VERCINGÉTORIX

 

CHAPITRE XIV. — LA BATAILLE DE PARIS ET LA JONCTION DE CÉSAR ET DE LABIENUS.

 

 

I. Importance militaire de Paris. — II. Première partie de la campagne de Labienus : sa marche de Sens à Paris. — III. Pourquoi Vercingétorix ne poursuivit pas César après Gergovie. Retraite des Romains jusqu’à l’Allier. — IV. Nouvelle défection des Éduens. César repasse la Loire. — V. Victoire de Labienus à Paris. — VI. Jonction des deux généraux.

 

I

Tandis que César, après avoir réglé à Decize les affaires des Éduens, s’était dirigé vers le Sud pour attaquer Gergovie, son légat Labienus s’était porté vers le Nord par la vallée de l’Yonne et le pays sénon.

Labienus avait avec lui quatre légions, dont la VIIe et la XIIe, deux vieilles troupes très sûres et très hardies ; il emmenait toutes les recrues récemment arrivées d’Italie et de la Province, un détachement de cavalerie, et une assez belle escorte de chevaliers romains. Le dépôt général de son armée était Sens, comme Nevers était celui de l’armée proconsulaire. L’objectif de sa marche, fixé par César lui-même, était Lutèce, ville principale du peuple des Parisiens.

Coïncidence singulière : à la même heure, les deux armées romaines menaçaient Lutèce et Gergovie. Celle-ci, plantée sur un rocher dans le massif central des montagnes françaises, capitale effective de la Gaule celtique, et métropole du passé ; celle-là, allongée au fil de l’eau au milieu des marais de la plaine septentrionale, et la métropole de l’avenir.

Mais cette coïncidence n’est point fortuite. De même que Gergovie était le foyer de résistance de la Gaule intérieure, Paris pouvait devenir le point de concentration de la Gaule du Nord.

César, dans ses campagnes gauloises, a fait preuve d’une science géographique d’une étonnante sûreté. Il s’est joué sur les routes comme s’il avait vécu sa jeunesse dans les pistes des courriers. Il a reconnu d’un coup d’œil les jointures essentielles, les nœuds vitaux de notre pays ; et ceux qui voudront poursuivre plus loin le récit de son existence, verront quel parti il a tiré de cette intuition du sol pour constituer la Gaule romaine. Il a, le premier, compris l’importance militaire de Paris et son avenir national : je veux dire, par ce mot, les destinées qu’une ville peut faire à une nation ou recevoir d’elle à son tour.

Il a vu qu’avec les vallées convergentes des rivières de son bassin, Paris est le principal carrefour du Nord de la Gaule, depuis les deux grandes presqu’îles qui menacent la Bretagne insulaire, jusqu’au coude formé par la Loire carnute, depuis les bois des plateaux armoricains jusqu’aux Ardennes à demi germaniques. Qui tenait Lutèce surveillait à la fois les rivages de l’Océan et les rives du Rhin, les plaines de l’Anjou et les forêts du Morvan. En occupant solidement le bassin parisien, on disjoignait ou on entravait toute confédération des cités de la Belgique, de la Normandie et de la Loire centrale. C’est pour cela que César, avant de partir pour Gergovie, envoya contre Lutèce le plus ancien et le plus capable de ses lieutenants.

 

II

Labienus exécuta les ordres de son chef avec sa ponctualité coutumière. Il laissa à Sens, pour garder les bagages, les soldats de Tannée, et il suivit avec ses quatre légions la rive gauche de l’Yonne.

Au delà du confluent de la Seine, encore que le territoire des Parisiens ne commence qu’aux marais de l’Essonne, Labienus n’a plus que des ennemis au-devant de lui. Les Sénons révoltés occupent leur ville de Meclosédum (Melun), bourgade bâtie comme Lutèce dans une île de la Seine, une sorte de réplique de la cité parisienne. De l’autre côté de l’Essonne, les Parisiens et tous leurs voisins de la Gaule propre, les peuples du Maine, de la Normandie et de l’Armorique, ont dès le premier jour fait cause commune avec Vercingétorix, et il est probable que le gros de leurs milices, ainsi que celles du pays sénon, ont été laissées par lui pour défendre ces territoires.

