Les
offices de surintendant des finances et de ministre d'État n'étaient que des
commissions données et reprises par le Roi à sa volonté. La charge de
procureur général constituait, au contraire, une propriété. Si, pour
l'acquérir, l'agrément du souverain était requis, il fallait, pour déposséder
le titulaire, des cas de forfaiture dont le Parlement seul était juge.
Foucquet le savait bien, lui qui, malgré ses attaches gouvernementales, avait
revendiqué pour ses collègues le droit de juger le conseiller Chenailles. Ses
ennemis redoutaient l'obstacle que ce privilège apporterait à la réalisation
de leurs desseins[1]. Destitué, arrêté, sur un
simple ordre du Roi, le surintendant ne pouvait pas être envoyé devant une
chambre de justice, composée de commissaires, tant qu'il conserverait sa
charge de procureur général. Bien qu'ayant toujours défendu les droits du
prince, Foucquet avait su ménager les intérêts des individus. S'il était
absurde de prétendre que tous les conseillers fussent ses pensionnaires, on
ne pouvait nier qu'il ne les fit exactement payer de leurs gages, qu'il ne
leur ménageât de bons placements de fonds. Il comptait donc plus d'amis que
d'ennemis dans ce corps qui, malgré sa déchéance politique, conservait une
puissance considérable. Colbert
usa de ruse. Le jeune roi, stylé par lui, entretint Foucquet de ses projets
autoritaires. Il voulait réduire le Parlement à ce qu'il était sous le règne
de son père, ce qui nécessiterait de grands coups de force. A cet effet, il
comptait principalement sur Foucquet. Toutefois, sa charge de procureur
général ne deviendrait-elle pas une cause d'embarras ? Le Parlement le
menacerait, l'obligerait à opter. Pour un homme dans un poste aussi élevé que
le sien, la robe était plutôt gênante[2]. Sans lui commander de la
quitter, le Roi laissait entendre à son ministre, comme en passant, que
peut-être il ne ferait pas mal de s'en retirer, étant obligé de donner
désormais tout son temps aux affaires de l'État[3]. Ce
raisonnement ne manquait pas de justesse, et la dernière considération était
flatteuse. Foucquet, séduit, entrevoyant la dignité de chancelier, se laissa
aisément persuader, d'autant plus que Colbert développait fort habilement les
idées simplement indiquées par le Roi[4]. Bientôt, le procureur général
annonça son intention de vendre sa charge. A cette
nouvelle, vive alarme parmi ses amis et ses amies. Une de ces dernières,
femme de cœur et de sens, lui écrit en toute hâte. Il faut qu'il se garde du
côté du palais. Le Tellier a de longues conférences avec Lamoignon, et ces
deux ennemis de Foucquet ont renouvelé leur liaison. Turenne et Colbert sont
de la partie. Turenne prétend que Foucquet a voulu l'éloigner. La lettre se
termine par ces mots où se peint une véritable affection : Ayez soin de votre sûreté plus que vous ne faites[5]. Pellisson, très sincère ami du
surintendant, ne cachait pas non plus ses appréhensions[6]. Dans le
public, les gens sensés ne voulaient pas croire à ce projet, et le président
Miron déclarait que c'était un roman[7]. Guy Patin, écho des propos
tenus par Lamoignon et par Talon, écrivait que Foucquet, fort en crédit auprès du Roy, était en passe de devenir chancelier,
premier ministre, si la corde ne rompait. D'autres
soupçonnent pis,
ajoutait-il[8]. Impression
du public, alarmes des amis les plus dévoués et les plus tendres, rien ne
devait prévaloir contre les feintes bonnes grâces du souverain. Foucquet,
aveuglé par sa générosité naturelle, déclara qu'il
ne vouloit (ce furent ses propres termes) ni
protection, ni support, ni bien, ni honneur, ni vie qu'en la bonté du Roi[9]. Des
négociations furent entamées ; il les brusqua et traita pour 1.400.000 livres
seulement avec M. de Harlay, alors qu'on pouvait en obtenir 1.800.000 livres.
Faire plaisir à un ami, cela valait bien 400.000 livres[10]. Le sacrifice fut consommé. Sur le
prix à payer, 400.000 livres revenaient à l'abbé Foucquet pour son droit de
survivance. Restait un million que Nicolas offrit au Roi, qui sans cesse
parlait de son désir d'avoir une réserve d'argent. Le soir même, Louis, tout
joyeux, dit à Colbert : Tout va bien ; il
s'enferre de lui-même. Il m'est venu dire qu'il fera porter à l'Épargne tout
l'argent de sa charge[11]. En effet, le million fut
porté, non à l'Épargne, mais à Vincennes, et enfermé dans les caves du
donjon. On répétait partout les propos du jeune prince, que le surintendant
lui donnait beaucoup d'argent et qu'il en couvrirait les avenues de son
château. Quant à Colbert, il approuvait[12]. Colbert
était suspect, mais comment ne pas se fier aux marques de considération
prodiguées par ce jeune prince, si réservé d'ordinaire ? Sa bienveillance
était même effective. M. de Créqui, le gendre de Mme du Plessis-Bellière,
était pourvu de la charge de général des galères, et prêtait serment en cette
qualité[13]. Il est vrai que les petits
cadeaux faits aux demoiselles d'honneur avaient eu leur part dans ce
résultat. Succès non moins contestable, Louis applaudissait François
Foucquet, l'archevêque de Narbonne, qui le haranguait au nom des états de
Languedoc ; il recevait, comme maître de son oratoire, Louis Foucquet,
l'évêque d'Agde[14]. L'aîné de ces deux prélats
paraissait désigné pour l'archevêché de Paris. Le second, Louis, donnait son
nom à un fils du surintendant. En
effet, Mme Foucquet avait mis au monde, à Fontainebleau, un troisième fils.
Les flatteurs voulurent voir dans le jeune Louis l'heureux précurseur d'un
Dauphin. Quelqu'un
m'a dit qu'il sera du Conseil, Sans
y manquer, du Dauphin qui doit naitre. Ainsi
s'exprime La Fontaine, qui payait en vers son terme de juillet 1661.
L'aimable homme, poète familier de la surintendance depuis trois ans, ne
savait pas au juste combien Mme la surintendante avait de fils. Or,
vous voilà mère de deux amours ; Dieu
soit loué ! La reine de Cythère N'en
a qu'un seul, qu'elle montre toujours. Foucquet
releva doucement l'erreur. La Fontaine, sans trop se troubler, écrivit que
c'était la plus grande rêverie dont un
nourrisson du Parnasse se pût aviser. Au lieu de deux il mit trois, ce qui faisait le
compte des garçons, les Amours ; mais les filles, les trois Grâces, les
comptait-il pour rien ? Je me rétracterai, dit-il, plus amplement à la première occasion[15]. Hélas ! le poète allait
bientôt demander à sa muse une inspiration plus sérieuse. Foucquet
reçut à cette même occasion des compliments dont il ne dut pas se vanter,
ceux de Mlle de Menneville. Pour
beaucoup de raisons, il ne pensait plus autant à la demoiselle d'honneur. En
vain cette belle personne, en cornette à sa fenêtre, s'efforçait-elle
d'attirer son attention quand il se promenait dans le parterre, et d'obtenir
quelque petit signe d'amitié[16]. En vain la rusée La Loy
décrivait-elle ses jalousies et son désespoir[17], la préoccupation de l'homme
était ailleurs. Il appliquait toutes les forces de son esprit à la solution
d'un problème autrement difficile que le mariage d'une jeune fille qui
l'aimait avec un homme qu'elle n'aimait pas. Louis,
comme roi, montrait de plus en plus envers tous ses sujets, fussent-ils
ministres, un caractère ferme, une volonté inébranlable ; mais quel serait
pour ses sujettes ce jeune prince, âgé de vingt-trois ans, d'une forte et vigoureuse santé, plein de feu et de
chaleur[18] ? Évidemment,
quoi qu'on en ait pu dire depuis, les femmes avaient et devaient exercer une
grande influence sur ce souverain, d'ailleurs si maître de lui et si jaloux
de son pouvoir. Les politiques ne pouvaient donc négliger d'observer ce côté
de la vie intime du prince. Foucquet, curieux par tempérament, inquiet par
situation, était plus attentif et plus éveillé que tout autre. Deux
des Mancini avaient à volonté pris et repris le jeune roi. Il eût aussi bien
épousé la princesse de Savoie que l'infante d'Espagne, les trouvant toutes
très bien, pourvu qu'on lui en donnât une. Marié, il aima sa femme pendant
trois mois. Revenu à Paris, il retomba aussitôt sous le charme impérieux de
Mme de Soissons. Trois mois après, Anne d'Autriche était obligée de faire
intervenir le confesseur du Roi, le P. Annat, pour neutraliser l'influence de
Marie Mancini, devenue connétable Colonne, et qu'on dut expédier assez
brusquement à Florence[19]. A peine Louis avait-il perdu
de vue l'objet de son ancienne passion qu'on le voyait épris de sa belle-sœur
Henriette, jadis outrageusement dédaignée. Or,
dans le voyage à Dampierre, on avait bien réussi à rendre Foucquet suspect à
la Reine mère, mais non à remettre l'ordre dans l'esprit de Madame. On fit
venir à Fontainebleau la reine d'Angleterre pour sermonner sa fille. Il faut
avouer que ces matrones, à mariages de
conscience,
manquaient d'autorité pour prêcher une exacte retenue à cette ardente
jeunesse. Henriette de France, veuve d'un roi mort sur l'échafaud, était
mariée morganatiquement. Quant à la Chevreuse, la nommer, c'était tout dire.
