PRÉCIS DE L'HISTOIRE ROMAINE

QUATRIÈME ÉPOQUE. — EMPIRE ROMAIN

Depuis la bataille d'Actium jusqu'au règne de Constantin le Grand (de l'an 31 avant J.-C. jusqu'à l'an 337 de l'ère vulgaire)

 

CHAPITRE IV. — LES TYRANS MILITAIRES ET LES PARTAGES DE L'EMPIRE.

 

 

De Pertinax à Decius (192 à 249 depuis J.-C.). — Le meurtre de Commode replaça l'empire sous le despotisme militaire. Helvius Pertinax, élevé au trône par les prétoriens, fut massacré par eux trois mois après son avènement, parce qu'il avait tenté de restaurer les finances dilapidées par son prédécesseur (28 mars 193). Les gardes mirent ensuite l'univers romain à l'encan : un opulent sénateur, Didius Julianus, se le fit adjuger par une surenchère ; mais comme ses richesses, quelque grandes qu'elles fussent, ne suffirent point pour acquitter le donativum promis, il fut déposé au bout de soixante-six jours, condamné à mort par le sénat et exécuté (juin 193). Ce dénouement fut d'ailleurs précipité par la révolte des légions, jalouses de l'omnipotence que s'arrogeaient les cohortes prétoriennes. Déjà l'armée d'Illyrie avait proclamé empereur le général Septime Sévère, d'origine africaine, tandis que celle de Bretagne décernait la pourpre à Clodius Albinus, et celle d'Orient à Pescennius Niger. Septime Sévère resta le maître après avoir vaincu Niger en Asie et Albinus dans la Gaule. Avant d'entrer dans Home, il cassa les prétoriens et leur défendit, sous peine de mort, de paraître à la distance de trente lieues de la capitale. Il ordonna ensuite que la garde des empereurs serait formée désormais de l'élite des légions répandues sur les frontières. Le nombre des gardes, qui n'avait été que de dix ou douze mille hommes, s'éleva dès lors à plus de cinquante mille[1]. Septime Sévère régna dix-huit ans et se signala par ses expéditions contre les Parthes et les Calédoniens. Il mourut à York — Eboracum — en 211, laissant deux fils, Bassianus, qui fut surnommé Caracalla, et Geta. Le premier, d'un caractère bas et cruel, refusa de partager l'empire avec son frère, et, pour enlever tonte espérance aux partisans de Geta, le fit égorger dans les bras de sa mère. Voulant payer les soldats et acheter la paix des Barbares, Caracalla conféra le droit de citoyen romain à tous les habitants des provinces, non pour les affranchir, mais pour les soumettre à l'impôt du vingtième sur les legs et héritages, impôt dont ils étaient exempts comme sujets. Après s'être signalé par des cruautés inouïes même dans les fastes des Césars, Caracalla fut assassiné en 217, à l'instigation de Macrin, préfet du prétoire[2]. Les gardes élevèrent Macrin au trône et l'en précipitèrent après quatorze mois de règne. Il eut pour successeur un jeune Syrien de quatorze ans qui, sous le nom d'Élagabale ou Héliogabale, était prêtre du Soleil à Émèse. Cet adolescent, qui appartenait par sa mère à la famille de Septime Sévère, avait été proclamé par les légions d'Asie. Il fut conduit à Home et massacré par les gardes, après un règne méprisable de quatre ans (218-222). L'empire fut alors décerné à un autre adolescent, cousin d'Héliogabale, qui prit le nom d'Alexandre Sévère. Le nouvel empereur se signalait par des vertus bien rares à une époque où la corruption avait atteint les dernières limites. Il releva le sénat de son abjection et combattit Artaxerxès Ier qui, après avoir détruit la dynastie des Parthes et créé le nouvel empire des Perses, élevait des prétentions sur les provinces romaines en Asie. Lejeune et vaillant empereur s'étant ensuite porté sur le Rhin pour repousser une nouvelle agression des peuples de la Germanie, éprouva le sort le plus funeste : il fut lâchement assassiné dans sa tente à l'instigation d'un officier nommé Maximin (235). C'était un Goth d'une stature gigantesque et d'une force herculéenne, totalement illettré, mais renommé pour son courage et sa férocité[3]. Ce barbare régna trois ans (235-238) au milieu des légions de la Germanie, et fut enfin égorgé à son tour par ses propres soldats lorsqu'il les conduisit contre Rome, où le sénat, las du joug militaire, avait proclamé empereurs deux de ses membres, Pupinus et Babinus[4]. Cependant les gardes, mécontents de ce choix, tuèrent les deux Augustes et reconnurent Gordien, jeune homme dont le père et l'aïeul avaient succombé en Afrique dans une révolte contre l'autorité de Maximin. Gordien, après un règne de cinq ans (258-243), fut mis à mort par le préfet du prétoire, Julius Philippes, d'origine arabe. Celui-ci régna six ans (243-249) et péril dans une bataille que lui livra, près de Vérone, l'Illyrien Caïus Messius Decius, que les légions de la Pannonie avaient obligé de prendre le diadème.

