HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VIII. — LES EMPEREURS DE TRÈVES. - II. - LA TERRE ET LES HOMMES.

CHAPITRE II. — L'ARMÉE[1].

 

 

I. — L'ARMÉE CHOSE DE L'EMPEREUR.

Le despotisme impérial s'appuyait sur une armée qui ne dépendait que de lui. Un empereur était avant tout le chef et le maître des soldats. Les éléments civils et même sacrés de son pouvoir s'effaçaient derrière ses titres et son autorité militaires[2]. Nul ne pouvait se croire un César ou un Auguste s'il n'avait reçu de l'armée la plus proche l'acclamation solennelle il y avait, dans l'assentiment d'une troupe en armes, dans la clameur du guerrier, une force magique aussi grande que dans l'or d'un diadème ou la pourpre d'un manteau[3].

L'empereur une fois accepté par l'armée, elle devenait sa chose et son œuvre. C'est lui qui la formait, et c'est en son nom qu'elle combattait. Les soldats prêtaient serment sur ce nom, l'obéissance au prince était leur devoir essentiel, leur raison d'être, l'origine et la fin de leur condition[4]. Aucun d'eux ne savait plus ce qu'étaient Rome, le peuple romain, l'Empire et l'État ; et ces formules souveraines et ces idées supérieures qui avaient fait si longtemps la dignité morale du service militaire, n'étaient plus comprises de ceux dont le devoir était de servir et de se battre[5].

 

II. — LE ROMAIN S'ÉLOIGNE DE LA VIE MILITAIRE.

Ceux qui comprenaient ces mots, ceux qui les mettaient encore dans l'idéal de leur vie, ceux-là demeuraient plus que Alamans étrangers au métier des armes. Le mal que nous avons signalé à la fin du siècle précédent, ne fit qu'empirer sous les trois dynasties de Constance, de Valentinien et de Théodose.

Aucun prince n'a tenté de rappeler aux sénateurs, aux décurions, aux possesseurs de terres, aux médecins, aux avocats, aux professeurs, aux industriels, aux artisans, aux prêtres, à tous les hommes libres, que le service militaire est un devoir de la liberté, une obligation de citoyen. Remarquez que ces hommes, et les empereurs comme les autres, connaissaient l'histoire romaine, ils savaient que la grandeur de l'État avait été l'œuvre d'une armée d'hommes libres et de patriotes, et ils déploraient à leurs moments de franchise que la jeunesse romaine ignorât le Champ de Mars et le maniement des armes[6]. Parfois, une voix éloquente se faisait entendre dans le palais même, auprès du prince, et menaçait l'Empire de la ruine, si tous les Romains ne s'offraient pour le défendre, le professeur quittant sa chaire, le clarissime sa villa, et l'artisan son atelier[7]. Autant en emportait le vent du siècle. On applaudissait ces rudes paroles, mais nul ne voulait changer le cours des choses ; et les Augustes eux-mêmes allaient bientôt donner l'exemple, en s'enfermant dans leur palais, et en laissant les combats aux maîtres de la milice. Tous les empereurs, depuis Gallien jusqu'à Théodose, ont suivi la même politique lamentable : enfermer et pour ainsi dire enliser le citoyen romain, sénateur ou prolétaire, dans les besognes de la vie civile, et réserver les tâches de combats à des Barbares ou à des mercenaires. On s'était réjoui ouvertement, autour de Théodose, à cet afflux de Goths qui accouraient au service de l'Empire ; mais Valentinien avait peut-être éprouvé la même funeste joie en organisant en corps militaires des troupes d'Alamans[8] et aussi Gratien en confiant sa garde à des Alains ou Constance en invitant les Germains de la forêt Noire, et sans aucun doute encore Julien et Constant ou Constantin et son père en ouvrant aux Francs les cadres de l'armée. Depuis Posture jusqu'à la chute définitive, la pensée secrète des princes et des Romains, et qui à leur insu dictait les lois des uns et les actes des autres, était qu'un homme de condition déroge en servant sous la tente. Nous connaissons dans tous les détails et dans tous ses membres la vie d'une grande famille de la Gaule au quatrième siècle, celle d'Ausone le rhéteur de Bordeaux, nous la suivons depuis le grand-père jusqu'au petit-fils ; ils ont été professeurs, sénateurs municipaux et sénateurs d'Empire, gouverneurs de provinces, ministres d'État, grands propriétaires : pas un n'a fait campagne, pas un non plus n'a ambitionné d'être tribun ou préfet de légion, duc ou comte de commandement militaire, et pas davantage maître supérieur de la milice[9]. C'est à peine si, de loin en loin, quelque jeune Romain de bonne famille, avide par hasard de courses et d'aventures, demandait à servir dans la garde impériale[10] : mais c'était service d'officier d'ordonnance ou d'état-major, et il s'y trouvait d'ailleurs au milieu de Barbares[11], comme le serait un Français dans la légion étrangère.

 

III. — LES ÉLÉMENTS GAULOIS DANS L'ARMÉE.

Ne croyons pas cependant que sous Théodose, il eût que des Barbares dans l'armée[12], qu'aucune place n'y fût faite à des hommes de naissance romaine. L'armée aux Barbares pouvait être un désir de plus en plus intense et de plus en plus réalisé ce n'était pas un principe absolu.

Le principe, au contraire, était que le Romain est soumis service militaire[13], non pas, il est vrai, comme à un devoir de citoyen, mais comme à une charge envers l'État, à une contribution publique l'obligation militaire est une taxe pareille aux autres, et qui frappe les biens plutôt que les personnes[14]. Il faut à l'Empereur un certain nombre de soldats quand les Barbares ne les lui fournissent pas, il les ramasse dans les provinces, à la manière dont il lève les impôts[15].

C'est pourquoi il s'adresse d'abord à ceux qui paient déjà le tribut foncier[16] : tout propriétaire, en proportion de sa richesse en terres ou en esclaves[17] doit présenter aux agents du prince une quantité déterminée de recrues, esclaves[18], affranchis ou colons libres : ce sont des hommes de son domaine qu'il paie à l'État[19] en plus, ou en place des sous d'or de la capitation. Quant à ceux qui n'étaient pas assez imposés pour livrer chacun une tête d'homme, on les groupe à plusieurs pour s'en acquitter[20].

Les prolétaires étalent donc, en droit ou en fait, à l'abri de ces fournitures humaines. Mais en cas de besoin, l'État savait s'y prendre avec eux. Une presse énergique ou une réclame savante opérait les razzias nécessaires dans les villes et surtout dans les campagnes : vagabonds, journaliers et paysans n'échappaient pas aux ramasseurs d'hommes[21]. — Je dis et il faut noter avec soin qu'on cherchait surtout les gens des campagnes[22] : car on savait que cette espèce d'hommes faisait les meilleurs soldats[23]. Dans la mesure où elle n'est pas une armée de Barbares, la milice du Bas Empire est une armée de paysans[24].

Ajoutez à ces recrues d'office les fils de vétérans, à demi contraints de suivre la carrière paternelle[25], et aussi pas mal d'aventuriers, soldats volontaires auxquels le métier des armes offrait toujours l'attrait de la solde et du butin[26]. Et l'on arrivera, pour l'ensemble des Gaulois au service sous Théodose, à deux ou trois dizaines de milliers d'hommes, de quoi faire quelques bonnes unités[27].

Il n'est point sûr que la chose fût pareille dans le reste de l'Empire. En Orient, surtout depuis l'afflux des Goths, des Alains, l'élément indigène est insignifiant dans l'armée romaine, et souvent de valeur fort médiocre[28]. Mais nous sommes en Gaule[29] : et ici, comme l'ont dit tous les contemporains, les traditions militaires ne se sont jamais perdues. Les hommes y sont soldats à tout âge ; jeunes et vieux y apportent la même joie à combattre leur ardeur et leur endurance faisaient l'étonnement des Grecs[30] ; et ceux-ci, admiraient qu'un Gaulois ne se refusât jamais à servir, et qu'il ignorât la pratique italienne de s'amputer le pouce pour échapper aux agents du recrutement[31].

Les légions[32] ou les troupes[33] formées avec ces hommes[34] étaient célèbres ans le monde entier. Un poète dira qu'elles n'étaient jamais vaincues que par le hasard[35]. Quand les empereurs partaient pour les guerres lointaines contre les Perses ou les Goths, ils voulaient à tout prix avoir des Gaulois avec eux[36]. Ce n'est pas qu'ils en fussent toujours satisfaits, du moins en dehors du champ de bataille car ces hommes avaient fort mauvaise tête. Un Parisien, qui servait dans la cavalerie du côté du Tigre, préféra déserter plutôt que d'accepter une punition[37]. Quand il s'agissait de s'enfermer dans une forteresse et d'y subir un siège, ils criaient comme des enragés, menaçaient de tuer leurs chefs et commençaient par briser les portes[38]. Mais aussi, quels beaux coups d'épée si on les laissait sortir ! Dans Amida assiégée par le roi des Perses, deux légions de Gaulois s'échappèrent de la ville, coururent au camp ennemi, massacrèrent tout sur leur passage, faillirent pénétrer jusqu'au quartier général, puis, ramassées en phalange, marquant le pas comme au Champ de Mars[39], elles rentrèrent dans la forteresse à travers les nuées d'ennemis qui harcelaient leur troupe. Et ce fait d'armes parut si extraordinaire aux peuples de l'Orient, que l'empereur Constance fit élever à Édesse des statues pour appeler les noms et les attitudes des chefs de ces braves[40]. En pleine Mésopotamie et sous le règne, de Rome, des soldats de Gaule avaient, disait-on, renouvelé les exploits des guerriers d'Homère[41].

 

IV. — LES DIFFÉRENTS ÉLÉMENTS BARBARES.

La majeure partie de l'armée régionale des Gaules est formée d'auxiliaires[42] barbares. Mais sous ces mots d'auxiliaires et de Barbares on confond des êtres de condition et d'origine très diverses, allant insensiblement depuis le serf ou le sujet de l'Empire, soldat d'office, et pour ainsi dire attaché à la tente comme un esclave à la glèbe[43], jusqu'au Germain libre ou même noble, venu des terres lointaines pour louer ou prêter aux empereurs le service de ses bras.

La condition la plus dépendante[44] était celle de ces Francs ou et autres Germains[45] que Maximien ou ses successeurs avaient installés sur les terres de Gaule[46] : ce n'étaient que des prisonniers, qui, en échange de la vie et d'une certaine liberté, avaient été, eux et leurs descendants, astreints à une double obligation, travailler un champ comme colons d'un propriétaire[47], et servir à l'armée comme, soldats de l'empereur[48]. Mais une fois pris pour le service, ils étaient versés individuellement dans les corps de troupes[49] à titre de sujets et presque des Romains, et, même en fonction de guerriers, plus rien ne rappelait leur origine germanique[50].

De condition supérieure étaient ceux qu'on appelait Lètes[51], qui, eux, étaient enrôlés à titre de Barbares ou d'étrangers, et groupés sous leurs noms nationaux, Francs, Suèves, Alamans ou Bataves. On désignait par ce mot de Lètes des hommes que les bandes d'outre-Rhin avaient jadis réduits en captivité et que les généraux romains avaient délivrés dans leurs campagnes victorieuses[52]. — De ces captifs libérés, quelques-uns étaient des vagabonds, des paysans, non pas de Germanie, mais de Gaule, emmenés comme butin par les Barbares aux journées de leurs grands pillages, ramassis de misérables à demi assauvagis par leur captivité en terre ennemie[53] : L'Empire crut bien faire en ne leur rendant qu'une liberté précaire, et, en vertu d'un titre de vainqueur plutôt que de libérateur, il les garda à son service, et, de père en fils, il en fit des laboureurs et des soldats aux ordres de l'État[54]. — Les autres étaient de vrais Barbares, vaincus et mis aux fers par leurs voisins, Francs par les Alamans[55], Alamans par les Francs[56] ou Suèves par les Burgondes[57] ; et de tous ceux-là après une victoire au delà du Rhin, Rome rencontrait et ramassait parfois des troupeaux énormes, de quoi faire de véritables tribus. Mais elle ne consentit point toujours à les laisser rentrer chez eux, et peut-être n'y tenaient-ils pas outre mesure. Ils ne furent le plus souvent délivrés que pour passer sur la terre gauloise ; et là parqués en villages[58] surveillés par un préfet impérial[59], ils attendaient, en labourant la terre, l'heure où on ferait appel à leurs services de soldats[60].

Je ne vois pas de différence essentielle[61] entre ces Lètes d'origine prisonnière et les Sarmates[62] et Taïfales[63] qui en si grand nombre, sous Dioclétien, Constantin, Constance ou Valentinien même, s'étaient réfugiés dans l'Empire[64], et qu'on avait dispersés, mais en troupes assez fortes, un peu partout sur les terroirs d'Orient ou d'Occident[65]. Ces troupes, en temps de paix, formaient de paisibles villages d'agriculteurs[66]. Mais elles étaient toujours sous le coup d'un ordre de mobilisation[67], leurs hameaux ressemblaient singulièrement à des campements militaires[68], et ils ressortissaient un préfet de la milice, et non pas à un juge municipal.

Il faut rapprocher encore de ces Lètes et de ces Sarmates quelques tribus ou portions de tribus germaniques réfugiées en Gaule et librement accueillies par l'empereur, à la seule condition d'y vivre en sujets dociles et de donner de bons soldats : les Bataves, jadis provinciaux de l'Empire, et maintenant chassés de leur île et traités en fugitifs[69] ; les Hérules, venus un beau jour de la Baltique lointaine[70] ; les mystérieux Pétulants, sortis sans doute des îles de Hollande[71] ; et les Celtes, immigrés eux aussi de ces basses terres, et qui sont peut-être les derniers enfants issus du berceau originel de ce nom célèbre[72]. Et si en temps de paix ces quatre peuplades vivaient obscurément quelque part dans la Gaule, vite étouffées ou absorbées par les populations voisines[73], elles n'en dotèrent pas moins l'armée romaine de quatre corps d'armée à leurs noms[74], qui furent peut-être avant les triomphes des Francs, les plus célèbres de l'Occident[75].

L'établissement des Francs Saliens, en Batavie et Toxandrie, était quelque chose de plus complet, de plus durable, et surtout de moins servile. Ils y étaient chez eux à titre définitif, mais à titre romain, comme les Arvernes en Auvergne ou les gens du Narbonnais autour de leur métropole[76]. Seulement, au lieu d'être gouvernés par les lois romaines, ils obéissaient à leurs coutumes[77] ; au lieu d'avoir une curie et un défenseur, ils avaient des princes[78] ou des rois[79] ; au lieu d'être dispensés du service militaire, ils le devaient strictement, à l'ancienne mode au provincial ou au citoyen[80]. En revanche, je doute qu'ils payassent rien qui ressemblât au tribut foncier ou à la cote personnelle : c'était à titre de guerriers et en armes qu'ils s'acquittaient de l'impôt[81]. Cela ne faisait peut-être pas beaucoup de soldats, et les corps de Francs Saliens n'étaient point très nombreux dans l'Empire[82] : mais ils valaient les meilleures des légions[83].

Enfin venaient, sous des vocables variés et en espèces innombrables, les Barbares d'outre-Rhin qui servaient en alliés[84] et non pas en sujets de Rome. — Les uns étaient arrivés joyeusement dans l'Empire, et s'étaient engagés à titre individuel, les plus humbles comme soldats, les nobles comme officiers[85], et de ces Germains on en voyait dans toutes les troupes, et dans les légions[86], et dans les corps auxiliaires[87], et surtout dans la garde du palais[88] Beaucoup du reste s'enrôlaient sans esprit de retour, décidés à faire leur carrière et leur fortune au service de l'Empire : l'Alaman Agilo, par exemple, plutôt que de traîner une vie incertaine dans les forêts de la Souabe[89], trouva plus agréable et plus glorieux de vivre à la cour de Constance, lui en fit tour à tour un grand écuyer, un tribun des gardes et même un maitre de la milice[90] ; et la plupart des grands chefs de l'armée romaine que nous voyons autour des empereurs n'ont pas une origine différente : ce sont des Barbares qui s'étaient mis spontanément à la solde de l'Empire. — D'autres y étaient introduits bon gré malgré, en troupes expédiées par leurs tribus à la suite d'un traité d'alliance conclu avec les généraux romains[91] : c'étaient alors de véritables unités militaires, combattant chacune sous le nom de sa nation, Chamarres des pays francs[92] ou Bucinobantes des terres alamaniques[93] chacune aussi avec ses coutumes guerrières[94] et ses rois ou se princes traditionnels[95].

C'était encore quelque chose de différent que ces soldats goths, alliés de l'Empire et cependant intérieurs à lui, royaume itinérant qui était en mène temps une armée fédérée. Mais nous n'avons encore rien de ce genre dans la Gaule de Théodose[96], où l'armée, même avec ses Francs, conserve une allure romaine et nationale.

 

V. — DU DÉPLACEMENT DES TROUPES.

Les Germains qui servaient à titre d'alliés ou d'engagés volontaires ne devaient pas être employés au delà des Alpes : la condition était inscrite dans le contrat d'enrôlement[97], encore que les empereurs s'arrangeassent souvent pour ne pas en tenir compte.

Pour tous les autres, Barbares ou provinciaux, ils étaient tenus de servir où il plairait au prince de les envoyer[98]. Nous avons vu deux légions de Gaulois en Mésopotamie au temps de Constance. D'autres suivirent volontiers Julien contre les Perses[99] ou précédèrent Gratien contre les Goths[100]. Il partait constamment pour la Bretagne des troupes venues du Rhin[101]. Ce fut sous Théodose, je pense, que des Francs Saliens furent expédiés en Espagne et en Égypte.

Inversement, des Africains ou des Orientaux étaient dirigés sur la Gaule. Maximien y amena sa Légion Thébaine[102]. On vit des Dalmates tenir garnison sur les côtes de la Normandie[103] ou de la Flandre[104], et des Maures sur celles de l'Armorique[105] : c'étaient là d'ailleurs, avec les Francs, les soldats les plus recherchés de l'Occident, surtout pour la cavalerie[106], et les troupes des Maures, pareilles aux Djinns des légendes, passaient pour un escadron de l'enfer[107]. Ajoutons, en maint endroit de la frontière, ces hommes des pays du Danube[108], Mésiens[109], Pannoniens[110], Illyriens de toute sorte[111], qui renfermaient, avec les Gaulois, la réserve la plus abondante de recrues indigènes[112].

Les empereurs aimaient beaucoup ces échanges de troupes d'une province à l'autre[113], du Rhin à l'Égypte[114], ou du Nil à la Gaule. Cela servait, pensaient-ils, à marquer l'unité de l'Empire : le soldat voyait par là que le service militaire primait toute autre chose, devoir ou sentiment ; et on empêchait chaque armée de contracter avec sa province des liens qui pouvaient devenir dangereux pour l'autorité de l'empereur régnant. Peut-être, ,de tous les princes du Bas Empire, Théodose et ses fils ont-ils pratiqué le plus résolument cette politique chassés-croisés de garnisons.

