A la
mort de son père, Nicolas Foucquet, à peine âgé de vingt-cinq ans, se
trouvait tout à coup chef bien jeune d'une famille bien nombreuse. Une fois
encore, l’œuvre laborieuse de deux générations pouvait être compromise. Par
bonheur, les Foucquet s'étaient, depuis l'avènement des Bourbons, très
fortement établis en Anjou, en Bretagne, où ils possédaient les premières
charges de la magistrature, où l'un d'eux occupait le siège épiscopal de
Saint-Pol de Léon[1]. A Paris, des parents par
alliance, les Hay du Châtelet, faisaient figure au Conseil d'État et à
l'Académie française. Les Maupeou, parents maternels, étaient pourvus de
grandes situations au Parlement, à la Chambre des comptes. A cette époque, où
l'on ne connaissait ni les sociétés politiques d'exploitation du budget ni
les groupes financiers, ces liens de famille donnaient seuls une force
considérable. Cependant,
sur ce fond de ciel favorable aux Foucquet, plus d'un nuage flottait. Si des
filles quatre étaient déjà religieuses, deux seulement de six garçons étaient
établis, François, évêque de Bayonne, et Nicolas, maître des requêtes. Les
quatre autres, âgés de dix-huit, douze, sept et cinq ans, restaient à
pourvoir. On ne
pouvait juger de la fortune de la famille par les sacrifices faits en vue
d'assurer à Nicolas une grande situation. La prudence paternelle, en ce
temps-là, croyait bien faire en laissant aux cadets plutôt l'appui d'un ainé
solidement établi, que le bénéfice incertain d'une égalité médiocre. Avec une
plus large part de biens, l'aîné prenait une plus lourde responsabilité
vis-à-vis de ses frères, devenus en quelque sorte ses enfants. Notre
maitre des requêtes quittait à peine le deuil de la mort de son père qu'il
perdit sa jeune femme, inhumée le 23 août 1641 en l'église de la Visitation,
dans le tombeau de famille[2]. De cette union, qui n'avait
duré qu'un an et demi, une petite fille était née. Nicolas
Foucquet ne déclina pas la tâche qui lui incombait. Sans succéder à son père
dans la présidence de la Compagnie des Seigneurs des îles d'Amérique, il v
prit toutefois une situation prépondérante et mérita la confiance de
Richelieu[3]. Il rendait compte des
affaires, correspondait directement avec le Cardinal, qui lui fit même part d'un illustre dessein fondé sur les colonies[4]. Foucquet ne s'est pas
autrement expliqué sur ce point. Autant qu'on peut conjecturer d'après les
idées émises ailleurs par Richelieu, il s'agissait de faire échec à
l'Angleterre, aussi menaçante sur mer que l'était sur terre la maison
d'Autriche[5]. En
1640, Nicolas Foucquet obtint le privilège de la colonisation du cap Nord, à
la Guyane, et de celle de Madagascar[6]. Dès ce temps-là, on appelait
privilège une espèce de droit que l'État vous donne de risquer votre argent
sous réserve de vous dépouiller si l'affaire tourne bien. Jusqu'alors, le
pavillon français n'avait été planté sur aucune terre des Indes orientales.
L'idée était à la fois bonne et patriotique : par malheur, l'esprit pratique
'et la persévérance firent défaut, comme toujours. Dernier coup à ces
espérances, la mort de Richelieu entraîna tant de complications politiques dans
la métropole, qu'on perdit de vue l'illustre
dessein des colonies[7]. Les
contemporains n'aiment pas ces grands génies qui, se croyant chargés de
modifier brusquement la forme du monde, les pétrissent comme de l'argile. Le
prestige et la gloire d'un grand capitaine peuvent seuls transformer en une
sorte d'admiration irréfléchie cette répugnance instinctive des victimes pour
leurs bourreaux. Mais Richelieu, malgré sa prétention affectée de commander
des armées sur terre et sur mer, était toujours resté dans l'esprit des
peuples le terrible Cardinal, le politique inexorable, qui assassinait
légalement ses ennemis, témoin Chalais, Marillac et tant d'autres. A sa
mort, la France respira plus à l'aise[8]. La réaction fut si vive qu'on
n'osa laisser le corps du tout-puissant ministre dans son fastueux tombeau de
la Sorbonne. Ses parents eux-mêmes craignaient de se montrer dans les rues. Ce
grand événement ne pouvait manquer d'affecter la fortune de Nicolas Foucquet.
Son protecteur mort, il n'avait plus qu'à compter sur lui-même. Or, une des
carrières actives ouvertes aux maîtres des requêtes était celle d'intendant ;
en d'autres termes, d'agent du pouvoir royal dans les provinces ou aux
armées. C'est dans ces dernières qu'on débutait le plus souvent. Foucquet, vers
la fin de l'année 1642, fut commissionné intendant
de police, justice et finances auprès de l'armée chargée de défendre la
frontière septentrionale.
