HISTOIRE CRITIQUE DES RÈGNES DE CHILDERICH ET DE CHLODOVECH

LIVRE II. — FONDATION PAR CHLODOVECH DU ROYAUME FRANK EN GAULE.

CHAPITRE VI. — Guerre de Chlodovech avec la Burgundie.

 

 

Humble à l’origine, le royaume de Chlodovech en Gaule avait atteint, vers la fin du Ve siècle, un développement assez considérable. Tout le pays situé au nord de la Loire en faisait partie ; déjà même le souverain frank, par la soumission des Thuringiens et des Alamans, s’était ouvert un chemin vers l’intérieur de l’Allemagne. Le christianisme avait donné plus d’unité à cet empire : franks et Romans étaient mus maintenant par des intérêts communs. Chlodovech pouvait donc tenter de nouvelles entreprises, plus hardies encore que les précédentes ; il pouvait aspirer à régner un jour sur la Gaule toute entière. Nous verrons qu’à cette époque l’idée d’entrer en lutte avec le roi des Wisigoths ne fut pas éloignée de sa pensée, mais pour un temps seulement : la rupture ne devait éclater que plus tard. En revanche, dès l’an 500, Chlodovech tourna ses armes contre la Burgundie, le second des deux royaumes germaniques qui se partageaient la Gaule méridionale : de ce côté, les circonstances paraissent avoir favorisé ses velléités de conquête.

Cette fois-ci encore, nous commencerons par le récit de Grégoire : en effet, pour la période de l’histoire franke qui nous occupe, c’est toujours à lui qu’il faut aller en premier lieu, afin de bien comprendre les renseignements qu’il nous donne, et d’en tirer tout le parti possible[1].

Deux frères, dit Grégoire, Gundobad et Godegisel, régnaient sur les pays qui s’étendent le long du Rhône et de la Saône, et sur la province de Marseille (c’est-à-dire sur une portion du territoire que les Romains appelaient la Province). Ces deux frères étant en guerre l’un contre l’autre, Godegisel, instruit des victoires de Chlodovech, lui fait secrètement demander par des députés s’il veut l’aider à tuer Gundobad ou à le chasser du royaume. Il promet de payer annuellement au roi des Franks le tribut que celui-ci voudra lui-même lui fixer. Chlodovech accepte volontiers cette offre, et, au temps marqué, dirige son armée contre Gundobad. Celui-ci, ignorant l’artifice de son frère, l’appelle à son aide. Les deux rois marchent contre Chlodovech ; une bataille s’engage non loin de Dijon, près la rivière d’Ouche ; Godegisel, comme c’était convenu, se réunit à Chlodovech, et leurs armées combinées écrasent celle de Gundobad. Ce dernier prend la fuite, et suivent les rives et les marais du Rhône, se jette dans Avignon. Son frère promet au roi frank une partie de ses états, et s’établit à Vienne. Quant à Chlodovech, ayant accru ses forces, il se met à la poursuite de Gundobad, pour s’emparer de lui et le faire périr. Déjà le fugitif se croit menacé d’une mort soudaine, quand l’habile Aridius, auquel il a recours dans sa détresse, le sauve par un stratagème adroit. Il fait d’abord promettre au roi burgunde de suivre aveuglément toutes ses prescriptions. Puis, prenant congé de lui, il va trouver Chlodovech, et lui offre ses services. Le roi l’accueille avec empressement, et ne tarde pas à lui accorder toute sa faveur, le jugeant homme sage et de bon conseil. Aridius en profite pour mettre son dessein à exécution. Il représente à Chlodovech, dont l’armée investit Avignon, qu’un pareil siège est inutile ; que les Franks ravagent le pays en pure perte ; puisqu’ils ne peuvent faire aucun mal à Gundobad, retranché derrière des murailles imprenables. Envoie plutôt des députés à ton ennemi, lui dit-il, et impose lui un tribut annuel ; de cette manière tu seras maître à l’avenir de ton tributaire... S’il refuse, alors tu agiras à ton gré. Le roi goûte ce conseil, envoie des députés à Gundobad, et lui ordonne de payer, chaque année, un tribut déterminé. Gundobad paye sur-le-champ, et promet de payer de même à l’avenir. Mais à peine Chlodovech s’est-il retiré avec son armée, que déjà le prince burgunde, ayant réparé ses forces, oublie le tribut promis, et court assiéger Godegisel, dans Vienne. Bientôt les vivres commencent à manquer dans la ville ; Godegisel, pour s’y maintenir avec son armée, est contraint d’expulser tous les pauvres gens[2] ; parmi ceux-ci se trouve l’ouvrier auquel est confié le soin des aqueducs. Indigné d’avoir été chassé de la ville avec les autres, cet ouvrier va, tout furieux, trouver Gundobad, obtient le commandement d’une troupe armée, et pénètre avec elle dans la place par l’aqueduc : en effet, la pierre du soupirail est soulevée à l’aide de leviers en fer, ce qui permet aux assaillants d’entrer, tandis que Gundobad attire sur les remparts toute l’attention des assiégés. Ceux-ci pressés des deux parts, sont taillés en pièces. Godegisel se réfugie dans une église, et y est tué avec l’évêque Arien. Une troupe de Franks, qui se trouvait avec lui[3], se jette dans une tour ; Gundobad ordonne qu’on les épargne, et les envoie en exil, à Toulouse, chez le roi Alarich. Les sénateurs et les Burgundions du parti de Godegisel ayant été mis à mort, Gundobad ramène sous sa domination la Burgundie toute entière.

