HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VII. — LES EMPEREURS DE TRÈVES. - I. - LES CHEFS.

CHAPITRE IV. — LES FILS DE CONSTANTIN.

 

 

I. — CONSTANTIN LE JEUNE.

Les vrais Romains durent apprendre avec stupeur que leur Empire était partagé comme un héritage, avec parts d'enfants et legs à des neveux, à la façon d'un royaume barbare. Est-ce à un mouvement d'indignation qu'obéirent les soldats[1] ? ou simplement, ainsi qu'aux années de Vitellius ou de Sévère, a quelque formidable distribution d'or ? Toujours est-il qu'ils se hâlèrent de massacrer les collatéraux de Constantin qui leur tombèrent sous la main, de manière à réserver le pouvoir à ses fils : ce qui était, crime à part, la seule solution acceptable. Constance prit l'Orient Constant l'Italie, Constantin la Gaule et ses annexes[2].

La Gaule recouvrait donc son empereur, je crois à sa très grande joie. Elle connaissait déjà le jeune Constantin[3]. Il l'avait autrefois gouvernée sous les ordres de son père, il y avait eu des succès militaires, et la ville d'Arles, où il était né, se glorifiait de porter son nom.

Ce fut cependant du côté du Rhin, et non pas du Rhône, qu'il tourna sagement ses regards. Trèves, après plus de vingt années d'existence modeste, revit un empereur et le faste de sa cour[4], et le monde s'intéressa à ce qui se passait dans ses murailles.

Du reste, ni les voisins ne troublèrent le nouveau règne, ni le pays ne s'inquiéta de ce changement d'empereur. La Gaule, redevenue tête d'Empire, ne faisait qu'ajouter un regain de gloire à la paix qui durait sur la frontière, au travail qui persévérait sur ses terres : car elle était la résidence de l'aîné des Augustes, elle exerçait avec lui une manière de surveillance sur le reste du monde[5].

Les choses se gâtèrent au bout de deux ans. Constantin de Gaule et Constant d'Italie se brouillèrent assez pour se faire la guerre[6] : ces partages ne valaient que ce que vaut chez les princes l'affection fraternelle, et ce fut fort peu de chose, aussi bien chez les frères d'alliance comme Maxence et Constantin, que chez les frères par le sang comme les fils de ce dernier.

L'empereur de Gaule prit les devants et envahit l'Italie. Mais il fut battu et tué (340)[7]. Son frère Constant[8] devint seul maître dans tout l'Occident, et il n'y eut plus que deux parties d'Empire, celle de Rome et celle de Constantinople.

Pour la première fois depuis sa fondation, Constantinople jouait franchement le rôle de capitale. Elle et Rome s'opposaient l'une à l'autre, avec les fils de l'empereur qui avait préparé la nouvelle histoire en créant la nouvelle cité. L'Empire s'acheminait vers son destin, entraîné par les fautes de ses chefs.

 

II. — LA GRANDE PAIX DE LA GAULE SOUS CONSTANT.

Les conséquences de cette guerre civile ne se firent pas attendre , et l'historien éprouve une certaine lassitude à les exposer car voilà près de trois siècles, depuis Vitellius, que le départ pour l'Italie d'une armée de prétendant provoque aussitôt sur le Rhin l'apparition offensive des Barbares. Disciplinés ou matés de cent manières depuis Maximien, les Francs remuèrent et menacèrent. Mais ce ne fut qu'une alerte, probablement limitée à ceux des hommes de ce nom qui ne consentaient pas à servir l'Empire. Constant se hâta de se montrer, et tout rentra dans l'ordre (341)[9].

La paix reprit on cours, une paix magnifique, pareille à celle de Trajan ou d'Hadrien, qu'aucune ombre ne venait troubler[10]. Une belle époque se continuait ; les temps de Constantin se prolongèrent sous ses fils, treize ans encore après sa mort. Aucun des Gaulois qui étaient nés sous son règne, arrivés maintenant à l'âge d'homme, n'avait entendu parler de bataille ou de pillage entre le Rhin et les Pyrénées. Par un rare bonheur, la nature, elle aussi, ne cessa point d'enrichir et d'égayer les hommes : ces années de paix militaire furent celles de récoltes miraculeuses, de saisons où le ciel se montra d'une clémence toute divine, et les générations qui suivirent n'oublièrent jamais la calme beauté du règne de Constant[11].

 

III. — LA CONCORDE DE L'ÉGLISE DANS LA FOI ORTHODOXE[12].

La concorde persistait même dans l'Église[13]. Malgré leurs lettres, leurs missions et leurs intrigues, les exaltés de l'Orient n'arrivaient pas à mêler la Gaule aux querelles théologiques. Encore que les principaux de ses évêques ne connussent que par ouï-dire le formulaire solennel de Nicée, ils le pratiquaient dans l'esprit avant de le lire dans la lettre[14]. On sentait que les Églises de Gaule étaient faites pour se soumettre à l'orthodoxie et à la discipline, du jour où les prêtres établiraient les dogmes de l'une et les règles de l'autre[15]. Athanase, le défenseur de l'idée catholique, avait vécu deux ans à Trèves, moins en exilé qu'en héros de la foi[16], et le jeune Constantin avait désiré le voir au moment où lui fut rendue la liberté de partir[17]. Il revint en Gaule au temps de Constant, il y tint de mystérieux colloques avec Hosius de Cordoue[18], qui par sa vigoureuse vieillesse et son zèle inlassable était devenu le patriarche des orthodoxes de l'Occident[19]. Trois ans plus tard, c'est avec Constant lui-même, et toujours en Gaule, qu'Athanase vint conférer[20], et ce ne fut certes pas pour des échanges de politesses. Nous soupçonnons, en ces va-et-vient et ces conciliabules, le ferme dessein de maintenir l'union des Églises et l'unité dans la foi[21]. Un prélat, plus hardi que la moyenne des prêtres gaulois de ce temps, Maximin de Trèves, semble avoir pris la direction de la résistance à l'hérésie, de la concentration des forces fidèles[22] : il reçoit Athanase comme le champion de l'Église[23], il ferme sa porte aux messagers envoyés d'Orient par les fauteurs de schismes, et il lui importe peu que ces messagers soient recommandés par Constance, le frère même de son empereur[24]. C'est Maximin qui recrute partout les adhésions d'évêques aux décrets de conciles confirmant la formule de Nicée[25]. La Chrétienté de Gaule sortait de sa torpeur, et l'évêque de Trèves faisait bonne garde à la frontière de sa foi[26].