Le général en chef, M. de Châtillon, avait sous ses ordres M. de Quincey,
capitaine hardi et véritable homme de main. S'il fut réservé à l'armée
commandée par le duc d'Enghien de frapper le grand coup de Rocroy, le petit
corps septentrional se signala par des pointes audacieuses chez les ennemis[9], qui, d'ailleurs, lui rendaient
ces visites. L'intendant participait au danger comme à l'honneur des
militaires, sans cesser toutefois d'être un agent de contrôle et de
juridiction. C'est ainsi qu'une difficulté s'étant élevée entre M. de Quincey
et les bourgeois de Guise, le nouveau ministre, Mazarin, chargea Foucquet
d'apaiser le conflit[10]. Cela se
passait en janvier 1643. L'homme habile qui remplaçait au pouvoir un homme de
génie éprouvait, dans sa haute situation auprès d'un roi expirant, autant et
plus d'inquiétudes sur son avenir que notre jeune intendant auprès des
armées. Louis XIII mourut le 14 mars, comme il avait vécu, partagé entre les
sentiments de rancune et de résignation, prétendant réglementer après sa mort
l'exercice d'un pouvoir qu'il n'avait pas su retenir pendant sa vie. Laissant
pour ce qu'elles valaient ces velléités d'un mourant, Mazarin se demandait
sur quelle force il s'appuierait. Irait-il au Parlement, à Monsieur, oncle du
futur souverain, à la Reine mère ? Repartirait-il pour l'Italie, avec son
chapeau de cardinal, fortune inespérée, en somme, pour le fils des Mazarini
de Mazare[11] ? On ne
quitte pas aisément la France, encore moins le pouvoir. Ces présidents et ces
conseillers du Parlement, magistrats austères jusqu'à la rudesse, dont il
ignorait les lois et les traditions, ne lui plaisaient pas plus qu'il ne leur
plaisait. Il avait su d'ailleurs se ménager toutes les chances, agréer an Roi
sans offenser la Reine. Il devina que cette reine, altière et généreuse à la
fois, rebelle à toute tyrannie, accepterait volontiers une autorité cachée
sous les formes respectueuses d'un dévouement passionné. De son
côté, Anne d'Autriche, femme très judicieuse, ne se méprenait pas sur la
valeur de Mazarin, politique habile, homme aimable, étranger sans attaches de
famille ni de patrie, qui serait d'autant plus lié au service d'une régente
et d'un roi mineur. Ministre et reine se comprirent, et leur calcul se trouva
juste. Louis XIII
avait voulu laisser l'autorité effective à une sorte de conseil de régence.
On ne tint aucun compte de sa volonté. Par amour du principe d'autorité, ou
plutôt par jalousie, ce fut parmi les prétendants au pouvoir une sorte de
lutte à qui le premier reconnaîtrait la Reine comme régente de droit, unique
dépositaire de la puissance absolue du Roi. Le
testament royal fut donc annulé. Le Parlement, si jaloux de son autorité,
consacra ces nouveaux arrangements qui ruinaient ses prétentions
gouvernementales. Cependant, au lit de justice tenu à cet effet, on eût pu
voir au fond des esprits le germe de toutes les querelles de la Fronde.
Pendant qu'un brave homme, André d'Ormesson, admirait comme volontairement chacun se soumettoit à un enfant à la
bavette[12], des conseillers plus avisés songeaient
à la prétention manifestée la veille par le gouvernement, de leur faire
donner une nouvelle investiture, négation de leur pouvoir permanent,
contradiction manifeste à la sanction qu'on sollicitait d'eux[13]. Si leurs pouvoirs devaient
être renouvelés à chaque avènement d'un roi mineur, de quel droit
pouvaient-ils autoriser l'institution d'une régence ? Mazarin,
encore incertain, toujours prudent, pénétré des idées de Richelieu[14], désapprouvait cette sorte
d'abaissement du pouvoir royal devant des robins, et n'était pas venu à la
séance[15]. Le chancelier Séguier, haï
comme créature de Richelieu, suspect à cause de sa rapide fortune[16], abandonné déjà comme voué à
une déchéance prochaine, n'était suivi que de deux ou trois maîtres des
requêtes. Un de ces fidèles était Nicolas Foucquet[17], dont l'empressement fut
récompensé. Contrairement aux espérances des mécontents, la Reine et son
ministre laissèrent en place et même favorisèrent les créatures de Richelieu[18]. La fortune des Foucquet, qui eût
pu s'effondrer dans ce changement de régime, se trouva au contraire
consolidée et rajeunie. On en eut bientôt la preuve. L'évêché d'Agde,
comprenant vingt-deux paroisses seulement, et valant 30.000 livres de rente,
était vacant. Retz, jeune prélat, coadjuteur de Paris, prétend qu'on le lui
offrit, en vue de l'éloigner de la Cour, et qu'il le refusa[19]. En tout cas, ce fut François
Foucquet que nomma le conseil. L'évêque de I3avonne s'était donné de tout
cœur à son diocèse, où, grâce à son zèle, il avait obtenu de grandes
améliorations. Appelée par lui, une de ses sœurs y fondait avec son concours
un couvent de ces Visitandines, chères à la famille Foucquet[20]. Ce ne fut pas sans regret que
François se laissa transférer au siège d'Agde. Peu
après, Nicolas faisait de son côté un nouveau pas dans la carrière. De simple
intendant auprès des armées, il passait intendant de justice, police et
finances pour la province de Dauphiné. La
fonction en elle-même rapportait douze mille livres par an, mais les
revenants-bons valaient trois fois plus. En certaines provinces, les
traitants, pour se concilier l'appui de M. l'intendant, ne marchandaient pas
mille écus par mois. C'était un pacte, non autorisé, mais non défendu[21]. Le peuple, pressuré, épuisé,
traitait alors ces fonctionnaires de voleurs
publics. Il n'avait
pas toujours tort. Bien que le célèbre mot : La
Reine est si bonne !
eût seul droit de se faire entendre à la Cour, il v arrivait de sourdes
rumeurs, puis des clameurs violentes contre les collecteurs d'impôts. Le
Dauphiné était considéré comme un département difficile. Le gouverneur devait
être originaire du pays. En son absence, l'autorité passait de droit au
premier président du Parlement de Grenoble. Le titulaire à cette époque était
le maréchal de Lesdiguières, très puissant, très considéré, sorte de
vice-roi, plutôt enclin à protéger ses compatriotes contre les extensions de
l'autorité royale, qu'a aider un fonctionnaire envoyé de Paris. Des
Dauphinois, les uns, bergers et bûcherons, vivaient, dans la montagne ; les
autres, ceux de la plaine, s'expatriaient six mois, allant travailler au loin
pour gagner leur vie, et ne voulant paver qu'à bon escient les impôts
réclamés par ce Dauphin qu'on ne voyait jamais, si ce n'est sous la forme de
collecteurs et d'intendant[22]. La mission de ce dernier
présentait donc de grandes difficultés. Foucquet
avait alors trente ans. Arrivé dans le pays, il constata que les taxes
étaient excessives, et dans quelle proportion ! Étant donné un revenu de
trois cents livres, l'assesseur des taxes l'évaluait arbitrairement à 500
livres, ce qui surélevait l'impôt de 40 pour 100. L'intendant n'hésita pas.