Ils auraient eu raison, l'Empire avait été en pleine vigueur, compact et homogène, riche au dedans, en soldats dociles et en citoyens patriotes, et tranquille du côté de ses ennemis. Mais ce qui était sagesse au temps de Vespasien était sottise au temps de Théodose. Menacé sur toutes les frontières par les Barbares du dehors, tiraillé sur tout le territoire par les Barbares au service, l'Empire ne durerait qu'à la condition, d'attacher chaque province à son armée et chaque armée à sa province. Qu'allaient faire les Francs Saliens en oriente, où rien ne les intéresserait à la garde ou à la bataille, tandis que dans la Gaule ils avaient à protéger une famille, des terres et leur liberté[115] ? Quelle sympathie pouvaient inspirer aux Gaulois ces Maures ou ces Dalmates, dont ils ne comprenaient ni la langue étrange ni les allures diaboliques, alors que les Francs de la Meuse étaient pour eux depuis un siècle des compagnons d'armes et de dangers ?

Théodose et ceux qui l'ont imité n'ont pas vu qu'ils allaient à l'encontre d'une force invincible. Ce qu'ils n'ont pas voulu accepter, l'avenir l'imposera à leurs débiles héritiers, mais ce sera au détriment de l'Empire, quoique au profit de la Gaule.

Ces déplacements de soldats finirent par coûter très cher. Dans un État à demi désorganisé, les voyages de ces troupes étaient d'une durée désespérante, pendant laquelle elles ne rendaient aucun service de leur métier. La plupart des hommes étaient mariés et pères de famille : on leur permettait bien, parfois, de se faire accompagner de leurs femmes et de leurs enfants, mais c'étaient alors, pour la poste qui se chargeait du transport, des embarras et des frais infinis. Et si on les obligeait à partir seuls, en soldats, c'était en eux un désastre intime, pire que les dangers du champ de bataille[116]. Le jour viendra où l'État ne sera plus assez fort pour imposer sa volonté, et où il devra laisser les soldats de la Gaule à la garde du pays et de leurs propres foyers[117].

Il arrivera même que, pour éviter de nouveaux va-et-vient, des regroupements difficiles ou onéreux, on abandonnera à tout jamais dans leurs garnisons originelles les Maures de l'Armorique ou les Dalmates de la Flandre[118]. A mesure que des vides se produisaient dans ces corps d'étrangers, on les comblait sur place, à l'aide de recrues indigènes ; et on vit par exemple un Bordelais servir dans la troupe au nom germanique des Mattiaques du Nassau. Ces vocables ethniques ne correspondirent plus à des réalités d'effectifs ; et j'imagine que si l'on conserva la garnison des Dalmates d'Avranches, elle ne fut bientôt plus qu'une milice provinciale, où les hommes du pays se mêlaient aux petits-fils des anciens soldats venus d'Illyrie, les uns et les autres également issus de la terre gauloise[119]. Entre cette terre et son armée la solidarité se faisait chaque jour plus grande[120].

 

VI. — LES GARNISONS DU RHIN.

Ce qui contribue à enraciner l'armée dans le pays, c'est la manière dont elle tient garnison, et c'est celle dont elle fait campagne.

En dépit des efforts de Valentinien, l'armée de frontière[121] ne reprit jamais le rôle qu'elle avait joué depuis César jusqu'à Constantin, et Théodose, sans doute féru des Goths qu'il trainait à sa suite, fit tout pour l'affaiblir encore[122].

Sur le Rhin supérieur, entre le lac de Constance et le coude de Bâle, le secteur du duc militaire de Séquanie[123] ne possède qu'un centre de défense[124], celui d'Olten[125] aux abords des lacs, en arrière du Rhin : et nous sommes en face des Alamans, sur la ligne qu'ils ont si souvent franchie au cours des siècles antérieurs.

En Alsace, de Bâle à la Lauter, c'est encore contre les Alamans qu'il faut se protéger et l'on sait combien de fois ils ont envahi et occupé ces belles terres, et qu'ils les regardent déjà comme leur butin légitime. Et cependant, s'il y a un comte à Strasbourg pour y commander[126], on ne voit sous ses ordres aucune force armée d'importance[127], tout comme si l'Empire en était toujours au temps des Antonins, avec une Souabe romaine de l'autre côté du Rhin. De Constance à Lauterbourg, la Gaule s'offrait plus qu'à moitié aux invasions et aux malheurs[128].

Elle était infiniment mieux gardée en aval de l'Alsace, entre la Lauter et la Sieg. Nous trouvons là un duc à Mayence[129], et autour de lui des garnisons à tous les lieux de passage, depuis Seltz jusqu'à Andernach[130]. Mais peut-être ne faut-il voir dans cette armée et ces forteresses qu'une tradition du temps passé, lorsque Mayence était la capitale militaire de la Germanie romaine : car, à l'heure actuelle, c'est le secteur de la frontière qui est le moins menacé, et l'arrière-pays gaulois, avec ses montagnes et ses forêts, est le moins convoité des Barbares et le plus facile à défendre[131].

Plus au nord encore, autour de Cologne, de Xanten ou de Nimègue, je ne sais absolument pas où étaient les troupes de la frontière[132]. Un duc résidait à Cologne[133], mais sans doute était-ce aux Saliens de Nimègue[134] qu'était surtout dévolue la tâche d'arrêter les Francs du dehors, Chamaves, Ripuaires[135], Attuaires ou autres. On eût dit que, par avance, l'Empire romain se désintéressait du sort de Cologne, qui avait été pendant quatre siècles la sentinelle de la culture latine dans les basses terres de la Germanie[136].

 

VII. — LES TROUPES DE CAMPAGNE.

Olten, Strasbourg, Mayence, Cologne, leurs comtes ou leurs ducs, leurs garnisons et les forteresses de leurs ressorts, tout cela d'ailleurs se ramène à peu de chose, plusieurs milliers d'hommes seulement[137], de quoi bloquer quelques routes et donner l'alarme à l'armée de l'intérieur.

Car le gros des troupes[138] tiennent garnison dans les grandes villes de la Gaule, à Amiens[139], à Reims[140], à Châlons[141], et quelquefois, plus loin encore, à Paris[142] à Autun[143], à Chalon-sur-Saône[144]. Si la ville est trop petite pour recevoir un corps armée ; ou si l'on redoute pour elle les méfaits de la soldatesque, on campe les hommes en dehors de l'enceinte municipale, mais à portée de ses remparts[145]. Je ne parle que de l'armée active et régulière, légions et escadrons ou corps auxiliaires. Quant aux Lètes, Sarmates et autres Barbares installés à poste fixe[146], ils ne quittent pas leurs villages ou leurs cantonnements.

Encore tout cela[147], garnisons de places fortes, corps de campagne et réserves, territoriales, c'est bien peu de chose, et c'est tout au plus 70.000 hommes[148] qu'on trouverait entre Rhin et Pyrénées. Cela suffirait, évidemment, pour arrêter le Germain, ces hommes étaient massés à la frontière. Mais ils sont disloqués en cent corps disparates[149], dispersés dans cent lieux divers, jusque sur le Rhône et jusque sur la Loire.

Il est vrai qu'en cas de grave péril on fait appel à l'empereur et à la puissante armée palatine qui ne quitte pas son voisinage. Et ce système était excellent quand le prince résidait à Trèves car avec une grande armée impériale à Trèves[150], la frontière ne risquait rien.

Mais maintenant, à la fin du siècle, le prince séjourne à Milan ou à Ravenne, et son armée, lointaine et tranquille, est en garnison dans les villes heureuses de la Lombardie ou de la Vénétie. Tout est disposé dans l'Occident de l'Empire comme pour avertir les Barbares qu'ils ont le temps de franchir la frontière, et même de piller à leur aise, et même de se retirer avec leur butin, avant que l'armée de campagne puisse arriver au seuil de Belfort ou sur les Hauts de Meuse[151].

 

VIII. — L'ARMÉE EN FONCTION.

Si l'alerte est donnée sur le Rhin, l'ordre de mobilisation est lancé, et le lieu et la date sont indiqués pour la concentration des troupes[152]. C'est d'ordinaire, comme lieu, Reims[153] ou Chalon-sur-Saône[154], et, comme date, un jour de juin ou de juillet. Car pour se mettre en campagne, il faut attendre jusque-là lorsque les blés sont mûrs et les fourrages en état[155]. L'armée rassemblée, on part pour trois mois d'expédition tout au plus, depuis les belles journées de l'été jusqu'au premier automne ; puis, la guerre finie, la dislocation est ordonnée, et chaque troupe regagne son lieu de garnison. Tout cela est minutieusement réglé, comme la procédure devant un tribunal ou l'avancement dans un bureau.

C'est bien là le vice essentiel de l'Empire romain en la vieillesse de sa vie. Incapable de décisions énergiques et de gestes rapides, il se réfugiait dans des pratiqués administratives. Alors qu'il eût fallu se tenir sans cesse aux aguets, courir sur les grandes routes ou veiller aux créneaux des remparts, il expédiait toutes ses affaires suivant un agenda établi d'avance et d'après les formules d'un protocole immuable. On était aux heures des catastrophes qui troubleraient à la fois l'ordonnance du temps et la sécurité de l'espace, et chaque jour on enveloppait davantage la terre romaine d'un réseau d'habitudes puériles et de formules surannées, que la crise la plus prochaine allait déchirer comme un filet dans la tempête.

Il faut d'ailleurs reconnaître que ces mêmes troupes, si incapables de faire face aux périls d'une invasion, pouvaient, en temps de paix, rendre de bons services au pays. Les Sarmates, échelonnés de Paris au Morvan sur la route d'Autun, ne manquaient pas, j'imagine, de dépister les brigands et de convoyer les caravanes ; ceux des Cévennes ou les garnisons de fortins alpestres[156] étaient évidemment chargés d'assurer le passage des cols. L'armée romaine avait pris une double allure, tantôt d'une maréchaussée en service permanent de surveillance[157], tantôt de compagnies féodales obligées à trois à mois de campagne. — Voilà donc où aboutit la vie militaire de l'Empire. Il a renoncé d'abord aux grandes conquêtes, e puis aux lignes puissantes de la frontière, tour à tour à la guerre d'agression et à la défensive rigoureuse ; il se borne maintenant a quelques entreprises de répression, et son armée, au lieu de se masser en corps d'attaque ou en boulevard de protection, se disperse en postes de garde.

 

IX. — TROUPES MARITIMES ET FLUVIALES.

Les empereurs commirent la même faute sur mer. En face de ce danger nouveau qu'étaient les pirates de la mer du Nord, il fallait, ou bien une escadre formidable d'offensive audacieuse qui s'en irait porter le trouble dans les repaires Saxons, ou bien une flotte compacte de barrage en haute mer[158] qui leur fermerait le Détroit et l'accès des côtes romaines, de Hull à Walcheren. Mais on ne fit ni l'un ni. l'autre : la hardiesse, les moyens en argent ou en hommes[159], manquaient pour ces opérations de grande envergure ; et on se contenta d'installer, le long des rivages de la Manche et de l'Atlantique, des postes de surveillance aux endroits où pouvaient débarquer les hommes du Nord. Sur mer comme sur terre, on abandonnait à l'ennemi l'initiative des attaques, on s'estimait avoir fait le nécessaire en se mettant en mesure de les repousser. Comme nous sommes loin de Tibère, allant avec sa flotte romaine chercher les Cimbres à Hambourg et les Chérusques sur l'Elbe du Brandebourg ! Et nous sommes encore plus loin du Grec Pythéas, explorant avec son navire les côtes du Jutland et les fiords de la Norvège ! A chaque nouveau siècle de sa vie, le monde civilisé, depuis que Rome le dirige, rétrécit son horizon et réduit sa volonté. L'Empire vieilli n'a plus de force que pour continuer quelques habitudes.

On doit cependant rendre cette justice aux empereurs du quatrième siècle, qu'ils comprirent assez bien les choses de la mer, et qu'ils adoptèrent, pour la protection de ses rivages, un système fort convenable, dont auraient dû s'inspirer plus tard Charlemagne et ses héritiers. Il est possible que ce système eût plus de valeur en théorie qu'en pratique, et que les forces navales fussent insuffisantes à remplir le cadre de la défense maritime. Mais enfin ce cadre était bien imaginé.

Tout le rivage de l'Atlantique romaine, de l'Escaut aux Pyrénées, était occupé militairement par des garnisons de terre et des flottilles de port[160]. Il était divisé en trois ressorts[161], ou, comme nous dirions aujourd'hui, en trois préfectures maritimes. La plus importante qui allait de la Seine à la Gironde, était placée sous les ordres du duc d'Armorique[162] : car on avait ressuscité, en faveur de l'armée de l'Océan, ce vieux nom national d'Armorique oublié depuis César et qui avait été le vocable d'alliance des cités maritimes de la Gaule[163]. Au sud de la Gironde, les côtes gasconnes jusqu'aux Pyrénées étaient surveillées directement par les troupes du maitre général de la milice car il s'agissait, sur ce point, non pas seulement d'empêcher les pirates de débarquer, mais aussi d'interdire aux brigands l'accès des cols pyrénéens[164]. — Au nord de la Seine[165], c'était au contraire un ressort exclusivement maritime, celui du duc de la Seconde Belgique[166], chargé surtout de garder le passage de Boulogne et d'épier les pirates qui longeaient les côtes de Flandre[167]. — En cas de grosse affaire, je crois bien que la souveraineté maritime passait partout au duc d'Armorique : il était au centre des rivages, il en tenait la presque totalité, il avait à sa disposition la plus grande partie des troupes de terre et de mer.

Le chef-lieu de l'Armorique[168] avait été placé à Grannona en Normandie, près de Vieux et de Bayeux, au milieu de la ligne la plus souvent menacée par les pirates[169]. A Boulogne, il n'y avait que la flotte de passage, destinée surtout aux transports de la poste publique et des services d'État. Le long du rivage, aux endroits habituels de débarquement, c'étaient des châteaux forts, des casernes d'infanterie, quelquefois des quartiers de cavalerie : Mardyck sur la côte flamande[170], Étaples sur celle de l'Artois[171], Le Crotoy à l'embouchure de la Somme[172], Aleth au fond du golfe de Saint-Malo[173], Brest à la pointe de l'Armorique[174], Blaye dominant de sa colline l'estuaire de la Gironde[175], Bayonne au coude maritime de l'Adour, devinrent ainsi de petites villes de garnison, où des compagnies de soldats renforçaient quelques bateaux de guerre[176]. En arrière de ces bourgades militaires, les métropoles des cités maritimes, Rouen[177] Coutances[178], Avranches[179], Carhaix[180], Vannes[181] ou Nantes[182], avaient aussi leurs troupes de défense, prêtes à donner la main aux forteresses du rivage[183]. Plus loin encore à l'intérieur terres, des flottilles étaient ancrées dans les ports fluviaux[184], par exemple dans la Seine et à Paris même[185]. — A voir cet étrange dispositif, on se croirait déjà au temps où les Normands pouvaient remonter la Gironde jusqu'à Bordeaux et assiéger dans la Seine la Cité de l'île parisienne. Cette marine de l'Empire romain, flanquée de flottes fluviales, de cohortes de fantassins, d'escouades de cavaliers, ne fait que ressembler l'armée de terre, et parait moins propre à écarter les pirates du rivage qu'à les pourchasser sur les grandes routes.

Ce même désir de protection intérieure explique les emplacements des flottes méditerranéennes[186]. Une escadre assez importante, avec infanterie de marine, occupe le port de Marseille[187] ; et l'on doit avoir gré à Maximien ou à ses successeurs d'avoir de nouveau compris la valeur du Lacydon, et de n'avoir point tiré de sa longue misère le port artificiel de Fréjus. Mais le reste de l'armée navale du Midi n'est pas en Méditerranée il est sur le Rhône, à Arles ou à Vienne[188], il est sur la Saône, à Chalon[189], et on trouve même une flottille à Yverdon sur le lac de Neuchâtel[190]. Il est vrai qu'à Yverdon on surveillait les seuils du Jura et le passage de la grande route militaire d'Italie.

Car les intérêts de la terre attirent de plus en plus à eux les chefs du littoral, et les généraux de l'intérieur mettent de plus en plus la main sur les choses de la mer. Cette marine méditerranéenne fut placée sous les ordres directs du maître général de la milice, et on lui donna aussi la préfecture navale de Bayonne et la flottille de Paris. Inversement, le duc de l'Armorique cessa un jour d'être un amiral pour devenir le chef de police, non seulement des zones maritimes, mais de toute la Gaule intérieure, et l'on étendit son ressort jusqu'au plus profond des vallées de la Seine et de la Loire, jusqu'au Morvan, aux Puys et aux Cévennes[191], où les pirates du Nord n'avaient guère chance d'atteindre. Et alors, tandis que l'amiral d'Armorique s'occupait de la police des montagnes[192], les pirates avaient beau jeu sur les rivages. Là encore, sur là frontière de mer comme sur celle de terre, c'était l'avortement de l'œuvre de Rome.

 

X. — DE LA BATAILLE ET DE L'ARMEMENT.

Disloquée en cent garnisons, ne vivant en armée que trois mois sur douze, cette force militaire est mal outillée pour les longues guerres et les luttes réfléchies. Les éléments individuels, soldat franc ou paysan gaulois, conservent chacun sa valeur supérieure l'ensemble manque de cohésion, l'esprit e la volonté n'y circulent point.

Il y eut sans doute de fort belles marches, du Rhin au Tibre ou au Danube, mais ce fut sur des routes connues et toutes prêtes ; il y eut de terribles batailles, comme celle de Mursa, l'une des plus sanglantes de l'histoire de l'ancien monde, mais ce furent batailles de guerres civiles, et qui se ramenèrent à un effroyable jeu de massacre. La moins brutale et pour ainsi dire la plus noble des rencontres militaires de ce temps, fut celle de Strasbourg, où Julien ne perdit que 247 hommes sur un effectif de 13.000, et où il eut raison d'une armée près de trois fois supérieure : mais à bien analyser le combat, ce fut le choc banal, rang contre rang, du Romain discipliné et lourdement armé[193] et du Barbare incohérent et demi-nu, où la résistance personnelle des hommes et la différence des armements se substituèrent aux mouvements de la tactique ou aux calculs de la stratégie[194]. Que l'on compare ces campagnes de Julien ou de Jovin, pourtant les mieux combinées du quatrième siècle, aux marches de César à travers les Cévennes ou aux audacieuses prouesses de Drusus.

A ne combattre qu'un ennemi souvent médiocre, les troupes de l'Empire perdirent peu à peu leurs mérites propres ; à la longue, elles s'adaptèrent à la nature de leurs adversaires[195]. Dans la légion, on négligea trop souvent les énergies de l'offensive, et notamment la charge terrible au javelot[196], l'un des éléments essentiels des victoires romaines ; et l'on sacrifia en même temps la principale valeur de résistance, en permettant au légionnaire, à l'instar du Barbare, de ne plus porter de cuirasse : mais renoncer et à la cuirasse et au javelot, c'est pour la légion abdiquer à tout jamais la force de son passé.

En revanche, les états-majors romains, à l'exemple des rois d'Orient[197], se passionnaient pour la cavalerie lourde, ces cuirassiers ou cataphractaires dont le buste et les membres étaient revêtus de lamelles ou de mailles de fer, moulées en quelque façon sur tous les muscles et toutes les jointures[198] : on transmit à des escadrons la solidité compacte de l'infanterie légionnaire[199]. Et je doute que cela fût une heureuse innovation, et qu'il n'eût pas mieux valu, contre ces bandes mobiles et insaisissables de brigands germaniques, donner tous ses soins à la cavalerie légère, à en multiplier les pelotons et à en accroître la souplesse[200].

