La question du lieu où Clovis reçut le baptême n’est pas une simple affaire de curiosité historique, livrée uniquement aux investigations des érudits. Le public lui-même, si peu attentif en général aux discussions purement scientifiques, ne saurait y rester indifférent. Ce problème ne s’impose pas seulement aux recherches des savants ; il intéresse aussi la piété des fidèles ; les uns et les autres ont toujours été désireux de connaître l’endroit précis où s’est accompli ce grand événement qui a eu une influence si décisive sur les destinées de l’Église et de la France. Dès le moyen âge, l’attention s’est portée sur ce point ; diverses solutions ont été proposées, et comme les procédés d’une critique rigoureuse étaient fort étrangers aux habitudes de cette époque, on a tiré de quelques textes mal compris des conclusions arbitraires, et l’on a créé, à côté de la vérité et de l’exactitude, certains courants d’opinion qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Puisque ces erreurs ont trouvé longtemps du crédit, il est utile de les réfuter ; nous nous efforcerons donc de réviser la cause et d’établir de notre mieux la thèse que nous jugeons la seule vraie et la seule admissible, celle qui fait d’un baptistère dépendant de la cathédrale de Reims le théâtre de la conversion du roi des Francs. Cette thèse n’est pas nouvelle : elle a été soutenue par la plupart des anciens érudit, en particulier par Marlot[1], cet éminent bénédictin du dix-septième siècle, auquel nous devons la meilleure et la plus approfondie des histoires de Reims, et dont la science actuelle confirme très souvent les décisions, là où son esprit judicieux n’a pas trop subi le prestige des traditions locales. Si l’opinion que nous soutenons est déjà vieille, — nous la constaterons plus loin dès l’époque carolingienne, — la démonstration en peut être neuve : il est, en effet, certains détails qui ont échappé à nos devanciers, et certaines confusions dont ils n’ont pas assez .nettement discerné l’origine. Aurons-nous réussi à compléter leurs recherches, et à faire la lumière sur ces points si obscurs ? Tel est au moins le but que nous nous sommes proposé. Avant d’entrer en matière, une première question devrait appeler notre examen, si elle n’avait été traitée ici même par une plume plus autorisée que la nôtre : Clovis a-t-il été réellement baptisé à Reims ? Cette question, nous devons le reconnaître, est de celles qui peuvent être controversées ; elle n’a pas pour elle de ces témoignages contemporains irrécusables qui suffisent à enlever toute incertitude, et à mettre un fait historique hors de contestation. De nos jours, on l’a vu résoudre dans le sens de la négative, contrairement à l’opinion générale, par un érudit fort compétent dans les questions mérovingiennes[2], et sa thèse a trouvé depuis assez de faveur près de la science allemande. Mais nous ne saurions accepter cette solution comme définitive, et les arguments présentés en sa faveur sont loin d’avoir cette clarté qui fait naître une conviction absolue dans tout esprit impartial. L’un des principaux et des plus solides en apparence est tiré d’une lettre de saint Nizier, évêque de Trèves, presque un contemporain de Clovis, qui semble placer à Tours le baptême de ce monarque[3]. Ce texte mériterait d’être pris en sérieuse considération, si les termes en étaient assez précis pour autoriser cette explication et la rendre décisive ; mais on en a donné d’autres interprétations qui nous paraissent aussi bien justifiées«, et permettent de le concilier avec l’opinion traditionnelle fixant à Reims le lieu du baptême de Clovis[4]. Cette opinion, il est vrai, ne se manifeste pas d’une façon formelle antérieurement au septième siècle[5] ; est-ce une raison pour en conclure qu’elle a été inventée seulement à cette date, et qu’elle est dépourvue de toute valeur historique ? Si Grégoire de Tours ne désigne point la ville où fut baptisé Clovis et ne fait pas mention de Reims dans son récit, toutes les circonstances qu’il indique concourent implicitement à faire attribuer à Reims cette scène du baptême, dont il nous trace un si poétique tableau[6]. Et la chose est si vraie, que ceux-là mêmes qui veulent voir en cette attribution une simple invention du septième siècle lui donnent pour origine une conjecture fondée sur le texte de Grégoire de Tours[7]. Le silence de cet historien serait au contraire inexplicable, dans le cas où le baptême aurait eu lieu à Tours. Comment, en sa qualité d’évêque de cette ville, aurait-il pu l’ignorer, lui qui cherchait toujours, en écrivain consciencieux, à s’instruire de tous les faits et à recourir à toutes les sources d’informations[8] ? Il pouvait encore interroger des témoins contemporains, et l’événement n’était pas assez ancien pour qu’on en ait perdu le souvenir. Et s’il en avait eu connaissance, s’il savait qu’il s’était passé dans sa ville épiscopale, comment comprendre qu’il n’ait point fait à cette circonstance la moindre allusion ? C’est à tort aussi que l’on refuse toute autorité à la Vie de saint Vaast, qui place très nettement le baptême à Reims, et dont le témoignage a été fréquemment invoqué à ce sujet. Sans doute cette vie a été écrite vers 642, à une date notablement postérieure aux événements qu’elle relate ; mais elle paraît s’appuyer en certains points sur d’antiques traditions locales. Il en est ainsi pour l’épisode de la guérison d’un aveugle opérée par saint Vaast près du village de Rilly, après qu’il eut franchi la rivière d’Aisne en compagnie de Clovis, in pago Vongise, ad locum qui dicitur Grandeponte, juxta villam Reguliacam, super fluvium Axona. C’était bien une tradition du pays ; une église avait été élevée dans cet endroit, en souvenir du miracle, et elle existait encore au onzième siècle, ainsi que l’atteste un chroniqueur de cette époque[9]. Le pont dont il est ici question donnait passage sur la rivière à la voie romaine de Trèves à Reims, que Clovis n’avait qu’à suivre pour se rendre en cette dernière ville. Suivant l’itinéraire indiqué par notre hagiographe, après sa victoire sur les Alamans, il avait d’abord passé par Toul, puis avait remonté vers le nord et s’était dirigé du côté de l’Aisne et du pays de Voncq[10]. On s’est étonné de lui voir prendre un chemin si peu direct ; ce voyage a semblé fort invraisemblable, et l’on a voulu en tirer un argument contre l’authenticité du récit[11]. Mais si étrange que ce détour paraisse, il a pu être déterminé par un motif qui nous est inconnu[12], et nous ne voyons pas de raisons suffisantes pour nous inscrire en faux, et pour rejeter d’une façon absolue toutes les données fournies par la Vie de saint Vaast. Ainsi, sans vouloir pénétrer plus avant dans le débat, nous nous en tenons à l’opinion admise jusqu’ici par la très grande majorité des historiens, et malgré lés objections qu’on lui a opposées, nous pensons qu’elle a toutes les probabilités pour elle. Avec les érudits dû dix-septième et du dix-huitième siècle, avec Junghans[13], avec M. Kurth[14], nous admettons que les prétentions de Reims sont fort légitimes, et que cette ville a été véritablement le berceau de la France chrétienne. Après avoir reconnu que Clovis se rendit à Reims pour recevoir le baptême, il est permis de serrer de plus près la question topographique, et de rechercher en quel endroit il a dû être logé pendant son séjour, et dans quelle église il a embrassé la foi catholique. Plusieurs opinions sont ici en présence. Dans la dissertation que nous avons .publiée à ce sujet, il y a quelques années[15], nous avons soutenu que le roi des Francs avait dû prendre gîte au palais épiscopal habité par saint Remi, et situé près de la cathédrale, sur l’emplacement de l’archevêché actuel. C’était là peut-être que se trouvait, à l’origine, la demeure des gouverneurs romains, qui avaient fixé leur résidence à Reims, dès le temps de