Labienus se hâtait afin d’empêcher la concentration de ces troupes. Il resta sur la rive gauche pour s’épargner le passage de la Seine et de la Marne ; il négligea de prendre Melun, d’ailleurs peu redoutable ; il ne se donna même pas le temps de faire main basse sur la flottille de barques amarrées à cet endroit. Mais, malgré tout, les Gaulois le devancèrent.

Durant toute cette campagne de 52, ils ont montré en effet, au Nord comme au Sud, une réelle aptitude à se concentrer rapidement. Ces nations, comme les Samnites et les Romains des temps héroïques, vivaient toujours dans l’attente de la guerre prochaine : les milices étaient prêtes à répondre à un signal qui revenait, chaque année, presque aussi sûrement que le cri de l’hirondelle.

Une importante armée s’était réunie à la nouvelle du départ de Labienus. Ce n’étaient pas des troupes tumultuaires, mais des soldats aguerris, braves et tenaces, fort supérieurs aux brillants cavaliers du pays éduen. Ils choisirent pour chef Camulogène l’Aulerque : c’était un très vieux général, et qui détonne dans cette insurrection de la Gaule où la jeunesse se tailla tant de commandements ; mais on l’aimait à cause de sa longue expérience et de sa science consommée des choses de la guerre.

Il justifia sur-le-champ son renom et son autorité. Ce fut sans doute à Paris que se fit le rassemblement des forces gauloises. Camulogène réfléchit, étudia le pays, et attendit Labienus sur la rive de ce marais vaste, long et continu que forme l’Essonne avant de se jeter dans la Seine : c’était un obstacle presque aussi insurmontable que la montagne de Gergovie. Les Romains avaient à lutter là-bas contre les rochers et ici contre le marécage.

Labienus essaya du moyen classique pour franchir les palus : il voulut, sous la protection des mantelets, charger un chemin sur claies et fascines. Au bout de quelques heures de travail, il reconnut que c’était peine perdue, et il décampa sans bruit au milieu delà nuit, pour faire ce qu’il aurait mieux valu décider dès son départ de Sens : s’assurer les deux rives du fleuve, et la descente par terre et par eau.

Il rétrograda jusqu’à Melun. Le pont était coupé, ceux des habitants qui n’avaient point rejoint Camulogène s’étaient réfugiés dans l’île. Mais ils avaient eu l’imprudence de ne pas détruire les barques. Labienus en saisit une cinquantaine, les remplit de soldats, enleva la bourgade épouvantée, et reprit sur la rive droite sa marche vers Paris, la flottille descendant le fleuve avec lui.

Camulogène, averti par des fugitifs de Melun, adopta la tactique préconisée par Vercingétorix. Il envoya Tordre d’incendier Paris, de détruire les ponts, et alla se poster sur la rive gauche de la Seine, au pied de la montagne Sainte-Geneviève (aux Grands-Augustins ?). Labienus était déjà campé sur l’autre rive, en face de la pointe de la Cité (vers Saint-Germain-l’Auxerrois ?).

La lutte allait s’engager entre les deux adversaires pour la possession, non pas de la ville réduite à rien, mais de ce carrefour de routes fluviales qui y aboutissaient, et la question de Paris était presque aussi grave que celle de Gergovie.

Mais à ce moment Litavicc faisait défection, les Éduens allaient le suivre, les Bellovaques se décidaient à imiter leurs amis du Centre, et ordonnaient la concentration de leurs troupes. Labienus pouvait être pris entre eux et Camulogène, comme César entre Gergovie et les Éduens. Il ne s’agissait plus pour lui de victoire et de gloire, mais de sauver son armée et de rejoindre son proconsul. Il décida de revenir vers Sens dans le temps où César se résolvait à quitter Gergovie (vers le 1er juin ?).

Les deux corps de la grande armée romaine étaient séparés par 400 kilomètres de route, huit jours de marche pour chacun d’eux, et les Éduens entre eux deux. On s’aperçut alors de la maladresse que César avait commise en allongeant ainsi, sans l’assurer contre toute surprise, sa ligne d’opérations. A des audaces de ce genre, il risquait de tout perdre pour vouloir tout gagner.