 

IV. — L'USURPATION DE MAGNENCE.

Le règne heureux de Constant finit dans une catastrophe, comme tant de périodes de joie et d'espérance où s'était reposé le monde romain. Un jour que l'empereur chassait près d'Autun, des chefs militaires et des dignitaires de la cour[27], réunis en un banquet dans la ville, proclamèrent Auguste l'un d'eux, Magnence[28]. Soldats et civils suivirent le mouvement[29]. Constant eut le temps de s'enfuir à peu près seul et chercha à gagner l'Espagne[30] ; mais, rejoint à Elne avant le passage du Pertus, il fut saisi et contraint au suicide (350)[31].

Le caractère de cette révolte nous échappe à moitié. Constant était un assez bon prince, auquel on ne pouvait reprocher que sa mauvaise santé ou son extérieur disgracieux[32]. Il gouvernait bien, sans indolence ni tyrannie[33]. Mais il commit deux erreurs, qui furent, je crois, les causes de sa chute : il laissa trop de pouvoir aux fonctionnaires civils, et en particulier aux gouverneurs des provinces, qui en profitaient pour se montrer juges impitoyables[34] ; et il ne cachait pas son désir d'être sévère pour les armées, son indifférence à l'endroit des chefs des soldats[35], lesquels avaient pour eux la force et le sentiment des services rendus[36]. En d'autres termes, il accentua ou il provoqua par ses maladresses la concurrence, la rivalité entre le pouvoir militaire et le pouvoir civil[37], cette grande faute de l'Empire romain que venaient encore d'aggraver les mesures de son père Constantin[38]. Et c'est de nouveau le nom de celui-ci et le souvenir de ses erreurs que nous trouvons dans les misères qui assaillirent ses fils.

Cette hostilité entre Constant et son armée se compliqua sans doute d'une opposition, sinon de races, du moins de tendances. Dans cette armée, depuis un demi-siècle, les Germains étaient devenus fort nombreux, et parmi eux dominaient les Francs. Un de leurs chefs, Silvain, était précisément le fils de ce Bonitus qui aida si souvent aux victoires de Constantin. Trouvèrent-ils que Constant, féru de belles-lettres et de rhétorique, les traitait trop en Barbares, leur refusait les égards et les honneurs[39] ? C'est probable. En tout cas, l'homme auquel ils donnèrent la pourpre, Magnence, était, racontait-on, d'origine transrhénane, fils ou petit-fils d'Alaman ou de Franc[40]. Si c'était vrai, ce serait la première conséquence de cette place excessive que Constance et Constantin avaient laissé prendre par les Germains dans l'armée et l'état-major : il n'y avait pas un siècle qu'ils s'étaient glissés dans l'Empire, et déjà les plus ambitieux rêvaient d'y devenir les maîtres.

Au surplus, ce rêve souverain de quelques chefs barbares, ce n'est point pour détruire Rome, mais pour y vivre en Romains[41]. Leur révolte est faite d'amour-propre et non pas de haine. Ils veulent un empereur qui les comprenne, à la manière de ces Gaulois de jadis qui proclamèrent Vindex leur compatriote, afin d'avoir un Auguste digne de leur commander.

Aussi Magnence se conduisit-il en prince de façon classique et banale. On a pu l'appeler un tyran[42] : ce ne fut pas un étranger. Il prit les titres impériaux qui étaient d'usage courant[43] ; il donna celui de César à ses frères Décence et Désidérius[44]. L'Occident tout entier, et même l'Italie et même Rome, ne trouvèrent aucune raison pour lui résister. Il fut reconnu d'emblée de l'Atlantique au Danube. Beaucoup ne virent en son avènement qu'une révolution de palais, et les secousses immédiates ne furent point très profondes.

 

V. — LA BATAILLE DE MURSA ET LA FIN DE LA PAIX.

La révolte de Magnence n'en amena pas moins la fin de cette longue période de confiance et de sécurité qui durait depuis plus d'un demi-siècle. On espérait en l'immuable stabilité de la dynastie de Constance, dont trois générations de bons empereurs avaient fait la famille providentielle des souverains de la Gaule : et voilà que recommençaient les stupides usurpations des chefs militaires. Une nouvelle guerre se préparait entre l'Occident et l'Orient : et l'on savait ce qu'était cette sorte de guerre, et qu'elle se faisait d'ordinaire au profit des brigands de Germanie. Jamais plus la Gaule ne reverra la paix romaine, si ce n'est pour des lambeaux de lustres perdus entre de longues années de misères. L'œuvre de concorde et de sagesse édifiée depuis Dioclétien va s'effriter pierre par pierre ; et si des sursauts de courage et des retours de chance feront toujours croire à l'éternité de Rome, les forces de dissolution ne cesseront plus d'agir dans son Empire.

