HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VIII. — LES EMPEREURS DE TRÈVES. - II. - LA TERRE ET LES HOMMES.

CHAPITRE PREMIER[1]. — L'AUTORITÉ PUBLIQUE[2].

 

 

I. — LE DESPOTISME DE L'EMPEREUR[3].

Le principal vice de l'Empire était le pouvoir absolu du chef que le hasard lui donnait. Loin de s'atténuer, le despotisme n'avait fait que s'accroître, même depuis Commode ou Néron. Non que Valentinien ou Constance aient reçu des prérogatives inconnues aux Antonins ou aux premiers Césars : mais ceux-ci vivaient à Rome, ils se sentaient observés par le sénat, qui légalisait leur avènement et consacrait leur apothéose ; et malgré tout ils subissaient le prestige de cette Ville Éternelle où il y avait eu tant de libertés. Maintenant, les princes ignorent Rome[4], le sénat n'est plus que la curie municipale de la capitale historique de l'Empire[5], on ne lui demande ni conseils, ni acclamations, ni décrets, ni sanctions, on n'a plus besoin de lui ni pour faire un Auguste, ni pour faire un dieu[6]. Valentinien à Trèves ou Honorius à Milan n'ont autour d'eux que les conseillers qu'ils ont choisis, les fonctionnaires qu'ils ont nommés, les courtisans qui leur plaisent.

La loi ou la tradition n'apportent point de limites à l'exercice de leur pouvoir. Ceux des princes qui conservaient en leur âme des instincts de cruauté, pouvaient les satisfaire librement. Valentinien, en ses accès de colère, mettait à mort le valet d'équipage qui lâchait trop tôt le chien limier[7], ou le contremaître de la fabrique impériale qui ne donnait pas à une armure le poids convenu[8] ; et l'on racontait qu'il se faisait accompagner de deux ourses ses favorites pour les nourrir de chair humaine[9]. Maxime, qui se disait le gardien vigilant de la discipline publique, envoyait l'ordre de brûler vivant le haut dignitaire qui n'avait point souscrit à son usurpation. Aucun règlement de procédure ne définissait la compétence et les moyens de la juridiction impériale : elle s'exerçait indifféremment par la mort, la torture ou la confiscation, et sur les moindres esclaves et sur les plus nobles sénateurs[10].

On aurait pu espérer que le Christianisme changerait la nature de l'autorité et le caractère des maîtres. Mais les premiers empereurs chrétiens ne virent dans la religion de l'Évangile qu'une nouvelle façade de la vie publique, qui ne toucherait pas aux éléments essentiels et aux habitudes traditionnelles de la souveraineté. Constantin et Constance II présidèrent aux conciles, à la manière dont Auguste avait réglé les cérémonies pontificales[11] ; Maxime écouta les dénonciations des évêques délateurs avec la complaisance d'un Domitien ; et Théodose étendit un ordre de massacre à la population d'une ville tout entière[12], ce qu'ont pu souhaiter Néron ou Caligula en des propos de délire, mais ce qu'ils se seraient bien gardés d'exécuter[13].

Il est vrai qu'Ambroise refusa à Théodose l'accès de l'église tant qu'il n'eut point fait pénitence[14], et qu'il lui rappela durement que Dieu et ses prêtres peuvent juger les rois. Mais il suffit à l'empereur de faire pénitence pour obtenir l'absolution, et il put alors penser que le nouveau Dieu ne se refuserait pas plus aux compromis que le Jupiter des anciens temps.

Rien ne faisait donc espérer à l'humanité qu'elle pût se débarrasser du despotisme impérial, de cette puissance horrible et mystérieuse qu'on laissait aux mains d'un seul. Pas une seule fois, au cours du quatrième siècle, nous n'avons assisté, de la part du peuple, à la révolte d'une colère généreuse[15], et pas davantage, de la part de l'élite, à une tentative de libéralisme politique[16]. On avait vu maintes fois, aux âges antérieurs, des essais de constitution pour définir l'autorité impériale, et sous le premier des Flaviens, et sous le dernier des Sévères, et même au cours des grandes crises du troisième siècle. Nous n'en trouverons plus depuis Dioclétien. Les philosophes se sont tus[17] ; les Chrétiens, délivrés de persécuteurs, acceptent avec joie le régime, et ils sont les premiers flagorner le maître[18]. Jamais la Gaule n'a connu davantage l'absolutisme criminel d'un chef d'État et la veulerie coupable de l'obéissance aveugle.

Ce qui rendait ce despotisme plus odieux encore, c'est qu'on ignorait son origine, la source légale de l'autorité suprême. Maximien a été appelé par Dioclétien[19], mais celui-ci n'a été nommé que par un groupe d'officiers[20] ; tous deux ont choisi Constance[21] ; l'hérédité revient avec Constantin, mais c'est l'armée de Gaule qui proclame Julien, et c'est le conseil des dignitaires de l'Empire qui désigne Valentinien[22]. En réalité, tout prétendant, tout usurpateur peut devenir un Auguste légitime, si la victoire complète les acclamations ; et Maximien ou Théodose eux-mêmes ont accepté comme empereurs Carausius ou Maxime qu'ils ont douté de pouvoir les vaincre. La souveraineté impériale ne reposait que sur le droit du plus fort.

Ce pouvoir, si matériel qu'il fût à son origine, n'en demandait pas moins aux antiques superstitions une investiture qui lui conférât une sorte de valeur religieuse et d'essence divine[23].

Trois conditions étaient nécessaires pour qu'un homme se transformât en empereur : sa proclamation comme Auguste par l'assistance, le manteau de pourpre placé sur ses épaules, le diadème posé sur sa tête. Le monde attribuait de plus en plus une portée souveraine à cet insigne, à cette couleur, à ce mot : ces trois choses avaient pour lui une action magique. Qu'un riche Gaulois, d'Aquitaine, au cours d'un grand repas, laisse tendre une tapisserie qui ressemble un manteau de pourpre l'empereur Constance II voit aussitôt en lui un candidat au pouvoir et il le traite comme tel[24]. Lorsque Ursicin vint à Cologne pour réprimer la révolte du Franc Silvain, il dut cependant s'incliner d'abord devant lui pour, baiser dévotement la pourpre de l'usurpateur[25]. Julien ne sera vraiment un empereur que lorsqu'un soldat lui aura fait un diadème avec un collier militaire. Sur la brutale réalité de la force, les hommes jetaient l'enveloppe de leurs plus vieux rites. Et le chef vainqueur devenait idole.

C'est ce mot d'idole qui convient le mieux aux empereurs ce temps. Il importe peu que, comme Gratien ou Valentinien, ils soient les premiers au combat. Rentrés dans leur palais ou circulant sur leur voiture de parade, ils redeviennent dieux sur la terre[26]. Constance II, lors de sa visite à Rome, debout sur son char, immobile sous la pourpre, ne faisant ni un geste des doigts ni un mouvement de la tête, ressemblait à une statue de dieu que ses prêtres auraient promenée à travers ses peuples[27]. Le Christianisme était entré chez les maîtres de l'Empire sans toucher à leurs âmes.

A quoi bon, après cela, parler longuement des formules qui encadrent toujours cet Empire ? et de ce terme de chose publique, res publica, qui revenait sans cesse dans les propos des lettrés et les discours officiels[28] ? et de ces lettres dominatrices, S. P. Q. R., senatus populusque Romanus, qui apparaissaient encore sur les inscriptions solennelles[29], signes et symboles du sénat[30] et du peuple[31], ces créateurs et ces souverains originels de la terre latine ? et de ces cieux consuls inaugurant au premier janvier de chaque année le nouveau cycle d'une histoire qui ne devait point finir[32] ? et de ce vocable surhumain de Ville Éternelle, tête et reine du monde[33] ? Tout cela et bien d'autres mots et bien d'autres titres, était la défroque verbale d'une époque disparue, dont se paraient les harangues des rhéteurs impériaux aux jours des grandes cérémonies. L'Empire. romain n'était plus que la chose d'un Auguste et des gens qui gouvernaient en son nom.

Quiconque exerce dans l'Empire une autorité supérieure, est tenu d'avoir toujours près de soi, dans les salles publiques et aux heures d'audience officielle, le portrait de l'Auguste régnant[34] : les saintes images[35], comme on disait alors, son les emblèmes de la délégation impériale ; elles marquent que l'empereur est là qu'il juge, gouverne et commande par le reflet de sa personne sacrée[36]. On les voit à Bordeaux, à Reims, à Rouen ou à Narbonne, auprès des gouverneurs de provinces[37] ; à Arles ou à Vienne, auprès du vicaire du préfet[38] ; et à Trèves, la résidence capitale, chez tous les chefs des ministères d'État ou des services de la Cour[39]. La Gaule, dans les dernières années de sa vie romaine, a tremblé ou espéré en la contemplation des figures impériales ; et l'obéissance publique a pris, chez elle comme partout la forme de l'idolâtrie[40].

 

II. — AMÉLIORATION DU TYPE IMPÉRIAL.

Pourtant, tout compte fait, il y a un progrès moral dans ces milieux d'empereurs. — Il est d'ailleurs indifférent, pour juger de ces hommes, de savoir s'ils étaient chrétiens ou païens.

J'aperçois d'abord, à l'actif de ces souverains et des mœurs politiques, un plus grand souci de la légitimité ; et comme le principe le plus apparent de la légitimité était alors le droit héréditaire, le monde et ses chefs aspirent de plus en plus à créer des dynasties[41] : on a senti que la succession familiale était peut-être le meilleur gage de sécurité pour les maîtres et les sujets tout à la fois[42]. Afin de justifier son avènement à l'Empire, Constantin, par delà son père Constance, invoque le nom de son grand-oncle Claude le restaurateur de l'État. Quand cette lignée aura disparu, ce n'est pas seulement un homme qu'on choisira en Valentinien, mais le chef d'une autre maison[43]. En dépit de la pourpre, du diadème et des acclamations, on commence à savoir distinguer les usurpateurs des princes qui sont arrivés par les voies légales et pacifiques : Magnence, Maxime et Eugène, malgré les flatteries et les craintes qu'ils ont inspirées ne resteront que comme tyrans dans la série des empereurs[44].

Tous ces empereurs, ensuite, ont voulu régner par eux-mêmes. Autour d'eux, dans ce palais où s'agitaient des passions innombrables, c'était la bataille pour capter la faveur de prince, à qui deviendrait son ami et exploiterait sa toute-puissance. Cependant, depuis Aurélien jusqu'à Théodose, aucun d'eux n'a abdiqué entre les mains d'un favori ou d'un premier ministre[45]. Quelques-uns, comme Constance II, ont eu de fort mauvais conseillers et de tristes fonctionnaires[46]. Mais l'Empire romain ne revoyait plus le règne d'un Séjan, dépositaire de l'autorité d'un maître invisible[47] : il connaissait son souverain, et il le jugeait responsable[48]. Les temps ne sont point encore venus, l'empereur n'est qu'une figure dans un palais[49].

Tous ces Augustes encore, et sans exception, savent que est le devoir d'un empereur, et que c'est, depuis l'origine de l'Empire, de protéger la patrie, de commander aux soldats et de combattre l'ennemi. Théodose et Constance II eux-mêmes, si amis qu'ils soient des moines ou des évêques, ont tenu à se montrer en chefs d'armée. La plus grande faute que commettront Honorius et Arcadius, et qui est presque la négation de leur titre d'imperator[50], sera d'ignorer la marche, la tente et la bataille ; et les Romains de bon sens le leur reprocheront durement[51]. En donnant à ses enfants un tuteur militaire en la personne de Stilicon[52], Théodose achèvera de préparer la chute du régime.

Enfin, à l'intérieur de l'Empire, les chefs dont nous venons de raconter l'histoire ont eu le mérite de savoir gouverner. Quelques-uns, tels que Maxime ou Valentinien, ont pu se rendre odieux par leurs cruautés : mais pas une seule fois la Cour impériale n'a été entachée de folies et de sottises à la façon de Néron ou de Caligula. Ces princes ont beau être des dieux tout-puissants, ils possèdent la conscience et le respect de leur dignité sacrée, et pour ainsi dire l'amour et l'amour-propre de leur despotisme. — Je répète que je ne peux mettre la religion à l'origine de se changement[53]. Il provient d'autres causes, qui sont dans certaines habitudes du présent et dans certains souvenirs du passé.

L'usage s'était répandu, qu'à toutes les cérémonies officielles, inaugurations de consulats, fêtes de mariages, anniversaires de naissances ou d'avènements, un orateur en renom prononçât devant l'empereur le panégyrique de son œuvre et l'exposé de ses mérites. C'était sans doute un appel aux flatteries mensongères, à la vaine déclamation, aux phrases creuses et redondantes. Mais malgré tout l'orateur avait scrupule à toujours trahir la vérité : il ne parlait pas seulement devant le prince, un nombreux auditoire entendait son discours, on le publierait par tout l'Empire, et la postérité l'étudierait. Il lui était impossible de ne point faire l'apologie des vertus consacrées et des devoirs impériaux, de ne pas esquisser un programme de travaux utiles, le rêve d'un avenir de gloire et de bonheur ; et c'était un peu, par sa voix, les espérances de tous qui s'exprimaient. L'empereur devait s'en moquer à part lui : mais il lui fallait quand même écouter l'éloge du César idéal, et, comme cet éloge public revenait devant lui à intervalles réguliers et rapprochés, deux ou trois fois l'an, il put arriver qu'il s'en inspire à son insu, ou qu'il redoutât de le démentir sous les regards des hommes. Ce fut le mérite suprême de la rhétorique romaine, qu'elle ait été mise au service de l'Empire et qu'elle a contribué à faire de bons princes[54].

L'histoire l'aidait dans cette tâche. Aucun des empereurs romains n'eût voulu ignorer le nom et le renom de ses prédécesseurs, y compris les plus fameux consuls de l'ancienne République. Connaître le passé de Rome faisait partie du devoir d'un souverain, et il est à remarquer que les rhéteurs officiels font des souvenirs latins la trame habituelle de leurs récits : jamais on n'a parlé davantage de César pour inviter à la gloire[55], de la bataille de Cannes pour se lamenter sur une défaite[56], de Fabricius ou du grand Scipion pour célébrer les vertus d'un chef[57]. C'est sur les exemples d'autrefois que l'on voulait régler le présent : la vie et la pensée politiques étaient, souvent faites de réminiscences et d'imitations Or, dans l'histoire impériale deux noms dominaient : celui de Néron comme formule d'abomination[58], et celui de Marc-Aurèle comme symbole de grandeur morale. C'est ce passé, ce sont ces noms, qui ont en quelque manière façonné les types d'Augustes du quatrième siècle. Tous les princes ont eu peur de rappeler Néron ; tous ont désiré être comparés à Marc-Aurèle. Le nom de celui-ci est devenu le mot d'ordre sacré du régime impérial : Dioclétien, Julien et Valentinien lui-même, ce qui ne se ressemblaient guère, se sont fait une loi de l'imiter. L'histoire, en perpétuant le souvenir d'un homme de vertu, a peut-être plus servi à éduquer les chefs, que la philosophie oratoire en répétant devant eux l'éloge de cette vertu.

Histoire et éloquence n'étaient que des formes de la littérature : mais à s'imposer ainsi aux-empereurs romains, elles rendaient au monde d'inestimables services ; elles faisaient l'office d'une religion, office dont se dispensaient trop souvent les prêtres des religions elles-mêmes.

 

III. — L'ADMINISTRATION CENTRALE[59].

L'administration centrale, celle qui donnait le branle à la vie générale de l'Empire, se composait des services attachés à la personne du prince et des ministres préposés aux affaires de l'État. Il faut en parler à propos de la Gaule, parce que ces services et ces ministères n'étaient plus immobilisés dans Rome, mais qu'ils suivaient et entouraient l'empereur, sinon dans ses quartiers généraux de guerre, du moins dans ses résidences[60]. Trèves, par exemple, les a abrités et retenus pendant de longues années : toute ville de séjour impérial devenait siège de l'Empire ; et quand Théodose et Honorius se fixèrent à Milan, ce fut pour Trèves et la Gaule l'ère de la déchéance.

Les services de la personne impériale étaient ceux du Consistoire, de la Chambre, du Palais et de la Garde. — Au Consistoire ou Conseil[61] étaient convoqués les chefs des ministères, des conseillers en titre, et au besoin tous ceux qui pouvaient donner au prince un avis utile[62]. — Le Palais, sous les ordres du maître des Offices (magister officiorum[63]), était un mélange singulier de secrétaires[64], d'officiers de police, d'aides de camp, de courriers de confiance[65], de soldats d'élite illustrés sur tous les champs de bataille. — Des chambellans en nombre infini[66], eunuques pour la plupart, se groupaient sous la direction du maître de la  Chambre Sacrée[67]. — Un comte des Domestiques (comes Domesticorum) commandait la Garde du prince[68].

Les services publics[69] formaient deux groupes distincts. — C'étaient, d'une part, ceux qui étaient fortement centralisés le Trésor public ou Largesses Sacrées[70], le Domaine ou fisc impérial, autrement dit les Comptes Privés du prince (res privatæ)[71], les divers secrétariats d'État pour les archives, la correspondance ou le contentieux[72]. Les chefs de ces services, qui portaient les titres de comtes ou de maîtres, ne quittaient point d'ordinaire la personne de l'empereur, et leur ressort correspondait exactement à celui d'un Auguste ou d'un César[73] et ce ressort fut par exemple, sous Valentinien ou sous Honorius, l'occident en son entier depuis les Colonnes d'Hercule jusqu'aux Alpes de l'Adriatique. — C'étaient, d'autre part, l'administration civile, aux mains des préfets du prétoire, et le commandement des armées, aux mains des maîtres de la milice. Pour l'un et l'autre service, point de ministère central : car l'empereur est par définition juge souverain et gouverneur universel des provinces, et général en chef des forces militaires. Préfets du prétoire et maîtres de la milice ne peuvent être que ses délégués territoriaux, sur des groupes de provinces ou sur des groupements de troupes[74]. C'est ainsi que la Gaule a son préfet[75], lequel administre également la Bretagne et l'Espagne, il est vrai en se faisant représenter par des vicaires à Londres[76] et à Séville[77]. Lui-même réside à Trèves. Et il y a, près de lui, pour commander aux soldats, un maître de l'armée des Gaules[78].

Même lorsque les empereurs d'Occident séjournaient Milan, même lorsqu'il n'y avait qu'un Auguste pour tout l'Empire, ces deux dignitaires supérieurs ne pouvaient quitter Trèves[79] ou la Gaule. La division du monde en quatre ressorts d'armée et de gouvernement, imaginée par Dioclétien cent ans auparavant, avait survécu au régime éphémère de la tétrarchie princière et s'était imposée à tous les systèmes politiques qui l'avaient suivie. La Gaule peut perdre soli empereur, et il semble bien que telle soit la volonté de Théodose : elle n'en gardera pas moins son préfet du prétoire et son maître de la milice, sa vice-royauté civile et le général en chef de ses armées.

Elle conservait par là même une ville capitale, Trèves aujourd'hui et Arles demain. Mais c'était une capitale déchue, sans doute pleine du regret des séjours impériaux. Les services du prétoire et de la milice occupaient à peine quelques centaines d'hommes, enfermés dans leurs bureaux[80]. Qu'était-ce à côté de cette multitude tumultueuse et bigarrée, de ces milliers de gardes, de pages, de chambellans, de courriers, de dignitaires et de prêtres qui s'entassaient jadis dans ces rues montantes, de la Moselle ou du Rhône au palais impérial ! Il manquera désormais à la Gaule la cité souveraine et triomphale qui avait fait la gloire de son récent passé et que méritait toute son histoire.

 

IV. — LES RESSORTS PROVINCIAUX.

Le prétoire des Gaules était divisé en quatre ressorts, appelés des diocèses[81], deux en dehors de la Gaule, ceux de Bretagne et d'Espagne, et deux en Gaule même, l'un pour les pays au nord de la Loire et du Rhône, Germanie, Belgique et Lyonnaise[82], l'autre pour les terres du Midi, Aquitaine, Narbonnaise et Alpes de la mer[83] De Trèves, le préfet administrait directement[84] le diocèse du Nord[85] ; pour l'autre, il se faisait représenter à Vienne[86] par un vicaire, que désignait l'empereur[87].

Le préfet et son vicaire se partageaient donc les provinces de la Gaule, lesquelles, au temps de Théodose, étaient au nombre de dix-sept[88]. C'était deux fois plus que n'en avait formé Auguste : mais l'une des premières mesures prises, un siècle auparavant, par les restaurateurs de l'Empire, avait été  d'augmenter le nombre des gouverneurs, pour diminuer l'étendue de leur ressort et rendre leur autorité à la fois moins vaste et plus efficace[89] De la Narbonnaise on avait fait trois districts, dont les centres étaient à Aix[90], à Vienne[91] et à Narbonne[92] : car, si Arles était résidence d'empereur ou de préfet, elle n'était pas encore, par une bizarre anomalie, chef-lieu de gouvernement. L'Aquitaine[93] avait donne naissance aux provinces de Bordeaux[94], de Bourges[95] et d'Éauze[96] ; de la Lyonnaise étaient sorties tour à tour celles de Lyon[97], de Sens[98], de Tours[99] et de Rouen[100] ; la Belgique avait été partagée entre Trèves[101] et Reims[102] ; en amont des Germanies de Cologne[103] et de Mayence[104], qui conservèrent leurs noms et leurs capitales traditionnelles[105], on créa pour Besançon, des deux côtés du Jura, le district de Séquanie[106]. Par contre, les provinces alpestres de la Gaule avaient été réduites à deux, les Alpes Maritimes autour d'Embrun[107], les Alpes Grées et Pennines autour de Moutiers en Tarentaise et de Martigny en Valais[108].

Ces dix-sept provinces représentent les cadres permanents de l'État, les départements territoriaux qui servent à répartir ses services, tribunaux, finances, travaux publics et même commandements de troupes. Suivant les besoins du jour ou la nature des affaires, chacune d'elles reçoit son fonctionnaire, ou plusieurs d'entre elles sont jointes en un seul district d'administration. C'est ainsi que, pour les choses militaires, il y a tantôt un seul comte dans les deux Germanies réunies de Mayence et de Cologne[109], et tantôt un duc dans chacune d'elle[110] ; et que, pour la police maritime, il faut un duc à la seule Belgique de Reims[111], tandis qu'un autre duc suffit aux Lyonnaises et aux Aquitaines groupées ensemble[112].

 

V. — LES GOUVERNEURS.

Au civil, chaque province continue à avoir son gouverneur. Mais un grand changement s'est opéré dans la situation de ce personnage : il ne correspond plus directement avec l'empereur ou ses ministres, mais avec le préfet des Gaules ou ses bureaux ; ce n'est plus un fonctionnaire supérieur, c'est à demi un subalterne[113]. Les mots glorieux de proconsul ou de legatus Augusti[114] ont pour toujours disparu de sa titulature.

Comme le préfet, son chef hiérarchique, c est avant tout un administrateur et un juge[115] ; ses titres courants sont ceux de rector, de præses[116], de judex. Rien ne lui reste de ses fonctions militaires d'autrefois, lorsque, proconsul de la République sur le Rhône ou légat de César sur le Rhin, il commandait à une armée et faisait la guerre en monarque. Pour parler le langage de nos jours, ce n'est plus qu'un fonctionnaire de l'Intérieur, un préfet.