Enfin, Anne d'Autriche avait bien commis quelques légèretés, et son fils,
parait-il, rapportait à ce sujet des propos peu délicats tenus par Mazarin[20], qu'elle ne se passerait pas
d'homme, etc. Aussi,
le seul résultat obtenu par ce trio de réformatrices fut de déterminer les
deux galants à se libérer des criailleries maternelles à l'aide d'un
expédient de comédie. Ils convinrent que Louis feindrait d'être l'amant d'une
des demoiselles d'honneur de Madame. Cette
histoire romanesque a été racontée ailleurs. Il suffira de rappeler ici que
le hasard désigna comme victime de cette fantaisie une jeune fille nommée
Louise de La Vallière[21]. Jeu
d'enfants émancipés, jeu redoutable. Pour employer le langage allégorique du
temps : un jeune coq joue avec deux poulettes. Un renard, déjà vieux, vient
les guetter et se fait prendre. Dès le
27 juin, Foucquet, c'est le renard, savait que le bonhomme confesseur de la
Reine mère avait parlé de La Vallière[22]. D'autre
part, il apprend que le Roi se relâche fort sur la dévotion, qu'il se forme
une cabale, qu'on veut faire coucher le Roi avec une jeune personne inconnue[23]. Cette inconnue, c'est La
Vallière. Assurément
Foucquet l'a vue, cette favorite, comme toutes les jeunes filles de la Cour,
suivre les chasses, danser dans le ballet ; mais si emporté qu'on ait voulu
le montrer, il n'a pu donner son attention à toutes les femmes. Louise
de La Vallière, orpheline de son père, brave officier, élevée par une mère de
petite origine et de caractère médiocre, sans appui de famille, sans fortune,
sans qualités extérieures extraordinaires, hier encore ignorée, va peut-être
devenir un personnage, et comme on dit de nos jours, un facteur politique. On l'observera donc, comme on observe déjà le
Roi. La
Mi-Voie était un poste bien choisi. Des fenêtres, donnant sur la grande
allée, on avait pu voir Louis entrer dans la calèche ou se trouvait la jeune
fille d'honneur. Les rapports, toutefois, arrivaient très contradictoires. La
Loy notait ce qu'en disait Fouilloux, fille à qui l'on n'en faisait pas
accroire. Ce n'était rien que La Vallière. Tout le tendre allait à Madame[24]. Fouilloux croyait être encore
à la comédie, alors que, par l'éternelle puissance de l'amour, le dénouement
changeait. La fiction disparaissait, remplacée par une passion vraie et
profonde. Bientôt
on ne pouvait plus disconvenir du fait. On passait même de la médisance à la
calomnie : La Vallière n'en était pas à son premier coup. Il n'était ruse
qu'elle n'eût employée pour attirer l'attention du Roi. La Loy, femme
pratique, à travers les propos de Fouilloux, enragée de n'être pas dans la
confidence de cette nouvelle intrigue, démêlait le plus clair de l'histoire,
c'est que La Vallière était la maîtresse du Roi et que cet amour était
sérieux, puisque Louis l'entourait d'un si grand mystère : mystère
redoutable, où le téméraire Foucquet résolut d'entrer. Le
soleil de cet été de 1661 se montra implacable. On avait remué beaucoup de
terre à Fontainebleau pour agrandir le canal. Foucquet, à peine remis d'une
maladie qui, en décembre 1660, l'avait conduit aux portes de la tombe, excédé
de travail, rongé d'inquiétudes, laissant encore envahir son temps par les
mille obligations voulues ou subies de la vie de la Cour, ne tarda pas à être
atteint. Le 3 août, la fièvre saisissait son corps. Elle énervait son esprit
depuis plus longtemps. L'équilibre de l'homme fut détruit. On ne
saura jamais au juste ce qui se passa à cette heure décisive. La prudence du
courtisan, la fureur jalouse du prince, la terreur de la Cour ont enveloppé
l'aventure d'une ombre impénétrable. Foucquet,
victime de sa finesse, voulut voir par ses yeux, entendre par ses oreilles.
Qu'il ait tenté de supplanter le Roi dans la faveur de cette jeune
Tourangelle, ou de s'en faire le galant à l'imitation des Guiche et des
Brienne, c'est inadmissible. Il voulait tout simplement se rendre agréable à
la favorite, et, comme tous ceux que la fortune abandonne, il commit fautes
sur fautes, erreurs sur maladresses. Ses attentions pour La Vallière furent
remarquées, signalées d'abord à Menneville par une dame de la suite de la
Reine mère, dame qui appartenait à Le Tellier. Bien plus, la comtesse de
Soissons et Madame elle-même en prirent ombrage. Fouilloux le déclara à Mme
La Loy, sans pourtant l'autoriser à en parler encore à Foucquet, qui,
naturellement, apprenait tout une heure après. L'avis
n'est point daté. Le surintendant le reçut-il avant ou après l'erreur
irréparable qui décida de son sort ? On ne sait. Suivant une lettre très
suspecte et par son origine et par son style, Foucquet aurait, par une
entremetteuse, par la femme La Loy peut-être, fait complimenter La Vallière
sur sa beauté, avec accompagnement d'une offre de 20.000 pistoles. La jeune
fille aurait répondu que 250.000 livres ne lui feraient pas faire un faux
pas. L'intermédiaire s'alarme, s'efforce de donner le change à Louise, mais
en sentant bien que c'étaient là des paroles perdues. Aussi conseille-t-elle
vivement à Foucquet de prendre les devants, de dénoncer au Roi la demoiselle
d'honneur, comme si ce fût elle qui eût demandé l'argent[25]. Foucquet
était incapable d'un acte aussi lâche ; mais s'il évita la lâcheté, ce fut
pour tomber en pleine maladresse. Trouvant La Vallière dans l'antichambre de
Madame, il crut habile de l'entretenir des mérites du Roi. Il parla en
politique à cette enfant, qui n'avait qu'une excuse à sa faute, son
incontestable candeur. Aussi, sans comprendre ces discours, peut-être en les
comprenant mal, la jeune fille, blessée surtout de ce qu'on voulût pénétrer
dans le secret de son cœur, raconta tout l'entretien à celui qu'elle aimait. Louis,
jusqu'alors, n'avait guère ressenti que des froissements d'amour-propre.