Des faits de lutte civile et d'invasion étrangère ne tardèrent pas à se produire en Gaule. Trèves, qui avait reçu tant de bienfaits de la dynastie légitime, refusa de recevoir le frère du tyran ; et ses propres habitants se constituèrent en armée sous les ordres d'un chef improvisé, Pœménius[45], comme on eût fait à Bibracte ou à Gergovie aux temps héroïques de la Gaule indépendante. Et d'autre part, le plus ambitieux des roitelets alamans, Chnodomar, se disposa à franchir le Rhin[46].

Constance, qui régnait en Orient, ne pouvait reconnaître le meurtrier de son frère. L'occasion, d'ailleurs, était bonne pour ce prince, intelligent, obstiné et orgueilleux[47], de refaire l'unité de l'Empire. La guerre se prépara entre les deux hommes : et ce fut bien, cette fois, la guerre entre Rome et Constantinople, entre les deux moitiés du monde, armées de toutes leurs forces[48]. A la bataille de Mursa près du Danube[49], où elles se rencontrèrent, la terre assista à la plus sanglante mêlée qu'elle eût vue depuis les combats de Vitellius ou de Sévère. Les empereurs de la tétrarchie n'avaient réussi à reformer de grandes armées, que pour qu'elles finissent un jour par s'entre-déchirer. Il y eut un tel massacre d'hommes, que l'Empire désormais, dirent les contemporains, serait incapable de réparer les brèches faites dans les rangs de sa jeunesse[50].

Ce furent les Francs[51], et surtout un de leurs chefs, Silvain, qui assurèrent la victoire à l'empereur légitime : celui-ci n'était-il pas le fils de ce Constantin, le petit-fils de ce Constance, qui tous deux les avaient tirés de la Barbarie ? Ils n'osèrent pas le combattre ; et avant la bataille, Silvain abandonna le tyran, passa à son rival, et décida de la victoire[52] (351).

Mais Magnence avait réuni trop d'hommes pour croire aussitôt la partie perdue. Il résista en Italie[53]. Ce fut seulement vingt mois après la bataille de Mursa que les généraux de Constance franchirent les Alpes au mont Genèvre[54]. A Montsaléon[55] en Dauphiné, au carrefour des routes de Lyon, de Valence et de Fréjus, on se battit une dernière fois[56]. Évidemment, Magnence avait autour de lui de très bons soldats, braves et solides. Mais la conviction leur manquait : on en eut raison en les achetant.

Réfugié à Lyon, Magnence pensa un instant gagner le Rhin, faire appel à ses congénères barbares[57]. Mais, d'un côté, Trèves qui fermait la route ; et, de l'autre, l'Alaman Chnodomar tenait la campagne, et on disait qu'il avait lié partie avec Constance[58]. La Gaule n'était plus sûre pour le vaincu[59]. Il comprit enfin que tout était perdu ; il tua les siens, et il se tua lui-même après eux (353)[60].

Derrière lui, Constance arriva à Lyon[61]. C'était deux après Mursa. Aucune guerre civile, dans toute l'histoire de l'Empire, n'eut une plus longue durée. Elle fit périr plus d'hommes que les pires des brigandages germaniques, et elle permit aux Barbares de recommencer leur funeste besogne[62].

 

VI. — LE SECOND CONCILE D'ARLES ; LA THÉOCRATIE.

De Lyon, Constance aurait dis marcher aussitôt vers Trèves enfin libérée, et, de là se montrer sur le Rhin pour châtier durement les Barbares[63]. Mais c'était un empereur de palais plutôt que de tente[64], et, bien qu'il eût une certaine conscience de son devoir et le sens de l'autorité, il s'intéressait moins à la frontière qu'à la religion. Il rebroussa chemin, s'installa dans la pacifique cité d'Arles[65], et s'y occupa des affaires de l'Église.

Ce fut pour y mettre discorde et désordre[66]. Favorable à l'Arianisme[67], il voulut faire sous ce nom l'unité de l'Église chrétienne. La Gaule étant demeurée fidèle à la foi orthodoxe, il mit toute son autorité en œuvre pour dompter ses évêques. Il multiplia sur eux tour à tour les menaces et les séductions. Beaucoup furent appelés à Arles pour tenir assemblée, sinon en sa présence[68], du moins dans son voisinage. De presque tous il eut raison sans trop de peine : ce n'étaient point des hommes de combat, je les crois surtout de braves gens, plus faits pour la prière que pour les discussions, assez ignorants des matières théologiques, et surtout terriblement émus devant la pompe impériale et la froide majesté de Constance. Et puis, saint Paul n'avait-il point dit d'obéir à ceux qui tiennent l'épée[69] ?

Ce nouveau concile d'Arles (353) souscrivit donc à la condamnation d'Athanase[70], peut-être sans s'apercevoir qu'il reniait ainsi la foi traditionnelle de l'Église. Le plus enragé des prélats à flagorner l'empereur fut Saturnin l'évêque d'Arles[71] ; le seul qui ait eu le courage de lui résister fut le digne successeur de Maximin, Paulin de Trèves[72]. A la rivalité des deux villes se mêlait la lutte de leurs deux évêques.

