Nicolas
Foucquet était pris dans cet impitoyable engrenage de la vie d'affaires où
l'homme n'a plus le temps de sentir ni les douleurs ni les joies de la
famille. A quelques mois de l'enterrement de son fils, il mariait sa fille
aînée à Armand de Béthune, marquis de Charost. La cérémonie eut lieu en
grande pompe, le 12 février 1657, à Saint-Nicolas des Champs[1]. Les gazettes en parlèrent[2]. Le
marié, déjà capitaine des gardes du corps du Roi, avait pour père un
lieutenant général aux armées, gouverneur de Calais et du pays reconquis. Il
était petit-neveu de Sully, dont le souvenir, un instant éclipsé, redevenait
populaire ; neveu de l'archevêque de Bordeaux, présent à la cérémonie ;
beau-frère du prince d'Espinoy. La mère du marié, d'origine plus modeste,
fille de Lescalopier, président aux enquêtes, était une bonne et honnête
femme[3], très charitable, très occupée
des hôpitaux de Paris, où elle se rencontrait avec Marie Foucquet, la
grand'mère de sa future bru. Nicolas
aimait beaucoup sa fille et prenait grand soin de ses intérêts. Il avait
d'abord songé à la marier au fils de Méliand, ancien procureur général au
Parlement de Paris[4]. Il s'était assuré, dès 1655,
d'une charge de mestre de camp de la cavalerie légère, pour la donner à son
gendre, s'il se trouvait qu'il ne fût pas pourvu[5]. Ce n'était point le cas pour
Armand de Béthune-Charost. D'origine moins ancienne que leurs alliés, les
Foucquet ne laissaient pas de faire bonne figure. Ils présentaient, dans le
passé, le contrôleur général Maupeou, l'ami de Sully ; François Foucquet,
l'ami de Richelieu ; dans le présent, deux évêques, un abbé, favori du
premier ministre, enfin un ministre d'État, surintendant des finances. Marie
Foucquet, héritière de sa mère, apportait par contrat six cent mille livres. Au-delà
de ces convenances de famille, on voyait un futur élégant, brave, très
honnête homme ; une future jolie, intelligente, très bien élevée par deux
femmes éminentes, Marie Foucquet et Mme du Plessis-Bellière. En somme, union
proportionnée, présentant de sérieuses garanties de bonheur. Tout au plus
pouvait-on faire cette réflexion que les mariés étaient bien jeunes. C'est
de Foucquet qu'on peut dire qu'il ne goûta jamais un plaisir pur. Pendant les
accords et la célébration de ce beau mariage, il était obligé de requérir la
peine de mort contre un conseiller au Parlement, poursuite sévère,
réquisitoire impitoyable, dont les termes devaient être un jour retournés
contre lui[6]. Un
sieur Vallée de Chenailles, conseiller au Parlement, neveu de l'intendant Herwarth,
ne s'était pas, malgré cette alliance gouvernementale, détaché de la Fronde.
Il correspondait avec Viole, partisan de Condé, pour affaires privées
seulement, affirmait-il. Très fin et même trop fin, il crut devoir, dès
février 1656, aller au-devant d'une demande d'explications. Mazarin,
consulté, l'aurait autorisé à continuer ses agissements, à condition
d'avertir promptement le ministre de ce qui pourrait l'intéresser. Évidemment,
Chenailles et Mazarin se réservaient, l'un de ne dire que ce qu'il voudrait,
l'autre de découvrir par ses espions ce qu'on ne lui dirait pas. Vers la
fin d'août, Herwarth se rendit à Compiègne, et Mazarin lui signala les menées
de son parent, qui avait écrit en Flandre à Condé pour le presser de secourir
Valenciennes. Ce secours achèverait de bien disposer toutes choses à Paris,
où l'on amusait le Cardinal par de belles paroles. Conclusion : sans la
considération du ministre pour son ami, Chenailles serait déjà sous les
verrous. Herwarth
rapporta cette conversation à son neveu, qui parut fort tranquille. On avait
dû se tromper, lui imputer les lettres d'un autre[7]. Quelques
jours après (10 septembre 1656), le conseiller se rendait à son tour chez son oncle pour lui
dire qu'il ménageait une affaire d'importance ; mais il désirait s'en rendre
maitre avant de s'expliquer. Par la conduite qu'il tiendrait, on verrait
assez son zèle pour le service du Roi[8]. Voici
le fait. Il avait écrit à un sieur Després, capitaine au régiment de
Lignières, en garnison à Saint-Quentin, qu'il le priait de venir à Paris, que
son déplacement ne serait pas infructueux. Ce Després s'était lié avec
Chenailles, en 1640, au cours d'un voyage en Italie. Il se mit en route et
débarqua chez le conseiller qui logeait dans un hôtel situé juste en face de
celui de Servien. Après
quelques propos indifférents, Chenailles entreprit le capitaine sur le compte
du gouverneur de Saint-Quentin. Lignières était-il satisfait de la Cour ? —
Non. On ne lui payait pas ses appointements et on ne voulait pas qu'il se
payât par ses mains en levant des contributions. — Ne pourrait-on pas lui
proposer de vendre la place de Saint-Quentin à M. le Prince, dont cela
faciliterait l'accommodement avec le Roi, son unique désir ? Després de
remontrer alors que Lignières possédait 25.000 livres de rente en Picardie,
un gouvernement valant 30.000 écus et 100.000 livres de créances sur le Roi.
— Soit, Condé n'était pas assez riche pour dédommager le gouverneur ; mais le
capitaine pouvait faire le coup sans lui. Après un échange d'objections, les
deux hommes s'ajournèrent au lendemain, où il fut convenu qu'on se rendrait
maitre de Saint-Quentin[9]. Sur ce,
Chenailles, toujours prudent, remit à Després des poudres secrètes, les unes
pour écrire sans que les caractères parussent, les autres pour les faire
paraitre au besoin. Puis les deux conspirateurs se séparèrent, s'en allant,
le capitaine à Saint-Quentin, le conseiller à son domaine de Chenailles[10], d'où il écrivit à Condé, qui
s'empressa d'accepter sa proposition. Sur cette réponse, il avertit son
complice de se tenir prêt à recevoir un émissaire de M. le Prince. Després,
toutefois, avant de quitter Paris, avait consulté un certain chevalier de
Gentz, homme dévoué à Mazarin, qui le décida à prévenir le Cardinal, sans
dénoncer, bien entendu, le conseiller, dont
il avait toujours été l'ami, et qu'il seroit fâché d'accabler et de perdre. Gentz ajouta que Mazarin ne
l'obligerait à aucune dénonciation personnelle ; mais dès les premiers mots
du capitaine, le ministre désigna Chenailles. Que faire, si ce n'est obéir à
Son Éminence, qui commanda à Després d'agir avec le conseiller comme si leur
intelligence persistait et d'aviser les ministres de tout ce qui se passerait
? L'officier, plus prudent que son ami le magistrat, se fit délivrer, le 6
octobre, un ordre d'espionnage, signé Louis et contresigné Le Tellier[11]. Chenailles
eut-il vent de cette dénonciation ? éprouva-t-il quelques remords ? Toujours
est-il qu'à son retour à Paris, il révéla l'affaire à son oncle Herwarth,
comme si on lui eût proposé le coup sur Saint-Quentin. Il le priait de porter
à Mazarin une lettre en chiffres, soi-disant venue de Flandre. Cette lettre, dit le ministre, expert en
toutes ruses, a été composée à Paris. M. Vallée (de Chenailles) n'a pas été persuadé. C'est lui qui a voulu persuader Monsieur
le Prince. Assurez-vous qu'il vous trompe. Ne m'en dites pas davantage ; vous
m'embrouillez l'esprit. Dix à
douze jours se passent. Le 7 décembre, le chevalier Després débarque chez son
complice sur les sept heures du soir, lui disant qu'il avait à l'entretenir,
qu'il se faisait tard, qu'il reviendrait le lendemain dîner avec lui.
Effectivement, il revint sur le coup de midi ; mais à peine les deux amis
étaient-ils à table qu'un exempt et des gardes survenaient et emmenaient les
dîneurs à la Bastille. Le 11
décembre, Nicolas Foucquet et les avocats généraux obtenaient des Chambres
assemblées un arrêt commettant deux conseillers à l'information de l'affaire. L'interrogatoire
de Després, cela se devine, ne donna pas grand'peine ; mais Chenailles refusa
de répondre, alléguant d'abord sa fatigue, puis sa détention à la Bastille.
