensé de l'observation des formes. Mais où
le rapporteur s'échauffe, c'est au sujet des dépenses de Nicolas. Elles ont
été au-delà de toute raison. On veut prétendre que la
dissipation en soi n'est pas un crime, Ormesson n'est pas de cet avis. Les
fortunes subites lui sont suspectes, si ce
n'est que les moyens en soient universellement connus pour légitimes. Il faut
se ranger du costé des Ordonnances qui emportent en ce cas confiscation de
corps et de biens, et, comme elles peuvent souffrir différentes
interprétations, il prendra plus volontiers le parti du bannissement. L'accusé
a opposé des nullités de forme, et il est certain que les inventaires ont été
faits sans contradicteurs légitimes. Il n'y a pas eu de suppositions, on n'en
peut pas douter, puisque le Roi l'a déclaré. Encore une fois, Ormesson est
convaincu que M. Colbert est incapable d'une si méchante action. Seulement,
des pièces ont été portées à Fontainebleau, qui n'ont été ni cotées ni
parafées. À Saint-Mandé, quatorze cents pièces ne sont cotées que de la main
du greffier Foucault. Soupçonnera-t-on sa foi ? Non, mais les formes sont
obligatoires, et leur défaut affaiblit la preuve. D'énormes portefeuilles de
la surintendance n'ont reçu qu'une cote sur le dos, bien que remplis de
documents de conséquence. Or, Ormesson doit le dire, la connoissance des mains par où ces pièces ont passé lui
donne de la peine. Le greffier sçait bien qu'il n'entend pas parler de lui,
et que chacun sçait sur qui ce soupçon peut tomber, et que tout cela diminue
la foi des preuves. Évidemment,
Ormesson visait Berryer ; mais ce n'est que par ignorance qu'il innocentait
les patrons de ce coquin, Colbert, Foucault, Poncet. Nous savons aujourd'hui
qu'ils avaient bel et bien détourné les pièces. L'accusé sera-t-il donc déclaré
innocent ? Nullement. Mais les preuves n'estant pas entières, les temps de sa
surintendance estant considérables, pendant l'administration d'un ministre
étranger, qui ne sçavoit pas les formes et qui a pu, par son exemple, quoyque
innocent, donner lieu à beaucoup de confusion et servir de prétexte aux deffenses
de l'accusé sur beaucoup de faits ; luy qui opine, estime, par toutes ces
considérations, qu'il y a lieu de déclarer l'accusé duement atteint et
convaincu d'abus et de malversations par luy commis au fait des finances et
en la fonction de la commission de Surintendant, pour réparation de quoy,
ensemble pour les autres cas résultant du procès, d'ordonner qu'il sera banni
à perpétuité hors du royaume, enjoint à lui de garder son ban sous peine de
la vie, ses biens acquis et confisqués au Roy, sur iceulx préalablement prise
la somme de cent mille livres, sçavoir cinquante mille livres au Roy, et
cinquante mille livres en œuvres pies. Le
prononcé de l'avis, commencé à neuf heures un quart du matin, n'était pas
fini avant midi et demi sonné[17]. Ormesson n'avait pas une seule
fois perdu le fil de son discours, ni changé son ton de voix. En somme, il
avait lieu d'être content de lui[18]. A la
distance où nous sommes de ce procès, cet avis, très bien conçu dans son
exposé, ne parait pas se soutenir dans ses conclusions. Le magistrat ne
trouve pas de preuves, au moins de preuves suffisantes contre l'accusé, et il
n'en conclut pas moins au bannissement et à la confiscation. Il convient de
se reporter au temps et aux circonstances. Ormesson fut félicité de toutes
parts, aussi bien par Séguier et par Foucault que par Lamoignon et par la
famille de Foucquet. On trouva l'avis bien équilibré, très moelleux[19]. Pour les gens du métier, c'était un chef-d'œuvre[20]. Mme de Sévigné, uniquement
préoccupée du salut de son ami, donna comme toujours la note juste : L'avis est un peu sévère ; mais prions Dieu qu'il soit
suivi[21]. Elle
avait bien raison, la bonne amie. Quand ce bruit avait couru qu'Ormesson
conclurait à la mort, le Roi s'était écrié : Si
cela est, Foucquet est perdu[22]. La veille, il répétait, à son
petit lever, que l'accusé était un homme dangereux[23]. On a vu son empressement à
couvrir Colbert. Le
lundi, ce fut le tour du second rapporteur, Le Cormier de Sainte-Hélène.
C'était un homme en grande réputation au Parlement de Normandie, se croyant
désigné pour les premières places à Paris. On eut soin de le confirmer dans
cette bonne opinion comme dans cette espérance[24]. Toutefois Ormesson, plus
instruit dans les finances, connaissant mieux son monde politique, avait très
vite pris le pas sur le provincial. De là, une certaine jalousie dont
l'accusé devait supporter les conséquences. Quand son collègue eut opiné,
Sainte-Hélène ne lui dissimula pas sa disposition toute contraire, jusqu'à
l'extrême rigueur[25]. Le 15
décembre, il commença à récapituler l'affaire, longuement, languidemment, tournant toutes choses du mauvais côté. Pour lui, l'acte de la
pension des Gabelles a bien été trouvé à Saint-Mandé. Les suppositions de
pièces, les soustractions, autant d'illusions qui ne le touchent point, tissu
de vaines subtilités. Foucquet a été traité mieux que personne de sa
condition ; il en a même abusé, passant de la
modestie à la pétulance la plus indécente, s'oubliant fort devant les juges[26]. Les preuves, il est vrai, ne
sont point individuellement très considérables ; jointes ensemble, elles font
un grand effet. La plupart des pensions n'ont pas appartenu à Foucquet ; mais
il les a connues ; il a laissé violenter Arnault ; il a été généreux pour Mme
du Plessis-Bellière. On sçait assez quelle
considération s'étoit acquise cette personne dans l'esprit de l'accusé[27], qui n'a pas pris pour lui,
mais pour corrompre ses amis. Le
surintendant s'est servi de noms empruntés pour acquérir des droits sur le
Roi ; partant, fausseté et vol. Ce qui
s'est passé au fait des octrois, licite en soi, est coupable chez un
surintendant. Sur le
marc d'or, Fouquet se défend- avantageusement, bien qu'il ait abusé de la bonne foi de Mazarin. Il a
fait l'Épargne chez lui, confondu les deniers du Roi et les siens, pour
subvenir à ses dépenses de Vaux, de Saint-Mandé, de Belle-Isle, qui
surprenaient jusqu'aux étrangers[28]. L'affaire
des Six millions est avouée. Tabouret est un témoin très acceptable.
