NICOLAS FOUCQUET

SIXIÈME PARTIE

 

CHAPITRE II. — RÉSULTAT DES INTERROGATOIRES.

POURSUITES CONTRE LES FINANCIERS. — AFFAIRE DES SIX MILLIONS. — NOUVEAUX INTERROGATOIRES DE FOUCQUET. — RAPPORT DES COMMISSAIRES. — PROPOSITION DE DONNER A L'ACCUSÉ UN CONSEIL, ET DE LUI COMMUNIQUER LES INVENTAIRES. — IL REFUSE DE RÉPONDRE. — IL SERA JUGÉ COMME UN MUET. PROCÉDURES IRRÉGULIÈRES. — MÉMOIRES EN FAVEUR DE FOUCQUET. — LE ROI CONFIRME LA JURIDICTION DE LA CHAMBRE DE JUSTICE. — CONFRONTATION DES TÉMOINS. — ON ACCORDE A L'ACCUSÉ UN CONSEIL ET LA COMMUNICATION DES PIÈCES. (Mari-octobre 1862.)

 

 

Le 23 mars, Poncet et Renard avaient clos leur interrogatoire. Il semblait qu'ils n'eussent plus qu'à en faire rapport à la Chambre, et cependant les séances succédaient aux séances, les mois aux mois, sans qu'il y fût question de Foucquet, du moins publiquement. C'est qu'en somme, ce long document, qui ne tenait pas moins de cent quarante-sept rôles[1], justifiait plutôt le surintendant qu'il ne le livrait à ses accusateurs.

Ces derniers le comprirent. Aussi mit-on du monde en campagne pour contrôler les dires de Foucquet. Chose assez étrange, Le Tellier fit compulser le greffe du Parlement de Bretagne pour chercher une pièce qui était aux mains de Colbert ou de Talon[2].

Pendant tous ces délais, un homme n'était pas content, l'avocat Gomont. L'arrêt du 3 mars, fondement du procès, rédigé sans sa participation, ne le satisfaisait nullement, ny en son exposé, ny en son dispositif. On lui communiquait chaque jour les procès-verbaux de l'interrogatoire de Foucquet, et chaque jour il constatait de grandes modifications apportées à son plan, des additions, des retranchements. Rien n'en restait. Enfin, on ne parlait plus d'obtenir une décision du Conseil du Roi pour fortifier l'establissement de la Chambre de justice[3].

De guerre lasse, Gomont voulut bien se persuader que l'arrêt du 3 mars était meilleur que s'il l'eût rédigé lui-même ; qu'on avait eu raison d'équivoquer, de ne parler qu'en termes généraux sur les finances, de prendre l'occasion du procès de M. Bruant et de ne point faire mention du crime de lèse-majesté, qu'un arrest du Conseil auroit causé plus de soupçon que donné d'autorité. Gomont était surtout bon serviteur. Je n'ay jamais, dit-il, parlé à qui que ce soit ny de l'arrest du 3 mars nv du deffault de l'obtention d'arrest du Conseil, et j'ay toujours soutenu que la procédure estoit valable, affirmation d'autant plus méritoire que l'honnête avocat était convaincu du contraire.

Mais il ne put s'empêcher de blâmer les interrogatoires. Le Tellier les critiquait aussi, et en l'ordre et en tout ce qu'ils contiennent. On avait demandé beaucoup de choses inutiles, sans presser (serrer) aucun fait considérable.

Malgré cela, huit jours après, Gomont présente un rapport à la conférence du Louvre, devant Le Tellier, Colbert, Foucault. Nonobstant le changement des faits, il y avoit de quoy condamner M. Foucquet et par les faits et par les responses. La conférence ne fut pas convaincue ; en tout cas, on ne résolut rien. Gomont se remit au travail, commença un inventaire de production. Il notait toutes les pièces pouvant servir tant à l'accusation qu'à la défense. Il affirme, et il faut croire à sa sincérité, que peut-être on n'a jamais entrepris ny conduict un procès criminel avec si peu de passion. Je n'ay jamais remarqué d'autres sentiments que ceux de la justice, et, en ma présence, il n'en a jamais esté parlé en d'autres termes. J'ay dit plusieurs fois, et il est véritable, que je ne m'en serois jamais mêlé ou que je l'aurois abandonné, si j'avois recongneu qu'on y eust agy autrement.

Gomont n'était pas dans le secret.

Selon lui encore, il ne fallait pas prolonger la durée de la Chambre.

Elle causoit tant de maux, par sa réputation et par ses effets dedans et dehors le royaume, qu'il sembloit que sa continuation estoit plus désadvantageuse que n'auroit esté l'absolution de M. Foucquet, supposé qu'il y eust lieu de l'absoudre.

Enfin, on avait assez de preuves et assez de faits pour obtenir la condamnation de l'accusé. Tous ceux qu'on ajouterait nuiraient plutôt qu'ils ne serviraient à l'affaire, et par leur diversité la pourvoient ruiner.

Gomont insistait donc pour avoir jugement à la Pentecôte.

Ses patrons s'offensèrent de son insistance.

Ils ne faisaient encore qu'une petite guerre d'escarmouches.

Gomont, très sincère, un peu naïf, avait, à certains jours, des lueurs. C'est lui, il le croyait du moins, qui avait présenté Berryer à Talon, et depuis, dit-il, j'aurois bien plustot eu besoin de M. Berryer que M. Berryer de moy.

Ce dernier portait l'affaire sur un nouveau terrain, celui des procès-verbaux de l'Épargne. L'aliénation des octrois,

celle des quatre cent mille livres de rente, le détournement des six millions avaient fait l'objet des conférences, où beaucoup de choses estoient dictes, avoue Gomont, qui passoient ma cognôissance1[4].

Malgré tous ces conciliabules, on ne parlait plus du procès. Gomont rompit encore le silence, insistant pour qu'on ne différât ni la procédure ni le jugement. Ses raisons ne manquaient pas de sens. La poursuitte différée d'un crime change les esprits, comme sy le crime estoit changé. C'est un effet du temps, et particulièrement aux crimes où le publicq est intéressé, où l'on ne manque jamais de sévir d'abord contre le criminel, d'entrer par après en compassion pour luy, parce qu'on crie toujours contre ceux qui sont en place.

Quoi qu'il pût dire, ceux qui étaient en place hésitaient toujours. Laissant Foucquet, ils abordèrent les commis.

Le 17 avril, Poncet et Renard interrogèrent Pellisson. On ignorait alors que l'éloquent discours au Roi fût l'œuvre de cet académicien, en apparence plutôt voué au culte des muses qu'à celui des finances. C'était un homme de mœurs douces et platoniques, à la faconde méridionale, qui parlerait volontiers, au moins le croyait-on ; car, tout au rebours, Pellisson répondit seulement qu'il ne voulait pas répondre, qu'il déclinait la compétence de la Chambre et réclamait un conseil. Un arrêt rejette immédiatement son déclinatoire. Il n'en tient compte[5]. Impossible de rien tirer de ce bonhomme crépu, têtu, poli.

On passe à un autre. Talon fait arrêter, mettre au secret le financier Monnerot. Aussitôt, la femme de ce dernier, qu'on n'avait pas exilée comme précédemment Mme Foucquet, proteste contre cette arrestation arbitraire, présente requête à la Chambre de justice, demande que son mari soit interrogé, conformément aux ordonnances, et relaxé.