On le prévint que s'il s'obstinait, on lui ferait son procès comme à un muet,
suivant l'ordonnance, et effectivement un arrêt fut rendu en ce sens. Mazarin
se montra, contre son habitude, sévère jusqu'à la cruauté. Il exigeait la
condamnation à mort de Chenailles. Foucquet, procureur général, dut obéir à
la colère du ministre. Tant que dura l'instruction, il ne permit pas à
l'accusé de prendre un avocat, et, l'instruction terminée, il lui refusa le
droit d'en choisir un librement. Il en désigna un d'office, en imposant aux
communications des restrictions odieuses. La Bachèlerie, gouverneur de la Bastille,
assista aux trois conférences autorisées. Chenailles n'eut à sa disposition
ni encre, ni plume, ni papier, et jamais on ne lui communiqua le dossier de
l'accusation[12]. Quel
précédent, et comme on l'invoquera plus tard contre l'homme même qui appliquait
ces mesures de rigueur ! L'excuse
de Foucquet, c'est l'excessive animosité de Mazarin, qui, malgré son avarice
et pour se concilier le Parlement, fut jusqu'à lui promettre le
rétablissement de la Paulette (22 janvier 1657). Il espérait que les magistrats
en témoigneraient de la reconnaissance, à l'occasion[13]. L'occasion était toute
trouvée. Bien
que chargé de porter la bonne promesse à ses confrères, le premier président
de Bellièvre défendait Chenailles. Incontestablement
l'accusé avait écrit en Flandre, reçu des réponses, tenté de débaucher un
officier du Roi[14], fait prix avec lui ; mais,
objectait Bellièvre, il avait été l'objet de surprises. Després, escroc,
filou, débiteur de Chenailles, établissait sa fortune sur la ruine de son
ami, et, pour payer sa propre dette, livrait son créancier au bourreau. A
tout prendre, on ne pouvait assimiler à une entente avec l'ennemi des
relations avec un prince du sang. On n'avait voulu livrer Saint-Quentin à
Condé que pour faciliter un accommodement, et rétablir la paix dans le
royaume. Cette distinction exaspérait d'autant plus Mazarin qu'il la
retrouvait partout dans l'opinion publique. En vain Foucquet s'efforçait
d'obtenir une prompte condamnation de l'accusé ; Bellièvre s'employait de
tout son pouvoir en sens opposé. De janvier à mars 1657, l'affaire resta en
suspens. Enfin, le procès étant instruit, Foucquet conclut à ce que
Chenailles fût déclaré coupable de trahison envers le Roi et l'État, condamné
à avoir la tête tranchée en place de Grève. Son office de conseiller serait
supprimé, ses biens confisqués, à la réserve de seize mille livres pour le
pain des prisonniers. Conséquence
imprévue : la première victime de ces conclusions rigoureuses fut le premier
président lui-même. Bellièvre souffrait depuis longtemps du foie et de la
poitrine. La tournure prise par l'affaire de Chenailles lui porta le dernier
coup[15]. Il mourut le 13 mars. On alla
jusqu'à parler d'empoisonnement, et ses amis insinuèrent qu'il était brouillé avec les Foucquet[16]. Tant il est vrai que les
passions politiques font tout dire. On ne
remplaça pas immédiatement Bellièvre. Mazarin voulut prendre son temps pour
choisir un homme plus commode, et Nesmond, frondeur converti, fut chargé
provisoirement de la première présidence. Dès le
23 mars, Foucquet entra dans la Grand'Chambre, se plaignit vivement de la
lenteur apportée au jugement de Chenailles. Une décision était nécessaire au
plus tôt. L'accusé faisait difficulté de manger et se laisserait mourir de
faim, avant d'être condamné à mort. La Cour pouvait bien siéger une heure
plus tôt et sortir une heure plus tard. Quatre
jours après, l'arrêt fut rendu. Il faisait droit aux réquisitions du
procureur général sur le fait de la déchéance, de la confiscation des biens,
de l'amende réduite à 8.000 livres, mais, au principal, il ne condamnait
Chenailles qu'au bannissement. Le 9 avril, le banni fut conduit à la porte
Saint-Honoré et s'empressa de se retirer en Hollande[17]. Mazarin
se montra outré au dernier point[18] de cette résistance du
Parlement à ses volontés. On ne sait ce qu'en pensa Foucquet. Ce qui est
certain, c'est que ses ennemis prirent en note l'acharnement plus ou moins
volontaire qu'il avait mis à poursuivre un membre du corps. Il n'en
avait pas fini avec l'affaire Chenailles, qu'il retombait dans les
difficultés plus grandes du procès intenté à Retz, également accusé de
lèse-majesté. Mazarin, si dur pour un conseiller, n'osait pousser à fond sa
procédure contre un cardinal. A la
demande de l'assemblée du clergé, le
chancelier Séguier promit de faire publier un arrêt du conseil du Roi, tel
que l'archevêque de Marca le rédigerait, ce qui fut fait. Cet arrêt, en date du 26 avril
1657, défendait au Parlement et à tous autres juges de prendre aucune juridiction ni connaissance contre les
personnes des évêques et archevêques pour raison du crime de lèze-majesté[19]. A qui de droit d'en faire la
poursuite devant les juges ecclésiastiques. On n'osa pas demander au Parlement
l'enregistrement de cet arrêt du conseil[20]. Le
clergé, excité par ce demi-succès, voulut encore obtenir une décision contre
le jansénisme. Faire enregistrer la bulle du pape Alexandre qui condamnait
les novateurs, ce serait un succès complet. Mazarin n'y montrait pas grand
empressement. La Reine, sollicitée par une de ses dames d'honneur, Mme de
Senecey, alors grande donneuse d'avis, obligea le ministre à marcher. M. de
Marca rédigea un nouveau projet de déclaration. Le Roi ordonnait au Parlement
d'enregistrer la bulle et de n'oublier rien pour
abolir cette pernicieuse nouveauté. Séguier,
sans discuter cette rédaction, crut prudent de la communiquer à Foucquet,
qu'il savait instruit à fond des intentions
du Cardinal sur cette affaire. Une conférence eut lieu entre Marca, Séguier et le procureur
général. Ce dernier, bien qu'approuvant le projet en substance, le critiqua
dans la forme. Une déclaration fournirait prétexte aux réunions des Chambres,
et le Roi n'en voulait plus souffrir. Il conviendrait de s'en tenir aux
termes d'une simple lettre, dite lettre
d'attache, ce qu'on
accepta[21]. (4 mai 1657.) Pour
éviter des contradictions et des terreurs plus ou moins sincères, Foucquet
eut soin de déclarer que, malgré l'enregistrement de la bulle, les officiers
de l'Inquisition n'auraient de juridiction que hors du royaume. On n'en prit
pas moins argument contre la lettre comme si 'elle comportait l'établissement
de l'Inquisition en France. Les conseillers aux enquêtes demandèrent
l'assemblée des Chambres, qu'on se hâta de leur refuser en renvoyant
l'affaire au retour du Roi. Comme le clergé se séparait le 7 mai, Foucquet
assurait ainsi à Mazarin et à lui-même un répit de quelques mois[22]. Quelques
mois ! c'était beaucoup pour des hommes qui avaient si longtemps vécu au jour
le jour. Le
gouvernement ne se piquait pas d'ailleurs d'esprit de suite. Il s'interdisait
de juger les ecclésiastiques, mais il les enfermait sans scrupule. A peine
arrivé à Compiègne, le ministre dénonçait à Basile Foucquet, comme agent de
Retz, un certain abbé Dorat, frère d'un conseiller à la Cour. Un mois après,
l'abbé entrait à la Bastille. On ne le jugea pas, bien entendu, mais on
s'efforça par tous les moyens imaginables de le faire parler, et, comme il ne
parlait pas, on le garda pendant des années. Et dire
que sans cesse, par-dessus les clameurs des partisans de Retz et de Condé,
par-dessus les revendications du clergé, s'élevait le cri plus redoutable du
besoin d'argent. Si un Chenailles avait pu inquiéter Mazarin, c'est qu'il
était dû de grosses sommes au gouverneur de Saint-Quentin. Si le ministre
capitulait devant les évêques, c'est qu'ils tenaient les cordons d'une grosse
bourse. On vivait de leurs contributions plus ou moins volontaires, et encore
plus d'emprunts greffés sur d'autres emprunts. Le Cardinal aimait le luxe de
la paix, et la guerre, par des raisons diverses, ne lui déplaisait pas. Deux
larges sources de dépenses, deux grands trous pratiqués à la caisse de
l'Épargne. Cette
caisse, le Trésor, comme on dirait aujourd'hui, n'avait pas vu depuis
longtemps un million d'écus assemblés. Elle était par contre bourrée de
papiers ; mais à peine ces billets se convertissaient-ils en or, que l'or
était absorbé par les fournisseurs des armées et de la Cour. A
proprement parler, on ne vivait que d'expédients. On se rappelle qu'au
lendemain de la déroute de Valenciennes, Mazarin indiquait à Foucquet, comme
ressource possible, l'augmentation du droit du marc d'or, payé par certains
titulaires d'offices, lors de leur entrée en fonction. Le surintendant
répondit qu'on n'avait pas le temps de mettre en valeur des gages aussi précaires,
et il emprunta sur sa signature et celle de ses amis 5 à 600.000 francs. La
crise passée, on revint à l'examen du projet d'impôt et des moyens de le
mettre en œuvre. Il
convient d'exposer sommairement cette curieuse opération, où les ennemis de
Foucquet cherchèrent plus tard un chef d'accusation contre le ministre en
disgrâce. D'abord,
un édit de décembre 1656 ordonna qu'à l'avenir le droit de marc d'or serait
payé par toutes sortes d'offices, casuels, domaniaux, héréditaires, de
justice, de police, de finances, de chancellerie et tous autres[23]. Or, aux
termes d'anciennes ordonnances de Henri III, ces revenus du marc d'or
constituaient une dotation de l'Ordre du Saint-Esprit. Pour cette fois, il
était entendu que l'Ordre n'avait rien à prendre dans le produit des nouveaux
droits, évalués à la somme annuelle de cent quarante mille livres. Théoriquement,
140.000 livres capitalisées au denier 15 (6,65 %) auraient dû valoir plus de 2 millions. Il y avait
beau temps que le Roi ne trouvait plus préteur à ce taux relativement élevé.