 

III

La principale crainte de César, en levant son camp, était d’être poursuivi par Vercingétorix. S’il avait été pris entre les cavaliers gaulois et l’Allier, dont les ponts étaient détruits et les eaux grossies par la fonte des neiges, ses légions découragées et aux cadres incomplets auraient été fort compromises.

Mais le roi n’envoya pas une seule fois ses hommes pour harceler les légionnaires en retraite. On dirait qu’il a voulu leur ouvrir largement les routes qui conduisaient hors de l’Auvergne. Chez cet homme qui faisait rarement les choses à la légère, une telle abstention eut sa raison d’être.

Il craignait d’abord que ses Gaulois, énervés par des semaines de piétinement sur le sommet étroit et rugueux de Gergovie, ne se laissassent entraîner, dans les vastes étendues de la Limagne, aux témérités de leur fougue habituelle, et il redoutait pour eux, de là part des légionnaires, les terribles résistances des bêtes aux abois. — Peut-être aussi ses soldats étaient-ils désireux de voir les légions disparaître enfin vers le Nord, loin de cette plaine aux moissons presque mûres qu’elles avaient déjà quatre fois traversée et foulée : il était temps que d’autres terres connussent enfin la présence de l’ennemi, c’était aux Éduens de donner à leur tour des garanties à la Gaule en souffrant pour elle et en achevant l’œuvre commencée par les Arvernes. — Puis, Vercingétorix ne pouvait envoyer que des cavaliers à cette poursuite. Or, il se dégarnit de sa cavalerie peut-être dès le surlendemain de la bataille, il la confia à l’Éduen Litavicc, il lui donna l’ordre de devancer les Romains sur leur ligne de retraite, de décider les peuples de Bibracte à la défection suprême, et sans doute de revenir ensuite avec eux barrer la roule à César : il serait temps alors pour Vercingétorix de talonner son adversaire. Et ce plan eût été le meilleur, sans la mollesse des Éduens.

Il semble enfin que César ait hésité un instant, ou laissé croire qu’il hésitât sur sa route de retraite. On racontait partout, dans les camps gaulois, qu’il redoutait d’être bloqué au Nord par l’Allier et la Loire, et qu’il gagnerait la province romaine par les chemins du Velay ou du Forez. Il ne lui fallait pas plus de temps pour rejoindre le Rhône que pour revenir à Sens. Autour de lui, il paraît bien qu’on ait désiré celte marche vers le Sud, et qu’on lui ail même conseillé de rebrousser chemin alors qu’il était presque arrivé sur les bords de la Loire. — Mais ces routes des Cévennes, accessibles à quelques hommes à un début de campagne, seraient funestes à des légions fatiguées et fugitives : l’ennemi les aurait émiettées à travers les gorges de l’Allier ou de la Loire. El puis, ce retour vers l’Italie eût été l’aveu de la défaite et l’abandon de Labienus. Mieux valait courir au péril éduen que d’affronter encore les montagnes arvernes. — César s’apprêta donc à refaire en été, à la rencontre de l’armée de Sens, et sur le versant occidental des Cévennes, cette même campagne de vitesse qu’il avait faite, au gros de l’hiver, au pied des pentes orientales.

Il traversa la Limagne droit vers le Nord, et, le troisième jour de marche, il atteignit la rive gauche de l’Allier (en face de Varennes ?). Le pont avait été coupé, sans doute par Litavicc passé avant lui. Mais César eut le temps de le rétablir, cl franchit la rivière sans encombre. Il était alors à quelques milles à peine du pays éduen.

 

IV

Mais les Éduens ne méritèrent ni la confiance de Vercingétorix ni les craintes de l’armée romaine.

Après la défaite de César à Gergovie, ils n’eurent tous qu’une pensée, se joindre au vainqueur. La Gaule allait être délivrée par les Arvernes : les Éduens devaient se hâter de prendre une part de la gloire, s’ils voulaient en revendiquer une dans le partage des récompenses. Aussi, lorsque Litavicc arriva sur le Mont Beuvray, il fut reçu comme un triomphateur ; le vergobret, presque tout le sénat se réunirent à lui ; et on envoya une députation officielle à Vercingétorix pour conclure paix et amitié avec le peuple arverne.