Il prit parti pour les contribuables. Le Parlement, le gouverneur
l'appuyèrent naturellement, et Lesdiguières se rendit à Paris pour solliciter
des dégrèvements. On
pouvait espérer que la population, en présence de ces preuves de bon vouloir,
attendrait patiemment le résultat des efforts de ses chefs, et, comme
François Foucquet allait prendre possession de son nouveau siège épiscopal[23], son frère, Nicolas, crut
pouvoir se rendre à cette cérémonie. Un grand concours de peuple anima cette
noire ville d'Agde et sa sombre cathédrale. Mais ce jour de fête eut un
triste lendemain. Soit hasard, soit calcul, pendant l'absence de l'intendant,
une émeute éclata dans sa province. A Moirans, notamment, le peuple mutiné
s'empara du rôle dressé pour les taxes et le brûla. Quand les nouvelles
parvinrent à Paris, avec ce détail de l'absence non autorisée de Foucquet, on
s'emporta contre lui. Déjà sa conduite avait inspiré le soupçon. Au lieu
d'envoyer les fusiliers soutenir les traitants, il intercédait en faveur du
peuple ; c'était trahir, tout au moins pactiser avec le populaire. Les
traitants lançaient toutes sortes d'insinuations : sous prétexte de voyage à
Agde, Nicolas avait fui devant l'émeute, et dans quelles circonstances ?
Quand le gouverneur, quand le premier président du Parlement étaient absents
! Le chancelier Séguier, accueillant ces dénonciations, intervint auprès de
Mazarin, et avant tout éclaircissement on décida d'envoyer à Grenoble un
autre fonctionnaire, M. de Laleu, sieur de Lauzières[24]. A cette
nouvelle, la compagnie des maîtres des requêtes s'émeut à son tour,
s'assemble au Palais, députe vers le ministre mal
informé des lois françaises. On sollicite pour Foucquet ; on proteste surtout contre la
nomination d'un intendant ne sortant pas du corps. Sur le point de droit,
Mazarin équivoque, puis promet de tenir compte de la réclamation ; mais sur
le point de fait, il se montre inflexible. D'abord, Foucquet a été bien
présomptueux de solliciter si jeune un poste si difficile ; il a été plus que
léger en s'absentant à l'heure du péril. La Reine l'a révoqué. Il n'y a pas à
y revenir[25]. Pendant
qu'on envoyait Lauzières à Grenoble, Nicolas recevait l'ordre de rentrer
immédiatement à Paris. Apprenant cette disgrâce, le Parlement de Dauphiné et
la Chambre des comptes s'empressent d'écrire en Cour. On y a desservi
l'intendant, bien injustement. La province entière, appréciant son talent, sa
probité, ses vertus, sollicite son maintien. Foucquet, toutefois, ne juge pas
convenable de différer son départ, et, le jeudi 11 août, il quitte Grenoble.
Deux conseillers au Parlement, MM. Ducros et Coste, le président du bureau
des finances, M. de Chaulnes, plusieurs autres personnages de marque décident
d'accompagner par honneur le fonctionnaire révoqué, qui, d'ailleurs, faisait
bonne contenance. A Moirans, le châtelain du lieu lui présente le rôle des
taxes déjà rétabli. A Romans, les notables l'assurent de leur bon vouloir et
montrent également un rôle reconstitué. Tout s'apaisait, et Foucquet n'avait
plus qu'à adjurer les populations et leurs chefs de rester désormais dans le
devoir. Le lendemain,
au moment de descendre de Romans à Tournon, Nicolas reçoit deux lettres,
l'une de l'évêque, l'autre du consul de Valence. Les femmes (le cette ville
s'étaient soulevées. Poussées par la misère, surexcitées par des propos vrais
ou faux attribués aux collecteurs de taxes, elles parcouraient les rues,
armées de hallebardes, de fourches, tambours battants. Les boutiques
s'étaient fermées. Les collecteurs avaient dît se réfugier dans la citadelle.
Derrière ces femmes, on devinait les hommes, prêts à les soutenir. Il y en
avait eu même d'arrêtés, et l'on craignait un soulèvement général. Que faire
? Le gouverneur n'était pas à Grenoble. Quand le nouvel intendant
arriverait-il ? On ne savait. Le succès d'une émeute dans une grande ville
pouvait compromettre l'ordre dans toute la province. Foucquet n'hésite pas.
Il expédie son équipage sur Tournon, envoie une dépêche à Lesdiguières et
monte à cheval, suivi de MM. Ducros, Coste, La Batie, du prieur de Gourdon,
et d'un seul domestique, nommé Fréchet, vieux serviteur de la famille. Prévoyant
sa venue, cent cinquante femmes environ, armées comme on a dit, s'étaient
rendues sur la route de Moirans ; mais Foucquet avait justement pris un
chemin de traverse. Aussi, entrant à Valence par une autre porte, il laissait
ses chevaux à l'hôtellerie du Petit-Paris, et se rendait en hâte à l'évêché.