Strabon[16]. L’évêque, devenu de bonne heure, à Reims en particulier, le personnage le plus important de la cité, a pu, au déclin de l’empire, prendre la place du gouverneur et s’installer dans son palais. On a découvert, à diverses reprises, dans les terrains de l’archevêché, des vestiges assez importants de constructions romaines. Au dix-septième siècle, quand on rebâtit, — hélas ! dans le goût de l’époque, — la façade du palais, on découvrit à cinq ou six pieds de profondeur, en creusant des fondations, un pavé en mosaïque, et dans le voisinage, nous dit-on, des fourneaux souterrains, c’est-à-dire les restes d’un hypocauste[17]. Des travaux, exécutés en 1845, firent mettre de nouveau au jour une assez belle mosaïque, qui a été transportée dans l’une des chapelles de la cathédrale[18]. Ces trouvailles, sans apporter une preuve bien certaine, fournissent à notre hypothèse une présomption favorable. L’existence d’un édifice important par lui-même et par les souvenirs qui s’y rattachaient, n’a peut-être pas été étrangère au choix que fit l’évêque saint Nicaise de cet endroit pour y élever, au commencement du cinquième siècle, son église cathédrale, in arce sedis ipsius, — ce sont les expressions mêmes dont se sert l’auteur de la vie de ce prélat[19]. Ainsi, suivant toute vraisemblance, saint Remi a eu sa résidence épiscopale à proximité de cette église, et il est permis de supposer que Clovis a pu être son hôte. Cette tradition a été suivie par ses successeurs dans la suite des âges ; lorsqu’ils venaient à Reims, c’est à l’archevêque qu’ils demandaient l’hospitalité. Tel était l’usage des rois capétiens ; on a un diplôme de Louis VII, de l’année 1138, daté du palais du Tau, où palais de l’archevêché[20] ; on lui donnait alors ce nom, à cause de sa salle principale qui rappelait, paraît-il, par la disposition de son plan, la forme de cette lettre de l’alphabet grec. Jusque dans les temps modernes, les souverains ont conservé l’habitude de loger à l’archevêché ; ils y avaient leurs appartements, destinés surtout à les recevoir au milieu des pompes et des cérémonies de leur sacre. Hincmar, dans sa Vita Remigii, nous raconte que le saint évêque eut avec Clovis, en la nuit qui précéda son baptême, un entretien où il acheva de l’instruire des vérités de la religion. Cette entrevue aurait eu lieu dans un oratoire consacré à saint Pierre, attenant à la chambre du roi, oratorium beatissimi apostolorum principis Petri, cubiculo regis contiguum[21]. Nous n’avons pas à examiner si ce trait a un caractère historique. L’auteur a-t-il, en vue de la mise en scène, hasardé certaines conjectures et donné sur quelques points de détail un peu trop libre cours à son imagination[22] ? L’entrevue de Clovis n’est rapportée par aucun autre chroniqueur ; on ne la trouve que dans la vie de saint Remi composée par Hincmar ; or, cette vie est remplie de fables, fabulis respersa, suivant l’expression sévère, mais rigoureusement exacte, des Bollandistes[23], et tout ce qui vient de cette source est justement suspect. Toutefois, nous croyons plutôt que l’illustre prélat s’est inspiré ici d’une tradition locale qui rattachait le souvenir de Clovis à l’oratoire de Saint-Pierre. Il y avait à Reims, de son temps, plusieurs églises et chapelles dédiées au prince des Apôtres. C’était le vocable d’une chapelle située précisément dans l’enceinte de l’archevêché, et dont l’existence à cette époque nous est confirmée par le témoignage de documents très précis. Hincmar lui-même semble y faire allusion dans une lettre aujourd’hui perdue, mais dont l’analyse nous a été conservée par Flodoard, lettre de reproches adressée à un certain Rodoldus, qui avait indûment permis à d’autres prêtres de célébrer la messe in quadam capella basilicæ cortis ecclesiæ subjecta[24]. Cette désignation n’est pas très claire, et a prêté à différentes interprétations[25]. Nous pensons que la cortis ecclesiæ est bien le palais attenant à l’église métropolitaine. Il ne faut pas s’étonner de voir employer ici le terme de basilica ; réservé plus tard à des édifices importants, il n’avait pas primitivement une acception aussi restreinte, et s’appliquait parfois à de fort modestes chapelles[26]. Flodoard nous apporte aussi sa part de renseignements sur l’oratoire du palais ; il le connaissait d’autant mieux qu’il le desservait en qualité de chapelain. C’était alors une crypte, une chapelle souterraine que l’archevêque Ebbon avait fait construire opere decenti, en l’honneur de saint Pierre et de tous les saints, avec d’autres bâtiments annexes, destinés à renfermer les archives de l’église de Reims[27]. Cette construction est celle qu’a connue également Hincmar ; elle avait été rétablie peu d’années avant lui par le prélat qui l’avait immédiatement précédé sur le siège de saint Remi. Au commencement du treizième siècle, tandis qu’on jetait les fondements de notre admirable cathédrale, on résolut en même temps de rebâtir de fond en comble la chapelle de l’archevêché. Le nouvel édifice, qui a heureusement survécu à. toutes nos révolutions, est un chef-d’œuvre de goût et d’élégance, dû probablement à Jean d’Orbais, le premier architecte de Notre-Dame de Reims[28]. Suivant une disposition qui se rencontre fréquemment au moyen âge dans les chapelles des palais et des châteaux, dans la Sainte Chapelle de Paris, par exemple, on lui a donné deux étages. La chapelle supérieure, aux légers arceaux et aux voûtes élancées, était réservée aux archevêques et aux membres du clergé attachés à leur pei.- sonne ; l’étage inférieur, plus simple, moins orné et en partie souterrain, était affecté aux gens de service et aux officiers subalternes. Cette chapelle basse était restée sous le vocable de saint Pierre. Un manuscrit liturgique, écrit vers la fin du treizième siècle[29], mentionne une procession que l’on faisait le mercredi des Cendres in capellam archiepiscopi inferiorem, scilicet in oratorium sancti Petri, et où l’on chantait des antiennes en l’honneur de cet apôtre[30]. On remarquera ici ces mots d’oratorium sancti Petri ; ils semblent être une réminiscence du texte d’Hincmar, qui n’a peut-être pas été sans influence pour la conservation de ce vocable. La même mention est reproduite, à peu près en termes identiques, dans un processionnel imprimé à Reims en 1624, par ordre de l’archevêque Gabriel de Sainte-Marie[31]. A cette époque, la chapelle était encore consacrée à saint Pierre, et l’usage de la procession s’est conservé jusqu’à la fin de l’ancien régime[32]. Ainsi, il y a là une tradition constante qui nous permet de reconnaître, dès une date fort ancienne, l’existence, dans le palais de l’archevêché, d’une chapelle de Saint-Pierre, dont le titre s’est perpétué à travers les siècles, malgré bien des changements et des reconstructions successives. Ici nous devons nous arrêter un instant devant une assertion étrange, qui mériterait peu d’attention, si elle ne trouvait encore dans le public trop de personnes disposées à l’accueillir. La crypte actuelle de l’archevêché serait l’oratoire même où saint Remi, aurait catéchisé Clovis. Cette opinion s’est produite surtout, il y a une soixantaine d’années ; des écrivains rémois, très populaires, lui ont prêté leur appui et ont contribué à la répandre[33]. On était alors sous l’inspiration du romantisme ; on avait l’amour du pittoresque, et l’on sacrifiait aisément la prose de l’histoire à la poésie de la légende. Ces voûtes mystérieuses, ce demi-jour de la chapelle souterraine, ces vieux murs noircis, semblaient un cadre merveilleusement approprié à la scène retracée par Hincmar. On savait que cette chapelle avait été dédiée à saint Pierre ; on n’en demandait guère plus, et la conjecture fut bientôt mise en circulation. Nous devons dire à la décharge de nos auteurs que la crypte était alors une cave remplie de décombres, et qu’ils n’ont pas eu peut-être la faculté