§ I. — Son enfance et sa jeunesse. Antonin est né pendant l'année où l'empereur Domitien exerçait le consulat pour la douzième fois en compagnie de Ser. Cornélius Dolabella, le treizième jour avant les calendes d'octobre[1], c'est-à-dire en style vulgaire, le 19 septembre de l'an 86 de l'ère chrétienne. On connaît cette date précise du 19 septembre, à cause du soin pieux avec lequel on célébrait l'anniversaire du jour heureux qui avait donné à l'empire romain un prince bien-aimé. Dès qu'Antonin était devenu empereur, le Sénat avait décrété des fêtes solennelles pour le jour de sa naissance. L'habitude de solenniser par des fêtes publiques et officielles l'anniversaire de la naissance du prince remontait jusqu'à Auguste, sans que l'autorité de ce précédent eût créé le même droit à chaque empereur. Cet honneur était une manière d'apothéose anticipée ; à ce titre, il dépendait du Sénat, qui ne semble pas en avoir abusé, puisque dix-neuf empereurs seulement l'ont obtenu[2]. Aussi faut-il croire qu'il avait un prix tout particulier : Antonin, dont plus d'un trait mettra la modération en lumière, ne consentit à accepter, parmi les honneurs que le Sénat avait décrétés pour lui lors de son avènement, que les jeux du cirque destinés à rappeler l'anniversaire de sa naissance[3]. Ces fêtes du 19 septembre entrèrent de bonne heure dans les mœurs. Ainsi, l'an 153, une donation charitable est faite à une importante association religieuse de Rome, le collège d'Esculape et d'Hygie, et le donateur y met la condition que des secours seraient distribués chaque année le treize des calendes d'octobre, au jour très heureux de la naissance d'Antonin le Pieux, notre seigneur, père de la patrie[4]. Six années après la mort d'Antonin, un habitant de Collipo en Lusitanie, aujourd'hui Leiria dans l'Estramadure portugaise, élève au nom de ce municipe une statue au prince qu'il appelle, d'après une formule qui semble avoir été créée pour lui, le prince le meilleur et le plus saint de tous les siècles ; il fait choix pour la dédicace de son monument du treizième jour avant les calendes d'octobre[5]. Au milieu du quatrième siècle encore, on le sait par le calendrier officiel qui est resté de cette époque [6], le 19 septembre voyait des réjouissances solennelles en l'honneur de la naissance d'Antonin. Le futur empereur naquit a peu de distance de Rome, dans une villa que sa famille possédait à Lanuvium[7]. Sa famille, du moins la famille de ses ancêtres paternels, était originaire de Nîmes dans la Gaule transalpine : Antonin est donc un peu notre compatriote, et Nîmes a eu quelques droits de le revendiquer pour un de ses enfants en lui élevant une statue sur une de ses places publiques. Que l'on retienne ces deux circonstances, cette naissance à la campagne et cette origine provinciale. Il y a là une double influence qui peut rendre compte en partie de la simplicité de vie et de la pureté de mœurs qui ont été l'un des traits les plus frappants du caractère d'Antonin. Lanuvium s'élevait sur une colline à droite de la voie Appia, à dix-neuf milles, environ sept lieues de Rome. Elle porte aujourd'hui le nom de Civita-Lavinia par suite d'une confusion qui a été faite entre Lanuvium et la cité de Lavinies fondée par Énée. Civita-Lavinia n'est plus qu'un misérable village, comme on en trouve tant dans la campagne romaine, avec quelques rares habitants, cultivateurs ou bergers, que décime la malaria. Tout autre était l'aspect de Lanuvium dans l'antiquité. La ville possédait l'un des temples les plus vénérés du Latium, le temple de Junon Sospita, et elle devait à ce sanctuaire renommé une grande prospérité. De plus, admirablement située sur une petite hauteur, à proximité des monts Albains, au milieu d'une campagne qui était pleine alors de verdure et de mouvement, la vieille cité latine était vite devenue un lieu de plaisant fort à la mode chez les oisifs de Rome, à quelques heures du Forum et sur la route si fréquentée de Rome à Capoue. On trouve encore à Civita-Lavinia bien des ruines de villas antiques qui attestent l'importance de la patrie d'Antonin. Pour lui Lanuvium demeura toujours un lieu de prédilection que les magnificences, un peu artificielles, de la villa de Tibur ne lui firent pas oublier. On verra qu'il y fit élever des temples, et il dut certainement travailler à agrandir ou à orner la maison de campagne où il avait vu le jour. La villa de Lanuvium passa ensuite par héritage à son gendre et fils adoptif, Marc-Aurèle ; c'est là même que Commode devait venir au monde. La petite ville de Lanuvium a pour elle d'avoir donné deux maîtres à l'Empire, l'un, le grand-père, un de ses meilleurs souverains, l'autre, le petit-fils, un de ses plus exécrables tyrans. À présent qu'une sorte de respect superstitieux s'attache au berceau des grands hommes, on aimerait à se représenter ia maison où est né notre empereur ; mais de cette villa impériale il reste à peine quelques ruines. On croit, en effet, avoir retrouvé remplacement de la maison de plaisance de la famille d'Antonin dans quelques débris de machinerie de la campagne de Lanuvium dont on a tiré plusieurs briques avec des dates consulaires du second siècle, et quelques morceaux de sculpture qu'on voit aujourd'hui au musée du Capitole : un buste de Commode enfant, qui ne pouvait mieux être que dans la maison de Marc-Aurèle, c'est-à-dire d'Antonin, la statue qui passe pour être celle de Zénon, et qui se trouvait bien à sa place dans cette demeure de sages, enfin le fameux groupe d'une grâce un peu trop délicate, peut-être un peu trop mièvre, l'Amour et Psyché[8]. On ne saura probablement jamais rien de plus du lieu de naissance d'Antonin. Ce nom d'Antonin, sous lequel le successeur d'Hadrien s'est immortalisé, était l'un des surnoms qu'il avait reçus de ses parents. La famille à laquelle appartenait son père était l'une des branches de la grande gens Aurélia, une des plus nombreuses du monde romain. L'enfant eut donc comme nom de famille Aurelius. On lui donna comme prénom Titus, puis comme surnom Fulvus qui était héréditaire chez ses ancêtres paternels : son père et son grand-père l'avaient porté. À ce surnom on en ajouta un autre ; on fit choix du surnom d'Antoninus, qui avait été porté par son grand-père maternel, Arrius Antoninus. Antonin reçut ainsi en venant au monde les noms de Titus Aurelius Fulvus Antoninus. Mais ces quatre noms ne furent pas les seuls par lesquels on le désigne avant son élévation à l'Empire. Les nobles romains avaient alors la singulière mode d'ajouter aux trois noms classiques des noms empruntés aux divers ascendants, surtout aux aïeux maternels, a qui la loi ne conférait aucun droit en cette matière. Antonin fit comme le voulait la mode du jour : il prit le nom de famille de son bisaïeul maternel et le nom de famille de son aïeul maternel. Le nom du premier, Bolonius, lui est attribué par l'Histoire auguste et par les annalistes qui en procèdent[9] ; le nom du second, Arrius, figure sur des monuments épigraphiques. En résumé, Antonin avait un prénom, Titus ; trois noms de famille, Aurelius qui lui appartenait en propre, et deux qu'il avait empruntés, Bolonius et Arrius ; enfin deux surnoms, Fulvus et Antoninus. Parmi ces six noms l'un est devenu rapidement populaire et a fait oublier les autres : c'est celui d'Antonin. Quand Titus Aurelius sera devenu empereur, on ne l'appellera plus autrement qu'Antonin. Avec lui ce nom acquerra un tel éclat, deviendra si bien le synonyme de sagesse, de vertu, de prospérité que tous les empereurs qui suivront jusqu'au milieu du troisième siècle se hâteront de [prendre ce nom universellement vénéré, les uns, comme Marc-Aurèle, pour honorer la mémoire d'un sage et s'honorer eux-mêmes, les autres, comme Commode, Caracalla, Élagabal, pour servir dévoile à leurs folies, à leurs cruautés et à leurs débauches[10]. Aujourd'hui l'habitude d'appliquer le nom d'Antonins aux empereurs romains du second siècle, parents les uns des autres par l'adoption depuis Nerva jusqu'à Marc-Aurèle, est un hommage rendu à la mémoire de notre empereur. Antonin était né à Lanuvium ; mais ce n'est pas là que se passèrent son enfance et sa première jeunesse. Il vécut cette période de sa vie dans une autre villa de la campagne romaine, à Lorium[11]. Lorium, aujourd'hui Lori ou Castel di Guido, se trouve sur la voie Aurélienne, à douze milles ou quatre lieues et demie de Rome. Les premières années d'Antonin se sont donc passées au milieu des champs ; c'est là qu'il a pris le goût si vif des choses de la campagne qu'il gardera toute sa vie. Il fit faire dans la suite d'importantes constructions à Lorium ; un palais impérial y fut élevé à la place des bâtiments modestes où s'était écoulée sa jeunesse. L'empereur aimait à s'y retirer pendant les chaleurs de l'été, en compagnie de son cher Marc-Aurèle et de quelques intimes ; c'est dans ce palais même de Lorium qu'il rendra le dernier soupir. Les héritiers d'Antonin n'attachaient pas à cette villa de Lorium les mêmes souvenirs que lui ; aussi est-il probable qu'ils l'abandonnèrent de bonne heure, puisque dès l'époque de Dioclétien il n'en restait plus que des ruines[12]. La voie Aurélienne est l'une des plus fatigantes des environs de Rome, a cause des montées et des descentes qui s'y succèdent presque sans interruption. Fronton, qui connaît la route pour aller souvent rendra visite à Marc-Aurèle à Lorium, et