Du reste, la cavalerie s'était fort développée depuis le temps des Sévères : la Gaule revenait, dans les derniers siècles de sa vie romaine[201], à ces beaux escadrons qui avaient fait l'orgueil de Vercingétorix. Il y en avait de vingt espèces différentes[202], chacun avec son nom, ses insignes et petit-être son allure propres. Et le chef même des armées de la Gaule, comme pour complaire à ses habitudes nationales, porte le nom de maître des cavaliers, magister equitum, bien qu'il commande à toutes les armes[203].

Enfin, et sans doute pour répondre aux pratiques du voisinage barbare, les Romains avaient fait une place plus grande aux armes de jet à longue distance[204], flèches[205], frondes[206] ou dards plombés[207] ; les troupes d'archers croissaient chaque jour en nombre, en importance et en vogue, car le service y était tout autrement facile et varié que sous la discipline monotone et le lourd armement des légionnaires[208]. Dans le même ordre d'idées, on avait, je crois, étendu l'usage des machines de guerre aux armées en campagne[209]. Mais tout cela risquait de compromettre la supériorité à l'escrime, cette pratique de l'épée à laquelle Rome dut le meilleur de sa gloire militaire et qui est, de toutes les manières de combattre, la plus intelligente et pour ainsi parler la plus spirituelle.

 

XI. — ÉMIETTEMENT DES FORMATIONS MILITAIRES.

Ce qui était pour cette armée romaine un autre signe d déchéance, un prodrome de dislocation, c'était l'émiettement de ses troupes, l'effritement de ses principales unités tactiques : je pense surtout aux légions, qui, malgré l'accroissement des corps spéciaux ou des formations auxiliaires, constituent toujours l'infanterie de choc ou de résistance[210]. Les empereurs, surtout après Julien, ont pris plaisir à les désagréger[211]. Plus rien que le nom ne rappelle cette huitième[212] ou cette trentième légion[213], forte de six mille hommes, flanquée de ses cavaliers et de ses services d'appui, fière de ses épithètes et de ses souvenirs, et qui était à elle seule un monde et une histoire[214]. Une légion, maintenant, c'est tout au plus un millier hommes[215], et souvent même la moitié[216], car on s'est imaginé à la fin[217] de la couper en deux[218], ici les anciens, seniores, les jeunes, juniores, comme si le meilleur moyen de former les recrues n'avait pas été, sous l'ancien Empire, de les mêler aux vieux soldats ; et ces deux demi-légions sont d'ordinaire campées à cent lieues l'une de l'autre, sans aucun lien entre elles. Il semble qu'on se soin acharné à briser force matérielle et morale que représentait un corps aux traditions séculaires[219].

Entre les légions et les troupes auxiliaires, ailes ou cohortes, les différences s'atténuent chaque jour[220], et, pour connaître et regretter cette division originelle et fondamentale de l'armée romaine, il n'y aura bientôt plus que quelques écrivains militaires, attardés-aux émouvants souvenirs d'un monde disparu[221]. Comme les légions, les principales de ces troupes ont leurs escadrons de jeunes et d'anciens ; il n'y a plus guère de brigades mixtes, fantassins et cavaliers associés, et les éléments à cheval forment presque partout des unités distinctes. Quantité d'ailes ou de cohortes ont été mises au même rang d'honneur que les légions, et beaucoup de ces dernières ne sont sans doute que d'anciens corps auxiliaires promus en dignité. Car, maintenant que la légion ne vaut plus que pour quelques centaines d'hommes, ce qui est l'effectif habituel d'une cohorte ou d'une aile[222], à quoi bon établir une différence entre deux groupes de combattants soumis aux mêmes disciplines et aux mêmes dangers[223] ?

Toutes les habitudes du passé romain se perdirent, en cette fin du quatrième siècle, avec une étonnante rapidité. Des païens ont accusé Théodose d'avoir été, pour l'armée romaine, l'homme néfaste[224] ; et je suis tout prêt à les croire. Les plus vieilles et plus solennelles appellations des corps d'armée tendent à disparaître : et on dirait que pour un empereur chrétien les mots de légion, de cohorte, et les épithètes honorifiques ou ethniques qui les accompagnent, renferment une tare originelle, ce qui, après tout, était vrai, puisque ces mots rappelaient le culte des aigles ou des sangliers[225]. A leur place on préfère désigner les corps de troupes par les lieux habituels de leurs garnisons on ne dira plus les cohortes dalmates, ces fameuses cohortes montées qui avaient en elles quatre siècles de gloire, mais les soldats d'Avranches, parce qu'elles sont installées à demeure dans cette ville[226]. Et pour peu que cet usage s'affirme, et qu'on ne connaisse plus que les troupes d'Armorique au lieu des escadrons des Maures ou des légions Flaviennes, ou que l'on dise les soldats de la Garonne pour les garnisons de Blaye ou du Bordelais, voilà disparu le lien verbal qui unissait à l'Empire tout entier l'armée de Gaule, et voilà cette armée attachée à la Gaule seule par ses noms comme par ses résidences[227].

 

XII. — DE L'ESPRIT DE L'ARMÉE.

L'armée de Gaule, c'est donc en ce moment une centaine de corps en garnison, disséminés entre le Rhin et les Pyrénées, tous à peu près de la même force, un demi-millier d'hommes en moyenne, chacun ayant sa demeure attitrée et vivant de sa vie propre dans la ville qui lui est assignée[228].

Dans cette armée disloquée en menus tronçons, comme le serait une police de sûreté ou une maréchaussée rurale, on ne saurait trouver cet esprit de corps qui fit faire jadis de si belles choses aux cohortes de Bataves ou à la VIIIe légion de Strasbourg[229]. Et peut-être des empereurs à courte vue, tels que Gratien, Théodose[230] ou Honorius, épris d'intellectualisme ou de religiosité, ont-ils vu en cela un moyen d'affaiblir l'orgueil militaire et de tenir le soldat en bride. Mais alors, il fallait faire la pareille pour l'armée des Goths, et la morceler elle aussi, la disperser à la façon de l'armée romaine, au lieu de la masser, compacte et homogène, sur un seul point de l'Empire.

Une armée sans cohésion est une troupe sans ardeur morale. Ramassis de cent détachements venus de tous les coins de l'univers[231], groupés et regroupés à l'aventure, l'armée romaine du Bas Empire est une multitude, incohérente que n'inspire aucun souffle commun[232], et c'est pour cela que les Goths, unis sous leur nom et sous leur roi, en auront si souvent raison. A tout moment, il se produit au milieu d'elle une brèche imprévue c'est un corps qui lâche pied[233], c'est un autre qui passe à l'ennemi[234]. D'un bout à autre de cette foule, je ne sens pas l'identité de sentiment qui donna aux armées d'Aurélien ou de Probus la force de sauver l'Empire.

Les formules solennelles ne manquaient pas pour rappeler aux soldats la noblesse de leur devoir. Aux noms traditionnels de Rome et de l'empereur on avait ajouté, dans le texte du serment militaire, ceux du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et on expliquait encore aux hommes que le mot d'Auguste n'était pas un nom d'homme ou un titre de chef, mais le signe d'un être souverain, à qui on devait soumission et dévotion, comme à un dieu présent en une enveloppe corporelle : lui obéir est un acte de piété chrétienne, et c'est par la Sainte Trinité elle-même qu'on jurera de ne point déserter, de ne point refuser la mort, de se consacrer au salut de l'empereur et de l'État[235].

Mais la religion chrétienne n'était point celle de tous ces hommes ; des Barbares ou des Romains restaient païens dans leur âme ; et même chez ceux qui étaient dévots au Christ, la foi, toute de surface, dictait des paroles, et ne déterminait pas des actes.

Le véritable culte du soldat, même au temps de Julien, est celui de l'argent, solde, gratifications ou butin. C'est un métier ou une entreprise que d'être soldat ; on ne servira qu'un temps limité, vingt ou vingt-cinq ans[236] : il s'agit donc de se retirer après fortune faite. Aux Barbares ainsi qu'aux Romains de l'armée, le gain s'impose comme la loi principale du service. Entre eux et leurs chefs, c'est un perpétuel marchandage[237]. Réunie à Chalon pour marcher contre les Alamans, l'armée de Constance, mal nourrie, prête à se révolter, ne s'apaise qu'après distribution de fortes sommes. Pour avoir raison de l'usurpateur Silvain, il suffit d'acheter ses meilleures troupes, et peut-être lui-même les avait-il achetées pour se faire proclamer Auguste. Julien, dès qu'il a pris le diadème par ordre de ses soldats, est obligé de leur promettre par tête cinq sous d'or et une livre d'argent[238]. De deux des corps gaulois les plus fameux, Carnutes et Bracchiates, un témoin oculaire disait qu'ils se vendaient au plus offrant[239]. Cela ne les empêchait pas de se battre fort bien et de gagner leur argent : mais c'était l'honnêteté de l'homme qui vend sa marchandise, et non pas le dévouement à une foi supérieur.

 

XIII. — LE CORPS DES OFFICIERS.

Le corps des officiers me parait présenter plus de dignité morale, un sentiment plus profond du devoir.

Tous sortaient, sinon du rang, du moins de la tente. Aucun n'était un favori du palais ou un oisif de la noblesse. Même sous Constance, nul n'arrivait aux commandements supérieurs sans un long apprentissage des garnisons ou des campagnes[240]. On ne pourrait citer un seul maitre de la milice, un seul duc ou comte de la frontière, qui ne soit un officier de carrière. Sur ce point, tous les empereurs, même Théodose, se sont trouvés d'accord pour laisser au métier militaire son caractère, ses allures professionnelles. Peut-être, après tout, ont-ils agi par crainte : car les soldats et les officiers auraient fait assez mauvais accueil à un général venu de l'antichambre impériale.

La vie de ces officiers se passait à l'armée : elle était leur domicile et en quelque sorte leur patrie. Cela ne veut point dire, d'ailleurs, qu'ils vécussent sans contact avec le prince, la Cour et le monde civil : car une partie de l'armée, et même la meilleure, était formée de ces troupes d'élite qui s'éloignaient rarement de l'empereur, et les plus renommés des officiers étaient appelés à les commander, après avoir servi en province comme préfets ou tribuns de légions, de cohortes ou d'escadrons, comme ducs ou comtes de districts militaires[241]. C'était même cette alternance entre une charge à la frontière et un service à la Cour qui retenait ces officiers dans le respect de l'autorité impériale, qui enlevait à leur manière de vivre sa rudesse originelle, qui faisait d'eux des hommes de bonne tenue et d'intelligence cultivée, comme le furent Silvain, Ricomer ou Bauto.

Le plus grand nombre de ces officiers étaient d'origine barbare, Alamans pour une petite part, Francs pour la principale : je parle du temps qui a précédé la suprématie des Goths, œuvre funeste de Théodose. Quoiqu'il y ait encore bien des Romains dans l'armée, ce sont paysans ou prolétaires qui n'iront pas très loin dans les grades. Les quelques nobles qui servent parmi les gardes s'échapperont sans doute du service pour reprendre les aimables loisirs de la vie civile[242]. C'est une exception que de voir un Romain d'Espagne, Théodose, le père de l'empereur, devenir officier, comte militaire et maitre de milice[243]. Le Franc, au contraire, s'élève tout naturellement dans les honneurs de l'armée, surtout, j'imagine, s'il est noble ou chef parmi ceux de sa tribu ; être roi chez les Francs, c'est presque une manière de se désigner pour commander une armée romaine[244]. Les principaux chefs des troupes d'Occident au quatrième siècle, Crocus sous le premier Constance, Bonitus sous Constantin, Silvain sous ses fils, Charietto sous Julien, Mérobaud et Mallobaud sous Valentinien, Arbogast, Ricomer et Bauto sous Théodose, sont des chefs ou des rois barbares, dont le premier seul est un Alaman, les autres, sans aucun doute, venus de terres franques. Tous d'ailleurs furent d'excellents officiers, fidèles à l'Empire sinon aux empereurs ; quelques-uns sont nés au service, et tous y sont morts.

 

XIV. — DANGERS D'USURPATION MILITAIRE.

Mais rien n'assure pour toujours l'Empire le dévouement de ses officiers francs, et il peut également se faire qu'on préfère à ces bons serviteurs, éprouvés par un siècle de fidélité, ces rois goths nouveaux venus sur les terres romaines. A ne prendre que des Barbares pour commander aux soldats, c'est faire une loi de l'incertitude du lendemain[245].

Contre ces menaces des officiers barbares, les politiques avaient imaginé d'assez médiocres expédients, qui se ramenaient à deux règles principales la séparation de l'autorité civile et des charges militaires[246] la subordination de la milice au prétoire[247].

Aucun fonctionnaire du palais ne pouvait prétendre à être général, aucun maitre de la milice ne devint préfet. Depuis Constantin la règle est absolue, et Constance, malgré ses allures de despote, ne cessa point de la respecter[248]. — Mais n'était-ce pas habituer les officiers à ignorer les droits et la majesté de cette autorité civile, à laquelle ils ne pouvaient participer ? On ne connaît qu'à moitié ses devoirs de citoyen, en ne servant la patrie que par l'exercice de son métier.

L'officier, dans la hiérarchie, était au-dessous du fonctionnaire[249]. Si haut qu'eût été placé le maître général de la milice, le préfet du prétoire demeurait son supérieur, le commandant de toutes les armées de l'Empire romain restait moindre en dignité que le juge éminent de cet Empire, et, à lui qui n'était qu'un chef de soldats, il fut longtemps interdit d'aspirer au consulat, à cette souveraineté mystique du peuple romain[250]. — Mais on ne put toujours observer cette règle les empereur durent céder devant l'insistance des maîtres de la milice[251] ; Mérobaud, Bauto, Ricomer et d'autres devinrent consuls, il n'y eut, plus, entre eux et les préfets, qu'une différence de place dans la liste officielle des dignités[252]. Plus rien n'éloignait ces généraux francs des ambitions suprêmes : Silvain s'est fait César, Arbogast a créé un Auguste, et la fille de Bauto épousera l'empereur Arcadius. Quand ils le voudront, s'ils restent à la tête des armées romaines, ils prendront la terre comme ils ont conquis les honneurs.

 

 

 



[1] Mommsen, Das Rœmische Militärwesen seit Diocletian, 1889 (Gesammelte Schriften, VI) ; Grosse, Rœmische Militärgeschichte von Gallienus, etc., Berlin, 1920 ; le même, article dans Klio, XV, 1918, p. 122 et s. ; Babut, Recherches sur la garde impériale et le corps des officiers, articles de la Revue historique, CXIV et CXVI, 1913 et 1914 ; Nischer, The Army reforms of Diocletian and Constantine, etc., dans The Journal of Roman studies, XIII, 1923. Consulter aussi le livre, d'une rare pénétration, de Jean Maspero, Organisation militaire de l'Égypte byzantine, 1912, qui nous montre en Égypte une évolution semblable à celle que nous pressentirons en Gaule ; cf. aussi les articles sur la Notitia (Bœcking, Ueber die Notitia, 1834) et sur Végèce (Seeck, Hermes, XI, 1876, p. 61 et s.).

[2] Voir le texte de Synésius, De regno, § 3. Eugène, malgré son origine d'école, se montre à la tête des armées. Ce fut le principal vice des fils de Théodose, d'oublier ce caractère militaire de leur pouvoir.

[3] A la désignation de Julien comme César par Constance, à Milan ; Ammien, XV, 8, 15. A son avènement comme Auguste, à Paris, magnitudine sonus Augustum appellavere consensione firmissima ; X, 4, 14. A la proclamation de Gratien comme Auguste par son père, à Amiens ; XXVII, 6, 10. Etc. Voyez le mot de Majorien dans sa proclamation au sénat (Novelles, 7, p. 156, Mommsen) : Imperatorem me factum vestræ electionis arbitrio et fortissimi exercitus ordinatione.

[4] Jurant per Deum et Christum et Sanctum Spiritum et per majestatem imperatoris, quæ secundum Deum generi humano diligenda est et colenda ; Végèce, II, 5, éd. Lang, 1885.

[5] Il y avait bien dans le serment, jurant nec mortem recusaturos pro Romana republica, mais cela venait après omnia se strenue facturos, quæ præceperit imperator ; Végèce, II, 5.

[6] Άστρατείαν τε διδόναι πολλοΐς, dit Synésius (De regno, § 14, Patr. Gr., LXVI, c. 1092), dont il faut lire tout le développement, très précis et très éloquent à la fois. Végèce, I, 7 : Honestiores quique civilia sectantur officia. Paneg., XI, 20 : Militiæ labor a nobilissimo quoque pro sordido et illiberali rejiciebatur, sous Constance.

[7] Synésius, vers 397-8 ; cf. n. précédente. Voyez également Végèce, en particulier I, 28 : on place maintenant Végèce sous Valentinien III (Seeck, Hermes, XI, 1876, p. 61 et s.) je ne suis pas convaincu, et je crois à la génération antérieure, celle de Valentinien II et de Théodose.

[8] Ammien, XXIX, 4, 7 ; Zosime, IV, 12, 2. Mais je ne suis pas sûr que Valentinien, qui eut le sens du devoir romain, n'ait pas eu le désir de renforcer les éléments nationaux de l'armée.

[9] Voyez en particulier le tableau de l'édition Schenkl, p. XIV.

[10] C'est le cas d'Ammien Marcellin : ingenuus, Ammien, XIX, 8, 6 ; protector domesticus, XV, 5, 22 ; XVI, 10, 21.

[11] Jullian, De protectoribus, 1883, p. 37 et s. ; Mommsen, Ges. Schr., VIII, p. 438 et s. (écrit en 1884) ; Babut, art. cité.

[12] Pas davantage en Orient ; Zosime, IV, 30-31 ; cf. J. Maspero, p. 49-50, 130. — Pour tout ce qui suit, cf. Mommsen, Das R. Milit., § 6, p. 246 et s.

[13] Remarquez le passage du Panégyriste gaulois (VI, 2) où il recommande mariage et paternité, qui fontem humani roboris semper Romanis exercitibus ministrarum : il est vrai que nous sommes encore en 307. De là évidemment, les colères de plus tard contre les moines, qui n'étaient point des prêtres, à cause de leur refus de servir ; Zosime, V, 23, 8 ; Orose, VII, 33, 1 ; cf. C. Théod., éd. Godefroy-Ritter, IV, p. 436 et s.

[14] L'assimilation est bien indiquée en particulier par Valentinien dans sa loi de 375, Code Théod., VII, 13, 7 : Prœbitio tironum in patrimoniorum viribus [po]tius quam in personarum muneribus conlocetur.

[15] Pro militari supplemento, quod provinciatim annuum [l'impôt militaire est établi par province, et annuellement] pendebatur, thesauris accederet auri cumulus magnus ; Ammien Marcellin, XXXI, 4, 4. Dans le même sens, XIX, 11, 7. Cf. Code Théod., VII, 13, 7.