de l’examiner de très près. Depuis ce temps, on l’a déblayée ; elle est devenue accessible, et, d’autre part, l’archéologie a fait beaucoup de progrès. Aujourd’hui on ne saurait y voir un oratoire de l’époque mérovingienne sans montrer la plus profonde incompétence. Il est certain qu’il n’y a pas dans la chapelle basse de l’archevêché une seule pierre antérieure au treizième siècle[34] ; elle est absolument contemporaine de la gracieuse chapelle qui la surmonte, et elle a été bâtie en même temps et d’un seul jet. Il n’est pas bien sûr non plus qu’elle occupe la place exacte de l’oratoire ancien, tant le palais archiépiscopal a subi de remaniements et de modifications dans le cours des âges ; mais elle a hérité de son vocable, et cela probablement par une tradition non interrompue. Ce sont là pour elle des titres de noblesse suffisants. Donc, tout en rejetant les fantaisies imaginées vers 1840, nous avions pensé qu’Hincmar, en parlant du logement de Clovis, avait eu en vue le palais occupé par saint Remi, et qu’il faut placer dans cette antique demeure l’oratorium Sancti Petri et le cubiculum regis, voisin de l’oratoire. Ce serait par conséquent à l’archevêché, ou du moins à son emplacement, que se rattacheraient ces vieilles traditions et ces souvenirs du séjour du roi, à la veille de son baptême. Telles étaient les conclusions qui résultaient de nos premières recherches, et que nous avions exposées dans le travail cité précédemment. Elles ont été combattues depuis par le R. P. Jubaru, dans un très intéressant mémoire qu’il a fait paraître dans les Études religieuses sur le lieu du baptême de Clovis[35]. L’auteur de cette notice, qui a fait preuve d’une érudition solide et d’un esprit fort judicieux, a apporté dans cette discussion des’ arguments dont nous ne saurions nous dissimuler la valeur. Sans doute, il ne nous semble pas être arrivé à une certitude absolue ; pour des événements si lointains et si obscurs, avec le peu de renseignements que les sources historiques nous fournissent à leur sujet, on est réduit forcément aux conjectures. En réfutant notre opinion, le P. Jubaru n’a pas tenu assez compte, à notre sens, de l’oratoire de Saint-Pierre du palais archiépiscopal, dont l’existence est attestée, comme nous l’avons vu, pour une époque assez reculée. Nous persistons à croire que notre hypothèse n’est pas insoutenable, et qu’il y a toujours de bonnes raisons en sa faveur. Mais d’autre part, celle qu’a émise notre savant contradicteur est très plausible, et s’appuie sur un ensemble de preuves qui méritent un sérieux examen. On a donc le choix entre les deux opinions en présence ; elles peuvent se défendre l’une et l’autre. Nous devons avouer toutefois qu’après mûr examen, nos préférences vont plutôt maintenant à celle du P. Jubaru, pour des motifs que nous allons énoncer. Cette opinion a été proposée pour la première fois au dix-huitième siècle par l’abbé Lebeuf. Dans une de ses savantes dissertations[36], cet érudit prétend qu’il y avait à Reims un palais royal d’où Clovis sortit pour aller au baptistère, et que c’était l’ancien palais des empereurs romains, résidence de Valentinien Ier, qui y rendit plusieurs décrets dont le texte nous a été conservé dans le code Théodosien[37]. Les décrets en question sont datés du 27 janvier, du 13 février et du 29 mars 367 ; ils nous montrent que Valentinien a bien en effet séjourné à Reims durant les premiers mois de cette année. Plus tard, Clovis et ses successeurs ont pu occuper à leur tour la demeure impériale. Le fils de Clovis, Thierry Ier, parait avoir habité Reims[38] ; Sigebert Ier, neveu de Thierry, y avait établi le siège de son gouvernement, au témoignage de Grégoire de Tours[39]. Le séjour permanent d’un roi suppose l’existence d’un palais ; Reims, qui conservait encore des restes de son antique splendeur, avait pu aisément offrir aux princes mérovingiens un abri parmi les monuments qui avaient été élevés du temps de l’empire. Le palais destiné aux empereurs était tout désigné pour leur servir de résidence ; c’est là sans doute qu’ils s’étaient fixés et qu’ils tenaient leur cour ; c’est bien, nous dit-on, la domus regia désignée par Hincmar, le lieu où Clovis a passé la nuit qui précéda son baptême. Mais en quel endroit se trouvait ce palais ? On a pensé qu’il devait être voisin de la porte Basée, l’antique porta Basilica, l’une des entrées principales de la ville. Cette porte, détruite seulement au dix-huitième siècle, était à l’origine, comme la porte de Mars qui a eu un meilleur sort et subsiste encore aujourd’hui, un arc de triomphe érigé, dans des temps prospères, à l’entrée de la cité, au point de départ des grandes voies qui reliaient Reims aux autres villes de la Gaule[40]. A la fin du troisième siècle, sous la menace des invasions barbares, on se vit forcé, pour faciliter la défense, d’abandonner les faubourgs et leurs opulentes villas, de rentrer dans les étroites limites de l’ancienne cité, et d’entourer cet espace restreint d’une ceinture de remparts. L’arc de triomphe de la porta Basilica devint une porte fortifiée de la nouvelle enceinte[41]. Cette position était très importante ; elle donnait accès à la via Cæsareæ, l’une des voies les plus notables de la région ; elle jouait dans la protection de la ville un rôle capital. Il n’est pas étonnant qu’un palais ait été élevé en ce lieu et compris dans ce système défensif. On connaît ailleurs d’autres exemples analogues : c’est ainsi que la porta Nigra de Trèves a été également transformée en palais. Au moyen âge, la tradition s’est conservée, et l’on a, de même, construit des châteaux aux portes des villes : sans quitter Reims, nous pouvons citer la demeure féodale des archevêques, construite au douzième siècle pour commander la porte de Mars[42]. Des fouilles faites à différentes époques dans les terrains voisins de la porte Basée ont révélé la présence de substructions romaines assez considérables. Quand on a creusé près de la muraille antique les fondations des bâtiments de l’université et du séminaire, on a trouvé des débris de sculpture, des pans de murs incrustés de marbre et des restes de mosaïques[43]. Partout, dans ces environs, les vestiges antiques abondent et décèlent l’existence d’un édifice important. Mais nous avons mieux que ces documents archéologiques ; nous possédons un texte historique d’une authenticité indiscutable, qui nous montre à la porte Basée une demeure encore habitée à l’époque mérovingienne. La Vie de saint Rigobert, archevêque de Reims vers le premier quart du huitième siècle[44], vie écrite antérieurement à Flodoard, nous rapporte que le prélat s’était créé une installation sur le vieux rempart, au-dessus de la porte[45]. Des fenêtres de son logis, il jouissait d’une vue étendue sur les faubourgs, et se plaisait à contempler l’aspect riant des églises qui s’offraient partout aux regards du côté du quartier de Saint-Remi, le long de l’ancienne voie Césarée[46]. Chef et défenseur de la cité, il en gardait les clefs dans cette espèce de maison forte[47], et son biographe nous raconte qu’il interdit un jour l’entrée de la ville à Charles Martel. Avait-il approprié à son usage la vieille construction romaine que l’on suppose avoir existé en cet endroit ? Peut-être, et l’on est porté à en reconnaître un reste dans les assises d’un mur en petit appareil qui surmontait encore au dix-septième siècle le sommet ruiné et mutilé de l’arc de triomphe primitif, comme il paraît d’après un dessin exécuté en 1602 par l’habile artiste rémois G. Baussonnet[48]. D’autre part, certains indices permettent de supposer que les terrains adjacents à la porte Basée, à l’intérieur de la cité, faisaient partie sous l’empire romain du domaine de la couronne. Nous savons par Flodoard qu’ils continuaient au septième siècle à appartenir au domaine royal. A cette époque, un pieux personnage de haute