Talon se retranche derrière un ordre verbal du Roi.

Il faut d'abord inventorier les papiers saisis ; ensuite on interrogera Monnerot. Autrement, on irait contre l'ordre en matière criminelle et contre l'intention du Roy[6].

Évidemment, le ton autoritaire du procureur général déplaisait à la Chambre.

Talon retiré, les commissaires s'élèvent contre ces arrestations arbitraires, faites sans mandat de justice. Il faudrait au moins un ordre écrit du souverain, et non un ordre verbal. Catinat conclut à ce que Monnerot soit interrogé ; du Verdier, à ce qu'il soit élargi. Toutefois, par un retour à la prudence, on arrêta que Talon prendrait l'avis du Roi[7]. Naturellement, Monnerot resta sous les verrous, séquestré.

Ces velléités de résistance n'en inquiétaient pas moins les habiles et les prudents.

C'était le moment de se défiler. Choart trouva moyen de s'en aller. Le Tellier tira de ce guêpier son fils Louvois, remplacé par Ferriol, conseiller au Parlement de Metz (21 mai 1662).

Il était temps. Le 22 mai 1662, après un rapport sur ce fameux détournement de six millions de livres, dont on faisait grand bruit dans le public, comme si depuis Henri IV on avait jamais vu six millions ensemble dans le trésor royal[8], Talon requit solennellement des poursuites contre Jeannin de Castille, trésorier de l'Épargne, Bruant, Gour-ville, Pellisson, et tous ceux qui se trouveront directement ou indirectement avoir reçu les deniers provenant des billets expédiés pour et au lieu de l'ordonnance de six millions[9]. La Chambre rendit un arrêt conforme, sauf en ce qui concernait cette dernière phrase, visant des inconnus. Trois jours après, le procureur général revenait à la charge, et il était décidé, par deux arrêts, que Foucquet serait interrogé sur les faits résultant d'un interrogatoire de Jeannin, comme sur tous autres qui seraient articulés par le ministère public[10].

Le gros Jeannin, assez brave homme, mais de nature molle et aimant ses aises, galantin jovial et grotesque[11], ne tint pas, même un jour, contre le malheur qui s'abattait sur lui. Il se déchargea de tout sur Foucquet, prétendant avoir des ordres écrits[12]. Monnerot garda mieux son sang-froid, mais ses réponses ne paraissent pas très franches. A-t-il eu des registres ? — Non. — Son caissier en a-t-il tenu ? — Non. — Et son commis ? — Non plus. Pressé, poussé à bout, il déclare qu'il a fait à Bruant certains payements. Pas un mot d'ailleurs contre Foucquet. Un sieur Douillet, témoin entendu 'pour un billet de trois cent mille livres, sorte de pot-de-vin qu'il aurait donné à Nicolas, ne sait même pas de quoi on lui parle[13].

Quatre autres témoins comparaissent sans qu'on en tire plus d'éclaircissements[14]. Talon ne se déconcerte pas. Il requiert pour la forme l'arrestation de Monnerot, emprisonné depuis un mois, se réservant de prendre contre lui, Jeannin et Foucquet, telles conclusions que de droit. En même temps, il demande l'annulation par la Chambre de quatre cent mille livres de rente constituées et vendues aux gens d'affaires.

Comme le premier président Lamoignon discutait cette suppression de rentes, Voisin, beau-frère de Talon, se permit de l'interrompre, disant qu'il se faisait tard. Lamoignon se ficha. De telles interruptions vont contre l'ordre et la discipline. Si les choses continuent de la sorte, il faudra quitter la place et informer le Roi[15]. Vaine protestation. Quelques minutes après, un arrêt était rendu, conforme aux conclusions du procureur général.

Ce dernier se sentait en veine. Le G juin, au rapport de Pussort et Voisin, il annonce qu'il a découvert, dans les papiers de Bruant, la preuve qu'on a volé le Roi dans un traité de l'aliénation des octrois. L'agent de la fraude est un certain Baron, parent du sieur de Bruc, frère de Mme du Plessis-Bellière, l'amie de Foucquet. Plaise à la Chambre annuler le traité, ordonner que Foucquet sera interrogé sur ce détournement. Lamoignon tente une dernière fois de résister. L'affaire est d'importance et mérite qu'on en rende compte au Roi. Résistance inutile. On passe outre[16].

Six millions détournés par Jeannin, plus huit cent quarante-sept mille livres par Ronquerolles et Jeannin, plus quatre cent mille livres de rentes, plus les octrois, tout cela constituait une forte base d'accusation et un sérieux préjugé de culpabilité. Poncet et Renard, confirmés dans leur mission, reprirent leurs visites quotidiennes au donjon de Vincennes.

C'est encore Gomont qui fut chargé de dresser le questionnaire. Au fond, mécontent de ce qu'on l'avait tenu à l'écart de la procédure dirigée contre Jeannin et les autres, il n'en laissait rien voir et travaillait au commandement[17].

Depuis deux mois et demi, le prisonnier n'avait vu personne, si ce n'est, à Pâques, un confesseur, le Père Eyneuve. A vrai dire, on ne pouvait le contraindre à manquer à une loi de l'Église, et le péché fût retombé sur le Roi lui-même. Le confesseur est encore accordé à la Pentecôte[18]. On paraissait ainsi tenir les promesses faites en mars dernier.

D'abord, Foucquet demanda aux deux commissaires si l'on avait statué sur son déclinatoire de compétence. — Non. Ils n'avaient point encore fait leur rapport à la Chambre ; ils venaient même pour compléter l'interrogatoire sur quelques points omis. Peut-être aurait-il été juste de communiquer au prévenu les arrêts du 22 mai, du 3 et du 5 juin, portant que lui, Foucquet, serait interrogé, ainsi que Jeannin et Monnerot, sur certains faits déterminés. On n'en fit rien[19]. On rusa avec cet homme sans défense, qui se contenta de renouveler ses protestations, notamment contre la présence de Talon et de Voisin parmi ses juges.

Sur les six millions de billets du Trésor qu'on aurait dû annuler, Foucquet déclara se bien souvenir de l'ordonnance qui les avait créés, mais ne pas connaître le bénéficiaire, un sieur Duval, les ordonnances s'expédiant toujours le nom en blanc. Cela se passait en 1658 ; il était gravement malade, presque à la mort, ce qui avait jeté beaucoup de trouble dans les esprits de ses commis. — Soit, mais pourquoi n'a-t-il pas ensuite retiré l'ordonnance de remise, et déchiré ces billets sans cause ? — D'abord cet ordre, il l'a donné. Si ces commis ne l'ont pas exécuté, il faut s'en prendre aux difficultés du temps. Le Roi, à son tour, était tombé malade à Dunkerque[20]. De grandes séditions éclataient de toutes parts. C'étaient les nobles en Normandie, les sabotiers en Sologne. On courait au plus pressé[21].