D'ailleurs, il est nécessaire. On dit
que le Roi n'a pas souffert de préjudice. Sainte-Hélène n'en est pas
persuadé, et répète la comparaison déjà produite. Un domestique qu'on
trouverait saisi de la bourse de son maitre serait-il quitte en disant qu'il
la gardait pour la rendre ? Foucquet espérait se faire payer deux fois. En
somme, argumentation faible, rejetant presque toujours sur l'accusé le
fardeau de la preuve à faire. Sainte-Hélène, se sentant sur un mauvais
terrain, arrive rapidement au crime d'État. C'est là qu'il triomphe. La
pensée même est punissable. Voyez la loi De famosis libellis. Un
gentilhomme fut puni de mort pour avoir en songe attenté aux jours du roi
François Ier[29]. Cette pensée, l'accusé l'a
communiquée ; il a demandé des engagements, il en a pris dans des termes abominables, comme celui de Deslandes. Si cet écrit était
tombé aux mains de Mme du Plessis-Bellière, si l'on avait exécuté ses ordres,
Foucquet n'aurait-il pas été coupable ? En vain
Ormesson, après l'accusé, a-t-il établi que l'engagement de Deslandes était
antérieur au projet ; qu'il visait l'abbé Foucquet et nul autre ; en vain
l'écrit était-il resté à Saint-Mandé, en vain avait-on rendu Belle-Isle
spontanément, Sainte-Hélène, dans son parti pris, finit par une phrase à
effet : Dieu, qui préserve la France, n'a pas
permis l'exécution de ces mauvais desseins[30]. Que
parle-t-on de la nullité des inventaires ! Il
s'est dit publiquement
dans Paris qu'en un conseil de famille, quelques-uns des plus proches parents
de l'accusé furent d'avis de mettre le feu à Saint-Mandé. La seule mésintelligence qui estoit entre eux, empescha
l'exécution de leur résolution. Il était donc dangereux d'appeler les parents aux inventaires. Sur
quoi repose toute cette argumentation ? Sur un Il s'est dit ![31] Enfin,
il fallait conclure. Sainte-Hélène
aurait souhaité que l'accusé eust trouvé grâce
auprès du Roy. Pour
lui, il est juge. Foucquet est convaincu de péculat, de malversations, de
lèse-majesté. Tite-Live rapporte qu'un citoyen romain fut condamné à mort
pour s'être fait prêter de l'argent en vue de s'emparer du pouvoir, ob crimen affectatœ tyrannidis. Régulièrement la peine à
prononcer devrait être celle de la pendaison ; toutefois, eu égard à la
naissance de l'accusé, aux dignités dont. il est revêtu, on se contentera de
lui trancher la tête, sur un échafaud, devant la Bastille. Biens confisqués,
cela va de soi. Malgré
cette éloquence et cette modération finale, Sainte-Hélène n'avait ni
satisfait ni convaincu personne[32]. C'est qu'il manquait lui-même
de conviction. La journée finissait mal pour l'accusation, qui reporta toute
son espérance sur Pussort, oncle de Colbert, premier orateur inscrit pour la
séance du lendemain. C'était,
on l'a trop vu, un homme passionné, violent par nature et que son neveu
n'avait nul besoin d'exciter ; au surplus, jurisconsulte savant, maniant fort
bien le syllogisme. Pour lui donner plus de temps, Séguier arriva dès sept
heures du matin et ne voulut attendre personne[33]. Pussort
commença fort simplement[34]. Ce n'est pas à lui d'exposer
un procès si étendu. Il n'a qu'à asseoir son jugement et ne s'attachera qu'à
cinq ou six chefs, mais aux plus importants, et, tout d'abord, aux six
millions détournés. Il
établit les principes, marque la différence entre une ordonnance de comptant
et une ordonnance de remise, la première, titre de payement, la seconde
décharge de payement. Foucquet
s'est arrangé pour transformer l'ordonnance de décharge en ordonnance de
payement, une diminution du prix dû au Roi en un titre de créance sur le Roi.
Les trente-sept billets, représentant les six millions, ont été retirés le 20
septembre 1658 par Gourville, qui les demandait de la part et pour le sieur Foucquet 4[35]. Voyez la déposition de
Tabouret, celle de Jeannin. Gourville était de
la plus inthime confidence du sieur Foucquet[36], plus son intime que Bruant.
C'est lui qui avait reçu la confidence du Projet, lui qui devait en
surveiller l'exécution. La somme est trop considérable pour avoir été prise
par tout autre qu'un surintendant. Pussort
cherche à couvrir le défaut de procédure signalé par Ormesson. Il
aurait fallu, dit-on, pour plus de lumière, représenter les registres
d'Herwarth ; entendre Herwarth, Jacquier, toutes les personnes dont les noms
sont cotés sur les payements. La
présence d'Herwarth est inutile. C'est un complice de l'accusé. Son
témoignage ne serait pas recevable ni pour ni contre. L'expédition
des billets et leur réformation ont été faites par Foucquet dans un mauvais
dessein. On ne s'engage à des choses si extraordinaires que pour en profiter. M.
Foucquet demande pourquoi il aurait si longtemps conservé ces titres, sans
les faire payer, ce qui lui eût été facile à lui surintendant. C'est là sa
condamnation. Il les a gardés dans l'espoir d'en toucher le montant, quand
les traces de vol seraient perdues. Mais le Roi a pris soin de ses finances,
et le registre tenu par M. Colbert a fermé toutes les avenues. L'argumentation
de Pussort est vicieuse. Foucquet avait expliqué à satiété qu'il ne suffisait
pas de rapporter à l'Épargne le billet mis en circulation, qu'il fallait,
pour toucher, justifier d'une créance régulière et en donner quittance.
Pussort n'en triomphe pas moins. C'est icy un cas où les
deffenses, tant aléguées, des ordres de M. le Cardinal, de la soustraction
des papiers et du partage de la surintendance ne peuvent convenir en aucune
façon. Ainsy la conviction demeure entière à l'égard de ce chef d'accusation. Pussort
reconnaît que Foucquet a prêté 900.000 livres lors de la levée du siège de
Valenciennes et peut-être 3.800.000 livres lors du traité Fleureau. Mais
est-ce de son argent ou de celui du Roi ? cela est douteux. Jamais d'ordre,
de règlement des conditions, d'emploi régulier. Selon
Foucquet, pendant les neuf années de sa surintendance, le Trésor n'a jamais
eu d'avances, loin de là. Qu'il nous dise alors où sont passés les fonds de
toutes les aliénations faites de 1656 à 1660, les 10.000.000 des rentes de
l'hôtel de ville, etc., etc. Pussort
ne tient pas compte de la réponse de Foucquet qu'il donnait vingt millions
par an à Mazarin. Pour la
pension sur les aides, je n'ai que des
présomptions, avoue
Pussort, mais si violentes, qu'elles peuvent servir
de preuves. La
preuve même s'en trouve dans les promesses faites à Lespine, commis de
Foucquet, chargé de la gestion de son bien. Quant à
celle sur les gabelles, en vain l'accusé rejette-t-il la faute sur M. le
Cardinal ; de toutes manières, il est coupable, soit comme auteur principal,
soit comme complice. Jamais Foucquet n'a justifié ses accusations de rapacité
dirigées contre le ministre. Il avoue qu'il a touché la pension, et ne prouve
pas que ce fût pour un autre. Donc il est convaincu. Le jurisconsulte
Pussort oubliait le principe de l'indivisibilité de l'aveu. Les
traités des octrois, des sucres et cires sont discutés de la même manière,
toujours en montrant les probabilités de l'accusation et en laissant à
l'accusé la charge de la preuve contraire. Comme
Sainte-Hélène, Pussort s'attache au crime d'État. Il lit la pièce, l'analyse,
la retourne en tous sens. C'est un écrit rédigé à loisir, pendant une journée
entière ; un écrit soigneusement conservé pour être mis en chiffres. Le conspirateur
prend l'exécrable engagement de Deslandes, corrige son plan, remplace Ham par
Belle-Isle. L'accusé prétend que le Cardinal l'a autorisé à acheter
Belle-Isle. Absurdité. Si, comme il le dit, Son Éminence voulait le perdre,
lui eût-elle permis de s'installer dans la plus forte place du royaume !