De Decius à Dioclétien (249 à 284 depuis J. C.). — Decius mourut les armes à la main en repoussant les Goths qui, des bords du Danube où ils s'étaient établis, venaient de faire une irruption dans la Thrace (251). Gallus, gouverneur de la Mésie, ne régna qu'un an et fut précipité du trône par le Maure Émilien. Cependant P. Licinius Valérien marcha contre l'usurpateur à la tête des légions des Gaules, le fit également égorger, prit sa place et s'associa son fils Galien (255). Valérien régnait depuis sept ans, lorsque Sapor, fils d'Artaxerxès Ier, le prit par trahison dans une entrevue qu'il lui avait accordée et lui fit subir la plus ignominieuse captivité ; l'empereur romain était obligé de servir de marchepied à Sapor lorsqu'il plaisait au roi des Perses de monter à cheval ! Galien, indifférent à tout, poète et débauché, ne fit aucun effort pour venger son père, pour repousser les Barbares qui assaillaient de tous côtés les frontières de l'empire ou pour faire respecter son autorité par ses lieutenants, qui tous aspiraient à la pourpre[5]. Il reconnut même comme son collègue Odenat, roi ou chef souverain de Palmyre, et lui laissa le gouvernement de l'Orient. Galien parut enfin sortir de son indifférence lorsqu'un autre compétiteur, Auréole, leva en Italie même l'étendard de la révolte ; mais il fut assassiné (268) tandis qu'il l'assiégeait dans Milan. Claudius — Claude II —, son successeur, fit Auréole prisonnier, repoussa au nord les Alamans et remporta une autre victoire, près de Pissa, sur les Goths qui avaient fait une invasion dans la Mésie. Claude II, mort de la peste à Sirmium (270), fut remplacé par un de ses généraux nommé Aurélien — Domitius Aurelianus —, que ses goûts belliqueux avaient fait surnommer Aurélien l'épée à la main. Il s'efforça de rétablir l'unité et la force de l'empire, chassa les Goths et les Alamans qui avaient pénétré jusqu'en Ombrie et résolut ensuite d'abattre la puissance de la veuve d'Odenat, de la fameuse Zénobie. Cette femme héroïque, déjà en possession de la Syrie, de l'Égypte et d'une partie de l'Asie Mineure, visait à la fondation d'un empire d'Orient dont Palmyre aurait été la capitale. Les Romains la firent prisonnière et détruisirent Palmyre. Aurélien ne fut pas moins heureux dans son expédition contre Tétricus, qui avait étendu son pouvoir sur la Bretagne, la Gaule et l'Espagne. Tétricus, également vaincu, suivit à Rome, avec Zénobie, le char triomphal de l'empereur. Il était plus difficile de vaincre les Goths : Aurélien transigea avec eux en leur cédant la Dacie. Les Romains qui habitaient cette province furent transportés sur les bords du Danube, dans la Mésie, qui depuis ce temps fut appelée la Dacie d'Aurélien. Cet empereur guerrier entreprit une dernière expédition contre les Perses ; malheureusement la sévérité avec laquelle il maintenait la discipline l'avait rendu odieux aux troupes : il fut tué par des officiers de son armée entre Héraclée et Byzance (275).

