NICOLAS FOUCQUET

CINQUIÈME PARTIE

 

CHAPITRE III. — SUITES DE L'ARRESTATION.

DISCOURS DU ROI. — SAISIES À NANTES. — REMISE VOLONTAIRE DE BELLE-ISLE. — SCELLÉS À FONTAINEBLEAU, À PARIS, À SAINT-MANDÉ. — DISPERSION DE LA FAMILLE FOUCQUET. — NOBLE CONDUITE DE MME FOUCQUET MÈRE. — VICES DE FORME DANS LES SAISIES ET DANS LES INVENTAIRES DES PAPIERS. — DISCUSSION AU SUJET DE LA CRÉATION D'UNE CHAMBRE DE JUSTICE. — CHOIX ARBITRAIRE DES MAGISTRATS. — PROCÉDURES OCCULTES. (5 septembre 1661-mars 1662.)

 

 

Le 5 septembre, après avoir donné congé à Foucquet, Louis était rentré dans sa chambre, attendant l'événement. Quand on lui annonça que Nicolas &était peut-être échappé : Il faut qu'il se trouve, s'écria-t-il, et je le trouverai bien[1]. Quelques minutes après, la bête était dans les toiles et la chasse terminée. Alors, s'avançant dans la salle des gardes, où se tenaient silencieux Condé, Turenne, Villeroi, toute la Cour, le Roi leur déclara que, mécontent de son surintendant, il avait résolu depuis quatre mois de le faire arrêter. S'il avait différé l'arrestation, c'était pour frapper Foucquet au moment où il se croiroit au plus haut point de sa fortune, et dans le pays où il se flattoit d'être le plus considéré par ses établissements et par ses amis. Cette exécution était l'unique objet de son voyage.

Un silence glacial accueillit ces paroles enflammées de colère. Seul, Lionne, se souvenant qu'il était l'ami du ministre disgracié, supplia le Roi d'autoriser Mme Foucquet à partager le sort de son mari. Refus formel du jeune prince, qui reprit son discours. Il ne veut plus de surintendant. Désormais, il administrera ses finances, aidé de quelques personnes sans doute. Mais qu'on y prenne garde. Quiconque aspirerait à la place de Foucquet subirait le même sort[2].

Immédiatement, un courrier, le sieur Saint-Maurv, partit pour Fontainebleau, emportant l'ordre de poser les scellés dans toutes les demeures du prisonnier, à Paris, à Vaux, à Saint-Mandé, chez Pellisson, chez Bruant, partout[3].

A Nantes, on était déjà en plein travail de saisie ; depuis le matin, l'hôtel de Rongé était investi par six mousquetaires. Défense d'entrer jusqu'à l'arrivée du commissaire désigné par Le Tellier. Ce commissaire se présente. C'est Boucherat, parent du prisonnier et son ennemi depuis longtemps. Froid, mais poli, il annonce à Mme Foucquet qu'il va saisir les papiers du surintendant. La pauvre femme ne songeait qu'à son mari. Où était-il ? ne lui serait-il pas permis de l'accompagner ? Boucherat, sans répondre, lui fait ouvrir ses cassettes, n'y trouve rien, et passe dans la chambre de Foucquet[4]. Il y saisit et emporte quelques papiers, sans description, sans inventaire, sans appel de témoins. Détail significatif, pas un sou vaillant chez le surintendant des finances.

Mme Foucquet n'en recevait pas moins l'ordre de partir immédiatement pour Limoges4, loin de son mari malade, loin de ses jeunes enfants.

Se redressant sous le coup qui la frappait, cette femme, jusqu'alors vaine et légère, ne laissa voir à son ennemi triomphant[5] ni abattement ni faiblesse, pas même une larme. En une heure, elle fut transformée, transfigurée.

Au même moment, un officier de mousquetaires arrêtait Pellisson et le conduisait prisonnier dans une des tours du château de Nantes, pendant qu'un intendant, appelé Pellot, saisissait tous ses papiers[6]. Ce Pellot, arrivé à Nantes le matin même ou la veille au soir, était l'intime ami et le parent de Colbert, qui l'avait recommandé à Foucquet ; c'est de ce dernier qu'il tenait ses emplois en Dauphiné et en Poitou.

Les saisies faites en bloc, Boucherat, Pellot, Colbert visitèrent les papiers, qui furent remis, ceux qui regardaient les affaires d'État, à Le Tellier, ceux qui estoient de finance, à Colbert[7]. Ensuite, on entassa confusément sept cent cinquante pièces environ dans une malle[8] qu'on confia également à Le Tellier[9], et qu'on scella seulement le lendemain, au moment du départ pour Fontainebleau.

On avait dit au Roi qu'il trouverait dans les poches ou dans les papiers de Foucquet tout le détail de Belle-Isle. Il n'y était pas même fait mention de cette forteresse soi-disant imprenable.

Dès le soir du 5, un exprès porta à M. de Fourille, commandant les mousquetaires, l'ordre remis spontanément par Foucquet à l'adresse du gouverneur. Aussitôt, un lieutenant des gardes, nommé Sézan, s'embarque pour Belle-Isle, seul, arrive à Palais, appelle à la poterne le major Jarny, et lui intime l'ordre du Roi de remettre la place au lieutenant-colonel des gardes. Jarny répond qu'il sert le Roi depuis vingt-cinq ans, et conduit le parlementaire au commandant La Haye des Noyers. Ce commandant déclare sans hésiter qu'il obéira à l'ordre royal, conformément d'ailleurs aux instructions de son seigneur, Foucquet. Sézan dine alors avec les officiers, aussi tranquillement que s'il eût été parmi des camarades. Au dessert, tirant un papier de sa poche : Monsieur, dit-il au commandant, vous en avez trop bien usé, je suis obligé d'en rendre témoignage au Roi. Ce papier sera inutile. C'était l'ordre que le surintendant avait mis entre les mains de d'Artagnan. La Haye des Noyers renouvela ses protestations d'obéissance, et Sézan, de plus en plus rassuré, resta et coucha dans le fort.

Le 9 septembre, Fourille arriva avec quelques officiers et seulement cent cinquante soldats. L'ancienne garnison prit les armes, comme pour une parade à la garde montante. Jarny enseigna les divers postes, et quand les sentinelles furent relevées, le colonel dîna à son tour chez l'ancien commandant, qui, deux jours après, s'embarquait pour Nantes. Si l'on n'avait pas su que le propriétaire de Belle-Isle était à cette heure prisonnier d'État, on eût pu croire à un simple changement de garnison, tant cette occupation redoutée s'opérait pacifiquement et courtoisement[10].

 

Pendant qu'à Nantes les jours passaient comme des heures, tant les événements se pressaient, à Fontainebleau, les jours coulaient plus lentement que des mois. Pendant la longue attente de ces onze journées, la Reine mère inquiète, nerveuse, chassait ignominieusement une de ses filles d'honneur, Mlle de La Motte-Argencourt ; messieurs du Conseil glissaient comme des ombres dans les cours naguère si joyeuses, alors tristes et désertes. On ne savait rien, on craignait tout.

Même diversité de propos et d'impressions que pendant le mois d'août.

L'ami d'un des domestiques d'Anne d'Autriche avait entendu dire que les Foucquet n'étaient plus en faveur ; des soldats avaient impunément rossé quelqu'un leur appartenant. Un homme, tenant à M. Colbert, affirmait encore que son patron serait surintendant avant peu. Un officieux en prévenait Foucquet[11]. Par contre, Mlle de Scudéry, très intelligente, très bonne, mais un peu dans les nuages, écrivait à son cher Pellisson une série de récits contradictoires. Le surintendant a fait des vers charmants ; on le dit mieux en cour que jamais. Ses ennemis font courir force méchants bruits sur les fortifications de Belle-Isle. Mme du Plessis-Bellière sera gouvernante du Dauphin 9[12]. Autant de propos perdus. Le courrier de la poste, qui remit fidèlement ces lettres aux policiers de Louis XIV, croisa sur la route l'escorte emmenant Foucquet au château d'Angers.

Le 5 septembre, petite fête donnée à la reine d'Angleterre. On remarqua l'absence de La Vallière, indisposée[13].

Enfin, le 7 septembre, sur les trois heures de relevée, conformément aux instructions de Le Tellier, le courrier, Saint-Maury, arriva, annonçant l'arrestation de Foucquet, et portant l'ordre d'exécuter toutes les mesures concertées précédemment.

Comme agent d'exécution restait le seul Séguier, vieux et malade, mais trouvant un regain d'activité dans sa haine contre le surintendant, qui lui contestait ses droits de péage, qui aspirait à la possession des sceaux[14]. La besogne n'était pas petite. Il s'agissait d'apposer les scellés à l'hôtel de la surintendance, à Fontainebleau, à Vaux, à Saint-Mandé, à l'hôtel de Foucquet à Paris, en son logis au Louvre, chez Pellisson, chez Bruant, chez Gourville, chez Mme du PlessisBellière ; sans compter les oppositions chez les trésoriers généraux, etc., etc. Tout était prévu. Encore fallait-il réunir les hommes de justice désignés et les agents nécessaires pour leur prêter main-forte.

Dès quatre heures de relevée, MM. Paget et d'Albertas, maitres des requêtes, escortés par huit gardes, partent pour Vaux, avec ordre de poser les scellés et de mettre dehors tous les domestiques. D'autres mousquetaires sont dirigés sur Saint-Mandé, pour s'asseurer de la maison. — En même temps, Séguier en personne se rend à la surintendance, scelle toutes les chambres, tous les cabinets. Pour plus de sécurité, on mura les fenêtres et les portes, un garde fut préposé à la surveillance du logis[15]. Foucquet vouloit les sceaux, il les a, dit Séguier en se retirant. Ce cri de rancune satisfaite fut accueilli comme une parole de génie. L'Académie proclama, tout d'une voix, qu'on ne pouvoit pas mieux parler ni plus ingénieusement[16].

Épisode plus particulièrement odieux.

Les enfants de Nicolas, le dernier âgé de deux mois à peine, furent quasi jetés sur le pavé. Eux, dont le père possédait hier encore tant et de si belles demeures et deux appartements chez le Roi, ils eussent couché dans la rue sans la pitié de M. de Brancas, qui n'oublia pas que Foucquet était son ami. Anne d'Autriche permit de les conduire à Paris pour les remettre à leur grand'mère, qui, de l'aveu de tous, étoit une sainte[17].