Là, on l'instruit de ce qui se passe, des attroupements aux portes et sur les
places. Aussitôt, il dépêche le greffier de la justice ordinaire pour inviter
les mutinées à venir le trouver. Elles arrivent. Sur parole qu'il ne leur
serait fait aucun mal, sept ou huit d'entre elles pénètrent sans armes dans
l'évêché. Le
siège épiscopal de Valence était occupé depuis un demi-siècle par des membres
de la famille de Gelas de Leberon, originaire du pays, aimée et respectée. On
savait que l'intendant réclamait en faveur du peuple. Aussi, à peine admises en
présence de l'évêque et du magistrat, ces femmes, naguère furieuses,
subitement adoucies, se jettent à genoux, demandant justice des outrages que
leur faisaient subir les soldats de la garnison. Elles remettent une requête,
signée par prudence de noms supposés. Foucquet promet d'examiner leurs
plaintes, de leur faire rendre justice ; mais il exige leur soumission
préalable, le désarmement, la dispersion des attroupements. L'évêque les
exhorte à son tour à mériter l'indulgence qu'on est disposé à leur accorder. Alors
les déléguées se déclarent sans pouvoir suffisant sur leurs camarades restées
au dehors. Elles demandent avec prière qu'on leur parle comme on a fait à
elles-mêmes. Foucquet s'y accorde, fait ouvrir la porte. Les femmes
commençaient bt entrer, pertuisanes et fourches sur l'épaule, une d'elles
battant toujours du tambour. 11 leur fait dire qu'il ne parlera pas si elles
ne désarment. Une vingtaine seulement restent au dehors en surveillance ; le
surplus, cent cinquante environ, obéissent, entrent dans la salle basse de
l'évêché. Persuadées à leur tour par les paroles conciliantes et fermes de
l'intendant, elles se retirent avec ordre, rompent leurs assemblées, rentrent
en leurs maisons, et, pendant le reste du jour, la cité se trouve pacifiée
comme par enchantement. Plus d'apparence de sédition. Foucquet
profite du calme pour retourner au Petit-Paris. Il y reçoit ic lieutenant du
Roi, les juges au présidial, tes consuls, divers témoins, tous ceux qui
faisaient appel à sa justice. Une femme, avec ses deux petits-enfants et
quelques voisines, vient tout en larmes réclamer son mari, un cordonnier
nommé Saint-Germain, arrêté la veille et enfermé dans la citadelle. Pensant
que cette grâce aiderait à l'apaisement des esprits, Nicolas accueille cette
malheureuse avec douceur, lui donne espérance d'une prompte enquête, envoie
immédiatement à la citadelle et auprès du lieutenant du Roi. On ne produisait
pas de charge contre le cordonnier ; il était blessé à l'œil, donc il avait
pris part aux émeutes. Foucquet ne s'arrête pas à l'objection, entend (les témoins,
enfin fait élargir Saint-Germain, sous caution et en l'exhortant, lui, sa
femme et sort frère, ii ne plus se mêler aux assemblées et même à en
détourner les autres. L'abbesse
de Tournon avait envoyé au-devant de Foucquet sou carrosse qui attendait sur
le bord de la rivière. Il était huit heures, trop tard pour aller souper à
l'abbaye ; mais Foucquet, après l'ordre qu'il avait reçu de quitter la
province, n'y voulait pas séjourner au-delà du temps nécessaire. Le calme est
rétabli. Il peut partir, et monte en carrosse avec les sieurs Micros, Coste
et de Saint-Gilles. C'est alors qu'il eut la funeste inspiration de passer
par la citadelle, où se cachaient les collecteurs de tailles, et d'y conférer
encore avec le lieutenant du Roi, objet de la haine des Valentinois. Comme
il se décidait enfin à se rendre à Tournon, on aperçoit aux clartés de la
lune des femmes courant après le carrosse. Foucquet donne ordre d'arrêter ;
aussitôt elles s'arrêtent. Il poursuit sa route, sort de la ville. Tout à
coup, le long de la contrescarpe, il est attaqué à coups de pierres, dont
l'une le touche en pleine poitrine. Puis, quatre ou Cinq cents émeutiers,
hommes et femmes, environnent le carrosse en criant : Tue ! tue ! aux voleurs ! on emmène les voleurs ! Foucquet veut parler. On ne
l'écoute pas. Le cocher fouette ses chevaux et gagnait pays quand le cheval
du milieu s'abat : les émeutiers, un instant distancés, se rapprochent
rapidement ; le cocher, le postillon prennent la fuite ; les conducteurs des
chevaux de selle les imitent. Ducros et Saint-Gilles se jettent hors du
carrosse, disparaissent. Tous, à l'exception de Coste, abandonnent
l'intendant. Restés
seuls, Foucquet et Coste cherchent à leur tour à s'échapper ; mais, ignorants
du pays, fatigués, ils reconnaissent leur impuissance. Les cris de : Tue ! tue ! les voleurs se rapprochent. Foucquet propose à son compagnon de
tourner visage, de marcher aux émeutiers et d'essayer encore du pouvoir des
remontrances. Coste, très brave, lui déclare qu'il ne l'abandonnera pas. Les
voilà face à face avec les insurgés : Pourquoi
voulez-vous nous tuer ? Quel déplaisir avez-vous reçu de nous ? Pas de réponse, si ce n'est à
grands coups de pierres et de hallebarde. Coste, blessé, met sa rapière à la
main. La foule le sépare de l'intendant, qui continuait de parler à ces
furieux, recourant tantôt aux prières, tantôt aux intimidations : Quelle vengeance sa mort attirerait sur eux ! Ne
devaient-ils pas, au contraire, par honneur, le prendre en leur protection !