Taxes d'un produit incertain, offices nouveaux, édit de création non
enregistré, toutes ces considérations, par ces temps troublés, faisaient
réfléchir les bailleurs de fonds. Il fallait aboutir. Les surintendants
Foucquet et Servien, le chancelier Séguier prirent les mesures conformes aux
usages et aux nécessités du temps. Par
contrat formé devant le notaire de Servien[24], qui était le surintendant de
l'Ordre, les droits de marc d'or furent adjugés à un sieur Duché pour 2
millions de livres, comme il convenait à la dignité des finances royales ;
mais le même jour, on présenta aux trois personnages trois actes qui
réduisaient singulièrement la valeur de la première convention. C'était
d'abord une ordonnance de remise, montant à 666.000 livres. Le Roi
reconnaissait qu'il y avait lieu de déduire des 2 millions les frais de
perception et autres. Il les accordait au traitant et les évaluait au tiers
de la somme. Qui de 2 millions ôte 666.000 livres, reste 1.334.000 livres. De
plus, 300.000 livres étaient réservées au profit d'un sieur Boulin, dont on
avait dû racheter les droits pour en établir de nouveaux et de plus nombreux.
Restaient 1.034.000 livres à payer en huit payements égaux et trimestriels,
c'est-à-dire en deux ans. Or, on voulait de l'argent comptant. Il était donc
juste de déduire un escompte arbitré à 134.000 livres. Ces
conditions, comme on l'a dit, étaient conformes aux usages. Servien,
Foucquet, Séguier, réunis en conseil, se passèrent la plume pour signer. La
plume n'était pas très nette, l'encre paraissait blanchâtre[25]. On ne s'arrêta pas à ces
détails, qui prirent plus tard une extrême importance. Tout
compte fait, 900.000 livres devaient revenir au Roi ; mais malgré tant de réductions,
Duché, l'adjudicataire pour la forme, ne trouvait pas de preneur. Foucquet
dut garder la quittance de l'Ordre en payement de l'argent avancé
personnellement par lui, notamment lors de la déroute de Valenciennes[26]. Il parvint toutefois à céder
un quart de son traité à de Nouveau, surintendant des postes, qui paya son
prix en billets royaux, puis un cinquième des trois quarts restant à Mme du
Plessis-Bellière contre 100.000 livres. Il devait tirer parti du surplus
comme il pourrait, en donnant ce papier en payement à ses propres créanciers[27]. On peut
juger par cet échantillon des complications que présentaient les plus
médiocres affaires de finances en ce temps-là. Rien
n'était simple. Avant
de conclure aucun traité, soit prêt, soit bail, le surintendant devait gagner
le chef de la Compagnie soumissionnaire, l'inciter à porter haut l'enchère de
la communauté, sauf à l'indemniser en son particulier en l'autorisant à
présenter en payement quelque vieux billet. On donnait ainsi à l'un 50.000
livres en vue de tirer 100.000 écus de l'ensemble[28]. C'était une espèce de
corruption retournée, celle du particulier par le fonctionnaire. Pour mener
une affaire à bonne fin, depuis la décision du conseil des finances jusqu'à
l'exécution, et, comme on disait alors, depuis
la cire du chancelier jusqu'à l'argent du contribuable, il fallait intéresser les
traitants, répandre des grâces sur nombre de personnes[29]. Les grâces consistaient, le
plus souvent, dans la prise en recette de billets de l'Épargne, sorte de bons
du Trésor périmés et réassignés, en droits mal établis, comme les péages sur
la rivière de Seine appelés parisis, comme les octrois des villes, qu'on
vendait pour peu de chose et que les traitants rétrocédaient à certains seigneurs
qui les trouvaient à leur convenance. Les concessionnaires s'assuraient ainsi
des protecteurs. La cause, sinon la justification de ces fâcheuses pratiques,
c'était l'éternel besoin d'argent. A peine
Mazarin, chef absolu du gouvernement, avait-il quitté Paris pour l'armée,
qu'il accablait Foucquet de ses demandes[30]. Confondant les qualités, il
s'adresse au procureur général, voulant parler au surintendant ; mais le sens
n'est jamais douteux. Courtrai est investi. Je
m'asseure, écrit
Mazarin, que M. le procureur général,
connaissant l'importance de cette entreprise, fera état de nous assister[31]. Ce coup de main compensera la
déroute de Valenciennes, dont Condé a tant triomphé. On compte sur un succès
: L'entreprise est bien conceüe, le secret
gardé, en sorte que la place ne se trouve pas si bien munie qu’elle l'aurciit
esté[32]. Or, il arriva que cette fois
encore Condé sauva Courtrai par un coup de maître. Violent dépit du ministre[33], dont la colère retomba très
injustement sur le surintendant. Depuis
plus d'un mois Mazarin, à l'instigation de Colbert, ne cessait de réclamer de
l'argent, non pour la guerre, mais pour lui, soit comme ayant avancé des
fonds, soit comme fournisseur du pain de munition. Foucquet, au lieu d'argent
ou de rentes qu'il n'avait pas, offrait des délégations sur des affaires
dites extraordinaires, par exemple sur une fabrication de menue monnaie.
Colbert, qui savait que le petit peuple voyait cette opération d'un mauvais
œil, refusait. Il redoutait des indiscrétions dangereuses pour la réputation
de son maître[34]. Mazarin
se montra moins impressionnable que son intendant. Certes, il était
absolument nécessaire que son nom ne parût pas ; mais on peut remédier à cet inconvénient en faisant paroitre le
nom d'Albert[35] ou
tel autre que vous jugerez à propos. Il y avait d'autant plus lieu d'être coulant que
Foucquet employait Cantarini et Cenami, banquiers et débiteurs du ministre,
dans cette fabrique de monnaies ; de plus, on avait ménagé un donatif, en bon
français, un pot-de-vin, dont le Cardinal pourrait disposer[36]. Mais si l'avide Italien
prenait les petites sommes, il ne renonçait pas à exiger les grosses. Nous
touchons à la crise. Le 12
juin, Mazarin recommençait à écrire à Colbert au sujet de ses remboursements.