Il ne restait d’Éduens fidèles à César que le contingent commandé par Viridomar et Éporédorix. Les deux chefs ne dirent rien tant que César n’eut point franchi l’Allier. Quand ils se virent près de leur pays, ils lui demandèrent la permission d’y retourner, sous prétexte de faire entendre raison à leurs compatriotes. Le proconsul eut l’air de les croire et les laissa partir, les jugeant peut-être moins fâcheux comme ennemis que comme alliés.

A peine hors du camp, les deux jeunes gens et leurs hommes galopèrent jusqu’à Nevers, jusque-là respecté par les Éduens : ce fut le gage qu’ils résolurent de donner à la trahison, en échange d’une fidélité trop longue à César. Viridomar et Éporédorix égorgèrent la petite garnison romaine, et massacrèrent les négociants italiens, pour lesquels les incertitudes des combats compensaient grandement les gains usuraires. Puis ils se partagèrent la caisse du questeur et les chevaux de remonte ; et enfin, s’emparant des otages de la Gaule, ils les expédièrent à Bibracte, faisant hommage à leur vergobret de ces malheureux captifs, une fois de plus ballottés de ville en ville et de chef à chef.

Le coup fait, ils songèrent à César : prenant exemple sur Vercingétorix, ils détruisirent ou enlevèrent les approvisionnements, brûlèrent Nevers, et se mirent à battre la campagne pour lever des hommes, affamer le proconsul, l’arrêter sur les bords de la Loire, et, si possible, le rejeter vers le Sud. Le fleuve était alors en crue : point de ponts intacts ni de gués praticables. Des postes de cavaliers éduens furent disposés sur les berges de la rive droite : si Litavicc et d’autres avaient le temps de revenir de Bibracte, Tannée romaine était bloquée du côté du Nord. — C’était sans doute ce qu’espérait Vercingétorix. Mais lorsqu’il ne commandait pas en personne, les Gaulois faisaient d’assez mauvaise besogne : la dévastation du pays fut toute superficielle, et les soldats qui paradaient à Bibracte se laissèrent prévenir par César.

Celui-ci s’approchait. Quand on apprit l’incendie de Nevers, il y eut autour de lui un moment d’hésitation : il fut question de rétrograder, peut-être vers le Forez et de là sur Vienne, ce qui était faire le jeu des ennemis. Le proconsul n’eut pas de peine à rassurer les siens et à leur montrer qu’ils n’avaient encore devant eux que des fantoches d’adversaires. Il atteignit la Loire après un jour et une nuit de marche forcée, et s’arrêta devant le gué le moins périlleux (entre Decize et Nevers ?). Ses chevaux furent envoyés eu amont pour briser le courant, et ses légionnaires passèrent ensuite, ayant de l’eau jusqu’aux épaules, et les bras en l’air pour tenir les armes levées. Les Éduens prirent peur, et s’enfuirent sans avoir tué un seul homme à leur ennemi. César, sur les excellentes terres de l’autre rive, trouva ce qu’il voulut, grains et bestiaux, pour nourrir ses légionnaires.

La route était libre jusqu’à Sens : il tardait au proconsul d’arriver dans cette ville, redoutant les pires malheurs pour Labienus et ses quatre légions, dont il n’avait plus de nouvelles.

 

V

Mais Labienus s’était mieux tiré d’affaire à Paris que César à Gergovie.

Le légat ne voulut pas regagner Sens par la rive droite. Il avait peur d’être rejoint par les Bellovaques, et d’être obligé de traverser la Marne ou la Seine entre les attaques croisées des nouveaux venus et de Camulogène. Mieux valait franchir le fleuve le plus tôt possible, n’ayant encore sur les bras que le chef gaulois. Il fallait essayer d’abord de déjouer sa prudence : car le vieux routier de guerres avait échelonné des postes de vigie tout le long de la Seine. Puis, si la bataille était nécessaire, elle enlèverait au moins à la retraite l’apparence d’une fuite.