Mais c'est un préfet qui est en même temps président de cour de justice, et il juge au civil, au criminel, au commercial, en affaires de police et de voirie[117]. Car rien n'a été changé à ce principe originel du droit romain, que l'autorité supérieure de la province est une émanation du pouvoir souverain, une magistrature universelle exercée au nom du prince par l'un de ses représentants. Le juge, en Gaule, est un fonctionnaire ou un agent comme un autre, venu de la résidence impériale et imposé par elle[118]. Il a sans doute ses assesseurs, les jurisconsultes qui le conseillent et forment avec lui une sorte de tribunal : mais c'est lui-même qui les a choisis[119], ainsi que lui-même a été désigné par le prince ; et sa justice est une justice de maître à sujet, de vainqueur à vaincu, héritage des prérogatives que la victoire a données jadis au peuple romain.

Un gouverneur exerce toujours l'astreinte sur les magistrats municipaux, et évidemment sa surveillance, son autorité, sont maintenant plus sérieuses et plus efficaces, puisqu'il y a dix-sept gouverneurs pour une centaine de ressorts locaux, et que chacun d'eux n'a en moyenne qu'une demi-douzaine de municipes à visiter ou à contrôler. La tyrannie du pouvoir impérial s'est faite plus proche et plus active[120], et nous approchons du jour où chaque cité aura son comte d'État[121].

En revanche, le gouverneur, n'est plus, comme nous l'avons appelé autrefois, un vice-empereur. Il a beau présenter à son tribunal l'image sacrée du prince : entre le prince et lui se dresse maintenant un intermédiaire tout-puissant, le préfet ou son vicaire[122]. S'il rend la justice et que le condamné fasse appel, ce n'est pas à l'empereur que l'appel sera porté, avec les lenteurs infinies de l'ancienne procédure l'affaire ira directement à Trèves ou à Vienne, et elle sera jugée en Gaule même, et très vite, et en dernier ressort[123]. Si le gouverneur commet quelque faute administrative, s'il tracasse arbitrairement les décurions municipaux, néglige l'entretien des routes, se rend coupable de prévarication ou de fraude, le préfet du prétoire sera bientôt prévenu, et il saura agir en conséquence[124].

Quelle erreur n'a-t-on pas commise en parlant sans cesse des progrès et du triomphe de la centralisation sous le régime des derniers empereurs romains ! De ce que l'État n'ait alors renoncé à aucun de ses privilèges, de ce qu'il ait diminué la part faite aux conseils provinciaux, de ce qu'il ait multiplié les occasions et les moyens d'intervenir, il ne s'ensuit pas que l'empereur ait concentré en lui et autour de lui tous les organes de la vie publique. Bien au contraire, il les a éloignés de sa résidence, il les a disséminés dans les provinces, il a rapproché gouvernants et gouvernés. Que le prince réside à Milan ou à Constantinople, un plaid air ou un prévenu rencontrera toujours à Arles ou à Trèves le juge sacré dont on ne pourra plus appeler : sous ce régime, saint Paul n'eût pas fait, pour être jugé, le voyage de Césarée à Rome : son affaire eût été vite réglée par un comte à Antioche ou un préfet à Byzance. Tout ce qui est matière grave de justice ou d'administration peut se traiter en Gaule et s'il s'agit de vétilles, il suffit pour en finir d'une semaine et de bonnes volontés car, dans n'importe quelle cité, tout Romain sait qu'il trouvera, à moins de cinq journées de marche de sa demeure, le tribunal d'un gouverneur et l'image d'un Auguste. Et au siècle suivant, même pour des questions décisives de gouvernement ou de guerre, il arrivera qu'un préfet du prétoire ou un maître de la milice dans les Gaules se passera de l'empereur, pour décider ou pour agir[125].

 

VI. — LE PRÉFET DU PRÉTOIRE DES GAULES.

C'est d'avoir créé ce préfet et ce maître, c'est d'avoir fait de la Gaule le ressort d'un vaste gouvernement, qui est la grande réforme du régime impérial au cours du quatrième siècle.

De ces deux chefs, le préfet du prétoire est, pour quelques temps encore, le personnage prééminent. Son autorité est en quelque sorte sublime et prestigieuse[126], le véritable rayonnement de la sainteté impériale. Si redoutable que soit la maîtrise de la milice, elle n'a pas la valeur morale du prétoire[127]. Constantin a sans doute enlevé à celui-ci le commandement des armées : il n'empêche que le préfet tient à sa merci et les troupes et leur général, car il a seul qualité pour leur fournir des vivres[128]. Il a d'ailleurs le droit d'accompagner l'empereur sur les théâtres de guerre, d'y conduire des corps d'arguée, d'assister aux conseils militaires et d'y donner un avis prépondérant[129].

Le préfet du prétoire, voilà donc, jusqu'au jour où e maître de la milice essaiera de lui faire pièce, voilà le vice-roi de la Gaule, le souverain de fait et de droit. Ce que Séjan a été pour tout l'Empire par un caprice de Tibère, Vincentius le sera dans les Gaules après la chute d'Arbogast, en vertu des lois les plus authentiques.

En fait et en droit, le préfet est noble parmi les plus nobles[130]. Il se recrute dans les rangs de la plus vieille aristocratie romaine ; et si par hasard la faveur impériale donne le titre à quelque homme nouveau, comme Gratien à son maître Ausone, ce préfet d'occasion fera souche de très grands seigneurs, de très hauts fonctionnaires et de très riches propriétaires : le fils d'Ausone sera préfet comme lui[131], et son petit-fils, Honorius, aura la plus belle fortune de toute l'Aquitaine[132].

Son pouvoir d'administrateur est à peu près illimité. Lorsque le jeune Julien fut envoyé en Gaule à titre de César, le préfet du prétoire des Gaules, nommé directement par Constance, lui fit comprendre qu'il était sinon son égal, du moins son tuteur[133]. Juge en appel et pour toutes causes, intendant des bâtiments, des vivres et des routes, chef de la police, contrôleur de la levée des impôts dont il examine le chiffre[134], il est à tout prendre l'héritier des Fonteius de la République romaine, et un héritier qui, cette fois, gouverne toute la Gaule, du Rhin aux Pyrénées. — Mais il faut ajouter aussitôt cette restriction, qu'aucune durée n'est assignée à son pouvoir, et qu'un mot de l'empereur peut le réduire à néant : contre la toute-puissance d'un préfet, la jalousie du prince pouvait être une excellente garantie.

 

VII. — TRÉSOR DES GAULES[135].

Le fisc lui-même, malgré des velléités d'indépendance, dans l'ombre et sous la tutelle du prétoire[136]. C'est aux appariteurs du préfet ou des gouverneurs ses subordonnés qu'est confié le soin de percevoir l'impôt et de poursuivre les retardataires[137] ; ce sont les décurions municipaux, plus ou moins inféodés à ces mêmes gouverneurs, qui sont chargés de la répartition[138] ; et c'est encore le préfet qui, suivant les circonstances, conseillera à l'Empereur une crue ou un dégrèvement[139].

Il ne reste au fisc[140] que la caisse et la comptabilité[141]. Mais comme il était passé maître en la matière, comme le service des rôles de taxe et des mandats de paiement fut admirablement tenu sous l'Empire, le Trésor public fournissait au prince le moyen de contrôler jusqu'aux moindres détails les actes des plus hauts fonctionnaires. Constance II, par exemple, ne s'en privait guère. Pour ôter au maître de l'armée Ursicin l'envie d'exploiter son succès dans l'affaire de l'usurpateur Silvain, il institua une enquête sur les paiements effectués par le Trésor des Gaules[142]. Quand il envoya Julien au delà des Alpes, il fit établir le compte minutieux de tout ce qui lui serait alloué pour ses dépenses personnelles, les frais de son administration et la solde de ses troupes, et ce même Trésor des Gaules refusait de payer un sou de plus[143].

Le Trésor des Gaules avait en effet sa vie et ses règles propres. Non qu'il jouit de l'indépendance car il relevait du ministre des finances impériales, qu'on appelait le comte des Largesses Sacrées, autrement dit le trésorier payeur général de l'Empire ; mais il avait acquis une certaine autonomie, en ce sens que les sommes perçues restaient dans ses caisses et servaient à payer les services du pays. L'excédent seul, s'il avait lieu, refluait au trésor central[144]. En matière de finances comme de gouvernement, on laissait plus de latitude aux administrations provinciales.

Celle du Trésor était répartie en deux bureaux, l'un à Trèves[145], l'autre à Vienne[146], chacun sous les ordres d'un rationalis ou chef comptable, lequel était, cela va sans dire, un haut fonctionnaire. Des caisses, générales étaient installées à Trèves, à Reims, à Lyon et à Arles[147] ; des ateliers monétaires, également à Trèves, à Arles et à Lyon[148].

En dehors de ces services., purement de caisse et de compte, fonctionnait le mécanisme des divers impôts, partagé entre lès répartiteurs municipaux et les collecteurs d'État.

 

VIII. — L'IMPÔT FONCIER[149].

C'était l'État, en vertu de son droit souverain, qui intervenait seul pour fixer la nature, la quotité et la modalité des différentes impositions. Nul autre que l'empereur, aidé des avis de son conseil et de son préfet[150], ne pouvait s'occuper de la matière. L'impôt, comme la justice, était toujours de vainqueur vaincu[151].

La contribution principale demeurait le tribut foncier de antique tradition provinciale, lequel portait sur la terre et ses revenus et sur ceux qui en profitaient[152]. Toutes les précautions étaient prises pour que rien n'échappât au fisc de ce qui touchait au sol, plantes, bêtes ou hommes. De temps en temps[153], ses agents procédaient à un minutieux recensement[154], arpentage des terrains[155] détermination des cultures, relevé des pieds de vignes ou des arbres fruitiers, évaluation des réserves de chais ou de greniers[156], dénombrement des animaux du cheptel et de l'élevage, des colons ou des esclaves de l'exploitation et des serviteurs de la maison, et l'on mettait même en ligne tous les membres des familles, femmes, enfants et vieillards[157]. C'était alors pitié de voir ces bandes d'arpenteurs, de greffiers, d'appariteurs[158], qui se répandaient dans les campagnes, bouleversant les habitudes, pénétrant dans les foyers, traquant et rabattant les êtres vivants, bêtes et humains, les parquant et les comptant dans les foirails comme deniers en sébile[159]. Jamais État au monde ne fit meilleur marché de la liberté et de la dignité humaines que l'Empire romain en ses journées d'inquisition fiscale.

C'étaient ces relevés de recensement, soigneusement gardés dans les archives, qui servaient à établir la part contributive de chaque imposé. Et à voir la précision avec laquelle étaient notés tous les détails d'une terre et de ses revenus, il semblait que le contribuable n'eût à payer que pour, ce qu'il possédait réellement. La minutie du recensement pouvait être une garantie d'exactitude et de justice.

Mais ces recensements avaient lieu à de grands intervalles ; leurs résultats, quels qu'ils fussent, étaient acquis pour de nombreuses années, quinze d'ordinaire, et, durant ces quinze ans jusqu'à la fin, il fallait coûte que coûte que le contribuable payât chaque année[160] suivant la valeur qu'on avait donnée à sa terre au début de ce long exercice[161]. Quinze ans, c'était un vaste espace de temps en ces périodes si troublées que traversait la Gaule. Il arriva souvent que l'on dut acquitter l'impôt pour des vignes que les insectes avaient détruites, pour des emblavures que l'ennemi avait réduites à l'état de landes, pour des serviteurs qui étaient morts ou devenus infirmes. Les terres changeaient de nature, les esclaves perdaient leur prix, plus vite que ne revenait l'année d'une indiction nouvelle. Et si la ruine s'abattait sur une province au lendemain d'un recensement, elle n'en subissait pas moins, pendant trois lustres, les ordres inéluctables du fisc, tyrannie étayée sur le mensonge[162]. On avait bien la ressource de la pétition : mais j'imagine qu'en ce temps-là comme aujourd'hui, il était moins coûteux et pas commode de payer injustement que de réclamer justice.

Le recensement achevé, l'impôt foncier était établi par cité ; on fixait le nombre d'unités imposables (capita, juga) auquel on évaluait le sol et la population d'un ressort municipal. Sous Constantin, par exemple, la cité d'Autun ou des Éduens était fixée à 32.000 unités[163] ; et ce nombre datait d'un très ancien cadastre, bien antérieur aux misères de la Gaule, et Autun eut toutes les peines du monde, en exposant la détresse de ses terres, à le faire réduire d'un cinquième, à 25.000[164]. L'étendue de ces unités variait, naturellement, suivant l'espèce des cultures : un territoire boisé représentait beaucoup moins d'éléments, de têtes d'impôt, comme l'on disait[165], qu'une surface cultivée de même espace, et un arpent de vignes, comptait pour autant d'éléments d'unité que quatre arpents d'excellent labour[166]. En moyenne ou en principe, l'unité ou la tête d'impôt était la portion du sol qu'un père de famille peut cultiver et qui suffit à le faire vivre, lui et les siens[167]. Chez les Éduens, 25.000 unités d'impôt supposent 25.000 parcelles de terre et peut-être 25.000 feux.

Toutes ces unités fiscales payaient chacune le même chiffre d'impôt, établi par année, en sous d'or, encore qu'on pu acquitter aussi bien en nature qu'en espèces[168]. Ce chiffre était fixé pour une période de recensement[169] : il fut par exemple de 5 sous d'or pour la Gaule au temps de Constant[170], à une époque, il est vrai, où le pays jouit d'une exceptionnelle prospérité ; mais à l'indiction qui suivit les malheurs de l'invasion alamanique, Julien obtint de l'abaisser à 7 sous[171]. Ce n'était d'ailleurs que le chiffre au principal car l'État se réservait le droit, s'il avait des besoins imprévus, de procéder à des levées complémentaires[172] ou, comme nous dirions de nos jours, à des centimes additionnels[173].

 

IX. — LA RESPONSABILITÉ FISCALE DES CITÉS.

Le tribut global de la cité une fois fixé, en têtes imposables et en sous d'or, les magistrats et les sénateurs de la commune en établissaient la répartition entre les propriétaires ou les domaines[174], et, pour cela, ils s'aidaient des tableaux du cens, et aussi, je l'imagine à leur honneur, de déclarations ou de réclamations plus récentes[175]. Quant à la levée elle-même, je rappelle qu'elle appartenait aux employés du gouverneur ou du préfet, mais j'ai peine à croire qu'ils ne se fissent point aider par des collecteurs municipaux[176].

En dernière analyse, c'est la cité, l'organe municipal, qui es et demeure l'être imposable et responsable. Elle doit livrer à l'État tant de sous d'or, ou leur valeur la cité d'Autun, par exemple, paiera 625.000 sous en 355, parce qu'elle est taxée à 25.000 têtes et que la tête, en Gaule, vaut alors 25 sous par an[177]. Tant pis pour Autun si les contribuables n'ont point fourni cette somme l'État ne connaît que la commune, et ses magistrats et ses décurions devront parfaire la somme avec les revenus de la ville ou par leurs propres deniers[178], quittes  à remettre aux pouvoirs publics, à fin de poursuites, la liste des mauvais payeurs[179]. — C'est donc toujours le même principe qui règle l'impôt foncier : la cité est traitée en vaincue, elle est condamnée à payer le tribut qui la rachète de l'esclavage. Toutes les misères de la vie municipale, dans les derniers temps de l'Empire, sont venues de cette servitude fiscale.

Par inconscience ou par faiblesse, l'État, qui accablait d'en haut la cité, la minait par en bas. — D'une part, il exempta de l'impôt foncier les biens publics[180], ceux du domaine des princes[181], ceux des sénateurs de Rome[182], ceux des Églises chrétiennes[183] : et je ne suis pas sûr qu'il ait toujours diminué, au prorata de ces immunités, le chiffre des unités payantes du territoire municipal[184]. — D'autre part, il exonéra de la solidarité fiscale, c'est-à-dire des charges du décurionat municipal[185], tantôt les soldats et les vétérans[186], tantôt les médecins et les professeurs[187], et ensuite les prêtres chrétiens[188], et même des artisans de tout genre[189] : et je suis sûr qu'on se garda bien d'alléger, en proportion de ces exemptions, le fardeau de la responsabilité financière qui pesait sur la commune[190]. — Ainsi, on maintenait toutes ses charges, et on lui enlevait en domaines et en individus les moyens de s'acquitter. Tout cela était sottise, incohérence et iniquité : car l'impôt foncier visait la terre comme terre de province ou d'Empire, et non pas comme domicile d'individus ; et la solidarité fiscale visait une cité tout entière, et tous ceux qui participaient à sa vie, quelle que fût leur profession ou leur qualité. A coup sûr, il y avait en ce tribut du sol et en cette responsabilité municipale la tare originelle de la défaite et de la conquête[191] : mais ce principe n'était pas plus déraisonnable que celui qui s'insinuait peu à peu dans les lois, de répartir les hommes, leurs fortunes et leurs charges suivant la qualité de leur naissance ou la nature de leur métier, sénateurs, soldats, professeurs ou prêtres. Et d'imposer les mêmes droits et les mêmes devoirs aux habitants d'une même cité, de faire au sol et de la demeure l'élément essentiel de la vie publique, cela valait autant et mieux, comportait moins d'injustices, provoquait moins de jalousies ou de haines, que le groupement des hommes en catégories fiscales et en classes sociales.

Ce fut donc la bataille, à propos de l'impôt foncier, entre le système municipal et le système des classes, entre les cités et l'État ; et cette bataille, qui datait des temps antonins, devait durer jusqu'à la fin de l'Empire avec des vicissitudes très diverses[192]. Tout compte fait, je crois que les curies, au moins en Gaule[193], ont été les plus fortes, et qu'elles ont su garder ou ramener leurs bourgeois et leurs contribuables. Les empereurs ont fini par comprendre que de la capacité financière des communes dépendait la force des caisses- publiques, que cette bourgeoisie de moyens propriétaires et de citadins laborieux était tout à la fois celle qui payait le mieux et celle qui travaillait le plus, la source essentielle de la richesse, de la discipline et de la paix. Ils promulguèrent plus de lois en faveur des municipes qu'ils n'en laissèrent échapper pour les affaiblir[194]. Le plus intelligent d'entre eux, Julien, renvoya assez brutalement aux curies tous ces déserteurs de l'impôt qui pullulèrent sous l'empereur Constance, prêtres, sénateurs, fonctionnaires, vétérans, métèques et autres, parasites de Dieu ou du prince, et qui, sous le prétexte d'être serviteurs de l'Église ou de l'Empire, se refusaient â servir la petite patrie d'une cité municipale[195]. Ammien Marcellin, le biographe et l'admirateur de Julien, lui en fit un vif reproche : mais c'était un ancien officier, qui aurait pu pâtir de la mesure, et qui peut-être ne comprenait pas les arcanes de la fiscalité publique[196].

 

X. — IMPOTS SECONDAIRES.

Le tribut ne visant que la propriété foncière municipale, le fisc recourait, pour atteindre les autres sources de revenus, des impôts de classe ou de profession. C'étaient la contribution dite de la bourse (follis) ou de la glèbe (gleba), sur les terres ou la fortune des sénateurs romains[197], lesquels, du reste, habitaient en grand nombre dans les provinces ; le chrysargyre, ou impôt de l'or et de l'argent, qui frappait les industriels et les commerçants[198] ; la capitation de la plèbe, ou tribut personnel, à laquelle était soumise la tête ou la personne de tout citoyen[199], celui-ci l'impôt par excellence des plus humbles, artisans où gagne-petit des villes[200] ou des campagnes[201], prolétaires de toute sorte, et, disait-on, mendiants eux-mêmes[202]. — On renonçait de plus en plus, semble-t-il, aux taxes qui concernaient directement les choses sans égard à la condition du contribuable : et c'est ainsi qu'avaient disparu les droits de circulation ou douanes intérieures[203] les impôts d'État sur les successions, sur les affranchissements, et peut-être même sur les ventés de marchandises et d'esclaves[204]. Il ne restait plus guère, de cette espèce, que les douanes de sortie ou d'entrée aux frontières de l'Empire[205] et encore est-il probable qu'elles comportaient bien d'exonérations en faveur de privilégiés de tout genre.

Enfin, l'Empire romain avait porté à un rare degré de perfection et d'exigence le système des réquisitions[206], qui pesait durement sur les propriétaires, du moins sur ceux qui n'échappaient point par quelque prérogative de classe c'étaient pour eux, le plus souvent à l'improviste, la nécessité de livrer du blé ou du fourrage, des chevaux ou du bétail, du bois ou des pierres, même des vêtements ou des matières précieuses[207], et, en outre, les prestations de main-d'œuvre[208], les obligations de transport ou d'entretien des routes, la charge, grandissant sans cesse, de loger soldats ou fonctionnaires[209]. En droit, on faisait peut-être entrer la valeur de ces fournitures dans le compte de l'impôt foncier, normal ou additionnel[210] : en fait, les officiers de l'empereur en agissaient souvent à leur guise, et un ordre de réquisition publique ressemblait à un bon coup de pillards germaniques[211]. — C'était encore la terre qui était la plus atteinte et la plus frappée par ces brigandages officiels. Des sources de la richesse, elle était la seule qui n'avait point la chance de glisser et de s'évader entre les mains des collecteurs de taxes. Toutes les clameurs que, depuis Dioclétien, nous entendons sur l'impôt, toutes les poursuites ou toutes les remises d'arriérés, concernent la terre ; et les injures contre le fisc viennent de colères rurales.

L'historien enregistrera d'ailleurs ces plaintes et ces cris sans y ajouter une foi absolue. Il fera la part des exagérations habituelles aux terriens de-tous les temps, paysans ou propriétaires[212]. Le fisc a dû certainement gêner ceux du quatrième siècle ; mais il ne les a pas empêchés de travailler et de s'enrichir[213], ni de relever la terre gauloise de la misère où l'avaient plongée les malheurs du siècle antérieur.

 

XI. — LE DOMAINE[214].

C'est encore la terre que nous retrouvons au premier plan dans une autre administration impériale, celle de la Chose Privée, autrement dit du Domaine ou de la Cassette[215] ; et cette administration, au même titre que celle des finances d'État, avait un comte pour ministre[216] et, pour directeurs provinciaux, des intendants à Trèves[217], à Vienne[218] et à Besançon[219].

Le Domaine, c'étaient avant tout des biens-fonds innombrables, villas, foras, mines, carrières, sols de culture ou terres d'élevage, répartis par toutes les provinces de l'Empire, hérités, légués, acquis, confisqués, ou annexés pour cause de déshérence. Chaque génération en apportait de nouvelles à la gestion des hommes d'affaires du prince ; et je pense qu'ils mettaient leur amour-propre et qu'ils avaient leur intérêt à grossir les millions d'arpents confiés à leurs soins : incursions de Barbares, guerres civiles, causes criminelles, fraudes fiscales, usurpations de prétendants, changements de religion[220] et même procès d'hérésie, toute misère humaine finissait sur un accroissement du domaine princier[221]. La persécution des Priscillianistes a été pour Maxime l'occasion de richesses inespérées[222]. Un jour Constance, le fils de Constantin, s'imagina qu'un riche Aquitain regardait du côté de la pourpre : et l'empereur fit aussitôt transférer les biens du maladroit sur les rôles des terres de César[223]. Les écrivains du temps reprochaient sans relâche aux sénateurs d'arrondir à tout prix leur patrimoine, aux dépens de leur voisinage et au mépris de toute justice : mais c'était le souverain qui leur donnait l'exemple.

Faute de documents, nous ne pouvons nous faire une idée précise de ce qu'était devenue en Gaule sa fortune de propriétaire foncier. Mais il faut la supposer considérable, l'évaluer par centaines de milliers ou plutôt par millions d'hectares. Dans un ou deux siècles, les rois Mérovingiens posséderont presque tous les grands domaines voisins de la ville de Paris par exemple, Issy et ses dépendances, qui allait de la rue Saint-Jacques au ruisseau de Sèvres[224], Gentilly, qui s'étendait des deux côtés de la Bièvre jusqu'au delà de Cachan, Clichy, qui embrassait toute la plaine du nord-ouest depuis le bois de Boulogne jusqu'à la route de Saint-Denis[225]. Plusieurs de ces villas, sans doute, étaient pour les rois des acquisitions récentes ; mais à l'origine de leur fortune terrienne, de leur situation de propriétaires éminents, était l'héritage avaient reçu des empereurs romains[226].