Le surintendant lui avait bien répondu ; son frère l'abbé, porteur de la
lettre, en avait bien confirmé les promesses. Tout cela ne le satisfaisait
pas. Il voulait être remboursé. C'étoit plus
qu'équitable, puisque le surintendant sortoit de tous les engagements où il
étoit entré pour le service du Roi. Il priait donc Colbert d'insister, et Colbert n'était pas homme
à adoucir le ton blessant de ces réclamations. Ainsi
poussé, Foucquet promit, faute de mieux, 300.000 livres à prendre sur une
affaire concernant les intendances de finances. 150.000 livres seraient
versées à Colbert immédiatement[37]. C'était au moins une preuve de
bonne volonté. Mais Mazarin, de mauvaise humeur, répondit par des paroles
fort piquantes : Vous pourrez dire à M. le
procureur général qu'il eût été bon que j'eusse été remboursé de ces
dernières avances par des affaires faites et non par celles qu'il projette de
faire. Puis,
accentuant son mécontentement : Il me semble, ajoutait-il, que sans présomption, je pourrois être considéré comme les
autres qui ont fait des avances et qui ont été remboursés sur les dernières
affaires et qui sont payés des intérêts jusqu'au dernier sol, pendant que je
ne sais pas ce que c'est que d'avoir un denier d'intérêt. A cette
seconde attaque, Foucquet répliqua par une lettre fort raide. Il a appris de
divers lieux les plaintes continuelles de Son Éminence sur le défaut d'argent
et la mauvaise administration des finances. Cependant, les payements ont été
opérés ponctuellement ; dans l'abondance des meilleurs temps, les choses
n'ont jamais été de la sorte. Si cette considération ne touche pas le cœur du
ministre, au moins son propre intérêt et
celui de l'État devroient le retenir. Foucquet l'a mille fois supplié de ne
pas faire paraître de ces choses qui ôtent le crédit et ne permettent pas au
surintendant de servir utilement, pendant le temps qu'il plaira à Son
Éminence de le laisser à son poste. Est-il raisonnable qu'aussitôt le Roi sorti de Paris, lui,
Foucquet, reste exposé à tous les mauvais offices de ses ennemis et de ses
envieux ? Ils
n'osent l'attaquer ouvertement, mais ils trouvent accès auprès de Mazarin.
Les plus noires impostures, les plus injustes accusations ne laissent pas
d'impressionner le ministre ; il les répète à ses familiers, qui les
répandent dans le peuple, et Foucquet en reçoit une double atteinte, dans son
crédit et dans son honneur. Ne
dit-on pas à présent qu'on a remboursé vingt-cinq millions de vieilles dettes
sur les meilleurs fonds ; qu'on donne des deux ou trois millions à gagner à
qui l'on veut de ses amis ; qu'on ne paye aucune dépense nécessaire ; que
lui, Foucquet, laisse périr les armées pendant qu'il se divertit à lu
campagne ; que la dot de sa fille a été prise au Trésor, publiquement, qu'on
en a chargé des charrettes ? Et qui dit cela ? des personnes auxquelles, par
respect, Foucquet n'ose même répliquer ni demander audience pour se
justifier. Je
serois bien hors de sens si je faisois rembourser des vingt-cinq millions de
vieux billets et que je ne me fisse pas rembourser moy-même les avances que
j'ay faites pour causes légitimes et toutes récentes, et qui me ruineroient
pour peu que je manquasse (de payerà les intérêts à ceux de quy j'ay
emprunté. Je ne ferois pas tant gagner de millions à des gens qui me sont
fort indifférents, tandis que mes proches et moy sommes en dettes et dans
l'incommodité ; et j'aurois peu de jugement, si au moins je ne tirois Votre
Éminence de ce qui luy reste deu, puisque je ferois ma cour, etce seroit une
chose facile et assez politique. A
l'égard de mon séjour à la campagne, ma maison estant à dix lieues de Paris,
à laquelle j'ay fait travailler quinze ans avant d'estre surintendant, si je
n'y ai pas esté huit jours entiers depuis trois ans, à compter toutes les
journées ensemble, on ne peut pas dire que j'y fasse trop de séjour ; car, à
l'égard de Saint-Mandé, je ne pense pas estre hors de Paris, lorsque je n'y
suis qu'autant qu'il m'est nécessaire pour éviter l'importunité de ceux qui
demandent de l'argent, et pour travailler plus solidement et avec moins d'interruption,
estant difficile de dire à quoy je m'occupe autre chose qu'au travail
continuel. Le
reste ne mérite pas d'y répondre. Votre Éminence sçait bien qu'il n'y a pas
d'argent à l'Espargne, et qu'on n'y paye qu'en papier, qui ne se transporte
pas dans des charrettes ; et j'ose bien dire encore que, s'il y en avoit eu,
j'aurois eu droit d'en prendre ce qui m'est deu, pour une occasion où j'en
aurois eu besoin. Mais
ce qui me touche encore fort sensiblement, ce sont.les termes de la lettre de
Votre Éminence, qui porte qu'elle espéroit sortir de ses avances comme les
autres. Je le puis assurer que non-seulement les autres n'en sont pas sortis,
mais que je suis engagé moy-même de 300.000 livres plus que je n'estois au
commencement de l'année[38]. La
rédaction et l'envoi de cette lettre énergique ne dissipèrent point l'humeur
chagrine de Foucquet. Au contraire, plus il réfléchissait, et plus sa colère
s'exaltait. Il
était précisément à Saint-Mandé, dans le cabinet qui lui servait de retraite
contre les quémandeurs, où l'on accédait par un souterrain passant sous la rue
du village. C'était une sorte d'emprise sur le parc de Vincennes. De ses
fenêtres, Foucquet apercevait ce donjon où avaient été enfermés tant de
victimes des vengeances royales, où lui-même et son frère avaient fait
emprisonner tant d'ennemis politiques. Nicolas, laissant de plus en plus
carrière à ses noires imaginations, vit se dresser devant lui Mazarin, appliqué
à lui tendre des pièges, à l'embarquer dans de méchantes affaires avec les
compagnies souveraines, Parlement, Chambre des comptes, Cour des aides, avec
toutes les puissances, lui conseillant en face des entreprises qu'il
désapprouvait par derrière[39]. Évidemment le Cardinal, déjà
pris de jalousie, voudrait un jour se débarrasser de lui. Alors il faudrait
se défendre. Soit, mais comment ? C'était un des procédés d'esprit de
Foucquet d'éprouver ses pensées en les écrivant[40]. Il écrivait d'ailleurs presque
aussi vite qu'il pensait, jetant sur le papier tout ce qui lui passait par la
tête, sauf à revoir à loisir cette composition de premier jet[41]. Après
s'être enfermé tout un jour dans ce cabinet, Foucquet prit une demi-feuille
de petit papier, pliée par la moitié, et, pendant une heure, la couvrit recto
et verso de son écriture fine et serrée[42]. Or,
voici ce qu'il écrivit rapidement, fiévreusement : L'esprit
de Son Éminence, susceptible[43] (naturellement) de toutes (capable de
tout) mauvaises
impressions contre qui que ce soit — la
foiblesse d'esprit
de 1032 (la
Reine), le pouvoir absolu — qu'il a sur 2.000 (la Reine) et sur 1.500 (le Roi) — et par conséquent l'autorité
souveraine dans 1.600 (Paris) —, et particulièrement contre ceux qui sont en quelque (un) poste considérable et dans (en) quelque estime dans le monde, son naturel deffiant
et jaloux, les dissensions et inimitiés qu'il a semées (dans l'esprit de) avec un soin et un artifice
incroiable dans l'esprit de tous ceux qui ont quelque part dans les affaires
de l'Estat — et le peu de reconnoissance
qu'il a des services receus quand il ne croit plus avoir besoin de ceux qui
les lui ont rendus donnant lieu à chacun de l'appréhender — ; et de plus en mon
particulier l'envie et l'inimitié qu'attire inévitablement l'emploi des
finances, à quoy ont donné plus de lieu le chagrin que prend...