Les commissaires insistent. Foucquet ne s'est-il pas entendu avec Bruant et Gourville, pour effacer le vice d'origine de ces billets, les faire circuler d'un trésorier à l'autre, de manière à en toucher un jour la valeur, au préjudice du Roi ? — Non, et il est même probable que le Roi n'a subi aucun préjudice, que ces billets n'ont été présentés à la caisse royale qu'en vertu d'assignations valables, et que le Roi a été libéré de véritables dettes. D'autres billets, non contestés, doivent être restés inutiles dans les cassettes des créanciers du Roi, et y resteront à jamais, parce qu'il ne suffit pas d'avoir un billet pour être payé ; il faut encore produire un titre établissant que le Roi a bien reçu l'avance, le montant du prêt dont ce billet n'est que le signe.

Ces explications étaient tellement concluantes que les commissaires, ne sachant que dire, demandèrent à Foucquet s'il voulait s'en rapporter aux déclarations de Jeannin, son ami, son parent. Il esquiva très adroitement le piège ; il a confiance en Jeannin, mais on a pu tromper Jeannin[22].

Le prisonnier répond également bien sur un vieux billet de trois cent mille livres, remontant à 1643, et qu'il aurait passé en payement du droit de marc d'or, puis sur le traité des octrois. La séance dura de trois heures jusqu'à huit heures du soir, sans que Foucquet donnât prise une seule fois à ses adversaires.

Pour l'amadouer, on fit signer au Roi une lettre l'autorisant à prendre l'air de temps à autre sur la terrasse du donjon. Le prince allait jusqu'à dire qu'il lui était très agréable d'accorder cette grâce aux sollicitations de Mme Foucquet. C'était peu de chose en soi, et cependant beaucoup pour un homme enfermé depuis si longtemps entre les quatre murs d'une prison[23].

Si le Roi paraissait s'adoucir, les commissaires, par contre, posaient des questions de plus en plus brutales.

Foucquet ne s'est-il pas approprié un million quatre cent quatre-vingt-huit mille six cent trente-six livres de remise sur les cinq grosses fermes ? Le chiffre est précis. — Non. — N'a-t-il pas à cette fin pris des intermédiaires ? — Non [24].

Foucquet n'a-t-il pas gratifié Mme de Guise d'une somme de 100.000 francs ? — Oui ; le Cardinal l'a su ; c'était un remboursement, une indemnité, si l'on veut, pour une dette ancienne remontant à 1619, et que le Roi n'avait pas payée.

Feu M. le Cardinal ne s'est-il pas plaint du désordre de l'administration des finances ? — Non. Le Cardinal et lui, Foucquet, étaient bien d'accord sur ce point qu'il existait des abus, que les gens d'affaires profitaient des difficultés politiques ; mais Mazarin voulait être le maître, et recevait les plus clairs deniers[25].

L'interrogatoire tournait toujours dans le même cercle, et toujours, en voulant atteindre Foucquet vivant, on touchait Mazarin mort. Les commissaires se décident à poser une dernière question. N'a-t-il pas, étant surintendant, fait Épargne chez lui ? en d'autres termes, n'a-t-il pas manié, donné, reçu les deniers du Roi, agi comme trésorier, lui qui ne devait être qu'ordonnateur ? Foucquet voit la portée du coup. Sa réponse est topique, probante. Les deniers que ses commis ont pu donner ou recevoir étaient deniers non du Roi, mais de lui, Foucquet. Il l'a déjà dit, lorsqu'on l'a interrogé en mars[26].

Comme la première fois encore, c'est le prisonnier qui s'oppose à la clôture de l'interrogatoire (12 juin). Il renouvelle son intention de se pourvoir auprès du Roi, devant le Parlement. Il demande un conseil, les moyens d'écrire, ses papiers surtout, indispensables pour répondre à toutes les questions qu'on lui pose. On se bitte de lui donner acte de ses réserves, de rédiger le procès-verbal de la séance, qu'il consent à signer avec ses protestations accoutumées[27].

Dès le lendemain, Poncet et Renard commencèrent à faire rapport de leur mission, ce qui ne prit pas moins de quatre séances (13, 16, 17, 18 juin).

De l'avis général, le surintendant s'était fort habilement exprimé[28].

De leur côté, les commissaires se montraient satisfaits ; mais le méthodique Gomont ne partageait pas leur satisfaction. Quand on lui communiqua l'interrogatoire de Foucquet : Je fus fort estonné, dit-il, de voir qu'on ne l'avoit interrogé sur aucun de mes fuicts, et qu'on l'avoit interrogé sur d'autres, qui n'estoient en façon quelconque de ma cognoissance. Gomont apprit plus tard qu'on avait suivi un plan dressé par Berryer. On fut d'ailleurs, en haut lieu, si peu content de ce second interrogatoire, qu'on le supprima, soit que M. Bernier ayt jugé de luy-mème qu'il estoit inutille, soit que d'autres agent porté le mesme jugement[29]. Peu après, dans une nouvelle conférence, Gomont s'expliqua avec son abnégation habituelle, trouvant toutes choses bien, comme sy elles avoient esté faictes, dit-il, de mon consentement, par mon ordre et par mes advis. Mais, comme à chaque séance on changeait les décisions précédentes, il se résolut à tenir à part lui des sortes de procès-verbaux, afin de pouvoir rendre compte à l'occasion[30].

Néanmoins, Poncet conclut en disant que par la lecture des pièces, la déclaration d'un sieur Chatelain, dont on n'avait pas parlé jusqu'alors, Foucquet se trouvait suffisamment chargé d'abus et de malversations dans les finances ; qu'en outre, l'escrit par lui reconnu prouvait assez qu'il auroit volontiers sacrifié sa sûreté particulière à la tranquillité publique[31].

RECOMMANDATION DE L'ACCUSÉ. 155

C'était la première fois qu'on mettait en avant cet écrit, pour servir de base à une accusation de crime d'État.

La Chambre, qui n'était pas dans le secret de tous ces dissentiments intérieurs, arrêta que le sieur Foucquet, ci-devant surintendant des finances, serait recommandé, que Deslandes, ex-gouverneur de Concarneau, serait appréhendé, le président Maridor assigné ; Maridor et Deslandes étaient nommés dans l'escrit.

 

Cette satisfaction donnée à l'accusation, on comprit qu'il y avait aussi lieu de penser à l'accusé. Le commissaire Fayet fut d'avis de lui donner un conseil ; un autre, le sieur Françon, de lui communiquer les inventaires de ses papiers[32]. Ce dernier ne se doutait pas assurément de la bombe qu'il venait de jeter au milieu de ce procès. Communiquer les inventaires, donner un conseil à un accusé de crimes d'État, cela ne s'est jamais vu ! Ce serait trahir le secret du Roi ! Lamoignon intervient. Il est vrai qu'on ne donne pas d'avocat aux accusés de lèse-majesté au premier chef, mais rescrit ne constitue pas un crime de cette qualité ; ce chef d'accusation n'est qu'incident ; la Chambre n'a le droit d'en connaître qu'accessoirement aux malversations[33].

Un jour, Colbert cherchant à pressentir l'opinion du premier président, avait reçu cette réponse qu'un juge ne révèle pas son avis si ce n'est sur les fleurs de lis. C'était bien en juge et sur les fleurs de lis que Lamoignon venait de parler.

Colbert et Talon comprirent ; à partir de ce jour-là, ils ne songèrent plus qu'à se débarrasser de ce dévot.