 

XII. — MANUFACTURES, ENTREPÔTS[227] ET POSTE D'ÉTAT.

Ces empereurs ne se contentaient pas d'être partout d grands propriétaires : ils ont également fait concurrence aux particuliers ou aux corporations en matière d'industrie et commerce ; ils sont devenus manufacturiers, entrepositaires, voituriers et même tenanciers d'hôtels.

L'administration financière avait dans son ressort un assez grand nombre de manufactures, destinées à approvisionner d'armes et de vêtements le palais et les armées. C'était une règle à peu prés absolue, pour ce genre de fournitures, d'éviter le recours à l'industrie privée la crainte de la révolte et de l'usurpation étant alors, chez un empereur, le commencement de toute sagesse, il ne pouvait permettre qu'à des hommes à lui de fabriquer des armes, de tisser des costumes de cérémonie, et, surtout, de préparer la pourpre réservée à la divinité impériale. Et c'est à cause de cela que le comte des Largesses a sous ses ordres, dans la Gaule, au moins dix grand ateliers pour la confection des habits de cour[228] et les deux teintureries de pourpre de Toulon et de Narbonne[229] ; que le comte du Domaine dirige, toujours en Gaule, d'autres fabriques d'étoffes de luxe[230] ; que le maître des Offices commande, en ce pays encore, à huit manufactures d'armes, non seulement au voisinage de la frontière[231], mais au centre du territoire, à portée des gisements de matières premières, à Autun[232], Mâcon[233] et Argenton[234]. Mais bien plus nombreux que les manufactures d'État, s'élevaient les entrepôts et caravansérails publics ; et il faut insister sur les uns et les autres, si l'on veut connaître quelques-uns des traits les plus singuliers et du régime impérial et du sol de la Gaule romaine. L'État tendait de plus en plus à ressembler à une formidable métairie : la moitié de ses revenus provenait des terres du prince ; une bonne partie de ses impôts lui était livrée en nature ; il payait ses fonctionnaires, et même ses professeurs, en bons de pain ou de blé ou en sommes équivalentes à des rations de nourritures ; s'il faisait voyager à ses frais ses troupes ou ses agents, il se chargeait de les nourrir aussi bien que de les transporter[235] ; lorsque Constance convoquait les évêques à un concile, il leur offrait, outre la voiture, le logis et le couvert[236]. Pour héberger tout ce monde, pour abriter toutes ces provisions et tous ces véhicules, on avait bâti en pleine campagne, aux gîtes d'étapes ou aux lieux de relais sur les grandes routes militaires[237], d'énormes édifices[238] qui tenaient tout à la fois du magasin, de l'hôtellerie, de la caserne et du bureau de poste. Ici, c'étaient les écuries et les remises ; là les caves et les greniers[239] ; ailleurs, les dortoirs ou les chambres pour les hôtes de passage. Un personnel nombreux y était attaché, postillons, voituriers, domestiques, magasiniers, et sans doute soldats de garde[240] et police de sûreté, sous les ordres d'un maître de poste ou d'un prévôt des magasins[241], lequel n'était pas un médiocre personnage[242]. La plupart de ces constructions avaient fini par devenir, à cause de l'insécurité des routes, de véritables châteaux forts, entourés de murailles, et qui gardaient les chemins de l'État aux points les plus utiles une voie d'Empire, au quatrième siècle, ressemblait un peu à une ligne de frontière[243]. Cela n'empêchait pas qu'on ne pût trouver dans quelques-unes de ces auberges publiques tout le confort désirable de hauts fonctionnaires s'y arrêtaient souvent[244] et il fallait même prévoir qu'elles recevraient l'empereur[245], et que, du fait de son arrivée, l'hôtellerie devint palais[246]. Aussi prenait-elle souvent l'allure d'une basilique, d'une bourse de commerce ou d'une chambre de justice[247] ; le gouverneur y descendait[248], et il y tenait ses plaids, auxquels accouraient les gens de la campagne voisine[249]. Dans un endroit réservé de l'édifice, on conservait les étalons des poids et mesures[250]. C'étaient, au beau milieu des terres, souvent en des endroits fort sauvages[251], de petits centres de vie et de bruit[252], des embryons de bourgades ; et plus d'un très gros village, dans la France d'aujourd'hui, n'est autre que l'héritier d'un caravansérail d'empereur romain[253].

L'organisation de ces magasins et de ces auberges était sans doute rattachée à celle de la poste, laquelle était le plus important peut-être des services administratifs, et, pour cela, placée sous le contrôle permanent du préfet du prétoire[254]. Elle fut d'ailleurs tenue à la perfection, et, dans une certaine mesure, c'est elle, plus même que l'armée, qui prolongea la vie de l'Empire romain. Assurément, elle pouvait fort souffrir durant les crises qui désolaient le monde. Mais le premier acte qui marquait le rétablissement de l'ordre, était le retour des maîtres et des équipages de poste en ces centaines de relais et de stations qui s'alignaient sur les routes de la Gaule[255]. On eût dit que la puissance du prince et la marche générale de l'État étaient liées à cette chaîne de chemins et à ce mouvement de bêtes et d'hommes, comme la santé du corps et l'action de l'âme dépendent du va-et-vient du sang dans le réseau des veines et des artères. — Je ne parle que du prince et de l'État, parce que la poste n'appartenait qu'à l'empereur, et qu'elle ne pouvait transmettre que ses ordres et transporter que ses agents. Elle était, comme l'armée et la justice, le privilège du droit souverain. Des règlements rigoureux en fixaient l'usage : sans, une pièce authentique émanant des autorités impériales, nul ne pouvait l'utiliser[256]. Le jour où on concéda aux évêques des chevaux de l'État, ils purent se sentir devenir des fonctionnaires. Car on ne les employait que pour des personnages officiels ou des entreprises publiques, civiles ou militaires l'idée ne vint jamais à un empereur de faire servir la poste aux relations entre les hommes ou aux échanges de marchandises. En revanche, le cas échéant, elle était assez bien outillée pour voiturer une armée entière ; et, c'est par elle que Constance expédia ses troupes à la rencontre de celles de Julien[257]. C'est se tromper que de l'appeler un monopole d'État : elle était davantage encore, un organe de gouvernement.

 

XIII. — FONCTIONNAIRES ET BUREAUX.

Au réseau des routes qui portaient les ordres de l'empereur correspondait le réseau des fonctionnaires qui les exécutaient. Depuis qu'Auguste avait fondé le régime impérial, quatre siècles auparavant, le nombre des fonctionnaires s'était accru dans des proportions inimaginables. Le régime voulait la chose : le double système de la monarchie et du despotisme d'État ne pouvait traverser les âges qu'en se laissant encombrer, à chaque génération, par de nouveaux services et de nouveaux serviteurs ; et c'est pour le pouvoir absolu comme une manière de vivre et de durer, que de donner sans cesse naissance à des agents d'exécution, à des créatures qui viennent de lui et lui rapportent tout. L'Empire d'autrefois, a de certains égards, avait ressemblé une fédération de provinces, et la province à une fédération de cités la Gaule Chevelue, par exemple, groupait à Lyon les prêtres de ses soixante peuplades pour apporter leurs hommages à l'Autel de Rome et d'Auguste ; et ce système, qui faisait d'elle une ligue sacrée de tribus, continuait les plus anciens temps du monde méditerranéen, où la vie politique s'exprimait par les deux formes souveraines de la cité autonome et de l'alliance entre cités[258]. Mais peu à peu les choses ont changé ; et tout a disparu du système fédératif dans cette Gaule où cent quinze municipes, distribués entre dix-sept-provinces, relèvent directement du vice-roi au prétoire de Trèves. C'est le régime de l'État dans l'uniformité de ses cadres et la régularité de son mécanisme. Pour rendre sa police plus efficace, Aurélien et ses successeurs ont multiplié ces cadres et ces rouages : si dix-sept provinces et deux diocèses ont été découpés dans la Gaule, c'est afin d'augmenter en conséquence les employés et les services publics ; et si les faits continuent de cette manière, il est arriver, un jour où même chaque cité aura son délégué impérial et les bureaux de ce délégué, et où elle cessera d'être une société politique pour devenir un organisme d'État[259].

Ces bureaux d'Empire (officia) sont fort bien organisés, et suivant un modèle uniforme qu'il s'agisse de celui du préfet ou de ceux des gouverneurs, c'est la même répartition des services et la même hiérarchie, et une hiérarchie très sévère, entre les diverses classes d'employés[260]. A la tête est toujours un chef ou directeur, princeps[261] ; au-dessous de lui, en ordre descendant, sous-chef ou secrétaire principal[262], les comptables[263], archiviste ou chancelier[264], le teneur de livres[265] ; viennent ensuite, en quantité variable, les expéditionnaires, commis ou greffiers[266], titulaires ou auxiliaires[267] ; et enfin, tout en bas, la troupe nombreuse des appariteurs, huissiers ou sergents[268].

Ces employés des bureaux d'Empire, grands ou petits, formaient à eux seuls tout un monde, une véritable classe sociale[269], aux rangs pressés, à la masse solidaire. Le recrutement et l'avancement s'y faisaient avec rigueur et minutie, on y entrait le plus souvent en sortant de l'armée ou du palais, et les promotions y avaient lieu, suivant les cas, tantôt sur place, tantôt en changeant de service c'est ainsi que le maître général de la milice fournit leurs chefs de bureaux aux ducs et aux comtes des districts militaires[270], et que le vicaire du préfet demande le sien au maître des Offices d'Empire[271]. On s'arrangeait sans doute pour ne donner cette charge de chef, dans les provinces, qu'à des hommes de carrière, rompus au métier, qui avaient été subalternes du prétoire ou de l'état-major à Trèves ou Milan avant de devenir directeurs des services à Reims ou Mayence[272].

Ne disons pas que c'est nous occuper de détails secondaires et d'êtres anonymes. La vitalité, la stabilité de l'Empire, sont, pour une grande part, venues de ses bureaux, plus enracinés encore sur le sol de la terre que la sainteté d'un Auguste. Ce sont eux qui expliquent le maintien de l'équilibre et des traditions au travers des plus longues crises. C'est grâce à eux, au siècle suivant, que le pouvoir passera dans la Gaule, sans violentes secousses, des empereurs aux rois barbares[273]. On doit comparer leur action à celle des bureaux de l'Ancien Régime, dont héritèrent la Révolution et ses ministères ou ses départements, et qui, dans la plupart des circonstances, surent maintenir sans à-coup et sans hiatus le mécanisme de l'autorité publique. Le malheur est que, pour ces subalternes du pouvoir, je parie de ceux de l'Empire romain et de ceux de 1789, et je songe aussi à ceux de maintenant, — l'historien est court de faits et de noms. Il voit empereurs et ministres, qui ne font que passer et aussi que parler ; il ne voit pas directeurs et chefs de bureaux, qui dirigent les affaires et manœuvrent la vie courante. Ces anonymes, et ils le furent sans doute de leur vivant comme ils le sont dans les annales, ces anonymes étaient d'ordinaire les maîtres de la Gaule.

Il fallait en effet des bureaux au courant des affaires pour suppléer à l'inexpérience de certains chefs. Le choix et l'avancement des hauts fonctionnaires étaient en principe soumis à quelques règles : la préfecture, par exemple, était réservée à ceux qui avaient passé par les gouvernements de provinces et les secrétariats d'État[274] ; et l'on n'était entré dans cette carrière administrative qu'après avoir fait d'assez longues études dans les grandes écoles[275]. Mais ces études servaient plutôt à former les poètes et des rhéteurs que des administrateurs ou des juges ; et le bon plaisir du prince ne tenait point toujours compte des échelons de la hiérarchie[276]. Les meilleurs empereurs, ou du moins les plus instruits et les plus aimables, commettaient, en fait de nomination, d'étranges bévues. Julien tenait à ne choisir pour gouverneurs que de bons orateurs[277] : voilà qui est singulier, pour une époque où il n'y a ni parlement ni conseil, et où tout devrait se décider par la réflexion et l'acte. Le même Julien fera du rhéteur Mamertin, en une seule année, un comte des Largesses, un préfet du prétoire et un consul ; et Mamertin, tout en remerciant le prince, n'est pas loin de s'étonner de ses promotions comme d'un scandale[278]. Ausone, professeur à Bordeaux, est choisi par Valentinien pour faire l'éducation de Gratien ; et celui-ci, une fois empereur, témoigne sa gratitude envers son maître en lui confiant le prétoire des Gaules[279]. Le vieux rhéteur bordelais avait alors largement dépassé la soixantaine : on ne me persuadera jamais que cet excellent homme de lettres, durant les quarante ans où il avait enseigné Virgile et Cicéron, se soit jamais formé à diriger comme vice-roi les affaires de l'Occident[280]. Mais les bureaux de la préfecture étaient là pour parer à l'ignorance du maître, de même qu'aujourd'hui ceux d'un ministère remédient à l'incompétence de l'avocat ou du médecin qui leur sert de maître intermittent.

 

XIV. — COMMISSIONS ET POLICE EXTRAORDINAIRES.

Bureaux, intendants, gouverneurs et préfets formaient la partie stable et domiciliée des juges et fonctionnaires impériaux. Mais le prince se réservait le droit de leur soustraire certaines affaires ou de leur substituer des commissions extraordinaires, en envoyant sur place des juges ou des enquêteurs itinérants, munis de pouvoirs spéciaux et parfois d'une juridiction sans appel[281] : car c'était en quelque façon l'empereur lui-même qui, par l'organe de ses délégués exceptionnels, prenait la place de ses agents ordinaires.

C'est à une commission de ce genre que Maxime voulut confier l'affaire des Priscillianistes, non pas seulement pour l'enquête, mais aussi pour le jugement[282]. D'autres ont fonctionné après les révoltes ou les usurpations, par exemple de Magnence[283] et de Silvain[284]. Elles étaient confiées tantôt à un mandataire unique[285], tantôt à une manière de tribunal[286] ; et la mission partait avec une petite armée d'huissiers, d'agents de police et de garde-chiourme, dont le passage était marqué, disait-on, par des bruits de fer et des traces de sang[287]. Tout se courbait ou se cachait devant les enquêteurs d'Empire ; et l'on vit parfois, sous leurs menaces, les plus hauts fonctionnaires se résoudre au suicide[288]. Quand ils ne jugeaient pas par eux-mêmes, ils revenaient auprès de l'empereur, traînant après eux la chaîne lamentable de leurs prisonniers : et c'était alors, pour les populations de la Gaule, le plus douloureux des spectacles que ce sillage de pleurs et de cruautés laissé à travers les cités par les émissaires du souverain[289].

Qu'on ajoute enfin, pour comprendre le pouvoir de cet empereur et la terreur qu'il inspire, qu'on ajoute à ces fonctionnaires de siège ou d'occasion ces centaines d'agents qui chaque année sortaient des profondeurs redoutables du palais, et qui parcouraient et inspectaient sans relâche les routes, les villes et les campagnes de tout l'Empire : les uns, en mission régulière et visible, par exemple pour surveiller la poste[290] ; les autres, au contraire[291], en voyage caché, pour espionner les fonctionnaires et découvrir les complots ; d'autres encore, à titre de courriers porteurs d'ordres mystérieux, pour concentrer des troupes sans donner l'alarme ou se saisir à l'improviste d'un coupable de haut rang[292] : véritable essaim d'aides de camp, mobiles et débrouillards à l'extrême, toujours à l'affût des désordres, en commettant parfois pour leur propre compte, l'effroi de tous les provinciaux, tombant au milieu d'eux comme la foudre ou s'y glissant comme la peste[293].

 

XV. — DES GARANTIES PUBLIQUES.

Contre cette armée de fonctionnaires, encombrante, ruineuse et tyrannique, contre ce despotisme impérial, alternant entre hypocrisie et la cruauté, je ne vois plus de garanties légales.

Le grand conseil des Trois Gaules, la plus solennelle des assemblées de l'Empire après le sénat de Rome, a disparu dès la fin du troisième siècle[294]. Ce qui subsiste en fait de réunions de ce genre, ce sont de petits conciles de provinces, aux sessions rares et courtes, peut-être seulement d'une fois par an. Il leur est loisible, comme toujours, d'envoyer des délégués au prince pour lui offrir des présents et au besoin lui exposer des doléances. Mais si les cadeaux arrivent à destination, les plaintes sont rarement suivies d'effet : elles se perdent à travers les procédés d'atermoiement ou les escamotages habiles qui arrêtent toute justice au seuil du palais impérial[295]. Et c'est un jeu pour un gouverneur, accusé à Trèves par-devant le prince, que de trouver un ami ou un complice pour retourner l'accusation contre les délégués de la province[296].

Les curies municipales avaient, sur les conseils provinciaux, l'avantage de siéger sans interruption, de pouvoir suivre une affaire jusqu'au bout ; et pour leur inspirer courage et volonté, elles possédaient l'amour-propre et l'orgueil que leur donnaient l'antiquité de Jours villes, l'assistance des habitants, les traditions du patriotisme local[297]. Car même après quatre ou cinq siècles de despotisme romain, la vie communale, en Gaule, conserve son intensité et son prix. Une cité, telle qu'Autun, Trèves ou Bordeaux, demeure une puissance morale avec laquelle l'empereur lui-même doit compter. Elle n'a perdu ni son sénat de décurions, ni ses magistrats[298] ou ses employés, les uns et les autres toujours tirés de son propre sein. Comme autrefois la Plèbe romaine. avait son tribun, elle a maintenant son défenseur, qui a mission de la protéger contre l'arbitraire des grands, fonctionnaires d'Empire ou seigneurs terriens[299] Ses citoyens sont encore fiers de lui appartenir, d'y devenir curateurs[300] ou duumvirs[301], et ceux qui ont des lettres comparent au consulat de Rome leur plus haute magistrature municipale[302]. Elle a sans doute perdu bien des revenus du fait des misères récentes ou de la mainmorte ecclésiastique[303] ; mais d'autre part, ses dépenses se sont singulièrement réduites, depuis qu'elle a moins de jeux à célébrer[304], de monuments à bâtir[305], de temples à entretenir[306]. Et sa capitale, sa ville maîtresse, vient d'acquérir le droit de posséder ses remparts et ses tours, qui la rendent imprenable et qui remettent dans sa vie une sécurité plus grande et les allures guerrières des temps d'autrefois.

Aussi, durant le cours de ce siècle, il semble que les corps municipaux aient montré, à l'endroit du pouvoir impérial, d'étonnantes velléités d'indépendance, étrangères aux siècles précédents. Paris n'hésite pas à s'unir aux troupes pour proclamer Julien empereur ; Autun, après avoir refusé de reconnaître Tetricus, s'associe au complot qui donne la Gaule à Magnence ; mais Trèves, de son côté, peut-être par jalousie à l'endroit d'Autun, ferme ses portes à ce même Magnence et se choisit parmi ses habitants un défenseur qui la mettra en état de soutenir un siège. Une ville avait ou prenait le droit de porter directement à l'empereur ses plaintes ou ses désirs, sans passer par l'intermédiaire du gouverneur ou du préfet[307] Lorsque Constantin traversa Autun, sa première audience fut pour les chefs de la commune, et il les laissa exposer librement les misères de leur budget et les avanies du fisc[308] ; et quelques jours plus tard, quand il eut pris en faveur de la cité les mesures qu'elle avait souhaitées de lui[309], elle lui envoya son orateur favori qui le remercia en un langage plein de dignité même en face d'un empereur, Autun voulait qu'on rappelât les souvenirs de son Diviciac, protecteur de Jules César, et de ses Éduens, frères du peuple romain[310]. Car il n'était pas de noble cité[311] dans l'Empire qui n'eût, à côté de ses magistrats, son rhéteur attitré, porte-parole de ses désirs et évocateur de ses gloires. En Orient, Antioche avait Libanius[312], Cyrène Synésius, et en Gaule Autun eut Eumène et Bordeaux eut Ausone. A des heures de grand danger, ce sont les délégués des villes qui ont eu le mérite d'indiquer aux empereurs leur devoir et les remèdes : ceux de l'Orient ont invité Constance à maintenir Ursicin à la tête des armées[313] ; ceux de la Gaule ont conseillé à Valentinien de ne point s'éloigner du Rhin et de monter la garde à la frontière[314]. Et je ne sais rien de plus énergique et de plus franc, dans les dernières années de l'Empire, que les paroles d'un orateur municipal, Synésius de Cyrène, exposant devant Arcadius Auguste l'idéal nécessaire du citoyen et du prince, et lui répétant les deux formules qui seules sauveraient l'État, que tout citoyen prenne les armes, et que l'empereur quitte son palais et vive au milieu des troupes : un Romain doit être un soldat, un Auguste doit être un chef d'armée, — paroles décisives que n'ont trouvées ni les sénateurs de Rome ni les évêques des conciles, et qu'a su dire un rhéteur municipal.

Mais gardons-nous de croire à des réalités très fortes sous des apparences très nobles. Si la cité a des revenus autonomes, l'empereur en dispose parfois à son gré, et il fixe lui-même, par exemple, les traitements que la commune devra payer à ses maîtres d'écoles[315] ; et nous avons vu qu'au regard de l'État le municipe est surtout un organe de perception d'impôt, un ressort de solidarité fiscale. Si la ville a ses remparts, c'est le prince qui y met garnison, et les soldats n'y dépendent que de lui. Si le peuple élit son défenseur, le préfet du prétoire impérial a le droit de casser l'élection[316]. Si les orateurs de la ville parlent avec courage, c'est par politesse que l'empereur les écoute[317]. Et si la cité passe des paroles aux gestes, et qu'elle se risque à l'émeute, il a vite fait d'y ordonner le massacre des habitants, y compris sénateurs et magistrats[318]. A sa volonté, exprimée au besoin par la force militaire, une force civile ne peut faire contrepoids.

On pouvait espérer que ce contrepoids viendrait de la force religieuse quelque grande que fût la part de César, l'Église faisait plus grande la part de Dieu. Au-dessus du droit du prince, elle mettait le devoir du fidèle.

Quelques prêtres eurent le mérite de le proclamer devant les empereurs. Hilaire et Martin leur dénièrent le pouvoir d'imposer la foi par le glaive. Ambroise leur rappela que le prince était tenu de recevoir l'évêque seul à seul et de l'entretenir presque d'égal à égala. Martin, à Tours, protesta contre les violences d'un commissaire impérial et fit tomber les haines des accusés. Et si le patriotisme municipal va grandir d'année en année, c'est que les cités, à côté de leurs défenseurs, auront les tombes de leurs saints et les paroles de leurs évêques.

Mais, pour que les progrès de la foi et les conquêtes de l'Église apportent aux hommes plus de liberté, il faut que les empereurs comprennent les devoirs de cette foi et la majesté de cette Église ; et il faut aussi que les prêtres de cette Église comprennent la valeur sacrée de la liberté humaine et n'aient rien à demander au pouvoir des empereurs ou à la main de leurs soldats. Ceux qui, à Trèves, avaient assisté aux honteux et sanglants accords entre les évêques et l'empereur Maxime, étaient en droit de douter que la cité de Dieu garantirait un bonheur plus grand a la cité des hommes.

 

 

 



[1] Pour ce volume, cf. Samuel Dill, Roman Society in the fast century of the Western Empire, 1808, 2e éd., 1899 ; surtout Fustel de Coulanges, L'Invasion germanique et la Fin de l'Empire, 1891 (Histoire des institutions, [II]).