(prendre à) et le plaisir qu'il témoigne trop (souvent et trop) ouvertement
d'escouter tous ceux qui veulent (qui luy ont) se... parlent... contre moy, ausquels il donne tout accez et
toute créance, sans considérer la qualité des gens, l'intérest qui les pousse
et le tort qu'il se fait à luy-mesure, en (de) discréditant (discréditer) un
surintendant dont le crédit seul (qui a toujours) fait subsister 1'Estat. Comme
on le voit, Foucquet avait encore présents à l'esprit les termes de sa lettre
au Cardinal, où il lui reprochait d'écouter volontiers ses ennemis. Le
voilà convaincu que Mazarin veut sa perte. Il
faut donc craindre tout et le prévoir. Première
hypothèse. Foucquet est mis en prison et son frère l'abbé laissé libre ;
alors, on suivra les instructions de son frère, qui est aussi son obligé et
dont l'amitié ne fait pas doute. Seconde
hypothèse. Nicolas et Basile sont prisonniers, mais on peut leur parler. En
ce cas, ils donneront leurs ordres selon les circonstances. L'instruction ne
devra servir que si, troisième hypothèse, Foucquet est en prison étroite,
sans commerce avec ses amis. Alors
sa mère, sa femme, ses frères, son gendre, ses parents s'emploieront pour lui
faire avoir un valet, puis un cuisinier, laissant
entendre qu'il ne mange pas et que l'on ne doit pas refuser cette
satisfaction, à moins d'avoir quelque mauvais dessein. On
demanderait ensuite l'envoi de livres, d'un médecin ; on gagnerait les autres
prisonniers, les gardes, ce qui se fait
toujours, avec un peu de temps et d'argent et d'application. Si l'on
se contentait de les tenir resserrés, lui et son frère, sans autre
persécution, il faudrait laisser passer deux ou trois mois, sans que les amis
fissent voir de mécontentement inquiétant. On ne prendrait que des mesures
préparatoires. Ce plan
de défense est en vérité bien anodin et ne répond pas à la hardiesse du
préambule. La suite n'est pas moins surprenante. Le
premier défenseur nommé, le chef de la défense, est une femme, Mme du
Plessis-Bellière, à qui, disait Foucquet, je me fie de tout, et pour qui je -n'ai jamais eu aucun
secret ni aucune réserve, seroit celle qu'il faudroit consulter sur toutes
choses, et suivre ses ordres si elle estoit en liberté, et même la prier de
se mettre en lieu sûr. Mme du
Plessis-Bellière était veuve depuis dix-huit mois (décembre 1655) du lieutenant général de ce
nom, mort à Naples dans l'expédition du duc de Guise. Elle appartenait, comme
on l'a déjà dit, à la famille de Bruc, de noblesse bretonne, ce qui explique
ses rapports avec les Foucquet, et en particulier le soin qu'elle prit de la
fille aînée de Nicolas. Bien qu'elle ne manquât ni d'agrément ni
d'ingéniosité dans l'esprit, elle était surtout connue par son courage et par
son aptitude aux affaires de finances. Aussi bien avait-elle besoin de
compter serré : son mari, bon soldat, n'ayant gagné que la mort au service du
Roi, la laissait veuve, avec des enfants à établir. Mazarin lui avait bien
fait de grandes promesses, mais elle connaissait la valeur des promesses de
Mazarin. Née en 1605, de dix ans plus âgée que Foucquet, elle entrait dans sa
cinquante-deuxième année. Sa réputation était intacte, et n'a été contestée
que longtemps après par des écrivains ignorants ou prévenus. Suivant
le cours de ses imaginations, Foucquet, après avoir nommé sa généralissime,
chercha des lieutenants, désigna d'abord le père de son gendre, le comte de
Charost, gouverneur de Calais. Son gendre conduirait dans cette place sa
femme, fille de Foucquet. Mme du Plessis-Bellière était chargée de rappeler à
la jeune marquise ses obligations envers son père, l'honneur qu'elle
acquerrait en tenant par ses caresses, par ses prières et sa conduite,
monsieur son beau-frère et son mari dans les intérêts du surintendant. Puis,
venait M. de Bar, gouverneur d'Amiens ; par lui, on aurait peut-être M. de
Bellebrune, gouverneur de Hesdin, et Mondejeu, gouverneur d'Arras. C'était
encore Mme du Plessis-Bellière qui devait obtenir de M. de Bar tout ce que dessus. En troisième ligne, Foucquet songeait à MM. de
Créqui, Feuquières, Fabert, d'Estrades. Pures chimères. Quelques
hommes de main, du Fresne, Lagarde, Devaux, Bellegarde, des sergents de la
compagnie de Maupeou devaient se jeter dans Ham, qui appartenait à l'abbé
Basile. On
préviendrait Deslandes, capitaine de Concarneau, petite place sans dehors,
sans réduit, que Foucquet venait de reprendre, il y avait six mois, au
président Foucquet-Chaslain, en payement de vieilles dettes. La transmission
n'en était pas même régularisée. Deslandes, plus particulièrement domestique
de l'abbé, y commandait en attendant le jour où l'on pourrait donner ce
gouvernement au dernier frère de Foucquet. Au surplus, le surintendant ne
voulait point d'éclat en Bretagne. Ordre de ne pas parler, de se tenir en
repos, pour ne pas donner de prétexte contre les prisonniers ; Deslandes
devra seulement fortifier sa place en secret, rassembler ses vaisseaux, se
préparer pour quand, il seroit temps[44]. Du
Fresne se tiendra dans Tombelaine, et y amassera des vivres. La
marquise d'Asserac donnera des ordres à l'Isle-Dieu, et se rendra ensuite à
Paris pour conférer avec Mme du Plessis-Bellière. Pélagie
de Rieux, marquise d'Asserac, était, ainsi que cette dernière dame, une
Bretonne très active, très intelligente. Le marquis, homme bizarre, absorbé
par les recherches hermétiques[45], laissait peser sur sa femme le
soin de gérer une fortune compromise. Elle s'y adonnait avec toute la passion
d'une mère, soucieuse de l'avenir de son fils. C'est comme débitrice de sa
famille que Foucquet l'avait connue et obligée à plusieurs reprises. Il
s'était senti peu à peu attiré par le charme de cette femme distinguée,
d'autant plus séduisante qu'elle songeait moins à séduire. Eu ce jour de
désespoir, il se tournait de son côté, pour
ce qu'elle a du cœur, de l'affection, du pouvoir, et que l'on doibt
entièrement s'y fier.
Il la prie seulement d'observer une grande
modération dans ses paroles, et de conférer avec Mme du Plessis. La
pensée de Foucquet courant toujours, il mettait en ligne tous les moyens de
défense dont il croyait pouvoir disposer. Le Père de Champ-Neufs n'avait pas
toute la discrétion nécessaire ; mais il était sûr. On pourrait le charger de
faire passer des lettres, par des Jésuites,
de maison en maison.
On utiliserait encore, comme conseils, Brancas, Langlade, Gourville, MM. de
La Rochefoucauld, de Marsillac, de Bournonville. Ce dernier surtout sera employé
auprès du Roi, de la Reine, de Mazarin, représentera la modération du
surintendant et ses efforts pour contenir des amis, qui peut-être se seroient échappés. Le
Parlement ne devrait pas non plus s'assembler ni réclamer son procureur
général avec trop de chaleur, mais tout au plus une fois ou deux, par bienséance. On
confierait la direction de ces agissements discrets à M. de Harlay, que j'estime, écrivait Foucquet, un des plus
fidèles et des meilleurs amis que j'aye ; à M. de Maupeou, son allié ; à Jannart, son
substitut. Il comptait encore que M. Chanut, l'ambassadeur, ancien ami des
Foucquet, voudrait bien prendre chambre au logis de sa femme, qui suivrait
ses avis. Enfin,
on laisserait à Paris un homme capable
d'exécuter quelque entreprise considérable, s'il en estoit besoin. Arrivé
là n'ayant encore employé que la moitié de ses petites feuilles de papier,
Nicolas Foucquet s'arrêta. Fut-il troublé dans son travail ? En reconnut-il
le peu de consistance ? Ou bien, après avoir jeté ce premier feu, reprit-il
son sang-froid ? Ce qui est certain, c'est qu'il ne relut pas son œuvre, si
l'on peut donner ce nom à cet amas d'idées incohérentes et confuses. Plusieurs
phrases se trouvent incomplètes ; des mots manquent. La pensée est encore
plus incertaine que l'expression. De Fresne est envoyé à la fois à Ham et à
Tombe-laine. Foucquet annonce des instructions qui ne sont pas données[46]. De
toutes les places indiquées comme les points d'appui d'une résistance, une
seule, Ham, pouvait servir. Sur les sept hommes de guerre qu'il avait en vue,
pas un, Charost compris, n'était sûr. Restaient deux femmes, dont l'une, Mme
d'Asserac, n'était pas libre. Tout compte fait, le plan reposait sur Mme du
Plessis -Bellière, dont les ordres, même en ce qui concernait les places fortes,
Ham, Concarneau, Tombelaine, devaient, disait Foucquet, estre exécutés comme les miens. Voilà toute la conclusion de
ce beau plan. Après trois mois d'attitude expectante, on exécuterait les
ordres d'une femme de cinquante ans. Les
hommes de gouvernement ne sont guère propres à conspirer. Retz avait soulevé
Paris. Condé s'était constitué une armée et se servait des Espagnols.