Un peu plus tard, un courrier chargé des ordres de Séguier partait et parvenait à Paris le lendemain, sur les six heures et demie du matin, chez le lieutenant civil, Dreux d'Aubray[18].

Dreux d'Aubray, sans perdre un instant, envoya le chevalier du guet et le commissaire Le Laboureur[19] chez Bruant, le commissaire d'Espinai[20] chez Pellisson. Lui, enfin, lieutenant civil, et le commissaire Gagny, escortés de Saint-Maury et de ses gardes du corps, se rendirent à la maison du surintendant, rue Croix-des-Petits-Champs. Ils y arrivèrent sur les huit heures du matin, pénétrèrent dans une salle du rez-de-chaussée, entre cour et jardin. Rien à sceller. A gauche, deux chambres. Dans la seconde, François Foucquet, archevêque de Narbonne, président de l'assemblée du clergé, qui, quinze jours à peine passés, avait harangué le Roi, aux applaudissements de toute la Cour[21]. Là, ni coffre ni cabinet, rien encore à sceller. L'archevêque, d'ailleurs, annonce qu'il va se retirer, et, en effet, il cède la place. Dans l'appartement de Foucquet, point de meubles : dans la chambre de sa fille, Mme de Charrost, quelques vieux papiers de M. de Castille-Villemareuil. La maison était abandonnée à toutes sortes d'ouvriers[22].

Bruant était parti depuis deux jours pour sa maison des champs[23]. Chez lui, du moins, il y eut ample matière à sceller, une centaine de liasses de papiers de finances furent saisies.

Chez Pellisson, incident curieux. Cette maison, située rue des Fossés-Montmartre, avait une sortie sur la rue des Vieux-Augustins et une porte de communication avec l'hôtel Foucquet. Le commissaire Gagny heurte d'un premier coup, puis d'un second. Une clef tourne dans la serrure. Un quidam vêtu de gris, suivi d'une servante, entr'ouvre la porte, parlemente, finalement refuse d'ouvrir. Gagny veut entrer de force ; mais la barre ou la chaîne résiste. Alors, il hasarde un pied dans l'entre-bâillement de la porte et l'y maintient, malgré les efforts du quidam. Nous souffririons plutôt casser notre jambe ! C'est qu'en effet le commissaire entendait un cheval piaffer dans la cour ; mais quoi qu'il fit, impossible de voir le cavalier. Enfin, un bourgeois s'interpose. La porte est ouverte. Gagny trouve le cheval bridé, sellé, crotté, à demi fourbu ; de l'homme qui le montait, pas de traces. Personne ne l'a vu. Comment ce cheval est-il venu dans cette cour ? Personne ne le sait. Gagny se dit qu'il pourrait bien appartenir à quelque messager porteur de la nouvelle de l'arrestation[24]. Le domestique vêtu de gris est jeté en prison, sans qu'on puisse rien en tirer.

Dreux d'Aubray, rendant compte de ses opérations à Séguier, lui disait : Quelque diligence que le sieur Saint-Maury ait faite, l'advis de ce qui s'est passé à Nantes est venu à Paris aussitôt que luy : un courrier avoit traversé Fontainebleau et, grâce à de meilleurs chevaux, avoit apporté le premier les nouvelles. Les proches de M. le surintendant étoient avertis[25]...

On sut plus tard qu'un domestique de Foucquet, Laforêt, l'homme de confiance, voyant son maître arrêté, avait pris sur lui, sans ordre aucun, de sortir à pied de Nantes, de gagner, à deux lieues de là, un premier relais. Il avait ainsi échappé aux mousquetaires qui battaient l'estrade pour intercepter les courriers. C'est sans doute lui qu'on avait vu traversant Fontainebleau. C'est peut-être lui qui était entré dans la maison de Pellisson. Certainement, le 7 septembre au matin, sur les dix heures, Taffu, commis de Bruant, enlevait du logis de son patron un sac rouge et un sac de velours qu'on rattrapa peu après[26]. Mais à ce moment, Taffu pouvait être averti par plusieurs côtés, de Vaux, de Saint-Mandé, de Paris même. Si les proches de Foucquet, si ses amis connurent son malheur, ce fut tout. Nulle trace de résistance ni de conciliabule. Eussent-ils voulu prendre une mesure quelconque, le temps leur eût manqué. En réalité, tous les papiers importants étaient à Saint-Mandé, et dès quatre heures du matin, les gardes du corps avaient occupé cette résidence.

Deux heures après, deux maîtres des requêtes, Besnard et Lallemant, trouvaient ces gardes maîtres du logis. Les domestiques, en petit nombre, offrirent toutes les clefs, notamment celles du cabinet de Foucquet. Dans ce cabinet, un bureau, sur lequel sont quelques papiers de nulle conséquence, au dire des agents de justice. Dans une autre pièce, deux bahuts qu'on ne peut ouvrir. On les scelle. On scelle aussi toutes les portes, et l'opération se termine sans difficulté[27].

Il en fut de même partout, chez Bruant, chez Gourville[28] ; chez Mme du Plessis-Bellière qu'on croyait à Saint-Mandé et qui n'y était pas. Les trésoriers, prévenus de n'avoir plus rien à payer sans ordre spécial, répondirent qu'ils obéiraient. Ils n'avaient pas certainement envie de débourser leurs écus. A Vaux, à Fontainebleau, nulle résistance.

Malgré ce calme et cette obéissance, la colère royale frappait toute la famille du disgracié. L'évêque d'Agde reçut l'ordre de regagner son diocèse, l'archevêque de Narbonne, plus durement traité, fut exilé à Alençon. L'abbé, dénonciateur de son frère, malgré les plus liches protestations, subit un sort semblable[29]. Le nom et la fidélité de M. d'Aumont ne purent sauver Gilles Foucquet, relégué à Ancenis. Mme du Plessis-Bellière dut partir pour Montbrison.

Seule, Mme Foucquet la mère obtint quelque répit. La grande fortune de son fils ne l'avait jamais éblouie. Elle l'inquiétait plutôt, comme en témoignent ses confidences au Père Vincent de Paul : Donnez la mère et l'enfant à Dieu, lui avait répondu le saint[30]. Quand Laforêt, arrivant au galop de Nantes, annonça brusquement l'arrestation de son fils, elle se mit à genoux, dit simplement : Je vous remercie, mon Dieu. Je vous ai toujours demandé son salut. En voici le chemin ![31] Quelques heures après, cette pauvre grand'mère était chargée du lourd fardeau de ses petits-enfants à peu près jetés dans la rue par Séguier[32].

L'opinion publique accueillit diversement la nouvelle de ce coup d'autorité. Les flatteurs du chancelier, ceux de Colbert affirmèrent à leurs patrons que la grande majorité applaudissait à cet acte de justice[33], au succès de Nantes. Le Roy a faict un coup de maistre qui luy attirera beaucoup de bénédictions de ses peuples. Les financiers étaient consternés[34]. Les amis du surintendant se taisaient. Un brave homme pourtant, Pierre Chanut, ancien trésorier de France à Riom, ancien ambassadeur en Suède et en Hollande, alors malade à ce point qu'on avait jugé dangereux de lui remettre une lettre de Colbert, apprit à la fois et la mort de sa sœur et l'arrestation de son ami. Encore incapable d'écrire, se servant de la main d'un de ses fils, il adressa à ce même Colbert une supplique touchante. Il ne vouloit pas juger sitôt de cet accident. La Reine sait avec quelle profusion de toutes choses Foucquet s'est abandonné au service du public. Nul homme vivant ne le peut assister ; il est tout entier dans la bonté du Roi ; mais si j'étois en état de le servir pour le démêler de son domestique, lequel j'estime être dans un abîme effroyable, j'aurois bien la hardiesse d'en demander la permission et de continuer avec lui une amitié innocente[35].

Nul n'osait élever la voix en faveur du prisonnier. Seul, le journaliste Loret eut, dès le 10 septembre, le courage d'exprimer publiquement sa sympathie pour Foucquet qui lui a toujours paru bon et sage ; s'il pouvait lui rendre service, s'il pouvait de son sort adoucir la rigueur, — il le feroit de tout son cœur[36]. La médiocrité du style disparaît sous la noblesse des sentiments. De la véritable cause de l'animosité du Roi, pas un mot. Dans ce même numéro du 10 septembre, Loret cite assez maladroitement La Vallière. Le mystérieux motif de la colère du Roi ne se trouve guère que dans une pièce intitulée le Favori, jouée, imprimée plus tard sous le nom d'une femme, Mme de Villedieu. Les vers sont de la composition de la dame, mais pourraient bien avoir été retouchés par une main plus habile[37].

 

Le Roi, cependant, était revenu à Fontainebleau, semant sa suite sur les chemins[38]. Le 10, Le Tellier n'avait pas encore dépassé Orléans[39]. Vers le 11 ou le 12 seulement, le conseil royal fut en quelque sorte rattroupé. Aussitôt Colbert sortit ses projets longuement médités. L'action que le Roi vient de faire est de si grande importance, et il en doit revenir de si notables avantages à son État, que, sans violer le respect qui est deub à Sa Majesté, on peut dire que, si elle en demeuroit là, elle ne perdroit pas moins qu'un général d'armée lequel, après le gain d'une grande bataille, demeureroit les bras croisés, lorsqu'il pouroit, en poursuivant sa victoire, conquérir des Royaumes entiers[40].

Suit, en sept articles, tout le plan de Colbert.

Il faut que le Roi rentre dans la jouissance de son revenu. Chacun s'y attend, c'est le vœu de tous les gens de bien ;

Il faut republier les fermes, ou les mettre en régie ; Payer les dettes non en argent, mais en rentes, au taux de l'ordonnance, etc. ;

En termes clairs, annuler les contrats en cours et faire une banqueroute partielle.

Ces idées, de provenance Mazarine, n'étaient pas de nature à déplaire au jeune prince, qui se considérait volontiers comme le maître absolu de tous les biens de ses sujets.