[16] Je n'arrive pas à savoir si les non-propriétaires, ceux qui étaient assujettis à la taxe d'affaires, étaient ou non exemptés de la præbitio tironum. La loi de 375 (C. Th., VII, 13, 7) montre bien que les plébéiens y sont soumis, mais elle ajoute aussitôt ex agro ac domo propria, ce qui indique bien à la base un bien-fonds ou un feu. Mais j'ai peine à croire que tout contribuable ne fût pas obligé par la loi militaire : omnis professio vexabatur, dit à ce sujet Ammien (XXI, 6, 6).

[17] Dans quelles proportions, je ne saurais le dire : cela a pu varier suivant les circonstances et les provinces, ex opportunis regionibus ; Code Théod., VII, 13, 9 ; Ammien, XXI, 6, 6. Nous, savons seulement que la valeur de la recrue a varié de 25 sous d'or (Code Th., VII, 13, 13) à 80 (si le texte est exact : Socrate, IV, 34, Patr. Gr., LXVII, c. 556 ; cf. Godefroy, II, p. 382). Ajoutez une moyenne de 6 sous pour l'entretien (Code Théod., VII, 13, 7). — Je ne peux dire exactement dans quelle mesure on déduisait du montant de la capitatio foncière les tirocinia indicta ; mais il parait certain que la fourniture d'un conscrit [laboureur] entraînait l'exemption du capta, c'est-à-dire de l'unité imposable qu'il représentait [la part de terre qu'il labourait ? ou la taxe personnelle ?] (C. Th., VII, 13, 6). Remarquez que la valeur minima du conscrit, 25 sous d'or (voir plus haut), correspond à une des valeurs supérieures au caput. Enfin, la suppression de la fourniture des conscrits lors de l'afflux des mercenaires barbares eut pour conséquence un accroissement d'impôts.

[18] En principe, comme depuis l'origine de Rome, on n'enrôle point d'esclaves : la tradition est visiblement conservée, que le métier militaire ne peut être œuvre servile. Mais, comme toujours, il y a des exceptions, atténuées en ce sens qu'on affranchissait les esclaves enrôlés ; C. Th., VII, 13, lois 8, 11 et 16, et le commentaire de Godefroy. Il y eut appel aux esclaves en 406, après l'affaire de Radagaise ; C. Th., VII, 13, 16 (17 avril 406, ad provinciales).

[19] Voyez le De tironibus, Code Théod., VII, 13, et la préface de Godefroy au titre De re militari, II, p. 253-4.

[20] Voyez la loi de Valentinien en 375, VII, 13, 7.

[21] C. Th., VII, 13, lois 16 et 17 ; VII, 18, lois 10 et 17. Les recruteurs travaillaient d'ailleurs pour le compte des propriétaires taxés aussi bien que pour celui de l'État. Il y avait d'incroyables abus, enlèvements, etc. ; VII, 13, lois 8 et 11.

[22] Zosime (IV, 12, 2), dit qu'un des mérites de Valentinien est d'avoir fait appel non seulement à des Barbares. mais aussi έκ τών έν τοΐς ύπό 'Ρωμαίους έθνεσι γεωργών. Et cet état de choses explique en partie pourquoi, quelques années plus tard, on se réjouit tellement à l'arrivée des auxiliaires goths.

[23] Voyez la discussion de Végèce (I, 3), utrum de agris an de urbibus utilior tiro sit, et sa conclusion, ex agris ergo supplendum robur præcipue videtur exercitus.

[24] Voyez là-dessus, en attendant son travail d'ensemble, les remarques de Rostoviseff, Le Musée Belge, XXVII, 1923 ; p. 233-242.

[25] Code Th., VII, 22, De filiis militarium.

[26] C. Th., VII, 13, 16 et 17 : on faisait même encore appel à l'amor patriæ pour les ingenui, et on allait jusqu'à promettre la liberté aux esclaves (en 406). Il est à remarquer qu'on voulut d'abord enrôler les esclaves des soldats ou des officiers, et en particulier de ceux des milices barbares, fœderatorum et dedititiorum, car ces esclaves, disait la loi (VII, 13, 16), ont l'habitude una cum dominis bella tractare. On remarquera l'importance de ce renseignement pour comprendre l'allure des armées aux siècles suivants.

[27] Je ne peux donner ce chiffre qu'à titre d'hypothèse.— Je n'aperçois pas que les recrues gauloises pussent être versées de préférence dans les légions plutôt que dans les auxilia ou autres corps : un Bordelais parait avoir servi dans le numerus Mattiacorum seniorum, troupe auxiliaire à nom germanique (Rev. des Ét. anc., 1910, p. 68 ; Dessau, 9215) ; un Séquane [de la province ?] a servi dans le numerus Ursariensium, qui parait bien une légion (Corpus, XIII, 3492) ; un Amiénois, signifier dans le numerus Divitensium, meurt à Sardique en garnison (Corp., III, 7415) ; etc.

[28] S'il en avait été autrement, on n'eût pas fait constamment appel aux troupes de Gaule ; on méprise en Gaule le soldat grec (Paneg., IX, 6). — Je ne parle pas des Illyriens, toujours soldats de premier ordre.

[29] Voyez l'importance des tirones, de la juventus levée en Gaule par Julien ; Ammien, XX, 8, 15, où l'on parle de consumpta pœne juventus. De même, sous Valentinien : Zosime, IV, 12, 2 ; sous Magnence : Julien, Orationes, 1, p. 34 d, Sp. Il est évident qu'en cas de danger pour la Gaule, c'était à elle qu'on demandait les recrues extraordinaires, ce qui d'ailleurs n'était pas de justice absolue, l'Espagne, par exemple, bénéficiant pour une très large palet de la force de l'armée gauloise.

[30] Ammien Marcellin est d'origine grecque ; XXXI, 16, 9.

[31] Ad militandum omnis ætas aptissima, etc., nec eorum aliquando quisquam ut in Italia munus Martium pertimescens pollicem sibi præcidit ; Ammien, XV, 12, 3. De même, l'Expositio, § 58, p. 122, Riese : Omnis regio viros habet fortes et nobiles in bello itaque plurimum exercitum et fortia Gallorum esse dicuntur. Viris semper fortibus Gallia abundavit, dit Jérôme.

[32] Je suppose que la légion, continue à être formée en principe des recrues d'origine romaine. Les deux légions qui firent merveille au siège d'Amida en 359, ne sont jamais appelées que légions de Gaulois (Ammien, XIX, 6, § 3, 4, 7 et 9) : elles avaient été levées par Magnence et Décence, d'où leurs noms de Magnentiaci et Decentiaci, et on les avait, après la défaite de Magnence, expédiées en Orient, ut fallaces et turbidos (Ammien, XVIII, 9, 3). Je n'arrive pas à en trouver trace dans la Notitia : car les corps d'armée ont sans doute subi plus de modifications au ive siècle que dans les trois premiers siècles de l'Empire.

[33] Car beaucoup de recrues indigènes servaient dans les troupes auxiliaires ; Végèce, II, 3.

[34] On peut supposer, comme formés à l'origine ou a un moment donné de recrues gauloises, les corps appelés Gallicani. Il y a à ce nom dans la Notitia d'Occident : 1° la légion de campagne (comitatensis) des Lanciarii Honoriani Gallicani, en garnison en Gaule, et qui doit être de création théodosienne (5, 239 ; 7, 1) ; 2° une autre légion de même nature, de même date et également en Gaule, les Honoriani Felices Gailicani (5, 247 ; 7, 80) : l'une et l'autre peut-être simples dédoublements du mérite corps et sans doute constituées après la défaite d'Arbogast ; 3° la légion de garnison dite Prima Flavia Gallicana Constantia, qui a dû être créée par le premier Constance ou Constantin et peut-être pour la défense de l'Armorique, où elle se trouve en 400 et à Coutances même (Constantia ; Not., 37, 20 ; 7, 90 ; 5, 14 et 264) ; peut-être parce qu'elle portait, comme la ville, le nom du célèbre empereur, n'a-t-elle jamais quitté ce lieu de garnison ; 4° le corps des auxiliaires palatins Nervii Gallicani, demeurés en Gaule (7, 75 ; 5, 211) ; 5°-8° les juniores des quatre corps auxiliaires palatins des Jovii, Mattiaci, Atecotti et Felices [?] (7, 76-78 ; 5, 212, 209, 217, 218), les trois premiers également en Gaule, et tous peut-être comme effectif, sinon comme vocable, de levée théodosienne (un Bordelais a servi dans les Mattiaci ?) ; 9° et 10° en Illyrie, je trouve le corps palatin des Mattiarii Honoriani Gallicani (7, 52 ; 5, 220), expédié là sans doute aussitôt après sa formation en Gaule à la fin du IVe siècle ; et, peut-être correspondant aux Nerviens de tout à l'heure, celui des Sagittarii Tungri (5, 174 ; 7, 41) ; 11°-17° en Orient, l'épithète Gallicani est donnée à deux légions de campagne, Divitenses et Solenses (Or., 8, 43 et 50 en Thrace). ; où il faut voir comme origine de garnison la ville de Divitia ou Deutz en face de Cologne et une autre ville inconnue (Soulosse, Solicia ?? Aqua Sutis en Bretagne ??) ; au corps en son entier seniores et juniores) des auxiliaires palatins des Sagittarii Gallicani (Or., 5, 54-55) ; à l'escadron de campagne des Armigeri (5, 35 ; les seniores seulement, et il est possible qu'une partie de la troupe ait été laissée en Gaule, Occ., 7, 173) ; on peut ajouter les trois escadrons de campagne, encore que dépourvus de l'épithète gallicane, des Catafractarii Bitarigenses, Catafractarii Ambianenses et Catafractarii Albigenses (Or., 5, 34 ; 6, 36 ; 8, 29), formés surtout à l'origine dans les trois centres manufacturiers de Bourges, d'Amiens et d'Albi, et expédiés ensuite en Orient ; ce sont peut-être ceux que Julien rassembla à Autun lors de sa campagne de 356, avec d'autres d'origine autunoise car on peut supposer dès ce temps-là à Autun une garnison de catafracfarii et de balistarii en rapport avec la fabrique de cuirasses et de balistes que nous y trouverons dans la Notitia (Oc., 9, 33) ; 18° en Espagne enfin, les Salii Gallicani (Occ., 5, 210 ; 7, 129) sont les juniores du corps, les seniores restant en Gaule (Occ., 7, 67). —  Les equites Primi Gallicani de l'armée de campagne de Gaule (Occ., 6, 55 ; 7, 176) doivent être une ancienne ala (ou cohors ?) Prima Gallorum. — J'incline donc à penser que cette épithète de Gallicanus, qui ne se retrouve pas en épigraphie, est un vocable de circonstance, et qu'elle indique l'origine de recrutement ou de garnison de ces troupes, déplacées peu avant la date de la Notitia et sans doute surtout après la défaite d'Arbogast. — Sauf pour les troupes demeurées en Gaule ou celles qui y sont revenues, il est très probable que l'origine ethnique indiquée par le nom a cessé de bonne heure d'être exacte, les vides étant le plus souvent comblés sur place. — En revanche, certains corps, qui n'ont jamais quitté la Gaule, ont dû être composés surtout de Gaulois : telle, la XXXe légion, toujours en Germanie Inférieure (Occ., 7, 108), et depuis Trajan.

[35] C'est le vers célèbre de Claudien Gallus casu non robore vinci (De bello Gild., 431). De même, Julien, Orat., I, p. 36 b, Sp.

[36] Y compris des auxiliaires d'origine germanique servant en Gaule. Ammien, XX, 4, 7 (pugnaces numeros) ; XXIII, 5, 25 (numeri Gallicani). Sous Valentinien, en Illyrie, Gallicani militis robur (Ammien, XXIX, 6, 16).

[37] Apud Parisios natus in Galliis et equestri militans turma, etc. ; Ammien, XVIII, 6, 16 en 359, et c'est peut-être un des cavaliers envoyés à Constance par Julien.

[38] Au siège d'Amide en 359 : gladiis portas cædebant, etc. ; Ammien, XIX, 6, 3-4 (témoin oculaire).

[39] Velut repedantes sub modulis ; Ammien, XIX, 6, 9.

[40] Horum campiductoribus... armatas statuas ; XIX, 6, 12. Il est probable qu'on utilisa d'anciennes statues.

[41] Voyez tout le récit chez Ammien, XIX, 6.

[42] J'emploie ce mot dans un sens général : il y a bien des Gallo-Romains parmi les corps dits auxilia, peut-être des Germains dans les légions, et bien des troupes formées par les Barbares (par exemple celles de Lètes) ou accessibles à leurs engagés (par exemple les scholæ du palais) ne peuvent être traitées en auxilia.

[43] Ceux qui suivent immédiatement.

[44] Je laisse de côté les Germains faits prisonniers et enrôlés d'office dans l'armée, sans doute disséminés dans les corps, par exemple les Francs par Julien en 358, lesquels τοΐς άύτοΰ λοχοις άνέμιξε (Libanius, Orat.,XVIII, § 70, p. 267, F.).

[45] On nomme des Francs, des Chamaves, qui sont des Francs, et des Frisons, Paneg., VII, 6 ; V, 9. — On ne trouvera aucune trace de ce genre de soldats barbares dans les listes militaires de la Notitia, pour la raison que leur situation est individuelle, en tant que colons d'un domaine d'abord, et ensuite, comme colons mais à titre de leur origine barbare, en tant que conscrits d'office. Chez eux, l'élément essentiel ou primitif est le service agricole ; chez les Lètes, c'est le service militaire encore que les uns et les autres soient également des soldats laboureurs, principe du reste que les empereurs ont voulu appliquer à tous les Barbares admis dans l'Empire, même les Goths, castris militem terris cultorem (Paneg., XII, 22).

[46] Pour ceux-ci, t. VII, ch. II, § 5.

[47] Y compris l'empereur ou une cité. Et peut-être ceux-ci, les tributarii, ont-ils surtout été dévolus à des terres de particuliers, les Lètes et Sarmates, surtout groupés sur terres fiscales.

[48] Non pas fournis comme tirones par le propriétaire, mais levés d'office en vertu de la concession originelle : si ad dilectum vocetur, accurrit (Paneg., V, 9). — Il est d'ailleurs possible que les descendants de ces colons aient été fournis comme tirones par leurs propriétaires à titre de redevance militaire.

[49] Peut-être indistinctement dans les légions ou les auxilia ; cf. n. suivante.

[50] Servire se militiæ nomine gratulatur (Paneg., V, 9), ce qui semble bien l'assimiler aux tirones gallo-romains.

[51] Le mot parait d'origine germanique, et signifier quelque chose, au point de vue militaire, comme serf de la glèbe au point de vue social.

[52] Ceci n'est qu'une hypothèse, mais c'est la seule qui, d'une part, explique pourquoi il y a des Lètes d'obédience romaine, Bataves ou autres, et qui, d'autre part, permette d'interpréter les textes détaillés qui les concernent : Nerviorum et Trevirorum arva jacentia Lætus POSTLIMINIO [le mot désigne précisément le retour après captivité] RESTITUTUS, et receptus in leges [désigne une autre catégorie, sans doute la même que les déditices du texte suivant] Francus excoluit (Paneg., V, 21) ; Julien offre à Constance adulescentes Lætos quosdam, eis Rhenum editam barbarorum progeniem, vel [et ce qui suit désigne une autre variété de Barbares, celle des domiciliés à titre spontané] certe ex dediticiis qui ad nostra desciscunt (Ammien, XX, 8, 13) ; nous retrouvons les Læti dans l'armée de Julien (Ammien, XXI, 13, 16) ; Zosime (II, 54, 1) appelle Λετούς έθνος Γαλατικόν (à propos de l'origine de Magnence), parce qu'ils étaient installés en Gaule ; les Læti barbari qui menacèrent Lyon en 357 étaient domiciliés quelque part en Gaule.

[53] Qu'il y ait des sujets originels de Rome parmi les Lètes, cela me parait résulter : 1° de l'expression postliminium employée à leur propos (n. précédente) ; 2° de la mention en particulier (42, 37 et 39) de Læti Lingonenses per diversa dispersi Belgicæ Primæ [ce sont des Lingons emmenés jadis par les Alamans, peut-être sous Valentinien], de Læti Nervii, ceux-ci installés dans leur civitas, à Famars (Fanomartis) ; dans la même catégorie, les Læti Batavi dits Contraginnenses (Condren, au nord de Noyon, sans doute leur premier cantonnement), à Noyon ou Noviomagus, ceux dits Nemetacenses ou installés à Arras, et ceux domiciliés à Bayeux ou à Coutances (42, 41, 40 et 34) ; dans la même catégorie encore, ceux des Suèves et autres qui ont pu venir des terres romaines des Champs Décumates. Je reconnais du reste qu'on peut donner une autre interprétation de ces dénominations, et songer par exemple à des Lètes alamans ou autres qui, à la suite d'un séjour prolongé dans la cité de Langres, auraient pris le surnom de Lingonenses, et qu'on aurait ensuite transférés ailleurs en Première Belgique.

[54] Ceci, en ce qui concerne l'origine, est hypothétique d'après le texte du Panégyrique (V, 21). Mais les faits d'organisation sont certains.

[55] Ou par d'autres Francs. Je ne trouve que les Læti Franci de Rennes (42, 36) : mais la liste de la Notitia parait incomplète.

[56] La Notifia n'indique aucun groupe de Lètes Alamans (je sépare les deux mots dans C. Th., VII, 20, 12) ; mais il parait y en avoir eu sous Constant et Constance, et on a dû s'en débarrasser à la suite de leur attitude de révoltés.

[57] Ou les Alamans ; ces Suèves d'ailleurs peuvent avoir été en grande partie des sujets de Rome établis dans les Champs Décumates. Je trouve les Gentiles Suevi [sans le mot Læti] à Bayeux ou Coutances (42, 34), les Læti Gentiles Suevi au Mans et à Clermont (42, 35 ,et 44), les Læti Gentiles [sans Suevi] à Reims et Senlis (42, 42). — L'expression de Gentiles, qui ne s'applique qu'aux Suèves (avec ou sans Læti) et aux Sarmates et Taïfales, semble, je crois, indiquer que ces Barbares sont venus dans l'Empire moins en prisonniers libérés et ramenés qu'en fugitifs ramassés ou accueillis, et j'incline de plus en plus à croire que ce sont les deditices d'Ammien. Cf. Code Théod., XIII, 11, 10, loi de 399 : Ex multis gentibus sequentes Romanum felicitatem se ad nostrum imperiam confulerunt quibus terra Læticæ administrandæ sunt ; et voyez l'expression d'Ausone, deditione gentilium (Grat. actio, 2, 8), et l'inscription de 232 (Corpus, XIII, 6592), qui associe les Brittones, Gentiles et dediticii. — A ces Suèves, je n'hésite pas à rattacher les Læti Teutoniciani de Chartres (42, 33), descendants sans doute des Toutoni du limes (Corp. inscr., XIII, 6610), et peut-être les énigmatiques Læti Acti d'Ivoy-Carignan (Epuso, position importante sur la route de Reims à Trèves ; 42, 38) et Læti Lagenses près de Tongres (42, 43).

