Nicolas
Foucquet, conseiller au Parlement de Metz, maitre des requêtes, intendant
d'armée et de province, procureur général au Parlement de Paris, surintendant
des finances, ministre d'État du roi Louis XIV, est un des grands personnages
du dix-septième siècle. Protecteur éclairé des lettres, ami prodigue des
beaux-arts, homme généreux et séduisant, aimable et aimé, favori, puis
victime de la fortune, précipité du faite des honneurs dans une dure et
longue captivité qui ne finit que par sa mort, Foucquet est encore
aujourd'hui moins connu que célèbre. On ne cite guère que certains épisodes
de sa vie rattachés à l'histoire générale, où d'ailleurs il n'apparaît que de
profil. Il
sera, au contraire, le sujet spécial de cette étude, où l'on essayera de
dessiner exactement cette intéressante figure. A cet
effet, un petit nombre de pages aurait pu suffire ; mais nos modernes curieux
ne se contentent pas du seul portrait d'un homme ; ils veulent, et ils ont
raison, le voir au milieu de ses contemporains, sous toutes ses faces, dans
ses actions, dans ses pensées, dans l'entière réalité de sa vie. Si
l'œuvre répond à la matière, ils seront satisfaits. Les
recherches qu'un certain amour-propre de famille fit
entreprendre à Nicolas Foucquet, les pièces authentiques saisies par milliers
et produites par des ennemis acharnés, les documents incontestables opposés à
ces attaques par une défense opiniâtre nous ont livré le personnage, ont
produit au grand jour son origine, sa vie intime et publique, les amitiés que
lui valut un heureux naturel, les haines qu'il eut à subir, car, par
lui-même, on ne le -vit jamais haineux. Comme à Pompeï les cendres du Vésuve
ont saisi tout vifs certains Romains, les procédures violentes de Colbert
nous ont livré Foucquet, ses parents, ses amis et ses amies, sans
préparation, dans l'état où les surprit l'explosion de colère d'un roi
jaloux. On
verra donc l'origine de la famille Foucquet, ses développements et ses
progrès pendant deux siècles, jusqu'au jour où elle atteignit sou plus haut
degré de fortune, grâce au génie de Nicolas. La vie
de ce dernier suivra, avec ses phases ascendantes et descendantes, ses
efforts, ses succès, ses malheurs. Enfin,
après le long martyre de son héros et un retour éphémère de splendeur, cette
famille disparaîtra subitement comme un de ces vaisseaux qui, désemparés dans
un combat, flottent un jour encore et tout à coup sombrent. Le lecteur courageux que ne rebutera pas cette histoire qu'on eût voulu faire plus courte, finira, j'espère, par y prendre intérêt, sentant qu'elle est vraie et que cette lecture le constitue juré d'une cause où comparaissent devant lui l'accusé, les accusateurs et les juges passionnés d'un grand procès qui, pendant cinq ans, tint l'Europe attentive. |