à qui ses douleurs rendent particulièrement sensibles toutes les incommodités d'un chemin, ne manque pas de se plaindre de cette route pénible et de ces pentes si fatigantes[13]. Il se peut que cette raison ait contribué a faire déserter de bonne heure le palais de Lorium par des gens qui n'avaient pas pour la campagne la passion d'Antonin[14]. L'Histoire auguste rapporte qu'Antonin fut élevé d'abord sous les yeux de son aïeul paternel, puis sous les yeux de son aïeul maternel[15]. Nulle part il n'est fait allusion au rôle que le père et la mère ont pu avoir dans cette éducation. Le père d'Antonin, Aurelius Fulvus, avait été consul à une époque qui est restée inconnue ; il dut mourir de bonne heure, puisque son nom n'est jamais cité dans l'entourage du jeune homme. S'il ne vécut pas assez pour commencer l'éducation de son fils, il lui laissa du moins quelque chose de cette austérité et de cette sévérité qui était le fond même de son caractère[16]. Quant à sa mère, Arria Fadilla, on ne peut dire l'influence qu'elle eut sur lui. La mort de son mari l'avait laissée a la tête d'une famille assez nombreuse ; car Antonin avait plusieurs frères[17]. Dans le désir d'assurer l'intérêt de ses enfants, elle se maria en secondes noces à un personnage consulaire, Julius Lupus ; de ce mariage naquit une tille, Julia Fadilla. Dans cet ensemble de circonstances, alors que le père était mort de bonne heure, que la mère était remariée, il n'y a rien d'étonnant à ce que les deux grands-pères aient reporté tous leurs soins et toute leur tendresse sur le jeune orphelin. L'aïeul paternel d'Antonin s'appelait Titus Aurelius Fulvus ; c'était lui qui devait avoir commencé l'illustration de sa famille, puisque Antonin appartenait à une famille illustre, mais dont la célébrité ne remontait pas très loin[18]. Il avait fait sa carrière dans les logions à l'époque de Néron et de Vespasien, il avait eu deux fois les honneurs du consulat, enfin il était arrivé a la préfecture de la Ville, probablement sous le règne de Domitien. On ne sait rien de son caractère et de ses goûts ; mais il est bien naturel de supposer que ce provincial, parti de Nîmes pour arriver par une vie d'épreuves et de dévouement jusqu'aux plus hautes dignités de l'Empire, que ce fils de ses œuvres, qui avait jeté les fondements de la grandeur de sa famille, dut apprendre à son petit-fils le prix de la persévérance, du courage, de l'ardeur au travail, de toutes ces mâles vertus qu'il avait si bien mises en pratique : Aurelius était un exemple vivant pour le jeune Antonin. L'autre grand-père d'Antonin, le père de sa mère, s'appelle Arrius Antoninus. Il avait été, lui aussi, deux fois consul ; il avait en outre rempli les fonctions de proconsul en Asie. Il est vraisemblable qu'il n'est mort que vers le milieu du règne de Trajan, alors qu'Antonin était dans sa vingtième année environ[19] ; c'est dire qu'il vécut assez longtemps pour exercer une influence durable sur l'esprit de son petit-fils. On sait par Pline le Jeune, dont Arrius Antoninus était le correspondant et l'ami, que le grand-père d'Antonin était un homme de mœurs pures, à la vie simple, qui consolait sa vieillesse vénérable en écrivant des épigrammes grecques et des iambes. Cet Arrius était vraiment un sage : ne rapporte-t-on pas de lui qu'il fut le seul des sénateurs à ne pas féliciter Nerva de son élévation à l'Empire ? Il fit plus encore, il le plaignit de quitter une condition modeste et honorable pour un rang si lourd à tenir, entouré de dangers, où les meilleurs risquaient de voir sombrer leur vertu[20]. C'étaient la de hautes leçons pour Antonin. Entre son grand-père Aurelius et son grand-père Arrius le jeune homme grandit comme dans une atmosphère de vertu ; l'un lui avait enseigné le prix du travail et de l'énergie ; l'autre lui apprit à vivre avec simplicité, à mettre tout son être en harmonie avec la vertu, à se garder des ambitions malsaines. L'un et l'autre firent mieux que de le prêcher : ils purent lui offrir en exemple leur propre vie. Voila ce qui dut faire une impression profonde sur l'Ame naturellement réfléchie du jeune Antonin et le préparer de bonne heure à être l'héritier des fortes vertus de sa race. Les biographes d'Antonin n'ont laissé le nom d'aucun sophiste qui lui ait appris les belles-lettres et l'art de la parole ; Antonin cependant ne dut pas manquer d'avoir pour maître quelque rhéteur célèbre de son temps, comme en avaient alors tous les fils de famille. Mais les véritables éducateurs d'Antonin, ceux qui gravèrent leur empreinte au plus profond de son âme, ceux qui eurent droit plus tard à la reconnaissance des Romains et de la postérité, ce furent ses parents et, parmi ses parents, son aïeul maternel, Arrius Antoninus. Ainsi grandissait le futur empereur, dans le silence et la paix des champs, loin de Rome et de ses excitations dangereuses, entre sa mère et son grand-père, à côté de ses frères et de sa sœur, puisant dans cette société un sentiment très vif de la vie de famille[21]. Tout ce que l'on sait ou plutôt tout ce que l'on devine de la jeunesse d'Antonin se réduit a ces influences bienfaisantes. L'Histoire auguste ne donne pas une de ces anecdotes, pas un de ces détails caractéristiques où l'on a plaisir à deviner dans l'enfant ce que sera l'homme un jour. Avant d'aborder l'étude de la vie politique d'Antonin, il n'est pas hors de propos de dire quelques mots de si fortune personnelle. Elle a été assez considérable pour qu'on puisse la regarder, au moins en partie, comme l'explication de si destinée. Elle lui a permis, en effet, lois de ses différentes magistratures de faire des largesses qui contribuèrent à le signaler à l'attention d'Hadrien. Son biographe rapporte qu'il recueillit un grand nombre de successions, celles de ses cousins, de son beau-père et de beaucoup de ses proches ; bien entendu, il ne mentionne pas les biens qui lui revenaient de droit comme les héritages de son père et de sa mère. Il parle encore des grandes propriétés agricoles qu'il avait en Italie. On sait en outre qu'il passait avant son élévation a l'Empire pour l'un des personnages les plus riches de son temps[22]. Cette grande fortune ne consistait pas uniquement, comme on serait tenté de le croire, dans des propriétés foncières ou dans des richesses mobilières ; elle avait encore une autre source, et qui semble avoir été très abondante, des revenus industriels. Une des grandes richesses des financiers romains était la fabrication des produits céramiques, soit des grandes outres en terre, de ces jarres gigantesques qui servaient à transporter d'outre-mer et à conserver les blés, les vins, les huiles, soit de ces briques si communes en terre rouge, qui formaient la matière première de presque toutes les constructions italiennes. On connait surtout parmi ces briqueteries romaines celles qui ont appartenu à la famille Domitia, et qui passèrent par héritage à l'empereur Marc-Aurèle[23] ; mais il y en avait d'autres encore, à la même époque et non moins importantes, dans la famille d'Antonin. Les fours à brique occupaient des légions d'esclaves et d'intendants ; ils livraient chaque année à la consommation publique des matériaux de construction en quantités énormes. Que l'on songe d'une part à la facilité d'écoulement dont les producteurs étaient toujours assurés pour cette matière première indispensable a. l'industrie du bâtiment ; que l'on songe d'autre part aux frais minimes et presque nuls que réclamaient des exploitations industrielles de ce genre, dans lesquelles il n'y avait pas a payer de main d'œuvre, puisque tout le travail était fait par les esclaves : on se fera aisément une idée des ressources considérables que les grands capitalistes devaient trouver dans cette industrie. Ce n'est pas chez les historiens qu'on peut se renseigner sur cette fabrication ; il faut interroger les produits eux-mêmes des briqueteries. Chaque atelier avait sa marque de fabrique pour se distinguer des ateliers rivaux. Celte marque se compose en général du nom du propriétaire du nom de l'intendant et des noms des esclaves qui ont fait la fournée. Il est donc possible de reconstituer ou de deviner à l'aide de ces fragments de poterie tout un côté de la fortune d'Antonin. Ainsi Antonin reçut par héritage les établissements industriels que sa mère faisait valoir et qui étaient en pleine activité, puisqu'on a trouvé des briques au nom d'Arria Fadilla un peu partout, en Italie, à Rome, à Porto, à Padoue, à Ravenne, à Bologne et à Velletri[24]. Antonin ne laissa pas tarir cette source de richesses : on possède, en effet, des briques avec son estampille, qui proviennent des mômes briqueteries, alors qu'il était encore simple particulier[25]. Il l'accrut encore en ouvrant d'autres ateliers de fabrication, et en faisant valoir ceux qu'il devait à son mariage avec Faustine, propriétaire elle-même de fabriques de ce genre. Antonin n'était donc pas seulement un riche agriculteur ; c'était aussi un grand industriel. Antonin laissait sans doute à des intendants la direction de ses entreprises industrielles ; mais il se réservait à lui-même la surveillance et l'exploitation de ses grandes propriétés rurales. Né à la campagne, élevé à la campagne, il conserva toujours pour elle un vif attachement ; ses goûts étaient en harmonie avec ses intérêts. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il se soit adonné à des exploitations agricoles. D'après son biographe, c'était un agronome entendu[26] ; il aimait à vivre dans ses domaines, et l'on verra que même empereur il allait lui-même surveiller ses vendanges, comme un simple propriétaire. Le futur césar éveille l'idée d'un gentilhomme campagnard qui réside sur ses terres, fait des essais de culture et prête beaucoup autour de lui. À ce sujet, l'Histoire auguste a soin d'ajouter qu'il se contentait d'un intérêt de quatre pour cent[27]. Il est probable, en effet, que cette modération ne devait pas être limitée chez les capitalistes romains, et le fait méritait d'être relevé ç l'honneur d'Antonin. Vers l'année 112 de notre ère, c'est-à-dire vers l'âge de vingt-cinq à vingt-six ans, Antonin épousait une jeune Romaine, Faustine. Le père de la jeune mariée, M. Annius Verus, avait déjà été consul ; il devait l'être deux fois encore sous le règne à Hadrien, et de plus préfet de Rome. Ce mariage faisait entrer Antonin dans une famille sénatoriale, comme la sienne, et qui, comme la sienne aussi, avait une origine provinciale : le grand-père de sa femme était un Espagnol. Les beaux parents d'Antonin étaient passés par la filière ordinaire des honneurs ; de ses deux beaux-frères, qui devaient avoir son âge à quelques années près, l'un, Annius Libo, arrivera au consulat ; l'autre, Annius Verus, mourra au début de sa carrière, lors de sa préture. L'union qu'Antonin avait contractée était donc dans l'esprit même et dans les traditions de si famille ; rien ne faisait encore prévoir à haute fortune à laquelle il devait être appelé. § II. — Sa vie publique jusqu'à son adoption. Appartenant a une famille consulaire, Antonin suivit la carrière régulière des fils de sénateurs. Ce que son biographe dit à cet égard se réduit à des indications à peu près sans importance ; mais de ces indications mêmes on peut conclure que la carrière d'Antonin ne dut présenter aucune anomalie. Antonin avait pris la toge virile à quinze ans. À l'âge de dix-huit ou de dix-neuf ans, c'est-à-dire en l'année 104 ou 105, au moment même où Trajan faisait sa seconde expédition contre les Daces, il débuta dans la hiérarchie administrative par l'une des charges du vigintivirat, qu'il ait été affecté au service de la justice criminelle, de la justice civile, de la voirie de Rome, ou encore des hôtels des monnaies. Il exerça ensuite une des fonctions auxquelles le vigintivirat donnait droit, c'est-à-dire ou le tribunat militaire d'une légion, ou le commandement d'un escadron de chevaliers romains, ou la préfecture de la Ville lors de la grande procession des fériés latines. Ces deux dernières fonctions, la dernière surtout, étaient dans les goûts d'Antonin ; il est probable qu'il a rempli l'une ou l'autre de préférence à un commandement militaire, qui l'aurait éloigné de Rome et de l'Italie. Si Antonin a exercé les autres charges sénatoriales, dès que les conditions d'âge le lui ont permis, sa questure doit se placer au plus tôt en l'année 111, plus probablement en l'année 112, à peu près au moment où il s'unissait à Faustine ; on sait, en effet, que les lois d'avancement à l'époque impériale exigeaient qu'on fût entré dans sa vingt-cinquième année pour prétendre à la questure. Cinq ans plus tard, à trente fins, on pouvait devenir préteur ; rien n'empêche de supposer qu'Antonin ne soit arrivé à la préture, dès qu'il eut satisfait aux conditions d'âge, c'est-à-dire en 116 ou en 117, l'avant-dernière ou la dernière année du règne de Trajan. Dans l'intervalle, en 114 ou 116, il avait rempli les fonctions de tribun du peuple ou celles d'édile. Ainsi, c'est sous le règne de Trajan qu'Antonin a revêtu les premières magistratures sénatoriales et qu'il est entré au Sénat ; malheureusement, l'absence de tout document ne permet pas de rien dire des relations qui s'établirent entre l'illustre césar et le jeune sénateur. L'ordre sénatorial, au dire de Pline le Jeune, qui mourait en 113 au moment même où débutait Antonin, et qui était un juge expert dans toutes les questions d'étiquette et de représentation, l'ordre sénatorial était comme placé en évidence sur une hauteur qui attirait tous les regards[28]. On notait avec soin de quelle manière chaque sénateur remplissait les obligations que son rang lui imposait. C'était pour les sénateurs comme une nécessité de faire de grandes dépenses, d'avoir un train de maison luxueux, surtout de prodiguer leurs revenus pour augmenter l'éclat des fêtes qu'ils étaient tenus d'offrir au peuple lors de leurs différentes magistratures ; cette nécessité était devenue d'autant plus impérieuse qu'on vivait alors à une époque où les attributions administratives des questeurs et des préteurs se trouvant de jour en jour réduites, la fonction principale de ces magistrats consistait a offrir au peuple des fêtes solennelles. Antonin ne manqua pas a ces coûteuses obligations : sa questure et sa prédire lui valurent, en effet, une réputation de libéralité et de magnificence[29]. Les grands domaines agricoles et les exploitations industrielles que nous lui connaissons le mettaient en mesure de satisfaire, et largement, aux nécessités de sa position. Seuls les jeux en l'honneur de la grande déesse Cybèle coulaient au préteur au moins cent mille sesterces, environ vingt-six mille francs ; encore dans ces conditions le peuple trouvait-il qu'on lésinait avec lui. Antonin se mit à l'abri de ce reproche par la façon grandiose dont il présida aux réjouissances publiques. Ses magnificences furent assez remarquées pour que l'histoire en ait fait mention. Elles attirèrent certainement sur lui la reconnaissance du peuple et l'attention du prince ; elles contribuèrent à le placer en évidence, aux premiers rangs de l'ordre sénatorial. La mort de Trajan n'interrompit pas la carrière d'Antonin, qui d'ailleurs ne touchait en rien à la politique. Après la préture il eut à exercer à titre île curateur l'une des grandes surintendances auxquelles celle magistrature, donnait droit, celle du service des eaux, de la voirie, du Tibre ou des édifices publics, a. moins qu'il n'ait eu, toujours comme ancien préteur, le commandement d'une légion ou le gouvernement d'une province impériale prétorienne. Quoi qu'il en soit, et l'on ne sera fixé à cet égard que le jour où le hasard heureux d'une découverte épigraphique aura révélé son cursus honurum dans tous les détails, Antonin arriva au consulat l'an 120, dans sa trente-quatrième année et la troisième du règne d'Hadrien ; il partagea cet honneur avec L. Catilius Severus[30]. On retrouvera ce personnage, qui devait devenir l'année suivante le bisaïeul de Marc-Aurèle, quand il sera question de l'adoption d'Antonin. Il faut croire que dans ces différentes dignités, en dernier lieu dans ce consulat, Antonin avait su témoigner, malgré l'importance très réduite de ces fonctions, de sérieuses qualités d'administrateur, puisque Hadrien eut l'idée de faire choix de lui au lendemain de son consulat, pour lui confier une magistrature nouvelle qu'il venait de créer en Italie. Hadrien avait divisé l'Italie eu quatre ressorts judiciaires et mis à la tête de chacun d'eux un ancien consul[31]. Antonin fut l'un des personnages qu'il désigna à ces fonctions. L'empereur avait eu soin de lui confier l'administration de la partie de l'Italie où ses propriétés étaient le plus nombreuses : c'était tout à la fois l'honorer et lui permettre de s'occuper sans dérangement de la gestion de sa fortune personnelle[32]. Quelles étaient les fonctions de es juges consulaires ? Quelle était la portion de l'Italie qui échut à Antonin ? Sur les deux questions on est réduit à des probabilités, qui présentent à la vérité une assez grande certitude. En dehors des textes déjà cités, il n'est fait allusion à la création d'Hadrien que dans quelques lignes d'Appien et de Capitolin[33]. Appien rapporte qu'à l'époque de la guerre sociale des proconsuls administraient l'Italie par parties, que cette institution fut renouvelée par Hadrien, et qu'elle ne tarda pas a disparaître après lui. D'après Capitolin, Marc-Aurèle établit en Italie des juges légionnaires, juridici, à l'exemple d'Hadrien qui avait créé des ressorts d'anciens consuls pour l'administration de la justice. La courte durée de l'organisation d'Hadrien explique qu'elle ait laissé si peu de trace dans les documents historiques ; mais les fonctions des juges régionnaires de Marc-Aurèle, qui sont nettement connues[34], permettent de se faire par analogie une idée de celles qu'Antonin eut à remplir. Les magistrats italiens de Marc-Aurèle avaient avant tout à juger les affaires civiles ; mais très souvent aussi ils intervenaient dans les affaires administratives. De même, il est de toute vraisemblance que les magistrats d'Hadrien ne s'occupaient pas d'une manière exclusive de l'administration de la justice ; la séparation des pouvoirs est trop loin d'être un principe de gouvernement dans la Rome antique pour qu'on puisse ne voir dans ces consulaires que des façons de préteurs. Les expressions variées et générales dont se servent les écrivains de l'Histoire auguste pour qualifier cette magistrature[35] sont une preuve suffisante qu'il y avait dans ses attributions quelque chose de vague et de mal défini, qui était de nature à favoriser les empiétements de l'autorité impériale sur l'autonomie des Italiens. C'était une mission délicate qu'Antonin recevait de la confiance impériale ; elle demandait du tact, de la discrétion, un sentiment très vif de la mesure, si l'on voulait servir les intérêts du pouvoir central sans blesser les susceptibilités des Italiens ; elle réclamait en outre une science consommée du droit pour trancher tous les différends qui pouvaient être soulevés devant ces tribunaux consulaires. Il reste à chercher quelles étaient les divisions géographiques de ces ressorts. Pour connaître au moins le ressort qui fut confié a Antonin, il faudrait savoir quelle était la partie de l'Italie où il avait le plus de propriétés. On avait supposé que c'était la Campanie[36] ; mais c'est la une hypothèse à laquelle il faut renoncer[37], d'autant plus que la Campanie ne parait avoir jamais reçu sous l'Empire d'administration particulière avant l'institution des correcteurs, laquelle n'est pas antérieure au commencement du troisième siècle[38]. Antonin avait passé la plus grande partie de son enfance à Lorium ; quand il sera empereur, on le verra aller sans cesse à cette maison de campagne et y mourir : il est bien probable qu'il avait là une de ses propriétés les plus considérables. Or Lorium, bien que situe aux portes de Rome, est compris dans la septième région de l'Italie, en Etrurie. L'Etrurie aurait donc été le pays assigné à Antonin. Deux choses justifient cette supposition. D'abord, ce fait rapporté par l'Histoire auguste qu'on avait observé des présages de la grandeur future d'Antonin dans la province d'Asie et en Etrurie, c'est-à-dire dans les deux provinces où il avait exercé des fonctions administratives, en Asie comme proconsul, en Etrurie comme juge consulaire. Ainsi, c'est en Etrurie que toutes ses statues se couvrirent d'essaims d'abeilles[39]. Comment les habitants de cette province auraient-ils jamais pu songer à élever des statues à Antonin, avant qu'il ne fût empereur, si Antonin n'avait pas exercé au milieu d'eux quelques fonctions officielles ? Et quelles fonctions aurait-il pu y exercer en dehors de celles qu'Hadrien lui avait confiées ? La seconde preuve, fournie par l'épigraphie, est le souvenir d'un jugement rendu en faveur des habitants de Tifernum Tiberinum, ville d'Ombrie, aujourd'hui Citta di Castello, d'abord par Æmilius Fronton, puis par Arrius Antoninus, tous deux de rang sénatorial[40]. Cet Arrius Antoninus n'est autre que notre Antonin, désigné ici par le nom de famille de sa mère[41]. Par suite, l'Ombrie était dans son ressort judiciaire. Or l'Ombrie, qui est contiguë à l'Etrurie, n'a fait qu'un avec elle lors des divisions administratives qui ont été établies plus tard en Italie[42]. On arrive ainsi avec ce document épigraphique à la même conclusion qu'avec les textes. En somme, il n'y a pas à douter que c'est dans la portion de l'Italie située au nord de Rome, dans l'Etrurie et dans l'Ombrie, qu'Antonin remplit après son consulat, vers l'année 120, les fondions de juge-administrateur qu'Hadrien lui avait déléguées. Quant à la durée même de ces fonctions, il est impossible d'en rien dire. En suivant Antonin dans sa vie publique, nous voici arrivés à la plus importante de ses magistratures, la dernière qu'il ait exercée avant d'être adopté par Hadrien : c'est son proconsulat dans la province d'Asie. À titre d'ancien consul, Antonin avait pris part au tirage au sort des deux proconsulats d'Asie et d'Afrique qui étaient demeurés au Sénat : celui d'Asie lui était échu. En quelle année a-t-il exercé cette haute dignité, la plus élevée avec la préfecture de Rome à laquelle un sénateur pouvait prétendre ? On ne, peut le dire avec précision. Cependant, comme les monuments épigraphiques ont permis d'établir d'une façon certaine cette règle de chronologie, que l'intervalle de temps qui sépare l'exercice du consulat à Rome et l'exercice du proconsulat en Asie ou en Afrique varie d'une façon générale entre dix ans au moins et quinze ans au plus [43], Antonin, consul en l'année 120, a dû être proconsul d'Asie dans l'une des années comprises entre 130 et 135, vers sa quarante-cinquième ou sa cinquantième année. Au moment de partir pour se rendre à sa province, il perdit sa fille aînée, Aurélia Fadilla, qui avait épousé un noble romain, Lamia Silanus[44] ; elle devait avoir alors au moins une quinzaine d'années. Ce n'était pas le premier deuil de ce genre qui frappait Antonin ; il avait eu quatre enfants de son mariage avec Faustine, deux fils et deux filles. Ses deux fils étaient morts probablement en bas âge et déjà à cette époque, il ne lui restait plus que sa fille cadette, laquelle portait le nom de sa mère, Faustine, et qui devait plus tard épouser Marc-Aurèle. Les deux proconsuls d'Asie et d'Afrique n'étaient pas moins dans leurs provinces que des sortes de vice-empereurs. Ils ne punissaient dans les cérémonies officielles qu'avec un cortège de douze licteurs ; ils avaient à côté et au-dessous d'eux toute une hiérarchie de fonctionnaires à leurs ordres, depuis leurs trois légats, de rang sénatorial comme eux-mêmes, jusqu'à la foule des amis et des serviteurs que chacun d'eux emmenait avec soi[45]. Tout ce qui regardait l'administration générale, la justice au civil, la justice au criminel, était de leur ressort. Enfin un traitement considérable, un million de sesterces, environ deux cent soixante mille francs, consacrait leur toute-puissance. Los deux proconsulats d'Asie nu d'Afrique étaient équivalents aux yeux de la loi, puisqu'on tirait au soit l'un ou l'autre ; mais il est bien probable que le proconsulat d'Asie devait être l'objet de plus de désirs, au moins pour ceux qui aimaient a se produire, que le proconsulat d'Afrique, L'éclat des grandes villes d'Asie, Éphèse, Smyrne, Milet, Pergame, l'intensité de la vie artistique et intellectuelle sur les côtes de la mer Egée, les souvenirs si nombreux et si éclatants qui s'attachaient a cette terre favorisée, l'honneur qu'Ephèse mettait à recevoir la première le proconsul romain à son débarquement[46], tout cela faisait pâlir les noms de Carthage, d'Utique ou d'Hadrumète. Antonin dut se féliciter du lot qui lui était échu. De l'administration d'une portion de l'Italie il passait à un plus grand théâtre où Il pourrait donner mieux encore la mesure de ses qualités. Il allait connaître de près ces cités grecques, toujours remuantes, très fières de leur passé, très susceptibles sur les quelques privilèges que l'Empire leur avait laissés, peuple d'enfants gâtés, avec ses impatiences, ses colères et ses joies soudaines. Antonin s'acquitta de sa tâche à la satisfaction de tous. Son aïeul maternel, Arrius Antoninus, avait été proconsul d'Asie à l'époque de Titus ou dans les premières années de Domitien ; il avait laissé uns très grande réputation d'homme et d'administrateur. Seul, Antonin fut capable de la dépasser ; il se montra dans son gouvernement d'une intégrité et d'une sagesse sans exemple[47]. Bien que l'époque fût passée depuis longtemps où l'on pouvait faire un titre de gloire à un gouverneur de l'Asie de n'avoir pas pillé sa province[48], cependant l'administration excellente du proconsul Antonin avait été remarquée et admirée. Deux actes officiels ont laissé un souvenir de ce proconsulat. L'un est la dédicace d'une statue en l'honneur de l'impératrice Sabine, femme d'Hadrien, faite au nom du Sénat et du peuple d'Ephèse ; était proconsul T. Aurelius Fulvus Antoninus[49]. L'autre est un édit sur l'instruction criminelle, qui a été conservé par le Digeste. Antonin avait donné l'ordre aux irénarques ou gardiens de la paix, soi tes de gendarmes municipaux chargés du service de la police dans les villes d'Asie, de ne pas borner leur rôle à l'arrestation des voleurs, mais de faire en outre l'office de magistrats instructeurs, en interrogeant les voleurs qu'ils auraient arrêtés sur leurs receleurs et leurs complices ; les procès-verbaux de cette première enquête devaient être cachetés, scellés et transmis ensuite au magistrat lui-même[50]. Cette ordonnance de police est tout ce que l'on sait de l'administration proconsulaire d'Antonin. Elle nous paraît remarquable par l'esprit de justice qui l'a inspirée, esprit dont on trouvera encore d'autres traces dans la législation d'Antonin, et qui consiste à assurer des garanties à l'accusé. En effet, l'objet véritable de l'édit sur les irénarques n'est pas, comme on pourrait le croire d'abord, de faciliter la tâche des magistrats par une enquête préliminaire. Ce n'est la que l'intention seconde d'Antonin. Son intention première, celle qui lui si inspiré cet édit, n'est autre que de créer une responsabilité à ces gardiens de la paix, en leur demandant de faire des interrogatoires. On s'en convaincra aisément en lisant dans l'ensemble les dispositions du Digeste. On avait remarqué que les irénarques faisaient très souvent des rapports mensongers et infidèles sur les gens qu'ils arrêtaient, et qu'il leur arrivait de procéder à des opérations arbitraires. C'est pour prévenir ce zèle excessif et cet arbitraire de la police municipale, qui, dans les villes d'Asie, devait être bien souvent au service des rancunes d'un parti ou d'une personne, que le proconsul Antonin avait entouré l'arrestation de formalités de procédure indispensables. Dès que le magistrat avait reçu le procès-verbal de l'irénarque, il instruisait l'affaire. L'irénarque était cite à sa barre pour confirmer de vive voix sa première enquête. Comme on avait entre les mains un document écrit et cacheté, il