La mort d'Aurélien fut suivie d'un interrègne de six mois ; le sénat et l'armée se renvoyèrent le choix d'un empereur : l'un, comme on l'a remarqué, refusait d'user de son droit, l'autre de sa force. Enfin le sénat, confiant dans l'attitude de l'armée, décerna le diadème à l'un de ses membres les plus vénérables, Claudius Tacitus. Ce vieillard étant mort dans une campagne contre les Goths après six mois de règne, les légions de Syrie prirent l'initiative d'une nouvelle élection et proclamèrent un vaillant et rigide général, Aurelius Probus. Florianus, frère de l'empereur Tacite, qui avait été d'abord reconnu à Rome, fut assassiné par ses propres soldats après une guerre civile de deux ou trois mois. Probus, resté seul maitre de l'empire, s'efforça de marcher sur les traces d'Aurélien. Il extermina, dit-on, dans les Gaules et la Germanie, quatre cent mille Barbares, délivra et rétablit soixante dix villes, obligea les peuples vaincus de se retirer au delà du Neckar et de l'Elbe, et bâtit un mur de deux cents milles de longueur depuis le Rhin jusqu'au Danube. Il passa ensuite en Égypte et de là marcha contre les Perses[6]. Délivré des guerres étrangères, il occupa les troupes oisives à planter des vignes dans la Pannonie, la Mésie et les Gaules. Ces exigences ayant indisposé les soldats, Probus eut le sort d'Aurélien : il fut massacré à Sirmium dans la tour de fer[7] et remplacé par le préfet du prétoire, M. Aurélius Carus (282). Ce nouvel empereur combattit successivement les Goths et les Perses et fut foudroyé non loin de Ctésiphon (283). Numérien, son fils, recommandable par sa bonté naturelle, devait lui succéder ; mais comme il revenait de la Perse, porté dans une litière fermée au milieu des légions, Arrius Aper, préfet dit prétoire, dont il avait épousé la fille, le fit égorger afin de le remplacer (284). Mais cet ambitieux s'était trop hâté : le cadavre de Numérien tomba en pourriture avant que le meurtrier eût pu s'assurer du suffrage des soldats. L'armée ayant tenu un conseil à Calcédoine afin d'élire le chef de l'État, le Dalmate Dioclétien, qui commandait les officiers militaires du palais, fut proclamé. Il descendit de son tribunal, perça Aper de son épée et s'écria : J'ai tué le sanglier fatal 5[8]. Dioclétien fut reconnu comme le seul maitre de l'empire après la mort du second fils de Carus, M. Aurelius Carinus, massacré par ses propres soldats qui s'étaient soulevés contre sa cruauté et ses déportements.