Cette assertion est de la dernière extravagance ! Le
Cardinal a connu sans doute cette acquisition ; mais il n'était pas en état
de l'empêcher. Il attendait la conclusion de la paix. Quant à Foucquet,
aussitôt maitre de la place, il achève son projet de bouleversement général de l'État[37], et dépense à Belle-Isle plus
de 4.000.000 de livres. Sur les
six points, trois sont justifiés. Lèse-majesté, péculat, concussion. Cela
suffit pour mériter la pendaison_ Mais Pussort se range à l'avis plus doux de
M. de Sainte-Hélène. Foucquet sera seulement décapité. Pendant
cinq heures, Pussort n'avait cessé de parler, avec une animation
extraordinaire, plutôt comme partie que comme juge, alléguant des faits
contraires aux pièces, reprochant à Foucquet d'avoir mis sur sa maison de
Saint-Mandé des ardoises du côté de Paris, des tuiles du côté de Vincennes,
pour tromper le ministre et le prince par cette supercherie. Il n'y avait là
qu'une question d'exposition au vent[38]. Mais Pussort voulait perdre
l'accusé. Au surplus, très habile et très véhément, il était décisif, comme
s'il portait la parole du Roi. Quand il eut fini, une heure sonna. Les
commissaires n'avaient pas dîné. Le
lendemain, la famille de Foucquet, son jeune frère en tête, essaya d'opérer
une diversion. Ils apportèrent la déclaration de ce La Mothe le Hardy, à qui
Poncet, Hotman, avaient promis la vie s'il accusait le surintendant. Ces deux
messieurs, très émus, s'intriguaient fort avec le chancelier. On craignait
qu'Ormesson n'apportât quelque requête de Foucquet. Ormesson n'apportait
rien. Seul le greffier avait reçu un sac clos et scellé. Gardez-le, dit le président, et il ouvre la séance[39]. L'analyse
de ces avis sera fastidieuse assurément ; mais il est si rare de surprendre
ainsi dans leur sincérité ces grands actes de la justice humaine, qu'on ne
peut trop étudier celui qui se présente à nous. On va voir, après une
discussion de trois années, après les échanges des attaques et des défenses
les plus serrées, quels étranges raisonnements vont être apportés par
plusieurs des juges à l'appui d'une opinion d'où dépendent la vie et
l'honneur d'un homme. A la
séance du 18, le premier opinant fut Cuissotte-Gisaucourt, qui prit trois
points, comme Pussort. 1° Le
marc d'or, traité par Duché, quidam sans feu ni lieu, inconnu, qui, de l'avis
général, était l'homme de paille employé depuis des années par Servien.
Servien aurait-il mal agi ? 2°
Quant à la pension des gabelles, Mazarin n'eût pas pris le surintendant pour
confident. Foucquet a avoué, dit-on, qu'il avait la pièce dans ses papiers ;
ce n'est pas exact. Le
Projet, médité avec application, n'est nullement chimérique. Qu'on se
rappelle les sabotiers en Normandie (sic), et dans le Perche, Bonnesson, Hocquincourt.
Tout cela est bien un peu brouillé dans l'esprit de Cuissotte ; il n'en
affirme pas moins que Foucquet a compté sur quelque chose de semblable. En
résumé, avis sans ordre, sans force ny
raisonnements[40], mais concluant à la mort[41]. Ferriol
ne se mit pas plus que Cuissotte en frais de dialectique. Parlant de la
pension des gabelles : Le Cardinal, dit-il, n'aurait pas laissé son titre
entre les mains de Foucquet. C'est justement ce que disait Foucquet. De plus,
ce titre était devenu inutile, puisque le bail des gabelles avait été
réformé. Ce commissaire évidemment n'avait rien compris aux débats. Et dire
que le greffier Foucault a dû, comme tous les greffiers, remettre autant que possible
sur pied ces avis de juges paresseux ou ignorants ! Foucquet,
selon Ferriol, a eu peur de Gourville, c'est démontré par une citation : Carus Verri qui Verrem accusare potest. Toutes ces pensions, sale commerce. Quant
au péculat, M. Pussort a si bien défriché le sujet, qu'il faut s'en tenir à
son avis. Néanmoins, comme il a négligé de parler du marc d'or, Ferriol dira
ce qu'il en pense. Or, Pussort avait traité ce sujet pendant une heure.
Faut-il croire que Ferriol dormait ? En tout cas, il n'avait rien compris. Ce
qu'il sait, c'est que les impôts sont excessifs. Il est Dauphinois. En 1658,
on a tiré du Dauphiné 300.000 livres en employant les voies les plus rudes,
et cette rançon d'une province était à peine égale à ce qu'on dépensait pour
un bastion de Belle-Isle ou une cascade de Vaux. Et
cependant, si, au commencement du procès de Foucquet, tout le monde n'avoit respiré que sa condamnation, à cette heure, par un caprice du peuple, chacun demande dans Paris sa
libération. Il n'en
est pas de même dans les provinces. On n'a jamais pu y adoucir la dureté de
l'accusé, qui faisait servir les sueurs et les substances du peuple à ses
prodigalités, à ses fortifications et
peut-être à ses plaisirs criminels. Ce qui aurait suffi pour nourrir des millions de personnes
pendant des années, Foucquet le dépensait en
un jour à sa table.
Il mérite la mort. Le Roi seul peut faire grâce. Pure déclamation. Ferriol en
convenait lui-même ; mais toujours même conclusion : à mort ![42] Le
Gascon Noguès, aussi dur que le Dauphinois Ferriol, s'exprime longuement, foiblement, misérablement[43]. Le point culminant de son
avis, c'est que Foucquet serait dangereux s'il
revenoit une minorité.
Il faut se défaire de luy[44]. À mort ! Cette conclusion
était nécessaire pour faire passer le considérant désagréable. C'était
le tour du commissaire Ayrault, ce Breton que Séguier avait rappelé à l'ordre
pour avoir salué l'accusé. L'avant-veille, il félicitait Ormesson, lui
déclarant que son avis ne resterait pas isolé[45]. Mais, depuis hi veille, un
commis de Le Tellier ne l'avait pas quitté, le pressant, l'intimidant, tirant
parole de lui, et, malgré le proverbe sur les serments d'ivrogne, le serment
fut tenu. Foucquet est un dépensier invétéré. Ses dettes sont supposées !
Vieux moyen, qui ne trompe pas un homme comme lui. Ayrault parla peu et mal, mais donna son avis à la mort[46] ! De
compte fait, ils étaient six pour la mort contre un pour le bannissement. Pussort
triomphait. Les commissaires avaient, en somme, parlé avec concision. Il
n'était pas onze heures, et l'on pouvait encore prendre un avis avant d'aller
dîner. Séguier donna la parole à M. de Rocquesante. Raffelis
de Rocquesante, conseiller au Parlement d'Aix, esprit très vif, avait fait
preuve, au cours des débats, d'une certaine indépendance ; par contre, il
s'était montré un des plus ardents lors de la condamnation à mort du
demi-idiot de Crépy en Valois. C'était un grand, bel homme, aux traits
expressifs, parlant bien. Exorde
un peu méridional. Ce procès est le plus fameux qu'on ait vu depuis plusieurs
siècles ; mais, il faut qu'on le sache, les commissaires ne sont pas les
seuls juges de l'accusé. Le public juge avec eux. Il importe donc de rendre
un arrêt digne de l'attention universelle. Son feu
une fois jeté, Rocquesante va droit au but. Les
pensions n'appartenaient pas à l'accusé. En tout cas, l'ordonnance d'Orléans
ne porte d'autre peine que la suspension de la charge[47]. L'affaire
des sucres et cires, celle des octrois ont été faites dans les formes.