naissance, Gombert, frère de l’évêque de Reims, saint Nivard, avait fondé en cet endroit un monastère de religieuses en l’honneur de saint Pierre : ... Monasterium in honore sancti Petri construxisse traditur, quod regale vel fiscale vocatur, eo quod in regali potestate usque ad moderna tempora fuerit habitum[49]. Remarquons en passant que si Gombert a été le fondateur du couvent, rien n’indique qu’il l’ait été aussi de l’église. Il a pu établir ce monastère près d’une chapelle de Saint-Pierre beaucoup plus ancienne, dont le vocable existait longtemps avant lui[50]. C’est à cette chapelle, et non pas, comme l’ont pensé généralement les historiens de Reims, à l’église paroissiale de Saint-Pierre-le-Vieil, que nous rapportons maintenant le legs fait par le testament de saint Remi ecclesiæ Sancti Petri infra urbem qua curtis dominica dicitur[51]. Il faut dire que ce passage ne se trouve que dans le grand testament, document interpolé dont l’authenticité est rejetée aujourd’hui par tous les critiques les plus compétents, mais qui nous reporte au moins à l’époque carolingienne, date à laquelle il paraît avoir été fabriqué. L’expression de curtis dominica, tout en ne remontant pas d’une façon certaine au temps de saint Remi, est néanmoins fort intéressante et mérite de fixer notre attention, Nous avions jugé d’abord qu’il s’agissait de la demeure de l’évêque et de ses dépendances, mais il est peu vraisemblable que l’on ait désigné ainsi le palais épiscopal. La curtis en question est plutôt le domaine du fisc dont parle Flodoard, la propriété royale où s’élevait l’église de Saint-Pierre, à l’intérieur de l’enceinte et près de la muraille, infra urbem[52]. L’empereur Louis le Pieux fit don de ce monastère de Saint-Pierre à sa fille Alpaïde, épouse du comte Bégon, et celle-ci en transmit la possession à l’église de Reims[53]. C’est sans doute aussi par suite d’une aliénation du domaine royal que les archevêques de Reims étaient devenus propriétaires d’un terrain assez vaste, attenant à la porte Basée et voisin de Saint-Pierre, mais situé de l’autre côté de la grande rue qui aboutissait à cette porte. Ils y avaient une grange et une cense qu’ils ont conservées jusque dans les temps modernes[54] ; près de cette grange, l’archevêque Guillaume de Champagne fonda en 1201 un hôpital desservi par les religieux de l’ordre de Saint Antoine[55]. Il est permis de conjecturer que tous ces terrains, qui étaient demeurés, comme le dit Flodoard, in regali potestate jusque sous les souverains carolingiens, avaient eu la même destinée à l’époque romaine, et qu’ils avaient pu être compris dans les dépendances du palais construit près de la porta Basilica. La Vie de saint Rigobert, déjà citée, nous fournit de curieux renseignements sur là petite église de Saint-Pierre et sur la situation qu’elle occupait. Elle était contiguë, et peut-être même adossée à la muraille antique, sur la droite de la porte Basée, en sortant de la ville ; la chapelle Saint-Patrice du collège des Bons-Enfants lui a succédé plus tard sur le même emplacement, et la position de celle-ci est encore nettement indiquée en divers plans du dix-huitième siècle[56]. Saint Rigobert avait fait ouvrir une porte dans le pignon de l’église Saint-Pierre qui touchait à son logis, et de là, il descendait par des degrés jusque dans le sanctuaire pour y prier Dieu : Ostium in pinnaculo ecclesiæ Sancti Petri quæ finitima erat suaa domui, præcepit fieri, per quod in eamdem gradibus adjectis descendebat ad adorandum[57]. Il remontait ensuite et entrait par cette porte dans un oratoire qu’il avait bâti sur le mur de la cité, près de sa maison, et avait dédié à l’archange saint Michel : ... indeque revertens per hoc ipsum intrabat in oratorium quod juxta domum suam fecerat super civitatis murum, dedicavitque in memoriam sancti Michælis archangeli[58]. Le comte Bégon, gendre de Louis le Pieux, fit détruire cet oratoire, parce qu’il masquait la fenêtre de l’église, et lui enlevait du jour[59]. En lisant ces descriptions, on ne peut s’empêcher de songer au récit d’Hincmar, et de rapprocher l’oratorium Sancti Petri qui tenait, suivant cet auteur, à,la chambre de Clovis, cubiculo regis contiguum, de l’église ou chapelle Saint-Pierre, voisine de la demeure de saint Rigobert, quæ finitima erat sum domui. Il est vrai, la chapelle Saint-Pierre du palais épiscopal se présentait un peu dans les mêmes conditions ; mais les diverses raisons que nous venons de passer en revue sont plutôt en faveur du séjour de Clovis dans le palais de la porte Basée, la domus regia distincte de la domus episcopi. Cette dernière opinion permet aussi d’écarter une difficulté que l’on avait soulevée au sujet de la proximité du palais de l’évêque et du baptistère de la cathédrale où Clovis reçut le baptême. D’après la Vita Remigii d’Hincmar, saint Remi et Clovis se seraient rendus en grande pompe du palais au baptistère, au milieu des hymnes et des cantiques, à travers les rues somptueusement décorées[60]. Pour qu’une telle procession ait pu avoir lieu, il faut supposer une certaine distance entre le point de départ et le lieu d’arrivée, condition qui ne se trouve point réalisée, si l’on admet un baptistère voisin de la cathédrale, et par conséquent trop rapproché du palais[61]. On peut répondre, il est vrai, que le récit d’Hincmar n’a pas la valeur d’une source originale. Toute sa narration est empruntée, en substance, à Grégoire de Tours par l’intermédiaire des Gesta Francorum[62] ; il y a seulement ajouté des traits légendaires et des développements de pure imagination[63]. Il ne peut donc fournir la matière d’une objection sérieuse. Mais le récit de Grégoire de Tours mérite plus d’égards, et s’il ne parle pas expressément d’un cortège, les termes dont il se sert paraissent du moins y faire allusion. Il nous représente la ville en fête, les grandes rues et les églises richement pavoisées : Velis depictis adumbrantur plateæ, ecclesia cortinis albentibus adornantur[64]. Ces décorations ont dû être faites sur le passage de Clovis ; or, entre l’évêché et le baptistère, il n’y avait pas de place suffisante pour qu’un cortège pût se déployer ; on n’avait qu’un faible espace à franchir, et l’on ne rencontrait sur son chemin ni ces rues, ni ces églises qui avaient pris une si brillante parure. Au contraire, si l’on admet que le roi des Francs, avec sa suite, est parti de son palais, de la domus regia de la porte Basée, en suivant, pour gagner la cathédrale, la grande rue qui conduisait jusqu’au centre de la cité, alors tout s’explique, la cérémonie s’accomplit d’une façon très naturelle, la procession peut être admise et n’est plus l’objet d’aucune discussion[65]. Nous avons attribué plus haut à l’église de la porte Basée, et non à la chapelle du palais, le legs fait dans le grand testament de saint Remi ecclesiæ Sancti Petri infra urbem. C’est à elle aussi que nous assignons le legs de trois sous d’or fait au septième siècle par l’évêque Sonnace ad basilicam Sancti Petri in civitate[66], et le don de l’évêque Landon à l’église Sancti Petri ad cortem[67]. Cette cortis est bien incontestablement la curtis dominica nommée dans le grand testament. Il faut aussi sans doute identifier avec cette église l’ecclesia Sancti Petri quæ est infra muros urbis Remensis de la Vie de sainte Clotilde[68]. Peut-être cependant, à la date assez tardive où écrivait l’auteur de cette vie, s’était-il déjà produit avec l’église Saint-Pierre-le-Vieil une confusion que nous verrons prendre corps à une époque plus avancée du moyen âge. La multiplicité des églises et des chapelles consacrées à saint Pierre, qui existaient jadis à Reims, en rend souvent la distinction très difficile. Ainsi, quand l’auteur de la Vita sancti Gildardi, composée vers le dixième siècle et récemment mise en lumière par les Bollandistes[69], parle de la basilica Sancti Petri quæ nunc dicitur