Il se rendait leur prisonnier. Fallait-il tant de gens pour tuer un homme
désarmé ! Si vous avez quelque crédit sur vos compagnons, faites cesser le
bruit, emmenez-nous où vous voudrez ; vous reconnaîtrez que nous ne vous
avons jamais fait tort. Si nos explications ne vous contentent pas, vous
pourrez toujours nous tuer. L'éloquence
de Foucquet triomphe encore une fois de la fureur populaire. On fait quarante
pas en retour vers la ville ; mais la foule augmente, et ces hommes, en
apparence mieux disposés, sont emportés par un flot de femmes criant qu'elles
ont été trahies, qu'on a fait échapper les voleurs, ces Martel, ces Bachasson
qui les ont menacées de les réduire à paître l'herbe. La presse toutefois
était si grande autour des cieux hommes que l'espace manquait pour les
frapper. Foucquet tente un nouvel effort. Par raison, par prière, il
détermine trois ou quatre femmes à ne le point quitter, à le défendre contre
les autres. Encore une fois subjuguées par ses paroles, ces exaltées lui font
un rempart de leurs corps. Les unes élèvent leurs mains pour couvrir sa tête
et en écarter des pierres qui les blessent elles-niâmes. Les plus hardies
tournent contre leurs camarades la pointe de leurs hallebardes. A quelques
pas de là, clans le bourg, se trouvait une sorte de taverne, à demi ouverte.
Foucquet obtient d'y titre conduit, mais subitement la porte se ferme avant
qu'il puisse entrer, et le péril renaît plus imminent encore, s'il est
possible. Non sans grandes luttes, ces femmes parviennent à l'une de leurs
maisons et y abritent leur protégé. A peine
en sûreté, Foucquet demande, exige qu'on aille au secours de Coste, qu'il
avait vu frapper, blesser. En vain le malheureux criait-il aux bourreaux
qu'il était conseiller au Parlement, ami du peuple. On ne l'écoutait pas.
Enfin, on arrache la victime ruisselante de sang et on la ramène dans un état
si désespéré que Foucquet envoie chercher à la fois un chirurgien et un
prêtre. Cependant,
le bruit de l'insurrection avait été entendu de Valence. Quelques personnages
de la noblesse ou du conseil avec des mousquetaires, l'évêque et ses gens
arrivent au secours de l'intendant, qui, laissant bonne garde auprès de son
compagnon, se rend à l'évêché, où il lui est donné, après de si vives
alarmes, de respirer et de se reconnaître. Il constate d'abord qu'on lui a
volé ses papiers, son argent, divers objets ; que ses habits sont percés de
coups de pertuisane, dont plusieurs ont effleuré le corps. Sans se préoccuper
de ces égratignures, il envoie à la recherche des déserteurs Ducros et
Saint-Gilles. Ce dernier avait pu trouver un cheval et se sauver. Quant à
Ducros, sa fuite peu généreuse ne lui avait pas profité. Poursuivi, rattrapé,
assassiné, dépouillé de ses vêtements, il avait été jeté dans le Rhône. Comme
on ramenait son cadavre, une foule de deux cents insurgés n'avait pas craint
d'attaquer le sieur de Montclard et ses amis, qui, cette fois, les avaient
chargés, tués, dispersés ou faits prisonniers. Le
lendemain, on entendait encore de redoutables grondements dans la populace.
Cinquante maisons étaient marquées pour le pillage et l'incendie. Les
autorités, redoutant un malheur, prièrent Foucquet de se retirer à Tournon.
Foucquet, au contraire, déclara qu'il aimait mieux mourir que de quitter
Valence en ce désordre et tant qu'il y pourrait être utile au service du Roi.
Il constitua une sorte de garde civique. Ce concours des bourgeois lui permit
de refuser l'envoi de troupes, dont la présence aurait surexcité la ville. En
même temps, pour supprimer un des griefs vrais ou faux du peuple, il fait
publier une ordonnance défendant les accaparements de blé, à peine de
confiscation et de châtiment exemplaire. Évidemment, il connaissait son
métier. Le 15
et le 16 août se passent en rédaction de procès-verbaux, en procédures, en
enquêtes, etc. lin ce temps de justice expéditive, un retard de deux jours
était considéré comme une faiblesse. Les mutins commencent à dire qu'ils ne
laisseront pas juger les prisonniers. Foucquet en est instruit. Il se rend au
présidial, avec une escorte. Pour mieux affirmer sa force, il envoie chercher
les prisonniers à la citadelle, leur fait traverser deux fois toute la ville.