[2] Faute d'un manuel détaillé sur les institutions publiques du Bas Empire, on recourra surtout aux articles de la Real-Encyclopædie, 1894 et s. ; Le Droit public romain de P. Willems (éd. J. Willems, Louvain, 1910, p. 561 et s.), si résumé soit-il, demeure précieux par l'exactitude et l'abondance des renseignements.

[3] T. IV, ch. VI, § 1 et 2 ; t. VI, ch. I, § 13.

[4] Le Christianisme n'est absolument pour rien dans l'abandon de Rome.

[5] Lécrivain, Le Sénat romain depuis Dioclétien, 1888, en particulier p. 75 et s.

[6] Aurelius Victor, De Cæs., 37, 5 (écrit sous le second Constance) : Abhinc [depuis la mort de Tacite] militaris potentia convaluit, ac senatui imperium creandique jus principis ereptum usque ad nostram memoriam.

[7] Pædagogianus... spartanum canem ; Ammien, XXIX, 3, 3.

[8] Præpositus fabricæ oblato thorace... species ferrea ; Ammien, XXIX, 3, 4.

[9] Malgré l'autorité d'Ammien, son indignation à ce sujet (horrescit animus), la précision des détails (il donne le nom des deux ourses, Mica Aurea et Innocentia), je me demande s'il ne s'agit point là d'un propos de folklore (cf. Sébillot, Le Folklore de France, III, p. 60) ; Ammien, XXIX, 3, 9. Remarquez que Lactance attribue à Galère des ours et des crimes de ce genre ; De mortibus persecutorum, 21.

[10] Il est bien vrai que les sénateurs et hauts dignitaires (pour ne parler que d'eux) étaient exempts de la torture : mais on exceptait toujours le crime de lèse-majesté, excepta majestatis causa, in qua sola omnibus æqua condicio est (loi de 339, C. Th., IX, 35, 1 ; voyez le commentaire de Godefroy, III, p. 272, Ritter ; Ammien, XIX, 12, 17). Cf. Mommsen, Strafrecht, p. 407.

[11] Cf. l'inscription des Acta sacrorum sæcularium ; Dessau, II, p. 282 et s. ; Mommsen., Ges. Schr., VIII, p. 507 et s.

[12] A Thessalonique en 390 ; Théodore, Hist. ecclés., V, 17, P. Gr., LXXXII, c. 1232.

[13] Cf. Suétone, Caius, 30, 2.

[14] Théodoret, V, 17, ibid.

[15] Toutes les révolutions sont venues d'un ambitieux et de ceux qui ont spéculé sur son avènement ; et en outre, ce sont les meilleurs princes qui ont été renversés (Constant, Gratien, Valentinien II).

[16] Voyez l'insignifiance politique des assemblées provinciales.

[17] Je compare avec le temps d'Épictète.

[18] Voyez avec quelle déférence Ambroise parla d'abord à Eugène, qui pouvait cependant passer pour le complice du meurtrier de Valentinien : Clementia Tua imperii suscepti gubernacula (Epist., 57, § 6, Patr. Lat., XVI, c. 1176).

[19] De même Théodose par Gratien.

[20] Ducum consilio tribunorumque ; Aur. Victor, De Cæs., 39, 1.

[21] Aur. Victor, De Cæs., 39, 24. — Voyez les incertitudes de la désignation dans le système de la tétrarchie.

[22] Potestatum civilium militiæque redores ; Ammien, XXV, 1, 3. C'est un conseil de même espèce qui impose Valentinien II à Gratien.

[23] Cf. regalem illum sacrosanctumque vestitum ; Paneg., XII, 42.

[24] Veterator quidam, etc. L'amphitryon y perdit, non pas la vie, mais toute sa fortune, et peut-être, était-ce l'essentiel pour Constance ; Ammien, XVI, 8, 8.

[25] C'est cet usage de baiser la pourpre qui constitue proprement le geste de l'adoratio et qui remonte à Dioclétien : c'est ce geste et cette innovation que les Romains condamnaient comme extero ritu et more regio (Ammien, XV, 5, 18). — Le Christianisme n'y changea, rien ; cf. Beurlier, Le Culte impérial, 1801, p. 284 et s.

[26] Le Christianisme ne changea rien à l'esprit des gouvernés. Pacatus, dans son Panégyrique de Théodose, parle de celui-ci comme Virgile d'Octave, en tant que dieu (deum dedit Hispania quem videmus) ou associé de Dieu (cum Deo consorte) ; Pan., XII, 4 et 6. Pacatus, qui est un Gaulois, n'a peut-être de la foi chrétienne que quelques vagues formules mais il parle devant Théodose en une séance solennelle (389).

[27] Tamquam figmentum hominis ; Ammien, XVI, 10, 10 ; en 357.

[28] Entre mille textes : Lactance, De mort. pers., 18 ; Paneg., II, 4 ; XI, 17 ; XII, 8 ; Aur. Victor, De Cæs., 39, 48 ; Ammien, XX, 5, 3 (discours de Julien) ; etc. Les textes de lois réservent d'ordinaire de mot de respublica aux municipalités.

[29] Arc de Constantin à Rome ; Corp. inscr. Lat., VI, 1139 = Dessau, 694.

[30] Sur le prestige moral du sénat, Paneg., IX, 20 ; X, 35 ; XII, 1 ; Ammien, XVI, 10, 5 (asylum totius mundi).

[31] Senatus populusque Romanus ; Paneg., IX, 19 ; X, 30.

[32] Sur le prestige verbal ou cérémonial du consulat, voyez surtout le Panégyrique du second Mamertin (XI, sous Julien en 362), et celui d'Ausone (sous Gratien en 379).

[33] Paneg., II, 1 ; X, 6 ; Ammien ; XIV, 3, 3 (victura dum erunt homines Roma) ; XVI, 10, 13 (Romam imperii virtutumque omnium larem).

[34] Pour ce qui suit, voyez le commentaire de Godefroy, avec nombreux textes ; C. Th., II, p. 545-658, V, p. 391-393, Ritter.

[35] Venerandæ imagines, divini vultus ; Paneg., X, 12.

[36] Ubique vim vestræ divinitatis esse, ubi vultus vestri, ubi signa colerentur ; Paneg., V, 15. Neque enim pars ulla terrarum majestatis vestræ præsentia caret, etiam cum ipsi abesse videamini ; Paneg., III, 13. Qu'on se rappelle Julien accompagné en Gaule par l'image de Constance.

[37] Vignettes de la Notitia dignitatum (cf. Occ., 45) : les gouverneurs ont droit au livre d'honneur posé sur la table (mais ce livre ne porte pas le vultus), et au trépied avec images (les Augustes et leurs femmes ?).

[38] Livre sans vultus ; trépied avec images (Occ., 22).

[39] Ce qui suit et ce qui précède, d'après l'édition Seeck : il y a des différences dans l'édition Bœcking. — Le préfet a le livre avec vultus, encadré de quatre flambeaux allumés (sans doute comme vice sacra judicans), et, comme de juste, le trépied avec images (cf. Occ., 2). Livre avec vultus, mais point de trépied, chez les maîtres de la milice (Occ., 5), le magister officiorum et le comte du Domaine (Occ., 9 et 12). Livre sans vultus [sans doute par erreur], et toujours pas de trépied, chez le questeur, le comte des Largesses et les comtes de la Garde (Occ., 10, 11 et 43). Ceci, d'ailleurs, sous réserves des erreurs qu'ont pu commettre les copistes de la Notitia dans la reproduction des vignettes. — Les portraits sur tables étaient les images fixes, qui restaient en permanence dans le secretarium des magistrats et semblent réservées (sauf erreur) aux hauts fonctionnaires en résidence près de l'empereur. Les images sur trépieds devaient être portatives, et accompagner les magistrats dans leurs tournées. Et c'est sans doute pour cela que le trépied n'apparaît que chez les magistrats juges ou gouverneurs, préfets, vicaires et redores de provinces.

[40] Sur l'adoration de l'image de Constantin par les Chrétiens, voir le texte célèbre de Philostorge, Hist. ecclés., II, 17, P. Gr., LXV, c. 480 (p. 28, Bidez, 1913).

[41] De là peut-être, du moins à l'origine, le nom de Flavius emprunté par les empereurs (dès Magnence, Jovien et Valentinien) à la famille de Constance. Mais il est également très possible que dès Constantin le nom de Flavius n'ait plus eu de valeur souveraine, et n'ait plus été considéré que comme un prénom banal. Cf. Eckhel, Doctrina numorum veterum, VIII, p. 500-1.

[42] Lisez à ce sujet les belles paroles du Panégyrique de  307 (VI, 2) : Romana res olim diversis regentium moribus fatisque jactata tandem perpetuis domus vestræ radicibus convalescat.

[43] Voyez, lors de la désignation de Gratien comme Auguste, ce cri (sans doute officieux) d'un assistant Familia Gratiani hoc meretur [il s'agit du vieux Gratien, le père de Valentinien] ; Ammien, XXVII, 6, 14.

[44] Pour Maxime, Paneg., XII, 24 et s. ; le Panégyriste de Théodose (XII, 45) dira : Pertinet ad securitatem omnium sæculorum que Maxime ait subi un châtiment exemplaire. Ajoutez Carausius.

[45] Cf. Paneg., XII, 16. La multiplication des préfets du prétoire et la réduction de leur compétence sont sans doute les conséquences de cette politique. Le préfet n'est plus un premier ministre, mais un vice-roi régional.

[46] Cf. Ammien, en particulier, XXI, 16, 16 et 17.

[47] Cf. Tacite, Annales, IV, 41.

[48] Cf. Paneg., II, 11 : A vobis proficiscitur etiam quod per alios. adminisratur. A Arles, on communique à Constance la liste des condamnés (oblato de more elogio), pour qu'il puisse faire grâce ; Ammien, XIV, 5, 5.

[49] Ils ne sont pas loin, avec Arcadius et Honorius.

[50] Σέ δέ στρατεύειν τό βασιλεύειν, dira Synésius, De regno, § 3, Patr. Grœca, LXVI, c. 1060.

[51] Voyez le discours De regno, prononcé devant Arcadius par Synésius vers 397-8, et qui renferme peut-être les plus belles, plus franches et plus justes paroles qu'un Romain ait jamais adressées à son empereur ; en particulier § 3, 9, 10, 11, 14 (P. Gr., LXVI, c. 1060, 1073, 1076, 1080-1081, 1089), où il revient sur ce thème, qu'il est honteux pour un empereur de se cacher dans le palais, tandis que les soldats combattent (cf. n. précédente). Et c'est à Synésius qu'il faut s'adresser pour avoir les sensations les plus nettes et les plus exactes de la vie et des dangers de l'Empire après la mort de Théodose.

[52] En particulier pour l'Occident (Zosime, V, 1, 1).

[53] Il se manifeste dès le temps de Claude II. De là sans doute, le prestige du nom de cet empereur.

[54] Voy. le discours de Synésius, De regno, § 3.

[55] Paneg., VIII, 3 ; IX, 6 et 15 ; etc.

[56] Paneg., XII, 19 et 46.

[57] Paneg., XII, 8 et 9 ; VI, 13 ; IX, 15.

[58] Turpissimum imperatorem, Festus, Breviarium, 20, Fœrster ; cf. Ausone, Gratiarum actio, 7, 31. Et aussi le nom de Domitien, et, mais moins nettement, ceux de Caligula et de Commode (Hist. Aug., Marc-Aurèle, 28, 1-0 ; Commode, 19, 2 ; Ammien, XXI,16, 8). Le souvenir des persécutions acheva la condamnation historique de Néron et de Domitien ; voyez en particulier Sulpice Sévère, Chron., II, 28, 1 et s. ; II, 31 ; Hilaire, Contra Constantium, § 11, Patr. Lat., X, c. 588 ; Orose, Hist., VII, 7 et s. ; VII, 10 et s. ; etc.

[59] La source essentielle, pour toute étude sur l'administration civile et militaire de l'Empire sous Théodose et ses fils, est la Notitia dignitatum ou liste des dignités, fonctions et armées ; dans l'ensemble, le document doit être placé vers 400-404. (voyez les remarques de Bœcking, Ueber die Notitia, Bonn, 1834, p. 120-121), mais il peut y avoir des arrangements de détail postérieurs ; on verra aussi que ce document offre d'étranges lacunes ; et ce n'est qu'un extrait à usage pratique ou même scolaire, et nullement l'almanach officiel lui-même, lequel devait sans doute, à côté des titres, renfermer les noms des titulaires (cf. Notitia, Occid., 16). Les contradictions ou lacunes peuvent provenir en particulier de ce que le rédacteur a tantôt copié l'état théorique des fonctions, tantôt s'est conformé à la situation actuelle. Bury vient de retarder de plus d'un quart de siècle la rédaction de la Notitia (The Journal of Roman Studies, X, 1920, p. 131 et s.) ; voyez la réponse de F. Lot, Rev. des Ét. anc., 1923, p. 56. — La Notitia n'est autre que le laterculum majus rédigé par le chef des notarii. Mais il y avait à côté de cela, tenu à jour originellement par le questeur, un laterculum minus, qui était la liste des corps de troupes, et peut-être pas de, tous (C. Th., I, 8, Mommsen). Je ne vois pas d'explication plausible à cette différence, qui d'ailleurs ne se présente pas explicitement en Occident, mais elle a pu aussi y exister (cf. Not., Occ., 16, vignette), et le laterculum minus a pu y comprendre en particulier les præposituræ militaires relevant directement du maître général de la milice. — L'édition Seeck, 1876, n'a pas remplacé, même pour le texte, la grande édition, avec commentaires, de Bœcking, 1839-1853.

[60] L'exemple de Julien est typique à cet égard.

[61] Consistorium. Il n'en est pas question dans la Notitia. — Au Conseil il faut rattacher le questeur, questor, qui s'occupe de la rédaction des lois et de la réponse aux suppliques (Occ., 10).

[62] Possible plutôt que certain. En tout cas, c'est en séance du Conseil que l'empereur reçoit ambassades et délégations.

[63] Not. dign., Occ., 9.

[64] Scrinia memoria, dispositionum (service des étapes impériales), epistolarum, libellorum ; Occ., 9, 10-13. — Ajoutez les cancellari et les ammissionales (huissiers et audienciers ; 9, 14-15).

[65] Schola agentum in rebus ; Occ., 9, 9.

[66] Cf. Ammien, XXII, 4.

[67] Præpositus sacri cubiculi (Occ., 1, 8) ; et à côté de lui, sans doute à l'origine sous sa dépendance (cf. Godefroy, IV, p. 149), l'intendant du palais, castrensis sacri palatii, destiné à devenir un très haut personnage (Occ., 15).

[68] La Notitia (Occ., 13) indique deux comtes en Occident, l'un pour les equites, l'autre pour les pedites. Je ne crois pas que ce fût une règle fixe : en tout cas, je ne vois pas trace de ce dédoublement avant ce texte.

[69] D'ailleurs intimement liés aux services précédents, en particulier aux services des secrétariats, du maître des Offices ou du questeur.

[70] Comes sacrarum largitionum ; Occ., 11. C'est ce qu'on appelle maintenant l'ærarium ou trésor public, encore qu'on puisse trouver fiscus comme synonyme. Mais fiscus désigne officiellement la res privata du prince (n. suivante) ; Code Théod., X, 1, De jure fisci.

[71] Comes rerum privatarum ; Occ., 12. Paulin de Pella, le petit-fils d'Ausone, qui a exercé cette fonction en 414 pour le compte de l'usurpateur Attale, l'appelle comitivam privatæ largitionis (Euchar., 295). C'est le fiscus des textes de lois.

[72] Primicerius notariorum (tient à jour la liste du personnel civil et militaire) ; les trois magistri scriniorum, memoriæ (correspondance administrative), epistolarum (députations), libellorum (correspondance judiciaire) ; Occid., 16 et 17. — Les notarii jouent souvent un rôle important, et toujours de confiance, dans les affaires de l'administration provinciale ; ce sont, en des cas urgents, des agents spéciaux de surveillance ou d'exécution. C'est à un notarius que Julien confie le soin de surveiller le port de Boulogne en 360 (Ammien, XX, 9, 9) ; ce sont eux qui contrôlent, dans la Gaule de Julien, les statistiques municipales (Zosime, III, 4, 11-12) ; c'est le notaire Gaudentius qui est chargé par Constance de surveiller les actes de Julien en Gaule (Ammien, XVII, 9, 7 ; XXI, 7, 2) ; c'est au notaire Decentius que Constance confie la mission d'aller chercher les soldats demandés à Julien (Ammien, XX, 4, 2) ; missions judiciaires ; etc. Tout cela a été bien vu par Godefroy, II, p. 88, Ritter.

[73] Il y eut d'ailleurs des combinaisons variées ; par exemple au temps de Julien César en Gaule il a un magister officiorum (Ammien, XX, 8, 19), un præpositus cubiculi (id.) et un comes Domesticorum (XX, 4, 21), mais je crois qu'il dépend du comes largitionum de Constance (Ammien, XXII, 3, 7 ; XX, 11, 5).

[74] En principe cependant, le préfet du prétoire est inséparable, comme ressort, de celui de l'empereur, et même, lorsque, en fait, Constantin eut créé pour la préfecture des ressorts territoriaux distincts, on continua à dire præfectus prætorio sans indication de district (cf. Code Théod., éd. Mommsen, p. CLXVI) ; ce n'est que sous Valentinien qu'apparaît l'indication Galliarum dans les textes des lois (id., p. CLXXVIII) ou les inscriptions (Dessau, III, p. 390). Remarquez qu'Ausone, encore en 379, se sert de l'expression præfecturæ collegium (Actio grat., 2, 7). — Pour la milice, de même, les titres de magister militum ou peditum ou equitum n'ont longtemps impliqué en principe (mais non en fait) aucun ressort territorial, et ce n'est qu'à la fin du ive siècle que je trouve dans le Code une mention de district, et cela encore sous la forme per [Gallias] (id., p. CLXXXVI), et non, comme pour le préfet, Galliarum (n. suivante).

[75] Præfectus prætorio Galliarum ; Occ., 3.

[76] En supposant que le vicarius Britanniarum (Occ., 23 ; 3, 4) réside à Londres (Ammien., XX, 1, 3 ; XXVIII, 3, 1) plutôt qu'à York.

[77] En supposant que ce soit la résidence du vicarius Hispaniæ ou Hispaniarum (Occ., 21 ; 3, 2 ; C. Théod., III, 5, 6). La Tingitane est rattachée à ce vicariat et par suite au prétoire des Gaules.

[78] Il m'a semblé, d'après les textes historiques, que Constantin n'a créé qu'un maître supérieur de la milice, avec le titre de magister peditum (equitum et peditum) ; que lui, ou Constance, ont constitué au-dessous de lui des magistri equitum, mais en très petit nombre, deux ou trois tout au plus ; qu'en fait, malgré la prééminence honorifique du magister peditum, celui-ci et les magistri equitum se sont dès lors partagé les armées et les grands districts de frontière ; qu'ainsi la Gaule (avec ses annexes) a toujours servi de ressort à un magister, en principe à un magister equitum, et toujours à un maître de ce nom lorsque l'empereur ne réside pas à Trèves, le magister peditum étant essentiellement præsentalis, c'est-à-dire présent au palais et en principe contrôleur général de l'armée. Il est possible que dans certains cas un magister equitum ait reçu le titre plus honorifique de magister armorum. On trouve aussi, pour la maîtrise supérieure, dans des cas difficiles à distinguer, l'appellation de magister militum, magister utriusque militiæ : il est d'ailleurs fort possible qu'il n'y ait là que des expressions purement littéraires, le titre officiel de cette maîtrise d'ensemble paraissant avoir été magister equitum [en premier] et peditum (cf. Code Théod., p. CLXXXV-VI ; Dessau, III, p. 491). — Théodose a certainement augmenté ces maîtrises, mais moins que ne le laisse entendre Zosime (IV, 27, 2-3). En Occident, la Notitia donne alors deux magistri in præsenti ou præsentales, l'un peditum, l'autre equitum (Occ. ,5 et 6), et un magister equitum Galliarum [forme incorrecte ?] ou per Gallias (7, 63, 111 et 166 ; 1, 7), lequel est évidemment le chef de tolite l'armée des Gaules (si ce n'est que les troupes ou præposituræ de police intérieure, en particulier flottilles fluviales, Lètes et Sarmates, semblent placées sous l'autorité directe du magister peditum præsentalis ; Not., Occ., 42). — Il est probable que le maître de la milice en Gaule avait une réelle autorité sur les autres chefs militaires que la Notitia indique en Occident : le comes de l'intérieur de la Bretagne (comes Britanniæ), celui de sa défense maritime (comes littoris Saxonici per Britannicus), le dux de sa frontière de terre (dux Britanniarum), le comes Hispaniarum (Occ., 7, 118) et le comes Tingitaniæ. Pour son autorité sur la Bretagne, Ammien, XX, 1, 2 ; XXVII, 8, 3. — Sur la question des maîtres de la milice, voir Boak dans Harvard Studies in classical Philology, XXVI, 1915, p. 117 et s.

[79] Il est possible que le maître de la milice ait résidé à Reims.

[80] Si le maître de la milice réside à côté du préfet.

[81] Très certainement depuis Dioclétien ; Lactance, De m. p., I, § 4 ; liste de Vérone, § 8 et 9 (date de ce règne, sans doute vers 297, sous réserves d'interpolations possibles ; édit. Seeck à la suite de la Notitia, p. 247).

[82] Diocensis Galliarum habet provincias numero VIII (liste de Vérone, § 8) : les deux Germanies, les deux Belgiques, les deux Lyonnaises, la Séquanie et la province des Alpes Grées et Pennines.

[83] Diocensis Viennensis habet provincias numero VII (id., § 9) : Viennoise, les deux Narbonnaises, les deux Aquitaines, la Novempopulanie, les Alpes Maritimes. — L'expression de Viennensis n'est pas restée pour ce diocèse, à cause du nom similaire de la province de Vienne. A la place, nous trouvons l'expression de Septem Provinciæ, peut-être dès 396, si la suscription des Actes du concile de Nîmes est authentique (episcopis per Gallias et Septem Provincias ; Héfélé-Leclercq, II, I, p. 92), en tout cas à partir de 400 (Code Théod., I, 15, 15 ; Not., Occ., 1, 28 ; 3, 3 ; 22 ; Not. Gall., 11 ; Corp. inscr., VI, 1678 ; etc.), et toujours dans l'ordre administratif vicaire du préfet). — Mais à côté de cette expression, nous trouvons avant cette date celle de Quinque Provinciæ, également dans l'ordre administratif (Corpus, VI, 1729, sous Constance ; loi de 399, XVI, 10, 15 ; concile de Valence en 374, Mansi, III, c. 491 ; lettre de Maxime à Sirice en 385, Patr. Lat., XIII, c. 592 ; Symmaque, vers 396-397, Epist., IV, 30., p. 108, Seeck ; concile de Turin de 401, Babut, p. 223) ; et nous la retrouvons dans la Notitia, vers 400, appliquée à un district financier (Occ., 11, 18 ; 12, 14). De toutes manières, il s'agit du Midi de la Gaule. On peut supposer trois choses pour expliquer ce chiffre de V et la contradiction avec celui de VII : 1° ou que ces 7 provinces auront été regroupées en 5 après 297 (suppression de la Seconde Narbonnaise ? transfert à l'Italie des Alpes Maritimes ?), pendant un temps assez long pour que le chiffre de V ait pu se fixer ; 2° ou que, malgré le nombre de 7 provinces, on aura dit V Provinciæ en souvenir du temps où ni l'Aquitaine ni la Narbonnaise n'étaient point encore dédoublées, et que ce dédoublement doit se placer bien après 297, la liste de Vérone, qu'on attribue à cette date, pouvant être interpolée ; 3° ou encore qu'après cette date de 297 deux provinces (par exemple les Aquitaines ?) auront été rattachées au reste de la Gaule. De toutes manières, la dénomination administrative de VII Provinciæ, lorsqu'on l'aura introduite, ne se sera pas appliquée à l'ordre financier, soit que deux provinces aient été laissées au ressort des Gaules en matière fiscale, soit qu'elles soient restées au ressort financier des V sans que celui-ci ait changé son nom. — Il semble que les écrivains aient parfois employé Aquitania dans le même sens que V ou même VII Provinciæ : comparez au texte de la lettre de Maxime à Sirice (P. L., XIII, c. 592) celui de sa lettre à Valentinien II (id., c. 592) ; et voyez Filastre, Div. hœr. liber, § 56, p. 45, Marx, et la Vie de sainte Mélanie. C'est ce diocèse que signifie Jérôme (Epist., 75, § 3, P. L., XII, c. 687), eas partes per quas Rhadanus et Garumna fluunt. — Sur ce problème, qui a agité les anciens érudits, Godefroy, VI ; p. 31.3 et s. Bœcking, Occ., p. 470 et s.