ad palatium, nous ne saurions dire au juste quel édifice il a en vue. En raison de la date de ce texte, nous inclinons à croire qu’il s’agit ici de la chapelle du palais de l’archevêché. A la fin de la période carolingienne, il s’est produit une opinion qui voulait associer au récit du baptême de Clovis le souvenir d’une ancienne église dédiée à saint Pierre. Elle n’a aucune valeur traditionnelle et est née d’une méprise qui s’est manifestée postérieurement à Hincmar. Ni Grégoire de Tours ni Hincmar ne laissent supposer que Clovis ait été baptisé dans une basilique de Saint-Pierre. Hincmar nous représente seulement, ainsi que nous l’avons vu, Clovis, à la veille de son baptême, conférant avec saint Remi dans l’oratorium Sancti Petri, contigu à ses appartements. Ce passage a été la source de toute l’erreur. On a retenu vaguement, un peu plus tard, ce nom de saint Pierre ; on en a exagéré la portée, et l’on en a fait à tort l’application au lieu du baptême de Clovis. Et l’auteur de la Vie de sainte Clotilde, par exemple, est venu nous dire que la pieuse reine avait une grande prédilection pour l’église de Saint-Pierre, parce que son époux y avait reçu la grâce du baptême : Hanc itaque ecclesiam cunctis diebus quibus advixit, multum dilexit et excoluit, pro eo quod vel suus rex Ludovicus in ea sancti baptisinatis gratiam accepit[70]. Il se fait ici évidemment l’écho, non d’une tradition sérieuse, mais d’une conjecture erronée. Au reste, cette Vie de sainte Clotilde n’est qu’une compilation sans caractère original, rédigée vers le dixième siècle[71]. Un autre ouvrage, qui est à peu près du même temps et n’a pas plus d’autorité au point de vue historique, la Vie de saint Gildard, semble placer aussi la cérémonie du baptême dans la basilica Sancti Petri[72]. On aurait tort d’attribuer quelque importance à ces deux textes ; ils ne prouvent rien, sinon qu’il s’était produit sur ce point, au dixième siècle, une croyance absolument fausse. L’idée du baptême de Clovis dans l’église de Saint-Pierre une fois admise, il s’est formé — et cela dès le moyen âge, — un courant d’opinion en faveur de l’église paroissiale de Saint-Pierre-le-Vieil. Un chanoine de Reims, du dix-septième siècle, Pierre Cocquault, dans un vaste recueil historique dont le manuscrit est aujourd’hui conservé à la bibliothèque de cette ville, nous révèle à ce sujet un détail assez curieux. En l’année 1486 ; les paroissiens de Saint-Pierre-le-Vieil faisaient courir le bruit que Clovis avait été baptisé dans leur église. Le 22 novembre, ajoute notre chroniqueur, leur fut imposé silence comme estant chose non véritable, car Clovis fut baptisé à l’église de Reims. Et il fait observer, en s’appuyant sur le vocable de saint Pierre, conservé de son temps à la chapelle basse de l’archevêché, que l’oratorium Sancti Petri, indiqué par Hincmar, était dans le palais de l’évêque et à proximité de l’église cathédrale[73]. Ainsi tout ce que l’on a dit de Saint-Pierre-le-Vieil, à propos du baptême de Clovis, est inexact, et l’on doit, en la question, mettre cette église complètement à l’écart. Nous ignorons, du reste, entièrement son origine et le temps de sa fondation. L’épithète de Vieil (Sancti Petri Veteris) lui a été appliquée de bonne heure : on la trouve dès le douzième siècle[74] ; mais la vieillesse d’un monument est une chose relative, et l’on se tromperait peut-être en assignant à notre église une date trop reculée. En tout cas, nous ne voyons dans Flodoard aucune mention qui puisse lui être rattachée avec certitude. Les plus anciens documents qui la concernent ne nous permettent pas de remonter au delà du douzième siècle. En 1172, on y établit une confrérie, dite de Saint-Pierre-aux-Clercs, dont les titres originaux furent brûlés en 1330, dans un grand incendie qui consuma plusieurs maisons de la ville[75]. Par suite de cet événement, la série des pièces comprenant l’ancien chartrier de l’église Saint-Pierre ne s’ouvre plus qu’au quatorzième siècle, et encore les pièces de cette dernière date sont-elles rares, car ce fonds, tel qu’il existe maintenant aux archives de Reims, offre bien des lacunes. Les matériaux dont nous disposons sont donc insuffisants pour reconstituer toute l’histoire de cette paroisse, et surtout pour éclaircir le mystère de son origine. Nous savons qu’on a parlé aussi d’une prétendue fondation, faite par saint Remi en l’église Saint-Pierre-le-Vieil ; mais c’est une simple conjecture, sans aucun fondement, ainsi que Marlot l’a fort bien vu en son histoire de Reims : On tient, dit-il, que cette église servit autrefois d’un monastère où saint Remy logea quarante vefves, dont il est parlé en la vie de saint Thierry, et qu’elle devint paroisse, lorsque ces vefves furent transférées à Sainte-Agnès ; mais... Floard ne dit rien de tout cela[76]. Flodoard, effectivement, garde sur ce point un silence complet, et la Vie de saint Thierry ne dit rien non plus qui autorise cette supposition. Nous sommes encore en présence d’une de ces fausses légendes dont on a encombré les histoires locales, et qu’il appartient à la critique d’éliminer. Pour en revenir à Clovis, il est certain qu’aucune église de Saint-Pierre n’a été témoin Ce son baptême, et que les traditions invoquées en faveur de cette opinion n’ont rien d’historique. Ainsi s’écroulent par la base toutes les raisons accumulées pour démontrer que la cérémonie a eu lieu dans un baptistère situé près de l’ancienne cathédrale, dédiée aux Apôtres, et devenue plus tard l’église Saint-Symphorien[77]. Cette opinion s’appuie surtout sur les passages précédemment cités des Vies de saint Gildard et de sainte Clotilde ; c’est là un étai bien fragile, sur lequel on ne peut se reposer en sécurité. On pourrait observer au surplus que le vocable des Apôtres n’est pas tout à fait identique au vocable de saint Pierre ; mais à quoi bon, puisqu’il ne doit plus être question ici de saint-Pierre lui-même ? Clovis n’a pas été baptisé davantage dans l’église de Saint-Martin de Reims, ainsi que l’a supposé Adrien de Valois[78], pour expliquer une allusion de la lettre de saint Nizier, dont nous avons parlé plus haut, et d’après laquelle Clovis, décidé embrasser la foi chrétienne, se serait rendu ad limina domini Martini[79]. Cette expression ne peut assurément désigner autre chose que la basilique de Saint-Martin de Tours, qui reçut, en effet, une visite solennelle du roi des Francs[80]. Ainsi ces diverses solutions doivent être écartées, et Clovis, suivant toute vraisemblance, a reçu le baptême dans un baptistère attenant à la cathédrale qui existait de son temps, à celle que saint Nicaise avait bâtie en l’honneur de la sainte Vierge[81]. Il n’y avait alors sans doute à Reims, comme dans les autres villes épiscopales, qu’un seul baptistère, où l’évêque administrait le sacrement à des époques déterminées[82]. C’est bien là le templum baptisterii, désigné par Grégoire de Tours dans son récit de la conversion de Clovis[83]. Toutes les présomptions sont en faveur de cette assertion ; pour la combattre, il faudrait avoir des preuves, or on n’en découvre nulle part. Du reste, cette opinion avait déjà cours au neuvième siècle, Louis le Pieux, dans un diplôme donné à l’archevêque Ebbon, entre les années 817 et 825[84], pour lui permettre d’employer les pierres des murs de Reims à la reconstruction de la cathédrale, rappelle que Clovis, son prédécesseur, a été dans cette église régénéré par le baptême[85]. Nous n’insistons pas, bien entendu, sur un témoignage aussi tardif, et nous ne lui attribuons aucune force probante ; nous nous bornons à reconnaître que, malgré les divergences qui allaient bientôt se manifester, la vérité historique avait dès lors reçu une sorte de consécration officielle. Il nous reste à rechercher en quel endroit au juste s’élevait le baptistère. Deux textes peuvent nous fournir quelques indices à ce sujet. On