Labienus fait quatre parts de ses troupes. — La moitié de la légion la moins aguerrie restera pour garder le camp. A dix heures du soir, la flottille, chaque bateau commandé par un chevalier, descend sournoisement le fleuve pour s’amarrer à quatre milles en aval (au Point du Jour ?). A minuit, l’autre moitié de la légion remonte le long de la rive droite (vers Charenton), accompagnant les bagages, flanquée de barques, et tous, soldats, valets et rameurs, menant fort bruit. Enfin, quelques instants après, cette fois dans le plus grand calme, Labienus et ses trois meilleures légions allèrent, en aval, rejoindre la flottille qui les attendait.

Au moment précis où Labienus arrive (vers deux heures du matin), un premier débarquement a lieu sur la rive gauche, favorisé par la nuit noire et un orage subit. Les sentinelles ennemies sont égorgées, les chevaliers d’état-major forment un pont de bateaux, et les trois légions de Labienus se trouvent transportées sur le flanc de Camulogène.

Ce stratagème, d’ailleurs habituel lors des passages de rivières, ne trompa qu’à moitié le chef gaulois. Il dépêcha des soldats en amont, mais en petit nombre, et avec Tordre de ne point s’éloigner inutilement ; il en détacha d’autres sur les bords mêmes du fleuve, en face du camp romain : mais ce fut en aval, contre le gros de l’armée ennemie, qu’il fit manœuvrer la plupart de ses hommes, et qu’il s’avança lui-même. — Aussi, au lieu de trouver une armée surprise et dispersée, Labienus aperçut avec le jour un front de bataille tranquille et prêt (dans la plaine de Grenelle ?). Il se résigna à combattre, sans doute avec peu de regret.

Les deux adversaires furent dignes l’un de l’autre. A la droite romaine, la VIIe légion, qui était pour Labienus ce que la Xe était pour César, enfonça l’ennemi au premier choc. Mais à gauche, la XIIe après avoir renversé les premiers rangs à coups de javelots, eut la surprise de voir que les autres ne bronchaient pas, et que, même abordés à l’épée, aucun Gaulois ne reculait : Camulogène était au milieu de ceux-là. Alors, on appela à la rescousse la VIIe, qui vint, par derrière, attaquer ces braves gens. Les Gaulois ne bougèrent pas davantage, massés et fermes comme des légionnaires. On les entoura, et on les tua tous jusqu’au dernier, Camulogène comme les autres.

Il restait encore quelques bandes en amont, du côté du camp. Elles accoururent au bruit du combat, s’acharnèrent à lutter encore, s’établirent sur une colline voisine (Vaugirard ?) et offrirent la bataille. Les Romains en eurent raison d’un élan, et leur cavalerie, lancée de tous côtés, massacra ceux des Gaulois qui ne purent s’abriter dans les collines boisées du voisinage.

La route de Sens se trouvait entièrement dégagée.

 

VI

Labienus et César marchaient donc à la rencontre l’un de l’autre. Mais le légat arriva le premier au rendez-vous. A Sens, il ramassa le reste de ses troupes, et reprit le chemin du Sud. Il s’avança deux jours encore sans rencontrer César, et le rejoignit enfin le troisième, presque à la frontière du pays éduen (près d’Auxerre ? et vers le milieu de juin ?).

Des deux généraux qui se retrouvaient après six semaines d’angoisses, c’était Labienus qui sauvait César : le légat revenait victorieux, ses quatre légions et sa cavalerie intactes, une armée gauloise et un chef célèbre anéantis ; le proconsul arrivait presque en fugitif, sa cavalerie incomplète, son admirable VIIIe décimée, et derrière lui s’amassaient deux armées redoutables.

Il y avait quatre mois à peine que Jules César, à son retour de la Province, avait groupé autour de lui ces mêmes dix légions. Il les ramenait maintenant à peu près au même point. Sans doute, dans l’intervalle, elles avaient tracé, de Sens à Orléans, de Bourges à Gergovie, et de Paris pour revenir encore à Sens, un vaste cercle de vestiges sanglants. Mais la Gaule, recouvrant ces débris, s’était de nouveau fermée derrière elles.