Personne n'ose bouger. Alors,
voyant tout calme dans la cité et tout au tribunal prêt pour le jugement des
accusés, ce jeune fonctionnaire, sous le coup de la défaveur de son
gouvernement, sous l'impression plus vive encore des injures de la populace
et du péril de sa vie, donna un grand exemple de modération en même temps
qu'une grande preuve de respect pour la justice. Aux termes des ordonnances,
l'intendant avait le droit de présider le tribunal. Foucquet fait constater
qu'il y a nombre suffisant de juges, qu'il est lui nommément désigné dans
presque toutes les dépositions des témoins comme victime des accusés. Ne voulant
pas être à la fois juge et partie, il se retire avant les interrogatoires, pour ôter, dit-il, tout soupçon que les
accusés eussent pu avoir de nostre ressentiment. De plus, sur la nouvelle que Lesdiguières
accourt avec une Chambre entière du Parlement de Grenoble, il ordonne de tout
laisser jusqu'à l'arrivée de ces autorités supérieures. Enfin, le 20 août,
ayant remis le pouvoir à qui de droit, Nicolas se rendit à Tournon,
accompagné par un grand nombre de nobles et de bourgeois reconnaissants de
ses efforts, pleins d'admiration pour son courage et sa modération[26]. Foucquet
avait échappé aux séditieux, non aux jaloux et aux dénonciateurs. Il y parut
bien aux lettres de son successeur, Lauzières. Ce dernier insinuait que la
division entre personnes puissantes avait plus de part dans ces troubles pie
la misère des populations. On croirait lire un rapport de préfet agréable. Lorsque M. Foucquet a esté remplacé, on n'a pas manqué de
dire qu'il avoit esté rappelé pouravoir escrit en faveur du peuple à Messieurs
du Conseil[27]. Il
fallut pourtant bien se rendre à l'évidence. Le présidial de Valence ayant
condamné à mort trois des insurgés, les députés du Parlement de Grenoble
élevèrent un conflit. On ne put exécuter le jugement, faute de bourreau. Très
sagement, Lesdiguières, le gouverneur, ordonna une nouvelle enquête. En fait,
les receveurs des tailles n'étaient pas moins prisonniers que leurs victimes
et n'osaient quitter l'abri des murs de la citadelle. On en
revint forcément aux mesures d'apaisement prises par Foucquet, qui fut
justifié de tous reproches. Seulement, comme les ministres n'ont jamais tort,
on ne le replaça pas dans les fonctions civiles, et il dut reprendre du
service auprès des armées en campagne. Le comte
d'Harcourt, vice-roi de Catalogne depuis 1645, avait de son chef assiégé
Lérida, en mai 1646. Mazarin, après avoir comme toujours pris ses réserves
contre cette tentative, s'était, sur les apparences du succès, complètement
retourné[28]. Mais au bout de deux mois,
l'assiégeant était aussi affamé que l'assiégé ; il se plaignit à Paris de ce
qu'il ne recevait pas, en vivres et en argent, toute l'assistance nécessaire.
Ces plaintes étaient d'autant plus graves qu'on n'avait pas encore dans le
public oublié l'échec subi devant cette même ville de Lérida par le maréchal
de La Motte-Houdancourt, qui rejetait la faute sur l'abandon où l'avait
volontairement laissé Mazarin[29]. Cette fois, le ministre
résolut d'expédier, en mission extraordinaire, un maître des requêtes, qui
ferait son rapport, après quoi, on aviserait. C'est ainsi que le Roi, ayant une entière confiance en la capacité, probité,
prudence, fidélité et affection à son service du sieur Fouquet (sic), l'envoya en inspection à
l'armée de Catalogne[30]. Le
maître des requêtes emportait avec lui une ample instruction. Il devait
s'acheminer le plus diligemment possible, communiquer à Barcelone avec son
collègue de Marca[31], visiteur général de la
province, mais sans s'arrêter et de manière à arriver au plus vite au camp devant Lérida ou autre lieu on sera ledit comte d'Harcourt. Mazarin n'était pas sans
inquiétude sur l'issue du siège[32], et ses craintes n'étaient que
trop fondées. Le 21 novembre, les Français, surpris par une habile manœuvre
des ennemis, avaient dû se retirer. Le prince lorrain, naguère célébré comme
le véritable Mars français[33], tombait en disgrâce, plus
qu'en disgrâce, en plein discrédit[34]. Entre
autres missions données à Foucquet se trouvait celle de faire le procès à un
secrétaire du maréchal de La Motte-Houdancourt, un sieur Moreau, commis à
l'extraordinaire des guerres, emprisonné pour crimes de fausse monnaie,
billonnement d'espèces[35], exactions, concussions, etc.[36] Mais à peine arrivé en
Catalogne, l'intendant trouvait un bien autre emploi de son autorité. Toute
défaite soulève des récriminations souvent injustes. Le Général avait fait
arrêter un certain nombre d'officiers, accusés de négligence[37] (13 janvier 1647). Mérinville, maréchal de camp,
La Trousse, aussi maréchal de camp[38], le capitaine La Baume,
lieutenant-colonel au régiment de Rebé (sic), étaient détenus à Barcelone. Foucquet avait
ordre de ne pas quitter le pays avant d'avoir achevé tous ces procès, jusqu'à
exécution des sentences exclusivement. Il n'était pas nécessaire de limiter
ses pouvoirs. Comme en Dauphiné, il fit preuve de prudence et de réserve. Un
mois plus tard, il rentrait à Paris, et le Roi écrivait au comte d'Harcourt qu'ayant vu et examiné en son conseil les informations et
interrogations qui ont esté faites par le sieur Foucquet, il ordonnait de mettre les
prévenus en liberté[39]. Mazarin adressait ses
félicitations à La Trousse et à Mérinville[40]. L'entente était cette fois
complète entre le ministre et l'intendant. Ce
dernier rentra aussitôt dans le rang, très assidu à son service de maître des
requêtes. Mais, dès le 5 mai suivant, on le nommait intendant de justice et
finances à l'armée de Flandre. Aux termes de la commission, cette armée, en
rassemblement sur les frontières de Picardie, devait être la plus puissante
de celles qu'on mettait sur pied cette année. Le duc d'Orléans la
commanderait. Sous ses ordres, elle entrerait dans les Pays-Bas pour continuer les progrès de conquêtes, si heureusement
amenés et poursuivis jusqu'ici[41]. Il
n'était fait mention du duc d'Orléans que pour la forme. Gaston, parti pour
les eaux de Bourbon[42], ne savait même pas le nom de
l'intendant de son armée, et ce fut Mazarin qui lui apprit que cette
nomination venait directement de la Reine[43], Voilà
un premier grand pas dans la voie de la fortune et un retour de faveur dû,
paraît-il, à l'ascendant moral de madame Foucquet la mère, très estimée par
la reine Anne d'Autriche. Nicolas
ne se rendit pas immédiatement à son poste, où il fut suppléé par Le Vayer,
intendant à Arras[44]. Bien qu'on ne connaisse pas au
juste les causes de ce retard, on les devine aisément. Rien ne marchait, si
ce n'est les bals, la comédie et l'opéra. Condé était parti pour la
Catalogne, désespéré de l'état des recrues. L'armée de Flandre, la plus puissante de celle qu'on devait mettre sur pied, n'était pas ensemble au mois de juin, faute de cet argent qu'on prodiguait aux
chanteurs italiens[45]. Quelques maîtres de camp le
dirent à demi-voix. La Reine se ficha tout liant et les fit mettre en prison.