lit dans une continuation de la chronique de Flodoard que l’archevêque Adalbéron fit détruire, en l’année 976, un ouvrage muni d’arcades, qui était voisin des portes de l’église de Notre-Dame de Reims, et près duquel se trouvait un autel dédié au Saint Sauveur, et des fonts d’un admirable travail : Destruxit Adalbero arcuatum opus quod erat secus val vas ecclesia Sanctæ Mariæ Remensis, supra quod altare Sancti Salvatoris habebatur, et fontes miro opere erant positi. Ce passage semble bien s’appliquer à un baptistère primitif, construction isolée, située en dehors et à proximité de l’entrée de l’église, et telle a été l’interprétation adoptée par Marlot[86]. Mais Richer, en rapportant le même fait dans sa chronique, se sert de termes assez obscurs, qui viennent compliquer un peu la question. Il nous parle d’arcades élevées qui s’avançaient depuis l’entrée jusqu’au quart environ de la basilique entière, et que l’archevêque fit démolir pour donner à celle-ci plus d’ampleur : Fornices qui ab ecclesiæ introitu per quartam pene totius basilicæ partem eminenti structura distendebantur, penitus diruit. Unde et ampliori receptaculo et digniore scemate tota, ecclesia decorata est[87]. On pourrait croire, en lisant ces lignes, qu’il s’agit d’une construction intérieure qui encombrait l’église, d’une tribune peut-être, ainsi que le pensait Jules Quicherat[88]. A vrai dire, on ne se représente guère ce que pouvait être une semblable disposition, et l’explication est en somme peu satisfaisante. Le P. Jubaru, dans l’article déjà cité[89], émet à ce sujet d’autres vues qui nous semblent fort justes, et qui concilient très bien les données fournies par nos deux chroniqueurs. Nous croyons qu’il a eu le mérite de découvrir la vraie solution du problème. La cathédrale bâtie par saint Nicaise, celle qu’a vue Clovis, avait des dimensions restreintes dont on peut se faire aujourd’hui encore une idée assez exacte. On a conjecturé non sans raison que l’autel, situé dans l’abside, devait être à la place qu’occupe maintenant le maître-autel de la cathédrale actuelle[90]. La tradition a gardé aussi un souvenir précis de l’endroit où s’ouvrait la porte de la basilique. C’était là, sur le seuil même, que saint Nicaise avait été massacré par les Vandales, et le lieu de son martyre était resté l’objet d’une vénération non interrompue à travers les âges. Ce lieu correspond à la sixième travée de notre cathédrale à partir du portail ; au treizième siècle, il était indiqué par un petit monument commémoratif ; une dalle de marbre le désigne de nos jours à la piété des fidèles. Le P. Jubaru pense que la basilique primitive, suivant l’usage du temps, était précédée d’un atrium, parvis carré entouré de portiques ; au milieu de ce parvis ou sur l’un des côtés s’élevait l’édicule du baptistère[91]. D’après lui, l’église reconstruite par Ebbon et achevée par Hincmar au neuvième siècle, aurait été prolongée vers le chœur, mais la façade n’aurait pas changé de place, et l’atrium ancien, ainsi que le baptistère, aurait été respecté. Leur destruction a été l’œuvre d’Adalbéron ; l’arcuatum opus, l’ouvrage garni d’arcades qu’il démolit, doit s’entendre des galeries cintrées du portique qui régnait autour du parvis. Avec ce portique, il supprima le baptistère qui renfermait l’autel du Saint Sauveur et les fonts, sans doute richement décorés de marbres et de mosaïques, dont on admirait le beau travail. La préposition supra, employée ici par le continuateur de Flodoard, n’a pas évidemment son sens habituel ; on ne comprend pas comment l’autel et les fonts auraient pu être superposés à l’arcuatum opus. Supra, dans le latin du moyen âge, indique souvent la juxtaposition, le voisinage immédiat ; c’est ainsi qu’on doit l’interpréter dans notre texte ; il exprime la contiguïté du baptistère aux arcades de l’atrium[92]. Ces arcades, Adalbéron les sacrifia pour augmenter de ce côté la nef de la cathédrale et la rendre plus imposante, — ampliori receptaculo decorata. Elles commençaient alors près de l’entrée de l’église, et se développaient sur le quart environ de la longueur totale de la basilique, c’est-à-dire en y comprenant le parvis. Telles devaient être, en effet, à peu près les dimensions de cet atrium. Ainsi s’explique le texte de Richer qui devient plus intelligible, si on en fait l’application, non pas uniquement au vaisseau intérieur de l’église, mais en même temps à la place close qui la précédait au dehors. De l’hypothèse que nous venons d’exposer à la suite du P. Jubaru, il résulte que l’emplacement de l’ancien atrium de l’église contemporaine de Clovis peut être représenté dans la cathédrale actuelle par une surface carrée qui s’étendrait au milieu de la nef, à partir de la dalle qui rappelle le martyre de saint Nicaise. C’est dans cet espace restreint, mais en un point indéterminé, que s’élevait le baptistère de Clovis. On connaît donc, à quelques mètres près, ce lieu mémorable, auquel s’attachent de si grands souvenirs. Peut-on espérer encore davantage et compter sur une découverte imprévue ou sur d’heureuses fouilles qui nous montreraient les substructions du vénérable édifice ? Le sol de la cathédrale a’ été si remanié que nous n’osons prédire cette joie aux archéologues de l’avenir. L. DEMAISON. |
[1] Metropolis Remensis historia, t. I, p. 159 ; cf. Hist. de la ville, cité et université de Reims, t. II, p. 46.
[2] B. Krusch, Zwei Helligenleben des Jonas von Susa ; die ältere Vita Vedastis und die Taufe Chlodovechs, dans les Mittheilungen des Instituts für œsterreichische Geschichtsforschung, t. XIV, p. 441 et suiv. — Un doute sur le baptême de Clovis à Reims a déjà été émis au dix-septième siècle par les frères de Sainte-Marthe ; voy. Marlot, Metr. Rem. hist., t. I, p. 158.
[3] Dans cette lettre adressée à Clodoswinde, reine des Lombards, pour l’exhorter à convertir, à l’exemple de Clotilde, son époux Alboin à la religion catholique, Nizier (évêque de Trêves depuis 525), dit en parlant de Clovis : Cum esset homo astutissimus, noluit adquiescere, antequam vera agnosceret. Cum ista... probata cognovit, humilis ad domini Martini limina cecidit, et baptizare se sine mora promisit. Monumenta Germaniæ, Epistolæ, t. I, p. 122 ; Recueil des hist. de la France, t. IV, p. 77.
[4] Voy. l’explication proposée par Suysken, AA. SS. Boll., octobre, t. I, p. 83.
[5] Elle est formulée pour la première fois dans la Vie de saint Vaast et dans la Chronique dite de Frédégaire. Ces deux ouvrages ont été composés vers 612 (Krusch, l. cit., p. 440 ; G. Kurth, L’histoire de Clovis, d’après Frédégaire, dans la Revue des questions historiques, t. XLVII (1890), p. 62.
[6] Historia Francorum, l. II, chap. XXXI.
[7] Krusch, l. cit., p. 442.
[8] Sur la valeur de Grégoire de Tours comme historien, voyez le savant travail de M. Kurth sur les Sources de l’histoire de Clovis dans Grégoire de Tours, dans la Revue des questions historiques, t. XLIV (1888), p. 386 ; cf. G. Monod, Études critiques sur les sources de l’histoire mérovingienne.
[9] L’auteur des Gesta episcoporum Cameracensium, l. I, ch. VI : Cernitur usque in hodiernum ecclesia, dit-il (éd. Colvener, p. 19) ; voy. aussi AA. SS. Boll., février, t. I, p. 797, note. Il faut observer toutefois qu’il parait faire ici un emprunt à la Vie de saint Vaast, composée par Alcuin (ibid., p. 796), dont il reproduit certaines expressions. Quoi qu’il en soit, l’existence de l’église est très réelle ; l’église du village de Rilly-aux-Oies avait hérité du vocable de saint Vaast, et le conservait encore au dix-septième et au dix-huitième siècle. Un document de 1774 constate qu’on y venait en pèlerinage pour invoquer ce saint (Archives de Reims, fonds de l’archevêché, G. 231, doyenné d’Attigny ; cf. Inventaire sommaire, série G, t. I, p. 300).
[10] Cf. von Schubert, Die Unterwerfung der Alamannen unter die Franken, p. 169.
[11] Krusch, l. cit., p. 430.