De Dioclétien à Constantin (284 à 337 depuis J.-C.). — Le règne de Dioclétien ouvre une nouvelle période de l'histoire de l'empire. Dans la situation où se trouvait le monde romain, Dioclétien jugea que pour relever et raffermir le pouvoir impérial, il fallait le reconstituer sur des bases nouvelles. Telle fut l'origine des partages de l'empire. L'Orient et l'Occident, dont la séparation était d'ailleurs inévitable, devaient être gouvernés d'une manière indépendante par des empereurs distincts qui prendraient le nom d'Augustes. Chacun des empereurs s'adjoindrait ensuite, sous le nom de César, un coadjuteur appelé à lui succéder. En 286, Dioclétien commença l'exécution de ce plan en prenant pour collègue un de ses anciens compagnons d'armes, Maximien-Hercule, à qui il céda l'Occident. Pour lui, adoptant le surnom de Jupiter afin de marquer sa prédominance, il se réserva l'Orient, fixa sa résidence à Nicomédie en Bithynie et modela sa cour sur celle des Perses. Il donna le premier à l'empire romain une forme plus monarchique que républicaine. Ses prédécesseurs s'étaient contentés du salut ; il voulut qu'on se prosternât devant lui ; il fit couvrir de pierreries ses vêtements et sa chaussure, tandis qu'auparavant les seuls insignes du pouvoir impérial étaient la chlamyde de pourpre, et le reste du costume celui de tout le monde[9]. En 292, les deux Césars furent désignés : Galère — Galerius —, qui avait été autrefois vacher dans l'Illyrie, devint le coadjuteur de Dioclétien et releva de lui dans le gouvernement de la Pannonie et de la Mésie ; d'autre part, Constance Chlore — Flavius Constantius Chlorus —, Illyrien de noble origine, fut adjoint à Maximien et chargé du gouvernement de la Bretagne, de la Gaule, de l'Espagne et de la Mauritanie. A leur avènement, les deux Césars se virent obligés de répudier leurs femmes et d'épouser, Galère la fille de Dioclétien, et Constance la belle-fille de Maximien. Par cette combinaison, la possession romaine, comme on l'a remarqué, se trouva divisée en quatre despotats, ce qui prépara la séparation finale des deux empires d'Orient et d'Occident. Rome avait dès lors perdu sa prééminence politique ; elle semblait déchue du rang de capitale de l'empire. Dioclétien, comme on l'a vu, s'était établi à Nicomédie ; et quant à Maximien, il avait choisi Milan pour sa résidence. Les partages effectués rendirent plus pénible la condition des provinces obligées de fournir à l'entretien de quatre cours et d'autant d'armées. Mais quelque légitimes que fussent les plaintes auxquelles cette oppression donnait lieu, c'était l'unique moyen peut-être de retarder la ruine totale de l'édifice. En effet, par le système de Dioclétien, non-seulement les usurpateurs — il en avait surgi en Bretagne, en Afrique et en Égypte — furent renversés, mais encore les frontières de l'empire furent mieux défendues, et les victoires de Galère sur les Perses en reculèrent les bornes en Asie jusqu'au Tigre[10]. Dioclétien, ayant complété son œuvre, prit une résolution tout à fait inattendue. Désireux peut-être d'éprouver la bonté de son système, il résigna volontairement le pouvoir impérial et contraignit son collègue Maximien à suivre son exemple.