Cela pouvait donner de la besogne à l'intendant de police aux armées, mais
non des hommes dans le rang. De plus, les troupes rassemblées étaient
partagées en deux corps commandés, l'un par Gassion, l'autre par Rantzau,
plus prêts à se battre entre eux qu'avec les ennemis. Commencée
sous de tels auspices, la campagne ne pouvait être brillante. En mai 1647, la
Cour prit résidence à Amiens. Les
Espagnols assiégeaient alors Armentières, place médiocre et dont la
population, encore tout espagnole de cœur, conspirait contre la garnison
française. Le gouverneur était un sieur du Plessis-Bellière, homme de mérite
et de courage, qui tint pendant plus de vingt jours contre les ennemis du
dehors et du dedans[46]. Sa femme, Suzanne de Bruc,
s'était enfermée avec lui, personne remarquable à plus d'un titre, et qu'il
importe de faire connaître. Elle
était d'origine bretonne par son père, un de Bruc, italienne par sa mère,
fille d'un sieur Venier des Venieri de Venise. Elle avait la taille bien
faite et déliée, des cheveux fort beaux, des yeux pleins d'esprit et de douceur.
Sa physionomie spirituelle plaisait tout d'abord ; elle s'exprimait avec
grâce, et le son de sa voix était charmant. Délicate de santé, elle suppléait
à sa faiblesse physique par une grande force de volonté[47]. On en eut la preuve à ce siège
d'Armentières. Du Plessis-Bellière avait voulu l'obliger à quitter la ville
avec ses enfants ; elle refusa de l'abandonner. Les uns et les autres v
coururent de grands dangers. Un jour, on vit cette mère courageuse traverser
la place sous une pluie de projectiles pour aller au secours de ses petits-enfants,
restés dans la maison du gouverneur, point de mire des ennemis. Elle servait
de lieutenant à son mari ; s'il prenait quelque repos, elle veillait à
l'exécution de ses ordres. Après
qu'il eut deffendu cette place au-delà de toute apparence de possibilité, il
ne ponvoit encore se résoudre de capituler, et préféroit une mort glorieuse à
une capitulation qui ne pouvoit pourtant manquer de luy estre très honnorable.
Neantmoins, un sentiment de tendresse pour sa femme[48] l'obligeant de vouloir avoir son
consentement, il luy proposa de ne se rendre point, et, puisqu'il falloit
abandonner la ville aux ennemis, de faire une sortie avec tout ce qui luy
restoit de gens et d'essayer enfin par sa valeur de se faire un chemin l'espée
à la main, et de battre encore les ennemis en leur cédant la place. Madame
du Plessis-Bellière connut bien tout le danger de cette résolution, mais
voyant l'aversion que son mari avoit à se rendre, elle consentit
courageusement à ce qu'il voulut ; et, en effet, il disposa les choses pour
cela. Les chariots de la mère et de ses enfans furent prests, et pour monstrer
la tranquilité de son aune à la vend des plus grands périls, il eut mesme
soin d'y faire mettre diverses choses qui ne servoient qu'à son plaisir. Cependant,
ayant esté obligé de tenir conseil de guerre, les officiers luy
représentèrent si fortement les raisons qui devoient l'obliger à se rendre
sans scrupule, qu'à la fin il fit une capitulation très glorieuse ; ainsi le
généreux du Messis-Bellière sortit de cette place, dont la prise fut bien
moins glorieuse à ceux qui la prirent qu'à celuy qui la rendit, après y avoir
fait périr une grande armée, et l'avoir deffendud deux mois, quoy qu'on eust
crû la prendre en deux jours, et qu'elle n'eust point d'autres forces que le
courage de celuy qui la deffendoit ![49] Quand
ce brave officier arriva à Amiens, où se trouvait la Cour, la Reine lui fit
beaucoup d'accueil, lui promit un dédommagement, le nomma maréchal de camp et
l'envoya servir à l'armée de Flandre. Un
sieur de Gombaud, intendant de justice, police et finances dans Armentières,
y avait été retenu pour donner ordre au payement de dettes contractées au nom
du Roi[50]. Il fallut le dégager. Cette
circonstance remit en présence les Plessis-Bellière et Nicolas Foucquet, qui
les connaissait depuis sou mariage. L'intendant vit aussi plus familièrement les ministres et les princes. Quand Mazarin se retira, n'espérant pas de grands succès, mais ne craignant pas non plus de grands revers, il laissa Foucquet à l'armée comme homme de confiance. Ce dernier s'acquittait de ses devoirs avec autant d'activité que d'énergie. Apprenant que Gassion était blessé à mort sous les murs de Lens, il courut aux avant-postes, donnant ordre au plus pressé[51]. Les hostilités durèrent encore un mois, et, vers novembre, les troupes s'établirent dans leurs quartiers d'hiver, plus nombreuses à la fin de la campagne qu'à ses débuts ; ce qui fit honneur à l'intendant. |
[1]
RETZ, Mémoires,
t. I, p. 267, collection des Grands Écrivains. René Cupif fut sacré en
1639, en remplacement de René de Rieux.
[2]
JAL, Dictionnaire
biographique, art. Foucquet.
[3]
FOUCQUET, Défenses,
t. VI, p. 350.
[4]
FOUCQUET, Défenses,
t. III, p. 357.
[5]
Testament politique, p. 5.