Dès le 15 septembre, on se mit à l'œuvre. La surintendance fut supprimée. Conformément à la déclaration de Nantes, un conseil des finances composé de cinq personnes la remplaça. Trois décisions furent prises : 1° de parafer les registres de l'Épargne ; 2° d'examiner l'état des finances ; 3° d'établir une Chambre de justice. Cette dernière résolution toutefois ne fut admise qu'en principe et gardée secrète. Le Roi l'approuvait, mais le Conseil résistait. Colbert dut se résigner à attendre[41] et s'occuper des inventaires.

Comme on avait scellé partout, les magistrats demandaient des instructions[42]. Il fallait prendre un parti. C'est alors que commencèrent des procédures louches, inspirées par la haine, conduites par la passion, sans souci des formalités.

A Fontainebleau, les scellés avaient été apposés par un commis de Brienne, en présence de ce dernier et de Séguier, sans qu'on en eût même dressé procès-verbal[43]. Pour les lever et inventorier ce qui se trouvait dans le logis de Foucquet, trois hommes, Étienne d'Aligre, Pierre Poncet, Colbert, reçurent un ordre du Roi, ordre verbal sans termes précis. Le seul Poncet était magistrat. Colbert n'était même pas gradué. Ouvert pour la forme, le 14 septembre, l'inventaire ne prit un caractère sérieux que le 15 au soir. Dans cet amas de papiers préparés par Foucquet en vue de travaux d'ensemble et de plans d'avenir, rêve de tous les ministres au pouvoir, rien d'important. La description est des plus sommaires. Aussi, deux jours plus tard, nouvel ordre, toujours verbal, d'ajourner cet inventaire[44]. Toute l'attention de Colbert s'était subitement tournée vers Saint-Mandé.

Le 19 septembre, à six heures du matin, MM. Lallemant et Besnard de Rezé, membres du Parlement, chargés des scellés, trouvèrent dans cette demeure MM. de Lauzon, de La Fosse, conseillers d'État, et Poncet, accompagnés d'un sieur Foucault, conseiller secrétaire du Roi, choisi par Sa Majesté pour faire fonction de greffier[45]. Ces nouveaux venus avaient mission de procéder à l'inventaire. Poncet était même détaché du travail de Fontainebleau. Ainsi devancés, Lallemant et Besnard n'avaient qu'à s'incliner et à livrer la place aux hommes investis de la confiance du Roi.

Tout le monde était réuni, et cependant, on restait quasi à rien faire. On enlève les premiers scellés ; on en appose de nouveaux. Lallemant et Rezé remettent les clefs aux mains des nouveaux commissaires, qui rédigent un long procès-verbal de cette opération assez insolite, font comparaître les domestiques. On en compte six en tout, Jacques Besseman, Hambourgeois de nation, jardinier fleuriste, ayant soin des fontaines ; Charles de la Nette, jardinier potager, et Perrine Tarton, sa femme, concierge ; La Garde et sa femme, chargés de la ménagerie ; Jeanne, vieille femme de cuisine ; on leur fait jurer qu'ils n'ont rien diverti[46]. Évidemment, on passait le temps en attendant quelqu'un. Tout à coup, sur les neuf heures, comme on achevait de signer le procès-verbal de reconnaissance des scellés, arrive Colbert. Il vient de recevoir à Vincennes un ordre du Roi, ordre verbal, de se rendre à Saint-Mandé pour visiter la maison et faire rapport à Sa Majesté de ce qui se seroit trouvé en scellé.

Colbert n'est pas plus gradué à Saint-Mandé qu'à Fontainebleau. Il n'est ni commissaire, ni procureur du Roi, ni partie intéressée. Toutefois, on ne discute pas sa présence, en apparence inopinée, en réalité prévue et annoncée. Le procès-verbal porte qu'il survint, mais on l'attendait, comme Poncet, n'ayant plus à veiller sur ses expressions, l'écrivit à Séguier, le soir du même jour[47].

Aussitôt arrivé : Allons, messieurs, travaillez ! dit Colbert, et on fait une nouvelle revue de tous les lieux. Pendant neuf heures, on parcourt la maison ; on sonde les voûtes, on recherche tout soigneusement. Enfin, à sept heures du soir, on rédige un procès-verbal des opérations où aucun papier n'est décrit, et l'on s'ajourne au lendemain six heures[48].

Le soir cependant, rentré à Paris, Poncet prévient Séguier par dépêche que dans le petit cabinet attenant à la chambre de Foucquet, il s'est trouvé un écrit signé des adjudicataires des gabelles du bail précédent, par lequel ils s'obligeaient de payer par chacun an à une personne dont le nom est en blanc, la somme de six vingt mille livres pour l'indemniser d'une part qu'elle avait en ladite ferme ; en marge, mention de payements aux échéances. Au surplus, ce qui se voit en la maison se réduit à quatre paroles : meubles modestes, grande bibliothèque, belle orangerie, et papiers confus. On l'a vu, le procès-verbal officiel ne parlait pas de la découverte de cet acte des gabelles, pièce importante et dont on se prévaudra tant à l'avenir contre Foucquet[49].

Le lendemain, 20 septembre, nouvelle visite de la maison, nouveau sondage des voûtes, examen de la bibliothèque, des bahuts à médailles. Et, continue le procès-verbal, l'heure de sept heures du soir approchant, ledit sieur Colbert nous auroit dit que dans le petit cabinet dudit sieur Foucquet, proche sa chambre, il avoit veu un plan et carte de Belle-Isle, avec quelques autres cartes du même lieu ; qu'il estimoit à propos de porter le tout à Sa Majesté. On parafe les cartes, et Colbert les met dans une cassette, qu'il avoit fait apporter à cet effet ; puis on s'ajourne au lendemain matin six heures[50]. Le procès-verbal, cette fois encore, fut sciemment inexact. C'est dans cette journée du 20 que l'on trouva le projet de défense, rédigé par Foucquet. Colbert, comprenant du premier coup l'avantage qu'il pouvait en tirer, avait enfermé le document sous un pli scellé de son propre cachet, et, l'ayant confié au greffier Foucault, il était parti en hâte pour Fontainebleau.

Le mercredi, les commissaires décident d'apporter tous les papiers en un même endroit, pour les ranger et enliasser, selon les matières dont ils traitent. Dans le cabinet de Foucquet, proche sa chambre, c'est-à-dire dans celui dont parle la lettre de Poncet à Séguier, plusieurs papiers sont répandus en confusion sur la table, iceux contenant diverses matières et affaires différentes. Ce sont ceux que Besnard et Lallemant ont jugés de nulle conséquence. On les jette en un grand sac étiqueté, lié et scellé. Puis, dans le grand cabinet, d'autres papiers, également en confusion, sont mis dans un sac de taffetas jaune, cousu et fermé. A sept heures du soir, on est censé rédiger le procès-verbal quotidien, et rien de spécial n'y est mentionné[51]. Ce n'est pourtant pas que la matière manquât, témoin ce que le commissaire La Fosse écrivait ce même jour à Séguier :

Monseigneur, nous avions cru que le Roi enverroit à Saint-Mandé aujourd'hui prendre le paquet contenant les pièces écrites de la main de M. Foucquet, surintendant, pour l'ordre de sa sûreté en cas de sa défaveur, qu'il prévoyait lui devoir arriver dès cinq ou six semaines devant le décès de M. le cardinal Mazarin, et quelques autres pièces aussi, la plupart missives, que nous avons paraphées, afin de les reconnaître si vous jugez à propos de nous les renvoyer pour les employer dans notre inventaire, bien qu'elles ne regardent ni la succession ni les créanciers De tout ce jour, nous n'avons appris aucunes nouvelles dudit sieur Colbert, et je suis parti entre cinq et six heures du soir de Saint-Mandé[52].

Ce que La Fosse dit des lettres missives est bien remarquable. Comme elles n'intéressent ni les créanciers ni la succession, on en fera ce qu'on voudra. On regardait déjà Foucquet comme un homme mort, au moins civilement. Des intérêts de sa défense, nul souci. Autre remarque : l'inventaire le 21 est clos, et le procès-verbal signé à sept heures par les trois commissaires. Or, La Fosse était parti depuis cinq heures et demie[53].

Le procès-verbal du 22 septembre ne parait pas non plus très fidèle. Après avoir donné à certains créanciers acte de leurs oppositions, les commissaires commencent l'inventaire. Alors on est censé trouver un cahier de petit papier coupé, de treize feuillets, écrits des deux costés, raturez en plusieurs endroits et les ratures corrigées. C'est le plan de défense, composé par Foucquet en 1658 et en 1659, dans deux accès de colère et de fièvre ; c'est ce projet qu'il avait montré à Gourville, et que l'arrivée inopportune d'un visiteur n'avait pas permis alors de brûler. La fausseté du procès-verbal est manifeste. Le cahier ne fut pas tiré du sac, ni vu ni lu ce jour-là, puisqu'il était sous un scellé spécial depuis deux jours, pour être porté au Roi. Ce transport même ne laissait pas d'inquiéter les commissaires. Ils désiraient qu'il eût lieu dans les formes. Le greffier Foucault prévint Colbert de cette hésitation de nos Messieurs, dont il louait d'ailleurs le zèle et l'activité[54].

Malgré cet avis, le lendemain 23, sur les quatre heures, un maréchal des logis de mousquetaires présentait une lettre de Colbert, enjoignant de cacheter toutes les pièces inventoriées à ce jour, et de les remettre au porteur[55].

L'hésitation des commissaires redoubla. Sous prétexte de régaler les cavaliers d'une petite collation, on les conduit dans une des salles de Saint-Mandé, et l'on délibère sur cette demande de grande conséquence. On pose d'abord en principe qu'il falloit obéir au Roy. Mais en quelle forme ? dans quelle mesure ?

Les papiers demandés sont de trois sortes :

Il y a des lettres missives, presque touttes sans signature et en des termes qui ne peuvent servir qu'à deshonorer quelques femmes pour leur trop grande liberté d'escrire. Sur ces pièces, pas de difficulté. Il est de la charité de les détruire. Le Roi les supprimera.

Certains papiers concernent les finances.