L'abdication des deux Augustes eut lieu le même jour (305) à Nicomédie et à Milan. Ils furent remplacés par les Césars qui firent un nouveau partage des possessions romaines ; Constance obtint toutes les contrées de l'Occident, a l'exception de l'Italie et de l'Afrique, que Galère joignit à toutes les autres provinces de l'empire. Galère, sans consulter son collègue, nomma en outre deux nouveaux Césars : Maximinus Daza pour lui-même et Flavius Sévérus pour Constance. Cependant Maximien, qui n'avait suivi qu'à regret l'exemple de Dioclétien, fut vivement blessé du choix de Galère ; il engagea le sénat à substituer son propre fils Maxence à Sévérus et en même temps il reprit sou ancienne autorité comme Auguste. Les prétoriens se déclarèrent pour Maximien-Hercule et pour le nouveau César. De même, les légions de Bretagne, à la mort de Constance Chlore survenue à York en 306, proclamèrent empereur son fils Flavius Valerius Constantin[11]. Ce nouveau César, alors dans sa trente-troisième année, avait acquis, en servant dans les armées de Dioclétien, une grande réputation d'habileté et de courage. Mais Galère refusa de le reconnaître et Sévérus étant mort, il le remplaça par Caïus Licinius. Il y eut ainsi six empereurs : d'un côté Galère, Licinius et Maximinus Daza ; de l'autre, Maximien, Maxence et Constantin. Mais la discorde se glissa bientôt entre les compétiteurs de chaque catégorie et provoqua de nouvelles luttes qui devaient en réduire le nombre. Maximien, chassé de l'Italie par son propre fils, avait cherché un refuge dans la Gaule auprès de Constantin qui était devenu sou gendre. Plus barbare que Maxence, Constantin fit tuer son beau-père sous prétexte qu'il conspirait contre lui (310). Galère ne survécut que peu de mois à Maximien ; enfin Maxence périt aux portes de Rome (28 oct. 312) dans un combat que lui livrèrent les troupes de son beau-frère Constantin appelé en Italie par le sénat. Constantin, devenu ainsi le seul maître de l'Occident, avait encore dans les régions orientales deux compétiteurs. Maximinus Daza et Licinius. Ce dernier, s'étant délivré de Maximinus pour régner sans conteste sur l'Orient, conclut d'abord une trêve avec Constantin. Mais elle ne pouvait être de longue durée. En 323, une bataille décisive eut lieu pour savoir qui posséderait le monde romain ; elle se termina par la ruine de Licinius que Constantin ne tarda point à faire mourir. C'est ainsi que par une série de victoires et de meurtres Constantin parvint à la souveraineté unique de l'empire. Il était appelé à fournir encore un règne de treize ans (324-337), et à le signaler par des actes dont l'influence sur les destinées du monde fut décisive. Il faut rappeler surtout la reconnaissance formelle de la religion chrétienne et la translation du siège de l'empire dans l'ancienne Byzance, où s'éleva une capitale nouvelle qui prit le nom de Constantinople (328)[12]. L'avènement de l'Église triomphante annonçait un changement radical dans les principes qui avaient servi de base à la société ancienne ; mais, d'autre part, l'établissement du siège impérial à Constantinople porta le dernier coup aux traditions de la liberté romaine et prépara les humiliations et les turpitudes du Bas-Empire.

Lorsque Constantin, continuant la politique de Dioclétien, eut cassé les prétoriens, dit l'illustre auteur des Études historiques ; lorsque, au lieu de deux préfets du prétoire, il en eut nommé quatre ; lorsqu'il eut rappelé les légions qui gardaient les frontières pour les mettre en garnison dans le cœur de l'empire, le règne des légions expira : le pouvoir domestique prit naissance. Le droit d'élection fut partagé entre les soldats et les eunuques : la liberté romaine, qui avait commencé dans le sénat, passé au forum, traversé l'armée, alla s'enfermer dans le palais avec des esclaves à part de la race humaine ; geôliers de la liberté, qui n'avaient pas même la puissance de perpétuer dans leur famille la servitude héréditaire.

 

 

 



[1] GIBBON, Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, chap. V.

[2] On pourrait appeler Caracalla non pas un tyran, mais le destructeur des hommes. Caligula, Néron et Domitien bornaient leurs cruautés dans Rome ; celui-ci allait promener sa fureur dans tout l'univers. MONTESQUIEU, Grandeur et décadence des Romains, chap. XVI.

[3] ... Il avait huit pieds et demi de haut ; il traînait seul un chariot chargé, brisait d'un coup de poing les dents ou la jambe d'un cheval, réduisait des pierres en poudre entre ses doigts, fendait des arbres, terrassait seize, vingt et trente lutteurs sans prendre haleine, courait de toute la vitesse d'un cheval au galop, remplissait plusieurs coupes de ses sueurs, mangeait quarante livres de viande et buvait une amphore de vin dans un jour... A la moindre faute, il faisait jeter aux bêtes, attacher en croix, coudre dans les carcasses d'animaux nouvellement tués les principaux citoyens.... CHATEAUBRIAND, Etudes historiques, I.