Foucquet, dont la vie s'était passée à défendre et à fortifier l’autorité
royale, ne songeait, en cas d'oppression, qu'à se préparer des solliciteurs
en bonne situation. Cependant,
Mazarin avait reçu la verte réponse du surintendant à ses demandes d'argent,
et, suivant son habitude, voyant qu'on résistait, il fila doux : Je voudrois bien, écrivit-il à Basile Foucquet, que le
Procureur Général ne donnât point tant de créance à ceux qui, pour faire leur
court (sic) auprès de luy, luy font de faux rapports. Il m'a escrit
une lettre pleine de plaintes, qui n'ont aucun fondement légitime et
offensent fort l'estime et l'amitié que j'ay pour luy. Je lui témoigne par ma
réponse que j'en ai quelque chagrin'.[47]. Un pleur de Mazarin ! L'abbé
Foucquet, qui savait à quoi s'en tenir, s'entremit entre son frère et le
Cardinal. Tout fut expliqué, et, pour éviter ces malentendus, on convint qu'à
l'avenir, Foucquet écrirait sur papier à mi-marge, de telle façon que Mazarin
pût répondre sur la lettre même. En guise d'embrassade, le Cardinal et le
surintendant échangèrent sur la même feuille de papier des déclarations
d'amitié[48]. De
plus, Foucquet eut un nouvel éclaircissement avec Colbert. Ce dernier se
défiait de lui à cause de sa liaison avec Lionne, qui plaidait contre Mme
Colbert. Il calma l'homme de confiance du mieux qu'il put, lui octroya quelques
grâces et se crut en repos[49]. Son naturel le portait à
s'alarmer vite et à reprendre encore plus vite confiance, funeste disposition
d'esprit pour un ministre menacé. Le
Cardinal dissimulait, à son habitude. Peu de jours après, il insistait pour
obtenir de l'argent qu'on devait envoyer en Allemagne. Lionne et Grammont
négociaient à Francfort, et leurs négociations étaient appuyées par de
grosses distributions de subsides, principalement à l'électeur de Mayence,
qui, de mai à juillet, reçut plus de 200.000 livres[50]. Vers la fin du mois, le
surintendant dut se rendre à la Cour. Son frère Basile y fit plusieurs
voyages. Le ciel se rasséréna. Nicolas Foucquet n'avait pas d'ailleurs grand
temps à perdre en réflexions. Le clergé avait bien voté un don gratuit de 2.700.000
livres et une subvention annuelle de 1,292,902 livres pendant dix ans ; mais
il fallait faire rentrer ce subside. En attendant, on continua l'aliénation
des droits d'octroi. Foucquet, pour encourager les amateurs, en acheta même
pour 539.330 livres, dont il donna sa promesse à Baron, le traitant, payable
à plusieurs échéances[51]. On ne
songeait plus à discuter les financiers ni les traitants. Un sieur Girardin,
homme très riche, avait été, le 26 mai, enlevé à Saint-Cloud, aux portes de
Paris, par un parti de cavaliers venus de Flandre. Leur commandant Barbesières
voulait tirer rançon de ce richard. Sur le coup et par représailles, on mit à
la Bastille un sieur Tabouret, beau-père de Barbesières, qui fut lui-même, un
mois plus tard, surpris à son tour et mis en jugement. Il faut,
dit Loret dans sa Gazette rimée, il faut, toutefois, qu'il espère, Notre siècle n'est pas sévère ; —
Peu de gens sont poussés à bout, — Le temps enfin adoucit tout. Le fin Normand ajoutait : Il ne faut pas que l'on se fie — Pourtant à ma Philozophie. L'événement justifia cette réserve.
Girardin étant mort à Anvers, les esprits s'aigrirent en France, et
Barbesières, tout jeune, tout bien fait, tout galant qu'il fût, condamné sur le
réquisitoire de Foucquet, subit la peine capitale[52]. On voulait couper court à ce
jeu des enlèvements et rassurer les capitalistes. Foucquet
usait, pour d'autres maux, de remèdes plus doux. Sur la
fin de 1657, il apprit qu'un traitant nommé Faveroles, qui tout justement
venait d'être nommé échevin de Paris[53], traversait une crise
financière. Ses lettres de change étaient protestées. Aussitôt, le
surintendant emprunta lui-même 100.000 écus pour les envoyer à Faveroles,
dont le crédit fut conservé[54]. Le trait
est d'autant plus méritoire que le sauveur était aussi besogneux que le
sauvé. Dès que paraissait un peu d'argent, Mazarin et Foucquet se le
disputaient. Ce dernier avait annoncé son intention de s'appliquer en
couverture de ses avances personnelles 100.000 livres provenant du Languedoc
; Mazarin se hâta de réclamer : Comme nous
avons aussy fait, de deçà des advances sur ce que vous deviez fournir... il faut que vous trouviez bon de les rabattre sur lesdites
100.000 livres, et, pour le surplus, on vous en tiendra compte sur le mois de
septembre. Et le
ministre ajoutait de sa main : Je vous prie
de bien examiner les avances que j'ay fait faire, et je m'asseure que vous
trouverez bon de les rembourser sur la somme de 100.000 livres du Languedoc
que vous prandrés (sic)[55]. Assurément,
c'était toujours une demande d'argent, mais formulée poliment. Peu à
peu Foucquet perdit de vue ses craintes. Il acheta un nouveau domaine en
Bretagne. Il s'appliqua surtout à embellir Vaux et Saint-Mandé. Ce dernier
séjour n'avait à l'origine que l'apparence d'une médiocre maison.
C'est Mazarin qui, pour avoir le surintendant à portée de Paris et de
Vincennes, avait fait expédier un brevet du Roi permettant d'enclore cette roture. Le bâtiment n'était que plâtre et moellon, tout simple ; mais
l'ensemble révélait un goût exquis. Les meubles étaient modestes[56]. Des tapisseries de choix, des
tableaux de maîtres, des antiques de la bonne époque ornaient cette demeure.
On y admirait surtout une grande bibliothèque, réunie d'abord par les soins
du père de Foucquet, sans cesse augmentée. Autour, de petits dehors, un
potager, un jardin limité, mais où l'on cultivait des plantes rares : l'orangerie était superbe. Saint-Mandé fut, le 1er novembre, honoré de la
visite du Roi, de Mazarin, de toute la Cour qui se rendaient à Vincennes. Le
jeune prince témoigna une satisfaction dont les gazettes portèrent l'écho
dans l'Europe entière[57]. Il n'en
fallait pas davantage pour rendre la confiance au surintendant. Dès
cette époque, les gouvernements avaient des difficultés de deux ordres à
régler, au dehors et à l'intérieur. Au mois d'avril précédent, on avait ajourné
la question du jansénisme, pour laisser le ministre libre d'aller aux armées.
Le Roi, revenu couvert de gloire, fut aussitôt sollicité de
faire enregistrer la bulle qui condamnait les novateurs. La Reine mère
insistait. Le Cardinal hésitait. Enfin, il fut résolu que le jeune Louis XIV
irait le 19 novembre tenir au Parlement un lit de justice à cet effet. Mais
les gens du Roi et les conseillers de la grand'chambre, Nicolas Foucquet en tête,
intervinrent encore. Pour apaiser leurs collègues des enquêtes, ils
trouvèrent bon d'ajouter qu'en vertu de la bulle aucune nouvelle juridiction
ne serait attribuée aux prélats du royaume. Aussitôt, le nonce intervint.