était aisé de confronter entre elles les deux dépositions, de les confronter ensuite avec les résultats auxquels le magistrat était arrivé lui-même, et déjuger par là de la bonne foi de l'irénarque en l'espèce comme de la légalité de l'arrestation. Suivant les cas, le magistrat décernait officiellement à l'irénarque un éloge ou un blâme ; même, s'il était nécessaire de faire un exemple, il pouvait le révoquer. N'était-ce pas un trait de l'esprit de justice d'Antonin digne d'être mis en lumière ? Magistrat suprême de la province, il aurait pu être porté tout naturellement à embrasser le parti des irénarques, tandis qu'il a pris des précautions minutieuses pour garantir à ses administrés leur liberté individuelle et pour leur assurer un recours contre l'arbitraire et le zèle intempestif de la police. Comme administrateur, Antonin ne pouvait prendre une mesure plus véritablement libérale. Comme homme, il ne pouvait se montrer plus accommodant qu'il ne le fut avec le sophiste Polémon, personnage alors très en vue dans la province d'Asie. De passage à Smyrne, le proconsul Antonin était descendu dans la maison du sophiste, en l'absence du maître et sans l'avoir prévenu. C'était un honneur que la vanité de Polémon aurait dû ressentir vivement, d'avoir chez lui comme hôte le premier magistrat de la province, un proconsul romain, et d'avoir été préféré dans cet honneur à tous les citoyens illustres de la ville, Polémon retourne chez lui de nuit ; fort étonné de voir sa maison occupée, et sans prendre garde à qui il avait affaire, il congédie simplement et sur l'heure cet hôte, tout illustre qu'il était, mais qui avait le tort de s'être invité chez lui. Antonin eut le bon goût de ne pas employer la force pour donner une leçon à ce propriétaire malappris et si féroce sur ses droits. Il quitta donc la maison de Polémon et se contenta d'écrire l'incident à Hadrien. L'empereur, grand ami de Polémon et des sophistes, mit tout en œuvre pour mériter à Polémon le pardon du proconsul, jusqu'à déclarer dans la suite que son testament lui avait été inspiré par le sophiste. Antonin eut l'air de pardonner ; mais on aura l'occasion de voir qu'il n'avait pas oublié, et que, devenu empereur, il ne se refusa pas le plaisir de rappeler à Polémon sa singulière équipée. Du moins sa vengeance fut de celles qui dénotent un homme d'esprit[51]. Antonin aurait-il eu aussi des démêlés avec un autre sophiste dont la renommée devait dépasser celle de Polémon, le célèbre Hérode Atticus ? La chronique du temps rapportait que le proconsul et le sophiste, qui était alors curateur des cités libres de l'Asie, s'étaient rencontrés sur le mont Ida, et qu'Hérode se serait oublié jusqu'à porter les mains sur la personne d'Antonin. Mais ce n'était là qu'une fable ridicule, inventée par la calomnie, peut-être parce qu'on les avait vus glisser tous les deux ensemble, en faisant l'ascension d'une montagne escarpée. Quint à prétendre que ce fait ferait allusion à une sorte de conflit entre deux fonctionnaires rivaux, c'est une supposition tout à fait inadmissible[52]. Le proconsulat d'Antonin avait dû fixer l'attention d'Hadrien sur cet excellent administrateur dont il appréciait depuis longtemps les qualités. Aussi Antonin, une fois de retour à Rome après son année de gouvernement provincial, était-il devenu un personnage trop en vue pour que l'empereur lui permit de renoncer entièrement aux affaires et de reprendre ses chères occupations de gentilhomme campagnard. Il l'appela donc auprès de lui ; et, comme Antonin avait parcouru en entier le cercle de la carrière sénatoriale, il créa pour lui des fonctions nouvelles en le faisant entrer dans le Conseil impérial. Ce corps venait d'être l'objet d'une réforme de la part d'Hadrien, qui en avait accru de beaucoup l'importance. Le consilium principis était à la fois un conseil privé du prince et une sorte de conseil d'État, auquel aboutissaient en dernier ressort à peu près toutes les affaires administratives et judiciaires. L'empereur appelait à cette assemblée suprême ses amis personnels, les sénateurs et les chevaliers les plus éminents, et des jurisconsultes de profession. Antonin prit part à cette réunion d'élite ; il dut alors habiter Rome de préférence et se résignera ne plus faire à si villa de Lorium que de courtes visites. Son habitude des affaires, l'autorité de sa vie, son esprit de conciliation, sa tendance à incliner dans toutes les questions vers la décision la moins rigoureuse[53], lui créèrent rapidement dans le Conseil une situation à part. Hadrien qui était assidu aux séances du Conseil fut frappé des qualités politiques et des vertus privées d'Antonin ; en contact journalier avec lui, il eut bientôt apprécié, lui qui s'entendait à choisir les hommes, tout ce qu'il y avait de mérite réel dans ce sénateur. Aussi, le jour où il fut question pour lui de se désigner un successeur, il ne crut pouvoir mieux faire pour sa gloire et pour le bonheur de l'Empire que de choisir Antonin. § III. — Son adoption par Hadrien. Le principe de l'adoption, auquel Morne allait devoir un de ses meilleurs empereurs, était loin d'être appliqué alors, pour la première fois. C'est Galba qui l'avait inauguré soixante-dix ans auparavant, le jour où il avait fait choix d'un héritier dans la personne de Pison. On sait les belles paroles que Tacite met à celle occasion sur les lèvres du vieil empereur : Le principe électif que nous inaugurons tiendra lieu de la liberté. Aujourd'hui que la maison des Jules et des Claude est éteinte, l'adoption ira chercher les meilleurs. Etre descendant et fils de princes est le fait du hasard, et ne mérite pas d'être estimé davantage. Celui qui adopte a sa pleine liberté île jugement ; et, s'il veut faire un choix, il trouve un guide dans l'opinion publique[54]. Les paroles que Tacite prêtait à Galba, Pline le Jeune les avait déjà adressées à Trajan, au nom du Sénat[55] ; les expressions de l'line méritent aussi d'être rapportées pour donner une idée de ce régime politique dont la nécessité fit une loi pendant près d'un siècle. Alors que vous allez transmettre a un seul homme le Sénat, le peuple romain, les armées, les provinces, les alliés, sera-ce de votre épouse que vous recevrez un successeur, et ne chercherez-vous que dans votre famille l'héritier de cette puissance immense ? Ne promènerez-vous pas vos regards par la ville entière ? Le plus proche, le plus étroitement lié de vos parents ne sera-l-il pas à vos yeux celui qui vous aura paru le meilleur et le plus semblable aux Dieux ? Oui doit commander à tous doit être choisi parmi tous... Ce serait d'un tyran et d'un maître odieux de ne pas adopter celui que l'on sait devoir mériter l'Empire...[56] On érigeait ainsi en système de gouvernement ce qui n'avait été qu'un expédient pour Nerva, et ce qui en fut un encore pour Hadrien. Sans doute, il n'y a lien de meilleur en principe que le choix d'un successeur capable, choix arrêté en pleine liberté, en dehors de tout intérêt personnel et de toute pression extérieure ; mais, même si l'on suppose un empereur désintéressé de ce qui le louche personnellement et sacrifiant à la chose publique ses propres sympathies, pourra-t-il toujours faire aisément un choix ? Il ne le parut pas pour Hadrien, à voir sa conduite dans la désignation de son successeur. Hadrien n'avait pis eu d'enfant de son mariage avec Sabine. Aussi, quand il fut las de se promener à travers l'Empire, quand les approches de la vieillesse — il avait alors soixante-deux ans — tournèrent ses préoccupations vers l'avenir, il songea à se choisir un héritier, comme Nerva, comme Trajan l'avaient fait avant lui. Après bien des hésitations qui firent passer la couronne impériale sur plusieurs têtes, il arrêta son choix définitif sur L. Ceionius Verus, et il le fit malgré l'opposition générale[57]. Le futur empereur prit le nom de famille de son père adoptif, il ne s'appela plus que L. Ælius Commodus Verus. C'est en 130, et vraisemblablement dans les derniers mois de cette année, que l'Empereur avait pris cette grave décision, qui lui permettait de croire au repos de l'Empire assuré. Malheureusement le nouveau césar était s'une santé délicate et chancelante qui donna bien vite de vives appréhensions à l'empereur. Nous nous sommes appuyé sur un mur qui croule, disait avec tristesse Hadrien. Bientôt, en effet, ses prévisions se réalisèrent. Ælius Verus mourait à Rome, au retour d'une expédition en Pannonie, le 1er janvier 138. Tout se trouvait remis en question. Hadrien avait encore à désigner un héritier, et il allait connaitre de nouveau toutes les hésitations de la première fois[58]. Ælius avait bien laissé un fils — ce devait être l'empereur L. Verus — ; mais comment songer à confier les destinées de l'Empire à l'inexpérience d'un enfant de huit ans ? Il y avait bien encore à la cour un jeune homme de près de dix-huit ans — Marc-Aurèle est né en 121 —, dont Hadrien avait commencé l'éducation et sur qui depuis longtemps se reportaient ses affections et ses espérances ; il aimait son âme virile, trempée depuis plusieurs années dans les rigueurs du stoïcisme : il aimait sa franchise, sa loyauté, sa sincérité, qui étaient restées sans tache dans l'atmosphère de la cour[59] ; mais, malgré tout, le poids de l'Empire eût été bien lourd pour les jeunes épaules de Marc-Aurèle. Il fallut donc trouver quelqu'un qui aux vertus privées de Marc-Aurèle joignit l'expérience de l'âge et l'autorité que donne une longue carrière d'administrateur glorieusement parcourue. Hadrien fut amené ainsi à arrêter ses préférences sur un sénateur qu'il connaissait de longue date, qu'il avait apprécié comme juge en Italie, comme proconsul en Asie, et surtout comme membre du Conseil impérial : Antonin fut désigné pour son successeur. Le récit le plus circonstancié que l'on ait sur cette