Il y a enfin des pièces regardant la conduite particulière de la personne dont il s'agit, laquelle, tombant d'un si haut degré, cause un grand bruit par sa cheute en toutte la France et particulièrement dans Paris, où l'on parle dans touttes les assemblées que ledit Colebert (sic), qui n'est pas tenu pour le meilleur ami qu'eust l'accusé, est venu prendre les actes qui pouvoient servir à sa justification. Si l'on poursuit Foucquet, il est à craindre qu'il se serve de cette eschappatoire. Si on ne le poursuit pas, les créanciers reprocheront aux juges d'avoir laissé emporter des pièces de la maison d'un si fameux débiteur par quelque mousquetaire, sur une lettre missive dudit Colebert, personne privée en ceste rencontre et sans aucune ordre escrit ou verbal de Sa Majesté.

On décide de parafer les pièces et de les faire porter par Poncet, ainsi qu'un petit cahier cacheté de la main dudit Colebert, contenant les instructions escrites de la main de M. Foucquet, touchant les précautions et seuretés qu'il voulloit prendre en cas de deffaveur. Poncet portera le tout au Roi, qui le rendra ou le renverra et, dans le dernier cas, expédiera une lettre ou quelque autre témoignage de sa volonté, ce qui rectifiera ou du moins disculpera le procédé de nos Messieurs.

L'un d'entre eux nota qu'on ne demandait pas l'acte de pension sur les gabelles[56]. On verra plus tard si cette observation ne cachait pas quelque soupçon sur la provenance de cette pièce, trouvée peu après l'arrivée de Colbert sur une table où les premiers magistrats n'avaient rien aperçu de conséquence. Visiblement, ces serviteurs du pouvoir, ne sachant encore où tournerait le vent, se défiaient du sieur Colbert, défiance qui devait se transformer en obéissance servile au premier signe du maître. En voici une preuve. Ils n'avaient reçu qu'une lettre de Colbert. Leur procès-verbal n'en fit pas moins mention d'une lettre du Roi. On arrangeait tout après coup[57].

Le 24, Poncet et Foucault, partis de Paris sur les six heures du matin, arrivaient à Fontainebleau sur les six heures du soir. Colbert plaça Poncet sur le passage du Roi revenant de la Comédie. Dans le tas de papiers, Louis ne prit que le projet dont, sans aucun doute, on lui avait dès lors exagéré l'importance. Deux jours se passent. Enfin, le 27, Poncet, déjà inquiet, recouvrait ce précieux document avec les cartes de Belle-Isle ; il rapportait le tout à Saint-Mandé, à l'exception de quelques lettres missives de femmes, qui n'alloient qu'à les destriers[58]

Entre temps, certains créanciers de qualité, des maîtres des requêtes, demandèrent à assister aux inventaires.

On leur répondit que l'affaire était hors de la règle, exigeait un grand secret, que le Roi était le père commun de ses sujets, etc. Le Tellier, comme par acquit de con science, exposa ses scrupules sur ce refus d'admission des intéressés. Poncet répliqua que Sa Majesté n'aurait pas trouvé agréable d'exposer certains papiers à la connaissance du public[59]. Le Tellier n'insista pas.

 

Dès lors, toute forme de procédure disparut.

A Paris, le commissaire Ferrand partageait les pièces trouvées chez Pellisson, deux lots ; les unes restaient dans la maison, les autres, petits mémoires de Foucquet, réponses par lui faites aux avis de son secrétaire, notes sur Belle-Isle, étaient remises à Colbert selon l'ordre de Le Tellier[60].

A Fontainebleau, on avait enlevé de la surintendance deux cent quatre-vingt-huit gros cahiers et trois cent soixante-quinze pièces ; le tout, sans description, fut porté dans le cabinet du Roi.

A Saint-Mandé, on poursuivit l'inventaire sans contrôle, sans souci des intérêts du prisonnier. Je vous envoie deux pièces, écrit Foucault à Colbert, l'une est une lettre que j'ai cru devoir être de la main de la belle-sœur de M. Foucquet ; nos Messieurs ne l'ont ni observée ni connue ; vous y ferez, Monsieur, telle réflexion qu'il vous plaira[61]. — Comme elles ne sont ni paraphées ni inventoriées, vous en disposerez comme il vous plaira. Ce comme il vous plaira revient souvent. Naturellement, il plut à Colbert de les mettre de côté. Le 28 septembre, La Fosse trouva une lettre d'une dame qui ne se nomme point et qui, faisant une longue intrigue d'amour pour apparemment quelque fille de la Reyne, met entre autres choses que Mlle de La Motte survint qui nous récita tout ce qui se passa entre le Roy et Madame. C'est évidemment la lettre de La Loy, rapportant les propos de Mlle du Fouilloux.

Par ce qui arrivait à Foucquet pour s'être mêlé aux affaires de La Vallière, on jugeait bien que le Roi n'aimait pas qu'on s'occupât de sa vie privée. Aussi La Fosse est-il fort ému. Je tremble à vous escrire ceci, dit-il à Séguier, et je creus qu'il falloit faire une grande considération sur cette lettre, que M. Poncet mit à part pour en avertir M. Colebert. Je sçay bien que ce seroit une chose à dire plustost par vous à la Reyne mère, qui voudroit indubitablement que la lettre fast supprimée, sans aller jusque au Roy[62]. Colbert classa cette lettre avec les autres, dans la boite aux petits papiers. Ce sont elles qui constituent le plus gros du recueil assez improprement appelé la Cassette de Foucquet[63].

Saint-Mandé n'était pas le seul dépôt des correspondances privées de ce trop scrupuleux garde du Trésor des chartes. Quand on avait arrêté Pellisson à Nantes, ce brave homme, malgré le coup qui l'assommait, pensa à ses portefeuilles. S'adressant au rigoriste Pellot, il lui déclara qu'ils contenaient des papiers confiés par des amis, concernant non pas les affaires du Roi, mais celles de quelques particuliers et quelques intrigues de femmes. Il souhaiteroit bien fort que l'on les tint secrets et que, s'il se pouvoit, l'on les rendit à ces particuliers[64]. Pellot, simple sous-ordre, fit une promesse évasive et prévint Colbert. Aussitôt, ce dernier et d'Aligre interrompent l'inventaire des papiers de la surintendance, saisissent ceux de Pellisson, dans sa chambre à l'hôtellerie de l'Écu d'Orléans, rue Basse, à Fontainebleau. Un assez gros lot de lettres fut inventorié fort sommairement : liasse de plusieurs lettres reçues en juillet 1661 ; liasse de plusieurs lettres écrites au sieur Foucquet, etc.[65] Désignation commode. Une liasse se délie et se relie, s'augmente et diminue, au gré du détenteur.

Que contenaient ces liasses de Nantes et de Fontainebleau ? Mystère à jamais impénétrable. Est-il vrai, comme on l'a dit sans preuve, que Pellisson tenait la plume pour Foucquet ? Vraisemblablement, l'honnête académicien prenait connaissance des lettres de bon style, comme Mme Scarron et Mme de Sévigné pouvaient en écrire. Les autres, celles de Mme d'Asserac, de la petite Trécesson, de l'inconnue, à plus forte raison les missives de la cuisinière La Loy, restaient dans le portefeuille secret de Nicolas. Toujours est-il qu'à partir du 20 septembre, les correspondances féminines firent autant de fracas que le fameux projet de défense. Conrart, surnommé bien à tort le prudent, en notait des transcriptions fantastiques. C'est Mme du Plessis-Bellière qui a découvert une fille de trente pistoles, donnant plus de plaisir que celles qui coûtent tant d'argent. C'est une autre femme qui dit : Je ne vous aime point, je hais le péché ; mais je crains encore plus la nécessité ; c'est pourquoi venez tantôt me voir. — On dit que c'est Mme de Bauffremont, en un temps où elle avoit besoin de dix mille écus ; mais on croit pour certain que c'est la marquise de La Baume[66].

Qu'on ait trouvé des lettres de femmes chez Foucquet, ce qu'on a rappelé plus haut de son histoire ne permet pas d'en douter. Mais pour être juste, aucune, parmi les authentiques, n'excède les limites d'un sentiment délicat. Les plus compromettantes, Colbert les recueillit et les garda. Entre toutes ces correspondantes, dont le Roi, sa mère et Le Tellier s'amusèrent à lire les fadaises, deux seulement furent nommées, Mlle de Menneville et Mme de Sévigné. L'indiscrétion d'ailleurs ne paraît pas imputable aux personnes royales chargées du curieux dépouillement de ces dossiers.

Menneville avait beaucoup écrit. Ses lettres la confondirent, si l'on en croit Mme de Lafayette[67]. Elles servirent à la justifier, ne révélant qu'une grande imprudence, affirme Mme de Motteville, qui, elle aussi, correspondait avec Foucquet[68]. La vérité, c'est que tout se réunit pour accabler la pauvre fille. Quelques jours après l'arrestation du surintendant, d'Amville, le fiancé récalcitrant, mourait, très pieusement, en habit de Capucin, mais enfin mourait[69]. Bon gré, malgré, Menneville prit un courageux parti, quitta la Cour, se retira dans un couvent, où elle mourut à son tour, encore bien jeune[70]. En somme, l'aimable fille, plus à plaindre qu'à blâmer, valait mieux que sa réputation.

Deux amis, l'un perfide, l'autre maladroit, faillirent coûter cher à la spirituelle marquise de Sévigné, qui tout justement était en Bretagne lorsque l'orage fondait à Nantes sur Foucquet. Bussy-Rabutin courut chez Le Tellier pour expliquer l'acte de démission de sa charge de maître de camp de la cavalerie légère, saisi parmi les papiers du surintendant. Par occasion, il supplia le ministre de lui déclarer si, dans les lettres d'amour, il y en avait de Mme de Sévigné, comme on le disoit. Le Tellier répondit que les lettres de la dame étaient les plus honnêtes du monde et d'un caractère de plaisanterie. — J'en fus fort aise, assurait Bussy beaucoup plus tard. Il faillit, c'est toujours lui qui parle, se battre avec son beau-frère Rouville, qui prétendait qu'après avoir mené si grand bruit contre sa cousine, Bussy ferait bien mieux de ne pas la défendre si bruyamment[71]. Rouville avait raison.