[58] En réalité, les uns sont établis dans des campements ou des hameaux au voisinage immédiat d'un chef-lieu de civitas, les autres, attachés à des bourgades de pagi, d'autres, dispersés dans des villages ou des écarts. — La répartition des terres entre les familles parait être faite par les autorités impériales (loi du C. Th., XIII, 11, 10, sur les terra Læticæ administrandæ, ce qui semble bien, indiquer qu'il s'agit de domaines fiscaux). — Il est probable que, dans bien des cas, ils avaient la mission militaire de protéger les grandes routes à des points importants (de même que les Gentiles ; n. précédente) : les Lètes de Condren et de Noyon gardaient les passages de l'Oise par la route de Soissons à Saint-Quentin et Cambrai et par la grande route postale de Bretagne, entre Soissons, Noyon et Amiens ; et voyez les Lètes d'Ivoy. — Il est possible que les castella du IVe siècle qu'on trouve en Gaule aient parfois servi de résidence ou de villa au préfet et par suite de lieu de ralliement aux Lètes ou autres colons, par exemple le castellum de Famars et même celui de Jublains : ce serait l'équivalent, sous le Bas Empire, du soi-disant palais du légat légionnaire dans les villes militaires du haut Empire (cf. à Xanten, Mylius, Bonner Jahrbücher, CXXVI, 1921, p. 22).

[59] Chacun des groupes que nous avons énumérés a son præfectus, dont nous ne pouvons dire s'il était pris parmi les Barbares sur place ou envoyé par l'empereur en tout cas, le titre indique que c'était l'État romain qui le choisissait. Il y a, dans la Notitia (Occ., 42), 12 préfets de ce genre, dont, par exception, un seul préposé à 2 groupes (ceux de Bayeux et Coutances). Cf.  præpositus Lœtis ; Code Théod., VII, 20, 10.

[60] Leur inscription dans la Notitia, comme prévôtés, præposituræ, à la disposition immédiate du maître de l'infanterie de l'Occident (42, 33 et s.), indique bien pouvaient être requis à tout instant ; ce que confirme la loi de 400, C. Théod., II, 20, 12.

[61] Ceux-ci, comme les Lètes, sont incorporés sous la même rubrique par la Notitia (n. précédente), et l'expression de Centiles les rapproche les uns des autres : ce sont, je crois, les deditices d'Ammien. Et il a pu y avoir dans ce cas des Barbares, Francs ou Alamans, autres que les Sarmates ; cf. C. Théod., VII, 20, 12 : Lœtus, Alamannus, Sarmata.

[62] Eutrope, IX, 25 (sous Dioclétien ; ingentes captivorum copias in Romanis finibus locaverunt) ; Anonyme de Valois, § 32. (sous Constantin) ; sans doute aussi sous Valentinien (Ammien, XXXI, 4, 13).

[63] Ammien Marcellin, XXXI, 9, 4 (sous Gratien en 377). On peut sans aucun doute accepter dès lors des groupes de Saxons officiellement installés dans le Boulonnais et la Flandre maritime (cf. litus Saxonicum à Mardyck [?], Marci, Notitia, Occ., 38, 7 ; advena barbari Paulin de Nole, Epist., 18, § 4, P. L., LXI, e. 239), et même dans le pays de Bayeux (Grannona in litore Saxonico ; Not., Occ., 37, 14) : ce sont surtout, semble-t-il, des villages de marins et de pêcheurs, peut-être avec service sur la flotte d'État. Leur installation peut dater de Valentinien, au temps des guerres du comte Théodose en Bretagne (Paneg., XII, 5).

[64] Ou livrés aux généraux romains.

[65] Voyez Notitia, Occ., 42.

[66] Devenus les Sermiers, Sermaize, Salmaise, Saumaise, Charmasse, etc., si fréquents de nos jours (Longnon, Noms de lieu, p. 132 et s.) ; autres, près de Trèves ; le bourg de Tiffauges en Vendée, probablement le centre de l'établissement des Taïfales de Vendée, et qui a donné son nom au pays (pagus Taifalicus). Sur les noms de lieux venus des Saxons, Longnon, ibid., p. 134 et s. — Je ne pense pas qu'il y ait à parler ici des Chamaves.

[67] Leur condition est nettement indiquée par l'offre des Limigantes (qui sont des espèces de Sarmates) à Constance : Onera tributariorum et nomen [la capitation plébéienne ?]... suscipere terras discretas [ce sont bien les nombreux groupes ici mentionnés]... proletarios... tirocinia (Ammien, XIX, 11, 6-7).

[68] L'organisation de cette espèce de Barbares n'est pas absolument la même que celle des Lètes et assimilés, ceux-ci le plus souvent groupés auprès d'une ville ou d'une bourgade : les Sarmates paraissent plus dispersés, en colonies bordant-les grandes routes, et groupés, comme le seraient des postes de maréchaussée, sous les ordres d'un præfectus à très vaste ressort. La Notitia (Occ., 42, 65-70 ; incomplète) indique 6 de ces ressorts : 1° le préfet des Sarmatæ et Taifali Gentiles en Poitou (Pictavis doit désigner ici le territoire), sans doute sur la route de Nantes à Poitiers ; 2° Sarmatæ Gentile, a Chora Parisios usque, route militaire de la Cure à Paris ; 3° les mêmes, inter Remos et Ambianos, sans doute sur la double route de Bretagne entre Reims et Amiens, l'une par Soissons et Noyon, l'autre par Laon et Saint-Quentin ; 4° les mêmes, per fractura Rodanensem et [Vel]launorum, routes, des Cévennes, par Roanne et le Velay ; 5° les mêmes, Lingonas (sur les routes du carrefour de Langres ?) ; 6° un préfet des mêmes, dans une région indéterminée (Au... [Auxerre ? Orléans ?]). Je ne doute pas que ce ne soit de ces colonies et prévôtés que sont sortis les corps spéciaux de Sarmates (cuneus Sarmatarum ; Occ., 40, 54) et de Taïfales (Equites Taifali ; Occ., 6, 16 et 59 ; 7, 203), d'ailleurs en garnison hors de Gaule. Les Sarmates de Sohren sont sur la grande route militaire de Mayence à Trèves. — Il a pu y avoir, à côté de ces établissements militaires, des colonies de Sarmates purement agricoles.

[69] Ceci, d'après la nature des corps militaires à ce nom de Bataves, et dans la mesure où ce nom continue à correspondre à un recrutement ethnique. — On rencontre dans la Notitia trois espèces de corps de Bataves : 1° les cohortes Batavorum, dites Prima (en Bretagne ; Occ., 40, 39) et Nona (en Rétie ; 35, 24 : il faut très certainement corriger la Nove des manuscrits) : celles-là sont les épaves des cohortes du Haut Empire, et n'avaient sans doute de batave que le nom ; 2° les Lètes Bataves ; 3° les deux corps d'infanterie d'auxilia palatina des Batavi juniores (en Gaule ; Occ., 7, 72 ; 5, 58 et 186) et des Batavi seniores (en Italie près de l'empereur ; 7, 14) et trois escadrons (vexillationes), également palatins, un de juniores et un de seniores en Gaule (Occ., 7, 169 et 167 ; 6, 47 et 51), et un auprès du prince en Orient (Or., 6, 30) : je ne pense ici, dans le texte, qu'aux cinq corps de cette dernière espèce. — Ces cinq dernières troupes sont, en 400, le démembrement du fameux corps batave, formidabilis manus, que nous trouvons autour de Julien (Ammien, XVI, 12, 45 ; XX, 1, 3 ; 4, 2) et de Valentinien (XXVII, I, 6 ; 8, 7) en Gaule, et ensuite envoyé contre les Goths (XXXI, 13, 9). Il est d'ordinaire associé à celui des Hérules (n. suiv.).

[70] La Notitia connaît seulement les Heruli seniores, auxilia palatina de fantassins en Italie (Occ., 5, 162 ; 7, 13) : l'absence de juniores et de cavaliers semble indiquer qu'on était en train de supprimer ce corps, qui a été une des forces de l'armée de Gaule. — Nous le trouvons en Gaule sous Julien (Ammien, XX, 1, 3 ; 4, 2) et sous Valentinien (Ammien, XXVII, 1, 6).

[71] En 400, les Petulantes apparaissent comme auxilia palatina, les seniores en Italie (Occ., 5, 160 ; 7, 13), les juniores dans l'Illyrie d'Orient (Or., 9, 26). Pas de cavalerie. — En Gaule sous Julien (Ammien, XX, 4, 2), l'accompagnent en Orient (XXI, 3, 2 ; XXII, 12, 6), puis reviennent en Gaule, où on les retrouve sous Gratien (XXXI, 10, 4). Associés d'ordinaire aux Celtæ (note suivante).

[72] En 400, toujours comme auxilia palatina, les Celtæ ont leurs seniores en Italie (7, 12 ; 5, 101) et leurs juniores en Afrique (5, 205 ; 7, 141). Pas de cavalerie. — En Gaule sous Julien (Ammien, XX, 4, 2), en Orient avec lui (XXI, 3, 2 ; XXII, 12, 6), de nouveau en Gaule, où on les voit sous Gratien (XXXI, 10, 4). Leur rapprochement avec les Pétulants (voir n. précédente) est constant.

[73] À ma connaissance, ces noms n'ont laissé aucune trace en toponymie.

[74] Tous quatre, on l'a vu, servant comme auxilia, c'est-à-dire velites ou fantassins armés à la légère (cf. Végèce, II, 2, et Ammien, XVI, 11, 9). Mais la présence de cavaliers montre qu'ils ont pu être organisés d'abord, à la façon des légions, en unité divisionnaire complète. — Leur titre, à tous quatre, de palatina, c'est-à-dire d'attachés au palais, présents au voisinage du prince, montre qu'on les considérait toujours, vers 400, comme des troupes d'élite et de réserve.

[75] On mettra à peine au-dessous, comme auxilia palatina de 400, comme troupes célèbres de Gaule au cours du IVe siècle, les corps suivants, formés en grande partie, eux aussi, d'éléments barbares (je les numérote à la suite des 4 précédents). — 5° Les Cornuti, en Gaule sous Constance et Julien (Ammien, XV, 5, 30 ; XVI, 12, 3), envoyés en Orient contre les Goths (XXXI, 8, 9) : l'infanterie est hors de Gaule en 400, la cavalerie semble partagée entre la Gaule et l'Italie (Occ., 7, 168 et 162). — 6° Les Bracchiati (d'ordinaire associés aux précédents), représentés peut-être en Gaule vers 400 par une vexillatio de cavaliers juniores (Occ., 7, 170 ?) et par les fantassins juniores (7, 66), mais encore seulement en partie (cf. Or., 6, 20 ; 5, 50) : le corps paraît en voie de morcellement et de déplacement. Ces deux troupes sont les plus célèbres de cette série (usu præliorum diuturno firmati ; XVI, 12, 43) et, comme les Bataves, avec cavalerie. — 7° Les Reges de la bataille de Strasbourg, formant avec les Bataves formidabilis manus (Ammien, XVI, 12, 45). Décomposés plus tard en legio et en corps auxiliaire : car ce sont les mêmes que les regii de la Notitia (hors de Gaule ; Occ., 7, 32 ; Or., 6, 49). J'ai peine à croire que ce corps, comme les deux précédents, n'ait pas renfermé à l'origine beaucoup d'éléments barbares. — D'origine barbare également à leur début, mais ouverts aux Gallo-Romains, sont les auxilia palatina qui suivent, et que nous trouvons en Gaule vers 400. — 8° Mattiaci (2 groupes en Gaule, juniores et juniores Gallicani ; Occ., 7, 64 et 77) : ceux-ci, organisés sans doute en principe par Julien ou Valentinien dans le pays de Wiesbaden. Le corps est en voie de décomposition. — 9° Les Ascarii, en Gaule sous Valentinien, et dont on n'y retrouve plus qu'un tronçon en 400 (les Ascarii Honoriani seniores, 7, 79). — 10° Les Atecotti, d'origine sans doute britannique, représentés en 400 par les deux troupes de juniores Gallicani et seniores Honoriani (7, 78 et 74). C'est encore un corps qui se disloque. — 11°, 12° et 13° Troupes d'auxitia palatina à noms germaniques et connues seulement par la Notitia : Bructeri, Ampsivarii (7, 70 et 69), Tubantes (hors de Gaule ; Oc., 5, 176 ; 7, 123 ; Or., 6, 51 ; originaires de la Twenthe ; cf. Dessau, 4760-1), formées à l'origine d'immigrés de Westphalie ou de Frise : à mettre peut-être parmi les fédérés et non ici parmi les deditices. — J'ajoute ici les corps suivants, pour être complet sur ces corps d'auxilia palatina qui, avant 400, formaient véritablement, avec les légions, l'élite des troupes de l'Empire, et dont la majeure partie venaient d'origines gauloises ou germaniques ; tous peuvent, en bien des cas, dériver ou être imités des numeri des temps antonins, plutôt que des ailes et cohortes de l'époque d'Auguste ; 14° les Leones (seniores) ; 15° les Sagittarii Nervii (Gallicani), tronçon gaulois d'un corps nervien qui doit être différent des anciennes cohortes Nerviorum ; 16° les Britones (ancien corps ramené des Champs Décumates ; Corp., XIII, II, p. 264) ; 17° les Jovii (juniores Gallicani), qui apparaissent peut-être sur le Rhin à la fin du siècle ; 18° les Salii (seniores en Gaule vers 400), dont nous allons parler ; 19° et 20° les Gratianenses et Valentinianenses, qui peuvent avoir porté d'autres noms (Occ., 7, § 65, 75, 73, 76, 67, 68, 71). Tous ces derniers corps (n° 7-20) paraissent n'avoir jamais eu de cavalerie. — Je n'indique que ceux qui ont pu intéresser la Gaule. — La Notitia, vers 400, indique exactement 16 éléments de ces auxilia palatina en garnison en Gaule, comme armée de réserve auxiliaire, sous les ordres immédiats du maître de la milice équestre de Gaule (Occ., 7, 63-79).

[76] Les Francs Saliens doivent correspondre, en tout ou plutôt en partie, à l'ancienne civitas de Nimègue et, en outre, au pagus de Toxandrie, détaché sans doute de celle de Tongres.

[77] Codifiées dans la première rédaction de la lex Salica, je crois vers 400 : c'est le temps que me parait indiquer le prologue.

[78] Les regales des textes latins (par exemple C. Théod., VII, 4, 9). Ou peut-être, de Constant à environ 400, des préfets. Les uns et les autres ont pu, durant cette époque, être choisis par l'empereur (ibid., et ici, n. suivante). — Les duces dont parle Grégoire (II, 9, p. 72, Arndt), ne semblent pas pouvoir être rapportés aux Saliens.

[79] Il est bien difficile qu'il n'y ait pas eu des rois chez les Saliens, comme chez les autres Francs, et je ne pense pas que Rome, qui a accepté des rois francs dans son armée, ait interdit ce titre chez les Saliens. C'est fort possible cependant, vu le caractère de sujétion où ils se trouvaient (depuis Constant : voyez le texte si net de Libanius), et il se peut qu'il faille entendre l'établissement de reges criniti chez les Saliens (Grégoire, Hist., II, 9) comme une chose récente, conséquence de l'affaiblissement des volontés romaines. Il s'agirait alors d'une royauté unique et héréditaire, et cela dut être aux abords de l'an 400, peut-être d'abord au profit du fils du général de Gratien Ricomer. — On est convenu également de rejeter comme fable la tradition des Gesta Francorum (Liber historia Francorum, § 4, p. 244, Krusch), du roi Faramandus, père de Clodion. J'avoue ne pas être convaincu, étant donné que les Gesta, comme Grégoire, ont pu avoir sur les Francs Saliens toute une littérature (multi, dit Grégoire, p. 77) aujourd'hui disparue, par exemple le livre historique de Sulpicius Alexander (Grégoire, Hist., II, 9 ; sans parler des énigmatiques consularia), et cette littérature a dû se constituer au ive siècle, au temps où les Bauto, Arbogast, Ricomer, Sylvain ou Bonitus se considéraient les champions de l'Empire. Qu'il y ait des traditions contradictoires sur les noms et l'origine des rois criniti, cela n'empêche pas de croire à des évolutions qui auront établi ou rétabli la royauté chez les Saliens au début du Ve siècle. — Un roi (ou regatis ?) lors de l'affaire de 358 ?

[80] Pacem Romani imperii cultu juvarent et arma ditecta, dit, je crois des Saliens, le Panégyriste de Constantin (VII, 6) ; voyez les corps de Saliens formés par Julien.

[81] A la manière, je crois, des anciens Bataves, dont ils occupaient les terres (Tacite, Germ., 29) : exempti oneribus et collationibus bellis... reservantur. En obtenant la terre, les Saliens en ont continué le régime. Je répète ici que la distinction entre les Saliens et les autres Francs est capitale, et que sans elle il serait impossible de comprendre la marche des événements au siècle suivant : remarquez que Sidoine (Carm., 7, 236-7) distingue nettement Salius et Francus.

[82] La Notitia n'en mentionne que trois, tous d'ailleurs auxilia palatina : les Salii au voisinage de l'empereur en Orient (5, 10 et 51), et, en Occident, les Salii juniores Gallicani en Espagne (7, 129, et sans doute 5, 62 et 210), et les Salii seniores en Gaule (5, 29 et 177 ; 7, 67). Cela ne fait pas 3000 hommes (remarquez l'état de dislocation vers 400). Mais il ne faut pas oublier que la Notitia, dans son état actuel, ne possède pas le chapitre de la Seconde Germanie, et qu'il devait y avoir là des Saliens à titre de soldats territoriaux ; et en outre, que bien des Saliens ont pu servir comme Francs dans les corps qui vont suivre. On peut donc évaluer, mais au maximum, à 6000 le nombre de Saliens en armes, et sans doute faut-il aller bien au-dessous ; Grégoire indique plus de 3000 soldats francs baptisés avec Clovis (Hist., II, 31).

[83] Il y a, dit le Panégyriste de Constantin (IX, 24), deux soldats supérieurs, le Romain par sa discipline et sa religion du serment, le Franc par son mépris de la mort. Libanius fera constamment un éloge singulier du soldat franc ; Orat., § 127 et s., p. 273 et s., F. ; id., XVIII, § 70, p. 267, F. (chacun d'eux vaut beaucoup d'hommes, ils sont comme des tours). Voyez l'épitaphe d'un guerrier franc sur les bords du Danube (Dessau, 2814) : Francus ego cives, Romanus miles, in armis egregia virtute tuli bello mea dextera semper.

[84] J'emploie ce mot d'une manière vague et générale, et non pas pour traduire l'expression de fœderati, employée au Ve siècle à propos des armées de Barbares au service de Rome. Le premier exemple que nous en trouvions est dans la loi de 405, qui les oppose aux dediticii (C. Th., VII, 13, 16 ; cf. Godefroy, II, p. 391). Ce terme de fœderati, qui convient surtout aux Goths, ne se rencontre pas dans la Notitia, où précisément les Goths ne sont pas mentionnés : car il s'applique à des troupes en quelque sorte en marge de l'armée romaine, seule inscrite dans la Notitia. Les troupes dont nous allons parler, au contraire, font partie de cette armée ; elles portent d'ordinaire les titres traditionnels ou cohortes, et quelques-unes, sans aucun doute, organisées avant le temps de Constance, ont pu perdre le caractère ethnique indiqué pax leur nom. — Ces auxiliaires sont sans doute les barbari voluntarii milites dont parle Ammien (XX, 4, 4 ; XIV, 10, 14), ceux dont Ausone dit (Precatio, 29-30, écrit en 378) : Francia mixta Suebis certat ad obsequium Latinis ut milita armis.