adoption, et en outre le plus voisin des événements, est le récit de Dion
Cassius. Après la mort d'Ælius, Hadrien convoque chez lui les premiers et les plus considérables des sénateurs
; il leur adresse d'abord quelques paroles sur les avantages du principe
électif qui rappellent à la lettre celles de Pline et de Tacite, puis il leur
présente le nouvel héritier de son choix dans les termes qui suivent. Puisque les Dieux nous ont
enlevé Lucius, j'ai trouvé pour le remplacer auprès de vous un empereur que
je vous donne, d'une naissance illustre, doux, d'un caractère facile et
prudent. Vous n'aurez à craindre de lui ni la précipitation aventureuse du jeune homme, ni la lenteur négligente
du vieillard (Antonin était à ce moment
dans si cinquante-deuxième année). Plein de
respect pour nos lois, et ayant su remplir ses différentes charges d'une
manière digne de sa race illustre, il n'ignore rien de ce qui n rapport à
l'autorité souveraine, et il saura en user pour le bien de tous. Je parle
d'Aurèle Antonin que voici. Je sais qu'il a, plus que personne, aversion des
affaires, et qu'il est fort éloigné d'une pareille ambition ; mais je pense que pour vous et pour moi il consentira, quoique
contre son gré, à recevoir l'Empire[60]. Au dire de Dion, ce seraient les talents d'Antonin qui auraient attira sur lui l'attention du vieil empereur. D'après une autre tradition, le hasard seul aurait décidé des destinées de l'Empire. Hadrien avait convoqué le Sénat pour élire un successeur. An milieu de l'assemblé il remarque Antonin qui soutenait les pas chancelants d'un de ses vieux parents. Il n'en aurait pas fallu davantage pour le convaincre qu'un aussi excellent fils ne pouvait être qu'un excellent empereur[61]. L'anecdote figure déjà chez le biographe de l'Histoire auguste, bien qu'il n'y accorde qu'une foi médiocre : ce ne put être, ajoute-t-il, et ce ne dut pas être le motif unique de l'adoption d'Antonin, après tous les mérites qu'il s'était acquis dans ses différentes magistratures[62]. Il est bien probable que cette histoire édifiante n'a jamais été qu'une imagination. Elle ne figure pas dans le grand panégyrique d'Antonin qu'Aristide prononça quelques années plus tard ; le rhéteur grec n'aurait eu garde d'omettre un trait qui était à l'honneur de son héros, et auquel lui-même aurait été personnellement très sensible. Il n'avait rien promis, dit Aristide, il n'avait rien demandé ; mais il se rendit aux prières de tous et au désir général de le voir arriver à l'Empire : c'était nie récompense qu'on devait depuis longtemps à ses mérites. Qu'on dût l'attribuer à la crainte respectueuse qu'il inspirait... ou à ses mœurs pures et irréprochables, il était pour tout le monde et d'une façon évidente l'empereur dont il fallait faire choix [63]. En résumé, deux choses ont pu porter Antonin à l'Empire : d'abord ses mérites personnels comme homme ou comme sénateur, ensuite la consécration que l'opinion publique lui avait donnée depuis longtemps. Ajoutons qu'il pouvait y avoir encore pour Hadrien une raison particulière à faire ce choix : c'est qu'Antonin se trouvait être par sa femme Faustine l'oncle du jeune Marc-Aurèle. Le choix qu'Hadrien venait de faire contrastait singulièrement avec celui qu'il avait fait deux années auparavant. Ælius Verus était un gourmet délicat qui dotait l'art culinaire d'une nouvelle sorte de salmis, un épicurien raffiné qui avait toujours Martial sur sa table et qui l'appelait son Virgile, un débauché en quête de sensations inconnues et a l'imagination très fertile, un élégant d'une beauté royale, tout parfumé d'odeurs venues de l'Orient, un grand amateur de sport, et même un ami des belles-lettres, capable au besoin de parler avec éloquence et de tourner lestement une pièce de vers ; en un mot, un aimable désœuvré, un oisif du grand monde, à qui son vernis aristocratique tenait lieu de moralité[64]. Vraiment on ne peut regretter qu'il soit mort avant d'avoir porté la Couronne impériale ; rien n'empêche de croire qu'un esprit comme le sien, toujours en quête de choses extraordinaires, n'eut renouvelé les folies de Néron ou n'eût devancé les débauches d'Elagabal. Le choix même d'Ælius Verus explique qu'Hadrien ait eu des hésitations quand il lui fallut désigner un second successeur. Sans doute le nom d'Antonin s'imposait à son attention, il ne se pouvait pas qu'il n'y eut déjà songé bien des fois ; mais il existait bien plus d'affinité entre la nature corrompue et délicate d'Ælius et la sienne qu'entre la sienne et l'âme foncièrement honnête d'Antonin, qui pouvait paraître fermée à des choses chères au vieil empereur. Il y eut certainement résistance et lutte dans l'esprit d'Hadrien. Enfin la raison d'Etat et la vraie sagesse l'emportèrent : Antonin qui n'avait pour lui que ses vertus sévères, sa simplicité bourgeoise, son honnêteté sans reproche, ses mérites politiques, Antonin fut adopté. On se souvint alors que des présages, signes infaillibles de la volonté céleste, l'avaient montré depuis longtemps comme réservé à l'Empire. Un jour, lors de son gouvernement en Italie, il montait à son tribunal, quand on avait entendu, au milieu des acclamations, une voix s'écrier : Auguste, que les Dieux le conservent ! Plus tard, en Asie, une prêtresse de Tralles, venue pour le saluer, au lieu de lui dire : Salut, proconsul, l'avait abordé par ces mots : Empereur, je te salue. La foudre était tombée sur sa maison par un ciel serein, sans causer aucun dommage, ce qui était un prodige doublement favorable. Des essaims d'abeilles avaient élu domicile sur ses statues. Des songes répétés l'avaient averti de mettre parmi ses dieux pénates la statue d'Hadrien[65]. Tous ces prodiges, et d'autres plus surprenants encore, parlaient trop haut : l'Empire ne pouvait échapper à Antonin. Les historiens anciens qui ont parlé de l'adoption d'Antonin par Hadrien n'ont donné aucun détail sur la procédure qui fut suivie ; cette occasion. On sait que l'adoption est un acte solennel qui, faisant tomber un citoyen romain sous la puissance d'un autre citoyen romain, établit artificiellement entre eux les mêmes relations qu'eu' engendrées la procréation naturelle ex justis nuptiis[66]. L'adoption est de deux sortes : appliquée à une personne qui n'est pas maîtresse d'elle-même (alieni juris), elle s'appelle l'adoption proprement dite : appliquée à une personne maîtresse d'elle-même (sui juris), elle s'appelle l'adrogation. Antonin, qui faisait partie des personnes civiles de la seconde catégorie, a dû par suite être adrogé et non pas adopté par Hadrien[67]. Cependant il ne faudrait pas trop s'en tenir à la lettre des définitions juridiques, quand il est question d'une adoption de la ni turc de celle d'Antonin. Ce genre d'adoption n'était plus qu'uni forme, qu'une manière d'être de la succession au trône. Ce qu'Hadrien s'était proposé par cet acte, ce n'était pas du tout de se donner un fils au sens naturel et juridique de ce mot, mais simplement de se donner un héritier à l'Empire. Ici l'adoption n'est plus qu'un acte apparent, comme disent les jurisconsultes, c'est-à-dire un acte purement extérieur qui n'est pas en harmonie avec l'intention secrète des parties[68]. Ici l'on se trouve en présence d'un genre nouveau d'adoption, l'adoption royale comme le dit expressément l'Histoire auguste[69]. Cette adoption royale avait un but et des effets différents de l'adoption classique ; pour elle on ne suivait pas les formes consacrées du droit civil. Voila ce qu'il convient de ne pas perdre de vue pour expliquer les anomalies apparentes qu'offrent la plupart de ces adoptions impériales. Ainsi Galba ne respecta pas les formes légales pour l'adoption de Pison ; il ne l'adopta pas selon l'usage, devant les pontifes ni avec la sanction des curies, il se contenta de faire une déclaration solennelle devant les cohortes prétoriennes[70]. Nerva s'était peut-être conformé davantage aux usages[71]. Quant à Hadrien, il ne parait pas avoir fait pour Antonin autre chose qu'une déclaration en présence du Sénat. Cela explique que, si le Sénat avait annulé les actes d'Hadrien, comme il en manifesta un moment l'intention après la mort de cet empereur, l'adoption d'Antonin serait devenue, de nul effet, suivant l'observation qu'Antonin en fit lui-même aux sénateurs. Il n'aurait pu se faire que cette adoption courût jamais le risque d'être annulée par un acte de l'assemblée sénatoriale, si elle avait été un acte civil accompli suivant les formes du droit civil, au lieu d'être, comme elle le fut réellement, un acte politique accompli suivant des formes politiques. Donc, si Hadrien a laissé à Antonin le temps de réfléchir sur son adoption[72], c'est beaucoup moins, selon nous, pour se conformer à l'une des formalités juridiques sans laquelle une adoption régulière n'était pas valable[73], que pour permettre à Antonin de n'accepter qu'en connaissance de cause, et après mûr examen, un honneur qui, pour être très grand, n'en comportait pas