Le poète Chapelain, chantre de la Pucelle, moins suspect, plus maladroit, montrait une excessive exaspération. Eh quoi, n'estoit-ce pas assez de ruyner l'Estat et rendre le Roy odieux à ses peuples, de tourner toutes ses finances en dépenses imprudentes, en acquisitions insolentes, de se fortifier contre luy, de luy desbaucher ses sujets ! Falloit-il encore, pour surcroît de dérèglement et de crimes, s'ériger un trophée des faveurs, ou véritables ou apparentes, de la pudeur de tant de femmes de qualité, et tenir un registre honteux de la communication qu'il avoit avec elles !... afin que le naufrage de sa fortune emportât avec luy leur réputation ! Est-ce là l'honnête homme vanté par les Scarron, les Pellisson, les Sapho et toute la canaille intéressée ? Non, Chapelain ne se remet pas de cette lâcheté. Il n'en serait guère moins irrité contre ce misérable, si le nom de son amie Sévigné n'était pas dans les papiers de Foucquet ; car, il l'apprend des mieux informés, les billets de Sévigné sont pures civilités, remerciements pour du bien procuré à un parent. Il a juré d'avance qu'il en était ainsi, même pour défendre la réputation de pureté de son amie, il a battu la campagne. Au milieu de ses pertes et de ses morts, il court dans tous les réduits où l'on a créance en ses paroles, et prétend éclaircir les gens peu charitables. Il s'est signalé, qu'on n'en doute point. Il en est sorti à sa gloire. Il consent bien à déclarer à la pauvre Sévigné, écrasée par ses pavés, qu'avec moins de chaleur il en aurait obtenu tout autant. Enfin, elle peut vivre et dormir en repos[72]. Le lourdaud insiste, le 7 novembre suivant : On a dit des uns comme des autres beaucoup de mal et de bien et à charge et à décharge, mais il faut s'en tenir à ce que déclare Mme de Montausier. La Reine mère affirme qu'on n'a pas trouvé de lettres de Sévigné ; et cela doit estre véritable, si Sa Majesté a dit qu'on n'en avoit pas trouvé. Calmez-vous là-dessus[73]. Trois jours après, il finit par s'appeler le père d'élection de la marquise.

Pauvre marquise, si fine, si spirituelle et exposée à l'adoption de ce pédant !

On voit comment on montait l'opinion contre le prisonnier, coupable de tous les crimes, de lèse-majesté, de concussion, d'immoralité. La liasse de lettres est transformée par Bussy en cassettes, par Chapelain en registres. Un anonyme ajoutera qu'on a sur ces registres mentionné les prix, si bien que ce prodigue, ce désordonné n'aura eu d'ordre que pour tenir la comptabilité du déshonneur.

Le laborieux Conrart prend note du tout, copie au passage les lettres les plus apocryphes ; mais, s'il les met, lui, en portefeuille, d'autres les propagent, exaspèrent les familles contre Foucquet.

Voilà pour les lettres d'intrigues amoureuses. Une autre série de papiers soi-disant trouvés chez le surintendant fut encore exploitée contre lui.

Depuis fort longtemps, les ambassadeurs décrivaient dans leurs rapports le tableau des Cours où ils étaient accrédités, les caractères des empereurs, rois, personnages politiques. Les lettrés échangeaient leurs portraits, où la justesse, la finesse des expressions tenaient lieu de dessin et de couleur. Mlle de Montpensier en avait publié toute une galerie. Il était naturel qu'un chef de gouvernement comme Mazarin appliquât cette méthode à la rapide revue des hommes placés sous ses ordres. Cela servait de notes sur le personnel.

C'est ce travail qu'on vit alors paraître sous le titre de Portraits du Parlement, des maîtres des requêtes, etc. D'un mot, on y jugeait un homme.

On sait par Gourville que Foucquet avait voulu se rendre compte de ce que valait chacun des membres du Parlement[74]. On sait encore par Pellisson que beaucoup d'officieux accablaient de ces sortes de renseignements le ministre au pouvoir. Curieux de nature, il prenait des notes de toutes mains[75]. Plusieurs de ces tableaux remontaient à cinq ans en arrière. D'autres portaient la marque de remaniements. Tous étaient dépourvus d'authenticité[76]. On put mettre en circulation ce qu'on voulut, et l'on ne s'en fit pas faute. C'est ainsi qu'on montra Foucquet dépeignant Lionne, son ami, comme un sot à genoux devant cent écus[77]. Les portraits flattés ne plaisaient guère plus à leurs modèles, et tout éloge venant de Foucquet emportait une dangereuse suspicion.

Ces lettres divulguées, ces portraits défigurés pouvaient nuire au prisonnier dans l'opinion publique, mais ne constituaient pas un chef d'accusation possible. Les papiers importants utiles à la défense n'étaient pas mieux traités. On n'observait plus aucune règle dans la confection des inventaires[78]. Tous les deux jours, on trouve au procès-verbal cette annotation : Les pièces mentionnées en cette liasse et aux suivantes ont esté portées dans le cabinet du Roy et y ont esté laissées par son ordre. — Le Roy a retenu cette cotte. Presque tous les papiers de la cassette peinte furent ainsi déplacés[79].

A la fin, on songea à concentrer la masse des documents saisis. Poncet avait déjà porté au donjon de Vincennes ceux qui provenaient de Saint-Mandé (6 octobre 1661). Colbert ordonna de les livrer à Fontainebleau aux mains de Foucault. Le lieutenant civil d'Aubray ne laissa pas de faire des difficultés. On passa outre.

 

Cependant, la procédure n'avançait pas.

D'où venaient ces lenteurs dans l'adoption des mesures à prendre contre Foucquet ?

Colbert n'était pas entré en campagne sans plans bien médités. En septembre 1661, il en avait plein ses poches, pour la veille, pour le jour, pour le lendemain[80]. Or, la veille et le jour de l'arrestation, tout s'était passé à souhait ; mais le lendemain, l'hésitation commença. Porté au Conseil, le projet de création d'une chambre de justice y reçut un accueil très froid. Séguier partageait toutes les rancunes de Colbert ; mais il possédait des droits achetés au bon moment et tenait à ses droits. Le Tellier, Brienne, Lionne se demandaient où on les menait.

Tous couvrirent leur pensée par des arguments spécieux, et mirent en avant des raisons extérieures. Le commerce cesserait ; le crédit disparaîtrait ; les étrangers reprendraient leurs capitaux ; le peuple refuserait de payer les impôts, pour courir sus aux préposés et aux gabelous ; les rentes de l'Hôtel de ville ne seraient peut-être plus payées, et il fallait compter avec les rentiers. Les gens d'affaires offraient une sorte de transaction au prix de vingt millions. Foucquet, on se le rappelle, avait tiré d'eux cette proposition. Obtiendrait-on plus par la rigueur ? On en doutait.

La discussion prit deux séances. Colbert n'assistait pas encore au Conseil, mais le Roi présidait, bien stylé par son intendant. Ce jeune homme, naturellement âpre aux recettes, rendu plus avide d'argent par la pénurie dans laquelle il avait vécu, recevait la promesse de rentrer, sans bourse délier, dans son domaine aliéné. Si les engagistes se plaignaient, on invoquerait la minorité du prince, la lésion de plus de moitié. En somme, le Roi serait libéré des dettes contractées pendant la Régence et même jusqu'au 5 septembre 1661[81]. Louis prit donc la parole. Son avantage était de toucher les vingt millions ; mais il devait avant tout écouter la voix de ses peuples ; il fallait purger le siècle par une punition dont on parlerait encore dans cent ans[82] (1er et 2 octobre 1661).

A ce langage autoritaire, le Conseil, toujours unanime, approuva la création de cette Chambre de justice dont il ne voulait pas entendre parler la veille. Toutefois, comme plusieurs jours étaient nécessaires pour la constituer, choisir les commissaires, etc., comme on n'avait pas achevé le dépouillement des papiers de Foucquet, on convint de garder un secret absolu.

A vrai dire, chacun cherchait à gagner du temps. Colbert lui-même n'était pas prêt, ni financièrement ni judiciairement. Financièrement, il avait pu faire face aux premières éventualités, grâce au million soutiré de Foucquet, aux deux millions empruntés au duc de Mazarin, au million sorti de sa propre bourse[83]. Mais il fallait songer à l'avenir. Avec sa connaissance profonde des hommes et des choses, l'élève du Cardinal se dit que les créanciers du Roi ne sacrifieraient pas leur intérêt à Foucquet disgracié ; que, menacés du même sort, les partisans, pour se faire bienvenir du pouvoir nouveau, ne tarderaient pas à rouvrir leur caisse. Comme première épreuve, on proposa un renouvellement du bail des gabelles, qui fut adjugé avec une augmentation de sept à huit millions de livres. La conclusion de la paix, le licenciement de troupes indisciplinées, auxiliaires des fraudeurs, le rétablissement de l'autorité des intendants étaient la vraie cause de cette amélioration. On se plut néanmoins à l'attribuer au changement de régime ; ou proclama très haut qu'il n'y avait plus de pensions à donner[84]. Coup non moins habile, on fit toucher au Roi directement son pot-de-vin, sorte de cadeau en sus du prix. Les deux reines, Monsieur et Madame eurent leur part ; mais le gros lot, cent cinquante mille livres, échut à Mlle du Fouilloux, l'amie très suspecte de Menneville et de La Vallière. La Gazette rimée déclara que le Roi voulant doter la demoiselle, les cinquante mille écus avaient été payés comptant[85]. Rien déjà ne coûtait aux journalistes. Longtemps après, la Fouilloux sollicitait encore son payement[86]. C'est que Colbert avait en main les lettres de la femme La Loy, saisies et dérobées à Saint-Mandé, et qu'il aurait pu raconter bien des choses à Louis XIV.

On rabattit deux millions sur les tailles. Mesure plus efficace, on réduisit le taux des remises accordées aux percepteurs des impôts ; de là une économie de sept millions. Toutes réformes préparées par Foucquet et attribuées à cette heure aux ennemis qui l'avaient renversé et voulaient sa mort.