[85] Quelques-uns, sans aucun doute, tout en étant otages.

[86] Ceci est hypothétique.

[87] Cela va de soi.

[88] Il s'agit ici des cinq scholæ militaires du magister officiorum (Not., Occ., 9), trois scholæ (I, II et III) Scutariorum [Gentiles Scutarii chez Ammien, XX, 2, 5], une Armaturarum (seniorum), une Gentilium (seniorum) : encore que cette dernière, de par son nom, semble réservée à des Barbares, on les trouve surabondamment dans les autres, et même en qualité d'officiers. — Ce sont des scholares, et sans, doute un par schola, que les six soldats qui sont figurés autour de Valentinien [plutôt que II ?] dans le disque ou missorium trouvé près de Genève (Deonna, Indicateur d'Antiquités suisses, n. s., XXII, 1920, p. 19) les emblèmes de leurs boucliers sont ceux que les vignettes de la Notitia (Occ., 9) attribuent aux scholæ du palais. Ces soldats, quoique sub dispositione du magister officiorum, combattaient sous les ordres des chefs d'armée ; ils pouvaient servir à cheval.

[89] Il a ses populares parmi les Alamans du sud (Ammien, XIV, 10, 8-9).

[90] Tribunus stabuli en 354 (XIV, 10, 9), tribunus Scutariorum, puis nommé magister peditura en 360, immodico saltu (XX, 2, 5).

[91] Je ne peux cependant pas appeler ces soldats des fœderati, dans le sens consacré pour le Bas Empire, quoique originellement enrôlés en vertu d'une alliance collective ou d'un contrat personnel : car ils sont classés parmi les troupes romaines dans la Notitia, ils y sont visiblement assimilés à ces troupes, et ils dépendent des magistri de la milice, et non pas, comme sous Théodose les fédérés d'Orient, Goths ou autres, d'un chef spécial réservé aux troupes barbares (Zosime, IV, 57 ; V, 5, 5) : c'est cette constitution d'une armée barbare avec son chef à elle, conséquence de l'arrivée des Goths, qui est une des grandes fautes de Théodose et de ses successeurs.

[92] Il y a en 400 une cohors XI Chamavorum en garnison en Thébaïde d'Égypte (Or., 31, 61), et ce chiffre indique d'abord une copieuse organisation, à la romaine, de ces Francs Chamaves, peut-être sous Julien ou à la rigueur sous Maximien ou Constant, mais ensuite la dislocation et dissémination de ces troupes. — Troupes de frontière au nom générique de Francs une ala I Francorum en Thébaïde (Or., 31, 51), et une autre de même nom et de même numéro [par erreur ?] en Phénicie (Or., 32, 35) ; une ala VIII Flavia Francorum en Mésopotamie (Or., 36, 33), une cohors VII Francorum, en Thébaïde (31, 67). Ce sont les vestiges d'une série constituée de Constance Chlore à Julien et reléguée peu à peu en Orient. — Autres Francs ou Germains parmi les auxilia palatina : à mettre peut-être parmi les auxiliaires dont je parle ici.

[93] Bucinobantes, troupe d'auxilia palatina en Orient (Or., 6, 58) : organisée par Julien ou Valentinien. — Autres troupes que je crois formées d'Alamans : les Rætobarii, de même catégorie et de même résidence (Or., 5, 58), les Falchovarii, mêmes remarques (Or., 6, 59), les Brisigavi, ou Alamans du Brisgau (Occ., 5, 52-53, 201-2), les plus nombreux de ce groupe, à cause de l'importance et du voisinage du Brisgau, organisés sans doute par les traités avec Gundomad et Vadomar sous Constance et Julien ; d'autres en Bretagne, sous Valentinien. Sans parler des Mattiaci, qui paraissent romanises de bonne heure. Au nom générique d'Alamans, les troupes de frontière ala I Alamannorum en Phénicie (Or., 32, 36), peut-être organisée à la suite du duc Vadomar, cohors V Pacata Alamannorum en Phénicie (32, 41), cohors II Alamannorum en Thébaïde (31, 63). Mémos remarques pour ces troupes que pour les Francs. — Ajoutez : ala I Saxonum en Phénicie (Or., 32, 37), peut-être dernier débris des Saxons de Magnence (Julien, Orat., I, p. 34 d, Sp.), et le numerus des Angtevarii, auxilia palatina en Orient (5, 59). — Les Teruingi, auxilia palatina (Or., 6, 61), doivent être un ancien corps formé antérieurement à leur arrivée dans l'Empire (Ammien, XXXI, 5) et sans doute au temps où los Goths, dont ils faisaient partie, fournissaient librement tant d'auxiliaires à l'Empire. — Enfin, il est possible que Gratien ait appelé en Gaule des Comites d'ordinaire cavaliers palatins (Not., Occ., 6, 50 ; 7, 163). — Tout cela fait partie d'une organisation antérieure à Théodose, commencée par Maximien et achevée sans doute par Julien et Valentinien, et maintenant mutilée, et dont les débris sont tous sans exception transportés loin de Gaule et presque tous en Orient.

[94] Le Code Théodosien remarque même que, contrairement aux usages romains, les esclaves des Barbares, fédérés ou déditices, viennent combattre avec leurs maîtres, una cum dominis bella constat tractare (loi de 406, VII, 13, 16).

[95] Voyez le cas de Charietto, chef franc et comte à la frontière de Germanie. — Si vraiment les troupes d'Alamans installées en Phénicie y ont été amenées par leur compatriote le roi Vadomar, lorsqu'il y vint comme duc, ce serait le premier exemple d'un roi barbare commandant à la fois à une province au nom de Rome et aux troupes en garnison à titre indigène. Mais elles sont en Orient, fort loin de leur pays d'origine, et Vadomar ne parait pas avoir eu de successeur alaman. — Un autre exemple typique fourni par Ammien sous Valentinien (XXIX, 4, 7) : Fraomarius, roi des Bucinobantes et allié de Rome, chassé de son pays, est envoyé en Bretagne pour commander, en qualité de tribunus numero Alamannorum, multudine viribusque ea tempestate florenti, et il ajoute : Bitheridum et Hortarium nationis ejusdem primates (Alamans) item regere milites jussit (Valentinien). — Le mot Ammien, qui écrit une dizaine d'années plus tard, indique bien la rapide déchéance de ces corps barbares d'Alamans (à la suite des affaires de 378 ?). Et au temps de la Notitia, t la suite de leur séjour en Orient, ces troupes ont dû perdre rapidement leurs éléments nationaux. Mais inversement, et en Orient d'abord, les éléments militaires barbares vont se constituer à nouveau en troupes dites fédérées.

[96] Cela n'apparaîtra en Gaule qu'après sa mort.

[97] Au temps de Julien ; Ammien, XX, 4, 4 : Relictis laribus transrhenanis sub hoc venerant pacto, ne ducerentur ad partes umquam transalpinas.

[98] Voyez leur serment.

[99] Ammien, XXIII, 5, 25 ; Zosime, III, 10, 4. Sans parler des corps envoyés par Julien à Constance.

[100] Valentinien, en 373, fait venir sur le Danube Gallicani militis validum robur (Ammien, XXIX, 6, 17).

[101] Ammien, XX, 1, 3 ; XXVII, 8, 7.

[102] Les Jovii et les Victores (legiones, dit Ammien, XXV, 6, 3 ; auxilia palatina, dit la Notitia), qui étaient en Orient en 363 et 365 (XXV, 6, 3 ; XXVI, 7, 13), sont en Brétagne en 368 (XXVII, 8, 6). On retrouve vers 400 une partie des Jovii en Gaule (Not., Occ., 7, 76 ; avec le surnom de Gallicani ; peut-être aussi en 388).

[103] Not., Occ., 37, 22 : Præfectus militum Dalmatarum Abrincatis ; ce sont les Abrincateni des répertoires (7, 92 ; 5, 266) : ils forment une legio pseudocornitatensis ou de garnison à poste fixe.

[104] Not., Occ., 38, 7 : Equites Dalmatæ Marcis [Mardyck ?] à rapprocher peut-être soit de la vexillatio de campagne des equites Dalmatæ Passerentiaci [ville de Dalmatie ?? Parentium, en Istrie ??] (6, 57 ; 7, 175), soit de la troupe similaire des equites Octavo-Dalmatæ (6, 56 ; 7, 174), mentionnées toutes deux en Gaule par les répertoires généraux de la Notitia [il est d'ailleurs également possible qu'il faille réunir en une seule ces deux dernières troupes, qui ont pu être décomposées à tort par certains copistes de la Notitia].

[105] Præfectus militum Maurorum Benetotum Benetis, Vannes (Not., Occ., 37, 16) ; præfectus militum Maurorum Osismiacorum Osisrnis, cité des Osismi ou de Carhaix (37, 17) ; on ne retrouve que les Mauri, Osismiaci, comme légion de garnison, dans les répertoires (7, 94 ; 5, 268) : à moins que les Maures de Vannes ne soient les equites Mauri Alites, escadron de campagne de Gaule dans la Notitia (7, 177 ; 6, 58).

[106] Equitum Dalmatarum, ingens virtus ; Hist. Aug., Cl., 11, 8. — Étant donne que Maures et Dalmates de garnison (deux notes précédentes) sont présentés surtout comme légions, j'ai peine à croire qu'il n'y eût pas parmi eux des fantassins : mais ils devaient être montés, vu que les textes nous les montrent surtout en cavaliers.

[107] Agmen infernum, dit le Panégyrique des Maures de Maxime (XII, 45). Ils étaient en Gaule dès le temps de Gratien.

[108] Zosime, II, 42, 7 : en 350 ; il ne s'agit ici que de recrues destinées à compléter les corps gaulois. En 368, contre les Alamans, Valentinien fait venir le comte Sebastianus cum Illyriis et Italicis numeris (Ammien, XXVII, 10, 6).

[109] Il y eut en 360 duo Mœsiaci numeri en Gaule, qu'on envoya eu Bretagne (Ammien, XX, I, 3 : ce sont auxilia velitaria) ; il faut donc les rapprocher des auxiliares Mœsiaci (Not., Or., 40, 24-5) plutôt que de la fameuse legio Mœsiaca (Ammien, XXIX, 6,13 ; Not., Occ., 7, 8). Corp., XIII, 595, civis Mensiacus, soldat venu mourir à Bordeaux.

[110] Præfectus militum Acincensium [d'Aquincum en Pannonie], sans doute legio pseudocomitatensis ou de garnison, à Andernach (Occ., 41, 25 ; 7, 101). Mais surtout l'Illyrie a envoyé la seule des légions palatines (les plus considérées de toutes) que nous trouvions en Gaule, celle des Lanciarii Sabarienses [venue de Sabaria en Pannonie] (7, 82 ; 5, 152). Je ne pense pas qu'il y ait un lien entre l'arrivée en Gaule de cette troupe et celle de saint Martin, dont le père a pu y servir.

[111] Y compris les Dalmates.

[112] Pannonia virtute gentium, domina ; Paneg., II, 2.

[113] En particulier, comme de juste, de Gaule en Italie. Par exemple, les deux légions palatines que nous trouvons en Gaule sous Valentinien, les Tungrecani et les Divitenses [l'ancienne XXIIe ?], ont dû être appelées par Théodose en Italie (Not., Occ., 5, 147-148), peut-être dédoublées par lui (cf. Divitenses Gallicani). — De même, les légions des Joviani et des Herculiani, peut-être alors les plus fameuses de l'Empire, qui étaient en Gaule en 350 (Zosime, II, 42, 3), les Joviani en 368, et qui y étaient peut-être encore avant l'affaire d'Arbogast, ont été installées en Italie (Occ., 5, 145-146).

[114] Ou en Phénicie ou Mésopotamie.

[115] Cf. Ammien, XX, 4, 10 et 13 : Ad orbis terraram extrema ut noxii pellimur et damnati, etc.

[116] Caritates nostræ Alamannis denuo servient ; Ammien, XX, 4, 10.

[117] Dès les invasions du Ve siècle.

[118] Maspero a fait de semblables remarques pour l'Égypte byzantine, p. 48 et s. ; il prononce même le mot, p. 58, de gardes nationales. — De là l'épithète ou même la dénomination locale qu'on finit par donner à la troupe, par exemple Abrincateni pour la garnison d'Avranches. De même, les épithètes régionales de cohors Sapaudica, Novempopulana, Armoricana. — Je ne crois pas qu'il faille voir un souvenir de garnison maure (je crois plutôt à des colonies agricoles) dans quelques-uns des noms de localités françaises dérivés de Maurelania (Mortagne, etc. ; cf. Longnon, Noms de lieu, p. 135-136) : car ces localités ne correspondent pas aux détachements indiqués dans la Notitia.

[119] Voyez (Corp. inscr., XIII, 3494) à Amiens l'épitaphe d'un cavalier de ce temps, enterré par les soins de la scola provincialium, ce qui me paraît signifier la confrérie ou le groupement de ses camarades originaires de la même province (pour comprovinciales).

[120] C'est peut-être ce qui expliquera l'attitude singulière et indépendante de l'Armorique et de son armée au siècle suivant (Zosime, VI, 5, 5 ; Procope, De bello Gothico, I, 12).

[121] L'armée de frontière se compose de deux groupes (cf. C. Th., VII, 1, 18). — 1° Des territoriaux ou mène des vétérans disséminés en temps ordinaire comme cultivateurs sur le territoire des castra (territoria ou loca castellorum ; C. Th., VII, 15, 2 : soit ceux que mentionne la Notitia, soit des stationes ou burgi de moindre importance), comme Alzei ou autres restitués par Valentinien, lesquels castra leur servaient sans nul doute de lieux de rassemblement en cas d'alerte ce sont les milites limitanei, ripenses (ou riparienses) ou castriciani du Code Théodosien (VII, 1, 18 ; VII, 15). La Notitia, naturellement, n'en parle pas, et je ne sais s'ils ont eu en Gaule quelque importance, à moins de les voir pour partie dans les colons barbares dont nous avons parlé. — 2° Les legiones pseudocomitatenses et numeri assimilés, qui forment une armée active à poste fixe, et dont la Notitia (cf. Occ., 5, 256 et s., 7, 90 et s.) nous donne les noms et les lieux de garnison. Comme la Notitia ne mentionne pas, à côté de ces légions, des vexillationes de même titre (pseudocomitatenses), il est très probable que ces légions renfermaient encore des cavaliers, ce que rendait indispensable leur service à la frontière. Au surplus, Maures et Dalmates, qui appartiennent à ce groupe, ne peuvent être que des cavaliers.

[122] Cf. Zosime, IV, 27.

[123] Dux provinciæ Sequanici ; Not., Occ., 36.

[124] Je dis centre, car il est possible que le corps mentionné à Olten n'y ait que son chef et ses bureaux, et que des détachements en soient dispersés dans d'autres castra que les ruines ou les textes nous font connaître en Suisse, Haute Alsace ou Franche-Comté Soleure, Winterthur, Robur ou Bâle, Horbourg, Besançon, etc. Mais c'est bien peu de monde pour suffire à ces forteresses. — Il est vrai qu'on peut songer aux territoriaux.

[125] Milites Latavienses Olitione [var. Olicione, Olinone] : c'est une très ancienne cohorte du Rhin. Le lieu d'Olten est d'ailleurs bien choisi : c'est l'héritier de Windisch, au carrefour des routes de Lyon à Augst et de Lyon vers le passage du Rhin à Zurzach, si important au IVe siècle. Voyez F. Stæhelin, Rev. des Ét, anc., 1923, p. 57 et s. La VIIIe légion était encore dans ces parages sous Valentinien. — Je placerai à la même époque, lors de l'organisation militaire de ce pays, le campement (pedatura) des Tungrecani seniores [plus tard en Italie ; Not., Occ., 7, 6] à Laupersdorf dans le Jura helvétique (Corp., XIII, 5190) ; F. Stæhelin (Rev. des Ét. anc., 1923, p. 58) met l'inscription de la pedatara des Tangrecani en rapport avec le col de l'Oberer Hauentein, par où passait la route d'Olten à Bâle et au Rhin.

[126] Le titre de comte étant supérieur à celui de duc, et le chef militaire de Strasbourg étant le seul sur le Rhin à porter ce titre, alors qu'il n'y a que des ducs en Séquanie, à Mayence et à Cologne, et que cependant c'est le comte de Strasbourg qui parait posséder le moins de troupes, on peut supposer que ce titre éminent est la survivance d'une époque antérieure.

[127] Comes Argentoratensis, avec sub dispositione... tractus Argentoratensis (Occ., 27) : remarquez cette expression de tractus, qui signifie un ressort militaire indépendant des provinces ; celui-ci se ramène sans doute maintenant à la civitas, mais il a dû être primitivement plus étendu. Point de troupes signalées ni à Strasbourg, ni dans les forteresses de Saverne et de Sarrebourg, et pas davantage dans les munimenta de Tribunci et Concordia. Peut-être faut-il faire intervenir ici les limitanei.

[128] On aura beau alléguer ici les soldats territoriaux, les invasions du début du siècle suivant montreront surabondamment combien cette frontière du Rhin était mal protégée (cf. Salvien, De g. D., VII, 12, 50, où il faut maintenir la tradition des manuscrits Germaniam Primam).

[129] Dux Mogontiacensis ; Not., Occ., 41. — Y avait-il, en arrière, un dux Belgicæ Primæ ? C'est possible, si on le voit dans le dux qui se trouve à Trèves au temps de Constance Chlore (Corp., XIII, 3672). Mais la Notitia ne le mentionne pas.

[130] Chaque troupe sous un præfectus. — 1° A Seltz, Saletio, les milites Pacenses : ce doit être, en tout ou partie, une ancienne cohors Flavia Pacis. 2° A. Rheinzabern, Tabernæ, les milites Menapii, sans cloute différents de la legio comitatensis de ce nom, et vestige d'une ancienne cohorte de Ménapes (Corp. incr., XIII, I, n° 3033 ; II, p. 164 et 302). — 3° A Vicus Julius (Germersheim ?), les milites Anderetiani, un des corps les plus mystérieux de l'Occident (c'est une legio pseudocomitatensis, 7, 100), sans doute venu de la localité de Bretagne Anderidos. — 4° A Spire, Nemetes, les milites Vindices, sans doute ancienne cohorte, plutôt que légion, à l'épithète de Vindex. — 5° A Altripp, Alta Ripa, les milites Martenses, ancienne cohorte surnommée Martis ou Martia, distincte ou démembrée de celle d'Armorique. — 6° A Worms, Vangiones, les milites Secundæ Flaviæ, distincts ou démembrés de celle de l'Afrique (7, 147 ; 5, 250) ; il y eut là aussi un numerus Catafractariorum (Corp., XIII, 6238). — 7° A Mayence, les milites Armigeri, distincts ou détachés de la legio comitatensis de Gaule. — 8° A Bingen, Bingium, les milites Bingenses, dont l'appellation spécifique a pu être Defensores juniores (cf. 7, 98), sans doute legio pseuclocornitatensis. — 9° A Boppard, Baudobriga, les milites Balistarii (cf. 7, 97), sans doute legio pseudocomitatensis. 10° A Coblentz, Confluentes, les milites Defensores (seniores ; cf. 7, 93 ; 5, 267), legio pseudocomitatensis. — 11° A Andernach, Antunnacum, la legio pseudocomitatensis [?] des Acincenses.