Aux termes des ordonnances, tout accusé arrêté devait être immédiatement interrogé. Or Foucquet n'avait été prisonnier, légalement, qu'au jour de la recommandation signifiée à d'Artagnan. Les interrogatoires précédents ne valaient donc que comme conversations. Seules, de nouvelles questions, de nouvelles réponses pouvaient satisfaire à la loi, et surtout passer pour une reconnaissance par l'accusé de la compétence de la Chambre. Comment obtenir cet acquiescement ?

On continua d'agir d'une manière détournée.

L'arrêt de recommandation, notifié à d'Artagnan, ce qui était bien inutile, ne fut pas signifié à Foucquet, quoique je ne fusse pas difficile à trouver, fit remarquer plus tard ce malheureux qu'on voulait tenir dans l'ignorance[34]. Puis, le piège dressé, les commissaires Poncet et Renard se représentèrent au donjon (21 mars 1662).

Poncet, insinuant, doucereux, commença par dire au prisonnier qu'on désirait encore quelques petits éclaircissements. Foucquet de demander s'il n'y avait rien de nouveau, si la Chambre n'avait pas statué sur ses réclamations. Poncet de répondre que l'arrêt du 3 mars a prescrit des informations, qu'on a entendu depuis peu certains témoins ; c'est sur leurs dépositions qu'on veut interroger aujourd'hui ; le tout en vertu de l'arrêt du 3 mars[35]. Soit. Cependant, Foucquet serait bien aise de savoir si la Chambre a vu ses interrogatoires. L'honnête Renard prend alors la parole et déclare qu'il y a eu arrêt en conséquence. Foucquet demande à en voir le texte. Par malheur, le greffier Foucault ne l'a pas apporté.

Poncet rentre en scène. Il n'est pas question de nouvel arrêt, mais seulement de celui du 3 mars. Peine perdue. Le prisonnier a l'oreille fine, et l'isolement a redoublé sa perspicacité naturelle ; il soupçonne quelque ruse. Jusque-là, confiant dans la Chambre, il a bien voulu répondre ; mais puisque ses interrogatoires ont été vus et qu'on ne lui produit aucun arrêt, loin de là, puisqu'on resserre ses liens, qu'on lui refuse les moyens d'écrire et un conseil, il ne répondra plus. Les récusations contre Talon, son ennemi personnel, n'ont pas besoin de preuves. Il demande acte de sa protestation[36]. Grâce à la droiture de Renard, la ruse de Poncet et de Foucault avortait.

 

Dès le lendemain 22, on rendait compte à la Chambre de ce qui s'était passé la veille.

Elle trouva sans doute quelque fondement à la résistance de l'accusé. Selon Lefèvre d'Ormesson, on devait donner à Foucquet les moyens d'écrire. Grande discussion.

Enfin, Lamoignon suggéra cet expédient que Foucquet écrirait ses moyens de récusation en présence des commissaires, ce qui fut décidé, avec cette réserve, ce retentum, comme on disait en style de palais, que cela ne serait que sous le bon plaisir du Roi[37].

Le Roi apparaît de plus en plus comme le juge effectif de Foucquet.

Quatre jours après, Poncet étant malade, Renard seul, mais toujours suivi de Foucault, porte à Vincennes l'arrêt du 22. Foucquet le lit avec soin, cherche dans les considérants quelques indications de l'autre arrêt rendu sur le rapport de ses interrogatoires. C'était prévu. Pas de mentions d'arrêt, si ce n'est de celui du 3 mars. De plus en plus défiant, l'accusé refuse de répondre. Foucault explique alors qu'il a remis à d'Artagnan un ordre du Roi autorisant Foucquet à écrire en présence des commissaires. Il s'attire une réponse indignée. Un tel procédé est sans exemple ! Il n'est pas pratique : il faut du temps pour rédiger. Ce serait un assujettissement trop pénible pour les commissaires et pour lui, Foucquet, malade d'une fièvre quarte depuis onze mois. Précisément, c'est son jour de fièvre[38].

Foucault juge bon de faire un pas en avant. Il obtiendra pour l'accusé, il s'en fait fort, la faculté de travailler seul, sous les yeux de d'Artagnan. En ce cas, que fera Foucquet ? il le prie de le dire. — Foucquet agira selon les circonstances. Puis, le prisonnier se tourne vers Renard, qui lui inspire plus de confiance, l'adjure de porter ses protestations au Parlement, dont il est le seul représentant.

Renard ne répond pas, revient à la Chambre, fait son rapport. Talon requiert qu'il soit procédé contre Foucquet comme contre un muet. Plusieurs juges trouvent les conclusions trop rigoureuses. On arrête que l'accusé sera tenu de répondre, sinon il sera fait droit aux conclusions du procureur général. Renard repart aussitôt pour Vincennes. Foucault, cette fois, n'a pas oublié l'arrêt. Il le montre, ainsi que les réquisitions menaçantes du procureur général. Le prisonnier, loin de s'intimider, réitère ses protestations contre Talon. En vain renouvelle-t-on l'offre de papier, de plumes et d'encre, à charge d'écrire sous les yeux de d'Artagnan. Foucquet refuse[39].

Pour toute réponse, le jour même, Talon fait décider que l'accusé sera jugé comme un muet, et, le lendemain, on signifie l'arrêt à Foucquet, qui proteste énergiquement. Alors, Foucault, désespérant de la violence, a de nouveau recours à la ruse. Il fait entrer d'Artagnan.

Le mousquetaire a reçu ce matin même un ordre du Roi permettant au prisonnier d'écrire en liberté ; seulement, le papier lui sera donné par compte, et les commissaires ne pourront recevoir d'autre écrit que ses récusations. Cette offre n'est pas acceptée. Alors, le greffier tire de sa poche une autre lettre du Roi, portant la même date, ordonnant à d'Artagnan de laisser au prisonnier telle liberté d'agir que MM. les commissaires indiqueraient. C'était un indigne marchandage.

Le procédé parut si grossier, que Renard intervint honnêtement pour déclarer à Foucquet que le premier ordre seul était valable.

Le prisonnier comprend le parti qu'il peut tirer de la fausse manœuvre de Foucault. Son génie de procureur se réveille. Il requiert (le mot est de lui) la transcription des deux ordres du Roi au procès-verbal de la séance. Foucault, pour parer le coup, interpelle d'Artagnan. Peut-il permettre cette transcription ? Le mousquetaire comprend à demi-mot, et, pour couper court, se retire. Foucquet ne se décourage pas. Il demande qu'on constate au moins l'empêchement suscité par le greffier. Puis, voyant que cette contestation faisait peine à Renard, dont il venait d'éprouver la sincérité et la vertu, il n'insiste pas, s'attaquant seulement à Foucault[40].

Du 1er au 6 juillet 1662, à trois reprises, Renard revient interpeller le prisonnier, le sommer de répondre. Foucquet reste inébranlable. Son esprit juridique se révolte contre cette procédure pleine de nullités, plus semblable à une oppression qu'à une instruction judiciaire. Traiter un homme qui parle comme un muet, un prisonnier réclamant ses juges naturels comme un contumace, ne pas garder les délais prescrits par les ordonnances, donner des arrêts de jour à jour, signifier les uns, non les autres, et à un homme qui n'avait pas même le droit d'écrire librement ! c'était une persécution[41] !