[4] Machiavel fait observer que de vingt-six empereurs qui régnèrent depuis César jusqu'à Maximin, seize furent massacrés et que dix seulement finirent de mort naturelle. Parmi les premiers, dit-il, on trouve, il est vrai, quelques bons princes, comme Galba et Pertinax ; mais ils furent la victime de la corruption que leurs prédécesseurs avaient soufferte parmi la soldatesque. Si, parmi ceux qui moururent dans leur lit, il y eut quelque scélérat comme Sévère (Septime), il ne le dut qu'a sa fortune et à son courage rare dans les hommes de son espèce. Discours sur Tite-Live, liv. Ier, chap. X. — Depuis le meurtre de Maximin, il devient presque impossible de compter les empereurs ou usurpateurs qui périrent de mort violente. On peut dire que ceux, en petit nombre, qui échappèrent au glaive des prétoriens formèrent de très-rares exceptions dans cette succession si rapide des maîtres du monde.

[5] L'empire romain, dit HEEREN, parut être sur le point de se dissoudre en une multitude d'Etats séparés, et même de devenir la proie des Barbares, car les Perses furent vainqueurs dans l'Orient et let Germains dans l'Occident ; en même temps les lieutenants, dans la plupart des provinces, se déclarèrent indépendants d'un prince qu'ils méprisaient. On en compte dix-neuf ; mais plusieurs d'entre eux nommèrent leurs fils Césars, ce qui donna lieu à la dénomination impropre de période de trente tyrans, quoique leurs exactions intolérables justifiassent assez cette expression. — Représentez-vous l'État en proie aux diverses usurpations (ainsi s'exprime Chateaubriand), les tyrans se battant entre eux, se défendant contre les troupes du prince légitime, repoussant les Barbares ou les appelant à leur secours... On ne savait plus où était l'empire : Romains et Barbares, tout était divisé ; les aigles romaines contre les aigles romaines, les enseignes des Goths opposées aux enseignes des Goths. Chaque province reconnaissait le tyran le plus voisin ; dans l'impossibilité d'être protégé par le droit, on se soumettait au fait...

[6] Assis à terre sur l'herbe au haut d'une montagne d'Arménie, mangeant dans un pot quelques pois chiches, habillé d'une simple casaque de laine teinte en pourpre, la tête couverte d'un chapeau, parce qu'il était chauve, sans se lever, sans discontinuer son repas, Probus reçut les ambassadeurs étonnés du grand roi. Il leur dit qu'il était l'empereur ; que si leur maître refusait justice aux Romains, il rendrait la Perse aussi nue d'arbres et d'épis que sa tête l'était de cheveux, et il ôta son couvre-chef : Avez-vous faim ? ajouta ce Popilius de l'empire, partagez mon repas ; sinon, retirez-vous. CHATEAUBRIAND, Études historiques, I.

[7] EUTROPE, chap. XVI.

[8] Une druidesse de Tongres, ajoute Chateaubriand que nous suivons ici, lui avait promis l'empire quand il aurait tué un sanglier, en latin aper. — A cette élection du 17 septembre 284 commence l'ère fameuse de l'Église connue sous le nom de l'ère de Dioclétien ou des martyrs.

[9] EUTROPE, Abrégé de l'histoire romaine, chap. XXVI. — Dioclétien, dit Chateaubriand, modela sa cour sur celle du grand roi (des Perses) : il se donna le surnom de Jupiter ; au heu de la couronne de laurier, il ceignit le diadème et ajouta au 'manteau de pourpre la robe d'or et de soie. Des officiers du palais de diverses sortes, et partagés en diverses écoles, furent constitués : les eunuques avaient la garde intérieure des appartements. Quiconque était introduit devant l'empereur se prosternait et adorait...

[10] HEEREN, Histoire romaine, 4e période, 3e section.

[11] Il était issu du premier mariage de Constance Chlore avec la célèbre Hélène.

[12] Dès le temps de son expédition contre Maxence, Constantin avait embrassé le christianisme. En se faisant par là un puissant parti dans toutes les provinces, il avait affaibli d'autant la puissance de ses rivaux, et c'était la manière la plus sure de se frayer le chemin à la souveraine puissance à laquelle il aspirait. HEEREN, Histoire romaine, 4e période, 3e section.