[131] Évidemment, on a voulu couvrir de ce côté les routes de Trèves.

[132] Il y a évidemment une lacune dans la Notitia (Occ., [ch. 39], p. 208, Seeck ; p. 110, 844 et s., Bœcking), soit due au hasard, soit parce qu'on aura voulu systématiquement supprimer dans le manuscrit originel ce qui concerne les voisinages francs car il est vraiment remarquable qu'il nous manque, dans cet énorme répertoire, la partie la plus intéressante pour les origines mérovingiennes. Notez de même que de moindres lacunes constatées dans ce document semblent également correspondre à des corps militaires de la Germanie romaine (au chap. Occ., 42, p. 219, Seeck ; p. 122, Bœcking).

[133] Encore faut-il supposer aux chap. Occ., 1, 47, et 5, 141, qu'on a écrit Germanæ Primæ [c'est celle de Mayence] pour Secundæ. — Bœcking (Occi., p. 845) a supposé qu'il n'y avait pas de duc à Cologne, parce que la seconde Germanie était sous l'autorité directe du maitre de la milice. C'est tout à fait possible, mais la Notitia eût pu indiquer les lieux de garnison et les troupes de cette province.

[134] Ajoutez les Lètes du pays de Tongres. — On peut cependant supposer, vu la place occupée par ces corps dans le répertoire des troupes de Gaule (Not., Occ., 7, 102-110), que la Germanie Inférieure ou Seconde avait renfermé les neuf formations suivantes, que l'on peut toutes regarder comme des legiones pseudocomitatenses : 1° les Tricensimani, vestige certain de la Legio XXXe, à Xanten ; 2° les Septimani juniores, portion d'une ancienne VIIe (legio), peut-être celle d'Espagne ; 3° les Cornacenses, dont on a cru trouver le nom dans une brique de Rheinzabern (Corp., XIII, II, p. 164), mais où l'on peut également voir une légion campée à Tornacum, Tournai ; 4° les Musmagenses, pour lesquels on doit penser à une garnison originellement à Mosomagus, Mouzon, lieu stratégique capital entre Trèves et Reims, ou encore à une garnison de Maëstricht, qui a pu aussi s'appeler Mosomagus, marché de Meuse ; 5° les Romanenses, garnison de quelque castrum Romanum ou peut-être ancienne cohors civium Romanorum ; 6° les Ursarienses [plutôt que la tradition manuscrite Cursarienses ?] juniores, l'autre portion étant à Rouen ; 7° les Insidiatores ; 8° les énigmatiques Abuici ; 9° les Exploratores ces trois sont portions de troupes qu'on retrouve en Bretagne et sur le Danube. — De toutes manières, ce sont les troupes de garnison de Germanie Seconde ou de Belgique Première, et, si le répertoire général des troupes de l'Occident les omet presque toutes (six sur neuf, et même la XXXe legio ; 5, 272-274), c'est peut-être parce qu'on était en train de les effacer des rôles et que les événements militaires de la frontière du Rhin inférieur les avaient compromises ou supprimées.

[135] Sans préjuger sur ceux-ci ; cf. Riese dans Germania, III, 1919, p. 38 et s.

[136] L'épigraphie de Cologne est fort pauvre pour le Bas Empire je ne trouve que trois soldats ou gradés des numeri (ou scholæ) Armaturatum, Gentilium et Promotorum [ceux-ci, cavaliers que la Notitia ne connaît pas en Gaule] ; Corp., XIII, 8330-2.

[137] Au maximum 21.000 hommes pour ces 21 corps, et encore cela me parait à peu près impossible. Et je ne peux pas voir une garantie militaire suffisante chez les territoriaux. Il y avait eu sur le Rhin près de 100.000 hommes avant Trajan, au moins 50.000 après.

[138] Je parle maintenant des troupes de campagne, chargées d'accompagner le chef de l'armée (comitatus, qui signifie en principe le quartier général ou la cour de l'empereur), lesquelles troupes forment deux groupes, les legiones comitatenses, uniquement d'infanterie, et les troupes montées ou vexillationes comitatenses. — La Gaule possède vers 400 les 9 légions de campagne (7, 80-89 ; 5, 239-247) : 1° Armigeri Defensores seniores ; 2° les Lanciarii Honoriani Gallicani ; 3° les Menapii seniores ; 4° les Secundani Britones, sans doute les seniores de la IIe Augusta, dont il reste les juniores en Bretagne (Occ., 7, 156 ; 28, 19) ; 5° les Ursarienses, différents, je crois, des Ursarienses à garnison fixe ; 6° les Honoriani Felices Gallicani, peut-être partie principale d'un corps dont les tronçons se trouvent en Orient (Or., 5, 62 ; 7, 37) ; 7° les Præsidienses ; 8° les Geminiacenses ; 9° les Cortoriacenses : ces trois derniers noms ne doivent être que ceux des localités de garnison, Courtrai (Cortoriacus), Geminiacus (vers Gosselies sur la grande route de Bavai à Tongres, vers la frontière des deux cités), Præsidium (sans doute quelque burgus de route dans la même région). — En outre, les escadrons de campagne, vexillationes comitatenses (Occ., 7, 171-178 ; 6, 54 et s.) : 1° et 2° equites Honoriani seniores et juniores : ces deux corps semblent créés par Honorius avec des cavaliers Taïfales (cf. Occ., 6, 16 et 59) ; 3° Annigeri seniores, détachés peut-être de la légion plus haut nommée ; 4° et 5° les equites Octavo-Dalmatæ et Dalmatæ Passerentiacenses (sous réserves) ; 6° equites Primi Gallicani (sans doute l'ancienne ala I Gallorum) ; 7° Mauri Alites (sous réserves) ; 8° Constantiaci Feroces, surnom, je crois, d'une ala ancienne de cavaliers barbares.

[139] Ursarienses (cf. note précédente) : Corp., XIII, 3492 ; autres : 3494, 3495 (il s'agit d'un cavalier barbare, ayant son esclave près de lui) ; pendant un temps, un numerus Catafractariorum (XIII, 3493), transféré plus tard en Orient. Amiens est évidemment un lieu très important de garnison à cause de sa manufacture d'armes et du voisinage du passage de Boulogne.

[140] Lieu de concentration militaire.

[141] Un numerus ou une vexillatio, de Dalmates ; Corp., XIII, 3457-8.

[142] Un veteranus de Menapis (Corpus, XIII, 5033) ; un exarcus, qui parait être un brigadier de cavalerie (Dessau, 9207).

[143] Ammien, XVI, 2, 5 (en 356, cataphractarii et ballistarii ; organisés sans doute là par Constance) ; manufactures d'armes, en 350, les Joviani et Herculiani à la suite de Constant ; autres dès Constance Chlore.

[144] En 364-5, les Tungrecani et Divitenses (Ammien, XXVII, 1, 1). Chalon devait du reste à sa situation d'avoir reçu une garnison dès les premiers temps de l'Empire. Il est fort possible qu'il y ait eu à Bourges et à Albi, au moins au moment de leur organisation [sous Constance II ?] des corps de cataphractaires.

[145] Cf. Zosime, IV, 40, 2 (en Orient). — Sur ces répartitions des troupes en quartiers d'hiver, cf. Ammien, XVI, 4, 1-3 (per municipia distributos... in stationibus) ; XX, 4, 9 (stationes in quibus hiemabant).

[146] Je parle des opérations ordinaires : car ils demeurent à la disposition, non du maître de la cavalerie des Gaules, mais du maitre général.

[147] Y compris palatins et garnisons maritimes, dont on va parler.

[148] J'ai peine à évaluer à mille hommes l'effectif d'aucun de ces corps (Mommsen, Ges. Schr., VI, p. 260 et s.), et je doute que beaucoup aient dépassé la moitié (plus près de 300 que de 500 dans l'Égypte byzantine ; J. Maspero, p. 69, 115 et s.) ; et nous avons à peine cent formations (n. suivante). — Nous arriverons à un chiffre similaire par une autre voie. L'armée au temps de Dioclétien fut fixée à un effectif de 435.276 hommes (389.704 pour l'armée de terre et 45.562 pour la flotte ; Lydus, De mensibus, I, 27, p. 13, Wünsch.), et il n'est pas admissible que le chiffre a été sensiblement changé en Occident au siècle suivant. Or, l'armée de Gaule constituait au plus un sixième de celle de l'Empire (d'après les nombres de corps de la Notitia) cela ramène à moins de 75.000.

[149] Relevés pour 400 d'après la Notitia, en admettant qu'elle soit complète. I. Légion palatine : 1. II. Auxiliaires palatins : 16. III. Corps de cavalerie auxiliaire palatine : 4. IV. Légions de campagne : 9. V. Corps de cavalerie de campagne : 8. VI. Corps sur le Rhin : 21. VII. Corps de garnisons maritimes : 12. VIII. Flottes : 6. IX. Gendarmerie de montagne : 2 corps. X. Lètes : 12 corps. XI. Sarmates : 6 corps. Total : 97.

[150] Il reste cependant en Gaule, mais dispersés sans doute dans les garnisons, 21 corps de titre palatin. — I. La legio des Lanciarii Sabarienses. — II. 16 corps d'infanterie auxiliaire les juniores des Mattiaci, Bacchiati, Batavi, Jovii Gallicani, Mattiaci Gallicani, Atecotti Gallicani ; les seniores des Salii, Leones, Atecotti Honoriani, Ascarii Honoriani ; les Bructeri, Ampsivarii (ceux-ci, peut-être par suite d'un contrat) ; les Sagittarii Nervii Gallicani, les Britones ; les seniores [?] des Gratianenses et des Valentinianenses. — III. 4 corps de cavalerie auxiliaire, seniores et juniores des Bataves, juniores des Bracchiates et seniores des Cornutes (Not., Occ., 7, 167-170).

[151] Les événements l'ont surabondamment montré même au IVe siècle. Et on le verra souvent au siècle suivant.

[152] Les tableaux de mobilisation étaient soigneusement tenus et demeuraient secrets (quarum virium milites ubi agant vel procinctus tempore quo sint venturi, etc. ; Ammien, XVIII, 5, 1).

[153] Ammien, XVI, 2, 8. Je me demande même, vu l'importance militaire de Reims et la présence du tombeau de Jovin, si le maitre de la milice en Gaule n'y a pas résidé, au moins sous Valentinien.

[154] Ammien, XIV, 10, 3.

[155] Operiens Julium mensem, unde sumunt Gallicani procinctus exordia ; Ammien, XVII, 8, 1. La concentration était, du moins en Gaule, pour le 24 juin. Bien entendu, cela n'empêchait pas, s'il y avait péril, les campagnes d'hiver avec les troupes palatines ou les mobilisations d'urgence ; cf. Ammien, XVI, 2, 5 ; XVII, 8, 2.

[156] La Notitia ne donne pas de détails sur l'armée des Alpes ; mais il y en avait certainement une, ce qu'indiquent et le sub dispositione comitis Italiæ [chef militaire] tractus Italiæ circa Alpes, et la vignette de la Notitia représentant un castellum avec remparts et murs de barrage avec créneaux et tours, sur des flancs de montagnes (Occ., 24). — Comme gendarmerie alpestre, on doit sans doute mentionner la cohors I Flavia Sapaudica de Grenoble (Cularo ; Not., Occ., 42, 17), vestige d'une organisation qui doit remonter aux temps de Maximien et de Constance. — C'est également à la surveillance des cols pyrénéens que je rattacherai pour une part la cohorte de Bayonne.

[157] C'est sans doute pour cela que Lètes et Sarmates, troupes des Alpes ou des Pyrénées, flottes de l'intérieur, sont, non pas placés sous l'autorité du magister equitum de Gaule, chef normal de l'armée de campagne et de garnison, mais considérées comme prévôtés, præpositum, du maure général de la milice (Occ., 42), chargé sans doute de veiller à la sûreté générale de l'Empire.

[158] Remarquez que la Notitia ne connaît sur l'Océan d'autre flotte que celle de la Somme, qui ne peut avoir été qu'assez médiocre.

[159] La valeur professionnelle des marins et matelots de l'Empire paraît avoir été fort médiocre ; peut-être aussi, malgré leur nombre, ses navires ont-ils été assez misérablement construits (ibid., id.). On comptait, dit-on, 45.562 hommes de force nautique sous Dioclétien.

[160] J'ai lieu de croire que tous les détachements de soldats dont nous allons parler comportaient une petite flottille militaire.

[161] Je n'indique que l'état en 400, d'après la Notitia.

[162] La Notitia (Occ., 37) l'appelle dux tractus Armoricani et Nervicani, quoique le tractus Nervicanus dépendit de la Seconde Belgique, qui a un duc : ce qui prouve, ou que le duc d'Armorique avait eu primitivement sous sa dépendance toutes les- côtes depuis l'Escaut (ce fut certainement le cas sous Carausius, qui résidait à Boulogne, ibid.), ou que le duc d'Armorique avait, le cas échéant, autorité sur celui de Belgique.

[163] T. II, ch. XIV, § 9 ; t. III, ch. VIII, § 7 ; ibid., ch. IX, § 5.

[164] A Bayonne (Lapurdum), la troupe, à nom provincial, cohors (avec tribun) Novempopulana (Occ., 42, 18-19).

[165] Et plus particulièrement de la Bresle, limite entre Lyonnaise et Belgique.

[166] Dux Belgicæ Secundæ ; Occ., 38.

[167] Il doit résider à Boulogne, qui d'ailleurs n'est pas nommée dans la Notitia, ni comme lieu d'attache d'une flotte, ni comme lieu de garnison. — Ce duc commande la seule flotte mentionnée sur l'Océan, classis (avec præfectus) Sambrica in loco Quartensi sive Hornensi : la Somme et son embouchure (Le Crotoy et le cap Hornu) : c'est par une véritable aberration qu'on a songé si longtemps à la Sambre.

[168] Cela ressort de ce que la Notitia place le nom de Grannona en tête de sa liste (Occ., 37), de ce qu'elle était le siège de la cohorte dite d'Armorique (tribunus cohortis Prima Novæ Armoricanæ), de ce que cette troupe est la seule qui ait le titre de cohors et un tribunus à sa tête, et de ce que Grannona, seule des localités maritimes, avait une seconde troupe en garnison, que la Notifia appelle milites Grannonenses, et que je crois être la legio pseudocomitatensis Prima Flavia (Occ., 7, 95) ou Prima Flavia Metis [Martis ? 5, 269] des répertoires.

[169] Je n'hésite plus au sujet de Grannona ou Grannonum (37, 14 et 23 ; le nom rappelle un sanctuaire à Apollon Grannus) : ce devait être le port de Vieux et de Bayeux (formant maintenant une seule civitas). L'emplacement exact est encore à trouver. On a songé souvent à Port-en-Bessin (cf. d'Anville, p. 359), qui peut convenir. En dernier lieu, Doranlo, Bull. de la Soc. des Antiquaires de Normandie, XXXV, 1924, p. 546 et s. — Le litus Saxonicum, où la Notitia place Grannona, doit donc être la zone maritime de cette civitas, de la Vire à la Dives, et le nom rappelle quelque établissement de Saxons.

[170] Equites Dalmatiæ Marcis in litore Saxonico (38, 7) : zone maritime du cap Blanc-Nez à l'Escaut (civitas de Thérouanne jusqu'à l'Aa et ensuite civitas de Tournai).

[171] Tribunus Nerviorum portu Epatiaci (38, 9). Ancienne cohorte de Nerviens ? Étaples est sur la Canche dans la cité de Boulogne, mais à sa limite extrême.

[172] Classis Sambrica, etc. C'est le port de la cité d'Amiens, dont le rivage est entre la Canche et la Bresle.

[173] Præfectus militum Martensium Aleto (37, 19). Ces Martenses (cf. Not., Occ., 1, 91 ; 5, 265), distincts de ceux du Rhin, peuvent parfaitement être un détachement de la Prima Flavia Martis. Aleth est le port de la cité de Rennes.

[174] Non mentionné dans la Notitia ; mais il y a là un castrum.

[175] Præfectus militum Garonnensium [les manuscrits ont Carionentium] Blabia (37, 15). Dans la cité de Bordeaux.

[176] Cela me parait aller de soi. — Toutes les troupes dont nous connaissons la qualité, sont dites legiones pseudocomitatenses (Occ., 7, 90 et s.), et je doute qu'elles ne le soient pas toutes.

[177] Præfectus militum Ursariensium [seniores ?] Rotomago (37, 21) : distinct des Ursarienses, légion de campagne, et à rapprocher peut-être des Ursarienses juniores du Rhin.

[178] Præfectus militum Primæ Flavia Constantia (37, 20) : c'est la legio I Flavia Galticana Constantia.

[179] Præfectus militum Dalmatarum Abrincatis.

[180] En admettant que Carhaix soit demeuré le chef-lieu des Osismi et désigné par ce nom : præfectus militum Maurorum Osismiacorum Osismis (37, 17).

[181] Præfectus militum Maurorum Benetorum Benetis (37, 16).

[182] Præfectus militum Superventorum [juniorum ; cf. 7, 96 ; 5, 270] Mannatias [pour Namnetis] (37, 18).

[183] Il est à remarquer que la Notitia ,ne mentionne aucune garnison entre la Loire (Nantes) et la Gironde (Blaye), dans la zone maritime si importante des Pictons et des Santons : je n'arrive pas à m'expliquer cette lacune. La police en était-elle confiée aux Taïfales ? Mais ils étaient bien loin du rivage.

[184] Il faut cependant noter que, sur les fleuves de l'Océan, l'organisation des flottes fluviales parait bien moins complète qu'e du côté de la Méditerranée. Je ne trouve rien sur la Moselle ou la Charente. Et tout cela vient surtout de ce que les préoccupations de l'État sont plus à l'intérieur que sur les rivages : l'Empire romain commettra la même faute que Charlemagne, oubliant dans ses États la sécurité des contours pour ne songer qu'à la liaison des parties.

[185] Not. Occ., 42, 23 : Præfectus classis Anderetianorum Parisiis [à Paris, et non chez les Parisiens]. Il n'y a aucun rapport entre le nom de cette flotte et celui de la localité d'Andrésy à l'embouchure de l'Oise (dont le nom doit venir de Honorisiacus pour Honoratiacus ; Prou, Documents sénonais, Sens, 1921, p. 39-46) ; mais il faut le rapprocher des Anderetiani du Rhin ; et selon toute vraisemblance, l'un et l'autre corps proviennent de l'importante station maritime de Anderidos en Bretagne (Occ., 28, 10), qu'il faut chercher à Pevensey bien plutôt qu'à Hastings. Remarquez qu'Anderidos avait pour garnison vers 400 les Abuici, que nous retrouvons en partie sur le Rhin avec d'autres Anderetiani. — Cette flotte de Paris, étant du ressort immédiat du maitre de la milice, devait servir moins aux opérations maritimes qu'à la garde sur les routes. Il est du reste étonnant qu'on ne l'ait pas attribuée au duc d'Armorique, dont le ressort allait jusqu'à Sens (37, 27 et 28).

[186] Toutes sous la dépendance du maitre de la milice. Cette organisation de la région avoisinant les Alpes, avec mention de la Sapaudia à Grenoble et à Yverdon, avec le groupement des troupes et flottes sous la rubrique Gallia Riparensis (42, 13), doit être le vestige d'une ancienne organisation.