Quand Mlle de La Motte-Argencourt, quand les Mancini avaient accepté d'autres
hommages que les siens, c'est à elles seules qu'il s'en était pris, et pour
toute vengeance, il s'était retiré majestueusement. Mais à présent, dans la
première ardeur de la possession de cette jeune fille qui l'aimait sans
coquetterie, sans ambition, pour lui-même, sa jalousie se transforma, devint
violente, aveugle. Alors que Foucquet s'efforçait à le servir dans sa
passion, il ne vit, on ne lui laissa voir que le surintendant chéri des
femmes pour son esprit, sa bonne grâce, son humeur libérale. La
perte de l'imprudent fut d'autant plus irrévocable que, Louis dissimulant sa
colère, nulle explication n'était possible[26]. Une
circonstance, bien moins préméditée qu'on ne l'a dit, acheva de jeter
Foucquet comme toute la Cour dans la plus grande incertitude. La mode
était alors de donner des fêtes au Roi. Monsieur, Condé, Saint-Aignan avaient
été admis à l'honneur d'offrir un régal. C'était presque une obligation pour
Foucquet d'inviter le Roi, pour le Roi d'accepter l'invitation de Foucquet. A
plusieurs reprises, on avait en quelque sorte imposé au surintendant de
recevoir dans sa belle maison de Vaux de nobles visiteurs : la reine de
Suède, Mazarin, tout récemment, la reine d'Angleterre, avec Monsieur et
Madame. Lors de cette dernière réception, Foucquet, soit par goût, soit par
prudence, avait enjoint à la Gazette rimée d'être sobre dans ses
descriptions. Le Roi connaissait Vaux, et c'est bien à tort qu'on a prétendu
que la vue de ce château, des splendeurs de ses ameublements, avait exaspéré
le souverain. Les
descriptions du palais de Cléonime, imprimées dans les romans à la mode,
étaient dans toutes les mains. Louis avait été reçu précédemment comme un
illustre voisin, au cours d'une promenade. Vers le 4 ou le 5 août, invité
comme roi, il avait accepté l'invitation pour le 17 du même mois. L'offense à
lui faite ou supposée dans la personne de sa maîtresse ne le porta pas à
revenir sur sa parole. Loin de là, fidèle aux leçons de Mazarin, il
dissimula, redoubla de prévenances à l'endroit du surintendant, qui se
rassura. Pourquoi
craindre d'ailleurs ? Dans l'administration des finances, on suivait
exactement la marche prescrite par le Roi. Le registre des recettes et des
dépenses était tenu par Colbert et vu par Louis une fois par semaine. Le 10
août, l'état du comptant pour le second trimestre de 1661 fut arrêté et signé
par Foucquet, Séguier, Colbert, Herwarth, etc. Ce document, le premier qu'on
eût établi depuis la mort de Mazarin, relate la cause de toutes les dépenses.
Si quelque ancien billet s'y trouve, on a soin d'indiquer l'autorisation de
payement. Comparé aux précédents, il présente de sérieuses économies,
résultant de la paix et aussi de la suppression des grosses emprises du
Cardinal. Les dons ou indemnités à Condé, aux Mancini, atteignent un certain
chiffre, mais rien ne se donnait plus que par ordre du Roi. L'état comportait
enfin des règlements de compte avec des financiers qui avaient fait des
avances. La gestion du surintendant était donc irréprochable, au moins comme clarté[27]. Foucquet
voulait à tout prix mettre sa situation au clair. Il pressait à cet effet son
commis, Bruant, qu'il trouvait désordonné. Il était même un peu en froid avec
Gourville[28], de plus en plus âpre, et qui
exigeait qu'on lui fit des pensions. Les pensions étaient alors l'équivalent
de ce que certain aigrefin de nos jours, qui a disposé du pouvoir, et n'en était
pas réduit à tendre la main, appelait des options. Le Roi
avait manifesté le désir d'aller en Bretagne, à Nantes, où se tenaient les
États. Cette pensée ne pouvait déplaire au surintendant. Foucquet était si
libre de toutes idées ambitieuses sur cette province, que, le 10 août, il fit
enregistrer en Parlement les lettres patentes qui constituaient le duché de
Mazarin au profit du fils de La Meilleraye, ennemi déclaré de Nicolas, et son
rival en Bretagne. Ce fut son dernier acte comme procureur général[29]. Le 12, M. de Harlay étant
installé, Foucquet cessa d'appartenir à ce grand corps judiciaire, dont il
avait dû à plusieurs reprises arrêter les empiètements, mais où il avait
constamment ménagé les intérêts des individus. Il aurait pu obtenir des
lettres de vétérance et s'assurer ainsi le maintien du précieux privilège de
ne pouvoir être jugé que par ses pairs[30]. Maitre des requêtes depuis
vingt-six ans, ensuite procureur général, il avait le droit de demander qu'on
joignit les temps de ses deux fonctions, ce qui
lui donnait droit à l'honorariat. Le Roi, à qui il versait le prix de sa
charge, n'eût peut-être pas refusé de signer à cet effet les lettres d'usage.
Mais Foucquet, s'il songea à prendre cette précaution, n'était plus assez
maitre de ses mouvements pour agir efficacement. Depuis le 5 août,
d'ailleurs, il donnait la plus grande partie de son temps aux préparatifs de
la fête de Vaux. Vaux
était un de ces domaines qu'on ne parvient jamais à mettre au point de
perfection[31]. Aux jours d'épreuve et de
maladie, Foucquet donnait ordre de suspendre les travaux. Annonçait-on une
visite princière, il les faisait reprendre, et l'on s'y appliquait jour et
nuit. Cette
fois, l'avis était donné trop tard pour qu'il fût possible de rien faire de
définitif. Au moins le surintendant voulut-il présenter son domaine sous le
plus bel aspect possible. On vida
les garde-meubles de Paris, de Saint-Mandé, au profit de celui de Vaux où
l'on accumula les tapisseries destinées à tendre les chambres, le linge, la
vaisselle d'argent et d'or, pour servir à souper à des centaines de
personnes. Foucquet n'était pas un de ces financiers simplement riches et
faisant montre d'un faste grossier. Homme de goût et d'esprit, il voulait que
l'esprit et le goût fussent également satisfaits. Le Brun, le Nôtre reçurent
des ordres en conséquence. On sollicita également le concours de Molière,
dont la réputation nouvelle allait sans cesse croissant, et que Foucquet
avait obligé à plusieurs reprises[32]. En
quinze jours, le propriétaire de Vaux, malgré la fièvre qui le travaillait et
les préoccupations qu'on connaît, eut tout mis en état. La surintendante, à
peine relevée de couches, ne déploya pas moins de zèle. Le 17 août au matin,
tout était prêt pour recevoir Louis XIV. Pendant
que Foucquet songeait uniquement à plaire au Roi, le Roi ne songeait qu'à se
venger d'une offense imaginaire. Cette colère était si vive, que ce prince,
d'instincts si nobles, conçut l'idée odieuse de faire arrêter son hôte dans
sa propre maison. Au jour dit pour se rendre à Vaux, il partit de
Fontainebleau, comme s'il allait en guerre, escorté par les
gardes-françaises, tambour battant. La
Reine mère et ses dames en carrosse, Madame en litière, une suite nombreuse,
accompagnaient le Roi. L'infanterie alourdissant la marche, on arriva assez
tard, passé midi. Les illustres visiteurs traversèrent sans s'y arrêter la
cour d'honneur et le château, et l'on commença aussitôt la promenade dans les
jardins[33]. Comme à cette époque on ne plantait
pas des arbres en pleine croissance, le couvert et les feuillages n'y étaient
pas encore abondants. Leur principale beauté consistait dans les dessins des
parterres et surtout dans les jeux multipliés des eaux, au nombre de plus de
onze cents. La Gerbe d'eau, les fontaines de la Couronne, celle des Animaux
disputèrent avec la Cascade l'admiration générale. Puis, le temps devenant un
peu noir, on jugea prudent de rentrer pour souper. Ce fut
une autre magnificence. On avait réuni le linge nécessaire pour dresser
quatre-vingts tables et une trentaine de buffets, cent vingt douzaines de
serviettes, depuis les ordinaires jusqu'aux plus fines dites de Venise, cinq