Foucquet n'en a pas été le traitant. Quant à celle du marc d'or, Rocquesante
avoue qu'il a été d'abord mal impressionné ; mais la lettre de Mazarin à
Foucquet innocente ce dernier. Y a-t-il eu vente
du droit à vil prix ? Alors, affaire civile, à fin de restitution. Rien de
plus. Dans la
suite donnée à l'ordonnance de Six millions, on a pris une forme vicieuse ;
mais un vice de forme ne fait pas un péculat. On aurait dû juger Jeannin avec
Foucquet. Foucquet, d'ailleurs, a justifié de plus de six millions de bonnes
dépenses. Certes,
il est sorti du Trésor beaucoup d'argent. Mais ingens illa pecunia latet in tenebris. Sans ce procès, aurait-on
jamais su que Foucquet donnait vingt millions par an au Cardinal ? Sans
quelques billets de ce dernier qui ont été retrouvés, on aurait pu imputer
toutes les consommations d'argent au surintendant. Foucquet
n'a donc pas été si coupable. Est-ce à dire qu'il soit innocent ? Non pas. Et
alors, Rocquesante exagère les fautes de l'accusé, sa profusion, son
ambition, ses négligences ; il lui reproche jusqu'à son avarice. Il faut le
condamner au bannissement, à errer comme un bandit. Dans sa
fougue, le Méridional avait presque oublié le Projet. Il y revient. C'est un
projet, mais sans portée. En tout cas, le crime est aboli par l'amnistie.
Est-ce même un crime ? Le procureur général ne l'a pas relevé contre Gourville.
La simple communication n'aurait pas constitué un crime. Qui sait si
Gourville n'a pas déconseillé Foucquet ? Rocquesante
ne croyait pas si bien dire. Il
reprend son avis : bannissement, confiscation des biens, etc., et, ne pouvant
finir simplement, en manière de péroraison, il présente un Grand, un terrible
tableau de la misère du banni, sans maison, presque sans asile, sans amis,
repoussé partout, toujours errant[48]. Malgré
cette affectation d'éloquence, Rocquesante fut écouté avec attention. On
trouva son avis bien motivé en fait et en droit. Selon Mme de Sévigné, il
avait parlé admirablement bien[49]. Il avait repris l'avis de M. d'Ormesson. Pouvait-on mieux parler ? Ce coup
dérangeait toutes les prévisions. On recommença les pointages. Des
commissaires restant, huit, croyait-on, opineraient pour le bannissement,
trois pour la mort. Donc, dix contre neuf voteraient pour la mort. Restaient
trois incertains, La Baume, Catinat, Pontchartrain. Si l'un d'eux au moins
conclut pour l'accusé, ce sera le salut ; sinon, Foucquet est perdu ; car, selon toutes les apparences, il ne doit pas espérer de grâce[50]. Au
dedans comme au dehors, les esprits étaient fort surexcités. Depuis le lundi,
une comète avait paru du costé du faubourg
Saint-Marceau, qu'on dit qui regarde la Bastille. Des femmes l'avaient vue les
premières ; les astronomes ensuite. Ces
choses extraordinaires, au moment du procès, sont fort à remarquer[51]. Quelqu'un même manifestait de
grandes craintes pour l'accusé, si la décision était prise le 18 décembre, la constellation de ce jour n'étant pas favorable[52]. Dieu
faisait à la famille de Foucquet cette grâce de lui donner bon espoir. Quant
au prisonnier, il conservait son calme et sa résignation. Pendant toute cette
délibération, il redoubla d'austérités, jeûnant trois fois la semaine au pain
et à l'eau, couchant sur la paille. Aussy, dit une relation du temps[53], il n'eut pas beaucoup de peine à se lever, quand (le 17
décembre) un garde alla l'éveiller, suivant
sa prière, pour le mener sur la terrasse de la Bastille, sur les trois ou
quatre heures du matin, afin de voir la comète qui paroissoit. C'est une chose divine que la
résignation et la fermeté de notre cher malheureux. Il sait tous les jours ce
qui se passe, et tous les jours il faudroit faire des volumes à sa louange. Dans le monde, on ne parlait
d'autre chose que du procès. On raisonne, on
tire des conséquences, on compte sur ses doigts ; on s'attendrit, on craint,
on souhaite, on hait, on admire, on est triste, on est accablé. Le
vendredi 19, devait être la grande journée. La Cour, parait-il, n'omettoit rien pour acquérir des juges[54]. Les Foucquet, de leur côté,
redoublaient d'assiduité à la porte de la Chambre. Dès le matin, bien avant
le jour, par un froid d'hiver, la vieille grand'mère se tenait dans la rue,
devant l'Arsenal, avec ses enfants et ses petits-enfants. On lui avait refusé
l'accès, alors que tous les partisans de M.
Colbert entroient3[55]. Elle n'en restait pas moins à
son poste. Seule, la femme de l'accusé avait pu pénétrer pour se plaindre au
chancelier de cette dureté. Cependant
un souffle favorable passait sur la Chambre. En vain Voisin, l'ennemi de
l'accusé, entreprenait-il son collègue La Baume ; Pontchartrain, s'approchant
d'Ormesson : La Baume demeure ferme, murmura-t-il, nonobstant tout ce qu'on luy dit ; il m'a sousri sur ce
qu'on luv venoit de parler.
Personnellement, Pontchartrain déclarait qu'il se rangerait à l'avis du
premier rapporteur. Deux des incertains s'étaient donc déclarés. À ce même
moment, Catinat, le troisième douteux, tournait autour d'Ormesson ; il lui
fit entendre qu'il opinerait dans son sens[56]. Il fallait une voix. On en
obtenait trois ; c'était le salut, pourvu, toutefois, que les huit déjà
acquises tinssent bon. Le
premier qui parla fut La Toison, qu'on prétendait engagé contre l'accusé. Il
venait du Parlement de Dijon, où, certes, Foucquet ne devait pas être
particulièrement aimé depuis les affaires de 1659. Mais, en Bourgogne, le
souvenir du jugement de Marillac était resté vivace ; on estimait bons juges
ceux qui avaient voulu sauver la victime. Les autres, ceux qui avaient
condamné, étaient en horreur, et l'exécration s'étendait jusqu'à leurs
enfants. La Toison ne voulait pas se déshonorer dans sa province. On disait,
de plus, que Condé l'avait fait solliciter en faveur de Foucquet. Il est
certain que ce grand homme, très retourné depuis 1661, ne perdait pas une
occasion de manifester sa sympathie pour l'accusé[57]. La
Toison reproduisit à peu près les arguments et les idées de Rocquesante. Il
lui paraît impossible que Foucquet se soit fait traitant. Cela ne convient pas à sa façon d'agir, à son caractère,
plein de bonne opinion et de superbe. — Servien a parfaitement connu l'affaire du marc
d'or ; il y participait par Morin, son homme de paille. — Le Roi n'a souffert
aucun préjudice, dans ce prétendu détournement des six millions. Forme
vicieuse ; mais Foucquet y a esté nécessité
par des ordres supérieurs.