[84] Ce fait d'administration directe d'un district par un très haut personnage, n'est point rare dans l'Empire : il semble bien qu'au temps de la Notitia le préfet ou son vicaire administrât directement la Belgica Prima ou province de Trèves (Occ., 22, 26, où manque dans les manuscrits le consularis de cette province [il se trouve dans le répertoire initial ; 1, 73], que les éditeurs ont eu le tort d'y rétablir). De même, Julien comme César obtint de Florentius, le préfet du prétoire des Gaules, la dispositio de la Secunda Belgica (Ammien, XVII, 3, 6) ; et il est possible que Florentius, lui, eût l'administration directe de la Prima Belgica. Cela évitait des concurrences d'autorité, à la manière dont le préfet d'aujourd'hui n'a pas de sous-préfet dans son arrondissement. Il faudrait revoir à ce point de vue la fameuse question de l'administratio de la Secunda Belgica confiée à Clovis (lettre de saint Remi, dom Bouquet, IV, p. 51 ; correction de Buillard-Bréholles, dans Acad. des Inscr., C. r., 1870, p. 283).

[85] Cela ressort de l'absence régulière d'un vicarius pour le diocèse des Gaules. Mais inversement, le vicaire de Vienne ou des Sept Provinces, dans la Notitia remplace le préfet pour toutes les 17 provinces de Gaule (Occ., 22).

[86] Plutôt qu'à Arles. Le rôle de Vienne, comme résidence de chef du prétoire, résulte encore du fait que Florentius s'y installe sous Julien.

[87] L'empereur nommait tous les judices, y compris les gouverneurs, quel que fût leur rang.

[88] Chiffre de la Notitia dignitatum (Occ., 22), qui correspond à celui de la Notitia Galliarum, en principe contemporaine (édit. Mommsen dans les Chronica minora des Monumenta Germaniæ, I, 1892), mais surtout à caractère religieux, sinon peut-être à l'origine, du moins dans ses transmissions successives. La liste de Vérone, sous Dioclétien, ne donne que 15 provinces : car il n'y avait alors que deux Lyonnaises au lieu de quatre. La liste dite de Polémius Silvius (édit. Mommsen, ibid., p. 537-8), dont il est difficile de fixer la date, semble accepter le chiffre de 17. Mais Ammien, qui termine son ouvrage en 378, dans le tableau qu'il fait de la Gaule en355, ne connaît que deux Lyonnaises et une Aquitaine, il semble ne parler que d'une Narbonnaise, il ne cite pas Aix, métropole de la Seconde ; et il ne mentionne pas (sans doute par mégarde) les Alpes Maritimes., soit, pour lui, de 12 à 14 provinces (XV, 11, 11-14 ; XVIII, 1, 4 ; XXII, 1, 2) ; de même, dans le De Synodis, écrit en 358, il n'est question que d'une Narbonnaise et mémo que d'une Aquitaine [mais ici il y a incertitude dans les manuscrits ; l'un d'eux porte Aquitanicæ Primæ] ; de même encore, Rufius Festus (Breviarium, § 6, édit. Fœrster, 1874), qui écrit vers 360, ne parle que de 14 provinces, en ne mettant qu'une seule Narbonnaise et que deux Lyonnaises. Il semble enfin qu'il soit question de deux Narbonnaises au concile d'Aquilée en 381 (Mansi, III, c. 615). — C'est, je crois, sous Maxime, vers 385-386, que la Lyonnaise Première (Lyon) a été dédoublée en Première (Lyon) et Senonia (ou Quatrième Lyonnaise ; Sens), et la Seconde (Rouen, plutôt que Tours ?) en Seconde (Rouen) et Troisième (Tours). — Je crois possible qu'à un certain moment (voyez Rufius et Ammien, l. c.), peut-être sous Valentinien et Gratien, on ait réuni à la Viennoise la Seconde Narbonnaise ou province d'Aix, insignifiante comme étendue, cités et métropole, et cela expliquerait les conflits ecclésiastiques et l'incertitude où l'on était sur l'étendue de cette province. — Sur cette question, cf. Mommsen, G. Schr., V, p. 561 et s. (écrit en 1862) ; Kuhn dans Neue Jahrbücher für classische Philologie, CXV, 1877, p. 697 et s. ; Czwalina, Ueber das Verzeichnis, etc., progr. de Wesel, 1881 ; Ohnesorge, Die Rœmische Provinz-liste, progr. de Duisburg, 1889 ; Bury dans The Journal of the Roman Studies, XIII, 1923, p.127 et s. ; etc.

[89] Lactance, De m. p., 7 : Provinciæ in frusta concisæ. Le morcellement (sauf exceptions) eut lieu avant 297, date que l'on veut assigner à la liste de Vérone. — Il est fort possible que l'origine de ces nouvelles provinces soit dans des districts administratifs et surtout fiscaux qui auraient existé dans les anciens gouvernements : c'est en tout cas ce qui est, arrivé pour la Novempopulanie. Au surplus, la plupart de ces nouvelles provinces semblent rappeler d'anciennes relations, religieuses ou autres, des temps de l'indépendance, qui ont pu se conserver à l'époque romaine et dont les empereurs ont peut-être tenu compte.

[90] Narbonensis Secunda, avec 7 civitates : Aix (métropole), Apt, Riez, Fréjus, Gap, Sisteron, Antibes : c'est surtout l'ancien pays des Salyens (Ammien, XV, 11, 15) et la région de la Méditerranée et de son arrière-pays montagneux, si ce n'est que Marseille et Arles (à la Viennoise) n'en font point partie. — Il serait possible que la Seconde Narbonnaise de Dioclétien, si elle date de ce règne, n'ait pas eu alors les limites que nous lui connaissons en 400.

[91] Viennensis, 14 civitates ; c'est la plus riche des provinces en cités, civitatum exultat decore multarum (Ammien, XV, 11, 14) Vienne, Genève et Grenoble, les trois cités allobroges ; Aps des Helviens ou Vivarais ; puis les cités voconces, cavares ou autres, de Valence, Die, Vaison, Trois-Châteaux (Triastini), Orange, Carpentras [omise à tort dans les anciens mss de la Notitia Galliarum ; si elle a été réunie à Cavaillon, comme on le suppose, c'est pendant un laps de temps assez court], Cavaillon, Avignon ; enfin Arles et Marseille. C'est proprement la province du Rhône, et, à peu de choses près, l'équivalent du district militaire et naval de la Gallia Riparensis. Remarquez que la Viennoise, allant de Vienne à Marseille, sépare complètement l'une de l'autre les deux Narbonnaises (n. précédente et suivante) et ce sont probablement les nécessités militaires de la défense du Rhône et des rivages qui ont dû amener cette étrange constitution provinciale. — Le fameux Claudius Postumus Dardanos, grand propriétaire près de Sisteron [en dehors de la Viennoise, en Narbonnaise Seconde], fut consularis Viennensis vers 400 (Corp., XII, 1524).

[92] Narbonensis Prima, qui est faite uniquement et exactement avec les 5 cités volques du Languedoc (cf. t. II, ch. XIV, § 12) : Narbonne, Toulouse, Béziers, Nîmes et Lodève ; la création des deux petites cités maritimes Agde et Maguelonne (celle-ci, héritière de la colonie de Sextantio ; Not. Gall., 15) est sans doute postérieure à l'Empire, et, à l'origine, peut-être de bût ecclésiastique. — Remarquez que les créations ultérieures d'évêchés dans cette province, Agde, Maguelonne, Elne (territoire de Roussillon), Carcassonne, ne feront que rétablir l'ancienne géographie municipale. Ammien cite deux gouverneurs de la Narbonensis (sans numéro) : Numerius, vers 357 (XVIII, 1, 4) ; Aprunculus Gallus, peu après 361 (XXII, 1, 1).

[93] L'Aquitaine nous apparaît toujours comme dédoublée dans les listes. Cependant, sous Constance, elle semble former un seul gouvernement avec Saturninius Secundus [le préfet du prétoire d'Orient Salatius Saturninius Secundus] comme gouverneur, præses provinciæ Aquitanica (Corpus, VI, 1764) ; et remarquez qu'Ammien, pour le même règne, ne parle aussi que d'une Aquitaine (XV, 11, 11), et, de même, peut-être Hilaire.

[94] Aquitanica Secunda, avec 6 cités : Bordeaux, Agen, Angoulême, Saintes, Poitiers, Périgueux. Ce sont les cités les plus voisines de l'Océan.

[95] Aquitanica Prima, avec les 8 cités de Bourges [mise en Lyonnaise par Ammien, XV, 11, 11 ; sans doute à tort], Arverni, Rodez, Albi, Cahors, Limoges, Javols, Vellavi (Saint-Paulien). Ce sont les cités de l'intérieur, l'ancien territoire (sauf Bourges) de l'hégémonie arverne. — Le fait que l'Aquitaine de Bourges porte le titre de Prima, semble indiquer qu'au moment où la grande Aquitaine fut dédoublée, elle avait Bourges pour métropole, et non plus Bordeaux. Et peut-être Bordeaux a-t-il été déchu de son titre à la suite de l'usurpation de Tetricus.

[96] Provincia Novempopulana, avec 12 cités : Éauze pour métropole, Dax, Lectoure, Convenæ (Saint-Bertrand-de-Comminges), Consoranni (Saint-Lizier), Boates (Buch), Benarnenses (Lescar), Aire, Bazas, Turba (Tarbes et Bigorre), Oloron, Auch. C'est le très ancien district de l'Aquitaine originelle ; t. II, ch. XIV, § 1. C'est tout à fait à tort qu'Ammien place Éauze en Narbonnaise (XV, 11, 14) : l'importance de son rôle religieux au IVe siècle semble bien confirmer qu'elle était dès lors métropole.

[97] Lugdunensis Prima, où la Notitia Galliarum annonce, dans presque tous les manuscrits, 4 cités, mais n'en nomme que 3, Lyon, Autun [avec Nevers ?] et Langres, et désigne Chalon et Mâcon comme castra. Il y a tout lieu de croire que Chalon était dès lors civitas (elle parait bien avoir en tout cas un évêque en 346). C'est, avec Langres en plus, l'ancien pays éduen. — C'est à son gouverneur que s'adresse le discours d'Eumène sur les écoles en 297. Antonins Marcellinus, præses en 313 (C. Th., XI, 3, 1). Les Fragmenta juris Romani Vaticana, § 37, mentionnent un consularis provinciæ Lagdunensis Primæ à la date de 372.

[98] Lugdunensis Senonia, avec les 7 cités de Sens, Paris, Meaux, Chartres, Auxerre, Troyes, Orléans, et peut-être plus tard Nevers. C'est la réunion des deux anciennes ligues des Sénons et des Carnutes. — Elle est appelée Maxima Senonia dans des tablettes de patronat (Corpus, XIII, 921) décernées à son consularis Claudius Lupicinus.

[99] Lugdunensis Tertia, 9 cités : Tours, Le Mans, Rennes, Angers, Nantes, Corseul, Vannés, Ossismi (Cairhaix ?), Jublains. C'est le Val de Loire, le Maine et l'Armorique. — Tablette de patronat décernée à son gouverneur, rector, Valerius Dalmatius (Dessau, 8987).

[100] Lugdunensis Secunda, 7 cités Rouen, Bayeux, Avranches, Évreux, Séez, Lisieux, Coutances. C'est la future Normandie.

[101] Belgica Prima, avec les 4 cités de la Meuse et de la Moselle, Trèves, Metz, Toul et Verdun. On sait qu'elles ne faisaient point strictement partie des Belges des temps de l'indépendance.

[102] Belgica Secunda, avec les 12 cités de Reims, Soissons, Châlons, Veromandi (Vermand), Amiens, Arras, Cambrai (les anciens Nerviens), Tournai (les anciens Ménapes ; ibid.), Senlis, Beauvais, Morini (Thérouanne), Boulogne. C'est très exactement le territoire de la Belgique originelle.

[103] Germania Secunda, l'ancienne Germanie Inférieure, qui ne renferme plus que les 2 cités de Cologne (Agrippinenses) et de Tongres. Remarquez la disparition des autres civitates du Rhin inférieur, en particulier de la civitas de Nimègue, dont la partie centrale a dû former, avec la Toxandrie, le territoire des Saliens.

[104] Germania Prima, l'ancienne Germanie Supérieure, avec les 4 cités de Mayence, Strasbourg (a remplacé Brumath dès le milieu du IVe siècle), Worms et Spire. — Claudius Lepidus, consularis de cette province vers 400 (Corp., XII, 1524).

[105] Si ce n'est que les expressions de Prima et Secunda ont remplacé celles de Superior et Inferior.

[106] Maxima Sequanorum, Sequania, Sequanicum, Sequanica, même Sequani, avec les 4 cités de Besançon, Nyon, Avenelles, Bâle (au lieu d'Augst). Ici, évidemment, on saisit dans celte création un but militaire, la nécessité de coordonner la défense des deux côtés du Jura (il y a un duc militaire pour cette province ; Not., Occ., 36). Mais il a pu y avoir de très anciens liens entre Séquanes et Helvètes. — Le civis Sequanus du Corpus, XIII, 3492, est un originaire de la province. — C'est sans doute un præses de cette province qu'Aurelius Proculus en 294 (Corp., XIII, 5249).

[107] Alpes Maritimæ, avec 8 cités : Embrun (métropole), Digne, Rigomagus (situation incertaine), Castellane, Senez, Glandève, Cimiez (avec Nice, du moins à partir de l'époque, fort incertaine, où Nice fut enlevée à la juridiction traditionnelle de Marseille) et Vence. — Briançon n'est pas nommé comme civitas de cette province, et il semble bien qu'il ait alors dépendu (peut-être avec la Maurienne) des Alpes Cottiæ (métropole, Suse), province d'Italie (cf. Ammien, XV, 10, 3-6 ; Itin. de Jérusalem, p. 555, 9, W.). Mais sous Constantin, il semble (sans que cela résulte certainement du texte) qu'il fît partie des Alpes Maritimes (Corpus, XII, 94). Dans un autre sens, les éditeurs du Corpus (V, p. 810 ; XII, p. 15) prolongent jusqu'au mont Genèvre les Alpes Maritimes et le territoire gaulois.

[108] Alpes Graiæ et Penninæ, avec 2 cités seulement, la métropole à Darantasia ou civitas Ceutronum (Moutiers), Octodurum ou civitas Vallensium (Martigny). — L'union intime qui se continue entre le Valais et la Tarentaise, ne peut s'expliquer que par un entretien rigoureux des cols de communication. — Pontius Asclepiodotus, prætor [pour præses] en 377.

[109] En 365, et sans doute depuis assez longtemps, il y a un comes utriusque Germaniæ (Ammien, XXVII, 1, 2) ; on retrouve un comes commandant en Germanie [Inférieure ?] en 370 ; Ammien, XXVIII, 5, 1. Le titre de comes est supérieur à celui de dux. Le dux Germaniæ en 371 (Ammien, XXIX, 4, 7), est peut-être le duc de Mayence ; ce qu'est peut-être aussi le dux de Code Théod. en 366, V, 7, 1, Mommsen ; cf. n. suivante.

[110] Notitia dignitatum, I, § 34, 44, 47 et 49 ; 5, § 130, 1.41, 143, où nous trouvons : 1° un dux Germania Prima ; ceci est étonnant, puisque la Germania Prima, qui était celle de Mayence et de Strasbourg, avait deux chefs militaires spéciaux, que nous allons indiquer (n° 2 et 3) : il faut donc supposer que la Notitia a partout mis Primæ pour Secundæ, ou, à la rigueur, que le dux Germaniæ Primæ, en dépit de son titre, avait autorité sur toute la frontière du Rhin inférieur ; 2° un dux Mogontiacensis (pour une partie de la Première Germanie) ; 3° un comes Argentoratensis (pour l'autre partie : la Première Germanie est une des très rares provinces de l'Empire qui aient été coupées en deux secteurs militaires) ; et même un duc de Séquanie. Il est fort possible que ce morcellement, sans autorité supérieure autre que celle du magister, soit de date récente, et l'œuvre de Théodose, auquel précisément on reprochait de multiplier les-chefs militaires (Zosime, IV, 27, 2) ; sous Valentinien, au contraire, il semble qu'au-dessus des ducs il y ait eu l'autorité supérieure d'un comes (n. précédente). — II est étonnant que le chef militaire de Strasbourg (comes Argentoratensis), qui ne pouvait commander qu'à un district limité, porte un titre supérieur (cf. n. précédente) à celui des autres chefs. Je ne peux expliquer cela que d'une manière : l'importance des guerres, et des relations avec les Alamans, la création des forteresses et têtes de pont de ce côté, auront déterminé Valentinien à confier un commandement supérieur, avec le titre de comte, au chef militaire résidant à Strasbourg ; et on lui aura laissé ce titre, lors même qu'on aura réduit son ressort. Remarquez en outre que le terme de tractus, employé ici, paraît désigner dans la Notitia un ressort toujours plus étendu qu'une cité (Italia, Armorica ; Occ., 24 et 37). Cf. la loi de 307 (C. Th., VII, 1, 9) : Tam duces quam etiam comites et quibus Rheni est mandata custodia.

[111] Dux Belgicæ Secundæ : ce doit être le préfet maritime de Boulogne (laquelle d'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi, n'est pas nommée dans la Notitia, Occ., 38).

[112] Dux tractus Armoricani et Nervicani (Occ., 37). La Novempopulanie (du bassin d'Arcachon à la Bidassoa) est exclue de son ressort.

[113] Tous les six mois, un relevé des affaires doit être adressé aux bureaux du préfet (C. Th., I, 16, 3), dont l'autorité est speculatrix de celle des gouverneurs (I, 16, 5).

[114] Les gouverneurs de la Gaule portent des titres différents, suivant le rang de leurs provinces ou de leurs métropoles et le degré correspondant de leur noblesse il y a, au temps de la Notitia, 6 provinces de consulares (Vienne, Lyon, Mayence, Cologne, Trèves et Reims ; chose étonnante ; Narbonne n'en est pas), lesquels consulaires sont des sénateurs, viri clarissimi ; et 11 provinces de præsides, qui sont des viri perfectissimi, l'équivalent des anciens chevaliers de haut rang. Mais cette distinction ne comporte aucune différence d'autorité, et je ne sais si elle était strictement observée. Lupicinus, gouverneur de Sénonaise, est consulaire, vir clarissimus. En 297 et 313, il n'y a encore qu'un præses, vir perfectissimus, dans la Lyonnaise de Lyon.

[115] Voyez Code Théodosien, I, 16 [6 d'ans le Breviarium], De officio rectoris provinciæ.

[116] Præses s'emploie absolument même pour les provinces consulaires ; Digeste, I, 18, 1 ; etc. — Prætor est une expression littéraire.

[117] Cf. t. IV, ch. XI, § 3. Voyez l'éloge, sur une table de patronat de la fin du siècle, d'un gouverneur de la Troisième Lyonnaise (Dessau, 8987), où on invoque uniquement ses qualités de juge, interpres legum legumque minister, etc.

[118] De là l'importance particulière apportée par les princes au choix des gouverneur (sous Julien : Libanius, Orat., XVIII, § 158, p. 305, F. ; sous Valentinien : Ammien, XXX, 9, 3). De là d'autre part, l'excès d'arbitraire que l'on a reproché à beaucoup d'entre eux (sous Constance II ; præsidentium rapinis ; Paneg., XI, 1).

[119] Voyez Code Théod., I, 34 [Breviarium, 11], De assessoribus.

[120] C'est ce qu'a bien vu Lactance, De m. p., 7 : Multi præsides [les gouverneurs en général] et plura officia [leurs bureaux et ceux de diocèses] singulis regionibus [les nouvelles petites provinces] ac pœne jam civitatibus [voilà qui annonce et prévoit le comte de cité] incubare.

[121] Au siècle suivant, et sous l'Empire même ; cf. Fustel de Coulanges, La Monarchie franque (Instit., [III]), p. 197.

[122] Avec cette réserve, qu'on peut en appeler du vicaire (voyez la célèbre loi de 331, C. Théod., XI, 30, 16) : ce qui a dû évidemment restreindre l'autorité du vicaire en matière judiciaire, et l'attacher surtout aux affaires de finances et d'administration.

[123] Loi de 331. (cf. n. précédente) : A præfectis prætorio, qui soli vice sacra cognoscere vere dicendi sunt, provocari non sinimus, ne jam Nostra contingi Veneratio videatur. De là le caractère particulier des insignes du préfet.

[124] Voyez Code Théod., 1, 5, De officio præfectorum prætorio.

[125] Cf. Sidoine Apollinaire, Epist., I, 7 ; VII, 12. Un des faits les plus remarquables à cet égard est, en 457, l'usurpation de Pæonius, qui gouverna la Gaule comme préfet à l'insu de l'autorité impériale (Sidoine, Epist., I, 11, 6).

[126] Honorum omnium apex, Ammien, XXI, 16, 2 ; summum columen honorum, Ausone, Épic., 2, 41.

[127] Ce n'est qu'en 372, sous Valentinien. que les maîtres de la milice apparaissent avec le titre de vir illustris (C. Th., VI, 7, 1), jusque-là réservé aux préfets. Mais le préfet du prétoire demeure toujours en tête dans la Notitia dignitatum. Ammien, XXI, 16, 2 (sous Constance).

[128] Cf. Ammien, XIV, 10, 4 ; cf. Godefroy-Ritter, II, p. 255.

[129] Ammien, XVIII, 2, 4 ; XVI, 12, 14. Le principe était, que le préfet devait toujours se trouver aux côtés du prince dans les moments difficiles, ab imperatore nusquam dijungi debere præfectum in ardore terribilium rerum ; Ammien, XX, 4, 8.

[130] Il est toujours vir clarissimus, et, parmi les clarissimes, vir illustris. Il est probable que d'assez bonne heure le titre éminent de patricius, qui avait le sens de pater ou de parens Augusti, imaginé par Constantin, fut souvent conféré à des préfets. Je crois bien que Constance l'avait donné au préfet Florentius, qu'il envoya en Gaule auprès de Julien.

[131] Ausone, Gratiarum actio, 2, 7.

[132] Paulin de Pella, Eucharisticos : voyez tout le poème, en particulier 194 et s., 71 et s.

[133] Florentius, cui Augustus summam commiserat rerum (Ammien, XVII, 3, 4) ; Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 282 c,. Sp.

[134] Voyez en particulier Ammien, XVII, 3, 2 et s.

[135] Humbert, Essai sur les finances et la comptabilité publique chez les Romains, 2 v., 1886, en particulier I, p. 352 et s., II, p. 98 et suiv.