Cette clause était une injure au Pape. Mieux valait renoncer à
l'enregistrement. L'archevêque de Toulouse suggéra un expédient. Aux mots nouvelle juridiction des évêques, on ajouterait : outre celle qui leur appartient. Mazarin approuva ce non-sens,
Séguier également. Foucquet fit des objections. Enfin, on convint d'une
rédaction portant qu'on ne donnait aux évêques d'autres pouvoirs que ceux
qu'ils tenaient déjà des ordonnances. Autre non-sens. On tournait dans le
même cercle comme en plein régime parlementaire. Le
lendemain, le Roi se rendit au Parlement, suivi de son frère, du prince de
Conti, du Cardinal, des ducs et pairs, des maréchaux de France. Séguier avait
préparé un long discours qu'il dut abréger. Le président de Nesmond ajouta
quelques paroles bien intentionnées. Enfin, l'avocat général, Talon, prit la
parole. Denis
Talon, fils d'Omer, qui va devenir un des plus importants personnages de
cette histoire, était un jeune homme ambitieux, ardent, désireux de parvenir,
d'apparence austère et plus que négligée, à peine propre[58]. Peu de jours auparavant, aux
remontrances de la Saint-Martin, il avait sévèrement reproché à ses collègues
d'abandonner les anciennes mœurs, de mépriser l'antique costume, de vivre et
de se vêtir à la mode, de sacrifier aux galanteries, d'être enfin, non de
graves sénateurs, mais des personnages de théâtre[59]. Beau discours de pédagogue.
Autant d'ailleurs en emportait le vent. A cette heure, il se trouvait devant
un autre auditoire. Doué d'un talent de parole emphatique, mais réel et
abondant, il s'érigea en arbitre entre les jansénistes et le Pape,
distribuant le blâme, contestant au Souverain Pontife le privilège de convoquer
les conciles et l'infaillibilité quant à la foi. Il concluait toutefois à
l'enregistrement, parce que, s'il y avait quelque défaut dans la bulle, comme
on le prétendait, la présence du Roi et son
autorité y suppléaient[60]. Comprenne qui pourra. Le reste
du discours renfermait de bonnes maximes sur la tolérance, sur l'inutilité de
la contrainte en matière de religion ; mais le tout était dit d'un ton
autoritaire et cassant, qui déplut visiblement au clergé. Mazarin,
que toutes discussions avec Rome inquiétaient, prit l'avis de l'archevêque
d'Embrun, qui ne lui cacha pas son sentiment sur ce discours scandaleux.
Interpellé par une députation d'évêques, Talon répondit en équivoquant. La
discussion s'aigrit, à ce point que Mazarin dut faire écrire par le Roi une
lettre d'excuses au Pape, et que le discours fut, comme on dit, supprimé,
c'est-à--dire non inséré dans les registres[61]. Encore cela ne désarma point
la curie romaine. Les explications furent mal accueillies[62]. Mazarin sacrifia Talon,
l'exila à Reims. Alors, Nicolas Foucquet intervint en faveur de son collègue
et s'employa pour obtenir son rappel[63]. C'est
pourtant à cette heure, en apparence triomphale, que se produisit un premier
craquement dans l'édifice si laborieusement élevé de la fortune des Foucquet.
Nicolas et Basile se brouillèrent. Les
causes de la désunion ne sont pas connues d'une façon précise. Il semble
toutefois que le plus grand tort est imputable à l'abbé. Ses fonctions de
quasi-ministre de la police ne le désignaient que trop à l'hostilité de ses
adversaires politiques. Cela ne l'empêchait pas de braver l'opinion de toutes
manières. Vers le commencement de l'année 1657, ses démêlés avec la duchesse
de Châtillon, sa maîtresse, devinrent publics. Lettres compromettantes mal
échangées, cassette surprise chez l'abbé par la duchesse, reprise chez la
duchesse par un coup de force, meubles brisés, menaces violentes, scandale
complet[64]. L'abbé,
à peine sorti de cette affaire, s'embarqua dans une autre, plus délicate
encore, avec Mlle de Montpensier rentrée en grâce et qui revenait à la Cour.
Un bruit fut répandu qu'elle aurait fait un testament de tous ses biens en
faveur du prince de Condé ! Aussi la renverrait-on en exil. Ces propos
étaient tenus à la Fère, dans une maison où se trouvait Basile Foucquet. Mademoiselle
le prit de très haut. Basile voulut répondre sur le même ton. La fière
princesse se fâcha. On lui fit entendre que l'abbé était un homme fort
considérable, qui pouvait beaucoup pour ses amis, qui lui rendrait de grands
services. Je suis d'une qualité à ne pas
chercher les ministres subalternes, j'irai droit à M. le Cardinal et ne me
soucie guère de votre abbé Foucquet. J'ai fort méchante opinion d'un homme
qui fait sa capitale amie de la comtesse de Fiesque 2[65]. La comtesse, ex-amie de
Mademoiselle, était soupçonnée d'intrigue avec l'abbé. En fin de compte,
Basile, sur l'ordre de Mazarin, fit des excuses à la princesse, qui les reçut
avec hauteur. Elle défendit même Mme de Châtillon. Qui auroit dit à l'amiral de Coligny : La femme de votre
petit-fils sera maltraitée par l'abbé Foucquet, il ne l'auroit pas cru '[66]. Ce fut encore Nicolas Foucquet
qui arrangea l'affaire, et Mademoiselle déclara que le procureur général
était un homme sage et bien avisé. Cela se passait vers le mois de juin. C'était environ le temps où le surintendant et Mazarin échangeaient une aigre correspondance. La scission entre les deux frères devait dès lors exister, car Nicolas, bien qu'il eût assigné un rôle à Basile dans son plan de défense, ne le lui fit pas connaitre[67]. Au mois de septembre, un confident du Cardinal, également confident de Basile Foucquet, écrivait à ce dernier que Son Éminence a commencé d'avoir un peu de soubçon que les deux frères n'étaient pas tout-à-fait de concert ni en parfaite intelligence[68]. Mazarin se plaignait encore de ce qu'on eût fait prêter serment à Louis Foucquet, évêque d'Agde, avant l'arrivée des bulles, comme si l'on avoit appréhendé quelque changement[69]. Le 16 octobre, le ministre écrivait directement à Basile : Pour ce qui est de votre charge de chancelier de l'Ordre, ce n'est pas une chose si pressée ; après le retour à Paris, on avisera[70]. Il y eut bien quelque échange de tendresses artificielles entre le Cardinal et son policier[71], et sans doute aussi entre les deux frères. Grâce au concours financier de Nicolas, Basile obtint la dignité si convoitée qui lui permettait de porter le superbe collier de l'Ordre. Malgré tout, en décembre 1657, la rupture devint publique[72]. Elle devait être fatale à tous les Foucquet. |
[1]
JAL,
Dictionnaire, art. Charcot.
[2]
LORET, Muze
historique, t. II, p. 301.
[3]
M. Chéruel la confond avec sa belle-sœur, femme du conseiller d'État
Lescalopier, et dont Tallemant raconte certaines historiettes. Mémoire sur
Foucquet, t. I, p. 357.
[4]
DUBUISSON-AUBENAY, Journal,
t. I, p. 333.
[5]
BUSSY-RABUTIN, Mémoires,
t. II, p. 4,9. On ne peut lire cette page des Mémoires de Bussy sans se rendre
compte de la difficulté que présente la recherche de la vérité historique.
Bussy, ami des Foucquet, donne sur leur origine et sur Nicolas lui-même des renseignements
inexacts.
[6]
Défenses, t. VI, p. 75.
[7]
AUBERY, Histoire
de Mazarin, t. IV, p. 162.
[8]
Déposition de Herwarth. AUBERY,
Histoire de Mazarin, t. IV, p. 171.
[9]
Suivant Chenailles, il aurait donné à Després mission de se rendre maitre de la
conspiration, mais pour le bon motif. Després déclare qu'on voulait trahir le
Roi, et qu'il n'accepta le projet que pour trahir Chenilles. AUBERY, Histoire de
Mazarin, t. IV, p. 164.
[10]
Chenailles, département du Loiret, commune de Saint-Denis de l'Hôtel.
[11]
V. le texte, AUBERY,
Histoire de Mazarin, t. IV, p. 157.