Notre historien s’arrête ici. Son récit est clair, plein de vie, très intéressant par la précision avec laquelle les événements y sont rapportés ; mais il présente sans contredit quelques-unes des particularités caractéristiques qui-nous ont déjà fait reconnaître, à plusieurs reprises, les témoignages n’ayant pas une valeur strictement historique. Les informations très détaillées que nous fournit Grégoire sur les intrigues d’Aridius pendant le siége de Vienne, pèchent un peu, il faut l’avouer, au point de vue de la vraisemblance On n’admettra pas aisément que Chlodovech ait pu renoncer, pour un tribut annuel, à une victoire qui paraissait si peu douteuse. Grégoire nous parle de Franks restés avec Godegisel c’est encore là un fait bien étrange[4] ; et, puis, pourquoi Gundobad envoie-t-il ces Franks auprès d’Alarich ? Un autre auteur[5] en déclarant formellement qu’ils avaient été laissés en Burgundie par Chlodovech, qu’ils formaient une troupe de 5.000 hommes, et que Gundobad les fit tous tuer en masse, nous montre assez clairement que nous sommes en présence d’un épisode susceptible d’être traité de différentes manières. Sans doute ce sont là des objections dont il ne faudrait pas s’exagérer la portée : si nos renseignements étaient plus abondants, ces invraisemblances disparaîtraient peut-être. Mais il y a plus : le ton général, la marche du récit, ne sont pas ceux d’une relation strictement historique. Le développement y affecte une sorte de calme lenteur ; il s’étale et prend ses aises, surtout dans la première partie, où nous trouvons des dialogues étendus, des peintures inutiles au point de vue de l’ensemble. Le portrait d’Aridius est fait avec une ampleur de touche véritablement épique ; on remarquera que le narrateur énumère très soigneusement les qualités de ce personnage[6]. Dans la seconde partie, qui traite du siége de Vienne, nous retrouvons les mômes caractères, moins fortement accusés, il est vrai ; ici encore paraît, à ne pas s’y tromper, cette tendance à l’individualisation[7] qui donne, à la première partie une couleur presque romanesque. A côté de ces observations ; plaçons maintenant le fait que nous avons dégagé plus haut d’un, autre ordre de recherchés, à savoir, que la poésie s’est emparée, relativement de bonne heure, des données de l’histoire burgunde ; nous serons obligés de convenir, que déjà peut-être, dans le récit qui nous occupe, l’élément poétique s’est fait sa part. Là comme ailleurs, il se peut que Grégoire ait suivi la tradition qui s’était formée sur la guerre de Chlodovech avec la Burgundie ; tradition qui vivait encore de son temps dans la bouche du peuple frank, et qui déjà avait été l’objet d’un certain travail poétique. Nous n’irons pas jusqu’à supposer qu’il existât, dès cette époque, un grand poème sur la chute du royaume burgunde[8] ; mais la trame de l’histoire avait été attaquée, elle avait subi un certain élargissement, qui ne la rendait que plus propre à servir ensuite d’étoffe à la poésie.