Paulin fut exilé en Orient par ordre de Constance[73]. Cette fois, l'on vit bien que l'empereur était devenu le chef suprême de l'Église, et l'Église un organe de gouvernement[74]. Comme les événements se précipitaient pour la détourner de sa voie primitive, si claire, si pure, si indépendante, si uniquement divine ! Il lui a fallu trois siècles pour sauver et organiser sa vie : il suffit d'une génération pour la corrompre. Ses évêques, si puissants qu'ils soient, tremblent devant Auguste, alors que Pothin et ses compagnons de martyre n'avaient tremblé ni devant la souffrance ni devant la mort. Il est vrai que Constance fait d'eux de très grands personnages, multipliant à leur profit les prérogatives publiques[75]. Eux et leurs prêtres sont exempts de certaines charges[76] ; leurs églises ont reçu le droit d'asile[77], et on peut y affranchir un esclave comme près du tribunal du préteur. Un évêque ne sera plus traduit en justice devant un magistrat d'État, il ne ressortit qu'à ses pairs[78] : voilà désormais le haut clergé chrétien constitué en classe privilégiée et en ordre d'Empire, au même titre que les sénateurs clarissimes de Rome[79]. De ces sénateurs, les évêques ont pris l'allure ou les mœurs, en même temps qu'ils en recevaient les honneurs. Ils viennent volontiers à la résidence impériale pour faire antichambre dans le palais. On les invitera bientôt aux festins officiels, ils s'assiéront à la table des Césars[80]. Mêlés aux intrigues, aux quémandages et aux bassesses de la cour, ils ne différeront point toujours des eunuques[81] qui entourent Constance[82]. Ce que j'aperçois dans cette seconde assemblée d'Arles, c'est une aristocratie de prêtres qui se forme dans l'Église, c'est un État qui se mue en théocratie. Au concile de Constantin le Christianisme s'est accordé avec l'Empire ; au concile de Constance il s'est livré à lui.

 

VII. — LA ROYAUTÉ D'ARLES ET LE DESPOTISME DE CONSTANCE.

Les affaires religieuses ne firent pas oublier les fêtes et les jeux. Arles en vit de superbes, où les courses au cirque et les représentations au théâtre furent dignes d'un grand empereur[83]. Constance y célébra solennellement le premier janvier de son septième consulat et le trentième anniversaire de son titre d'imperator[84]. La jeune royauté d'Arles grandissait sur la Gaule.

A côté de l'assemblée des évêques était la cour impériale, avec ses gardes, ses secrétaires, ses chambellans, les arrivées continues de la poste et des courriers d'État[85]. C'est à Arles que Constance inaugura son despotisme universel sur les âmes et sur les corps[86]. De là sortaient incessamment les ordres de l'empereur victorieux, ardent à montrer partout son autorité, et surtout à se venger des partisans du tyran Magnence. Et c'étaient souvent des sentences de mort qui partaient des bords du Rhône pour aller jusqu'au fond de la Bretagne[87]. Le monde regardait avec terreur du côté d'Arles, tandis que la ville joyeuse passait les plus bruyantes semaines de sa vie.

Trèves, pendant ce temps, expiait sa double fidélité à la foi et à la dynastie. De ses deux chefs, l'évêque était parti pour l'exil, et Pœménius, qui l'avait défendue contre la tyrannie de Magnence, était, sur quelque vague soupçon, condamné à mort par ordre de l'empereur[88].

Car, depuis la mort de son frère, la vie de Constance ne se passait plus que dans les craintes et les jalousies. S'il négligeait les Alamans et la frontière, il faisait rechercher partout, avec une impitoyable énergie, les amis et les adhérents de l'usurpateur. On redoutait de voir en lui un nouveau Tibère[89], espèce d'homme que depuis un siècle les destins avaient épargnée à l'Empire et que le Dieu des Chrétiens ne saurait point lui éviter. L'évêque universel ne vaudrait pas mieux que le grand pontife.

 

VIII. — LA CAMPAGNE IMPÉRIALE CONTRE LES ALAMANS.

Il fallait pourtant songer aux Barbares. Les Alamans et leur roi Chnodomar avaient mis à profit ces années de guerres civiles et de négligences politiques pour courir en Gaule, pillant, brûlant, détruisant tout (350-354). Jusqu'où ils allèrent, nous l'ignorons : il est probable que Suisse, Franche-Comté et l'Alsace souffrirent le plus et perdirent, cette fois pour toujours, la richesse de leurs terres restaurées et la parure de leurs villas rebâties. Au delà c'était la menace sur la Gaule entière, et la nouvelle approche d'une catastrophe générale[90].

Constance se décida à faire quelque chose. Mais quelle différence entre sa marche tâtonnante et la vigoureuse randonnée d'un Probus ! Le hasard d'un récit contemporain[91] nous a conservé le détail de sa campagne : il est utile de la raconter, pour montrer ce qu'était devenue la guerre d'une armée romaine, depuis que les empereurs avaient dégarni la frontière, disséminé les troupes à l'intérieur, et confié aux Barbares le principal des tâches militaires.

A l'approche de la belle saison[92] (354), Constance donna l'ordre aux corps d'armée dispersés dans la Gaule de quitter leurs garnisons ou campements d'hiver, et de se concentrer Chalon-sur-Saône[93], au départ de la route qui du centre du pays conduisait au Rhin. A Chalon également, en partie par la voie fluviale, devaient se grouper les convois de l'intendance[94]. Lui-même se dirigea de ce côté ; mais il eut à s'arrêter à Valence[95], dans l'attente des courriers qui, par le mont Genèvre, lui apportaient les nouvelles du monde[96].

A Chalon, l'armée se réunit, mais les vivres n'apparurent pas. On n'eut même pas, sur le moment, de quoi bien nourrir les troupes. Elles parlèrent de se révolter. De Valence, l'empereur leur envoya le préfet du prétoire[97] avec de bonnes paroles, puis le grand chambellan avec de l'argent[98]. Le soldat finit par se calmer, les vivres par arriver. Et l'on partit[99]. Mais pendant ce temps, les Alamans purent sans danger repasser le Rhin, mettre en sûreté leur butin et leurs captifs[100].