On cherche le bien de l'État : Quoniam
consul, dum formam observat, rempublicam perdit. Cicéron n'a-t-il pas dit : Patres in pace consuetudini, in bello necessitati
paruerunt. Il y a
loin de la république platonique au gouvernement réel. Dans la pratique, le
bon citoyen de Platon serait dangereux. Coupable
quant aux formes, Foucquet doit être incontestablement absous quant au fond. Le
projet n'est qu'une pensée fort criminelle, non punissable. C'est une idée
d'ostentation, partie d'une belle imagination, non pas un acte. Loin de là,
les actions de l'accusé sont en contradiction avec sa pensée. Deslandes se
défait de Concarneau ; Foucquet vend sa charge de procureur général, qui pouvoit l'autoriser davantage. Cet écrit n'est que l'œuvre
d'un homme enivré de sa fortune, dont les extravagances font pitié, qu'il
suffit de traiter comme on traita Denys le Tyran : Non aliter quam contumelia liberatus est[58]. La
Baulme est ce conseiller qu'on a vu sollicité par Poncet. Depuis quatre
jours, son hôte et ami Besmaux, le gouverneur de la Bastille, l'ancienne
créature de Foucquet, le pressait de voter pour la mort. Foucault était venu
à la rescousse, promettant charges, dignités, bénéfices, commissions. Qu'il
demandât, et l'on satisferait à sa demande. Chamillart, enfin, avait employé
la menace. La Baulme se perdrait, et inutilement, car on était assuré du
nombre. Colbert lui-même était intervenu. S'il restait au commissaire quelque
doute, il se chargeait de les dissiper, de lui donner des preuves
indubitables[59]. Vains efforts. La Baulme, au
surplus, ne se perdit pas en discussion. Il
faut satisfaire le Roi et le public, et, à son avis, la satisfaction sera générale si
l'accusé est banni, privé de tout. Masnau,
depuis longtemps, ne comptait plus parmi les dévoués, à ce point que Séguier
avait tenté de l'éliminer. Ce brave homme souffrait alors atrocement de la
maladie de la pierre. Tout récemment, le chancelier l'avait vu pâlir. — Monsieur, retirez-vous, vous n'en pouvez plus. — Il est vrai, monsieur, mais il faut mourir ici. Il s'opiniâtrait, prêt à
s'évanouir : — Eh bien, monsieur, nous vous
attendrons. Masnau
sort un quart d'heure, rend deux pierres d'une grosseur considérable, rentre
au milieu de ses collègues surpris. Cela
pourroit passer pour un miracle, si les hommes estoient dignes que Dieu en
voulût faire[60]. Il
commence à parler d'une façon assez plaisante, demande justice au président.
Au mépris de la loi juive, on ne lui a laissé rien à glaner. Cependant, il
fera une réflexion morale et chrétienne. Dieu a confondu les desseins de
l'accusé et s'est servi de ce Projet qu'il
avoit composé comme un chef-d'œuvre de sa sagesse et de sa puissance, pour
l'exposer au mépris, à la raillerie, pour le réduire à reconnaitre sur la
sellette qu'il estoit un fou. Cette humiliation est-elle une excuse suffisante ? Non ; mais il
n'a rien commencé ni pu commencer. Voyez ce dénombrement d'amis imaginaires,
Fabert, Lamoignon, v a-t-il rien de plus fantaisiste ! En résumé, pas de
crime de lèse-majesté. Le
péculat est-il mieux établi ? Masnau s'étonne de ce que les grands hommes
chargés d'apposer les scellés aient négligé les formes. — (Le trait était
assez hardi, puisque Séguier, président de la Chambre, était un de ces grands
hommes et le plus négligent de tous. — On pouvait protéger l'État et appeler
les parents. À ne rien dissimuler, la voix
publique dit qu'il s'est passé quantité de choses extraordinaires dans
l'instruction de ce procès ; l'on sçait qu'une personne suspecte — à ces
paroles chacun reconnut Berryer — en a esté le maistre, bien qu'accusé, dès
le commencement de la Chambre, d'avoir voilé un million au Roy. MM. Brillac et Renard ont reçu
en ce sens des requêtes que M. Talon a refusé d'entendre. Toutes ces
pratiques jettent l'esprit dans de grandes
incertitudes. Comme
péroraison, devenue de style, grande critique des dépenses de l'accusé. Il faut le punir par où il a péché. Masnau se rallie à
l'avis de M. d'Ormesson, en y ajoutant que Vaux sera rasé, les bois abattus,
les fontaines rompues, les fossés comblés '[61]. Du
Verdier débute avec solennité, cite les Pères, cite saint Louis, etc. Venant
au fait, il reproche au procureur général de n'avoir prouvé aucun de ses
griefs financiers. Quant
au Projet, si l'accusé l'a conçu, il a fait aussi beaucoup d'actes
contraires. Sy je le condamnois sur le
principe vicieux du Projet, je croirois tomber dans l'opinion réprouvée de
ceulx qui ont estimé que notre chutte dans le péché mortel rendoit toutes nos
actions criminelles, pendant que nous demeurions dans ce misérable état[62]. La
mauvaise administration mérite un châtiment. Mort, bannissement perpétuel,
confiscation ne conviennent qu'à des crimes pour lesquels ces peines ont été
établies par les lois. Rien de semblable dans le cas de M. Foucquet, puisque
le péculat et le crime de lèse-majesté ne sont pas prouvés. Ce cas
ressemble bien à celui du chancelier Poyet. Il faut appliquer la mème peine :
destitution, relégation pendant cinq ans dans une ville du royaume ; 100.000
livres d'amende[63]. C'était
au tour de Catinat, le second commissaire douteux. On l'avait aussi depuis
longtemps tourmenté pour le décider à voter la mort ; mais ses enfants
s'étaient jetés à ses genoux, le suppliant de ne pas leur laisser un nom
taché de sang. Parmi ces enfants, se trouvait un futur maréchal de France. Catinat,
magistrat sévère, ne ménage pas Foucquet, esprit
ambitieux, jaloux de son établissement, ingrat envers le Cardinal ; mais cela ne fait pas que son
Projet constitue un crime. Il a voulu se défendre et non attaquer. Sa confusion est la vraie punition de son extravagance. Les six
millions ont paru d'abord avec une face terrible, qui a changé, dès qu'on a
approfondi la matière. Catinat
ne croit pas aux soustractions, aux suppositions de papiers ; mais les prises
de pensions et les accusations de péculat restent non prouvées[64]. Cependant,
la malheureuse administration de Foucquet a soulevé le cœur de tous les gens
de bien. Si on l'eût jugé plus tôt, la Chambre aurait laissé quelque
formidable exemple à la postérité. À cette heure, l'application du Roi est
extraordinaire, ceux qui dirigent les finances font voir qu'un grand
désintéressement et la sûreté ne sont pas incompatibles avec cette
administration. Cette réforme vaut mieux qu'un exemple, qui ne serait plus de
saison. On peut prendre le parti le plus doux, c'est-à-dire l'avis de M.
d'Ormesson[65]. Foucquet
était sauvé. On l'aurait deviné à l'attitude de ses adversaires. Bien qu'il
fût à peine onze heures, Poncet refusa obstinément de donner son avis, malgré
l'insistance du président et de Pussort. — Pourquoi continuer ? Pourquoi
finir ? Ne valait-il pas mieux rompre la délibération[66] ? Les uns pensaient qu'il
voulait éviter d'opiner à la mort dans une cause décidée en sens contraire ;
les autres y voyaient le dépit, la colère, tout au moins le désir de
consulter sur ce qu'on voulait qu'il dit[67]. Foucault, par suite du même
calcul, avait fait signe à Poncet de ne point opiner. Cette réserve
empoisonna la joie des amis du surintendant ; elle n'était plus entière. M. Colbert est tellement enragé, qu'on attend quelque
chose d'atroce et d'injuste, qui nous remettra au désespoir[68]. Crainte très fondée. On sut
plus tard la vérité. C'est Foucault qui avait chargé Poncet de rompre la
délibération au cas où les avis ne seroient
pas bons. En fait,
sur vingt-deux conseillers, quatorze s'étaient prononcés, huit pour la vie,
six pour la mort. Restaient Le Féron, Moussy, Brilhac, Besnard, Renard,
Voisin, Pontchartrain, Séguier. Il y en a
plus, disait
Sévigné, qu'il ne nous en faut de bons à ce
reste-là. Le
lendemain, Poncet prit la parole, infiniment doucereux, à son ordinaire. Il
laissera la clémence au Roi, pour ne regarder que la justice. A qui
appartenait la pension sur les gabelles ? à Mazarin ? à Cantarini ? à
Foucquet ? Tout concourt à la conviction qu'elle appartenait à Foucquet.