Nous avons étudié jusqu’à présent les particularités caractéristiques du récit de Grégoire, et nous avons cherché à en déduire l’origine de ce récit. Celle-ci une fois reconnue, il nous reste à nous servir de la relation elle-même, pour établir le compte des, faits acquis à l’histoire, Fort heureusement pour nous, une source nouvelle, indépendante de la précédente, nous, vient ici en aide : ce sont les annales de l’évêque burgunde Marius d’Avenche[9]. Elles nous apprennent que la guerre fut entreprise et terminée dans le courant de l’année 500. En général, elles s’accordent avec la narration de Grégoire ; cependant elles omettent quelques points essentiels. Elles ne mentionnent pas la présence de Chlodovech, bien qu’elles nomment les deux frères qui occupent la scène du côté des Burgundions ; nous devinerions à peine l’alliance de Godegisel avec les Franks, si Grégoire n’avait pas pris soin de nous en instruire. Le siège d’Avignon, le tribut promis par Gundobad, la somme payée par lui, sont complètement passés sous silence. Par contre, Marins rapporte l’investissement de Godegisel dans Vienne ; il entre même, pour raconter la prise de la ville, dans certains détails ; il montre, mieux que Grégoire, le résultat de cette guerre fratricide, c’est-à-dire la réunion de tous les domaines burgundes sous la main de Gundobad. En résumé, nous voyons l’auteur burgunde mentionner tout ce qui est important pour la Burgundie ; ce qui ne regarde que les Franks, ce qui n’est pas glorieux pour les Burgundions, ne trouve pas place dans son récit. Au contraire, la narration de Grégoire met surtout en lumière les points ayant de l’importance pour les Franks. Il faut renoncer à concilier parfaitement entre elles les deux relations. Les événements qui suivirent la victoire de Chlodovech et de Godegisel à Dijon ne sont pas tout à fait clairs. Sans doute les paroles de Marius : Gundobad se cacha dans Avignon, n’excluent pas la possibilité d’un siège ; mais il nous serait difficile d’admettre, dans l’histoire authentique, tout ce que Grégoire raconte à propos de ce siège. Le tribut promis à Chlodovech, après la cessation des hostilités, et payé pour l’année 500, est-il une invention poétique ? Nous ne saurions décider cette question. Qu’il n’ait pas continué à être payé, cela résulte assez clairement du récit de Grégoire ; et c’est peut-être pour ce motif que l’auteur burgunde n’en fait pas mention. D’autre part, la suite des événements démontre que Chlodovech n’acquit aucune portion du territoire burgunde : en effet, la promesse de Godegisel resta inaccomplie, grâce à la mort de ce prince et à la subite élévation de Gundobad.

Indépendamment de ces deux récits, écrits, l’un au point de vue frank, et l’autre au point de vue burgunde, nous trouvons encore dans Procope[10] certains renseignements sur une guerre dirigée par les Franks contre la Burgundie. Mais il est hors de doute que le témoignage de l’historien grec s’applique à la guerre de 523, et non à celle de l’an 500[11] ; peut-être a-t-il confondu les deux expéditions ; peut-être aussi a-t-il sciemment placé, à l’endroit où il s’est occupé la première fois des affaires burgundes, des événements postérieurs[12].