De Chalon au fleuve, par la Franche-Comté, c'était, dans les temps ordinaires de l'Empire, une marche agréable et facile, sur une route large, droite, solide, une des plus fréquentées de la Gaule. Pourtant, l'armée de Constance n'avança que lentement : car le chemin avait été abîmé par le mauvais temps, et sans doute aussi par le passage des Barbares et l'incurie administrative des dernières années[101].

A Augst, on atteignit le Rhin, face aux Alamans[102]. L'embarras fut alors fort grand dans l'entourage de l'empereur. De manière ou d'autre, il fallait en imposer aux Barbares. Mais comment franchir le Rhin ? L'ennemi, posté sur l'autre rive, empêchait à coups de flèches l'embarquement ou la construction d'un pont[103]. Enfin, au moment où on pensait le moins à cette solution, un homme du pays se présenta, et, en échange d'une bonne récompense, révéla l'existence d'un endroit guéable[104]. — Ainsi, on se trouvait sur un sol qui appartenait aux Romains depuis quatre siècles, au voisinage de cette colonie d'Auguste bâtie pour explorer et surveiller la frontière : et l'on avait oublié les lieux et les conditions de défense et de passage. Constance, sur cette rive gauche qui était celle de l'Empire, allait à la découverte comme en pays ennemi.

Il fut donc décidé que l'armée longerait nuitamment le fleuve, le franchirait secrètement à l'endroit désigné, puis se rabattrait sur les Barbares campés en face d'Augst[105]. Mais alors se produisit un nouvel incident.

Les Alamans furent mis au courant. On accusa de la trahison les rois officiers supérieurs de l'armée romaine, qui étaient leurs compatriotes[106]. Aussitôt les Barbares, qui voulaient bien piller, mais non point se battre, expédièrent des députés pour demander la paix[107]. Cela faisait également l'affaire de Constance, lequel n'était jamais heureux sur un champ de bataille de la frontière[108]. Mais cela ne faisait point celle des soldats, qu'on avait arrachés à leur repos de garnison, et à qui une victoire rapportait toujours quelque bénéfice[109]. Il fallut que l'empereur les haranguât, et leur expliquât le profit d'une alliance avec les Alamans : ce qui doterait l'armée de nouveaux auxiliaires[110] et diminuerait d'autant sa besogne courante. Flattés d'être traités en arbitres de l'heure[111], les soldats donnèrent raison à l'impérial rhéteur. On conclut un traité en bonne forme avec deux rois alamans[112], et Constance revint à Milan[113] pour se reposer de ses fatigues (354).

Mais il n'avait négocié qu'avec cieux rois de tribus alamanes ; et il y en avait des dizaines de la Forêt Noire à Ratisbonne et du Danube au Taunus. Dés qu'il fut parti, les autres s'armèrent, Rhin fut franchi encore une fois, et le pillage recommença[114]. Lorsqu'il n'y eut plus rien à prendre en Alsace et en Franche-Comté, les plus hardis s'aventurèrent au delà en Champagne ou en Bourgogne, et Autun lui-même se trouva menacé[115].

 

IX. — L'USURPATION DU FRANC SILVAIN.

Constance décida d'envoyer dans le pays l'un de ses deux meilleurs généraux, le Franc Silvain[116] : l'autre, Ursicin, était occupé en Orient[117]. Mais cette mission de Silvain va donner lieu à un nouvel épisode d'histoire, plus étrange encore que celui de la guerre alamanique, et qui nous permettra enfin d'évaluer la place extraordinaire occupée dès lors par les Francs dans l'armée et le gouvernement de l'Empire.

Silvain avait là le titre de maître de la milice, qui faisait de lui le plus haut dignitaire et le chef suprême de l'armée romaine[118]. C'était la première fois peut-être[119] qu'un Franc arrivait à cette charge. Silvain la méritait d'ailleurs, et autrement que par les services rendus à Constance. Il s'était montré jusque-là un excellent général, actif, audacieux, préoccupé de ses devoirs, d'éducation toute latine, d'une fidélité absolue à. la puissance romaine[120]. A Autun, où il se hâta d'accourir[121], il organisa un corps manœuvre de 8.000 hommes[122], dégagea la ville, courut à Auxerre par d'abominables chemins[123], se retourna du côté du Rhin, allant et venant partout où il pensait trouver l'ennemi, si bien que les Barbares ne purent tenir nulle part, et qu'ils regagnèrent tous la rive droite, en hâte et dans la confusion[124]. Le nettoyage terminé, Silvain établit à Cologne son quartier général (355)[125].

C'était la plus belle affaire de guerre qu'un général eût conduite en Gaule depuis les temps de Dioclétien. Il n'en fallut pas davantage pour attirer à Silvain de redoutables ennemis dans cette cour de Constance où, du prince au dernier des eunuques, la jalousie était le mal incurable[126]. Peut-être aussi y cherchait-on une occasion-de se débarrasser des Francs, trop nombreux et trop influents dans l'entourage de l'empereur, et quelque conflit de race se méfait-il à des rivalités de palais[127].

Un faussaire, imitant l'écriture de Silvain, fit circuler une lettre où le Franc se posait en prétendant à l'Empire. Constance, qu'il fut facile de tromper, prépara aussitôt le jugement et l'exécution du coupable[128].