cents douzaines d'assiettes d'argent, trente-six douzaines de plats[34], un service d'or massif. Comme
organisateur, Foucquet avait à son service un homme admirablement doué,
Vatel. La délicatesse et la rareté des mets
furent grandes, mais la grâce avec laquelle le surintendant et Mme la
surintendante firent les honneurs de leur maison, le fut encore davantage. Les envieux cependant y
trouvèrent à redire. Ils signalèrent un sucrier d'or, luxe inouï, puisque le
Roi n'en avait pas[35]. Le souper fini, la comédie eut
son tour. On avoit dressé le théâtre au bas de l'allée des sapins, près de la
grille d'eau, parmi la fraîcheur agréable des fontaines, des bois, de l'ombre
et des zéphirs. — a
De feuillages touffus la scène était parée, — Et
de cent flambeaux éclairée. Lorsqu'on
eut levé les toiles, Tout
combattit à Vaux pour le plaisir du Roi, La
musique, les eaux, les lustres, les étoiles. Mais
voilà qu'un des acteurs, Molière lui-même[36], paraît sur le théâtre, en
habit de ville, avec le visage d'un homme surpris. Il s'excuse, en désordre, sur ce qu'il se trouvoit là seul et manquoit de temps et
d'acteurs pour donner à Sa Majesté le divertissement qu'elle sembloit
attendre s. Alors,
à l'admiration universelle, une coquille s'ouvrit, d'où sortit une agréable naïade qui, d'un air héroïque, récita un prologue en vers,
compliment délicat au jeune Louis XIV : Jeune,
victorieux, sage, vaillant, auguste, Aussi
doux que sévère, aussi puissant que juste. Régler
et ses États et ses propres désirs, Joindre
aux nobles travaux les plus nobles plaisirs, En
ses justes projets jamais ne se méprendre, Agir
incessamment, tout voir et tout entendre, Qui
peut cela, peut tout ; il n'a qu'à tout oser, Et
le ciel à ses vœux ne peut rien refuser. Ces
termes marcheront, et, si Louis l'ordonne, Ces
arbres parleront mieux que ceux de Dodone. Et les
termes marchèrent, et les arbres parlèrent ; mais cela ne suffisait pas à la
naïade. Continuant avec le même air héroïque : Vous,
soin de ses sujets, sa plus charmante étude, Héroïque
souci, royale inquiétude, Laissez-le
respirer, et souffrez qu'un moment Son
grand cœur s'abandonne au divertissement Vous
le verrez demain, d'une force nouvelle, Sous
le fardeau pénible où votre voix l'appelle, Faire
obéir les lois, partager les bienfaits, Par
ses propres conseils prévenir nos souhaits, Maintenir
l'univers dans une paix profonde, Et
s'ôter le repos pour le donner au monde. Qu'aujourd'hui
tout lui plaise, et semble consentir A
l'unique dessein de le bien divertir. Fâcheux,
retirez-vous, ou s'il faut qu'il vous voie, Que
ce soit seulement pour exciter sa joie[37]. C'était
le secrétaire de Foucquet, Pellisson, qui, sans aucun doute, s'inspirant des
idées de son patron, avait composé ce beau prologue, fait pour flatter
délicatement l'amour-propre du Roi. Puis,
venait une comédie de Molière, les Fâcheux, où, sans affectation, au contraire,
avec un admirable à-propos, on faisait ressortir les qualités que Louis avait
le plus à cœur de montrer. Refusant de servir de second, Éraste disait : Un
duel met les gens en mauvaise posture, Et
notre Roi n'est pas un monarque en peinture : Il
sait faire obéir les plus grands de l'Eut, Et
je trouve qu'il fait en digne potentat. Quand
il faut le servir, j'ai du cœur pour le faire ; Mais
je ne m'en sens point quand il faut lui déplaire ; Je
me fais de son ordre une suprême loi : Pour
lui désobéir, cherche un autre que moi. Ce
n'était pas Éraste, mais Foucquet, qui parlait, au lendemain de l'incident
Soissons-Maupeou. Ce
n'était pas non plus Caritidès, mais Foucquet, qui s'écriait : ..........
C'est tout que montrer mon placet. Si
le Roi le peut voir, je suis sûr de mon fait ; Car,
comme sa justice en toute chose est grande, Il
ne pourra jamais refuser ma demande. Quelle
jolie scène encore que celle du donneur d'avis, qui veut en fameux ports de mer mettre toutes les côtes ; — Ce
seroit pour monter à des sommes très hautes. On y retrouve
évidemment l'inspiration du surintendant. Partout dominait l'hommage public à
l'autorité personnelle du souverain. Une
contemporaine a dit de ces splendeurs que le
Roi en fut étonné et que Foucquet le fut de remarquer que le Roi l'était a[38]. Si Nicolas fut étonné de
l'étonnement du Roi, il reprit vite son sang-froid. Très habilement, il
offrit à son hôte son domaine, comme il l'avait offert à Mazarin. Offrir ne
voulait pas dire donner, mais simplement s'en remettre pour le prix à la
discrétion du prince. Vaux, bien situé entre Paris et Fontainebleau,
conviendrait parfaitement à Monsieur[39]. Comment
faire arrêter, et chez lui, un homme qui témoignait tant de respect et
d'admiration, tant d'abandon à la volonté du souverain' ? La Reine mère eut
le sentiment intime de l'inconvenance du procédé. Louis se rendit à ses
raisons ; mais sa colère comprimée en devint plus intense. A
l'extrémité du parterre de Vaux, au bas de la balustrade, on voit encore deux
grandes figures allégoriques qui montrent d'une façon toute particulière les
armes de Foucquet. L'écureuil y paroit entre
les pattes des lions, en sorte qu'on voit assez que ces cruels animaux n'ont
que de la douceur et de l'amitié pour lui[40]. Le petit Foucquet, ce jour-là, tombait aux mains d'un ennemi plus cruel que les
lions. La
comédie et les figures de ballet qu'on y avait intercalées une fois finies,
on se leva pour aller à un feu d'artifice qui ne le céda pas à celui de
l'entrée, en 1660. Au bruit de ce feu succéda celui des tambours, car le Roi
voulant regagner Fontainebleau cette même nuit, les mousquetaires étaient
commandés. Toutefois,
avant de partir, la Cour dut retourner au château, où une collation était
préparée. Pendant le chemin, lorsqu'on ne s'attendoit
plus à rien, on vit en un moment le ciel obscurci d'une épouvantable nuée de
fusées et de serpenteaux. Faut-il dire obscurci ou éclairé ? Cela partoit de
la lanterne du dôme. Ce fut en cet endroit que la nuée creva d'abord. Le
narrateur de la fête, en assimilant ce bouquet d'artifice à un orage, ne se
trompait guère. Les serpenteaux environnaient le dôme, et la couleuvre lente
allait bientôt s'élancer et saisir l'écureuil ébloui. Pour le vulgaire,
Foucquet, après le succès d'une si belle réception, touchait au comble de la
faveur. De plus habiles n'en croyaient rien. Le lendemain de ce jour, le
surintendant demandait à Gourville ce qu'on disait à son sujet. Les uns disent, répliqua ce fin matois, que
vous allez être déclaré premier ministre ; les autres, qu'il se forme une
grande cabale pour vous perdre. Ces derniers sont si assurés de faire réussir
leur projet, qu'un de leurs amis m'a proposé d'entrer auprès de votre
successeur. J'ai répondu comme je le devois. Un autre, à propos du voyage de
Nantes, vous a comparé à ce favori d'un empereur qui faisoit voyager son
maitre afin de pouvoir manger des figues d'un jardin qu'il avoit en ces
quartiers-là. Vous emmenez le Roi à Nantes pour avoir occasion d'aller à
Belle-Isle. Vous savez bien qu'ignorant comme je suis de toutes sortes
d'histoires, je n'ai pas deviné cette comparaison. D Foucquet insista pour savoir
les noms de ces personnages si érudits, mais inutilement. Puis, Gourville
ayant ajouté que plusieurs gens se
plaignoient de ce que le surintendant n'avoit plus les mêmes égards pour eux[41], il l'arrêta court, croyant
être par-delà de tous ces raisonnements. Gourville ne répliqua pas. Trouvant
à part lui que cette confiance sentait fort la présomption, il se dit qu'il
serait bon de faire un tour à Paris et de mettre ordre à ses affaires. La
précaution ne pouvait lui nuire en aucun cas, et lui servirait beaucoup si le
patron s'abusait. Il partit aussitôt, passa la nuit à trier ses papiers et à
faire porter en lieu sûr ceux qui étaient de conséquence, ainsi que son argent.