[12] Le R. P. Jubaru, dans l’excellent article qu’il a publié sur le baptême de Clovis (Études religieuses, t. LXVII, 15 février 1896, p 297 et suiv.), présente une explication fort ingénieuse. La ville d’Attigny, située non loin de Voncq, au bord de l’Aisne, aurait été dès lors un domaine royal, et l’une des résidences préférées du monarque. S’il en est ainsi, celui-ci a très bien pu, à l’issue de sa campagne, venir y faire un séjour, et pour s’y rendre en arrivant de Toul, il devait forcément passer l’Aisne à l’endroit désigné par l’auteur de la Vie de saint Vaast. C’est à Attigny que Clotilde aurait mandé en secret saint Remi, pour achever l’instruction religieuse de son époux et pour le décider à recevoir le baptême, et de là, une fois la résolution prise, Clovis et sa suite auraient gagné Reims directement par la voie antique de Trèves. Cette hypothèse est, à première vue, assez séduisante ; malheureusement, elle pèche par la base, car Attigny n’est entré dans le domaine royal que beaucoup plus tard, sous le règne de Clovis II. Helgaud dans son Epitoma vitæ Roberti regis (Duchesne, Hist. Francorum script., t. IV, p. 591, nous apprend que Liébaud, abbé de Saint-Aignan d’Orléans, avait cédé à Clovis II la terre d’Attigny, agellum Attiniacum, cum cunctis sibi adjacentibus, super Axonam duvium situm en échange du domaine de Fleury-sur-Loire (voyez Murlot, Metrop. Remensis hist., t. II, p. 227 ; Mabillon, De re diplomatica, p. 248). En présence d’un texte aussi formel, il est, impossible de faire remonter le palais royal d’Attigny jusqu’aux premiers Mérovingiens.
[13] Geschichte der fränkischen Kœnige Childerich und Chlodovech, 57.
[14] L. cit., p. 415.
[15] En 1896, dans le Clovis de M. Kurth, appendice II, p. 616 à 628, et dans les Travaux de l’Académie de Reims, t. XCVII, p. 269 à 291.
[16] L. IV ; voyez Cougny, Extraits des auteurs grecs concernant la géographie et l’histoire des Gaules, t. I, p. 128.
[17] Note de Lacourt, chanoine de Reims, dans Varin, Archives administratives de Reims, t. I, p. 724 ; Tarbé, Reims, p. 306.
[18] Ch. Loriquet, La mosaïque des Promenades et autres trouvées à Reims, dans les Travaux de l’Académie de Reims, t. XXXII (1862), p. 117, et pl. 3, fig. 4 et 5.
[19] Vita sancti Nichasii, ms. de la bibliothèque de Reims, K 792/772 (XIIIe siècle), fol. 3 r°.
[20] Actum Remis publice in palatio Tau. Original aux archives de Reims, fonds de l’abbaye de Saint-Denis, liasse 1 ; Varin, Archives administratives de Reims, t. I, p. 93.
[21] Sed et rex... cum ipso et venerabili conjure, in oraterium beatissimi apostolorum principis Petri, quod... cubiculo regis contiguum erat, processit. Ch. IV, 58, AA. SS. Boll., octobre, t. I, p. 146. Hincmar, un peu avant 57, représente la reine Clotilde en prière, in oratorio sancti Petri juxta domum regiam.
[22] Hincmar se faisait une idée assez singulière de la manière dont on doit écrire l’histoire : Vera est lex hystoriæ, dit-il, simpliciter ea quæ, fama vulgante, colliguntur, ad instructionem posteritatis litteris commendare. Ibid., p. 132.
[23] Ibid., p. 131.
[24] ... Pro eo quod incaute solverit quod ipse presul canonice obligaverit, et aliis presbiteris missam celebrare permiserit in quadam capella basilicæ cortis ecclesiæ subjecta, Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ, t. III, chap. XXVIII, ap. Monumenta German. hist., t XIII, p. 552. Cette expression de subjecta ne désignerait-elle pas ici une chapelle basse située sous la chapelle principale, disposition que nous retrouverons au treizième siècle dans la chapelle du palais ?
[25] Dans l’édition de Flodoard publiée en 1854 par l’Académie de Reims. M. Lejeune a traduit par une chapelle dépendante de l’église de Bazancourt (t. II, p. 391). Bazancourt, village de l’arrondissement de Reims, s’appelait, en effet, Basilica Cortis au moyen âge, mais il est douteux qu’il en soit question ici.
[26] Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 79.
[27] Archivum ecclesiæ (Ebo) tutissimis ædificis cum cripta in honore sancti Petri, omniumque apostolorum, martirum, confessorum ac virginum dedicata, ubi Deo propitio deservire videmur, opere decenti construxit. Flodoard, Hist., l. II, chap. XIX, Mon. Germ., t. XIII, p. 467.
[28] Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1891, p. 26, note.
[29] Bibliothèque de Reims, n. 327 (anc. C 174/185). La fête de saint Louis y est déjà indiquée, ce qui fixe sa date à la fin du treizième siècle. Les caractères de son écriture ne permettent pas de le rajeunir davantage.
[30] ...Datis cineribus, incipit cantor antiphonam Inmutemur, et hanc decantantes ordinate procedunt in capellam archiepiscopi inferiorem, scilicet in oratorium sancti Petri... Introitu capelle canitur antiphona Tu es pastor... Qua finita, procumbunt ad orationem..., quousque tacite decurrerint VII psalmos penitentiales. Quibus finitis, presbyter dicit : Et ne nos inducas... Postea dicit orationem de sancto Petro ; qua finita, canitur in eodenr reditu hec antiphona Qaodcumque ligaveris, que incipitur a cantore. (Fol. 15 v°.) M. le chanoine Ul. Chevalier a publié récemment ce texte (Bibliothèque liturgique, t. VII, Ordinaires de Reims, p. 113). Il se retrouve avec quelques variantes dans un ordinaire du douzième siècle, conservé au Musée britannique (Ibid., p. 274). — Cf. Mabillon, Annales benedictini, t. II, p. 422.
[31] Fol. 35 v.
[32] Les cérémonies de cette procession figurent encore dans le processionne imprimé à Reims en 1780 par ordre de l’archevêque, Mgr de Talleyrand-Périgord (Propre du temps, p. 61).
[33] L. Paris, Chronique de Champagne, t. III (1838), p, 127 à. 130 ; Tarbé, Reims (1844), p. 315. Ces auteurs ont été réfutés par M. Amé, dans sa notice sur la chapelle de l’archevêché de Reims, Annales archéologiques de Didron, t. XV (1855), p. 214 et suiv.
[34] Bull. archéologique, 1894, p. 29, note.
[35] Clovis a-t-il été baptisé à Reims ? dans les Études religieuses des Pères de la Compagnie de Jésus, t. LXVII (1896), p. 292 à 320.
[36] Dissertation sur plusieurs circonstances du règne de Clovis, Paris (1738), p. 10 et 11.
[37] Marlot, Metrop. Remensis historia, t. I, p. 43 ; cf. Hist. de la ville de Reims, t. I, p. 554.
[38] Marlot, Metr. Rem. hist., t. I, p. 175.
[39] ... Sigiberto quoque regnum Theuderici, sedemque habere Remerisem. L. IV, ch. XXII. Voyez D. Bouquet, Rec. des historiens de la France, t. II. p. 214, note e.
[40] Voyez notre notice sur Les Portes antiques de Reims, dans les Travaux de l’Académie de Reims, t. LXV (année 1878-79), p. 442 et suiv.
[41] Elle portait aussi le nom de porta Collaticia, qui parait répondre à. l’expression de porte coleïce dans l’ancienne langue française, et qui désigne une porte munie d’une herse (ibid., p. 444).
[42] Le château de Porte-Mars a été probablement bâti par l’archevêque Henri de France, d’après une chronique citée par Marlot, Metr. Rem. hist., t. n, p. 401.
[43] Tarbé, Reims, p. 221.
[44] Il mourut vers 739.
[45] ... Super quam (portam), structis inibi sedibus sibi congruis, almificus manebat Rigobertus... Vita S. Rigoberti, AA. SS. Boll., janvier, t. I, p. 176.
[46] Fenestris cœnaculi sui patefactis, eas (basilicas) inde consueverat contemplari. Ibid.
[47] ... Ibique tam hujus quam singularum claves totius urbis portarum apud se reconditas pro tempore servabat. Ibid.
[48] Ce dessin, gravé par Moreau, figure en tête du Dessein de l’histoire de Reims par Nicolas Bergier, Reims (1635). On peut consulter aussi des dessins de la porte Basée, exécutés un peu avant sa démolition, en 1751, et conservés aux archives de Reims (Diverses matières, liasse 55, n° 2).