Grande au contraire est l’importance, pour l’intelligence de ces événements, d’un passage que nous empruntons aux actes du colloque, religieux tenu à Lyon, en 499, entre les évêques catholiques et les évêques ariens[13]. Le point nouveau et essentiel qui ressort pour nous de ce passage, c’est que dès l’année 499, Chlodovech avait déclaré la guerre à Gundobad. Le roi des Franks nous apparaît ici, plus encore que dans le récit de Grégoire, comme le véritable instigateur de la querelle ; il s’est ligué avec les ennemis de Gundobad afin de perdre ce prince ; il avait des efforts pour soulever contre lui son frère. (On ne peut voir dans ce frère que Godegisel.) Quels sont, dira-t-on, ces ennemis de Gundobad ? Il n’est pas difficile de le deviner ; on peut, si l’on veut, songer encore à Godegisel, cependant il est probable que Gundobad a plutôt en vue un parti burgunde favorable aux Franks. Nous savons que déjà du temps de Childerich, un semblable parti existait dans le Nord de la Burgundie. Il devait se composer, surtout de Romans catholiques, qui passèrent probablement avec Godegisel du côté- de Chlodovech, à la bataille de Dijon. Quelle fut, au milieu de ces orages, l’attitude des évêques catholiques ? Nous l’ignorons. A coup sûr, ils durent voir dans la guerre de Chlodovech et de Gundobad une lutte entre le catholicisme et l’arianisme. Mais supposer qu’ils excitèrent Chlodovech à prendre les armes ; dans l’espoir que Gundobad, poussé à bout, achèterait leur médiation par sa conversion à la foi catholique, et par des lois, plus douces pour les Romans[14], c’est certainement aller trop loin. Rien ne nous autorise à prêter aux faits un pareil enchaînement. Nous n’avons pas non plus le droit d’admettre que Chlodovech quitta le pays sur les instances des évêques, et lorsque Gundobad, enfermé clans Avignon, leur eût donné satisfaction.

Voici donc ce qu’il nous est permis d’affirmer, comme à peu près certain, sur l’histoire de cette entreprise

C’est avec l’aide d’un parti burgunde favorable aux Franks que Chlodovech a tenté de renverser Gundobad. Il pouvait, grâce à cette circonstance, se flatter de conquérir soit une portion, soit même la totalité du royaume qu’il allait attaquer. Il a fini par pousser Godegisel, (qui peut-être lui avait fait les premières avances, se trouvant en désaccord avec son frère) à trahir Gundobad. En l’an 500, on le voit envahir la Burgundie, après une déclaration de guerre qui remonte à 499. Une bataille s’engage près de Dijon ; la défection clé Godegisel entraîne la défaite de Gundobad. ; à la suite de cette victoire, Godegisel, établi à Vienne, gouverne pendant quelque temps le royaume de son frère. Quant à ce dernier, il se tient enfermé dans Avignon, sur la limite méridionale de ses domaines ; Chlodovech paraît l’avoir assiégé dans cette ville, et avoir ensuite levé le siège. Par quels événements cette retraite fut-elle amenée ? Quelles conditions offrit-on à Chlodovech pour l’y décider ? Ces points doivent rester indécis ; quoiqu’il en soit, il est certain que Chlodovech se retira. Gundobad alors relève la tète ; il investit son frère dans Vienne, et s’empare de la place : Godegisel est tué avec ses partisans. Son ancien patrimoine, dont Genève, était la capitale, échoit en partage au vainqueur, qui règne jusqu’à sa mort sur la Burgundie tout entière, en s’efforçant de donner plus d’unité à ses états, et en protégeant en vue de ce but la population romane. La tentative de Chlodovech produisit, on le voit, des fruits bien différents de ceux qu’il avait pu en attendre. Il était réservé à ses fils de réunir le territoire burgunde au royaume des Franks. On doit môme supposer que des relations amicales s’établirent avec le temps entre Chlodovech et Gundobad[15] : dans la guerre de Chlodovech contre les Wisigoths, nous trouverons le roi burgunde du côté des Franks.