Mais Silvain avait à la cour deux compatriotes, hommes de tête et de cœur, Malaric et Mallobaud, qui commandaient les deux principales troupes des gardes d'élite : car les chefs francs se trouvaient alors tout ensemble maîtres au palais et maîtres à l'armée. Les officiers firent comprendre que leur ami était incapable d'une telle machination ; ils ameutèrent en sa faveur les Francs de l'entourage impérial ; un instant, on craignit un grave désordre[129]. Par bonheur, la fraude fut découverte, et Constance arrêta la poursuite[130].

Il était trop tard. Silvain, qui connaissait son empereur, avait perdu la tête à la nouvelle du procès. Se voyant en danger, il songea à se retirer chez les Francs ses compatriotes ; on l'en dissuada : car, fugitif et proscrit, il n'eût rencontré chez eux que haine et trahison[131]. Alors, il eut recours au moyen suprême des chefs romains menacés dans leur vie : il se réfugia dans l'usurpation[132], et il n'eut pas de peine à se faire proclamer Auguste par ses soldats. Il était toujours à Cologne[133].

Le service des courriers d'État demeurait excellent[134]. Quelques jours seulement après l'événement, Constance en apprit la nouvelle à Milan. Ursicin, l'émule de Silvain en mérite et en autorité, se trouvait près de l'empereur. Il reçut l'ordre de partir aussitôt pour Cologne avec une simple suite de dix officiers[135]. Car il ne s'agissait pas de faire la guerre, mais de ramener le coupable au devoir.

Quand la petite troupe arriva devant Cologne, elle se trouva en présence d'un déploiement extraordinaire de forces militaires et de multitudes civiles[136] : le pays acclamait le nouvel empereur, et paraissait fort joyeux d'avoir son Auguste[137]. Il n'y avait qu'à ruser[138]. Ursicin, admis en sa présence, baisa la pourpre usurpatrice, et Silvain l'invita à sa table royale[139].

Ce fut ensuite un entretien secret[140] entre les deux généraux, les plus illustres de l'Empire. Devant son compagnon de guerre et de gloire, Silvain épancha librement sa longue rancune. Tous deux avaient sauvé l'État et élevé Constance : l'empereur ne donnait le pouvoir qu'à des indignes, écoutait toutes les calomnies qu'on multipliait dans la chambre impériale contre les chefs militaires. Ce n'était point aux hommes de guerre qu'allaient les consulats et les honneurs suprêmes[141]. On sentait chez Silvain la colère du soldat contre ce régime de chambellans et d'évêques, et aussi celle du Franc qui souffre d'être encore traité en Barbare, de paraitre indigne du consulat, en marge de la majesté romaine.

Ursicin pensait au contraire en Romain de vieille souche, qui ne connaissait que sa consigne et son empereur[142]. Tandis qu'il écoutait Silvain d'une oreille complaisante, ses officiers, pourvus d'ordres formels, travaillaient les soldats rebelles[143]. Au matin, une bande égorgea la garde du palais et se mit à la recherche du tyran. Il tenta de se réfugier dans l'église chrétienne, où le droit d'asile l'aurait protégé[144] : on eut le temps de le saisir, et on l'égorgea[145]. Son règne n'avait duré que vingt-huit jours[146].

Cette affaire fut, en somme, d'une minime importance : l'Empire en avait vu bien d'autres, que nous avons résumées d'un seul mot. Il fallait cependant insister sur celle-ci, parce que la réalité y dépassait singulièrement l'apparence, parce que ce règne de vingt-huit jours annonçait l'histoire de longs siècles à venir. C'était un Franc, assisté d'autres Francs, qui, maître en Gaule comme chef de la milice impériale, avait voulu commander comme empereur. Et s'il y avait désiré le pouvoir, ce n'était pas en Barbare désireux de piétiner l'Empire, mais en Romain ambitieux de prendre toute sa part du prestige de ce nom. Rien ne permet d'affirmer que ce Silvain fût originaire de ces Francs Saliens dès lors dévoués à Rome[147] ; rien, à plus forte raison, n'autorise à supposer qu'il fût l'ancêtre de Clovis, qui de roi de ces Saliens deviendra le souverain de la Gaule. Mais il est en tout cas, à un siècle de distance, son premier précurseur.

 

X. — LA GRANDE INVASION DE 355.

Constance, en apprenant a mort de Silvain, fit une nouvelle sottise, la pire de toutes. Au lieu de donner sa place à Ursicin, ainsi qu'il l'avait promis[148], au lieu de confier la défense de la Gaule à ce chef excellent, il le rappela tout aussitôt[149]. Et maintenant, point de général capable à la frontière, un état-major désemparé, des soldats habitués à se vendre, l'armée en partie renvoyée dans ses garnisons de l'intérieur, l'empereur absent, les fonctionnaires civils, même les meilleurs, en proie à ses soupçons et dans l'attente de ses bourreaux ; tout était prêt pour livrer la Gaule aux Barbares.

Depuis le temps de Probus, ils n'avaient fait en Gaule que des courses rapides, sans perdre de vue le chemin du retour. Dans l'automne de 355, une campagne de dévastation commença, méthodique et progressive[150]. Les Alamans y prirent la part principale, leurs vingt tribus se levèrent[151], et peut-être leur roi Chnodomar en eut-il la direction. Mais ni les Francs de la Westphalie ni les Saxons de la Frise ne perdirent cette occasion de quelques beaux coups[152]. Seuls peut-être des riverains de la frontière, les Saliens de la Batavie voulurent garder le respect des traités et le culte de Rome : encore profitèrent-ils des événements pour sortir de File et étendre paisiblement leurs domaines au sud de la Meuse[153]. Partout ailleurs, la Germanie rhénane se mit en branle pour mener contre l'Empire une guerre de destruction, et bientôt de conquête.