[12]
Défenses, t. VI, p. 75.
[13]
AUBERY, Histoire
de Mazarin, t. IV, p. 196.
[14]
Défenses, t. VI, p. 77. Foucquet a dit des officiers ; mais on n'en cite
qu'un.
[15]
AUBERY, Histoire
de Mazarin, t. 1V, p. 183.
[16]
RAPIN, Mémoires,
t. II, p. 481.
[17]
AUBERY, Histoire
de Mazarin, t. IV, p. 181.
[18]
MONGLAT, Mémoires,
p. 319.
[19]
LE PAIGE, Histoire de
la détention du cardinal de Retz, p. 106.
[20]
LE PAIGE, Histoire de
la détention du cardinal de Retz, p. 104 et suiv. Cf. Les tris humbles
remontrances du Parlement au Roi, du 9 avril 1753, avec La tradition des
faits, s. l., 1753, p. 120.
[21]
V. le texte, RAPIN,
Mémoires, t. II, p. 484.
[22]
Mazarin à Basile Foucquet, à la Fère, 12 mai 1857. Bibl. nat., ms. fr. 23202,
p. 219. Cf. RAVAISSON,
Archives de la Bastille, t. I, p. 8 et suiv. Le 21 septembre 1681,
Besmaus écrivait à Colbert : M. l'abbé Dorat donna une
lettre au clergé de M. le Cardinal de Retz.
[23]
Cf. arrêt du conseil d'État du 23 juin 1657, sur le tarif de ces droits, et un
arrêt du conseil d'État du 7 octobre 1704.
[24]
Acte du 8 janvier, au profit de Duché, Vautier, notaire à Paris. Défenses,
t. XIV, p. 164.
[25]
V. arrêt du conseil d'État ; 17 janvier 1657, publié citez la veuve Sanguin, à
Paris, en 1723.
[26]
Défenses, t. XIV, p. 140. Ibid., t. IV, p. 98.
[27]
Défenses, t. XIV, p. 185.
[28]
PELISSON, Œuvres
diverses, t. II, p. 37.
[29]
PELISSON, Œuvres
diverses, t. II, p. 39.
[30]
Mazarin à l’abbé Foucquet. Compiègne, 10, 16 et 25 mai 1637. Bibl. nat., ms.
fr. 23202, p. 221, 222, 224.
[31]
Mazarin à l’abbé Foucquet. Abbeville, 31 mai 1657. Bibl. nat., ms. fr. 23202,
p. 225.
[32]
Mazarin à l’abbé Foucquet, 31 mai 1657, déjà cité.
[33]
MONTGLAT, Mémoires,
p. 321.
[34]
Colbert à Mazarin, 24 mai 1657. Lettre citée par CHÉRUEL, Mémoire sur Foucquet, t. I, p.
323.
[35]
Mazarin à Colbert, 12 juin 1657. Bibl. nat., ms. fr. 23202, p. 325, 327.
[36]
Colbert à Mazarin, 22 juin 1657. Bibl. nat., ms. fr. 23202., p. 326.
[37]
Foucquet obtenait ces 150.000 francs en aliénant 22.500 livres de rente,
c'est-à-dire au taux de 15 %. Mazarin et Colbert connaissaient parfaitement ces
conditions.
[38]
Lettre du 46 juin 1657. Archives des affaires étrangères, France, vol. 1.62, à
sa date, publiée par CLÉMENT,
Lettres, etc., de Colbert, t. I, p. 503.
[39]
Défenses, t. XVI, p. 152.
[40]
Ce point est constant et bien établi par l'énorme masse d'Agendas, Mémoires,
etc., qu'on saisit lors de l'arrestation de Foucquet.
[41]
Pour moy, qui écris fort vite quand j'écris sur une matière qui m'occupe ta
pensée. Défenses, t. IV, p. 7 et 10.
[42]
Talon et Foucquet ont beaucoup discuté sur la forme et l'importance de ce
papier, dont on ne cite que des copies figurées. A l'interrogatoire, on parle
de six demi-feuilles de papier pliées par la moitié avec un quart de feuille,
le tout entièrement écrit de toutes parts. Défenses, t. XVI, p. 148.
Talon les présente comme constituant sept cahiers,
chacun des six premiers de quatre pages, le septième de deux pages.
Foucquet ne voit qu'une demi-feuille de petit papier. Défenses, t. IV, p. 10.
[43]
Je reproduis intégralement un paragraphe de la copie figurée, les mots entre
parenthèses sont les mots raturés ou ajoutés par Foucquet.
[44]
Défenses, t. V, p. 49. Le traité est du 8 décembre 1656. Lecat et Le
Sommelier, notaires à Paris. Défenses, t. X, p. 255. La démission de
Chalais en faveur de messire ..... Foucquet (le prénom en blanc) est du 18
juillet 1657. Ibid.
[45]
Je possède un ms., copie d'un ouvrage dédié au marquis d'Asserac, et où il
n'est question que de la mystérieuse influence des astres.
[46]
V. les mots : Comme il sera dit cy-après à propos de Tombelaine, dont il ne
sera plus question.
[47]
Lettre du 11 juillet écrite par N. Foucquet à Mazarin, avec réponse de Mazarin
en date du 16 du même mois. FEUILLET DE
CONCHES, Causeries
d'un curieux, t. Il, p.528. La lettre est autographiée, elle est extraite
des Archives des affaires étrangères.
[48]
Mon frère, écrivit le premier, m'a dit la continuation des boutez de Votre Éminence pour
toute la famille, dont je luy suie très redevable, et puis l'assurer que
personne n'est plus soubmis et plus attaché que moy, qui employray (sic) ma vie et mon bien pour son service avec la plus grande
joye du monde. — Jé confirmé, répondit
le cardinal Mazarin, tout ce qué M. vostre frère vous
a dit de ma part, vous asseurant qué ou ne peut rien adjouster à l'amitié et à
l'estime que j'ay pour vous, à qui je ne demande autre chose qué une ouverturé
entière dé cœur eu toutes choses.
[49]
Défenses, t. V, p. 80.
[50]
VALFREY, Hugues
de Lionne, ses ambassades en Espagne et en Allemagne, p. 80.
[51]
Défenses, t. V, p. 185.
[52]
LORET, Muze
historique, t. II, p. 336, 345, 352, 383, 390. V. COUSIN, Mme de Sablé, p. 417.
[53]
LORET, Muze
historique, t. II, p. 371.
[54]
Défenses, t. lv, p. 131.
[55]
Mazarin au procureur général. Metz, 26 septembre 1657. Bibl. nat. ma. fr.
23202, p. 840.
[56]
Lettre de Poncet à Colbert, 19 septembre 1661. Archives de la Bastille,
t. I, p. 366.
[57]
LORET, La
Muze historique, t. II, p. 405.
[58]
TALLEMANT, Historiettes.
V. préface des Mémoires d'O. Talon, collection Michaud.
[59]
Œuvres d'Omer et de Denis Talon, t. II, p. 73.
[60]
RAPIN, Mémoires,
t. II, p. 496.
[61]
RAPIN, Mémoires,
t. II, p. 502.
[62]
RAPIN, Mémoires,
t. II, p. 501.
[63]
Défenses, t. X, p. 34.
[64]
BUSSY-RABUTIN, Histoire
amoureuse des Gaules, t. I, p. 261. L'annotateur de l'Histoire, M. Boiteau,
place ces faits en 1658 ; mais un examen attentif démontre qu'ils sont de 1657.
[65]
MONTPENSIER, Mémoires,
t. III, p. 87 et suiv.
[66]
MONTPENSIER, Mémoires,
t. III, p. 226.
[67]
Il a été établi que Gourville seul eut connaissance du projet, et beaucoup plus
tard.
[68]
Lettre de X... à Basile Foucquet. Metz, 23 septembre 1657. Bibl. nat., ms. fr.
23202.
[69]
Lettre de X... à Basile Foucquet. Metz, 23 septembre 1657. Bibl. nat., ms. fr.
23202.
[70]
Mazarin à Basile Foucquet. Metz, 16 octobre 1657. Bibl. nat., ms. fr. 23202, p.
246.
[71]
Mazarin à Basile Foucquet, 20 octobre 1657. Bibl. nat., ms. fr. 23202, p. 245.
[72]
Défenses, t. X, p. 171.