 

 

 



[1] Grégoire, II, 32, 23. Les sources dérivées fournissent peu de renseignements importants. Sur une variante de l’Hist. epit. voir plus bas, note 5. Les deux versions des Gesta, c.16, diffèrent entre elles, sur ce point, plus que d’habitude. Contrairement aux assertions de Grégoire, elles nous montrent Gundobad et Godegisel combattant ensemble contre Chlodovech, auprès de Dijon : les deux rois sont battus. Gundobad se réfugie à Avignon. A partir de là, l’une des deux versions résume brièvement les faits, d’après Grégoire, l’autre suit ce dernier presque mot pour mot. Toutes deux passent sous silence le siège soutenu par Godegisel dans Vienne, et la retraite de Chlodovech. Ces variantes ne peuvent servir pour contrôler le récit de Grégoire. Elles s’expliquent par la manière dont une source, dépendant d’une autre, s’approprie une relation antérieure, La Vie de S. Remi suit visiblement la version abrégée des Gesta ; la V. S. Sigismundi, Bouquet, III, 402, brouille tout de la façon la plus arbitraire. Quant à la Vie de Chrotechilde, elle ne dit rien de ces événements.

[2] C’est bien ainsi qu’il faut comprendre le minor populus de Grégoire.

[3] Denique Franci, qui apud Godegiselum erant, in unam turrim se congregant. Il est probable que ces Franks avaient été laissés à Godegisel par Chlodovech ; toutefois Grégoire ne le dit pas expressément. Quant à la traduction de Luden : Les Franks se formèrent en carré, elle est certainement fausse.

[4] Luden, III, 80, pense que ces Franks devaient rappeler à Godegisel la puissance de Chlodovech, et l’alliance conclue entre eux.

[5] Hist. epit., c. 25 ... Chlodoveus rediit in Franciam, relictis cum Godegiselo quinque millibus Francorum. Exiens Gundobadus de Avenione resumtis viribus, Godegiselum in Vienna circumdat, per aquæductum in civitatem ingrediens Godegiselum interfecit, Francos adgregatos in unam turrem ferro trucidavit, nihilque postea Chlodoveo reddere disponens.

[6] Habebat tamen secum  virum illustrem Aridium strennuum atque sapientem... quem (Aridium) ille (Chlodovechus) promtissime colligens secum retinuit : erat enim jocondus in fabulis, strenuus in consiliis, justus in judiciis, in commisso fidelis. — Ce langage n’est pas celui de l’histoire ; c’est celui de la poésie.

[7] Remarquez les tournures telles que celles-ci : Ille veto indignans... ad Gundobadum furibundus vadit ; et : multis cum ferreis vectibus præcedentibus, erat autem spiraculum illius lapide magno conclusum.

[8] Avant tout, il faut remarquer une chose ; on ne voit pas que le récit de Grégoire soit fondé sur cette idée, que le roi des Franks ait pris les armes pour venger le crime commis par Gundobad : or un poème sur la chute de la Burgundie ne pouvait pas ne pas reposer sur cette donnée. On sera peut-être tenté d’admettre que cette pensée se fait jour dans le but assigné par Grégoire à l’expédition de Chlodovech contre Gundobad, enfermé dans Avignon : .....ut eum de civitate extractum interimeret ; mais, plus haut, Chlodovech se prête au vœu de Godegisel : ut eum (fratrem) bello interficere aut de regno ejicete possim. — La phrase en question n’implique donc pas que Chlodovech ait été mu par un sentiment de vengeance ; il en est de même de ces mots prononcés par Aridius : Cur retires exercitum, cum loto firmissimo tuus resideat inimicus ? Par contre, ce motif nous apparaît clairement dans un autre passage de Grégoire (III, 6.)

[9]  (500) Patricio et Yppatio. His coss. pugna facta est Divione inter Francos et Burgundiones, Godegeselo hoc dolose contra fratrem suum Gundobagaudo macenante. In eo prælio Godegeselus cum suis adversus fratrem suum cum Francis dimicavit, et fugatum fratrem suum Gundobagaudum, regnum ipsius paulisper obtinuit : et Gundobagaudus Avinione latebram dedit.