Le Rhin fut franchi en plusieurs endroits[154]. On se débarrassa, l'une après l'autre, des forteresses de la frontière : ce qui annonce chez les Germains un plan militaire bien arrêté pour réduire la Gaule à une impuissance définitive. Tour à tour tombèrent en leur pouvoir et Strasbourg et Spire et Worms[155], ces vieux camps du Rhin dont Rome avait fait les chefs-lieux de vastes cités[156]. De proche en proche, l'effondrement des murailles gagnait vers le nord. Mayence succomba elle aussi[157], elle qui depuis Drusus était la capitale militaire de la Gaule romaine, la citadelle invincible où concentraient jadis les armées impériales à la veille de leurs victoires germaniques[158]. Puis, le siège fut mis devant Cologne : mais là les murailles étaient plus solides, les soldats plus nombreux ou la garnison plus sûre : la métropole du Rhin inférieur sut résister quelques jours[159].

Pendant ce siège, les Barbares, passant outre, continuaient leur marche vers l'intérieur, les Francs d'un côté et les Alamans de l'autre. Ils étaient divisés en bandes nombreuses et compactes[160], chacune ayant sa route et son secteur d'invasion[161]. Sur leur passage, les habitants s'enfermaient dans les places fortes[162], les villages flambaient[163], les villes s'écroulaient[164], les villas étaient mises au pillage[165], des prisonniers sans nombre étaient ramassés par les Germains et expédiés au delà du Rhin[166], troupeaux et moissons étaient enlevés et mis en lieu sûr en vue d'une autre campagne[167]. Un certain ordre régnait chez eux, même en cette affaire de destruction.

Les contemporains nous ont parlé de quarante-cinq villes occupées par les Barbares, sans compter les moindres bourgades[168]. Cela suppose l'occupation, outre la Germanie romaine, de toute la Belgique et de bien des terres limitrophes. Ils sont arrivés jusqu'à Autun[169], jusqu'à Troyes[170] et jusqu'à Sens[171]. Leurs avant-gardes se glisseront dans Lyon[172]. Reims et Paris[173] se trouvaient à la lisière de la zone saccagée. Je ne parle que des plus sérieuses campagnes de dévastation, commencées en l'automne de 355. Car quelques Barbares, à coup sûr, essayèrent d'aller beaucoup plus loin.

Je doute d'ailleurs que tous les chefs-lieux de cette zone aient été pris par l'ennemi[174]. Qu'il ait voulu s'en emparer, cela va de soi. Mais les nouveaux remparts étaient des constructions robustes et resserrées qui défiaient l'assaut[175], et les Germains n'étaient point outillés pour de longs sièges. Même à Autun, qui n'était défendu que par la vieille enceinte d'Auguste, trop étendue et à demi ruinée, il suffit d'une troupe de vétérans Pour écarter les Barbares[176].

Ils n'en gagnaient pas moins du terrain[177], assurant leurs positions derrière eux. Cologne tomba à l'approche de l'hiver ; et comme c'était, après Trèves, la ville de la frontière la plus ancienne, la plus célèbre et la plus riche, un cri de douleur courut par toute la Gaule[178]. De Trèves, il n'est point question dans cette tourmente. Si elle ne fut point prise, elle faillit mourir de faim[179]. De toutes manières, la grande cité ne joua qu'un rôle médiocre dans l'œuvre de résistance, elle qui était faite pour la diriger. Mais depuis cinq ans les maîtres de la Gaule s'étaient tous complu à diminuer sa force et son prestige.

A voir Trèves impuissante, Mayence et Cologne en leur pouvoir, les Barbares s'enhardirent, et d'autres ambitions que le pillage surgirent dans la pensée des chefs. Ils se disposèrent à faire en Gaule œuvre qui dure[180]. On sema du blé pendant l'hiver[181] ; des greniers furent préparés pour les récoltes espérées ou les provisions déjà ramassées[182] ; d'habiles mesures étaient prises pour protéger les abords des campements ; on les installait en dehors des villes, où on risquait d'être pris comme renard au terrier[183] ; des agents de liaison et des éclaireurs circulaient d'une troupe à l'autre[184] ; une organisation à demi savante s'ébauchait parmi ces hommes. A force de combattre l'Empire, ils en avaient accepté les levons.

Ces leçons avaient gagné les Alamans eux-mêmes, jusque-là les plus rebelles à la vie classique. Des bourgades se bâtissaient chez eux à la façon de celles de la Gaule, avec des rues tracées et des constructions soignées[185], ce qui était une chose inouïe au delà du Rhin[186]. Un de leurs rois, Médéric, avait vécu à Rome comme otage et s'y était initié aux mystères d'Isis ; il avait même donné à son fils le nom de Serapio : ce qui n'empêcha pas le jeune homme, une fois roi, de marcher contre la Gaule à la tête de sa tribu[187]. Le frère de Médéric, Chnodomar, qui combattait depuis cinq ans du côté du Rhin[188], prenait peu à peu l'allure d'un grand chef[189]. Il avait réussi à établir l'accord entre les tribus de nom alaman, et il s'était fait nommer généralissime, avec son neveu Sérapion pour lieutenant[190]. Une forte armée, d'un effectif de 35.000 hommes, s'était groupée sous ses ordres, fournie moitié par les contingents des tribus et moitié par des mercenaires recrutés de tout côté[191]. Chnodomar sut l'astreindre à une certaine tactique[192], à se garder par des postes avancés[193], à s'abriter derrière des tranchées ou des palissades[194]. En face des Romains, il revendiqua comme sienne la portion de la Gaule conquise par les armes de ses soldats, et il fit parler au général de l'Empire à la manière dont Arioviste avait interpellé Jules César : il le somma d'évacuer la terre d'Alsace, devenue possession légitime des tribus germaniques[195]. Tandis que les Saliens de Batavie s'insinuaient en amis dans la Gaule, les Germains de Souabe prétendaient la conquérir. Au Franc Silvain briguant le consulat et usurpant le titre d'empereur, s'opposait l'Alaman Chnodomar, intimant aux Césars l'ordre de lui céder une portion du sol romain.