 

On ne pouvait si bien garder le secret de ces odieuses procédures qu'il ne transpirât au dehors.

Vers la fin de juin 1662, Pellisson, toujours à la Bastille, reprit la plume ou ce qui, pour lui, remplaçait la plume. Il établit que tout accusé à trois secours dans son infortune ; nous dirions aujourd'hui un triple droit : de se plaindre de l'incompétence du juge, non seulement à ce juge, mais à son juge naturel ; de relever ses reproches contre ses juges ; d'avoir un conseil habile et fidèle. Tout sera-t-il renversé à l'égard de M. Foucquet[42] ? On ne soutient plus que l'édit de création de la Chambre de justice ait entendu déroger aux privilèges, mais, dit-on, Foucquet n'est pas privilégié ? Erreur. Il l'est trois fois, comme noble, comme ministre, comme vétéran du Parlement.

Il s'agit de deux crimes : malversations d'un surintendant ; crime d'État. L'un et l'autre échappent à la juridiction de la Chambre de justice.

Si les lettres de provision des surintendants portent qu'ils n'ont de compte à rendre qu'au Roi, c'est que depuis l'injuste procès fait à M. de La Vieuville, personne n'eût, sans cette clause, accepté cette fonction.

Quant au crime d'État, nul juge n'est moins compétent que la Chambre, bornée aux matières de finances par l'édit de son établissement, qui, autrement, n'eût pas été enregistré par les Cours souveraines, aucune n'ayant, depuis l'ordonnance de Blois, vérifié ni approuvé nulle commission extraordinaire pour le seul fait des finances[43].

Pellisson s'avançait trop. Chalais avait été jugé et condamné à mort par commissaires, et certes, ce n'était pas pour matière de finances.

Au surplus, la maxime inviolable du palais et du parquet est qu'en cas de juridiction, l'ordinaire attire l'extraordinaire. Le crime d'État est plus grave que celui de péculat, et le seul juge compétent de ce crime, c'est le Parlement.

Les procédures faites contre Foucquet sont donc irrégulières. On n'ose s'en expliquer encore au public, qui ne les ignore pas entièrement[44].

Un conseil doit être donné aux accusés, même avant les confrontations. Ils s'en serviraient, dit-on, pour déguiser la vérité ! N'y a-t-il que ce seul danger ? Et celui qu'ils soient opprimés par des ennemis n'est-il pas plus grand ? L'accusateur aura-t-il mille conseils dès l'entrée du procès pour attaquer, et l'accusé n'en aura-t-il point pour se défendre ? Foucquet a répondu pendant dix jours avant que d'être accusé et qu'il y eût aucun décret contre lui, sur toutes les actions de sa vie, jusqu'aux moindres, par soumission aux ordres du Roi. A cette heure, il a besoin d'un avocat pour démêler la subtilité de tant de procédures dirigées contre lui.

La Chambre use de rigueur et se rend d'autant plus suspecte. Un de ses arrêts porte qu'on offrira à Foucquet du papier et de l'encre pour écrire seulement les requêtes qu'il lui adresserait, non celles qu'il demande avec instance de présenter au Parlement, refus dont on aura peine à trouver aucun exemple ancien ou nouveau, qui ne choque pas moins le respect dû à ce corps auguste par la Chambre de justice même, que l'équité naturelle et la liberté publique[45].

 

Un second mémoire ne tarda pas à venir à la rescousse du premier[46]. M. Talon menace de traiter Foucquet comme un muet, lui qui a répondu pendant cinq semaines. Il a eu, dit-on, des nouvelles ; quelque esprit familier l'a averti de ne plus parler. Oui, certes, et bien familier, car c'est le sien même. Il se tait, maintenant qu'il est accusé, parce que son privilège serait perdu s'il parlait. On veut qu'il dise : Je me rends ; je reconnais mon juge. Que ce juge se demande à son tour : Si j'étais tombé dans la disgrâce du prince, si l'on avait saisi mes papiers, sans inventaires, les livrant aux auteurs de ma perte, dérobant les plus utiles à ma défense ; si je trouvais parmi mes commissaires des ennemis acharnés, s'il me sembloit que cette commission, prête à se réduire en taxe pour tout le monde, ne cherchât autre sang que le mien, que je fusse la victime piaculaire, le malheureux qu'il faudroit jeter dans la mer avant que d'apaiser la tempête, si je n'avois ni conseil ni liberté, si on ne me pressoit de parler que pour mieux m'accabler, ferois-je bien de parler ou de me taire ? Feroit-on bien de me traiter en muet et en contumax ? Non, sans doute. Je ne ferai donc point à autrui ce que je trouverois si mauvois si on me le faisoit à moi-même[47].

 

En guise de réponse, le 4 juillet un arrêt du Conseil d'État ordonna que toute la procédure commencée contre le surintendant fût apportée au greffe de cette juridiction. On le signifie le 5 à Foucquet et, dès le 6, à Saint-Germain, le Conseil, Sa Majesté y siégeant, rendait un nouvel arrêt très long, très étudié, décidant que, nonobstant le déclinatoire de l'accusé, son procès serait fait et parfait par la Chambre de justice, que Foucquet ne pourrait se pourvoir ailleurs, ni tous autres juges, même le Parlement, recevoir ses pourvois.

Cet acte de la juridiction dite gracieuse, sans doute parce qu'elle porte souvent le coup de grâce, fut signifié le 12 au prisonnier.

Foucquet ne s'étonna pas. Homme du métier, il démêla vite les défauts de cette procédure. Le 5 au soir, le greffier Foucault était encore à Vincennes ; rentré en ville à la nuit, comment avait-il pu avertir la Chambre, prendre ses ordres, réunir son dossier, porter le tout à Saint-Germain ? Même en arrivant à cette résidence avant l'aube, même en éveillant son collègue le greffier du Conseil et MM. les conseillers, encore avait-il fallu prendre le temps de faire désigner un rapporteur. Ce rapporteur a dû lire des pièces longues, nombreuses, car l'arrêt le dit formellement, toutes ont été vues et examinées. Or, ce jour même, à midi, l'arrêt était délibéré, rédigé, prononcé.

Certes, la forme est surprenante ; mais que penser du fond ? Un arrêt se rend-il sans réquisitoire, sans audition de la partie qui décline la compétence ? Opposera-t-on ces termes d'un considérant : Le Roy estant bien informé des moyens dont le Sr Foucquet prétend se servir. Comment, sans lumière surnaturelle, savoir ce que pense et prétend un homme enfermé, n'ayant commerce avec qui que ce soit[48] ? On abuse du nom du Roi. Ce que Foucquet ne savait pas très nettement, c'est que le Roi, au contraire, avait abusé de son autorité sur ses conseillers.

 

Malgré cette intervention du jeune Louis XIV, l'esprit de corps demeurait si vivace dans les Compagnies, que le 13 juillet suivant la Chambre des comptes s'assemblait pour réclamer comme son justiciable Bruant, commis de Foucquet, principal auteur des crimes dont le surintendant était réputé le complice. La Cour des aides se préparait à défendre ses privilèges violés dans la personne de M. de Maridor[49]. Bien plus, le 15 et le 18 juillet, au Parlement, les conseillers des enquêtes demandèrent l'assemblée des Chambres, sous un prétexte quelconque, et le président dut y consentir pour le 4 août[50].