[136] Ammien, XVII, 3, 2 et s. ; XIX, 1 3 ; etc. — Peut-être avons-nous là la plus importante des réformes administratives du Bas Empire, celle qui a conféré au préfet du prétoire la suprématie financière sur l'administration provinciale, au lieu et place des anciens procuratores. Bien qu'il soit naturel d'attribuer l'essentiel de la réforme à Constantin (Zosime, II, 33), elle a dû être préparée par des mesures antérieures, surtout sous Dioclétien.

[137] Ammien, XVII, 3, 6 (en Gaule sous Julien) : Ut nec præfectianus nec præsidatis apparitor ad solvendum quemquam urgeret [s'agit-il de la levée initiale ou de la poursuite pour retard]. Ce sont les suscipientes d'Ammien, XIX, 11, 3.

[138] Ce sont, je crois, les offerentes d'Ammien, XIX, 11, 3. Cf. Godefroy, IV, p. 3-4. Sur le contrôle par le préfet (envoi de peræquatores), Code Théod., XIII, 11, 6.

[139] Il peut même avoir pleins pouvoirs dans des cas d'insuffisance ; Ammien, XVII, 3, 4.

[140] J'emploie ici ce mot dans un sens général, et non pas dans le sens du Domaine ou de la Cassette, qu'il avait alors.

[141] Thesaurorum omnium mandata custodia et dispensatio largiendi, est-il dit du comte des Largesses (Paneg., XI, 22).

[142] Quædam intercepta de Gallicanis thesauris ; Ammien, XV, 5, 36. — La comptabilité militaire, très rigoureusement établie, dépendait des actuarii de l'armée, qui étaient personnages importants et fort influents dans leurs corps de troupes (voyez, pour la Gaule, Ammien, XXV, 10, 7).

[143] Ursulus, comes largitionum de Constance, écrit, ad eum qui Gallicanos tuebatur thesauros, quicquid posceret Cæsar procul dubio dari (Ammien, XXII, 3, 7) ; mais cela, contrairement au règlement initial de Constance (XVII, 9, 6-7).

[144] Exuberare (Ammien, XVII, 3, 4) encore je ne saurais l'affirmer. Il s'agit du reste, dans ce texte, de livraisons en nature. — Dans Ammien, XX, 8, 4, on a expliqué portavere sollemnia par des maniements de fonds cela est impossible, il s'agit des cadeaux consacrés pour les anniversaires de princes. — La Vie de saint Valérien fait transporter les vectigalia du dépôt de Tournus à Rome.

[145] Ou peut-être à Lyon ; rationatis summarum Galliarum ; Not. dign., Occ., 11, 19. — C'est à cette fonction, plutôt qu'à une intendance du Domaine, que je rapporte le titre de rationalis vicarius per Gallias sous Constantin (Corpus, VI, 1704) ; cf. Mommsen, Memorie dell' Instituto di corrispondenza arch., II, 1865, p. 325.

[146] Ou peut-être plus tard à Arles ; rationalis summarum Quinque Provinciarum ; Not., Occ., 11, 18.

[147] Sous les ordres chacun d'un præpositus thesaurorum ; Not., Occ., 11, 32-35.

[148] Sous les ordres chacun d'un procurator monetæ ; Not., Occ., 11, 42-44. — Sur les caractéristiques de ces différents ateliers, cf. Blanchet, Manuel de numismatique, française, I, p. 136 et s., et le livre de Maurice. — Exceptionnellement, il y eut un atelier à Amiens sous Magnence (Blanchet, ibid., p. 143), sans doute parce que Trèves avait refusé de le reconnaître. — L'atelier d'Arles semble avoir été ouvert après la fermeture de celui d'Ostie en 313 (Maurice, Num. Const., II, p. 139 et s.) ; l'atelier de Trèves (cf. Maurice, I, p. 370 et s.), qui date des empereurs gallo-romains, élimina à peu près complètement celui de Lyon, réduit à la frappe de bronzes courants (Maurice, II, p. 65).

[149] Nous touchons ici au sujet le plus controversé des institutions du IVe siècle, et d'ailleurs l'un des plus importants car l'organisation de la capitation foncière était étroitement liée à celle de la société rurale ; et c'est surtout pour n'avoir pas étudié à fond cette dernière, que les érudits n'ont pas encore réussi à faire la lumière sur les problèmes fiscaux, et qu'il demeure nécessaire et possible, malgré tant de travaux, d'arriver à une connaissance plus profonde du régime financier du Bas Empire. — Heraldus [Didier Herauld], Quæstionum quotidianarum tractatus, 1650, p. 71 et s. ; Godefroy, V, p. 126 et s. de l'édit. Ritter (écrit avant 1652) ; Savigny, Vermischte Schriften, II, art. 13 (écrit en 1823, 1842, 1849) ; Chr. L. Fr. Schultz, Grundtegung zu einer geschichtlichen Staatswissenschaft der Rœmer, 1833, p. 605 et s. ; Baudi di Vesme, article de 1830 traduit dans la Revue historique de Droit d'octobre 1861 ; Dureau de La Malle, Économie politique des Romains, I, 1840, p. 301 et s. ; Huschke, Ueber den Census, etc., 1847, p. 70 et s. ; Walter, Geschichte des Rœmischen Rechts, I, 3e éd. ; 1860, § 405 et s. ; Lecesne, De l'impôt foncier, etc., 1862 (thèse de droit de Paris) ; Mommsen, Hermes, III, 1860, p. 429 et s. ; Matthiass, Die Rœmische Grundsteuer, Erlangen, 1882 ; Zachariœ von Lingenthal dans les Mémoires de l'Acad.... de Saint-Pétersbourg, VIIa p., VI, 1863, n° 9 ; Rodbertus dans Hildebrand, Jahrbücher für Nationalœkonornie, II, IV, V et VIII, 1864, 1865, 1865, 1867 ; Marquardt, Staatsvertvaltung, II, 2e éd., 1884, p. 224 et s. ; Fustel de Coulanges, Recherches, 1835, p. 70 et s. (à propos du colonat) ; le même, L'Invasion germanique, 1891 (Instit., [II]), p. 50-51, et La Monarchie franque, 1888 (Instit., [III] , p. 264 et s. ; Humbert, Essai sur les finances, etc., 1886, II, p. 340 et s. ; Weber, Die Rœmische Agrargeschichte, 1891, p. 195 et s. ; Seeck, Geschichte, I, 1901, l. III, ch. 5 et 6 ; le même dans Zeitschrift für Social- und Wirthschaftsgeschichte, IV, 1896, dans Rhein. Mus., XLIX, 1894, p. 630-2, dans Real-Enc., III, 1897 (Capitatio), et en bien d'autres endroits ; Platon, La Démocratie, etc., 1890, p. 90 et s., et dans la Revue générale du Droit, XXVII, XXVIII, XXIX, 1903, 1904, 1905 ; Thibault, dans la Rev. gén. du Droit, XXIII, 1899, et dans Vierteljahrschrift für Soziald Wirtschaftsgeschichte, I, II et IX, 1903, 1904 et 1911 ; Leo, Die Capitatio plebeia, etc., Berlin, 1900 ; Piganiol, L'Impôt de capitation, 1916 ; Lot, De l'étendue et de la valeur du caput fiscal sous le Bas-Empire, dans la Revue hist. de Droit, 1925 (original et fouillé).

[150] Ammien, XVII, 3, relatif surtout à la Gaule.

[151] Cela résulte bien encore de ce que dans le cens on comptait, comme éléments de l'unité imposable, tous les membres de la famille, même ceux qui représentaient des charges et non des valeurs, ascendants, femmes et enfants, comme on pourrait le faire pour un recensement de population barbare, hostilis tumultus et captivitatis horrendæ species ; Panegyr., VIII, 12 (vise sans doute le cens de Dioclétien) : Lactance, De m. p., 23 (cens de Dioclétien) ; Sozomène, Hist. ecclés., V, 4, Patr. Gr., LXVII, c. 1224.

[152] Tributum, capitatio, dit Ammien, XVII, 3, à propos de la Gaule.

[153] Un cens général est attesté sous Dioclétien (en 297 ? Lactance, De m. p., 23) ; semble qu'il y en ait eu, auparavant, un sous Héliogabale et un sous Alexandre (218-235 ; Hist. Aug., Alex., 39, 6) ; un autre, sans aucun doute, pour la Gaule en 312 (correspondant à la première indiction ; Godefroy, C. Théod., Chron., p V, édit. Ritter ; cf. C. Th., XI, 3, 1) ; autre cens vers 327 ? (Eusèbe, V. Const., IV, 3, Patr. Gr., XX, c. 1151) ; un autre vers 357 pour la Gaule (Ammien, XVII, 3, 1) ; et je crois bien qu'il y en a eu un sous Constant vers 342. En moyenne donc tous les quinze ans, et, en principe, en correspondance avec une indiction (les premières indictions sont de 312, 327, 342, 357, 372).

[154] Censualis professio, Ammien, XIX, 11, 3 ; Gallicani census communis formula, Paneg., VIII, 5 (cens de Dioclétien) ; Code Théod., XIII, 10, De sensu.

[155] L'étendue des propriétés (cf. ch. II, § 2) facilitait saur doute cet arpentage.

[156] Ceci, d'après Paneg., VIII, 13 (horrea, cellæ).

[157] Cf., pour la Gaule, Paneg., VIII, 12 et 13 (allusion au cens de Dioclétien).

[158] Sans doute les employés des bureaux du prétoire ou des gouverneurs ; cf. C. Théod., XIII, 11, De censitoribus.

[159] Lactance, De mort. persec., 23.

[160] Les chiffres indiqués pour le tribut sont ceux des annuités, Eusèbe, V. Const., IV, 2, P. Gr., XX, c. 1152.

[161] C'est du reste ce qui se passe en France de nos jours, et avec encore moins périodicité et de régularité que sous l'Empire romain.

[162] Cela résulte très nettement des plaintes des gens d'Autun, qui en 311 étaient encore imposés sans aucun doute suivant le cens de Dioclétien ; Paneg., VIII, 5 et 6. — Il est cependant possible qu'il y eût tous les cinq ans une vision particulière des reliqua (Paneg., VIII, 13).

[163] Panégyrique de Constantin en 311, VIII, 11 : Septem milia capitum remisisti quintam [et non quartam ; voyez l'édit. G. Bæhrens, p. 197] amplius partem nostrorum censuum ; et par là ajoute l'orateur, tu as renforcé les 25.000 capita restants, qui pourront être payés plus facilement. Ce chiffre de 25.000 doit être le chiffre auquel Constantin voulut qu'on fixât le cens des Éduens lors du nouveau recensement (indiction de 312), chiffre promis provisoirement lors de son voyage en 311 (relevaturus [dans le sens d'alléger] censum, definisti numerum ; Paneg., VIII, 10).

[164] Encore cela me parait être à l'occasion d'un nouveau recensement ; note précédente.

[165] Caput ou jugum [cf. notre expression française de charrue].

[166] C'est du moins la proportion indiquée en Syrie dans un document célèbre (voir Mommsen, Hermes, III, 1863, p. 429 et s.), qui fixe l'unité, ici dite jugum, à 5 arpents de vignes, 20, 30 ou 60 de terres labourables (suivant leur classe), 225 pieds d'oliviers anciens de bonne terre, 450 pieds d'oliviers de montagne ; évaluations particulières pour les terres dites montes et pascua minoribus pecudibus ; mais la proportion variait évidemment suivant les provinces, et c'était sans doute cette proportion qui constituait spécialement la formula communis census Gallicanæ (Paneg., VIII, 5). Il est probable que la reforme fiscale dite de Dioclétien a consisté surtout à mesurer exactement les terres et à évaluer le jugum (emensum et determinatum diebus Diocletiani, dit le document syrien).

[167] Cela explique pourquoi si souvent, au lieu de caput, nous trouvons jugum, et parfois même κλήρος. On est donc autorisé, dans une certaine mesure, à voir dans le jugum, ou le caput l'élément d'exploitation foncière qui deviendra plus tard le manse, mansus (Lot, p. 28, arrive par d'autres voies au même résultat, et conclut pour le jugum à un domaine moyen de 25 hectares pour les terres de labour, sensiblement plus que la moyenne du manse). — Jusqu'ici, il n'y a pas de très grandes difficultés dans l'exposé du tributum. Mais maintenant se pose le problème le plus embarrassant. Y avait-il, à côté de la jugatio ou capitatio, autrement dit de l'ensemble des unités foncières, un calcul particulier des têtes d'animaux ou de personnes, et ces têtes étaient-elles, soit groupées en unités distinctes des java (et ce serait la capitatio humana ou plebeia, ou cote personnelle), soit incorporées dans ces juga comme éléments d'unités ? Tous les systèmes possibles ont été proposés, depuis le système de la distinction absolue entre unités foncières et têtes vivantes, jusqu'à celui de la plus complète solidarité entre les unes et les- autres. Le dernier système, vers lequel tous les- textes juridiques obligent d'ailleurs à incliner, a toujours été dominant depuis Godefroy, qui l'a nettement entrevu (capitatio sic terrena fuit, ut ratio quoque haberetur hominum et animalium ; V, p. 131). Il a été très vigoureusement précisé et soutenu en dernier lieu par Piganiol l'homme n'est pas taxé en dehors de la terre, ni la terre en dehors de l'homme ; une unité foncière, une valeur fiscale, comprend et la terre et l'homme qui la cultive ; le domaine taxable est le domaine « garni » ; et Piganiol va si loin dans son système, qu'il suppose qu'on ne faisait pas entrer en compte les hommes au delà du chiffre nécessaire pour l'entretien des terres et ceux qui dépasseraient ce chiffre seraient les incensiti, adcrescentes). Il y a des arguments et des objections à tous les systèmes. Celui de Piganiol a l'avantage d'expliquer fort bien les textes qui indiquent une solidarité fiscale entre la terre et le cultivateur (cultor agni nobis nec superest nec abestr : Ausone, De hered., 24), et il me parait certain que l'homme attaché à la terre, la cultivant, ne payait pas d'impôt pour sa tête personnelle. Mais en revanche, il n'explique pas suffisamment les textes qui parlent si complaisamment du recensement de toutes les têtes humaines, il n'arrive pas à tenir compte des esclaves qui n'étaient pas casés, c'est-à-dire fixés à un sol de culture (les casarii de C. Théod., IX, 42 7 ?), par exemple les esclaves attachés au service personnel du maître ou travaillant en équipes, et il laisse en dehors la question des revenus forestiers et des grands pâturages (sur lesquels il faut reconnaître le silence des textes). — Peut-être, pour résoudre quelques-unes de ces difficultés, vaudrait-il mieux distinguer trois opérations correspondant, à trois calculs différents : 1° le recensement par l'État, portant sur tous les éléments possibles ; 2° la fixation par l'État des capita imposables, appuyée surtout et peut-être exclusivement sur les terres ; 3° la répartition par la commune des taxes entre les différents propriétaires, et cela d'après tous les éléments, hommes, animaux et terres, du recensement, et peut-être d'autres éléments intervenus après ce recensement.

[168] Il ne me parait pas possible d'en douter : capitationis calculum ad commeatuum necessarios apparatus, dit Ammien, XVII, 3, 4. Et cette portion en nature devait être considérable, fixée d'ailleurs annuellement ; voir Godefroy ad XI, 1, De annona et tributis. Il est probable que dans cet établissement des cotes et de leur rapport avec tes livraisons en nature, l'aureus (15 fr. 665) était équivalent à 10 modii de blé (87 litres 54), dont c'était le prix moyen (C. Th., éd. Godefroy-Ritter, II, p. 39).

[169] Sans doute variant suivant la formula du cens de la province.

[170] Voir la note suivante.

[171] Ammien, XVI, 5, 14 : Primitus partes eas ingressus [en 355, par conséquent sous le régime fiscal datant de Constant] pro capitibus singulis tributi nomine vicenos quinos aureos repperit flagitari, discedens vero [en 361] septenos tanturn munera universa [en espèces et en nature, et sans fournitures additionnelles ; cf. n. suivante] conplentes. Il y a eu certainement en Gaule un nouveau recensement vers 357 (tributi ratiocinia dispensavit, XVII, 3, 1), et toutes les discussions entre Julien et son préfet Florentius proviennent sans doute des calculs faits à ce sujet (voir n. suivante).

[172] Ammien, XVII, 3, 2-5 : Florentius cuncta permensus, ut contendebat, quicquid capitatione deesset, ex conquisitis se supplere firmaret : peut-être Florentius trouvait-il trop faible la cote de 7 sous d'or à l'unité (n. précédente) ; Julien lui montra, calculs en main (scrupulose conputando), que cette cote était largement suffisante (sufficere eapitcttionis calculum) ; ce qui n'empêcha pas Florentius, longtemps après (diu postea ; en 360 ?), de proposer (pour une région seulement sans doute ; cf. C. Théod., XI, 6, 1) un indictionale augmentum (incrementum, superindictum), que Julien refusa d'approuver ; et depuis, dit Ammien, la Gaule n'a jamais payé que la cote et l'indiction (sollemnia, solita).

[173] Si l'on évalue à 25 hectares l'étendue moyenne du jugum, 8 hectolitres 75 de blé le revenu moyen de l'hectare dans la Gaule (cf. Lot, p. 57), soit 220 hectolitres pour le jugum, la taxe de 7 aurei ou environ 6 hectolitres sous Julien correspondait à un 36e du revenu, celle de 25 sous ou 21 hectolitres sous Constance à un 10e du revenu. Mais tout cela ne peut être que très approximatif : d'une part, il n'est pas tenu compte de la jachère et des terres incultes, qui diminuent singulièrement le revenu et par suite augmentent d'autant le pourcentage de l'impôt, et, d'autre part, il y avait bien d'autres cultures que le blé. — Si l'on admet la valeur moyenne de l'arpent à 12 sous, le jugum, équivalent à 25 hectares ou 100 arpents, représenterait 1200 sous d'or, le revenu, de 220 hectolitres (jachère mise à part), pouvant être estimé à 250 sous environ, soit à environ 20 % du capital (la jachère et la lande devant diminuer ce chiffre d'un tiers, de la moitié et même de bien davantage). Mais tout cela, encore, est extrêmement hypothétique.

[174] Adscriptio ou partitio ; cf. Code Théod., XII, 1, 117, et Godefroy, IV, p. 3.

[175] La répartition avait-elle lieu par indiction ? ou par lustre ? ou par exercice annuel ? (et ceci sans doute pourrait expliquer le cas des incensiti et des aderescentes, qu'on ne pouvait laisser quinze ans hors des matricules).

[176] Les susceptores municipaux sont indiqués, mais pour s'en plaindre ; C. Th., XII, 6, 9. La chose a varié suivant les provinces et les circonstances ; mais en principe, l'État hésita de plus en plus à recourir aux percepteurs municipaux ; loi de 365, C. Th., XII, 6, 9 : Susceptores ex officialium corpore creari præcipimus, quod cognitum est illos et re et fide idoneos haberi [magis] quam cos qui in curia suscipere consueverunt. — La levée des reliqua est réservée aux employés d'État.

[177] En supposant que lors de l'arrivée de Julien, où le caput était à 25 sous, le nombre de capita d'Autun soit resté à 25.000, chiffre fixé par Constantin. La réforme de Julien dut abaisser ce total à 175.000 sous. Mais rappelons-nous, pour comprendre cet énorme abaissement, qu'Autun et son terroir avaient souffert par deux fois des Alamans.

[178] Cette responsabilité collective explique bien trois des caractères essentiels des plaintes et remerciements du Panégyrique de 311 : 1° le dernier recensement a apporté la ruine à la cité, acerbitas novi census [sous Dioclétien] eam (civitatem) exanimarat (VIII, 5) ; 2° les dégrèvements ou décrues sont accordés par cité ; 3° la remise des arriérés l'est également par cité, et c'est la cité qui s'en réjouit publiquement (VIII, 10 et 13).

[179] C'est l'État qui les poursuit soit par réclamation à la cité, soit, sur rôles transmis par elle, par voie de contrainte individuelle. — Ici se pose la question des reliqua ou arriérés, souvent remis par le prince : Ausone, en 379, félicite Gratien d'une remise générale des arriérés (de condonatis residuis tributorum), peut-être à la fin du premier lustre de l'indiction de 372 (Grat. actio, 16, 73-74) ; Constantin en 311 remet à Autun les reliqua du dernier lustre (Pan., VIII, 13), c'est-à-dire peut-être la dernière période de répartition, et cette remise semble faite à la fin d'une indiction, à la veille d'un nouveau cens. Julien, au contraire, à la veille du cens de 357, refusait de remettre les reliqua : il prétendait que ces remises ne profilaient qu'aux riches, les pauvres payant toujours, disait-il, au début de l'exercice (inter exordia indictorum, Ammien, XVI, 5, 15 ; cf. Paulin de Pella, Euchar., 198-260, qui, lui aussi, paye fiscalia debita aux échéances légales, certo tempore, ce qui déplaît fort à la plupart, quod præcipue plerisque videtur amarum). — Il est également probable que lors de la remise des reliqua à la cité, celle-ci répartissait la somme entre les retardataires, mais n'en faisait souvent profiter que les riches ou les amis des magistrats (soli inter se divites partiuntur ; Salvien, De gub. Dei, V, 35).  Cf. Code Théodosien, XI, 28, De indulgentiis debitorum.

[180] Prædia patrimonalia, emphyteutica, d'ordinaire affermés. Je parle du paiement des impôts réguliers dus par les fermiers, en dehors des redevances dues au Trésor ou au Domaine : impôts dont on entrevoit, à travers les textes de lois, que les fermiers cherchent à se débarrasser en tout ou partie. Mais il est à remarquer que Julien, sans aucun doute en vue de soutenir les cités, décida que ces fermiers seraient assimilés aux autres particuliers, sicut unumquemque privatorum (C. Th., XI, 19, 2). Mais les abus recommencèrent après lui (XI, 10, 3 et 4 ; cf. XI, 1, 36).

[181] Res privatæ. Le principe de l'immunité semble avoir été admis par Constantin ou Constance (C. Théod., XI, 1, 1), supprimé sous Julien ou Valentinien (XI, 7, 11 ; C. Just., XI, 75, 2). Mais les lois laissent entrevoir bien des abus et des exceptions (C. Th., XI, 1, 36), qui semblent s'appuyer sur le principe formulé par Constantin.

[182] A la place, il est vrai, Constantin créa un impôt spécial pour les sénateurs, portant sur le revenu, mais où le revenu foncier devait être surtout visé (impôt dit follis ou gleba) ; Zosime, II, 38, 9.

[183] Loi (incertaine) de Constantin en 315 (C. Théod., XI, 1, 1 ; peut-être de Constance en 360 ?). Il y eut des abus, auxquels Constance voulut remédier, sans aucun doute en vain (C. Th., XVI, 2, 15).

[184] C'est là une question essentielle, que je n'arrive pas à résoudre.

[185] Je ne peux indiquer que quelques faits et quelques textes ; voyez Godefroy, IV, p 357-359, et Kuhn, Die Verfassung des Rœm. Reichs, I, 1864, p. 69 et s.

[186] Digeste, L, 4, 3, 1 ; Code Just., X, 55, 2 et 3.

[187] Loi de 321 ; Code Théod., XIII, 3, 1. Le père d'Ausone, comme médecin, était immunis dans les curies de Bazas et de Bordeaux, mais décurion quand même en titre, muneris exsortem nomine participem, Ausone, Épic., 2, 8.

[188] Le prodigieux accroissement du nombre des prêtres à partir de Gratien, fit que l'on dut apporter des restrictions à ce privilège nunc per triginta annos presbyteri quidam curiæ deputantur, écrit Ambroise en 388 (Epist., 40, § 29, P. L., XVI, c. 1111). Cf. Godefroy, IV, p. 357-358. — Les moines, en tant qu'ils n'étaient pas prêtres (cf. Code Théod., VI, p. 77, Godefroy-Ritter), furent solennellement exclus de ce privilège par une loi de 370 [ou 373 ?] (C. Th., XII, 1, 63 = C. Just., X, 32, 26) ; mais il est visible qu'elle fut mal observée.