L'acte a été trouvé dans sa maison ; il a reçu un payement. Isolés, ces
détails sont insuffisants ; réunis, ils font preuve. L'idée d'une supposition
de pièces est abominable. L'accusé ne l'a pas eue au début, mais seulement
depuis qu'on lui a donné un avocat ! En
parlant ainsi, cet hypocrite ne pensait pas que, dans deux siècles, ses
lettres à Colbert et à Séguier seraient retrouvées, publiées, avec la preuve
des détournements commis par lui ; mais de tels gens se moquent de l'avenir. C'était,
en effet, un homme aussi audacieux que dénué de scrupule. M. Foucquet,
ajoutait-il, doit savoir où est Cantarini ; il l'a fait éloigner pour
empêcher tout éclaircissement ! Et tous
les chefs sont traités avec la même effronterie. Il montre le surintendant plus souverain que le Roy. Le Roy reconnaît des lois, et
le sieur Foucquet ne s'y soumet pas. Lorsque l'accusé ne pouvoit
consulter que sa conscience, il m'a répondu par trois fois qu'il n'avoit pas
eu d'ordres du Cardinal. Depuis, il a été suggéré, et il a changé. Le Cardinal détestait les
dissipations de Foucquet, à qui des espions, il en avait partout,
rapportaient les paroles échappées au premier ministre. Ce Projet
est, dit-on, un fantôme ! Ne voit-on pas Foucquet fortifier Belle-Isle,
placer ses amis, ses créatures partout, dans des gouvernements, dans de
grandes charges à la mer, et cela aux dépens du prince ? Poncet
adopte donc l'avis de M. de Sainte-Hélène, avec cette addition que la Chambre
doit adjuger au Roi Belle-Isle, qui ne peut
estre à un particulier d'un fort grand usage[69]. Cette
dernière idée doit être une de celles que, l'avant-dernier soir, Poncet avait
été quêter auprès de Colbert. Le commissaire
Le Féron resta dans les faits de moralité, les dépenses excessives de
l'accusé, sa table somptueuse. C'est ce qui dispose à croire qu'il a pris des
pensions ; car on n'en a pas de preuves. Foucquet a justifié le bon emploi de
l'ordonnance des six millions. Quant à l'Ecrit — Le Féron ne dit pas
le Projet —, il faut dire à la décharge du surintendant : Peregrinata est ejus anima in nequitia, non habitavit. Avis comme M. d'Ormesson[70]. Selon
Moussy, rien n'est prouvé. Cependant, il conclut à 100.000 livres de
restitution, plus 50.000 livres d'amende et à la relégation en tel lieu et
place que le Roi désignera[71]. Brilhac
n'a vu de grave que le fait de la pension des 120.000 livres sur les
gabelles, mais il frissonne à la pensée de prendre parti.
Comme simple particulier, il croit qu'elle a appartenu à Foucquet ; comme
juge, il a des scrupules. Les procès-verbaux de l'Épargne produits, puis
retirés, ont occasionné une grande confusion. Le Projet n'est pas ce qu'on
pense. On n'a pas arrêté Gourville, soupçonné d'y avoir eu part. Il y a eu
des surintendants condamnés dont on a pu dire par la suite que l'envie conçue contre eulx estoit leur plus grand
crime[72]. Foucquet doit être condamné à
l'amende honorable, pieds nus, la corde au cou, une torche à la main, à un
bannissement de neuf années et à 100.000 livres d'amende[73]. Renard
déclare se rallier au préopinant. Si la conduite de l'accusé n'est pas toute
pure, l'instruction de son procès n'a pas été non plus très régulière. Un
homme en disgrâce, en prison, a toujours beaucoup d'ennemis. Renard a vu
beaucoup de choses qui l'ont étonné. On refuse les papiers à l'accusé, puis
on lui enjoint de désigner ceux qu'il veut. C'était le réduire à
l'impuissance de se justifier, bien qu'il eût offert de laisser les pièces
concernant le service du La communication des registres de l'Épargne a été
refusée, d'abord par M. Talon, puis par des arrêts si peu juridiques, qu'on a passé par-dessus, et aussitôt l'accusé a
réduit à néant l'accusation du vol de six millions. Les autres
griefs financiers peuvent constituer un privatum
delictum, mais
ne méritent pas la peine capitale. Le Projet
est l'œuvre d'un visionnaire. Lenard
était, on s'en souvient, l'un des conseillers chargés d'apposer les scellés à
Saint-Mandé, et l'on avait pu voir au cours des débats qu'il lui était venu
quelque soupçon de fraude. Il n'était pas sûr de n'avoir pas été trompé.
Cette impression se trahit dans sa péroraison. Ce qu'il ne peut passer, c'est que dans un procès de cette qualité, il
se soit trouvé des faux témoings ; il ne peut s'empescher de relever et de
conclure que le procès soit fait à Charpentier et à Tabouret. Il conclut donc seulement à la
condamnation de Foucquet à une relégation de cinq années et à la mise en
accusation de Charpentier et de Tabouret[74]. Besnard
opina plus longuement. Foucquet n'eût pas été si accommodant avec les
partisans, sans quelque intérêt. Il n'a pas été traitant des octrois, mais le
maitre des traités. Ses parents, ses amis ont pris part à la distribution.
Bruant, son commis, a été le régisseur, contre
toute convenance.
Cependant, arrivé à la pension des Gabelles : La
preuve, dit-il, de la vérité ou de la supposition est entre les mains du
procureur général ; il la pourvoit rapporter s’il prenoit les ordres du Roy
de faire représenter les comptes- de l'année 1656, rendus à feu M. le
Cardinal. Que fera-t-on en cette incertitude ? Cela donne de la peine. Toujours cette phrase revient !
— Si l’accusateur ne peut ou ne veut rapporter la preuve, v a-t-il quelqu'un
qui puisse légitimement condamner un accusé à mort ? Le vol
des six millions n'est pas prouvé. Séguier à plusieurs reprises interrompt
Besnard, qui ne se laisse pas démonter. Ce vol n'était pas possible. Quant au
crime d'État, Talon n'a pas requis que Foucquet en ait déclaré convaincu, sçachant fort bien que la preuve de la seule pensée ne
fait pas la conviction.