Par une remarquable coïncidence, dès le lendemain, trois femmes se rendaient devant la Grand'Chambre, s'agenouillaient, présentant une requête. C'étaient la mère, la femme et la fille de Foucquet, qui réclamaient la protection de la Cour pour leur fils, leur mari, leur père, poursuivi devant des commissaires choisis. Lamoignon leur dit qu'elles eussent à se lever et qu'elles pouvoient remettre la requête, sur le bureau qui étoit près d'elles. Le Parlement esquivait ainsi une acceptation immédiate et formelle de cette protestation.

Ces pauvres femmes retirées, on lut le document. Foucquet revendiquait son privilège de vétéran, s'opposait aux lettres de création de la Chambre de justice. Par deux nouvelles requêtes, apportées le 27, il demanda encore que défenses fussent faites à la Chambre de continuer ses poursuites, que les sieurs Berryer et Foucault fussent contraints de lui rendre ses papiers.

Le 19 juillet, la Grand'Chambre avait décidé seulement que le procureur général porterait la requête au Roi, la Cour ne voulant délibérer à ce sujet qu'après avoir informé Sa Majesté. Le 27, on alla un peu plus loin. Le procureur général devait supplier très humblement le Roi de trouver bon que la Cour délibérât[51].

Le mardi 1" août, Lamoignon, tous les présidents de chambre et six conseillers se rendaient à Saint-Germain, où ils étaient reçus au vieux château par Louis en personne. On avait voulu donner à la séance un certain apparat. A côté du Prince étaient le chancelier Séguier, Turenne, Villeroy, les secrétaires d'État d'Aligre, de Sève, etc. Séguier déclara que Sa Majesté, satisfaite du premier procédé de la Cour, était au contraire fort mécontente du second, et de ce qu'après les défenses faites par son procureur général, on se fût permis de lire les requêtes et de délibérer ; il leur défendait d'en recevoir aucune, sous peine d'encourir l'indignation de Sa Majesté, qui avait statué par un arrêt solennel sur les réclamations du sieur Foucquet.

Le jeune Prince accentua ces paroles déjà si sévères. Il espérait bien qu'à l'avenir pas un conseiller n'oserait, au mépris de ses ordres, recevoir aucune requête ; il interdisait au président de laisser en délibérer, comme au procureur général de conclure à ce sujet. Quant à la soustraction des papiers, c'était lui, le Roi, qui avait ordonné à Colbert de saisir ceux de Foucquet qui intéressaient le secret de l'État ; Colbert n'avait pas touché aux autres. Lamoignon se crut obligé de répondre quelques mots. La Cour avait délibéré, mais seulement pour arrêter qu'elle ne délibérerait pas qu'auparavant elle n'eût su si le Roi l'avoit agréable. — Je vous ai fait savoir ma volonté, répliqua Louis sèchement, je ne doute pas qu'elle ne soit suivie et exécutée.

Colbert se trouvait couvert par cette déclaration ; mais Louis se découvrait de plus en plus.

La députation revint à Paris très découragée.

Le 4 août suivant, les Chambres s'assemblaient pourtant, mais pour décider que des humbles prières et supplications seraient adressées au seigneur Roi, afin d'obtenir qu'on ne retranchât pas un quartier des augmentations de gages[52].

Foucquet n'avait que trop bien réussi dans la domestication du Parlement.

Mme Foucquet qui croyait encore, sinon dans la clémence, du moins dans la justice de Louis XIV, écrivit une lettre si fière qu'on se demande si l'on a osé la faire parvenir à son adresse : Si je ne sers mon mary, je sers du moins Votre Majesté en lui disant ce qu'aucun autre que moy n'ose luy dire. L'arrêt du 4 juillet est un des indignes artifices de nos ennemis. Pas un du Conseil ne le croit juste ; la Chambre se croit. incompétente. Pendant que le Roi décharge sa conscience sur les juges, les juges déclarent qu'ils obéissent aux ordres du Roi. Mais ce qui va étonner Paris, la France, l'Europe, c'est que Colbert ait eu la hardiesse d'assister au Conseil, lui adversaire déclaré du Surintendant, qu'il a voué à la mort. L'un est pauvre, l'autre riche de douze millions'[53]. Colbert fit la sourde oreille.

Cependant, on procédait aux confrontations entre les témoins et le prisonnier[54]. Cette partie de l'instruction dura près de deux mois, du 18 juillet au 13 septembre. Séances peu nombreuses, séparées par de longs intervalles. On agissait sans méthode, sans objectif. Sur 101 témoins entendus, vingt seulement furent confrontés[55]. Quand les commissaires voulurent tirer Jeannin de la Bastille pour le mener à Vincennes, le gouverneur refusa de se dessaisir d'un prisonnier si précieux, sans ordre du Roi ou de Le Tellier[56].

Foucquet, d'ailleurs, persistait dans son attitude très habile. En somme, pour ce malheureux, séquestré depuis bientôt un an, ces confrontations devaient jeter un grand jour dans son cachot si obscur. Des questions posées par Poncet et Renard, il avait pu tirer quelques inductions des projets de ses ennemis. A cette heure, il allait savoir sur quelle base on avait échafaudé cette machine. Par une fiction de droit, il était censé muet, mais non sourd. Grâce une force extraordinaire d'attention et de mémoire, cet homme, sans le secours de plume ni de papier, retint dans leurs plus petits détails une centaine de dépositions lues à la hâte et s'en prévalut au moment opportun.

Tous les témoins ne s'en tirèrent pas sans horions. Qui osait-on lui confronter ? Un Maissat, qu'il avait fait mettre à la Bastille sur ordre de Mazarin ; un Tabouret, dont il a fait exécuter le beau-frère ! Tabouret qui s'est sauvé, puis qui revient avec un sauf-conduit, uniquement pour déposer contre l'accusé.

Tabouret, tout interloqué, répond qu'il honore très fort M. Foucquet, qu'il ne l'a pas connu comme son ennemi. Que parle-t-on de fuite ! il s'est rendu aux eaux de Vicq en Auvergne, sur ordonnance du médecin. Il se remet et débite sa déposition. En 1656, quand on fit le prêt de Guyenne, de Lorme le contraignit à prendre des associés, à donner deux cent vingt mille livres, qu'il disoit estre pour le sieur Foucquet[57]. De plus, il versa six mille livres en or à Delorme, en gratification extraordinaire ; plus tard, il y ajouta vingt-six mille livres, mais indirectement. En 166I, ne pouvant approcher le surintendant, il vit Pellisson. Avec ce dernier, pas de bribe. Mais Gourville vint le trouver, exigea vingt mille livres pour Mme du Plessis-Bellière : Sans cela, les affaires n'iroient pas ! L'argent donné, les affaires n'avancèrent pas plus. Tabouret s'en plaignit à Fontainebleau à la dame : C'est vray, répondit-elle, que vous et messieurs de votre compagnie en avez généreusement bien usé, et je ferai en sorte, auprès de M. le Surintendant, que vous en aurez contentement[58]. Quant au traité des Six millions, il s'est efforcé de faire déchirer les billets.

Foucquet, ne pouvant discuter avec le témoin, protesta seulement contre ces allégations.