Judiciairement, les saisies faites à Saint-Mandé et à Paris n'avaient pas donné de grands résultats : un projet déjà ancien visant un ministre décédé, un acte de pension sur les gabelles, sans nom, trouvé on ne sait comment. Voilà tout. Colbert, un peu déçu, s'était rejeté sur les registres des trésoriers de l'Épargne, où il comptait surprendre la preuve des malversations du surintendant. Ils avaient été saisis, apportés à Fontainebleau, parafés par le Roi (octobre 1661). En même temps, le greffier Foucault recherchait partout des griefs à relever contre le prisonnier. Il visait l'affaire du marc d'or, celle des postes[87]. Transformer un greffier en juge d'instruction, c'était déjà très irrégulier. Colbert ne s'en tint pas là. Un de ses oncles, nommé Pussort, magistrat savant, homme grincheux, reçut la mission officieuse de travailler sur les registres[88]. On lança également sur cette piste un sieur Berryer, ex-agent de Mazarin, homme à tout faire, à qui l'on donna d'abord, comme encouragement, la charge de secrétaire du conseil confisquée sur Gourville[89]. Enfin, avant d'avoir fini l'instruction, on s'enquit de la peine à infliger au surintendant, qui a conduit les finances dans cette confusion[90]. On sait quelle fut la réponse : la peine de mort.

Dès que ce point fut acquis et bien que les inventaires ne fussent pas finis, en apparence du moins, Colbert voulait commencer le procès. Il y aurait de grands avantages, disait-il, à ouvrir la Chambre de justice avant la Saint-Martin d'hiver (11 novembre), c'est-à-dire avant la rentrée du Parlement, dont on se défiait bien à tort[91].

Mais avant de réunir les membres d'une Chambre, il faut d'abord les désigner. Trois mois passèrent en informations[92].

Les listes toutes faites trouvées chez Foucquet permettaient déjà d'exclure les hommes bien notés par l'accusé. Cela ne suffisait pas. On en voulait qui fussent décidés à condamner. Un exemple suffira pour montrer comment il fut procédé à ce choix, et quelle liberté d'appréciations on entendait laisser aux commissaires.

Chacun connaissait les grands débats survenus entre le surintendant et Lamoignon. Ce fut pourtant ce dernier qu'on désigna comme président de la Chambre. Lorsqu'au commencement de novembre, il se rendit à Fontainebleau pour féliciter le Roi sur la naissance du Dauphin, Louis s'expliqua sur le compte de Foucquet. Son irritation était extrême. Foucquet, selon lui, voulait se proclamer duc de Bretagne et roi des îles adjacentes ; il gagnait tout le monde par ses profusions : Je n'avois plus personne en qui je pusse prendre confiance[93]. Ce jeune prince, doué d'un rare bon sens, pouvait-il sérieusement croire au chimérique projet de création d'un duché de Bretagne et d'une royauté des îles adjacentes ? N'était-ce pas un simple prétexte pour atteindre l'homme dont il était jaloux ? Lamoignon crut à la jalousie.

La composition de la Chambre, qu'on lui donnait la mission peu enviable de présider, n'était pas faite pour dissiper ses inquiétudes. A côté de lui devait siéger Séguier, dont les querelles avec l'accusé étaient encore toutes retentissantes ; au-dessous de lui, le président Nesmond et deux conseillers au Parlement de Paris, Brillac et Catinat, paraissaient impartiaux ; mais on leur adjoignait trois maîtres des requêtes, Poncet, Boucherat, qui avaient instrumenté contre Foucquet, Voisin, que ce dernier avait combattu dans ses prétentions à la prévôté des marchands. On prenait aussi, comme venant de la Cour des comptes, Pussort, oncle de Colbert, un des instructeurs passionnés de la poursuite, Louvois, le fils de Le Tellier, jeune conseiller du Parlement de Metz. Même sentiment partial dans la désignation des conseillers, pris dans les parlements de province, partout choisis en dehors des avis des premiers présidents[94]. Le greffier de la Chambre serait Foucault, l'homme qui livrait à Colbert toutes les pièces curieuses saisies chez l'accusé. Enfin, au banc du ministère public, comme procureur général, le farouche Talon. Certes, Lamoignon faisait grand cas de Talon ; mais il ne pouvait douter de sa haine contre Foucquet.

La majorité appartenait donc aux commissaires provinciaux, ennemis déclarés du surintendant. Lamoignon, sans heurter tout de suite les projets de Colbert, s'avisa d'un expédient très habile. Il demanda et fit si bien qu'il obtint de faire entrer dans la Chambre deux conseillers au Parlement de Paris, Renard et Fayet, et deux maîtres des requêtes, Besnard de Rézé et Lefèvre d'Ormesson, modification alors sans importance apparente, et qui, dans la suite, produisit les plus grandes conséquences.

Enfin, le 15 novembre, parut un édit royal portant création et establissement d'une Chambre de justice pour la recherche des abus et malversations commises dans les finances depuis 1635. Un préambule pathétique dénonçait les hommes qui, profitant des désordres survenus aux époques de guerre, ont, par des voies illégitimes, élevé des fortunes subites, fait des acquisitions immenses et donné dans le public un exemple scandaleux par leur faste et leur luxe.

La Chambre devait rechercher et punir ces malversations, comme aussi tous les crimes et délits commis à l'occasion d'icelles, par quelques personnes et de quelque qualité qu'elles soient. Le dispositif de l'édit reproduisait ces mêmes termes, visait d'abord les coupables, leurs commis, et autres ayant travaillé sous eux et, en général, tous ceux qui avaient eu part à ces malversations. Bien entendu, défense à tous Parlements et Cours des comptes de connaître de ces affaires[95].

Cet édit, qui paraît l'œuvre de Talon, était rédigé en termes propres à ménager la susceptibilité du Parlement. Il y fut vérifié le 16 novembre, un peu par surprise, trois Chambres seulement assemblées, sans qu'on appelât celles des enquêtes et des requêtes[96]. Mêmes procédés à la Chambre des comptes et à la Cour des aides.

A peine la déclaration était-elle partie et enregistre, que Le Tellier faisait courir derrière elle. Quelques clauses pouvant préjudicier à son service, le Roi désirait que Séguier les réformât, au sens que M. Colbert expliqueroit ; donc, différer son envoi à la Chambre de justice ; au besoin, la retirer des mains de Talon[97]. On avait commencé en falsifiant les inventaires de saisie, on continuait en altérant le texte soumis aux Cours souveraines. L'importance de l'altération n'est pas connue ; mais elle était au sens de M. Colbert.

 

Malgré l'absence de plusieurs commissaires venant des parlements éloignés, la Chambre tint sa séance d'ouverture le samedi 3 décembre 1661.

On avait choisi dans l'enclos du palais la salle du Conseil proche la Chambre des comptes. C'était une grande pièce, éclairée au fond par deux larges fenêtres, assez richement décorée aux armes de Louis XIII. On s'y rendit comme à une fête ; jeunes femmes, les unes en grande toilette, les autres en mante, ôtant leur loup pour être mieux vues ; jeunes seigneurs avec chapeaux à plumes et cravates en dentelles, magistrats, avocats, bourgeois ; le tout Paris de ce temps-là. Le vieux Séguier, portant l'insigne du Saint-Esprit, occupait le bureau de la présidence ; à sa gauche, Lamoignon, Nesmond, Phélyppeaux. Les bancs des commissaires formaient les trois autres côtés du carré. Derrière le rang de droite, Talon ; derrière celui de gauche, Foucault[98].

Séguier, Lamoignon prononcèrent successivement quelques paroles. Talon, procureur général, lut l'acte de commission de la Chambre, c'est-à-dire l'édit rajusté sur les instructions de Colbert. Puis, il débita une harangue solennelle, boursouflée, violente. Les précédentes Chambres, dites de justice, n'en ont eu que l'apparence et le nom, toujours prêtes à composer avec les coupables. Celle qu'on institue aujourd'hui devra rester comme un monument éternel d'implacable sévérité[99]. On s'était persuadé que le crédit des gens d'affaires avoit poussé de si longues racines, qu'il étoit impossible de les ébranler ; que soit par la protection des puissances supérieures, ou soit par des alliances avec la robe, ils étoient de tous côtés impénétrables. Erreur. De ces deux remparts, le premier est renversé. De qui parlait le procureur général ? D'Anne d'Autriche, de Foucquet ? Mystère de rhétorique. Le Roi, déposant entre nos mains toute son autorité, qu'il n'exerce jamais en personne dans la distribution et les occasions de sévérité, croit avoir déchargé sa conscience. Talon parlait-il sincèrement ? Magistrat passionné, mais intègre, qu'on eût irrité par la seule promesse d'une faveur, se fit-il illusion à lui-même, et crut-il ne servir que l'intérêt public, devaient leur tailler la besogne ne savaient par où commencer.

Le 4 janvier 1662, Talon fit appeler au Palais un avocat nommé Gomont, et le prit à part au petit parquet.

Ayant réfléchi n sur cette grande affaire n du procès de Foucquet, il le pria de s'en charger et d'y travailler avec une application toute particulière, conjointement avec un de ses collègues, un sieur Ravières.

Cette espèce de délégation du pouvoir public, donnée au seul procureur général, ne laissait pas d'être extraordinaire. Ce ne fut pas toutefois ce qui préoccupa Gomont.

Étant ce qu'il estoit avec M. Colbert, il ne pouvait s'engager sans l'assentiment de ce dernier, qui l'avait chargé de toute la partie judiciaire dans l'exécution du testament de Mazarin.

Naturellement, Colbert approuva le choix fait par Talon. A son tour, il pria Gomont de commencer et de ne pas perdre de temps ; il y avoit desja quatre mois que M. Foucquet avoit esté arresté, et il ne voioit rien d'advancé ny de faict. Il estoit important que la Chambre de justice ne demeurast pas longtemps.

Gomont, homme assez simple dans sa vie, très peu curieux, ne connaissait de l'affaire que les faits publics. Il en savait même moins que d'autres. Aussi crut-il sage de consigner en tète des notes qu'il prit quotidiennement cette observation prudente : Je n'ay point de part à ce qui a précédé ce jour (4 janvier 1662). S'il y a du bien, je n'y ai point participé, et s'il y a du mal, on ne doibt pas me l'imputer[100].