[189] Loi de 337, C. Théod., XII I, 4, 2.

[190] Sans quoi les curies n'auraient pas réclamé avec tant d'insistance.

[191] Et c'est peut-être, pour cela que les empereurs ont pu se croire justifiés en exemptant les personnes, soldats, prêtres, professeurs ou sénateurs, que leur condition, en quelque sorte au service de l'Empire, détachait en apparence de la vie municipale.

[192] Comme répertoire de textes, Code Théodosien, XII, 1, De decurionibus [à partir de 313], avec les commentaires de Godefroy ; en dernier lieu, Declareuil, Quelques problèmes d'histoire des institutions municipales au temps de l'Empire romain, 1911 (paru dans la Nouvelle Revue historique de Droit). La question n'a du reste pas encore été traitée avec l'ampleur désirable, et surtout avec les nuances nécessaires, en rapport avec les faits historiques et sociaux, les programmes des différents empereurs la situation des provinces et des villes.

[193] Cela me paraît résulter : 1° du rôle pris alors par les villes ; 2° de ce que le Panégyriste nous apprend d'Autun (IV, 4), récupérant sous Constance, pour compléter son sénat, novos incolas, pris ex amplissimis ordinibus d'autres villes (l'État dut leur attribuer des terres vacantes) ; 3° de ce qu'Ausone dit de la curie de Bordeaux, procerum senatus, et du prestige qu'il semble attribuer à cette curie et à celle de Bazas (Ordo orbium, 130 ; Parent., 26, 8 ; 17, 5-8 ; Épic., 2, 5), ainsi qu'à celle de Trèves ; 4° du très petit nombre de constitutions visant les curies de Gaule (cf. Code Théod., IV, p. 354, in fine, Godefroy-Ritter). — Voyez, dans le même sens, les remarques de Fustel de Coulanges, L'Invasion (Inst., [II]) p. 31 et s., p. 184 et s.

[194] Il suffit d'étudier Code Théod., XII, 1.

[195] Code Théod., XII, 1, 50-53 ; Ammien, XXI, 12, 23 ; XXII, 9, 8 et 12 ; XXV, 4, 21 ; Bidez et Cumont, p. 52-53.

[196] Voyez au contraire les éloges qu'accorde à Julien, à ce sujet, Libanius, qui, lui, est un municipal de vie et de sentiment ; Orat., XVIII, § 148, p. 299, Fœrster ; etc.

[197] Depuis Constantin. Les sénateurs qui ne possédaient pas de terres (il y en avait donc encore, et qui devaient se livrer au commerce), devaient à payer 2 folles (Code Théod., VI, 2, 13, Mommsen ; cf. VI, 4, 21, et Godefroy, II, p. 11), soit 2 livres de 72 sous ou 144 sous d'or. Mais il y avait des remises pour les plus pauvres (VI, 2, 15). Cf. le vieux livre, toujours utile, de Kuhn, I, p. 174 et s.

[198] Également depuis Constantin (Zosime, II, 38 ; Zonaras, XIV, 3 ; p. 259, Dindorf), qui a dû régulariser des taxes antérieures. — Levé en principe par lustre. Il dut y avoir bien des exemptions.

[199] C'est ici, dans le système fiscal du Bas Empire, le problème le plus difficile à résoudre après celui de l'établissement du caput foncier ; et d'ailleurs, les deux problèmes sont étroitement liés (voyez en dernier lieu, sur cette connexion, le livre de Piganiol). — Qu'il y ait eu, en principe, un impôt provincial personnel, distinct de l'impôt foncier, cela, me parait évident : 1° si l'on songe que l'un et l'autre impôt se rattachent à la double captivitas du sol et de l'homme de la province ; 2° si l'on se reporte à l'extraordinaire minutie du recensement, tête par tête ; 3° si l'on examine certains textes, d'ailleurs assez vagues, où le Code Théodosien parle de la capitatio plebeia (XI, 23, 2 ; XII, 1, 36 ; XIII, 10, 4 et 6). En fait, d'une part, on dut en exempter (comme pour la terre) tous ceux dont la condition dans l'Empire aurait avec la tare originelle de cet impôt de servitude ; d'autre part, je crois bien, avec Piganiol, que le caput de culture, pour ainsi parler, absorbait et oblitérait le caput personnel, je veux dire que celui qui payait pour sa terre, cultivateur ou propriétaire, ne payait pas pour sa tête. Il est également possible que cette absorption de la cote personnelle par un impôt de revenu s'appliquât aux contribuables du chrysargyre. Il ne resta donc de soumis à la capitatio plebeia que véritablement la plèbe rurale et municipale ; encore y eut-il plus d'une exception.

[200] J'avoue avoir toujours été étonné de l'exemption de la cote personnelle souvent accordée par les empereurs aux prolétaires des villes (Code Théod., XIII, 10, 2). Je ne peux m'expliquer cela que par le désir de repeupler les villes, en particulier d'artisans, et peut-être n'y eut-il en cette affaire que des mesures de circonstance et pour certaines villes seulement.

[201] Advenæ ou journaliers et salariés libres. Piganiol (p. 84) ajoute à cette catégorie, avec assez de vraisemblance, les inquilini, qui doivent être aussi en principe des ouvriers ambulants ; cf. C. Just., XI, 48, 6. — II y place également, sans doute avec raison, les travailleurs barbares fournis par l'État, qui seraient les colons tributarii (voyez le texte d'Ammien, XIX, 11, 6-7). — Il faut sans doute y ajouter les chercheurs d'or (cf. C. Th., X, 19, 9) et les ouvriers des mines et carrières, dont il est dit qu'ils ne pouvaient vectigalium perferre sarcinas graves (Ammien, XXXI, 6, 6). Encore peut-il s'agir là du chrysargyre.

[202] Zonaras, XIV, 3 ; mais il semble qu'il s'agisse ici de l'impôt du chrysargyre, et non de la capitatio l'une et l'autre taxe devaient donc arriver à se confondre. — Quant aux esclaves autres que les esclaves casés, j'imagine que leurs cotes personnelles étaient payées par leurs maîtres.

[203] Je n'en vois aucune trace nette : la quadragesima du Bas Empire (Symmaque, Epist., V, 65 ; cf. quinquagesima, ibid., V, 62) est un portorium municipal de Rome. — Il existe cependant des droits d'utilisation des routes postales, prélevés par les préposés aux stationes (stationarii) ; mais je me demande si la chose avait lieu en Gaule (C. Th., IV, 13, 3 et 5, édit. Mommsen ; VIII, 10, 2 ; textes qui visent l'Afrique).

[204] Je suis assez embarrassé à ce sujet. D'une part, le chrysargyre, qui est un impôt personnel sur le chiffre d'affaires, devait entraîner la suppression des anciens impôts sur les ventes, et de fait il ne reste plus trace nette de ces anciens impôts. Mais d'autre part, les lois mentionnent : 1° un vectigal sur les ventes à l'encan (licitationes ; en Afrique, C. Th., IV, 13, 4) ; 2° un venalicium (taxe municipale de Rome ? C. Just., XII, 19, 4) ; 3° des taxes sur l'achat et la vente dans les foires (proponenda in nundinis, peut-être municipales, en 320 ? C. Théod., VII, 20, 2 ; cf. Cassiodore, Var., IV, 19) ; 4° enfin la fameuse taxe du VIIIe, octava, que je trouve en Orient (C. Th., IV, 13, 6), imposée en particulier à des marchandises importées de l'étranger (C. Th., IV, 13, 8), à la vente d'eunuques peut-être d'origine étrangère (C. Just., IV, 42, 2), taxe qu'on affermait pour cinq ans (C. Just., IV, 65, 7) : il n'est pas impossible que ce soit un droit de douane. — Mentionnons à part le droit d'un dixième sur les marbres des carrières privées (C. Th., X, 19, 10 et 11). — Il est fort probable qu'à cet égard, comme du reste à tant d'autres points de vue fiscaux, chaque province avait son régime distinct et doit être étudiée à part.

[205] Code Théod., XIII, 1, 5 ; IV, 13, 8 et 6, Mommsen (ceci est l'octava d'Orient ; note précédente). Encore ne suis-je point sûr que ces textes ne visent pas seulement des taxes sur la vente (ibid.). — La douane devait être sous la surveillance des comites commerciorum, qui dépendaient du comte des Largesses. La Notifia n'en mentionne pas pour la Gaule.

[206] Cf. Godefroy, II, p. 255-8. Ce sont les conquisita d'Ammien Marcellin, XVII, 3, 2.

[207] Lactance, De m. p., 7 et 31 ; Paneg., XI, 9 ; Ammien, XVII, 3, 2-3. XXI, 6, 6.

[208] Lactance, De m. p., 7 ; Paneg., XII, 14.

[209] Ammien, XIX, 11, 3. Le logement en particulier était une charge fort lourde, soit à cause de l'installation des troupes en garnison d'hiver, soit à cause du va-et-vient Constant de soldats et d'agents de toutes sortes ; la question est à étudier de très près pour comprendre l'établissement des Barbares au siècle suivant ; cf. C. Th., VII, 8, De metatis.

[210] Si du moins le texte d'Ammien (XVII, 3, 2-4) établit un lien entre les conquisita et la capitatio ou l'augmentum.

[211] Cf. Ammien, XVII, 3, 3 ; XIX, 11, 3 ; XXI, 6, 6.On peut ajouter ici, encore, qu'en principe il fût libre et en fait intermittent, l'impôt dit aurum coronarium ou don gratuit aux princes, lequel affectait surtout les possessores (C. Th., XII, 13).

[212] Dans le même sens, Fustel de Coulanges, L'Invasion germanique, p. 47 et s. Cependant, j'entends ne parler ici que de la période antérieure à 395. Car je crois de plus en plus que, surtout à partir de 395, le fisc aggrava tout à la fois le poids de ses exigences et la tyrannie de ses procédés, et que le despotisme financier fut une des causes de la désaffection des populations à l'endroit de l'Empire et de leurs espérances à l'endroit des Barbares. Et il est certain que, dès 400, un grand propriétaire a pour principal souci de payer l'impôt (Paulin, Euch., 199-201). Il se peut donc qu'il faille prendre au sérieux le propos de Paulin de Nole, disant que les charges de son patrimoine (onera patrimonii) épuisent ses revenus (substantia facultatum) (Epist., § 5, P. L., LXI, c. 169-170) : et il est possible que les plus riches propriétaires fonciers aient eu parfois, avantage à se débarrasser d'une partit de leurs biens en faveur des pauvres ou des églises.

5. 48L'AUTO RITE PUBLIQUE.

[213] Nous avons évalué à 625.000 sous d'or sous Constant le tribut foncier des Éduens, à 175.000 sous Julien ; le territoire éduen pouvant être évalué au trentième de la Gaule [1/48 de la France, dit à tort Savigny, p. 142, d'après Gibbon, III, ch. 17 ; II, p, 197-8, dans l'édit. Bury]. Si le chiffre de 25 sous était la règle pour joute la Gaule, cela ferait, comme total de l'impôt foncier sous Constant, à la plus belle époque que la Gaule ait connue au Ive siècle, 18 millions 750.000 sous d'or, soit environ 300 millions de francs (en comptant le sou de Constantin, en valeur absolue, à 15 fr. 665) : et quelle que soit la valeur relative de la monnaie, cela ne peut être excessif. Et on en dira autant du chiffre, quoique supérieur, auquel arrive Lot pour la France, 350 à 375 millions. Tous ces calculs, d'ailleurs, demeurent fort hypothétiques. — L'abaissement du taux à 7 sous par Julien s'explique par la dévastation de la Gaule ; mais en dépit du texte d'Ammien, je me demande si l'abaissement n'a pas été limité à une partie de la Gaule, celle des provinces dévastées. Qu'on ne s'étonne pas, d'ailleurs, de l'énormité de ce dégrèvement : en 15 ans, sous Alexandre Sévère, des cotes d'impôt baissèrent de 10 sous d'or à un tiers de sou (Hist. Aug., Alex., 39, 7). Je répète qu'il faut étudier la chose par province. On signale, sous Magnence, la levée exceptionnelle de la moitié du revenu (Julien, Or., p. 34, Sp.).

[214] Lécrivain, De agris publicis imperatoriisque, 1887, p. 69 et s. ; Wiart, Le Régime des terres du fisc au Bas-Empire, 1894 (thèse de Paris) ; His, Die Domænen der Rœmischen Kaiserzeit, 1896, p. 17 et s. ; Hirschfeld, Die kaiserlichen Verwaltungsbeamten, 2e éd., 1905, p. 121 et s. (pour le Haut Empire). Mais il manque toujours un travail topographique, les érudits étant surtout préoccupés des questions administratives.

[215] Plus particulièrement fiscus.

[216] Comes rerum privatarum ; Not. dign., Occ., 12.

[217] Plutôt qu'à Reims. Rationalis rei privatæ per Gallias ; 12, 13.

[218] Ou à Arles. Rationalis rei privatæ per Quinque Provincias ; 12, 14.

[219] Je ne vois pas dans quelle autre ville eût pu résider le rationalis rei privata per Sequanicum. La présence d'un intendant spécial dans cette région peut s'expliquer par l'importance des domaines forestiers et des salines et peut-être aussi des terres vacantes dans cette zone frontière de Suisse et de Haute Alsace, si souvent dévastée.

[220] Je songe ici aux bona templorum réunis à la res privata en principe par la loi de Valentinien en 364 (Code Théod., X, 1, 8). Il ne s'agit du reste là-que de eaux qui avaient été confisqués ou aliénés depuis Constantin. Mais le principe demeura maintenu et sans doute étendu (X, 3, 4 et 5 ; XVI, 10, 20 ; etc.). Et il faut peut-être voir là au début, sous Valentinien, une précaution qui visait tout à la fois la mainmorte des temples païens et celle des communautés chrétiennes.

[221] On pourrait multiplier les textes à l'infini. En regard, les faits de vente de domaines par le prince sont très rares ; on en signale, mais avec colère, sous, Magnence (Julien, Or., II, p. 34., Sp.).

[222] Cf. Paneg., XII, 25, 26, 28, sous Maxime ; 26 : Comportabantur spolia provinciarum, exuviæ exulum, bona peremptorum (il s'agit d'ailleurs de meubles, de bijoux, de vaisselle et d'espèces aussi bien que de terres).

[223] Quæ res patrimonium dives evertit ; Ammien, XVI, 8, 8.

[224] Pardessus, Diplomata, I, p. 117 (toutes réserves faites sur l'authenticité du document) ; cf. Lebeuf, Hist. de la ville et de tout le diocèse de Paris, éd. Bournon, 1883, III, p. 3 et s., surtout, Quicherat, Bibl. de l'École des Chartes, XXVI :, I, 1865, p. 513 et s.

[225] Villa Clippiacus ; Frédégaire, Chr. IV, 55 et 78 : etc. Cf. Lebeuf, éd. Bournon, I, p. 419 et s. — Il est fort possible qu'ils fussent, en tout ou en partie, propriétaires de la villa Catalliacus (Saint-Denis), Catullacus, Catolacus, Prou, n° 834-836. — On pourrait ajouter Reuilly, si, comme on le croit d'ordinaire, Reuilly est la villa parisienne (Parisius) appelée Romiliacus [corriger en Roviliacus ?] par le chroniqueur Frédégaire, IV, 58, p. 150, Krusch).

[226] L'importance particulière des domaines royaux aux environs immédiats de Paris explique le séjour qu'y firent les Mérovingiens, ou, peut-être plutôt, s'explique par ce séjour. Mais pour être moins grande dans le reste de la France, la propriété royale n'y a, pas moins été partout considérable. Et on n'a pas assez montré caractère essentiellement domanial de cette monarchie, caractère que tendait déjà à prendre l'Empire romain en ses derniers temps.

[227] Je traduis par ce mot celui de horrea des textes historiques et législatifs.

[228] Gynœcia (ateliers de femmes), au nombre de 6, ayant chacun à sa tête un procurator, à Arles, Lyon, Reims, Tournai, Trèves, Autun (transféré à Metz, sans doute sous Théodose) ; un linyfium à Vienne ; trois groupes de barbaricarii sive argentarii sous les ordres d'un præpositus, Arles, Reims et Trèves ; Not., Occ., 11, 54-59, 62, 75-77. Allusion à ces ateliers de Trèves chez Ausone, Ordo urbium, 31 : Imperii vires quod alit, quod vestit et armat.

[229] Procurator bafii Telonensis et Narbonensis ; id., 11, 72-73.

[230] D'abord, plusieurs gynæcei à Trèves sous les ordres d'un seul procurator. Puis, un procurator gynæcei, dont il est dit Vivarensis Metti translata anhelat, où l'on a corrigé Arelate : l'atelier, de Viviers, aurait été transféré à Metz, et de là à Arles, ce qui est possible, les gens du Midi, ayant pu réclamer contre ce transfert à si longue distance ; mais l'interprétation anhelat dans le sens de est en ruine, qui a paru hasardée, est conforme à la langue de l'époque ; Not., Occ., 12, 26-27.

[231] Dans les trois villes, sans aucun doute en tant que lieux de rassemblement militaire, d'Amiens, de Reims et de Trèves : spatharia et scutaria en une [?] fabrique à Amiens, spatharia à Reims, scutaria et balistaria en deux [?] fabriques à Trèves ; ajoutez une fabrique indéterminée à Soissons, dont c'est la première trace dans la vie militaire des derniers temps de l'Empire ; Not., Occ., 9, 34-39. Allusion aux fabriques de Trèves chez Ausone, Ordo urbium, 31.

[232] Il semble qu'il y ait deux fabriques, l'une seulement de boucliers, l'autre de cuirasses et balistes, loricaria [pour fantassins], batistaria et clibanaria [pour cavaliers] ; Not., Occ.,9, 33-34. C'est l'héritage des plus anciens ateliers d'armes connus de la Gaule.

[233] La seule manufacture de flèches connue en Gaule (Matisconensis sagittaria ; 9, 32).

[234] Peut-être le centre de fabrication le plus important, et à cause des mines du Berry : Argentomagensis armorum omnium ; Not., Occ., 9, 31.

[235] Horrea alimentorumque in isdem satias condita, sur la voie qui borde le Rhin ; Ammien, XVIII, 2, 4.

[236] Sulpice Sévère, Chron., II, 41, 2 (annonæ et cellaria fournis aux évêques qui se rendent aux conciles).

[237] Beaucoup de ces constructions étaient au voisinage de la frontière commune à deux cités entre cent exemples, la station postale Ad Horrea sur la voie Aurélienne, avoisinant la frontière commune des cités d'Antibes et de Fréjus (Itin. Ant., p. 297, W.), la basilica de Bazoches, près de la limite des cités de Reims et de Soissons.

[238] Ou groupes d'édifices. Tous ces détails, sans être mentionnés dans des textes formels, résultent nettement de ce que nous savons de ces lieux de gîte et d'entrepôt. Voyez en particulier Code Théodosien, XI, 14, De conditis in horreis publicis ; Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 286 b, Sp. ; Ammien, XVIII, 2, 4 ; les Vies de saints citées plus bas.

[239] Car on y déposait blé, orge, vin et lard (C. Th., XII, 6, 21).

[240] Voyez, mais sous les Antonins et à la frontière (Dessau, 8909 et 9180), le numerus burgariorum et veredariorum, ce qui indique un lien très net entre le soldat du burgus et le courrier.

[241] Præpositus mansionis (Code Théod., XII, I, 21), à côté duquel fonctionne un præpositus horreorum (XII, 6, lois 5, 8 et 24). J'ai peine à croire que les deux charges ne se soient pas souvent confondues.

[242] Ce sont d'ailleurs, en principe, des fonctions municipales (cela a varié suivant les temps aires provinces ; cf. C. Th., XII, 6, 33), mais très sévèrement surveillées par l'autorité impériale.

[243] Cela a été bien noté d'abord par Hettner dans la région trévire ; Die Römischen befestigten Mansionen, dans Westdeutsche Zeitschrift, X, 1891, p. 284 et s.

[244] Dé là le nom de prætorium donné souvent à ces gîtes ; cf. le commentaire de Godefroy, I, p. 51. Prætorium sur la route de Clermont à Limoges (Table de Peutinger), qui doit très certainement être cherché dans Sauviat ; Prætorium Agrippinæ sur la grande route de la Germanie Inférieure, de Leyde à Nimègue.

[245] Prætorium Agrippinæ.

[246] De là le nom de palatium qu'on a pu lui donner. — Les plus grandes précautions étaient prises pour protéger contre les usurpations de logis les pièces réservées à l'empereur dans les stations postales, sacræ domus ou palatia nostra in mansione (C. Théod., VII, 10, 1). Il est d'ailleurs probable que si l'empereur descendait dans une villa ou une mansio qui ne fût pas aménagée par avance pour le recevoir, elle devenait de fait un palatium pendant son séjour ; cf. Ambroise (De obitu Valentiniani, § 24, P. L., XVI, c. 1360) : Litteræ de instruendis mansionibus, invectio ornamentorum regalium, aliaque ejusmodi quæ ingressurum iter imperatorem significarent.

[247] De là le nom de basilica qu'on trouve en toponymie sur les vieille routes romaines, et qui peut parfois rappeler un local public aussi bien qu'un oratoire chrétien de route (le mot est devenu Bazoches, Bazoges, Bazouges, etc.). Il est possible, d'ailleurs, que basilica fût également parfois l'équivalent grec de palatium.

[248] Ce qu'indique bien d'ailleurs l'expression de prætorium.

[249] Code Théod., I, 16, 12, Mommsen = I, 16, 11, Hænel.

[250] Code Théod., XII, 6, 21 (per mansiones).

[251] Voyez les localités modernes citées dans les deux notes suivantes. — Je pose une question sans pouvoir y répondre : la plupart, sinon la presque totalité des mansiones rurales, étant sur le territoire d'un grand domaine, quel pouvait être le rapport du propriétaire de ce domaine avec l'administration publique de la poste et de la station ?

[252] De là le rôle que les Vies de saints, peut-être d'après des documents authentiques, font jouer à ces gîtes. Rufin et Valère, sur la route de Reims à Soissons, ad imperiale palatium [Bazoches] frugum horrea conservabant (14 juin, II, p. 797) : ce sont deux præpositi horreorum ou mansionis suivant la formule du Code Théodosien. Voyez d'autre part la description de l'entrepôt de Tournus, qui cadre avec tout ce que nous savons de l'institution (dans la vie de Valérien, 15 sept., V, p. 24) Trenorciensis oppidi... locus olim ab antiquis castrense horreum [castrensis désigne une dépendance du palais impérial ; cf. Not., Occ., 15] vocitatum, ab hoc sine dubio quod a remotioribus consuela vectigalia [en nature] deferebantur ; etc. Ibi ex diversis mundi partibus [sans doute allusion aux plaids du gouverneur ?] illuc homines confluebant. Il n'y a donc pas à s'étonner si un évangéliste chrétien ait choisi ce lieu de passage populaire pour s'y installer et y prêcher.

[253] Voyez les noms cités ici, n. précédente. Et de même, les localités dont le nom peut venir de mansio : certaines Maisons ou Maison (cf. Longnon, Noms de lieu, p. 117), et peut-être certains Mas, comme Le Mas-d'Agenais, lequel, étant sur la route d'Agen à Bordeaux, et non loin de la frontière entre les cités d'Agen et de Bazas, peut représenter une mansio Aginnensis, une station municipale de la cité d'Agen. — Il est possible que certaines ruines du Bas Empire (murs en petit appareil maçonné avec lignes de briques) qu'on pourra rencontrer sur les routes romaines, soient des vestiges de mansiones plus ou moins fortifiées plutôt que de villas. La différence entre la villa, le burgus, le vicus fortifié et la mansio a dû s'effacer à peu près complètement ; je doute, par exemple, qu'il n'y ait pas eu de thermes dans la station postale.