La déposition de Monnerot présenta un caractère plus favorable. Foucquet, cherchant de l'argent pour le siège de Dunkerque, promettait tout, puis, l'argent obtenu, modifiait le traité en faveur de l'État. Encore ne se prêtait-il plus, dès 1659, à l'exécution des taxes, élargissant les prisonniers, levant les garnisons[59].

L'ensemble de ces témoignages chargeait Gourville plus que Foucquet. Bernard, l'ex-commis, renia d'abord son maître ; l'accusé recevait confusément toutes sommes, à titre public, à titre privé. Foucquet faisait l'Épargne chez lui. Mais survenait-il des dépenses pressées, il y affectait son argent, celui de ses amis. C'est ainsi qu'il est dû à lui, Bernard, plus d'un million, assigné sur de très méchants fonds. Celui qui a tout embrouillé, c'est Bruant.

On espérait beaucoup de la confrontation de Marin, intendant des finances, qu'on n'avait pas osé interroger sans la permission de Colbert, son parent. Marin ne dit rien.

Impossible de tirer un mot de M. de La Basinière, trésorier de l'Épargne, beau-frère de Voisin. Voyait-il les traités ? Non. Les ordonnances de 1655, de 1659 sont cependant formelles ! — Il ne les connaît pas. Il a suivi l'ordre accoutumé ; n'y ayant quasi plus de règlement dans les finances que l'usage, chaque surintendant en faisait un à sa mode[60]. Les trésoriers de l'Épargne ne sont point chargés de contrôler les surintendants. Il y aurait péril éminent à le faire. — On le presse, il se dérobe. On insiste, il se tait.

Cette confrontation fut la dernière.

Malgré le défaut de méthode de ce second acte de la procédure, l'accusé reconnut qu'on se proposait de le poursuivre du chef de malversations et de péculat, à raison d'opérations sur le Marc d'or, sur le Convoi de Bordeaux, sur l'aliénation des tailles, de pensions prises des fermiers des gabelles, d'un détournement de six millions, d'une usurpation de fonction pour avoir fait l'Épargne chez lui, surintendant, c'est-à-dire confondit le maniement des fonds et l'ordonnancement. Les actes de sa vie les plus méritoires étaient retournés contre lui.

Il put voir, en revanche, qu'on ne lui confrontait ni Pellisson, ni Bruant, ni Gourville, l'unique confident de son ancien projet de défense contre le Cardinal.

Quand Poncet et Renard, leur besogne finie, lurent à Foucquet un arrêt du 7 septembre, déjà vieux de neuf jours, aux termes duquel un conseil lui était accordé, il répondit très pertinemment. On lui représentait tout à coup les faits nombreux d'une charge difficile, exercée dans un temps troublé, alors que le Cardinal commandait en France, prenait directement les trois quarts des recettes, promettant, de tout couvrir à l'heure du besoin, de donner des décharges, qu'on ne recevait pas plus que ses comptes qu'il faisoit faire, refaire, corriger, et qui n'ont jamais paru.

Qui organise cette procédure contre lui ? Foucquet le devine, c'est Talon, son ennemi. C'est lui qui a suggéré l'idée de l'arrêt du Conseil du 7 juillet, en vue d'enlever d'avance à sa victime le droit de protester contre la Chambre. Son acharnement à la perte de l'accusé lui fait oublier les règles de la procédure. Le 12 septembre, cinq jours après l'arrêt du 7, qui a clos les informations, Talon a entendu La Basinière, qui a fait passer tant de vieux billets fournis par Mme Talon, douairière. Pourquoi cette violation de la loi ? — Parce que La Basinière est le beau-frère de M. Voisin, un des juges. M. Voisin, révoqué de l'intendance d'Auvergne ! Voisin, qui en veut à l'accusé pour l'avoir combattu lorsqu'il ambitionnait la charge de prévôt des marchands ! Et Foucquet de raconter tout au long son démêlé à ce sujet avec le maréchal Fabert et le Cardinal. En bonne justice, Voisin ne peut pas être son juge[61] !

Pour la seconde fois, Foucquet se redressait et faisait face.

Dès le lendemain, un arrêt repousse ses remontrances[62] et lui est signifié. Le même jour, sans se déconcerter, le prisonnier répond qu'en vain on lui offre un conseil. Pour consulter utilement, il a besoin de revoir ses papiers et qu'on l'autorise à compulser les registres des comptables[63].

Les deux conseillers, simples porteurs de paroles, retournent à Paris. Après cinq jours de réflexion, la Chambre décide (25 septembre) qu'on délivrera à Foucquet copie des procès-verbaux d'apposition de scellés en ses maisons, des inventaires des papiers saisis, et qu'on passera outre au jugement du procès. De la communication des papiers eux-mêmes, pas un mot[64].

 

Ce fut comme une passe d'armes. L'arrêt du 25 est signifié le même jour à Foucquet, qui réitère la demande de ses archives. 11 désigne comme conseils Auzanet et Lhoste, avocats, Jannart, substitut au Parlement, Mignier et de Marandé, plus experts en matière de finances, et ce, sous réserve de ses privilèges et de son droit[65].

Le lendemain 26, Talon conclut à ce qu'un conseil soit donné à Foucquet, mais à charge de communiquer en présence du greffier de la Chambre, c'est-à-dire en présence de Foucault. C'était condamner l'accusé au silence.

Poncet commença à révéler ses sentiments hostiles. A Foucquet, accusé de péculat et de malversations, on pouvait donner un conseil libre ; au ministre accusé de crime d'État, on doit le refuser. Ainsi Foucquet en avait-il usé lui-même contre M. de Chenailles, en ne l'admettant à voir ses avocats qu'en présence d'un greffier.

Le coup était habile ; mais Pussort, avec sa brutalité naturelle, dépassa toute mesure. Les instructions publiques à Rome servaient de prétexte aux plus grandes déclamations[66]. Les empereurs corrigèrent cet abus. Il n'est pas besoin de conseil pour dire la vérité. Au contraire, dicat ex ore suo.

Gizaucourt, Brillac, Baussan, Voisin, Ferriol, Noguès, Ayrault furent de cet avis[67]. Alors, intervint Renard ; il ne voyait rien qui pût empêcher de donner à Foucquet un conseil libre, l'entretenant en particulier et hors la présence des officiers.

Bossu, Moussy, Masnau, Catinat, Le Cornier, Le Féron, Phélyppeaux partagent cette manière de voir. En somme, huit voix contre neuf.

Le président Lamoignon prend alors la parole. Le crime d'État, imputé à Foucquet, n'est pas un pur crime d'État ; il est mixte et compliqué de malversations ; on n'en a pas principalement et premièrement saisi la Chambre ; il n'y est arrivé qu'à l'état d'incident. Liberté entière doit donc être donnée à l'accusé[68].

Fayet insinue que, si la présence du greffier, M. Foucault, cause quelque peine à l'accusé, on pourrait commettre une autre personne ; mais Raffelis objecte qu'on doit exécuter le premier avis et accorder un conseil libre, et l'arrêt est résolu en ce sens, qu'on permettra à Foucquet de conférer avec ses conseils, Lhoste et Auzanet[69].