En résumé, avis de M. d’Ormesson[75]. Quand
ce fut au tour de Voisin, le beau-frère de Talon, l'ennemi personnel du
surintendant, la décision était virtuellement prise. Il le voit bien ; il
n'en dira pas moins son avis. Foucquet est pleinement convaincu de toutes les
ordures dont un homme qui a rempli la place de surintendant puisse être
chargé. Il a dissipé les six millions. Le crime d'État eût été fait et
parfait si l'ordre fût tombé aux mains de Mme du Plessis-Bellière. Puis,
oubliant l'accusé pour ne songer qu'à ses collègues qui l'innocentaient : Il est honteux de chercher un applaudissement populaire, popularis
aura, contre son honneur et son devoir. L'avis du bannissement punit bien plus la France
que Foucquet, laissant un esprit mouvant et
factieux en liberté de tout entreprendre. C'est se moquer de la loi, de la justice.
Il sait bien qu'il opine inutilement, mais il ne trahira pas sa conscience.
Voilà son avis. À mort ! Pontchartrain
n'était pas orateur. Pour soulager sa mémoire, il avait mis son sentiment par
écrit et déclara très vite que c'était celui de M. d'Ormesson[76]. Son indépendance n'était pas
sans mérite. Depuis plus d'un mois, on l'avait persécuté chaque jour, par
promesses, par menaces, jusqu'à insinuer qu'on le poursuivrait pour avoir
parlé du repentir de M. de Nesmond à sa mort. Comme toujours, on mettait en
avant le nom du Roi. La veille encore, Séguier lui avait dit : Le Roi s'attend à ce que vous lui rendiez un grand service
en cette occasion.
— Soit, mais salva conscientia, avait répondu Pontchartrain. —
En êtes-vous là ! s'était écrié Séguier ; venez me voir tantôt, et nous accorderons cela ensemble. Que voulait-il ? Cinq années
d'appointements ? On les payera. Il avait perdu 8.000 livres au rachat des
rentes. On les lui rendrait[77]. Mais Pontchartrain ne voulait
rien, que la justice. Comme
président, Séguier parla le dernier. Il a travaillé plusieurs années avec
l'accusé. M. le Cardinal avait conçu de grands soupçons de sa conduite. Quant
à lui, Séguier, il n'a rien vu. C'est le procès qui lui a ouvert les yeux. Foucquet
a fait l'Épargne chez lui, confondu les deniers du Roi et les siens. Le
péculat est prouvé, le crime d'État également ; il n'y a pas de Français qui ne frémisse de ces attentats ;
point de juge qui ne doive venger la querelle du prince. Il est trop visible
que le temps, la longueur de l'instruction ont apporté bien du relâchement
dans les esprits. Toutefois, parlant en la place qu'il a l'honneur de tenir,
il estime qu'il est de son devoir de déclarer l'accusé dûment atteint et
convaincu du crime de péculat et de lèse-majesté ; en conséquence, de le
condamner à la peine de mort. Ainsi, il satisfera au Roi, à la justice, à sa
conscience ![78] Ainsi
se termina ce laborieux délibéré, qui ne dura pas moins de cinq jours,
pendant lesquels le Roi, Colbert, Le Tellier lui-même, Séguier surtout, ne
cessèrent de mettre en œuvre tous les moyens d'intimidation. Malgré tout,
neuf juges seulement votèrent la mort, dont quatre, Séguier, Pussort, Voisin,
Poncet, étaient moins des juges que des accusateurs. Sainte-Hélène et Gisaucourt
avaient été séduits d'avance. Trois seulement cédèrent aux sollicitations,
Ferriol, Noguès, Ayrault. Sans
plus attendre, on relut les avis, et un arrêt fut rédigé en quelques lignes. La Chambre a déclaré et déclare
ledit Foucquet due-ment atteint et convaincu d'abus et malversations par luy
commises (sic) au fait des finances et en la fonction de la commission de
surintendant. Pour réparation de quoy, ensemble pour les autres cas résultans
du procez, l'a banny et bannit à perpétuité hors du royaume ; enjoint à luy
de garder son ban à peine de la vie ; a déclaré et déclare tous et chacun de
ses biens acquis et confisquez au Roy, sur iceux préalablement pris la somme
de cent mille livres, applicables moitié au Roy, et l'autre moitié en œuvres
pies[79]. Arrêt
très court, et aussi peu logique dans sa brièveté que la longue procédure qui
l'avait précédé. Les procureurs généraux avaient poursuivi Foucquet pour
péculat et lèse-majesté, accusations écartées par la Chambre. Restaient les
mots vagues glissés par Talon dans son réquisitoire, autres cas résultant du procès. Quels cas ? Ceux d'abus et de
malversations ? L'arrêt, en les citant, n'en précisa aucun. Le
public ne s'y trompa point. Condamné en fait, le surintendant était acquitté
en droit. Dès que la nouvelle se répandit dans Paris, ce fut partout une joie
extrême, non seulement chez les amis de Foucquet, mais parmi les plus petites
gens de boutique et le peuple tout entier. Au cimetière Saint-Jean, on
voulait allumer des feux de joie. On donnait mille bénédictions à Olivier
d'Ormesson, l'homme de la résistance à la tyrannie. On buvait à sa santé dans
les auberges. Les poètes du pont Neuf improvisèrent un Noël. C'était de
saison. A
la venue de Noël Chacun
se doit réjouir. Foucquet
n'est pas criminel, On n'a pu le faire périr. Quand,
par ses malices, Berryer Dedans
l'abîme l'attira, Il
estoit dans un grand bourbier, Mais
d'Ormesson l'en retira. Tout
cela coulait de verve. On chansonnait l'avis de Sainte-Hélène. J'ay,
dit-il, un double argument, Messieurs,
pour fonder mon avis : L'un
est : je serai présideht ; L'autre est dedans la loy : si quis. Dieux
! s'écria M. Pussort, Qu'il
est profond ! qu'il est sçavant ! En
peut-on trouver un plus fort Pour
régir le sénat normand ? Et son
troisième raisonnement pour condamner Foucquet. Quand
d'ardoise il couvrit un toit, L'autre
de tuiles seulement, Ce
fut pour tromper le Roy. Répondez
à cet argument. Il est
fort bon, dit Gisaucourt et Ferriol
pareillement. Hérault
dit : Vous n'avez pas tort, Et
quand il n'auroit fait que Vaux, N'est-il
pas bien digne de mort D'avoir
tant dépensé en eaux ? On
savait tout au pont Neuf, même qu'Ayrault n'aimait pas l'eau. On connaissait
aussi bien Poncet. Poncet
ne montra pas de fiel Comme
avoit faict M. Pussort, Mais,
par un discours tout de miel, Conclut doucement à la mort[80]... Mais
pour finir notre chanson, Que
chacun se mette à crier : Gloire au grand d'Ormesson ! Que le diable emporte
Berryer ! Enfin,
courut un madrigal qui résumait l'opinion publique. Foucquet
a vu finir ce procès ennuyeux Sur
qui toute l'Europe avoit jetté les yeux, Et
qui sera longtemps célèbre dans l'histoire. Cet
illustre persécuté Au
milieu de ses fers s'est acquis plus de gloire Qu'il
n'a fait dans l'éclat de sa prospérité. Thémis
en sa Faveur a penché la balance, Et,
malgré les efforts d'une injuste puissance, Qui
crut à sa faveur tous les juges soumis, Le
Ciel a fait son innocence Du
crime de ses ennemis[81]. Si l'on
chantait au pont Neuf et dans les cabarets, si, pour monter plus haut, on
était satisfait chez Lamoignon, chez Turenne, chez Condé, chez tous les
honnêtes gens, il n'en était pas de même à la Cour, si ce n'est aux
appartements de la Reine mère, où l'on ne dissimulait pas une grande joie. Quand
la nouvelle de l'arrêt de bannissement parvint au Roi, Louis, par une
curieuse coïncidence, entrait chez Mlle de La Vallière : S'il avoit été condamné à mort, dit-il, je l'aurois laissé mourir[82]. Il ne cacha pas qu'il était
fâché contre ceux qui n'avoient point
condamné Foucquet à mort[83]. Séguier,
bien qu'il eût fait de son mieux, ne pouvait se consoler de l'événement. Dans
un accès de colère, il jeta au feu tout un paquet de cent soixante-douze
arrêts, qu'on eut grand'peine à réexpédier[84]. Seul
Colbert, toujours maître de lui, dissimulait son violent dépit. Ce n'était
pas un homme à être jamais surpris. Depuis le jour où il avait craint quelque
mauvais événement, ses dispositions étaient prises. Le bannissement, c'était
la liberté. Après ce qu'avait dit, écrit, publié Foucquet sous les verrous,
que ferait-il une fois libre ? Qu'apprendrait-on sur Mazarin, sur Colbert ?