[187] La Notitia (42, 16) ne parle pas de flotte, mais d'un præfectus militum Musculariorum Massiliæ Græcorum [étrange réminiscence historique, et qui parait bien un indice que la Notitia a été extraite, dans quelque dessein scolaire, des documents officiels] ; mais les Muscularii sont des soldats de marine (musculus doit être pris dans le sens de barque [Not., Or., 39, 35 ; Isidore, Orig., XIX, 1, § 14, Lindsay], et non dans celui de machine de siège, Végèce, IV, 16).

[188] Præfectus classis fluminis Rhodani Viennæ sive Arelati (Occ., 42, 14) : remarquez l'hésitation ou l'alternance entre Arles et Vienne.

[189] Præfectus classis Araricæ Caballoduno (42, 21).

[190] Præfectus classis Barcariorum Ebruduni Sapaudiæ (42, 15). — Sur l'importance stratégique d'Yverdon, voir en dernier lieu V.-H. Bourgeois, dans l'Indicateur d'Antiquités suisses, n. s., XXV, 1923, p. 185 et 8.

[191] Not., Occ., 37, 24-29 : Extenditur tamen tractus Armoricani et Nervicani limitis per provincias quinque, per Aquitanicam Primam et Secundam, Senoniam, Secundam Lugdunensem et Tertiam : la Lyonnaise Première, avec Lyon et Chalon, doit dépendre du maitre de la milice ; et le duc d'Armorique devait trouver la concurrence de celui-ci à Paris pour la flotte, et partout pour les Lètes et Sarmates.

[192] C'est ce qui explique pourquoi Exupérantius, sans doute duc d'Armorique, eut à réprimer une jacquerie dans le pays (vers 417 ? Rutilius, I, 213-217).

[193] Je parle pour la période avant Gratien, où le légionnaire est encore lourdement armé et cuirassé (Végèce, I, 20 ; II, 3). — Voyez en particulier, à Strasbourg, le rôle de la Prima legio, placée en réserve, et qui arrête le choc (Ammien, XVI, 12, 49), instar turrium fixa firmitate consistens.

[194] Un principe qui parait alors assez courant, est celui du dispositif en deux ailes, sans force au centre, acie divisa in bicurnem figuram (Ammien, XVI, 2, 13). A Strasbourg, s'il y a un centre et deux ailes, la cavalerie est surtout à la droite, et l'aile gauche réduite à très peu de chose, ce qui ramène à la formation bicornis.

[195] Le Panégyriste (V, 16) dit des troupes de Carausius, barbara aut imitatione barbariæ olim cultu vestis et prolixo crine rutilantia. De là l'usage du barritus, qui n'est certainement pas d'origine romaine (Ammien, XVI, 12, 43 poussé par les Carnutes et les Bracchiates, où doit dominer l'élément barbare).

[196] Cela me parait résulter du récit des batailles chez Ammien (XVI, 2 13 et 12, 49) et surtout des remarques de Végèce, notamment I, 9, 12-14 ; 11, 3. — Végèce semble également insinuer que l'on abandonna de son temps l'escrime d'estoc pour celle de taille (l'épée pour le sabre, I, 12), laquelle devait être plus familière aux étrangers, surtout en Orient.

[197] Julien attribue à Constance II l'introduction des cuirassiers cataphractaires (Orat., I, p. 37, Sp.) : c'est une erreur ; il est probable que Constance se borna à en répandre l'usage en Gaule.

[198] Cataphractarii ou clibanarii (mots absolument synonymes) : l'usage est emprunté aux Parthes ou aux Perses. — Il n'y en a pas en Gaule vers 400 ; mais il y eut autrefois trois corps de cataphractaires à Bourges, Amiens et Albi, maintenant en Orient ; et Julien en a trouvé à Autun ; autres sur les bords du Rhin.

[199] Voyez leur rôle à la bataille de Strasbourg (Ammien, XVI, 12, 7 et 22) ; le combat livré à Turin par Constantin aux cataphractaires de Maxence (Paneg., X, 22-24).

[200] Il est étrange que Julien, ayant à traverser vite un pays infesté de Barbares, quitte Autun avec cataphractaires et balistaires.

[201] Cela a été bien noté par Montesquieu, Considérations, ch. 18, et étudié de près par Ritterling, dans Festschrift pour Hirschfeld, 1903, p. 345 et s. Le début de cette vogue de la cavalerie était attribué à Gallien ; Cedrenus, I, p. 454, Bonn.

[202] Surtout Maures et Dalmates.

[203] La chose s'est passée de même dans d'autres régions de l'Empire ; mais la Notitia ne connaît plus de magister equitum, chef d'armée régionale, que pour la Gaule.

[204] C'est la conséquence de la lutte contre les Barbares, abondamment pourvus d'armes de jet (Végèce, I, 20). — Pour le même motif, on multiplia les lanciarii, même dans les légions.

[205] Voyez l'importance des corps d'archers de Nerviens et de Tongres, célèbres dès l'origine, en admettant qu'on ait continué le recrutement ethnique : en Gaule ; en Espagne, Sagittarii Nervii (7, 121) ; en Illyrie, Sagittarii Tungri (7, 41) ; en outre, Sagittarii Gallicani en Orient. Ce sont des fantassins ; mais il put y avoir des Sagittarii à cheval, par exemple à Strasbourg (Ammien, XVI, 12, 7). Cf. Julien, Orat., I, p. 35 a, Sp.

[206] Cf. Végète, I, 16.

[207] Appelés mattiobarbuli ; cf. Végèce, I, 17 : c'était la spécialité originelle des troupes, devenues les légions I et II, des Joviani et Herculiani ; si elles ont conservée comme légionnaires, cela a dû fausser singulièrement le principe de la légion. — Du même genre doivent être les balistarii, que nous trouvons comme soldats de campagne sous Julien et de garnison sur le Rhin. Il ne peut s'agir d'ailleurs que de petites machines, manœuvrées à main et lainant surtout des flèches (Végèce, II, 2 ; IV, 21).

[208] Végèce, II, 3.

[209] Ajoutez qu'il n'y a plus de camps de nuit : hujus rei scientia intercidit, dit Végèce (I, 21) de cette castramétation qui avait été un des principes et une des forces de l'ancienne armée romaine. Il est bien vrai que les places fortes étaient alors assez nombreuses pour assurer, du moins en Gaule, la sécurité d'une armée en campagne (cf. Zosime, IV, 23, 6) : mais que de bonnes habitudes, physiques et morales, perdues par le soldat du droit de n'avoir plus à construire et à défendre lui-même, chaque soir, l'abri et comme le foyer de sa troupe ! Le campement prolongé (pedatura) de troupes dans la campagne (cf. Végèce, III, 8) parait être une des dernières traces de l'ancien camp.

[210] Au moins jusqu'à Julien et même Valentinien. Cf. Végèce, II, 2.

[211] C'est peut-être ce qui a causé l'impopularité de Gratien, du moins dans un certain milieu : Alanos anteferret veteri ac Romano militi [la légion ? ou plutôt, les corps célèbres genre Bataves ?] (Épit. de Cæs., 47) ; cf. Végèce, I, 20. Mais la chose est nettement indiquée pour Théodose (Zosime, IV, 27, 6), et cela fait allusion aux innombrables præfecti (légions et numeri) et tribuni (cohortes) que nous avons vus dans la Notitia.

[212] L'ancienne légion de Strasbourg : le reste forme les Octavani d'Italie (Not., Occ., 5, 153 ; 7, 28), où on vient de l'appeler.

[213] Le dernier tronçon tient toujours garnison à Xanten. — La legio I Minervia, peut-être encore en Gaule sous Julien, est en Orient (Minervii, Or., 9, 37). — On peut reconnaître dans les Divitenses la XXIIe Primigenia (car j'hésite à la voir dans les Primani de Bretagne, Occ., 7, 155, et d'orient, Or., 6, 45). — Ce sont les quatre légions du Rhin depuis Trajan.

[214] Magnitudo Romana, semper cum legionibus dimicans, a très bien vu Végèce, II, 2.

[215] Dès le temps de Constance (cf. Ammien, XIX, 2, 11). Mais il serait possible, au moins jusqu'à Valentinien, qu'on ait voulu remédier à l'affaiblissement des légions en groupant, et d'une façon permanente, les corps militaires en brigade, à raison de deux par unité de combat ou de marche.

[216] Une légion peut constituer une garnison de bourgade.

[217] Étant donné la place insignifiante qui est faite dans les récits historiques Ammien, les Panégyriques, Zosime) à la distinction entre juniores et seniores, il est fort probable que ce dédoublement définitif en corps distincts et indépendants est l'œuvre de Théodose, et qu'il y est fait allusion par le διπλασίους de Zosime. Il se peut cependant que la chose ait été fixée par Valentinien ou plutôt par Gratien. Et je ne suis pas sûr qu'au bout de très peu de temps les qualificatifs de seniores et juniores n'aient pas été de purs vocables, sans rapport avec la date du service.

[218] Outre cela, on a dû constituer en détachement indépendant la cavalerie légionnaire (cf. le texte de Zosime, IV, 27, 6).

[219] Le même morcellement s'est produit pour les meilleurs des auxilia, Bataves ou autres, avec distinction entre infanterie et cavalerie, et, dans chacune, entre juniores et seniores. Les cohortes equitatæ ont dû être démembrées en cohortes et alæ ou vexillationes.

[220] Voyez le rôle de plus en plus grand que les auxilia, Bataves ou autres, jouent dans les batailles, encore que ce soit, à l'origine, surtout un rôle de première ligne, la légion restant en réserve (à Strasbourg) : mais on a vu la fin de la légion comme troupe de résistance.

[221] Comparez Végèce, II, 3 ; I, 20, et Zosime, IV, 27.

[222] D'une cohorte ou d'une aile à l'époque originelle.

[223] Et ne pas oublier que bien des Romains servent dans les auxiliaires, sans doute bien des Barbares dans les légions, et que l'armement légionnaire va se rapprochant de celui des auxilia.

[224] Zosime, IV, 27.

[225] Les emblèmes (insignia) des boucliers demeurent le signe distinctif des corps ; Ammien, XVI, 42, 6 ; voyez les vignettes de la Notitia. Mais la multiplication et l'émiettement des corps enleva sans doute souvent à ces attributs toute valeur religieuse ou Morale. — Il est possible que les corps aux noms significatifs (Cornuti, Bracchiati, Ursarienses, etc.) doivent leurs vocables à des emblèmes marqués sur leurs boucliers. Mais rien n'empêche que cela ne vienne d'un autre détail de leur armement, de leur costume ou de leur origine : les Bracchiati, par exemple, pouvaient être ceux qui portaient des bracelets ; les Cornuti, ceux dont le casque portait des cornes à l'ancienne mode gauloise. J'ai supposé, peut-être à tort, que les Ursarienses étaient d'anciennes confréries d'ursarii, chasseurs d'ours, transformés en numerus [mais il a pu y avoir un ours gravé sur le bouclier]. Les vignettes de la Notitia ont trop souffert dans les diverses copies pour qu'on puisse constamment se fier à elles. — Les seules figurations archéologiques connues en Gaule de ces emblèmes de boucliers, sont 1° dans le disque de Valentinien, où il s'agit bien de schola du palais ; 2° et dans la coupe de Givors, où les emblèmes présentent des rosaces et des aigles à deux têtes (Collection Récamier, Vente, 1925, n° 1521) : cette coupe a dû être un objet d'honneur donné à un soldat il m'est difficile de la placer après 400, et la présence d'un joueur d'olifant ne prouve nullement qu'il s'agisse de l'époque franque, l'armée romaine connaissant dès lors l'usage du cornu ex uris agrestibus argento nexum (Végèce, III, 5).

[226] Distinguons, entre les appellations géographiques, celles qui indiquent la résidence actuelle (Abrincateni, etc.), et celles qui indiquent la garnison d'où le corps est venu en Gaule (Anderetiani, etc.). Ces noms ne doivent pas avoir un caractère officiel, et proviennent sans doute du compilateur scolaire de la Notitia.

[227] Le caractère résidentiel daterait de Constance ou Constantin, si on leur attribue les cohortes Armoricana, Flavia Sapaudica, Novempopulana ; et Zosime semble y faire allusion.

[228] A voir les choses de près, le caractère municipal du corps d'armée s'établira non seulement par son nom résidentiel, mais encore parce qu'un corps correspond souvent à une civitas déterminée (les Dalmates à celle d'Avranches, ou les Lètes à celle des Arverni), et que, par suite, le præfectus d'un de ces corps peut être regardé, dans une certaine mesure, comme le commandant militaire de la civitas, ou tout au moins le commandant de la place, et appelé, plus ou moins abusivement, le préfet ou le tribun de la ville ou de la cité. C'est évidemment dans ce sens que les documents sur les saints Ferréol et Ferjeux parlent à Besançon, au moment de la découverte des prétendues reliques, du tribunus militum ad custodiam civitatis destinatus (Acta, 16 juin, III, p. Il ; le fait, qui parait vraisemblable pour la date, est placé sous Valentinien) ; de même, Corpus, VIII, 9248, où un tribunus numeri est dit agens tribunatu(m) Rusg(uniæ), près d'Alger ; cf. Diehl, Études sur l'administration byzantine, 1888, p. 113 et s. ; J. Maspero, p. 96 (le tribunus numeri deviendra en Égypte en quelque façon le tribunus civitatis). Et tout cela est à retenir pour comprendre bien des événements du prochain siècle.

[229] Il reste encore trace de cette bravoure de corps sous Julien, Valentinien et Gratien ; puis tout disparaît.

[230] Cf. Zozime, IV, 27 ; 29, 1.

[231] Voyez Végèce, II, 2 : Ex diversis numeris, etc.

[232] Ce que Végèce (II, 2) appelle uno animo purique consensu.

[233] A la bataille de Strasbourg.

[234] Pendant les guerres civiles.

[235] Végèce, II, 5. Romanum militem sacramenti religio confirmat, dit le Panégyriste (Pan., IX, 24).

[236] Si faute de textes pour ce siècle, nous lui appliquons les règles antérieures ; cf. Code Just., VII, 64, 9 (20 ans pour légionnaires ou soldats des vexillationes sous Dioclétien).

[237] Outre les faits qui vont suivre, voyez Ammien, XVII, 9, 6-7 ; XX, 5, 8-9 ; XX IV, 3, 3.

[238] Ammien, XX, 4, 18.

[239] Ubertate mercedis ad momentum omne versabiles, Ammien, XV, 5, 30.

[240] Ammien, XXI, 16, 1-3, en particulier : Nonnisi pulvere bellico indurati præficiebantur armatis.

[241] A titre d'exemples : Silvain, sans doute tribunus Armaturarum au palais (Ammien, XV, 5, 33), puis maitre de la milice ; Charietto, au service de Julien dès 358 (Zozime, III, 7), puis comes utriusque Germaniæ (Ammien, XXVII, I, 2) ; Mallobaud, qui a dû remplacer Silvain comme tribunus Armaturarum (XIV, 11, 21), devient comes Domesticorum (XXXI, 10, 6) ; Malaric, rector Gentilium du palais (XV, 5, 6), fait magister armorum (XXV, 8, 11) ; Ricomer, comes Domesticorum (XXXI, 7, 4), puis maître de la milice. Tous ceux-là sont des Francs, à ce que je crois. — Comme Alamans officiers supérieurs : Agilo ; Latinus, comes Domesticorum (Ammien, XIV, 10, 8) ; Scudilo, rector Scutariorum (XIV, 10, 8) ; Vadomar roi alaman, dux de Phénicie (XXI, 3, 5).Le nombre d'officiers supérieurs alamans se restreint singulièrement après Constance, sans aucun doute à la suite des incursions répétées de leur nation depuis 354. — Il est au reste certain que bien des officiers barbares au service de Rome prenaient des noms latins (l'Alaman Latinus, le Franc Silvain), ce qui nous empêche souvent de reconnaître leur origine.

[242] C'est le cas d'Ammien Marcellin, qui visiblement a quitté le service militaire pour vivre de la vie civile.

[243] Voyez Paneg., XII, 4 et 5 ; Ammien, XXVIII, 5, 15. Ammien, XXVII, 8, 3 (officiis Martiis felicissime cognitus, avant son commandement de Bretagne). Ajoutez l'Espagnol Maxime.

[244] En 378, Mallobaudem Domesticorum comitem regem Francorum, virum bellicosum et fortem ; Ammien, XXXI, 10, 6 ; XXX, 3, 7. Le maitre de la milice Ricomer était d'une naissance illustre, sans aucun doute chez les France (Ammien, XXXI, 12, 15). Autres officiers romains qui furent rois ou chefs chez les Alamans. C'est pour cela que, inversement, je ne m'étonnerais pas outre mesure de voir, au siècle suivant, reçu comme roi chez les Francs Saliens le maitre de la milice Egidius (Grégoire, II, 12) : il a pu les faire gouverner par un préfet, comme ont pu le faire les maîtres de la milice depuis Constant. Et je ne m'étonnerais pas davantage de voir le fils de Ricomer devenir roi chez ces mêmes Francs Saliens.

[245] Voyez la délibération des chefs barbares de Théodose, qui, à la nouvelle du coup d'État d'Arbogast, se demandent s'ils rompront ou continueront le service impérial (Zosime, IV, 56). Opposez à cela l'attitude si loyale et si noble des chefs francs de Valentinien.

[246] Ammien, XXI, 16 2, sous Constance : Nec occurrebat magistro equitum provinciæ rector [texte qui montre bien que le magister equitum est en principe un commandant régional], nec contingi ab eo civile negotium permittebat.

[247] XXI, 16, 2, sous Constance : Cunctæ castrenses ut honorum omnium apicem priscæ reverentiæ more [avant la réforme de Constantin] præfectos semper suspexere prætorio.

[248] De même, sans doute, pour les charges moins hautes ; Ammien, XXI, 16, 3 : Valdeque raro contigerat ut militarium aliquis ad civilia regenda transiret, etc. Et l'insistance avec laquelle Ammien parle de cette séparation des pouvoirs et des fonctions (XXI, 16, 2), montre qu'il y attachait la valeur d'un principe.

[249] Même les ducs d'armée sous Constance n'étaient que viri perfectissimi, c'est-à-dire l'équivalent de chevaliers, non sénateurs (Ammien, XXI, 16, 2). Il est vrai qu'ils sont devenus à la fin clarissimes et spectables, ce qui les plaçait au-dessus des gouverneurs, et ce qui fut peut-être une des fautes du siècle.

[250] Cf. la plainte de Silvain ; Ammien, XV, 5, 28 : Se [et] Ursicinum solos post exudatos magnos pro republica labores et crebros ita fuisse despectos, etc.

[251] Le premier maitre de milice qui ait été fait consul pour le 1er janvier (ordinaire) est, semble-t-il, Arbétion par Constance en 355 (Ammien, XV, 8, 17 ; XVI, 6, I) ; Névitta, consul en 362, semble d'origine barbare ; mais le premier chef d'origine transrhénane arrivé régulièrement au consulat ordinaire me parait Mérobaud sous Gratien en 377. A moins qu'il n'y ait, parmi les consuls à noms latins, des originaires de Germanie.

[252] Voyez la colère de Synésius contre l'arrivée des Barbares aux honneurs civils ; De regno, § 15, P. Gr., LXVII, c. 1093.