Puis, paré à tout événement, il revint à Fontainebleau, prêt à suivre
Foucquet en Bretagne[42]. Foucquet,
au contraire, ne prit aucune précaution. Il faut dire aussi que le Roi
continuait à lui prodiguer les marques de confiance. La comédie des Fâcheux
avait si bien plu que, le 25 août, pour la Saint-Louis, on en donna à
Fontainebleau une seconde représentation, avec
les mêmes beaux apprêts et par commandement exprès[43]. La veille du départ pour
Nantes, Louis demanda au surintendant vingt mille pistoles, encore qu'il sût
que son ministre venait de faire les derniers efforts pour subvenir à des
dépenses pressées. Foucquet dut emprunter lui-même cette somme de son ami Girardin[44]. De
plus, Louis commanda de verser neuf cent soixante mille livres environ au
trésorier de l'Extraordinaire des guerres, pour le payement des troupes, afin
d'éviter tout désordre dans les lieux de garnison. Le Tellier insista
beaucoup auprès de Foucquet, qui eut encore recours au même Girardin, mais
avec peu de succès. Évidemment, on voulait épuiser toutes les ressources du
surintendant[45]. Colbert,
de son côté, envoyait à Lépine, commis de Foucquet, un billet où il le priait
de prendre bien note de tout ce qui serait exécuté pendant son absence, afin
de le transcrire sur le registre, au retour. Cependant,
ce même Colbert avait dressé minutieusement le plan de l'arrestation de sa
victime. Le projet avait été communiqué officiellement à Le Tellier, depuis
plusieurs jours. Les deux alliés s'étaient rencontrés à trois reprises avec
le Roi et la Reine mère[46]. Un
homme aussi fin que Foucquet, aussi bien entouré, ne surprit-il rien de tous
ces préparatifs ? L'infortuné se croyait-il sérieusement au-dessus de tous
les raisonnements ? Gourville n'était pas le seul qui lui eût signalé la cabale formée contre lui. Il avait les poches pleines de rapports,
différents dans les détails, identiques au fond. En réalité, il perdait de
plus en plus son équilibre. La fièvre, depuis un mois, le saisissait tous les
trois jours ; quand elle le quittait, c'était, en dehors des affaires d'État
et de finance, cent préoccupations personnelles qui l'assaillaient. Son
frère, l'évêque d'Agde, le prenait de trop haut avec les clercs de l'Oratoire
royal[47] ; sa belle-sœur, née d'Aumont,
ne s'entendait pas avec la surintendante[48]. C'était La Loy qui, s'il faut
l'en croire, s'était laissé voler ses bijoux, ceux que lui avaient confiés
Mme Gilles Foucquet et d'autres. A-t-il un instant de repos, c'est Mlle de
Menneville qui dépêche quatre et cinq fois par jour sa femme de chambre à la
Mi-Voie, tant elle est inquiète de la santé de son protecteur. Jusqu'où fut
poussé le badinage entre cette jeune fille romanesque et l'homme de
quarante-cinq ans en guète d'un dernier succès ? Autant qu'il est permis de
se rendre compte de ces sortes de situations, l'un et l'autre n'avaient pas
encore dépassé dans le pays de Tendre les hameaux chers à Mlle de Scudéry,
Petits-billets, Rendez-vous, Menus-suffrages. On peut même croire que Mlle de
Menneville avait fini par oublier son ambitieux projet de mariage, et par
donner de bonne foi son cœur à l'homme, plus séduisant que séducteur, dont la
bonté aimable charmait son cœur sincère. Quand Foucquet, malade, consigné le
soir, chez lui, loin des prairies de la Mi-Voie et des brouillards du
Grand-Canal, dut partir sans la revoir, elle lui écrivit à la hâte : Rien ne me peut consoler de ne
vous avoir point vu, si ce n'est quand je songe que cela vous auroit pu faire
mal. Ce seroit la chose du monde qui me seroit le plus sensible. Je trouverai
le temps fort long de votre absence. Vous me feriez un fort grand plaisir de
me faire savoir de vos nouvelles. J'aurai bien de l'inquiétude de votre
santé. Pour mes affaires (le projet de mariage avec Damville), elles sont
toujours en même état. Il n'a point voulu dire quand à Leurs Majestés, disant
toujours qu'il le feroit. A moi, il me fait tous les jours les plus grands
serments du monde. Je n'ai point pris de résolution de rompre ou d'attendre
que je n'aie su votre avis ; c'est le seul que je suivrai. Adieu, je suis
tout à vous. Je vous prie que l'absence ne diminue point l'amitié que vous
m'avez promise. Pour moi, je vous assure que la mienne durera toute ma vie.
Adieu, croyez que je vous aime de tout mon cœur, et que je n'aimerai jamais
que vous[49]. Certes,
ce billet n'est pas d'une coquette ; il n'était pas non plus propre à calmer
la fièvre d'un homme malade, à lui rendre la liberté de son esprit. En quel
état se trouvait celui du pauvre Foucquet, enveloppé par ce tourbillon de
pensées les plus diverses, de préoccupations les plus cuisantes ! A certaines
heures, il songeait à la retraite. Une contemporaine, sa meilleure amie, sa
vraie et sa très honnête confidente, Mme du Plessis-Bellière, a donné sur
cette situation un dernier renseignement bien précieux. Prévoyant qu'il
pourrait arriver mal à son ami : Je me
consolois,
dit-elle, qu'on l'ostât de la place où il
estoit, voyant qu'il le desiroit luy-même pour songer à son salut[50]. Nul doute que cette pensée
n'ait, comme les autres, successivement occupé l'esprit du surintendant,
surtout depuis sa dangereuse maladie en décembre 1660. Sa lettre à la Reine
mère en est une preuve certaine. Mais, hélas ! des retraites aussi décisives
ne se font pas volontairement, quand on est ministre, ambitieux, sollicité de
tous côtés par des parents, par des amis plus ambitieux encore, chargé
d'enfants à établir, embarrassé dans cent affaires d'argent, ému diversement
cent fois par jour, selon le caprice de la fortune et le hasard des
événements. Chaîne des plaisirs, chaîne des affaires, attaches de l'esprit ou
du cœur, il faut, pour qu'un homme ne succombe pas sous leur poids, qu'une main
plus puissante que la sienne veuille bien les briser. Jour
était pris pour la tenue des états de Bretagne, où le Roi devait se rendre
avec ses ministres et sa cour. Les gardes et les mousquetaires faisaient la
route par étapes. Le maître des postes avait, par ordre de Foucquet, préparé
des relais pour le service royal. Vers le
26 ou le 27 août, Le Tellier et Colbert prirent les devants en même carrosse[51]. Foucquet et Lionne les
suivirent. Mme Foucquet les accompagnait. L'état de santé de son mari
justifiait sa présence. Peut-être aussi désirait-elle paraître dans ces
provinces, toutes acquises à l'influence de sa famille. À Orléans,
on trouvait la Loire. La route par terre était si fatigante et celle par eau si délicieuse, qu'on se croyait obligé de
prendre des bateliers ; à Orléans comme à Chartres, d'acheter des chapelets 2[52]. Les bateliers manœuvraient des
a sentines u pour les petites gens, et pour les riches, des galiotes, des
chalands à cabanes, c'est-à-dire couverts d'un habitacle, divisé en plusieurs
compartiments, avec cuisine. Quelques jours auparavant, le jeune Brienne, qui
avait du temps devant lui, était monté en cabane avec des amis. Colbert et
Foucquet, plus pressés, poursuivirent leur route en poste. Foucquet
se trouvait en Anjou et en Bretagne comme dans son domaine. Angers était le
berceau de sa famille. Tous les ans, des cadeaux, vins et primeurs, en
partaient à l'adresse du surintendant. Aussi, à son passage, l'évêque
Arnauld, avec son clergé, tous les magistrats de la ville furent le saluer.