Il fallait faire partager ces mêmes craintes au Roi pour son compte. Cela ne
fut pas long, ni sans doute difficile. La mort eût assuré la discrétion, mais les juges n'avaient pas voulu prononcer la peine de mort. Ou ne pouvait pas modifier leur sentence en l'aggravant. En la commuant, c'était différent. Il était dit que, jusqu'à la fin, cette lamentable poursuite serait marquée au coin de l'hypocrisie. Le Roy jugea qu'il pouvoit y avoir grand péril à laisser sortir ledit sieur Foucquet hors du royaume, veu la connoissance particulière qu'il avoit des affaires les plus importantes de l'Estat ; c'est pourquoy il commua la peine du bannissement perpétuel, portée par cet arrêt, en celle de prison perpétuelle '[85]. Le Roi, par clémence, déférait au vœu du condamné. Personne ne s'y trompa. Personne n'osa s'en plaindre. On n'était pas encore revenu des craintes mortelles de ces derniers jours. |
[1]
CONRART, Mémoires,
p. 619, 620.
[2]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 280. Cf. le Livre abominable, t. II, p. 133. SÉVIGNÉ, lettre du 17
décembre 1664.
[3]
Lettres de Poncet à Colbert, 24 juillet 1864 ; de Foucault à Séguier, même
date. Archives de la Bastille, t. II, p. 208 ; ORMESSON, Journal, t. II, p. 274
; SÉVIGNÉ,
lettre du 17 décembre 1884. Matter a publié un billet très curieux de Mlle de
Scudéry relatif à cette affaire. Lettres et pièces rares, p. 242.
[4]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 256, 260.
[5]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 266 et suiv.
[6]
CONRART, Mémoires,
p. 620. Cf. ORMESSON,
Journal, t. II, p. 275.
[7]
SÉVIGNÉ, lettre
du 9 décembre 1664.
[8]
SÉVIGNÉ, lettre
du 5 décembre 1664.
[9]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 271.
[10]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 265.
[11]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 270.
[12]
5 décembre 1664.
[13]
SÉVIGNÉ, lettre
du 10 décembre 1664.
[14]
SÉVIGNÉ, lettre
du 13 novembre.
[15]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, p. 151, publiés à la suite du Journal d'Ormesson,
t. II, p. 776. Je ne m'arrête pas à relever dans l'impression quelques erreurs
de copiste. Notez seulement, p. 777, Contarini
au lieu de Cantarini.
[16]
SÉVIGNÉ, lettre
du 13 novembre.
[17]
Extraits sommaires, t. X, f° 170.
[18]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 270.
[19]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 270.
[20]
SÉVIGNÉ, lettre
du 17 décembre 1664.
[21]
SÉVIGNÉ, lettre
du 19 décembre.
[22]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 271.
[23]
SÉVIGNÉ, lettre
du 19 décembre.
[24]
Cf. le Livre abominable, t. II, p. 110, presque toujours d'accord avec
Ormesson.
[25]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 273.
[26]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 172.
[27]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 174 v°.
[28]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 173.
[29]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 181.
[30]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 183.
[31]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 183.
[32]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 272, 274. Le Livre abominable, t. II, p. 111, confirme cette
impression.
[33]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 275.
[34]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 184. Bibl. nat., ms. Ve de Colbert, 237.
[35]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 188.
[36]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 188 v°, f° 191.
[37]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 241 v°.
[38]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 276 ; le Livre abominable, t. II, p. 112 ; SÉVIGNÉ, lettre du 17
décembre.
[39]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 276. Foucault s'est bien gardé de mentionner ces incidents dans son Journal.
[40]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 277.
[41]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 250, 255.
[42]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 233 à 274. ORMESSON, Journal, t. II, p. 277.
[43]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 277.
[44]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 277, 285.
[45]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 272, 290.
[46]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 287, 289.
[47]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 292.
[48]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 289-298.
[49]
SÉVIGNÉ, lettre
du 19 décembre 1664.
[50]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 278. Cf. le Livre abominable, t. II, p. 105.
[51]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 278. SÉVIGNÉ,
lettre du 19 décembre 1664.
[52]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 276.
[53]
Défenses, t. XVI, p. 337. La relation est du 20 décembre 1664.
[54]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 278.
[55]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 279.
[56]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 279.
[57]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 290.
[58]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 298, 302. Par une erreur inexplicable, une relation
contemporaine du 20 décembre 1664 porte La Toison comme ayant voté la mort. Défenses,
t. XVI, p. 339.
[59]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 290.
[60]
SÉVIGNÉ, lettre
du 17 décembre.
[61]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 304.
[62]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 312.
[63]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 313 v°.
[64]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 313 y0, 316 ; ORMESSON, Journal, t. II, p. 280.
[65]
ORMESSON, Journal,
Journal, t. II. p. 281 ; SÉVIGNÉ,
lettre du 19 décembre 1664.
[66]
SÉVIGNÉ, lettre
du 19 décembre.
[67]
ORMESSON, Journal,
t. II. p. 281 ; SÉVIGNÉ,
lettre du 19 décembre.
[68]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 316, 322.
[69]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 322, 323.
[70]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 322, 323.
[71]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 323.
[72]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 324 v°.
[73]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 320, 330. cf. ORMESSON, Journal, t. II, p. 382.
[74]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 330 v°, 368.
[75]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 330 v°, 368.
[76]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 369.
[77]
FOUCAULT, Extraits
sommaires, t. X, f° 294.
[78]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 282.
[79]
Défenses, t. XVI, p. 354.
[80]
M. Chéruel a publié un texte de cette complainte, dans le Journal d'Ormesson,
t. II, p. 295. Il l'a trouvée fort médiocre.
Elle est au contraire très fine et absolument historique. Il faut seulement
corriger le 16e couplet où Masnau est appelé Machault, soit par erreur du
copiste, soit par confusion.
[81]
Le tableau de la vie et du gouvernement de Messieurs les cardinaux Richelieu
et Mazarin, p. 334. Cologne, 1693, in-18.
[82]
RACINE, Notes
pour servir à l'histoire du Roi. Voltaire a révoqué, parait-il, ce mot en
doute, mais sans raison plausible. Guy PATIN, lettre du 23 décembre 1664.
[83]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 284.
[84]
ORMESSON, Journal,
t. II, p. 290. Ormesson, qui certifie le fait, fait des réserves sur le chagrin
qui en fut la cause.
[85]
Défenses, t. XVI, p. 355. Ms. de Gomont.