[49] Hist. Remensis ecclesiæ, l. IV, ch. XLVI, Mon. Germ., t. XIII, p. 595. — Saint Gombert vivait au VIe siècle ; son frère, saint Nivard, mourut vers 672.
[50] Il semblerait résulter d’un passage de la Vie de saint Gombert qu’il a, au contraire, fondé également cette chapelle : Oratorium... inibi construxit, et in honore sancti Petri consecrans, ex janitore supermæ aulæ fecit patronum ipsius ecclesiæ. AA. SS. Boll., avril, t. III, p. 623. Mais cette vie, telle que l’ont publiée les Bollandistes, est empruntée aux leçons de l’office du saint, rédigé, suivant Papebroch, après le milieu du dixième siècle ; il est permis de croire que l’auteur de ce texte, relativement peu ancien, a pu commettre ici une confusion. Flodoard, au contraire, a utilisé la première vie de saint Gombert, composée vers 800, et aujourd’hui perdue. Ibid., p. 621-622.
[51] Flodoard, Hist., t. I, ch. XIX, Mon. Germ., t. XIII, p. 430.
[52] On trouve l’expression de Dominica villa appliquée à un domaine de la couronne, situé près de Reims, dont Louis le Pieux fit don à l’abbaye de Charroux en Poitou, par un diplôme daté de 830 : ... in pago Remensi villam qua dicitur Dominica villa. Elle faisait partie de ses propriétés : quasdam res proprietatis nostræ. C’est aujourd’hui Villodemange (arr. de Reims). Voyez ce diplôme dans le Rec. des hist. de la France, t. VI, p. 566.
[53] Quod monasterium Ludowicus imperator Alpheidi, filiæ suæ, uxori Begonis comitis, dono dedit... Quod cænobium postea per precariam ipsius Alpheidis, vel filiorum ejus Letardi et Ebrardi, ad partent et possessionem Remensis devenit ecclesiæ. Flodoard, Hist., l. IV, ch. XLVI, Mon. Germ., t. XIII, p 595. Cf. Vita S. Rigoberti, AA. SS. Boll., janvier, t. I, p. 177.
[54] Cette cense a été cédée, en 1551, par le cardinal de Lorraine aux religieuses de l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames (Archives de Reims, G. 25 ; voyez l’Inventaire des Archives départementales de la Marne, série G, t. I, p. 19).
[55] Voyez la charte de cette fondation dans Marlot, Metr. Remens. hist., t. II, p. 449.
[56] On peut consulter en particulier un plan de la seigneurie de l’abbaye de Saint-Pierre en la ville de Reims et des lieux voisins, copie faite en 1776 d’après un plan de 1751 (Archives de Reims, fonds de l’abbaye de Saint-Pierre).
[57] AA. SS. Boll., t. I, p. 176.
[58] Ibid.
[59] Bego hoc oratorium dirui jussit, considerans quod præ altitudine sui, quasi quodam umbraculo obnubebat prædictæ ecclesiæ fenestram, sed potius quia quadam die caput suum in superliminari ejusdem ostioli graviter eliserit, eo quod statura fuerit procerus. Ibid, p. 177.
[60] Eundi via ad baptisterium a domo regia præparatur, velisque atque cortinis depictis ex utraque parte prætenditur et desuper adumbratur. Plate sternuntur et ecclesiæ componuntur... Sicque, præcedentibus sacrosanctis evangeliis et crucibus, cum ymnis et canticis spiritalibus atque letaniis, sanctorumque nominibus acclamatis, sanctus pontifex, manum tenens regis, a domo regia pergit ad baptisterium, subsequente regina et populo. Ch. IV, 62, AA. SS. Boll., octobre, t. I, p. 146. Flodoard n’a fait que copier ce passage, Hist., l. I, ch. XIII.
[61] Notice sur le Baptême de Clovis, par M. le chanoine Cerf (1891), p. 6 et suiv.
[62] H. Schrörs, Hinkmar Erzbischof von Reims, p. 448.
[63] Pour ce qui concerne le récit de la cérémonie ; quant au lieu de la résidence de Clovis et à l’oratoire de Saint-Pierre, il parait, comme nous l’avons dit, s’inspirer de traditions locales.
[64] Hist. Francorum, l. II, ch. XXXI.
[65] Le P. Jubaru, l. cit., p. 316-317.
[66] Flodoard, Hist., l. II, ch. V, Mon. Germ., t. XIII, p. 454.
[67] Ibid., l. II, ch. VI, Mon. Germ., t. XIII, p. 455. — L’évêque Sonnace, mourut le 20 octobre 631, et Landon le 14 mars 649.
[68] Mon. Germ., Scriptores rerum merovingicarum, t. II ; Rec. des hist. de la France, t. III, p. 401.
[69] Analecta Boll., t. VIII, p. 397.
[70] Ibid.
[71] B. Krusch, Script. rerum merov., t. II, p. 341.
[72] In civitatem Remorum venientes, in basilica Sancti Petri, quæ nunc dicitur ad palatium, missas celebraverunt, et ea cime Dei sunt agentes, beatus Remedius regem baptizavit, et de sacro fonte ilium beatus Medardus suscepit. Analecta Boll., t. VIII, p. 397.
[73] Les parrochians de l’église de Saint Pierre le Vielle de Reims faissoient courir un bruict contre toutes apparences de vérité, que la Sainte Ampoule avoit esté aultrefois en ceste paroisse, et que Clovis, premier roy de France chrestien, y avoit esté baptissé et coronné roy de France. Le 22 novembre leur fut imposé silence comme estant chose non véritable, car Clovis fut baptissé à l’église de Reims, et en ce lieu la Sainte Ampoule y fut apporté à saint Remy. Chronique de Pierre Cocquault, t. IV, fol. 73 v°.
[74] Ordinaire de l’église de Reims du douzième siècle, Ul. Chevalier, Bibliothèque liturgique, t, VII, p. 298-299 ; cf. une charte du 4 février 1259, citée dans Varin, Archives administratives de Reims, t. I, p. 788.
[75] Archives de Reims, fonds de la paroisse Saint-Pierre, Inventaire des titres et papiers de la confrérie du Saint-Nom-de-Jésus et de Saint-Pierre-aux-Clercs, 1724, p. 9 à 11.
[76] Histoire de la ville, cité et université de Reims, t. I, p. 689.
[77] Voyez la notice de M. le chanoine Cerf sur le Baptême de Clovis, p. 16 et suiv.
[78] AA. SS. Boll., octobre, t. I, p, 82. Cf. Krusch, Zwei Heiligenleben des Jonas von Susa, p. 443.
[79] Voyez ci-dessus.
[80] En l’année 508, au retour de sa campagne contre les Visigoths, Grégoire de Tours, Hist. Francorum, t. II, chap. XXXVII et XXXVIII.
[81] Il ne serait pas impossible, à la rigueur, que l’on ait conservé alors un baptistère dépendant de la cathédrale antérieure, celle qui était dédiée aux Apôtres ; mais il était plus naturel qu’en construisant une nouvelle cathédrale, au commencement du cinquième siècle, on lui eût annexé un nouveau baptistère.
[82] Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes, p. 74.
[83] Hist. Francorum, t. II, chap. XXXI.
[84] Telle est la date assignée par Sickel, Acta Karolin., II, p. 150 et 330.
[85] ...Metropolis urbis sancta mater nostra ecclesia, in honore sanctme semperque virginis ac [Dei] genitricis Mariæ consecrata,... in qua, auctore Deo et cooperante sancto Remigio, gens nostra Francorum, cum æquivoco nostro rege ejusdem gentis, sacri fontis baptismate ablui... promeruit. Flodoard, Hist., l. II, chap. XIX, Mon. Germ., t. XIII, p. 469.
[86] Metr. Remens. hist., t. I, p. 160.
[87] L. III, ch. XXII.
[88] Mélanges d’archéologie, moyen âge, p. 133.
[89] P. 301 à 310.
[90] Tourneur, Description historique et archéologique de N.-D. de Reims (1889), p. 94.
[91] P. 304 et 308. C’est la disposition qu’a conservée jusqu’à nos jours l’antique basilique de Parenzo en Istrie.
[92] P. 308.