Réception courte, partant un peu froide. Les voyageurs, lassés du cahotement
en carrosse, montèrent dans une superbe cabane de Loire, entraînée par
l'effort de douze à quinze rameurs. Autant en avaient fait Colbert et Le
Tellier. Les deux barques semblaient lutter de vitesse. A la hauteur
d'Ingrande, elles dépassèrent le bateau plus modeste de Brienne et de ses
amis. Un de ces derniers, en voyant cette sorte de course, ne put s'empêcher
de dire qu'une de ces barques ferait naufrage à Nantes[53]. En attendant, c'était encore
Foucquet qui allait devant, comme un suzerain dans son fief. Ancenis
appartenait à son gendre, M. de Charost, et le gouvernement d'Ancenis
confinait à celui de Nantes, ville où Foucquet trouvait la famille de sa
première femme. Son oncle, l'archidiacre Fourché, était syndic des états. Les
gros banquiers, les armateurs de la ville étaient ses clients. Bien que le
gouverneur de la province, le maréchal de La Meilleraye, se fût déclaré son
ennemi, les partisans ne lui manquaient pas parmi la noblesse. Nicolas
descendit le 30 août à l'hôtel de Rongé, qui appartenait à la famille de Mme
du Plessis-Bellière[54]. Le voyage avait pris trois jours
environ. Colbert
et Le Tellier débarquèrent presque en même temps. Ni les uns ni les autres
n'eurent guère le loisir de se reposer. Dès le lendemain, on annonçait
l'arrivée du Roi. Le
jeûne prince, parti à cheval de Fontainebleau le 27 août, par un soleil ardent et beaucoup de poussière, avait parcouru à peu près tout
d'une traite la distance qui sépare cette ville de Blois[55] ; encore avait-il, en passant,
fait ses dévotions à Notre-Dame de Cléri. La seconde journée, il gagna Angers
à cheval, consentit à prendre le carrosse de l'évêque, versa en chemin,
remonta sur une rosse de relais et vint coucher à
Ancenis, ayant parcouru plus de cinquante lieues. Enfin, le lendemain, par
une pluie à verse, il parvenait à Nantes[56]. Quatre-vingt-dix lieues
franchies en deux jours et demi, c'était marcher grand train. De vieux
soldats comme Turenne avaient quitté la troupe royale à Angers, et loué des
barques pour finir le voyage. C'est que plus d'une passion aiguillonnait le
jeune prince. Tout
Nantes, malgré la pluie, l'attendait dans la prairie de Mauves. Après avoir
subi impatiemment une autre averse, celle des harangues, le Roi se rendit au
vieux château des ducs de Bretagne, déjà occupé par ses gardes. La Meilleraye
fit servir un magnifique repas, mais Louis n'était pas venu pour se divertir.
Le soir, à peine débotté, il travaillait avec ses confidents, Colbert et Le
Tellier, qui depuis plusieurs jours avaient mis par écrit le plan de
l'arrestation de Foucquet, choisi le geôlier, désigné la prison. L'heure même
était fixée, — l'après-midi, pour avoir plus
de loisir. Examen
fait, on modifia plusieurs détails, celui de l'heuré surtout. On se décida
pour le matin, au sortir du contrôle[57]. Louis
d'ailleurs avait paru prendre grand intérêt à la santé du surintendant ; dès
son arrivée, il envoyait prendre de ses nouvelles, pendant que le malheureux,
libéré de sa fièvre ce jour-là, mais souffrant encore, se faisait conduire au
château[58] pour saluer le Roi. Dès le
lendemain, 1er septembre, d'Artagnan, sous-lieutenant de la compagnie des
mousquetaires, fut appelé. C'était un homme de confiance, à qui Colbert avait
même prêté de l'argent[59]. On le trouva au lit, travaillé
par une grosse fièvre. Le Roi, très soupçonneux, lui commanda de venir en
quelque état qu'il fût ; on dut l'apporter dans la chambre du Prince, qui,
convaincu par ses yeux, se contenta de lui dire qu'il l'avait choisi pour
certaine affaire, mais que c'était partie remise à deux ou trois jours ;
qu'il prit donc bien soin de sa santé[60]. Ces trois
jours parurent longs à l'impatience de Louis. Le vendredi et le samedi, il
fit visiter d'Artagnan, toujours malade. Force était d'attendre. Venu
sous prétexte de la tenue des États et du don gratuit à leur demander, le Roi
n'assista qu'à une seule séance. Son esprit était ailleurs. La réunion de ce
grand corps provincial soulevait comme toujours beaucoup de compétitions.
Foucquet avait voulu opposer à La Meilleraye le prince de Condé et, à défaut
du prince, le duc de La Trémouille[61]. Autant de querelles à cette
heure évanouies, comme si chacun eût entendu de sourds grondements, avant-coureurs
d'un orage. La Meilleraye se sentait même inquiet pour son compte. Toute la province étoit en suspens[62]. Quelles charges allait-on lui
imposer, quelle dernière liberté lui enlever ? Sur quelle tête tomberait la
foudre ? Il semblait qu'on fût revenu à ces jours terribles de 1626, où le
cardinal de Richelieu, amenant la Cour à Nantes, avait fait subitement arrêter,
juger, hacher en morceaux Chalais, le favori du Roi. On ne peut oublier qu'un
des juges de cet infortuné était le père de Nicolas Foucquet. Le
surintendant, fiévreux, inquiété par cent avis, s'appliquait de son mieux à
l'objet spécial du voyage. Il obtenait des États, grâce à une énorme
pression, le don gratuit de trois millions[63]. Mais Louis, d'ordinaire si
âpre à la recette, n'y paraissait pas attacher d'importance[64]. Le
dimanche 4 septembre, tout était prêt. Sur le midi, le Roi emmena d'Artagnan
dans son cabinet, sous prétexte d'examiner le rôle de sa compagnie, puis lui
donna de vive voix et par écrit l'ordre d'arrêter Foucquet. Cet entretien
assez long et assez extraordinaire pouvant attirer l'attention, il recommanda
à l'officier de payer de quelque défaite ceux qui étaient à la porte. Le
mousquetaire sortit, comme s'il venait d'obtenir une faveur dont il allait
demander les expéditions à Le Tellier, qui comprit à demi-mot, emmena à son
tour dans sa chambre d'Artagnan, succombant à l'émotion, à ce point qu'il fut
obligé de demander du vin pour ne pas défaillir. Un paquet remis par le Roi
contenait les ordres nécessaires, mandat d'arrestation, indication de la
prison, route à suivre, toutes pièces signées de Le Tellier, qui, depuis
vingt-quatre heures, tenait les copistes sous
clefs[65]. Pour
mieux couvrir son dessein, Louis annonça aux courtisans qu'il chasserait le
lendemain. On commande aux mousquetaires d'être à cheval de bonne heure ; on
prie messieurs du Conseil de prendre séance plus tôt que d'habitude, et
Brienne est chargé d'exprimer au surintendant le désir du Roi. Pendant
ces apprêts, on se divertissait au logis de Foucquet. Des paysannes, venues
de Belle-Isle pour saluer leur seigneur, exécutaient leurs danses nationales
et ces sortes de passe-pieds, où excellaient les Bretons et les Bretonnes.
Ces dernières, avec leurs costumes riches et pittoresques, surtout avec leur
belle prestance, leur teint frais, leurs beaux yeux et leurs belles dents,
excitaient l'admiration de la surintendante et de ses visiteurs[66]. Quant au seigneur de
Belle-Isle, il ne pouvait pas jouir du spectacle ; c'était son jour d'accès
de fièvre. Dans une pièce voisine, le malheureux tremblait, malade de corps,
très sain d'esprit. Certes,
il ne pouvait pas être libre d'inquiétude ; mais il y était comme habitué.
Que de motifs aussi de se rassurer ! Le Roi,
malgré les efforts des Nantais pour l'amuser[67], n'avait qu'une idée, retourner
à Fontainebleau. Il ne songeait donc pas à se saisir de Belle-Isle. Le Roi
s'informait avec bienveillance de sa santé. Colbert lui-même, et ce même
jour, venant de la part du prince, l'avait prié de faire un effort, de
trouver quatre-vingt-huit mille livres pour certaines dépenses de la marine.