moins des charges très lourdes. Enfin, ce qui achève de prouver qu'il s'agit bien d'une adoption d'un genre spécial, c'est qu'Hadrien y mit une condition expresse[74] ; or l'adoption civile n'est susceptible d'aucune condition. Il fallait, en effet, qu'Antonin consentit à adopter comme son successeur au trône le neveu de sa femme, M. Annius Verus (Marc-Aurèle), et le fils d'Ælius, L. Verus ; il fallait encore que la fille d'Antonin, Faustine, fût fiancée à L. Verus. Antonin, qui avait eu deux fils de son mariage avec Faustine, les avait perdus très probablement l'un et l'autre à cette époque. Aussi ne fit-il aucune difficulté de consentir aux deux adoptions qui lui étaient demandées par Hadrien. Quant à la seconde condition, il promit de la remplir ; mais on verra qu'il devait l'éluder peu après[75]. Avec, l'adoption d'Antonin, Hadrien avait donné satisfaction à la raison d'Etat ; avec la condition qu'il lui imposait, il donnait satisfaction à l'affection qu'il avait eue pour Ælius Verus et qu'il avait reportée sur son jeune fils, comme l'affection dont il avait toujours entouré Marc-Aurèle. L'adoption d'Antonin eut lieu le 23 février 138, c'est-à-dire un peu moins de deux mois après la mort d'Ælius Verus. Ce jour-là l'empereur dut lire ou faire lire au Sénat une déclaration solennelle, et Antonin y répondit par un discours de remerciements[76]. Aussitôt après cet acte, Antonin modifia ses noms : il prit le nom de famille et le surnom d'Hadrien, auquel il ajouta son surnom propre, tout en conservant son prénom. T. Ælius Hadrianus Antoninus sera à partir de ce moment la forme la plus fréquente de son nom. C'était là une conséquence civile de son adoption. Quant aux conséquences politiques, elles se produisirent aussi sur-le-champ. Antonin fut proclamé le collègue de son père adoptif ; celui-ci partagea avec lui l'essence même du pouvoir impérial, la puissance tribunicienne et l'imperium proconsulaire, c'est-à-dire l'autorité suprême dans l'enceinte de Rome et dans tout l'Empire[77]. Auguste avait fait ainsi pour Tibère, Vespasien pour Titus, Nerva pour Trajan[78]. Ce partage du souverain pouvoir— d'ailleurs purement nominal, caria plénitude de la puissance impériale ne cessa de résider dans Hadrien — dura quelques mois à peine : Hadrien mourut le 10 juillet 138[79]. De cette période de quatre mois et demi qui fut pour Antonin comme l'apprentissage du pouvoir, il est resté quelques souvenirs : des médailles d'abord qui représentent Hadrien avec son héritier adoptif[80], puis quelques inscriptions. La plus importante a été gravée en son honneur à Rome, et la statue, à laquelle elle servait probablement de basa, a été consacrée le 15 mai 138. Antonin y figure avec le titre d'imperator, avec celui de césar qui n'a pas d'autre signification ici que celle d'héritier présomptif, avec sa puissance tribunicienne et avec si généalogie adoptive, qui fait d'Hadrien son père, de Trajan son grand-père, de Nerva son bisaïeul[81]. Hadrien avait institué une fête au neuf août de chaque année pour célébrer l'anniversaire de sa propre adoption par Trajan. L'adoption d'Antonin fut de même l'occasion de réjouissances solennelles, mais sans que l'on eût créé pour cela une fête périodique[82]. Antonin fit au peuple et à l'armée de grandes distributions d'argent, prises sur ses revenus personnels. Sa fortune était assez considérable pour lui permettre d'être généreux, sans l'être aux dépens du trésor public[83]. Mais si Antonin ne puisait pas dans les caisses de l'Etat, ce n'en était pas moins la continuation d'un système économique déplorable, dans lequel citoyens et prétoriens n'avaient guère d'autres ressources que les aumônes impériales. L'union la plus intime ne cessa de régner entre Hadrien et Antonin. Antonin comprit que son devoir et son intérêt étaient de savoir rester au second rang ; aussi se montra-t-il toujours plein d'une respectueuse déférence pour son père adoptif[84]. Un moment, il courut le risque d'être renversé par une conspiration de palais, l'adoption d'Antonin n'avait pu avoir lieu sans faire à la cour plus d'un mécontent ou d'un jaloux, bien qu'elle eut rencontré en général un accueil très favorable. Le plus en vue des mécontents était L. Catilius Severus, l'ancien collègue d'Antonin au consulat, qui, préfet de la Ville à cette époque, comptait sur sa haute position pour s'assurer l'Empire. L'adoption d'Ælius Verus avait trompé une première fois ses espérances ; la mort d'Ælius les fit renaître. Catilius recommence alors ses intrigues ; il comptait profiter pour sa part de la faveur dont son arrière-petit-fils, Marc-Aurèle, jouissait auprès de l'empereur. Son ambition fut déçue pour la seconde fois par l'adoption d'Antonin. C'est dans ces circonstances qu'il se mit à la tête d'une petite cabale de mécontents. Hadrien en eut connaissance ; mais, au lieu de sévir contre les coupables comme on aurait pu s'y attendre, il prit une décision où l'on sent l'influence bienfaisante d'Antonin : il se contenta de donner à Catilius un successeur dans sa charge de préfet de la Ville[85]. Cette tentative de conspiration avait porté à la défiance l'esprit naturellement soupçonneux d'Hadrien. La maladie dont il souffrait en ce moment, et qu'il sentait inguérissable, ne fait qu'accroitre ces dispositions. Hadrien se croit entouré d'ennemis ; pour se protéger contre des dangers imaginaires, il multiplie les ordres de mort autour de lui. Mais Antonin transgresse ces volontés meurtrières à l'insu de l'empereur en empêchant d'exécuter les victimes qu'Hadrien avait désignées au milieu des crises de sa maladie[86]. Aussi le rhéteur Aristide loue-t-il Antonin d'être arrivé à l'Empire sans avoir versé une goutte de sang. Les Dieux veillaient sur lui pour qu'il montât sur le trône d'une façon sainte et irréprochable. Ce qui était le fait de la fureur et du délire ils l'ont laissé à autrui (Hadrien), tandis que pour lui-même ils ont réservé tout ce qui était juste, humain et saint... Beaucoup de ceux qui ont certainement comploté contre lui sont encore en vie et le doivent à sa bonté[87]... Antonin n'eut pis seulement à soustraire quelques victimes à la folie d'Hadrien ; il dut encore le protéger lui-même contre sa propre démence. Hadrien voulait mettre fin à ses jours ; Antonin veilla sur lui pour l'empêcher d'exécuter cette sinistre résolution[88]. À la fin, les accès du mal dont se mourait l'empereur devinrent si violents, qu'il voulut essayer, comme dernier remède, d'aller respirer un autre air. Il quitte sa villa de Tibur, laisse à Rome Antonin comme empereur, et se rend à la station, la plus fréquentée du golfe de Naples, à Baies. Mais l'air de la Campanie et la brise de mer n'empêchèrent pas le mal d'empirer. Hadrien sent ses derniers moments arriver, il appelle alors auprès de lui son fils adoptif. Antonin accourt aussitôt à Baies : ce fut pour recevoir le dernier soupir du vieil empereur, le 10 juillet 138[89]. Ce jour-là Antonin inaugurait son règne personnel. |
[1] Pius, 1, 8.
[2] C'est le nombre qui est donné par le tableau des Natales Cæsarum qui fait partie des fastes du Chronographe de 354. Ce tableau est reproduit dans Orelli, 1004, et C. I. L., I, p. 379.
[3] Pius, 5, 2.
[4] C. I. L., VI, 10234 : ... uti XIII k. oct. die felicissimo... sportulas dividerent.
[5] Eph. ep., I, n° 139, pp. 44-45. — On ne connaît pas de prince qui ait reçu avant Antonin les titres de optimus ac sanctissimus omnium sæculorum princeps.
[6] Le mois de septembre voyait se succéder à quelques jours d'intervalle quatre anniversaires de naissance célèbres : le 9, c'était la fête d'Aurélien ; le 18, celle de Trajan ; le 19 celle d'Antonin le Pieux ; le 23, celle d'Auguste.
[7] Pius, 1, 8 ; de Cæsaribus, 15, 2.
[8] Nibby : Analisi della carta... de' dintornidi Roma, t. II (Rome, 1837), p. 173. Les ruines de la villa de Lanuvium ont fourni encore un groupe de deux lévriers de grandeur naturelle, en marbre, que Winckelmann a vu dans la collection Clémentine (Gazette archéologique, année 1880, p. 76) ; et deux petites statues de Pan, signées en grec du nom de M. Cossulius Cerdon, aujourd'hui au musée Britannique (Gust, Hirschfeld, Tituli statuariorum sculptorumque græcorum, Berlin, 1871, n° 168).
[9] Pius, 1, 1 ; Eutrope, l. VIII, c. 8 ; Aurelius Victor, Épitomé, 15.
[10] Voyez Capitolin, Opilius Macrinus, 7, 7-8 ; Lampride, Heliogabalus, 2, 4.
[11] Pius, 1, 8.
[12] Pius, 1, 8.
[13] Fronton, p. 101.
[14] Des fouilles furent entreprises en 1824 à Lorium ; elles ont fourni quelques résultats pour la topographie même de Lorium, mais peu de chose pour l'histoire de la villa d'Antonin. On pense cependant qu'elle se trouvait à droite de la route ; il y a là quelques ruines en briques dont le procédé de construction parait caractéristique du second siècle. Si la villa impériale s'élevait à cet endroit, il faudrait croire qu'Antonin avait conservé, en les faisant reconstruire, une partie des bâtiments primitifs ; car quelques-uns de ces débris semblent appartenir au premier siècle. Voyez Nibby, Analisi della carta... de' dintornidi Roma, II, p. 272.
[15] Pius, 1, 9.
[16] Pius, 1, 3. — Pour lui, comme pour tous les membres de la famille d'Antonin, Voyez l'Appendice A.
[17] Ils étaient tous morts en 138. Voyez Pius, 3, 2.
[18] Eutrope, VIII, 8 : genere claro, sed non admodum vetere. — Pourtant dans le de Cæsaribus, 15, 2, il est dit : vir veterrimæ familiæ.