[254] Chose étrange, et qui marque bien l'état incohérent de la Notitia, il n'y est question de ce service qu'incidemment, et le mot cursus publicus n'y apparaît qu'à propos des curiosi. — Un autre service de camionnage public, et qui parait avoir été distinct de celui de la poste d'État, est celui de la bastaga, chargée du transport des objets appartenant au fisc ou au Domaine, et peut-être surtout des produits des villas et manufactures impériales il y a, semble-t-il, deux præpositi bastaga dans toute la Gaule, l'un pour les largitiones (11, 85, avec deux entreprises dites Prima et Quarta), l'autre pour les privatæ (12, 29), chacun dépendant de son comte.

[255] Ce serait une question à résoudre, quelles sont les routes sur lesquelles était établie à titre permanent la poste impériale. Car elle ne devait fonctionner que sur certaines routes, sans doute celles que les auteurs appellent viæ militares (Paneg., VIII, 7), les seules peut-être qui fussent marquées par des bornes au nom de l'empereur agger, cujus per spatium satis vetustis nomen Cæsareum viret columnis (Sidoine, Carmina, 24, 6-7) ; stralarum operam titulis magnorum principum dedicatam (Code Théod., XV, 3, 6) ; vias, pontes, per quos itinera celebrantur (Code Th., XV , 1, 36).

[256] La pièce se nomme evectio. Voyez du reste : le De cursu publico du Code Théodosien, VIII, 5, avec les commentaires de Godefroy ; l'article Cursus publicus dans le Dict. des Antiquités (Humbert, 1887 ; article demeuré très utile) ; le même dans la Real-Enc. (Seeck, 1900).

[257] Ammien, XXI, 13, 7 : Vehiculis publicis inpositum militem. De même, Julien promet aux soldats de Gaule partant pour l'Orient, qu'il les fera accompagner de leurs familles, clavularis [ou clabularis] cursus facultate permissa (c'est le transport par chariots, en petite vitesse, par opposition à la poste rapide, cursus velox) ; Ammien, XX, 4, 11. Voyez aussi Sulpice Sévère, Dial., II, 3, 2 (plena militaribus viris fiscalis ræda).

[258] Cela a été bien montré par Guiraud, Assemblées provinciales, p. 6 et s.

[259] Il est même possible que dès lors le bureau d'un gouverneur se soit partagé les cités du ressort, par exemple en matière fiscale, et que chaque civitas ait dépendu d'un groupe fixe d'appariteurs publics. Voyez le mot, de Lactance, De m. p., 7.

[260] Officiales. Voyez les tableaux dressés par Seeck à la lin de son édition de la Notitia, p. 335-336.

[261] Outre la Notitia, voyez le De cohortalibus, principibus, corniculariis et primipilaribus, du Code Théodosien, VIII, 4.

[262] Cornicularius. Manque, chose étrange, dans les bureaux militaires : un adjutor dans celui du préfet (Occ., 3, 41). C'est un assez gros personnage.

[263] Ce sont les tabularii ou numerarii, au nombre de deux, chez les vicaires et gouverneurs (22, 43 ; 43-45), et ce sont les numerarii du préfet et du maître de la cavalerie (3, 44 ; 7, 114), placés souvent au-dessous des deux fonctionnaires suivants (cf. deux notes suivantes) ; un numerarius, après le cornicalarius, chez les comtes et ducs (36, 8 ; 37, 32 ; 38, 12 ; 41, 28). Cf. Code Théod., VIII, 1, De numerariis, actualiis, scriniariis et exceptoribus. — Aidés parfois, chez les plus hauts fonctionnaires, par des auxiliaires, subadjavæ (3, 45), adjutor (7, 11).

[264] Commentariensis ; parfois avec auxiliaires, adjutor, subadjuva (36, 10-11 ; 37, 34-35 ; 38, 14-15 ; 41, 30-31), surtout, semble-t-il, pour les bureaux provinciaux. Cf. n. précédente.

[265] Ab actis ou actuarii. — Ajoutez le cura epistolarum et le regerendarius pour l'ordonnancement de la correspondance et des affaires chez le préfet (3, 46-47), un regerendarius chez le maître (7, 116), un cura epistolarum chez le vicaire (22, 40). — Le regerendarius remplace l'ab actis chez les ducs et comtes (36, 12 ; 37, 30 ; 38, 6 ; 41, 32) — Des auxiliaires, adjutor, subadjuvæ (22, 47-48).

[266] Exceptores, dans tous les bureaux sans exception.

[267] Adjutores, chez le préfet (3, 49).

[268] Singulares ou singularii, qui est l'expression courante dans la Notitia ; ce sont les apparitores des textes (Not., 7, 117).

[269] Celle des officiales. Cf. C. Théod., VIII, 7, De diversis officiis, et le commentaire de Godefroy. Il y a même une tendance à l'hérédité (loi de 397, ibid., 19).

[270] Not., Occ., 36, 7 (principem ex officio magistri peditum : il semble que ce soit chaque année) ; 37, 31, et 41, 27 (une année sur deux ; l'autre année, le princeps est envoyé par le magister equitum du palais). Ailleurs, ce sont le numerarius et le commentariensis qui sont toujours, semper, envoyés par le bureau central de l'armée (41, 28 et 29). Mais il arrive aussi que le princeps soit pris sur place, ex eodem corpore (38 ; 11). On n'aperçoit pas les motifs de ces différences, qui résultent peut-être de ce que le rédacteur de la Notitia a mis tantôt l'état de fait, et tantôt l'état de droit. Voyez les hésitations de Mommsen, Princeps officii agens in rebus, dans Ges. Schr., VIII, p. 474 et s. (écrit en 1884) ; à rapprocher des études de Marchi, Il Princeps officii e la Notitia (dans les Studi giuridici in onore di Fadda, V, 1906, Naples, p. 379 et s.), et d'Ernst Stein, dans la Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Rom. Abth., XLI, 1920, p. 195 et a.

[271] Principem de schola agentum in rebus ex ducenariis, les agentes dépendant du maître des Offices : ceci est de règle pour les vicaires (Occ., 22, 41 ;etc.). Le princeps des gouverneurs parait tiré du bureau du préfet pour les provinces consulaires (Occ., 43, 6) ; du bureau même pour les autres (44, 7 ; 45, 7). Mais Il peut y avoir des négligences dans le document ; cf. Mommsen, p. 478.

[272] Il est évident, d'après les indications de la Notitia, que la question du princeps était primordiale dans ces bureaux. C'était en fait un très haut personnage, et le princeps du prétoire, par exemple, pouvait devenir un arbitre des choses publiques (Ammien, XV, 3, 8). Aussi comprend-on qu'on désirât ne le nommer que pour un an.

[273] Cf. les Variarum de Cassiodore.

[274] Ammien, XXI, 16, 1-3.

[275] Paneg., IV, 5 : Hi [les étudiants] quos ad spem omnium tribunalium [les gouvernements de provinces] aut interdum ad stipendia cognitionum sacrarum [les places de comte du Consistoire] aut fortasse ad ipsa palatii magisteria [magistri scriniorum] provehi oporteret.

[276] Paneg., XI, 19-21 ; Ammien, XXX, 9, 3 ; XXI, 16, 1-3 ; etc.

[277] Libanius, Orat., XVIII, § 158, p. 304, Fœrster. Voyez par exempte, sans doute sous Julien, Aprunculus, orator de Gaule, et, en outre, aruspicinus peritus, qui est pormutus rector Narbonensis (Ammien, XXII, 1, 2) ; à la fin du règne de Constantin, le rhéteur toulousain Exupérius, qui est fait præses en Espagne (Ausone, Prof., 8, 12-13). Si le Paulinus qui fut præses Epiri Novæ en 372 (C. Théod., XVI, 2, 22), est le futur évêque de Nole, il n'avait pas alors 20 ans. On cite comme gouverneurs les nummularii ou banquiers (Ammien, XXX, 9, 3), qui certainement ne se faisaient nommer à ces places que pour y chercher de bonnes affaires.

[278] Paneg., XI, 22 : Unius anni [361].... thesaurorum omnium mandata custodia et dispensatio, largiendi.... præfectura... consulatus [pour le 1er janvier 362].

[279] Bien qu'Ausone s'intitule par deux fois préfet d'Italie, je doute fort de cette préfecture (que ses biographes placent en 376 ; Schenkl, p. IX) ; je crois plutôt, soit qu'il ait reçu en 378 un titre général de préfet du prétoire (cf. collegium pæfecturæ, Ausone, Grat. actio, 2, 6), comme dans l'ancien usage, mais avec fonction spéciale en Gaule, soit, plutôt, qu'il ait été simplement d'abord préfet honoraire [cf. note suivante] en Italie, et ensuite préfet effectif en Gaule. Il fut en tout cas préfet de Gaule en 378, consul en 379 ; il est né vers 310 ; Grat. actio, 2, 7 ; 2, 11 ; Ausonius lectori, 36 ; Épic., 2, 41-46.

[280] Schenkl (éd. d'Ausone, p. X) a supposé que l'inexpérience administrative d'Ausone aura obligé l'empereur à lui donner son fils comme collègue, et plus tard à accepter sa démission, et il rattache à cette inexpérience et à cette démission deux passages des lettres de Symmaque (I, 42, 2, et 31, 3). — De la même manière, le père d'Ausone reçut en 375 [?] la préfecture du prétoire d'Illyrie (Ausone, Epicedion, 52) : ce n'avait jamais été, je crois, qu'un médecin municipal, et il devait avoir alors près de quatre-vingt-dix ans : j'imagine qu'il ne s'agit que d'une préfecture honoraire (remarquez le mot nuncupor), dans le genre de celle du Narbonnais (Corpus, XII, 4355) qui, à la suite de la reconstruction faite à ses frais des monuments de sa ville, judicio Augusti ad præfecturam prætorianarn Galliarurn remunerationis causa evectus est. Mais une loi du Code étant adressée à Ausone, il est impossible de voir dans celui-ci un préfet honoraire de Gaule. — A la même date, le fils d'Ausone était fait préfet en Italie mais celui-ci était magistrat de carrière. Cette prodigieuse fortune d'Ausone et des siens est peut-être la marque la plus nette de la puissance de la rhétorique au IVe siècle ; voyez la chronologie ausonienne de l'édition Peiper, lequel a bien vu la chose, p. LXXXXVIIII et s.

[281] Dans l'affaire des Priscillianistes, tribuni cum jure gladiorum in Hispaniam mitterentur (Sulpice Sévère, Dial., III, 11, 9).

[282] Voir le texte de la note précédente.

[283] Ammien, XIV, 5, 6.

[284] Ammien, XV, 6.

[285] Ammien, XIV, 5, 6 commission confiée à un Paulus, notarius. Le même opère après l'usurpation de Silvain Ammien, XV, 6, 1. Et il fut célèbre sous Constance pour des délégations de ce genre, peritus artium cruentarum, ce qui l'avait fait surnommer Catena (XIX, 12, 1 ; XXII, 3, 11 ; etc.).

[286] Sulpice, Dial., III, 11, 9 ; Ammien, XV, 3, 2.

[287] Ammien, XIV, 5, 6.

[288] Ammien, XIV, 5, 6 et s. ; XV, 6.

[289] Ammien, XIV, 5, 6 ; et c'est sans doute une mission de ce genre que dirige le comte Avitianus, et peut-être dans l'affaire des Priscillianistes (Sulpice, Dial., III, 4 et 8). — Il faut sans aucun doute en rapprocher les judices militares institués sous Dioclétien et Maximien contre les Chrétiens.

[290] Les curiosi, qui se rattachent sans doute aux agentes in rebus (n. suivante) : voyez Code Théod., VI, 29, 2, qui indique deux agentes par province ; je doute qu'il n'y en ait pas eu souvent davantage. La Notitia parle (Occ., 9, 44-4.5) d'un curiosus cursus publici installé au bureau central du magister officiorum et des curiosi omnium provinciarum. — Remarquez que la poste dépend du préfet, mais qu'elle est en même temps inspectée par les agents du magister officiorum ou du ministre de l'Intérieur ce qui est un nouveau cas de ces concurrences ou complications administratives qui furent si fréquentes sous l'Empire, même au point de vue militaire. Et je soupçonne également incertitude ou concurrence dans la situation des scrinia centraux.

[291] Je songe aux fameux agentes in rebus, lesquels dépendent également du magister officiorum (Not. dign., Occ., 9). Cf. Hirschfeld, Kleine Schriften, p. 624 et s. (écrit en 1893). — Les protectores, ou gardes du corps (avec rang d'officier) ont été employés à des missions de même genre, certis officiis deputati (C. Th., VI, 24, 5) ; des protectores accompagnent Ursicin en 355 (Ammien, XV, 5, 22). — Mais les affaires les plus importantes étaient confiées d'abord à des notarii, qui du reste pouvaient avoir passé dans le cadre des agentes in rebus (c'est le cas du fameux Gaudentius, Ammien, XV, 3, 8 ; XVI, 8, 3 ; XV II, 9, 7).

[292] Ammien, XIV, III 19 et 23 ; XV, 3, 8-9 ; XVI, 8, 3 ; XXII, 3, 15.

[293] Voyez les textes de la n. précédente ; pestilenti genere, Aur. Victor, De Cæs., 39, 44-45 ; Libanius, Orat., XVIII, § 135, p. 294, F.

[294] Sans doute lors du morcellement des Tres Galliæ.

[295] Tout ceci est supposé d'après ce que nous savons du conseil de la petite province africaine de Tripolitaine en 370 (Ammien, XXVIII, 6, surtout 7). Car, pour la Gaule, nous n'avons que de faibles indices sur la tenue des conseils provinciaux : 1° leur intervention possible, lors de la proclamation de Julien en 360 : provincialis decrevit (Ammien, XX, 9, 7) ; 2° le mot de sacerdotum provinciæ employé pour la Gaule en 371 (Code Théod., XII, 1, 75 ; cf. loi 148) ; 3° l'existence de décrets honorifiques à l'endroit de gouverneurs (Corpus, XIII, 921 ; Dessau, 8987, posuit provincia patrono) ; 4° l'accusation portée devant Julien contre un gouverneur de Narbonnaise, il est vrai par un orator qui a, pu agir de lui-même ou pour le compte d'une civitas (Ammien, XVIII, 1, 4) ; 5° et 6° l'existence très certaine de ces concilia au siècle suivant, et en Novempopulanie (concilium procerum ; Corpus, XIII, 128) et en Première Lyonnaise (Sidoine, Epist., I, 6, 4). Je n'ose parler des assemblées de diocèses, qui apparaissent pour l'Empire en 382 (Code Théod., XII, 12), et pour la Gaule à Arles au début du Ve siècle (Hœnel, Corpus legum, p. 238). — Il est du reste évident que les malheurs de ce siècle et la carence périodique du pouvoir impérial ont peu à peu ravivé ces assemblées locales, et sans aucun doute aussi les ont menées à prendre une part plus active au gouvernement. — Guiraud, p. 219 et s. ; Carette, Les Assemblées provinciales de la Gaule romaine, p. 229 et s.

[296] Voyez Ammien, XXVIII, 6, 9, toujours à propos d'une affaire poursuivie par le conseil de la Tripolitaine : Promissa disceptatio plena dilata est eo more quo solent inter potiorum occupationes ludi potestates excelsæ. Ammien (XVIII, 1, 4) nous montre même Julien faisant assez médiocre accueil à une accusation portée contre un gouverneur de Narbonnaise.

[297] Cf. t. IV, ch. VIII, en particulier § 15.

[298] Même à Trèves et en dépit du prestige de la Cour et des fonctionnaires impériaux, Ausone relève ceux qui ont été magistrats municipaux (Mosella, 405-6), quique suas rexere urbes purumque tribunal sanguine et innocuas illustravere secures. Et à Trèves encore, le poète célèbre la gloire de la curie et de ceux qui y ont été au premier rang (Mos., 401-2), quos curia summos vidit municipes propriumque senatum.

[299] La première trace du defensor municipal en Gaule est celle de Pœménius à Trèves vers 352, electus ad defendendam plebem contre Magnence (Ammien, XV, 6, 4), et c'est alors une sorte de dictateur militaire improvisé, et non pas, comme le croit Seeck (au mot Defensor, Real-Enc., IV, C. 2366), un avoué ou avocat en justice. En 368 (Code Théod., I, 29, 1), le defensor civitatis apparaît comme un protecteur de la cité, non contre les empiétements de l'État, mais contre ceux des potentes, et il est nommé par le préfet du prétoire. En 387 (I, 29, 6), ce sont les decreta des cités qui le désignent, et pour les protéger contre les improbi et les latrones (I, 29, 7-8). Il n'a encore aucune souveraineté judiciaire, et son rôle semble se ramener à celui de patronus (le mot est employé, I, 29, 4), à un patrocinium plus efficace que celui des patrons de l'ancien temps : car il est évident, vu la nature de leurs fonctions, que les défenseurs devaient avoir à leur disposition quelque force de police, ce qui les rapproche du rôle de Pœménius. — En dernier lieu, Seeck, l. c.

[300] Le curator reipublicæ, autrefois magistrat ou plutôt fonctionnaire délégué par l'empereur, est maintenant un magistrat municipal (curator civitatis) et tend à reléguer dans l'ombre, à réduire à un rôle honorifique ou même à supprimer les duumvirs ; Code Théod., XII, 1, 20 (loi de 331) ; XV, 7, 1 ; etc. Une inscription postérieure à 400 mentionne un curator civitatis Elosatium (Éauze ; XIII, 563). — Ausone (Parent., 17, 5-8) parle d'un de ses parents, Pomponius. Maximus, qui-fut, comme chef du sénat de Bordeaux (te primore), son honneur et sa ressource je pense, non pas à un curateur ou à un défenseur, mais à un primas ou princeps curies (C. Th., XII, 1, 127, 171, 189).

[301] Il y a toujours des duumviri municipaux (C. Th., XII, 5, 1, et en bien d'autres endroits), et il semble qu'ils soient spécialement appelés magistratus, titre qui parait manquer, au moins à l'origine, au curator, pourtant leur supérieur (XII, 5, 1 ; IX, 2, 5, loi de 409 : defensores civitatum, curatores, magistratus).

[302] Ausone (Ordo urbium, 168) se déclare consul in ambabus, à Rome et à Bordeaux. Ce me parait être le duumvirat (n. précédente).

[303] Ajoutez le transfert à l'État des bona templorum. — Il faut cependant remarquer, par compensation, que l'État a pu allouer aux villes soit des biens confisqués aux particuliers, soit des terres vacantes (cf. Julien, Misopogon, p. 370, Sp.), soit encore elle partie des biens des curiales qui s'étaient faits clercs (C. Th., XII, 1, 59 et 64). Voyez la restitution de fundi et de vectigalia municipaux ordonnée par Julien (C. Théod., X, 3, 1, Sozomène, V, 5 ; Ammien, XXV, 4, 15 ; etc.), les allocations accordées à Autun par Constance, en particulier pecuniis ad calendaria largiendis (Paneg., VIII, 4 ; cf. IV, 4) : les calendaria sont les caisses municipales de réserves, dépôts et prêts aux particuliers.

[304] A la suite de la destruction des lieux de spectacle et de la suppression des gladiateurs. Je doute que les villes fissent d'ordinaire en Occident les frais des courses de chars.

[305] Remarquez qu'Ausone ne signale à Bordeaux qu'un monument, une fontaine de marbre (Ordo urbium, 148). A Autun, Constance fait réparer à ses frais et avec la main-d'œuvre militaire les bains publics (lavacris quæ corruerant extruendis ; Paneg., VIII, 4) et les aqueducs (id., IV, 4) ; à Reims, Constantin construit des thermes fisci sui sumpta (Corpus, XIII, 3255). Écoles rebâties à Autun par un professeur de la cité. Un riche habitant de Narbonne répare à ses frais le pont, les portes [portas ; peut-être le pluriel pour le singulier] et l'aqueduc (Corp., XII, 4355).

[306] Tout au moins après la suppression des temples païens, les églises chrétiennes ayant leur dotation propre et personnelle.

[307] Elle peut d'ailleurs demander au gouverneur de les transmettre au prince voyez la requête du rhéteur Eumène au vir perfectissimus, præses de Lyonnaise, pour qu'il fasse connaître à l'empereur sa résolutions de consacrer son traitement à la reconstruction des écoles (Paneg., IV, surtout 21). — De la même manière, l'empereur peut écrire directement aux cités, au moins à celles qui jouissaient du titre de métropoles ou à celles qu'on appelait les villes nobles. Voyez en particulier la curieuse lettre de Constantin en 321, écrivant aux décurions de Cologne pour leur rappeler le droit des sénats municipaux à s'adjoindre les Juifs (C. Théod., XVI, 8, 3). C'est pour cela que j'admets parfaitement que le sénat de Rome ait pu écrire à la curie de Trèves pour lui annoncer l'avènement de Tacite (Hist. Aug., Tac., 18).

[308] Voyez Paneg. ; VIII, 9 et 10. — Voyez le discours De regno de Synésius, à titre d'orator de Cyrène.

[309] Cf. Paneg., VIII, 10.

[310] Paneg., VIII, 3 (cf. V, 21). — Voyez la noble façon dont Synésius rappelle l'antique célébrité de Cyrène (De regno, § 1 et 2, Patr. Gr., LXVI, c. 1053 et 1056).

[311] C'est l'expression d'Ammien à propos, je crois, de cités de la Gaule, laquelle se retrouve dans la fameuse poésie d'Ausone, Ordo urbium nobilium. — Il est possible que ce titre ait remplacé, sans s'appliquer aux mêmes villes, ceux de colonie, cité libre ou de droit italique, dont on ne trouve plus trace en Gaule. La poésie d'Ausone semble bien indiquer qu'il n'était nullement propre aux métropoles. On en dira autant des expressions urbes clariores ou splendidissima qu'on trouve dans les lois (C. Th., XV, I, lois 32, 26, 14). Autun semble avoir reçu ou souhaité le titre de colonia Flavia Æduorum sous Constantin (Paneg., VIII, 14) c'est la dernière trace, d'ailleurs incertaine, de nobilitas coloniale que je trouve en Gaule. L'appellation par vocable de fondateur impérial (Gratianopolis, Constantia) ne comporte aucune distinction particulière.

[312] Voyez la vie de Libanius par Eunape, Vitæ, p. 495-6, Didot ; et sa Vie par lui-même, Orationes, I (Fœrster, I, p. 79 et s.).

[313] Ammien, XVIII, 6, 2.

[314] Ammien, XXVI, 5, 12.

[315] Voyez, au sujet du contrôle impérial du budget municipal, de l'affectation d'office de certaines sommes, les lois du Code Théodosien, XV, 1, De operibus publicis. Il est même arrivé ceci, que, lorsque les revenus d'une ville importante (clarior) étaient insuffisants pour telle entreprise, on y affectait ceux des moindres villes, bien entendu sous le contrôle de l'État (XV, 1, 26). — C'est ici qu'intervient la législation de Théodose, novi juris inventor, comme dit Godefroy, défendant aux décurions de vendre ou d'aliéner leurs biens sans autorisation du gouverneur (loi de 386, C. Théod., XII, 3, 1 et 2).

[316] Code Théod., I, 29, 6 ; cf. Code Just., I, 55, 8.

[317] Cf. ex voluntaria tua bonitate pour Constantin ; Paneg., VIII, 9.

[318] Voir le massacre de Thessalonique par Théodose en 390 (Théodoret, V, 17), des notables d'Antioche par Gallus en 353 (Ammien, XIV, 7), etc.