Son premier soin fut de lire n la déclaration de la Chambre de justice n, et de dresser immédiatement un mémoire sur la question de compétence. Talon s'empressa de lui déclarer qu'il ne fallait pas doubter du pouvoir de la Chambre, ny pour la personne, ny pour les cames, ny pour les crimes de lèze-majesté. Gomont n'en demeura pas moins avec ses doubtes, et naïvement en fit part à Colbert, qui, sans rire, le pria de s'en esclaircir.

Talon avait remis à ce substitut officieux les registres de Taffu, commis de Bruant, pour monstrer les grandes despences de M. Foucquet, et qu'il confondoit les finances du Roy avec son bien propre.

Cela ne suffisait pas au scrupuleux Gomont, qui demanda à voir toutes les pièces.

On dut prendre jour pour qu'il se rencontrât avec Foucault, Berryer, Ravières à cette chambre du Louvre où étaient alors entassés tous les papiers.

Il y trouva quantité de pièces dites de rebut, non inventoriées par les commissaires, dont plusieurs furent reconnues comme très importantes, pour l'accusation naturellement : Quoy que ce ne fussent que des mémoires non signés et des brouillons, ces pièces pouvoient servir par elles-mesmes et donnoient d'ailleurs des lumières sur des faicts qui estoient auparavant incogneus.

Pendant plusieurs jours, ces quatre personnages opérèrent sur place. Puis on jugea à propos de travailler en la maison de M. Foucault plustost qu'au Louvre. On y apportait quotidiennement autant de papiers qu'il en était besoin. Ce travail, avec les transports qu'il occasionnait, dura encore près de deux mois[101].

Gomont, absorbé par cette étude, cessa d'aller au palais. Colbert l'encourageait, lui disant que le Roi ne comptait que sur lui. Foucault, à son tour, lui confiait les pièces qu'il prenait et rendait à mesure. Il en dressait des extraits, ainsi que le plan d'un interrogatoire du prisonnier. Mais avant tout, il voulait qu'on s'entendit pour establir la jurisdiction de la Chambre contre M. Foucquet. Évidemment, cet avocat était le premier homme qui eût examiné sans passion cette procédure, œuvre de colère et de haine. Il la trouvait vicieuse.

Comprenant qu'on ne voulait pas s'infliger un désaveu, Gomont suggéra l'expédient d'une explication du pouvoir de la Chambre, ou par une déclaration, ou par un arrest du Conseil. A ce sujet, grande conférence au Louvre entre Colbert, Le Tellier, Talon, Foucault, Berryer et trois avocats[102]. On se décida pour un arrêt du Conseil. Gomont fut chargé de le préparer, et Talon de le corriger.

 

Cependant, depuis le 18 janvier 1662, on arrivait par un détour assez grossier aux poursuites qu'on voulait exercer contre le prisonnier de Vincennes, unique ou principal objet de la mise en marche de cette grande machine.

Poncet rapporta une requête de Talon contre Bruant, commis du sieur Foucquet, inculpé de s'être immiscé dans des traités au mépris des ordonnances. La Chambre rendit un arrêt permettant d'informer contre Bruant[103].

Or, chacun savait que depuis cinq mois les papiers de Bruant étaient saisis ; que depuis trois mois un de ses commis était emprisonné ; la Chambre enfin l'avait décrété lui-même de prise de corps dès sa seconde séance ; et c'est alors seulement qu'on s'avisait de rendre un arrêt autorisant une information contre lui.

On fut assez longtemps sans avoir l'explication de cette étrange procédure.

En effet, du 18 janvier au 2 mars, on n'avait jugé rien que des affaires de finances. Le bruit courait bien dans le public qu'on allait amener Foucquet à la Bastille et travailler à son procès[104]. A la Chambre, on n'en parlait pas. Mais le 2 mars 1662, on fit un autre pas en avant en ordonnant l'arrestation de Gourville, réfugié en Angoumois depuis octobre 1661, sur les avertissements de Colbert, qui lui avait peu scrupuleusement pris cinq cent mille livres[105]. On n'avait rien trouvé dans les papiers de ce prudent personnage ; mais chez Foucquet, Colbert avait vu et pris la copie de sa fameuse lettre à Mazarin, copie de la main de Gourville, qui n'avait pas voulu dire comment le surintendant s'était procuré ce document. Inutile d'ajouter qu'on n'avait fait mention dans aucun inventaire de cette dénonciation, pièce capitale pour la défense de l'accusé.

Gourville avait-il été aussi discret sur le projet de défense, trouvé derrière la glace du petit cabinet ? Donna-t-il à entendre qu'il en avait eu connaissance ? On peut le craindre. En tout cas, Colbert n'hésita pas à faire poursuivre son ami, pour atteindre plus sûrement Foucquet[106].

Le lendemain, 3 mars, Talon prit encore la parole, au cours des informations faites contre Bruant, pour déclarer que le sieur Foucquet s'était trouvé chargé de malversations et de plusieurs autres matières criminelles et préjudiciables au service de Sa Majesté[107].

La Chambre, aussitôt, décida qu'il serait informé contre l'ex-surintendant, et que deux de ses membres, MM. Poncet et Renard, accompagnés du greffier Foucault, interrogeraient l'inculpé.

L'arrêt ne mentionnait pas le lieu où se trouvait Foucquet ; mais, à point nommé, on mit en la main des commissaires une lettre du Roi ordonnant à d'Artagnan de les introduire dans le donjon de Vincennes et de les laisser librement interroger son prisonnier.

 

 

 



[1] Les Portraits de la Cour, pièce très curieuse datant de 1663 environ. Archives curieuses de l'histoire de France, t. VIII, p. 372. Ce document, comme tous ceux de ce temps, contient des parcelles de vérité mêlées à de nombreuses erreurs. Ainsi, ce n'est pas à ce moment que le Roi annonça la décision qu'il avait prise, mais un peu plus tard, quand il fut sûr de l'arrestation.

[2] Coislin à Séguier, 5 septembre 1661. Archives de la Bastille, t. I, p. 351 ; LA TRÉMOILLE, Mémoires, p. 366.

[3] Lettre du Roi à la Reine mère. Œuvres de Louis XIV, t. V, p. 50. Relation officielle.

[4] Défenses, t. XVI, p. 261.

[5] Relation officielle.

[6] Défenses, t. XVI, p. 262. La relation officielle dit à tort que la saisie fut opérée par Boucherat.

[7] Boucherat à Séguier, 9 septembre 1661. British Museum, Harleian, ms. 4442, f° 227. Cabinet historique, 1865, p. 14.

[8] Défenses, t. XV, p. 17.

[9] Relation officielle.

[10] Défenses, t. IX, p. 6. Ce récit n'a jamais été contesté.

[11] Bibl. nat., ms. Baluze, 149, f° 220.

[12] Bibl. nat., ms. Baluze, 150, f° 101.

[13] La Muze historique, t. III, p. 401.

[14] Les Portraits de la Cour, Archives curieuses de l'histoire de France, t VIII, p. 409. Il se montroit aussi agissant qu'un jeune homme, même dans le voyage de Bretagne. Ou l'auteur, d'ailleurs très intelligent, s'est trompé, ou il a voulu dire pendant le voyage, car Séguier était resté à Fontainebleau.

[15] Bibl. nat., f. fr. 7620, f° 158. Lettres autographes de Séguier au Roi. Affaires étrangères, France, 911, f° 171. Défenses, t. IV, p. 154.

[16] Lettres de Ballesdens. Bulletin du Comité historique, 1899, p. 105.

[17] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 158. Lettres autographes de Séguier au Roi. Ministère des affaires étrangères, France, 921, ancien 171. Défenses, t. IV, p. 154.

[18] Séguier au Roi, 7 septembre 1661.

[19] Il est nommé Lespine dans une lettre de Villeray à Séguier, 9 septembre. 1661. Brit. Mus. Harleian ms. 4442, f° 223. Cabinet historique, 1865, p. 13.

[20] Saulger à Séguier, 16 septembre 1661. Bibl. nat., ms. fr. 17388, f° 75.

[21] LORET, La Muze historique, t. III, p. 384.

[22] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 477. Lettre de d'Aubray à Séguier.

[23] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 477. V. aussi Extrait du procès-verbal, même ms., f° 249.

[24] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 363 et suiv. Expédié suivant l'ordre verbal de M. le lieutenant civil et à luy mis en main. Despinay, f° 373. MARCOU, Etude sur Pellisson, p. 202. Lettre de Ryantz-Villeray à Séguier,9 septembre 1661. Notez que ce correspondant, procureur du Roi, dit que le commissaire s'appelait Gagny. L'erreur est sans importance, mais montre avec quelle circonspection il faut user des documents, même contemporains.

[25] Ms. fr. 7620, f° 477. Dans une lettre du 11 septembre, d'Aubray accuse Saint-Maury de peu de diligence. Cabinet historique, 1865, p. 17.

[26] CHOISY, Mémoires, p. 590. A son habitude, Choisy est inexact. Il parle d'une conférence entre Mme du Plessis-Bellière et Bruant. Bruant n'était pas à Paris. Il dit que Dreux d'Aubray scella à Saint-Mandé. Les scellés furent posés par Bénard et Lallemant. Saint-Maury arriva le 7, à deux heures du soir, à Fontainebleau, et y resta jusqu'à ce que Séguier le réexpédiât sur Paris. Laforêt courait toujours et, pendant ce temps, dépassait Saint-Maury. Il arriva dans la nuit. C'est ainsi que le 8 septembre, dès dix heures, on pouvait être prévenu chez Bruant.

[27] Défenses, t. IV, p. 159.

[28] Scellés chez Bruant. V. Bibl. nat., ma. fr. 7620, f° 249 ; chez Gourville, rue Guénégaud, au bout du pont Neuf, ibid., f° 425 ; chez Boilève, rue Culture-Sainte-Catherine, ibid., f° 423 ; chez Mme du Plessis-Bellière, rue Matignon, ibid., f° 191.

[29] Archives de la Bastille, t. I, p. 387. Lettre du 8 septembre 1661.

[30] COLLET, Vie de saint Vincent de Paul, t. II, p. 67 ; Abrégé de la vie, loc. cit.