[19] Trois lettres de Pline le Jeune qui lui sont adressées se placent entre les années 102 et 106. Voyez l'Appendice A.
[20] Pius, 1, 4. Cf. Aurelius Victor, Épitomé, 12, 3.
[21] Pius, 1, 9.
[22] Pius, 1, 9 ; 2, 1 ; Eutrope, VIII, 8.
[23] Descemet : Inscriptions doliaires latines. Marques de briques relatives à une partie de la gens Domitia, Paris, 1880, in-8° (15e fascicule de la Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome).
[24] La plus importante de ces briqueteries doit avoir été dirigée par un nommé Cæpio, car le nom de la briqueterie cépionienne revient sans cesse sur les briques de cette famille. Tous les documents de ce genre se trouvent dans l'ouvrage capital de Gaet. Marini, Iscrizioni antiche doliari, resté pendant longtemps en manuscrit à la Bibliothèque du Vatican, et publié en 1831 (Rome, in-4°) par J.-B. de Rossi avec des notes de H. Dressel. Voyez pour toute cette question de l'industrie doliaire, L'Epigraphie doliaire chez les Romains, par M. A. Geffroy, dans le Journal des Savants, 1886, et tirage à part.
[25] Il y est désigné sous les noms de Arrius Antoninus ou de Fulvus Antoninus.
[26] Pius, 2, 1.
[27] Pius, 2, 8. — Les intérêts à Rome se comptaient au mois ; voyez Marquardt, Römische Staatsverwaltung, Leipzig, t. II (1876), pp. 59-60.
[28] Epistolæ, II, 12.
[29] Pius, 2, 9.
[30] Pius, 1, 9. Ce collège consulaire figure sur deux inscriptions (C. I. L., VI, 2080 et VIII, 8239), qui montrent l'une et l'autre que L. Catilius Severus avait alors les faisceaux pour la seconde fois. Il est peu probable qu'Antonin ait été remplacé au consulat de cette année, comme le veut Marini, par Arrien, consul suffect ; voyez en effet Borghesi, Œuvres, IV, p. 147.
[31] Spartien, Hadrianus, 22, 13.
[32] Pius, 2, 11.
[33] Appien, de bellis civilibus, I, 38 ; Capitolin, M. Ant. philos., 11, 6.
[34] Voyez C. Jullian : Les transformations politiques de l'Italie sous les empereurs romains, Paris, 1883, p. 121 et suivantes.
[35] C'est ainsi qu'un trouve les mots : judices, Italiam regere, tribunal ascendere, reddere jura.
[36] Saumaise, dans l'édition des Historiæ augustæ scriptorev VI, Leyde, 1671 ; I, p. 250.
[37] Le passage sur lequel s'appuyait Saumaise (Pius, 7, 11) doit se lire : Nec ullas expeditiones obiit, nisi quod ad agros suos prorectus et (et non est) ad Campaniam, comme H. Peter le donne dans sa première édition des Scriptores historiæ augustæ (1865) : dans la seconde (1884), il a imprimé est.
[38] Borghesi, Œuvres, t. VIII, p. 371 ; Jullian, Les transformations politiques de l'Italie sous les empereurs romains, p. 119.
[39] Pius, 3, 5.
[40] Clarissimus vir, Gruter, 494, 5 = Borghesi, Œuvres, t. VIII, p. 370.
[41] Borghesi, Œuvres, t. III, p. 385 ; t. VIII, p. 371.
[42] Jullian, Les transformations politiques de l'Italie sous les empereurs romains, p. 132.
[43] Waddington, Fastes des provinces asiatiques, Paris, 1872, p. 12.
[44] Pius, 3, 6.
[45]
On peut voir à ce sujet une curieuse lettre de Fronton (édit. Naber, p. 169).
[46] Ulpien, Digeste, I, XVI, 1, § 5.
[47] Pius, 3, 2 ; 4, 3.
[48] Cicéron, Epist. ad Q. fratrem,
I, 1, 8.
[49] C. I. Gr., 2965 = Le Bas et Waddington, Voyage archéologique, t. III, n° 146.
[50] Digeste, XLVIII, III, 6, § 1. — Sur les irénarques, voyez Cagnat, De municipalibus et provincialibus militiis in imperio romano, Paris, 1880, pp. 23 sq.
[51] Philostrate, Vitæ soph., I, 23 (Polémon), 7-8. Voyez ci-dessous, ch. XVII, § 1.
[52] Philostrate, Vitæ soph., II, 1 (Hérode Atticus), 17. Voyez Borghesi, Œuvres, V, p. 103. — Il n'y a pas à parler au sujet du proconsulat d'Antonin de deux peintures prétendues antiques, qui ont été reproduites dans les Monumenti dell' Instituto di corr. archeol., t. III, pl. X-XI, et expliquées par Borghesi, Annali, 1839, pp. 239 et s. = Œuvres, VII, p. 316 et s. On a reconnu depuis que ces peintures étaient l'œuvre d'un faussaire (Borghesi, Œuvres, VII, p. 316, n. 2). Nous avons eu l'occasion de voir nous même à Rome, en 1880, chez un marchand d'antiquités, ces peintures soi-disant antiques : on n'en peut mettre en doute l'entière fausseté.
[53] Pius, 3, 8.
[54] Tacite, Historiæ, I, 16.
[55] Pline a prononcé son Panégyrique en l'année 100 ; d'autre part, il est très vraisemblable que c'est dans les années 100 et suivantes que Tacite a, sinon publié, du moins lu en public les premiers livres des Historiæ. Voyez Mommsen, Etude sur Pline le Jeune, trad. franç., 1873, p. 82. — Quant au Panégyrique de Pline, il ne faut guère y voir autre chose qu'une adresse du Sénat, comme on dirait dans notre langage parlementaire. Voyez de La Berge, Essai sur le règne de Trajan, p. 18.
[56] Pline le Jeune, Panegyricus, VII.
[57] Spartien, Hadrianus, 23, 11.
[58] Spartien, Helius, 6, 9.
[59] Hadrien plaisantait sur son surnom Verus et l'appelait Verissimus.
[60] Dion Cassius, LXIX, 20. — Il n'est pas impossible que ce discours ne soit que la transcription d'un compte-rendu officiel. Voyez Bossart et Müller (Bédinger, Untersuchungen zur röm. Kaisergesch., t. II), pp. 291-294.
[61] Aurelius Victor, de Cæsaribus, 14, 9-11.
[62] Pius, 1, 3.
[63]
Aristide : είς βασιλέα,
édit. Jebb, I, p. 63 = édit.
Dindorf, I, p. 100.
[64] Voyez son portrait dans Spartien, Helius, 5, 1-11.
[65] Pius, 3, 1-5. On peut voir des présages analogues pour Trajan et Hadrien dans de La Berge, Essai sur le règne de Trajan, p. 13, n. 7.
[66] Accarias, Précis de droit romain, t. I, 1879 (3e édit.), § 102.
[67] Le mot adrogari n'est employé qu'une fois à propos d'Antonin : Pius, 4, 4.
[68] Voyez von Jherinz, L'esprit du droit romain, trad. franç., 1877-78, t. IV, p. 272, 289.
[69] Capitolin, M. Anton. philos.,
5, 4 : cur... in adoptionem regiam transiret.
[70] Tacite, Historiæ, I, 15 ; 17-18.
[71] Voyez de La Berge, Essai sur le règne de Trajan, p. 18.
[72] Pius, 4, 4.
[73] Gaius, Institutes, I,
99.
[74] Pius, 4, 5 : adoptionis lex. Helius, 6, 9 : conditio.
[75] Dion Cassius, LXIX, 21 ; Pius, 4, 5 ; Hadrianus, 21, 1 ; Helius, 6, 9-10 ; 7, 2 ; M. Ant. philos., 16, 6-7. — D'après M. Ant. philos., 5, 1 et Verus, 2, 2, Antonin, au lieu d'adopter Marc-Aurèle et Verus n'aurait adopté que Marc-Aurèle, qui aurait adopté Verus : ainsi, Verus n'aurait été que le petit-fils adoptif d'Antonin. Mais ceci est inexact, car Verus a toujours le titre de fils d'Antonin.
[76] Pius, 4, 6.
[77] Pius, 4, 7.
[78] Borghesi, Œuvres, III, p. 438.
[79] Spartien, Hadrianus, 25, 6.
[80] Eckhel, VII, p. 2.
[81] C. I. L., VI, 998. — Les autres inscriptions se rapportent à un proconsul d'Asie, C. Julius Scapula, qui prend sur deux monuments d'Ancyre le titre de légat d'Hadrien et d'Antonin. Ces mots doivent s'entendre de la période où l'empereur et le césar partagèrent le pouvoir ; C. I. Gr., 4022, 4023. — Sur une lettre impériale, qui figure dans les Fragmenta juris romani vaticana, et qu'on avait attribués à tort à cette période, voyez Borghesi, Œuvres, III, p. 130 ; V, p. 38.
[82] La célébration du natalis de l'adoption n'entra pas dans les habitudes romaines ; voyez les rares exemples qu'on en connaît dans le C. I. L., I, p. 381.
[83] Pius, 4, 9.
[84] Pius, 5, 1.
[85] Spartien, Hadrianus, 21, 6-7.
[86] Pius, 2, 4 ; 6, 3.
[87]
Aristide, είς βασιλέα,
édit. Jebb, I, pp. 53-59.
[88] Pius, 2, 6. Cf. Hadrianus, 24, 8-10.
[89] Hadrianus, 23, 5-6. — Pour la manière dont il faut compter les puissances tribuniciennes d'Hadrien pour arriver avec la vingtième à l'année 138 et non à l'année 139, voyez Borghesi, Œuvres, VIII, pp. 405-407.