Le surintendant les empruntait aussitôt à son banquier Gorge, à un commis de
Jeannin, et les donnait sans reçu à Colbert. S'adresser ainsi à un homme
qu'on voudrait perdre, c'était par trop invraisemblable ; on n'offense pas à
ce point la bonne foi et l'humanité[68] ! Le
soir, Foucquet, se sentant mieux, soupait avec appétit et promettait encore à
Brienne, envoyé une seconde fois par le Roi, qu'il se rendrait au Conseil le
lendemain à la première heure. Rien d'alarmant au château. Là aussi, on
soupait gaiement, on jouait gros jeu, on se couchait fort tard, mais pour se
lever avant l'aube. Dès quatre heures du matin, dix mousquetaires et un
brigadier partaient pour Ancenis, où ils devaient attendre des ordres[69]. A six heures, la compagnie des
mousquetaires gris à cheval prenait position devant la porte de secours, du
côté des champs, comme s'ils attendaient le départ du Roi pour la chasse. De
plus, quarante hommes du même corps étaient partagés en deux escouades ; les
uns se promenaient à pied dans la cour du château, les autres se tenaient
hors la seconde porte, du côté de la ville[70]. Rien d'extraordinaire
d'ailleurs ; c'était l'équipage accoutumé du Roi quand il allait soit
chasser, soit se promener. A
l'heure dite, les membres du Conseil arrivent. Foucquet avait même devancé
Brienne, envoyé dès cinq heures du matin pour lui rappeler la convocation
royale. Séance très courte. Le
Tellier, Lionne, Colbert sortent les premiers. Louis, digne filleul de
Mazarin, pour permettre à ses agents de prendre chacun leur poste d'action,
retient le surintendant, l'amuse sous divers prétextes, affectant de chercher
sur une table un papier qu'il ne trouvait pas, en réalité guettant dans la
cour si d'Artagnan était prêt[71]. L'ayant
aperçu, il congédie Foucquet, qui descend l'escalier, entouré comme toujours
par une foule de solliciteurs. On l'eût cru au comble de la puissance. Pour
ménager la susceptibilité du capitaine des gardes, le Roi avait ordonné de
n'appréhender le ministre disgracié qu'au moment où il aurait dépassé les
dernières barrières. Or, soit à cause de la foule qui l'entourait encore,
soit à raison de quelque avis du danger qui le menaçait, Nicolas disparut
tout à coup. D'Artagnan, déjà désespéré, envoie Maupertuis, un des seconds
qu'on lui avait donnés, annoncer sa déconvenue au Roi, qui entra dans une
vive colère. Mais déjà, la piste était retrouvée. Foucquet, en chaise à
porteurs, montait tranquillement la rue hante du Château. A peine
était-il arrivé sur la place de la Cathédrale que d'Artagnan, suivi d'une
quinzaine de mousquetaires, le rejoignait[72], arrêtait sa chaise pour une
communication à lui faire. Le surintendant demande d'abord si cela est urgent
ou peut se remettre jusqu'à sa rentrée en son logis. Point de remise
possible. Alors, il met pied à terre, ôtant son chapeau à demi, et d'Artagnan
aussitôt lui déclare qu'il a ordre du Roi de l'arrêter prisonnier. Foucquet
se fait montrer l'ordre, le lit sans rien dire, sinon qu'il croyait être dans l'esprit du Roi mieux que personne du royaume.
En même temps, il achevait de se découvrir, changeait plusieurs fois de
visage et de couleur, très maitre de lui toutefois, priant seulement
d'Artagnan a que cela ne fit point d'éclat. L'éclat
n'était guère à redouter, pour ce moment du moins ; déjà, courtisans,
solliciteurs, amis s'étaient enfuis, abandonnant l'homme frappé par la foudre
royale. L'ordre
de Le Tellier portait qu'on ferait entrer le prisonnier dans la maison où
logeait le chambellan, en face du château, du côté de la ville ; mais comme
on s'en trouvait loin, d'Artagnan en choisit une autre qui, par une de ces
étonnantes coïncidences dont cette histoire est remplie, se trouva celle de
M. Fourché, grand archidiacre du diocèse, syndic des états, oncle de
Foucquet, qui avait épousé sa nièce en premières noces[73]. C'est
dans cette maison, pleine des souvenirs de sa jeunesse, que le malheureux eut
à subir une première mesure de police. D'Artagnan le fouilla, saisit tous ses
papiers et les envoya immédiatement, par son brigadier Saint-Mars, au Roi,
déjà avisé de la capture du surintendant. Après avoir fait prendre au
prisonnier un bouillon commandé la veille par Colbert, aussitôt on le fit
monter dans un carrosse du Roi, avec quatre officiers de mousquetaires.
L'équipage se rendit d'abord à Mauves, où une escorte d'une centaine d'hommes
l'attendait[74] ; puis toute la troupe se mit
en marche sur Oudon. Pendant
le chemin, Foucquet offrit spontanément à d'Artagnan de lui donner un ordre
enjoignant au commandant de Belle-Isle de livrer la place au Roi. L'officier
refusa d'abord, puis, une fois à Oudon, il rappela au prisonnier sa
proposition, reçut l'ordre et l'expédia en toute hâte à Le Tellier[75]. D'Artagnan était un officier
ponctuel. Son instruction portait de demander cette déclaration quand il
serait à l'étape, et non en route. Le lendemain, l'escorte gagna Ingrande, et le surlendemain, 7 septembre, Angers. Les premiers plans d'arrestation désignaient comme prison le château de Niort ; on le remplaçait par celui d'Angers, soit pour éviter la longueur de route et le péril bien chimérique d'un enlèvement, soit pour frapper une fois de plus Foucquet sur un des anciens théâtres de sa gloire. Comme par une dernière ironie du destin, quand on arrêta le surintendant, le 5 septembre, il y avait juste trois ans, jour pour jour, qu'il avait acheté le domaine de Belle-Isle, prétexte à tant d'attaques contre lui, domaine qu'il n'avait jamais vu et qu'il ne devait jamais voir. |
[1]
La charge de procureur général au Parlement estoit un
obstacle presque insurmontable. Guimet ; Lettres et Instructions de
Colbert, t. II, p. 36.
[2]
CLÉMENT, Lettres
et Instructions de Colbert, t. II, p. 37.
[3]
PELLISSON, Œuvres
diverses, discours au Roi, t. III, p. 73.
[4]
CHOISY, Mémoires,
p. 585. Dans le récit de l'abbé de Choisy, les détails sont un peu suspects ;
mais le fond est vrai.
[5]
BARTHÉLEMY, Mme
d'Huxelles, p. 250.
[6]
Œuvres diverses, t. II, p. 71.
[7]
Guy PATIN, Lettres,
t. II, p. 289.
[8]
Guy PATIN, Lettres,
t. II, p. 288 ; 12 juillet 1661.
[9]
PELLISSON, Œuvres
diverses, t. II, p. 72.
[10]
GOURVILLE, Mémoires,
p. 533.
[11]
Selon Colbert, le Roi demanda le versement du million. Selon Choisy, Foucquet
l'offrit.
[12]
Choisy, dans ses Mémoires, dit que Colbert se
jetoit dans les acclamations. Voilà l'exagération du narrateur
pittoresque. Colbert était trop fin pour acclamer.
[13]
LORET, Muze
historique, t. III, p. 380.
[14]
LORET, Muze
historique, t. III, p. 380, 381.
[15]
LA FONTAINE, Œuvres
diverses, p. 48, 232. Œuvres, t. VII, p. 320, Moland.
[16]
Bibl. nat. Ms. Baluze, 149, f° 36.
[17]
Bibl. nat. Ms. Baluze, 149, f° 44.
[18]
CLÉMENT, Lettres
et Instructions, t. II, p. 35.
[19]
Bibl. nat. Baluze, ms. 149, f° 182. LAFAYETTE, Henriette d'Angleterre, p. 28.
[20]
Bibl. nat. Baluze, ms. 149, f° 118.
[21]
J. LAIR, Louise
de La Vallière et la jeunesse de Louis XIV. Paris, Plon, 1882.
[22]
Bibl. nat. Baluze, ms. 149, f° 189.
[23]
Bibl. nat. Baluze, ms. 149, f° 360.
[24]
Bibl. nat., ms. Baluze. 149, f° 87.