Eo anno Gundobagaudus resumtis viribus Viennam cum exercitu circumdedit, captaque civitate fratrem suum interfecit, pluresque seniores hac Burgundiones, qui cum ipso senserant, multis exquisitisque tormentis morte damnavit : regnumque, quem perdiderat, cum id quod Godegeselus habuerat, receptum, usque in diem mortis suæ feliciter gubernavit. Ed. Arndt, p. 30.

Le récit de Grégoire est indépendant de celui-ci ; c’est ce que prouvent, et les différences positives qui l’en séparent, et sa conception toute entière. La rencontre probablement fortuite du langage de Marius avec celui de Grégoire, sur les mots : post hæc resumtis viribus... ne saurait être prise en sérieuse considération. Dans le premier alinéa, il faut lire sans doute : et fregato fratre suo Gandobagaudo. On trouvera ce passage imprimé dans Bouquet, T. II. (N. de l’A.) — Marius d’Avenche et Grégoire avaient une source commune, des annales burgundes (N. du T.)

[10] Procope, de bello Gothico, I, 12.

[11] C’est ce qui a été reconnu (avec raison) par Manso, Gesch. des ostgoth. Reiches, p. 62, n. X. Déjà Mascou, II, 21, n. 2, hésitait à se servir de Procope.

[12] La manière dont s’exprime Procope rend cette dernière supposition presque nécessaire. Il mentionne une guerre des Franks contre les Burgundions : καί άπ' άυτοΰ Φράγκοι τής μέν ές άυτούς βίας δέει τώ Θευδερίχου άπέσχοντο, έπί Βουργουνζίωνας δέ πολέμω ήεσαν. Ceci paraît bien convenir à la guerre de l’an 500. Puis, Procope poursuit son récit : ΰστερον δέ κ. τ. λ. et arrive ainsi à la guerre de 523. Les tentatives de combinaison, telles que celles de Dubos, IV, 6, sont donc inutiles.

[13] Bouquet, IV, 100, A : Gundobad répond a Avit, qui lui avait demandé la permission de tenir le colloque : Si vestra fades est vera, quare episcopi vestra non impediunt rebem Franeorum, qui mihi bellum indixit et se cum inimicis meis sociavit, ut me destruerent. Avit répliquai au roi : Ignoramus, o rex, quo consilio et qua de causa rex Francorum facit quod dicitis, sed scriptura nos docet, quod propter derelictionem legis dei sæpe subvertuntur regna et suscitantur inimici omni ex parte illis, qui se inimicos adversus Deum constituunt, sed redite cum populo vestro ad legem Dei et dabit pacem. Nam si habebitis pacem cum illo, habebitis et cum ceteris, et non prævalebunt inimici vestri. On lit plus loin (ibid., 101, C.) pour le second jour du colloque : ingressi sunt ergo ; (episcopi) et cum rex cos vidisset, surrexit in occursum eorum, mediusque inter domnum Stephanum et domnum Avitum adhuc multa locutus est contra Francorum regem, quem dicebat sollicitare fratrem suum contra se. Sed cum responderent præfati episcopi quod non esset melior via ineundi pacem, quam concordare in fide, et operam suam, si grate haberet, pollicerentur pro tam sancto fœdere, conciliando, nihil amplius locutus est, sed unusquisque locum qüem præcedenti die tenuerat occupavit.

[14] Dubos, IV, 7 ; l’exposition de Pétigny parait avoir été composée d’après Dubos.

[15] La Vie d'Eptadius, Bouquet, III, 380, en donne une preuve : Eodem tempore (?) quo se ad fluvium Anorandam pacis mediante concordia duorum regum Burgundionum gentis et Francorum est conjuncta potentia. — Chlodovech, dans la circonstance dont il s'agit, demande à nommer Eptadius évêque d'Auxerre. Mais la date est incertaine. Voir plus bas.