[31] CHOISY, Mémoires, p.590 ; Mme DE MOTTEVILLE, Mémoires, t. IV, p.289.

[32] MOTTEVILLE, Mémoires, t. IV, loc. cit.

[33] Saulger à Séguier. Paris, 8 et 10 septembre 1661. Bibl. nat., ms. fr. 17398, f° 50. Berryer à Colbert, Archives de la Bastille, t. I, p. 359. Ballesdens à Séguier, Bulletin du Comité historique, 1849, p. 105.

[34] Saulger a vu Monnerot jeune fort abattu. C'était un financier qui avait avancé un million pour la dot de la princesse de Toscane (Marguerite d'Orléans). Lettre du 8 septembre 1661.

[35] Archives de la Bastille, t. I, p. 361.

[36] La Muze historique, t. III, p. 401.

[37] VILLEDIEU, Œuvres, t. VI, p. 266. Le Favori, de Mme DE VILLEDIEU, fut joué par la troupe de Molière en i663, mais ne tint pas l'affiche longtemps. V. TALLEMANT DES RÉAUX, Historiettes, t. X, p. 237, édit. 1840. Cf. L. MÉNARD, Les Fables galantes, préface, p. XVI, Paris, 1882, et Minium, Le Livre abominable, introduction. Paris, 1883. Des fragments du Favori ont été réimprimés dans les Œuvres diverses de Mme de Villedieu, avec quelques légers changements.

Un homme qui parvient à ce degré suprême,

Doit se garder de tous et surtout de lui-même.

Par un calme apparent charmé comme séduit,

Il s'endort sur la fui d'un vent qui le détruit.

Pour goûter tous les fruits d'une pleine allégresse,

Il s'abandonne entier à sa délicatesse,

Et croit dessus son Roi n'avoir rien attenté

Quand il se fait chez lui Roi de la volupté.

Ah ! qu'il faut à la Cour suivre d'autres maximes !

Envers les souverains il est de certains crimes

Qui, bien qu'ils ne soient point défendus par les lois,

Blessent jusques au cœur la personne des Rois.

Un prince tient du Ciel la suprême puissance,

Le droit de commander est un bien de naissance ;

Mais le goût du plaisir et le tendre talent,

Qui tiennent moins du Roi que de l'homme galant,

Comme il ne peut jamais les devoir qu'à

Il en est plus jaloux que du pouvoir suprême ;

Et c'est sur ce sujet qu'un Favori prudent

Doit surtout éviter d'et e son concurrent ;

Qu'il doit incessamment veiller sur sa personne ;

Car, de quelques projets qu'un Monarque soupçonne,

Tout peut également allumer son courroux,

Et ses moindres désirs sont des désirs jaloux.

[38] LORET, Muze historique, t. III, p. 403.

[39] GOURVILLE, Mémoires, p. 535.

[40] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 463 v°.

[41] CLÉMENT, Lettres et Instructions, t. II, p. 40, 41, 47.

[42] Saulger à Séguier, 12 septembre 1661. Archives de la Bastille, t. I, p. 340.

[43] Défenses, t. IV, p. 61. J'ai vérifié le teste sur le ms. de la Bibl. nat., fr. 7620.

[44] Défenses, t. IV, p. 63, 74.

[45] La Fosse à Séguier, 18 septembre 1661. Bibl. nat., ms. fr. 17398, 124.

[46] Défenses, t. IV, p. 180. Lallemant à Séguier, 19 septembre 1661. Cabinet historique, 1865, p. 19.

[47] Cette lettre si curieuse, conservée à la Bibl. nat., a été publiée dans les Archives de la Bastille, t. I, p. 366. En attendant le sieur Colbert, écrit Poncet, le 19 septembre au soir.

[48] Défenses, t. IV, p. 182. Lallemant à Séguier, 19 septembre 1661, déjà citée.

[49] Lallemant n'avait certainement rien vu d'intéressant sur la table du cabinet. S'il y a quelque chose de considérable, dit-il, ce sera dans deux coffrets qui sont dans le cabinet haust de mon dict M. Foucquet. Lettre du 19 septembre.

[50] Défenses, t. IV, p. 184.

[51] Défenses, t. IV, p. 189.

[52] Archives de la Bastille, t. I, p. 367.

[53] Je suis parti entre cinq et six heures du soir. Loc. cit.

[54] Foucault à Colbert, 22 septembre 1861, Archives de la Bastille, t. I, p. 388.

[55] Défenses, t. IV, p. i95.

[56] La Fosse à Séguier, 23 septembre 1861. Bibl. nat., ms. fr. 17398, f° 122.

[57] Défenses, t. I, p. 195. La lettre est datée du 23 septembre et constitue un faux manifeste.

[58] La Fosse à Séguier, 29 septembre 1661. Bibl. nat., ms. fr.17398, f° 132.

[59] Défenses, t. IV, p. 203, 204 et suiv. La Fosse à Séguier, 29 septembre 1661.

[60] Ferrand à Séguier, 29 septembre 1661. Cabinet historique, 1885, p. 23.

[61] 29 septembre 1661. Archives de la Bastille, t. I, p. 373. Cette lettre existe encore à la Bibl. nat. Baluze, vol. 150, p. 24.

[62] La Fosse à Séguier, 29 septembre 1661.

[63] On y trouve plusieurs pièces parafées par les commissaires.

[64] Archives de la Bastille, t. I, p. 361. Lettre de Pellot à Colbert, 12 septembre 1661.

[65] Bibl. oat., ms. fr. 10976, f° 78 et suiv. ; Défenses, t. IV, p. 75, 80.

[66] Conrart, 29 septembre 1661, Mémoires, collection Michaud, p. 614.

[67] Histoire d'Henriette d'Angleterre, p. 55.

[68] MOTTEVILLE, Mémoires, t. IV, p. 295. Cf. Le Livre abominable, t. I, p. 35.

[69] Il mourut vers le 20 septembre 1661. LORET, La Muze historique, t. p. 406.

[70] 9 décembre 1669. V. Causeries d'un curieux, t. II, p..56T.

[71] BUSSY-RABUTIN, Mémoires, t. II, p. 114

[72] Lettre de Chapelain, de 1661. V. édit. Tamisey de La Roque, t. II ; Feuillet de Conches, Causeries, t. II, p. 519, Pa éditée avec la date annoncée du 13 septembre.

[73] FEUILLET DE CONCHES, Causeries, t. II, p. 524. Lettre du 7 novembre 1661.

[74] GOURVILLE, Mémoires, p. 517.

[75] PELLISSON, Œuvres diverses, t. II, p. 118.

[76] On n'en connaît que des copies. Cf. DEPPING, Corresp. adm. de Louis XIV, t. IV, p. 1.

[77] CONRART, Mémoires, p. 814.

[78] Bibl. nat., ms. fr. 7620, f° 1 à 182. Conf. Défenses, t. IV, p. 84. Le fait est indéniable.

[79] Sa Majesté nous a fait dire par M. Colbert, l'un de nous, qu'elle vouboit qu'on luy portât lesdites pièces. Défenses, t. IV, p. 123.

[80] Lettres et Instructions, t. II, p. CXCIII.

[81] CLÉMENT, Lettres et Instructions, t. II, p. CCII.

[82] Lettres et Instructions, t. II, p. CCII et CCIII. Cette note de Colbert a été certainement communiquée au Roi, car elle porte une réponse affirmative qui ne peut émaner que du Roi.

[83] Il n'est point douteux que l'initiale C, dans la note du 4 septembre, ne s'applique à Colbert.

[84] Récit de Colbert.

[85] LORET, La Muze historique, t. III, p. 415.

[86] CLÉMENT, Lettres et Instructions, t. II, p. 229.

[87] Foucault à Colbert, 3 octobre 1661. Archives de la Bastille, t. I, p. 379.

[88] CLÉMENT, Lettres el Instructions, t. VII, p. 201.

[89] GOURVILLE, Mémoires, p. 536

[90] Bibl. Mazarine, ms. de Gomont.

[91] Note autographe de Colbert, non datée, mais postérieure au 5 septembre et antérieure à novembre.

[92] Relation personnelle de Colbert.

[93] Arrêts de Lamoignon : Vie de l'auteur, t. I, préface, p. XXVI. Ce passage est extrait de la Relation d'un voyage à Fontainebleau, écrite par Lamoignon. Ce document ne parait plus exister, non plus qu'un Journal de la Chambre de justice, par le même.

[94] V. lettre de Le Tellier. Archives de le Bastille, t. I, p. 414 (6 janvier 1662).

[95] Bibl. nat., ms. fr. Ve de Colbert, n° 228. Extraits sommaires tirés des registres de la Chambre de justice, f° 1 à 17. Cf. CLÉMENT, Lettres et Instructions, t. II, p. 752.

[96] Défenses, t. IV, p. 49.

[97] Le Tellier à Séguier, 26 novembre 1661. Archives de la Bastille, t. I, p. 401. Cf. lettre de Foucault à Colbert (ibid., p. 371), sans date de mois et qui doit être du vendredi 25 novembre.

[98] V. la curieuse miniature exécutée par ordre de Foucault. Ve de Colbert, n° 228.

[99] Ve de Colbert et Œuvres de Talon, t. II, p. 1 et suiv.

[100] Bibl. Mazarine, ms. 1448 non paginé, t. I.

[101] Tout ce récit est tiré textuellement des notes de Gomont. Bibl. Mazarine, ms. 1448.

[102] Gomont s'était fait adjoindre un sieur de Sida.

[103] Bibl. nat., ms. Ve de Colbert, n° 228, f° 90.

[104] GUY PATIN, Lettres, t. II, p. 311, 316 ; du 14 et du 29 février 1662.

[105] GOURVILLE, Mémoires, p. 536.

[106] Séance du 2 mars 1662. Ms. Ve de Colbert, n° 228, f° 115, 139. On savait bien où se trouvait Gourville. On l'inquiéta tout juste autant qu'il était nécessaire pour qu'il se tint tranquille.

[107] Ms. V de Colbert, n° 228, f° 123, 124. En marge de ce passage, on lit : Ici commence le procès de M. Foucquet. Cf. Défenses, t. IV et t. XVI, CHÉRUEL, Mémoires, p. 261.