[6]
DE FLACOURT, Histoire
de la grande isle de Madagascar, Paris, 1638, in-4°. Cet ouvrage est dédié
à Foucquet.
[7]
SAVARY, Pratique
du commerce, t. II, p. 208.
[8]
ORMESSON, Journal,
t. I, p. 7.
[9]
MAZARIN, Lettres,
t. I, p. 872.
[10]
Bibl. Mazarine, ms. 5719, f° 9 r°. MAZARIN, Lettres, t. I, p. 843.
[11]
TALON, Mémoires,
p. 91. Mazarin lui-même a raconté ses perplexités à Omer Talon.
[12]
ORMESSON, Journal,
t. I, p. 58.
[13]
Omer TALON, Mémoires,
édit. Michaud, p. 93.
[14]
Mémoires de Richelieu. Histoire de la mère et du fils.
[15]
TALON, Mémoires,
p. 91.
[16]
MOTTEVILLE, Mémoires,
t. I, p. 106.
[17]
ORMESSON, Journal,
t. I, p. 50.
[18]
MONTGLAT, Mémoires,
p. 155.
[19]
RETZ, Mémoires,
t. I, p. 207, collection des Grands Écrivains.
[20]
Note communiquée par M. l'abbé Lasserre, Cf. BOUGAUD, Histoire de sainte Chantal, t.
I, p. 654.
[21]
ORMESSON, Mémoires,
t. I, p. 231.
[22]
Le régiment de Mazarin, composé d'Italiens, était en garnison en Dauphiné. MAZARIN, Lettres,
1er juillet 1644, t. II, p. 609.
[23]
Gallia christiana, t. VI, col. 122 et 701.
[24]
TALLEMANT, Historiettes,
édit. 1840, t. VIII, p. 100.
[25]
ORMESSON, Journal,
t. I, p. 201.
[26]
Bibl. nat., ms. Dupuy, vol. 631, f° 240 et suiv.
[27]
Lettre du 28 août, citée par M. de La Ferrière. Deux années de mission à
Saint-Pétersbourg, p. 144, n° 114 des Documents de Saint-Pétersbourg. La
conduite de Foucquet dans son intendance du Dauphiné a été très bien appréciée
par un poète latin contemporain :
Allobtouum imposuit juri censure iurandis ;
Protinus et famæ et poputorum ostendit amati,
Quant constans tibi cura fuit cohibere patentes !
Erigere afflictos ! cunctis æ puare tributa !
Tonsaque qua in minimis sunnnittere vellera damais !
Tota Isarœ, tota invidit vicinia Draco
Quod te perpetuis fruerenturjudice ripis.
Petri Hallæi Carmina, p. 191. Paris, Thiboust,
1655.
[28]
QUINCEY, t. I,
p. 72. — Lérida est aux abois. Mazarin, lettre
du 13 octobre 1646, Lettres, t. II, p. 328 ; lettre du 20 octobre, ibid.,
p. 330.
[29]
AUBERY, Histoire
de Mazarin, t. II, p. 66.
[30]
Archives du ministère de la guerre, registre 109, f° 212, 215.
[31]
Marca avait été intendant, chargé d'informer des faits et gestes du maréchal de
La Motte. AUBERY,
Histoire de Mazarin, loc. cit.
[32]
Lettre du 16 novembre 1646. Lettres, t. II, p. 827.
[33]
Le héros françois, ou l'idée du grand capitaine, par le sieur DE CERIZIERS. Paris, 1645.
Le grand capitaine est le comte d'Harcourt.
[34]
Mémoires de Motteville, t. I, p. 296 ; Mémoires de Goulas, t. II,
p. 196. Lettres de Mazarin du 10 décembre 1646, Lettres, t. II, p. 340.
[35]
On appelait billonnement la spéculation sur les monnaies.
[36]
Archives du ministère de la guerre, registre 100, f° 222.
[37]
Archives du ministère de la guerre, registre 100, f° 247 ; registre 103, p. 26.
[38]
V. une lettre de Mazarin à M. de La Trousse, qui lui avait expédié un courrier.
Lettres, t. II, p. 817. La Trousse parait avoir été une sorte d'agent du
ministre.
[39]
Archives du ministère de la guerre, registre 103, f° 92, 93.
[40]
MAZARIN, Lettres,
t. II, p. 864, 882.
[41]
Archives du ministère de la guerre, registre 103, f° 311. La même commission
existe en minute, registre 101, f° 153.
[42]
Cette petite comédie est bien expliquée dans les Mémoires de Goulas, t.
II, p. 214,
[43]
Lettre du 29 mai à l'abbé de La Rivière. Lettres, t. II, p. 898.
[44]
Archives du ministère de la guerre, registre 103, f° 137. La lettre du Roi est
datée d'Amiens, 23 mai.
[45]
GOULAS, Mémoires,
t. II, p. 217, 218.
[46]
Histoire de la Monarchie françoise sous le règne du roy Louis XIV, t. I,
p. 222 et suiv. Paris, Besogne, 1662. Le privilège, daté du 1er avril 1661, est
donné à C. D. S. S. D. L. (Sorel). Cet ouvrage est curieux à titre de
renseignement. Il est favorable à Foucquet et à ses amis.
[47]
Nous empruntons les principaux traits de ce portrait à Mme de Scudéry. Clélie,
t. VIII, p. 309. Nous le tenons pour ressemblant.
[48]
Mélinthe est le nom de Mme du Plessis-Bellière dans Clélie, Belisante
est celui de son mari.
[49]
SCUDÉRY, Clélie,
t. VIII, p. 1300.
[50]
Histoire de la Monarchie, etc., t. I, p. 230.
[51]
MAZARIN, Lettres,
t. II, p. 955. Lettre du 30 septembre 1.6.V7 à Foucquet.