[25]
La lettre existe en copie parmi les manuscrits de Conrart, à l'Arsenal, t. XI,
in-f°, p. 152. Cf. CHOISY,
Mémoires, p. 585. Il Mercurio Postiglione, 1667, p. 76. Furono la vinti cirque milla doppie offerte in guidardono
amoroso à Maderna La Valliera.
[26]
Suivant le Livre abominable, Foucquet aurait été averti de l'intrigue La
Vallière par une générosité du Roi qui, sous prétexte de jeu, aurait fait
donner mille louis à la jeune fille. C'est Colbert qui aurait mené le complot.
Le Roi aurait résolu de faire périr Foucquet. (V. ibid., t. II, p. 30,
31.) Ce poème, œuvre passionnée, est suspect, mais il renferme des
renseignements précieux.
[27]
Bibl. nat., ms. fr. 7627, f° 172.
[28]
GOURVILLE, Mémoires,
p. 533. Défenses, t. V, p. 203, 294 ; t. VIII, p. 180.
[29]
La Muze historique, t. III, p. 389.
[30]
Défenses, t. IV, p. 47.
[31]
LORET, Muze
historique, t. III, p. 391.
Maison, résidence ou retraite
Qui n'est pas encore parfaite.
[32]
TASCHEREAU, Vie
de Molière, p. 36.
[33]
LORET, La Muze
historique, t. III, p. I91. La Fontaine, lettre à Maucroix. On commença par la promenade. V. MOLIÈRE, édit. des Grands
Écrivains, Œuvres, t. III, p. 98, appendice aux Fâcheux.
[34]
Bibl. nat., ms. fr. 17046, portefeuille de Vallant, Bonnaffé, Le
surintendant Foucquet, p. 33.
[35]
Ms. Vallant, t. III, p. 27.
[36]
Comme vous pourriez dire moi. Avertissement en
tête des Fâcheux, loc. cit.
[37]
MOLIÈRE, Œuvres,
t. III, p. 32. Il existe à la Bibl. de l'Institut, fonds Godefroy, carton 218,
f° 34, une copie de ce prologue avec la mention : M. Foucquet, qui doit être le
texte même remis par Pellisson au surintendant. V. MOLIÈRE, Œuvres, t. III, p. 32,
édit. des Grands Écrivains. Il existe aussi une copie manuscrite à
l'Arsenal.
[38]
Mme DE LAFAYETTE, Henriette
d'Angleterre, édit. France, p. 53.
[39]
CLÉMENT, Lettres
et Instructions de Colbert, t. II, p. 28. Mémoire de Colbert sur les
finances. Défenses, t. V, p. 336.
[40]
Clélie, t. X, p. 1137.
[41]
Cf. Papiers de la cassette. Lettre de Mme d'Huzelles, Baluze, ms. 150,
f° 32 et suiv.
[42]
GOURVILLE, Mémoires,
p. 534. Cette curieuse conversation doit être placée entre le 18 et le 28 août
1661, le temps du départ s'approchant, dit
Gourville.
[43]
La Muze historique, t. III, p. 396. Lettre du 27 août 1661.
[44]
Défenses, t. V, p. 158.
[45]
Défenses, t. IX, p. 233.
[46]
Bibl. nat., ms. Baluze, 149, f° 221.
[47]
Bibl. nat., ms. Baluze, 149, f° 56. La femme La Loy avait un frère prêtre
attaché à l'Oratoire de la Reine mère. V. État de la France, 1863, t. I,
p. 258. C'est sans doute par son entremise qu'elle obtenait certains
renseignements.
[48]
Bibl. nat., ms. Baluze, 150, f° 24.
[49]
CHÉRUEL, Mémoires
sur Foucquet, t. II, p. 480. Cette lettre a été travestie dans les copies
du temps, notamment le passage : cela vous auroit
pu faire mal, qui signifie simplement que Foucquet ne devait pas
sortir le soir.
[50]
Lettre du 19 septembre 1661. Mémoires de Conrart, édit. Petitot, t.
XLVIII, p. 239. V. CHÉRUEL,
Mémoires, t. II, p. 549.
[51]
Récit de l'arrestation de M. Foucquet. Bibl. nat., ms. fr. Ve de Colbert. Ce
récit a été publié par Chéruel, en appendice au tome VIII des Mémoires de
Saint-Simon.
[52]
Lettres de Mme de Sévigné, citées par Marsollier, Histoire de la corporation
des marchands fréquentant la rivière de Loire, p. 343. Orléans, 1867.
[53]
CHOISY, Mémoires,
p. 587. L'abbé prête ce propos à un commis de M. de Nouveau, général des
postes. Brienne, dans ses Mémoires, l'attribue à son commis Ariste, qui l'aurait tenu devant Paris, commis de
M. Jeannin. Or, Choisy donne Brienne comme son auteur.
[54]
BRIENNE, Mémoires
inédits, t. II, p. 195. Cf. CHOISY, Mémoires, p. 186 Archives de la Bastille,
t. I, p. 351. Je pense que ce logis était situé sur l'emplacement des
Dervallières, à proximité de l'aqueduc de la Chézine.
[55]
Une lacune dans le récit de Saint-Aignan ne permet pas de dire si le gite fut à
Saint-Dié ou à Blois.
[56]
J'ai tiré ces détails, non sans peine, d'une pièce de vers composée au moment
même par Saint-Aignan, et qui a été publiée dans un recueil de Pièces
intéressantes et peu connues, pour servir à l'histoire, etc., par M. D. Le
P., t. IV, p. 9. La route suivie par le Roi est à peu près celle qui est
indiquée dans le Voyage de France, dressé pour la commodité des
étrangers, par du Verdier. Paris, 1657, p. 359.
[57]
CLÉMENT, Lettres
et Instructions, t. II, p. CXCIV. Les deux premiers projets ont été rédigés avant l'arrivée
de Colbert à Nantes. On y suppose que Mme du Plessis-Bellière accompagnera
Foucquet. Le troisième a été corrigé vers le 3, avant la rédaction des ordres
définitifs, qui eut lieu le 4.
[58]
BRIENNE, Mémoires,
t. II, p. 190.
[59]
CLÉMENT, Lettres
et Instructions, t. I, p. 213.
[60]
Récit de l'arrestation de Foucquet. Bibi. nat., ms. Ve de Colbert.
[61]
Mémoires de Tarente.
[62]
Guy PATIN, Lettres.
[63]
Mme de Sévigné, longtemps après, citait ce don comme exceptionnel. Lettres,
t. IV.
[64]
V. sa lettre datée de Nantes, Archives de la Bastille, t. I, p. 336.
[65]
Le Récit officiel dit que ces pièces étaient écrites de sa main ; mais
il y en eut aussi de copiées par ses employés.
[66]
Brienne s'est certainement trompé sur le jour où il fit cette visite ; mais en
combinant son récit avec les souvenirs de Choisy, on peut en tirer quelque
parti.
[67]
V. Revue des provinces de l'Ouest, t. IV, p. 618.
[68]
Défenses, t. V, p. 159.
[69]
Suivant la Relation officielle, ils partirent le 4 au soir ; mais les
ordres de Le Tellier fixent ce départ au 5, à quatre heures du matin, ce qui
était bien plus prudent. V. Archives de la Bastille, t. I, p. 347.
[70]
Mémoires pour M. d'Artagnan, Archives de la Bastille, t. I, p.
347.
[71]
Lettre de Louis XIV, écrite le jour même à la Reine mère, à la suite des Mémoires
de Tarente. Coislin à Séguier, Archives de la Bastille, t. I, p.
352.
[72]
Le Récit officiel ne parle pas de cet incident. Le Roi l'indique dans sa
lettre, Choisy également. V. les textes cités plus haut. Le Roi dit encore
qu'on soupçonna une indiscrétion. Madame de Motteville (Mémoires, t. IV,
p. 286) nomme l'indiscret qui aurait été La Feuillade ; mais rien ne confirme
cette indication.
[73]
Relation officielle et lettre de Coislin à Séguier. Archives de la
Bastille, t. I, p. 352.
[74]
Relation officielle, Mémoire pour d'Artagnan, CHOISY, Mémoires.
[75]
Défenses, t. IX, p. 9.