 

Ce ne fut que six jours après, le 2 octobre, que Talon se décida à notifier à l'accusé cet arrêt qui changeait toute la face de la procédure. Grâce à ces conférences, si tardivement autorisées en principe, un rayon de lumière éclairera bientôt les obscurités du procès ; la connaissance de mille faits inconnus va, comme un flot d'air vif, pénétrer dans la prison où l'accusé est tenu depuis plus de treize mois au secret le plus absolu.

 

 

 



[1] Défenses, t. VI, p. 59. Production de Talon.

[2] Archives de la Bastille, t. II, p. 43.

[3] Notes manuscrites de Gomont. Bibl. Mazarine.

[4] Sur ces procès-verbaux, V. Bibl. nat., ms. fr. Joly de Fleury, 2395, f° 150 à 173, inventaire de production des procès-verbaux de l'Épargne. Le premier procès-verbal est daté du 20 juillet 1662.

[5] Bibl. nat., Ve de Colbert, n° 235.

[6] Bibl. nat., Ve de Colbert, n° 235, f° 194.

[7] Bibl. nat., Ve de Colbert, n° 235, f° 195.

[8] PELLISSON, Œuvres diverses, t. II, p. 143. Deuxième discours au Roi.

[9] Bibl. nat., ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 215.

[10] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 217, 220. 25 mai et 1er juin 1662.

[11] BUSSY-RABUTIN, Histoire amoureuse des Gaules, t. I, p. 24.

[12] Défenses, t. VI, p. 61. Production de Talon.

[13] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 223.

[14] Marguisio, Dalibert, Languet, Hochereau.

[15] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 226.

[16] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 234.

[17] Notes de Gomont. Ms. de la Bibl. Mazarine.

[18] Défenses, t. XVI, p. 339.

[19] Défenses, t. XVI, p. 310, 311. Récit de Foucquet confirmé par celui de Foucault. Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 153.

[20] Foucquet veut dire devant Dunkerque, à Mardyck. Nous conservons sa réponse comme il l'a faite.

[21] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 455. Interrogatoire.

[22] Bibl. nat., ms. cité, f° 155 v°.

[23] Dans le ms. Colbert, n° 235, l'ordre est daté du 8 juin 1662, de même dans le ms. de l'Arsenal, qui contient la première rédaction du procès par Foucault. M. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. II, p. 14, indique à tort la date du 5 juin.

[24] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 182.

[25] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 184.

[26] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 185.

[27] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 189. Interrogatoire. Défenses, t. XVI, p. 279. Récit de Foucquet.

[28] ORMESSON, Journal, t. II, p. 17.

[29] Notes de Gomont. Ms. de la Bibl. Mazarine, 1448.

[30] Ms. de la Bibl. Mazarine, 1448. Conférence du 13 octobre 1662. Le texte de l'interrogatoire se trouve dans le manuscrit de Foucault ; il ne parait pas avoir été communiqué à Foucquet. Il n'a pas été imprimé.

[31] Ma. Ve de Colbert. n° 235, f° 160 v°.

[32] Me. Ve de Colbert, n° 235, f° 192.

[33] Me. Ve de Colbert, n° 235, f° 193.

[34] Défenses, t. XVI, p. 312.

[35] Défenses, t. XVI, p. 280. Récit de Foucquet.

[36] Défenses, t. XVI, p. 283. Récit de Foucquet, rédigé vers la fin de 1682, en octobre vraisemblablement, en vue d'une publication. Il a reproduit devant Poncet ses affirmations qui n'ont pas été démenties.

[37] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 199 v°.

[38] Ms. Ve de Colbert, n° 233, f° 201. Défenses, t. XVI, p. 288.

[39] Défenses, t. XVI, p. 285.

[40] Défenses, t. XVI, p. 286.

[41] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 207 v°. Défenses, t. XVI, p. 289.

[42] Considérations sommaires sur le procès de M. Foucquet. PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 2.

[43] PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 17.

[44] PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 22.

[45] PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 35.

[46] Suite des considérations sommaires sur le procès de M. Foucquet. PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 36. Cette suite est postérieure à la menace de traiter Foucquet comme un muet, antérieure à l'arrêt qui porte qu'on le jugera comme muet (18 septembre 1662), et antérieure à la désignation des avocats de Foucquet.

[47] PELLISSON, Œuvres diverses, t. III, p. 69.

[48] Défenses, t. VI, p. 400.

[49] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. II, p. 53.

[50] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. II, p. 53.

[51] Archives de la Bastille, t. II, p. 53 ; Défenses, t. IV, p. 55, 56.

[52] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. II, p. 64.

[53] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. II, p. 60, 30 juillet 1662.

[54] Bibl. nat., ms. Ve de Colbert, n° 235, du f° 240 au f° 275.

[55] Les confrontations nous sont conservées par le ms. 235 des Cinq cents de COLBERT (f° 226 à 312). Elles ont duré du 18 juillet au 9 septembre 1662 ; vingt-neuf témoins furent confrontés : 18 JUILLET : Maissat (f° 226), Hiérosme de Nouveau (f° 229), Thomas Bonneau (f° 231), Adrien Bence (f° 232), Pierre Baron (f° 234). — 19 JUILLET : Cl. Chastelain (10235), Pierre Aubert (f° 240), Yves Mallet (f° 242), Claude Coquille (f° 245), Michel Damont (f° 246). 31 JUILLET : Sébastien Cazel (f° 250), Georges Pellissary (f° 252), Henri Bibault (f° 254), Rolland Gruin (f° 257). — 5 AOÜT : Charles Gluin (f° 259), Nicolas de Fremont (f° 261). — 9 AOÛT : Le Coq (f° 267), Jacques Charpentier (f° 270), Louis Fauveau (f° 272), Simon Le Noir (f° 275), Pierre Chartier (f° 279). — 11 AOÛT : Jean Le Fèvre de Bornay (f° 212), Henri Piètre (f° 288). — 9 SEPTEMBRE : Pierre Maissat (f° 289), Pierre Perrin (f° 291), Nicolas Rollot (f° 293), Claude Girardin (f° 295), Martin Tabouret (f° 298), Charles Bernard (f° 312).

[56] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. II, p. 54. M. de Besmaux à Colbert, 18 juillet 1662.

[57] 18 juillet 1662. Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 230 ; 9 septembre, ibid., f° 299.

[58] Ms. Ve de Colbert, n° 235, f° 299 à 300.

[59] Défenses, t. IX, p. 10-28.

[60] Bibl. nat. Ve de Colbert, n° 235, f° 43.

[61] Colbert, Ve, 235, f° 55, 59 Séances des 16 et 19 septembre 1662. Défenses, t. IV, p. 2 ; t. XVI, p. 319.

[62] Colbert, Ve, 235, f' 55.

[63] Défenses, t. IV, p. 2.

[64] Défenses, t. IV, p. 2. Colbert, Ve, 235, f° 59 v°.

[65] Défenses, t. IV ; ms. Ve de Colbert, n° 235. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. II, p. 81.

[66] Colbert, Ve, 235, p. 59. M. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. II, p 83, a lu réclamations.

[67] Ms. Ve de Colbert, n° 233.

[68] M. Ravaisson a oublié le mot pur et remplacé compliqué par complice.

[69] Défenses, t. IV, p. 2 ; t. XVI, p. 320.