 

XI. — L'INSURRECTION MORALE ; HILAIRE DE POITIERS[196].

Pendant que les Barbares disputaient a Constance le sol de la Gaule, les évêques s'éloignaient de lui. Défaites militaires et crises politiques se succédaient sans trêve ; on sortait d'une révolte pour subir une invasion, et, l'œuvre d'un concile à peine rédigée, un autre concile se réunissait pour l'abolir[197].

Moins de trois ans s'étaient écoulés depuis que le concile d'Arles avait abdiqué entre les mains de Constance : et déjà les évêques de Gaule s'étaient ressaisis et redressés dans leur foi orthodoxe. C'étaient assurément d'assez médiocres caractères, et il est possible qu'ils aient été encouragés dans leur nouvelle attitude par les embarras de l'empereur. Mais ce réveil de l'épiscopat de Gaule est dû surtout à l'action de l'homme qui résolut alors de le diriger dans la bonne voie, Hilaire, récemment nommé évêque de Poitiers.

Né païen[198], converti de fraiche date[199], mais ardent et sincère en ses croyances, instruit des humanités classiques, prêtre intelligent et littérateur de mérite[200], mais surtout énergique, décidé, volontaire, agité et passionné, Hilaire entra dans l'Église comme dans la fournaise d'une bataille, mais sans perdre un instant la vision nette des choses, le sens et l'audace des actes nécessaires, soldat au moment opportun de la rencontre, général à l'affût de toutes les occasions de victoire. Il sut trouver, pour les âmes timorées de ses frères en épiscopat, les sentiments qui groupent les hommes, les formules qui fixent le dogme, les œuvres qui favorisent les résistances. La Gaule chrétienne recevait enfin, un siècle et demi après Irénée[201], le nouveau chef qui ranimerait sa vie[202].

Hilaire était, au surplus, de la tradition d'Irénée, comme lui théologien, polémiste, apologiste, à la fois orateur, écrivain et organisateur, mais d'abord et en toutes choses homme d'action et de combat. Ce furent, au début, des écrits où il exposait la foi, telle que Dieu l'avait révélée dans les Évangiles[203]. Puis, ce fut un long appel à Constance, où il suppliait le prince d'accorder aux orthodoxes la liberté de croire, de parler et de prier[204]. La lutte allait s'engager entre l'humble évêque et le grand empereur.

Constance ne s'inquiéta guère de cet ennemi qui se déclarait contre lui dans la Gaule. Il fit confirmer par le concile de Milan les décisions de l'assemblée arlésienne et la condamnation d'Athanase ; à son tour, le pape Libère fut exilé[205]. Sous les yeux des Barbares, les Chrétiens s'injuriaient, se querellaient, discutaient et ergotaient sans arrêt sur le nom d'un homme, sur le sens d'un terme, sur la valeur d'une formule[206] ; et l'on est souvent tenté de rejeter de l'histoire ces batailles de mots et ces jalousies de prêtres. Il faut pourtant les y accepter au même titre que les rencontres d'armées ou les malheurs des frontières : car, si les invasions des Barbares préparaient à la Gaule de nouveaux destins, les discussions de conciles ébauchaient l'édifice de ses croyances prochaines.

Ce fut après celui de Milan qu'Hilaire se révéla[207]. A son tour, il assembla les évêques, on peut presque dire ses évêques : car ce fut lui qui soutint les volontés et dicta les résolutions. Cette fois, les prêtres donnèrent à l'orthodoxie autant de voix qu'ils en avaient donné à l'hérésie dans les récentes journée d'Arles.

Ils allèrent même plus loin, et ils décidèrent de ne plus communier avec les conseillers de Constance et de rompre avec Saturnin, l'évêque d'Arles, la cheville ouvrière du dernier concile (355)[208].

A ces deux guerres qui surgissaient contre lui dans la Gaule, celle des Barbares et celle d'Hilaire, Constance fit tête résolument. Ses tares morales ne l'empêchaient pas d'avoir ses heures de bon sens et de courage. Il envoya au delà des Alpes, avec le titre et les pouvoirs[209] d'un César[210], Julien, son cousin[211] et beau-frère[212] (novembre 355[213]).

 

 

 



[1] Les soldats, dit Eusèbe (V. Const., IV, 68), ne voulurent d'autres maître que les fils de Constantin.

[2] Zosime, II, 40 ; Épit. de Cæs., 41, 18-19 ; etc.

[3] Flavius Claudius Constantinus. — On doit supposer qu'il se trouvait de nouveau en Gaule comme César à la mort de son pore, et qu'il se borna à échanger ce titre contre celui d'Auguste. — Il se rendit en juin 338 sur le Danube pour régler le partage avec ses frères.

[4] Loi du 8 janvier 339, C. Théod., XII, 1, 27 ; et entrevue avec Athanase (17 juin 337 ?).

[5] Je ne sais s'il faut aller plus loin, et croire à une tutelle exercée sur Constant (Seeck, Real-Enc., IV, c. 1027 ; cf. Untergang, IV, p. 41-42).

[6] On rejeta d'ordinaire les torts sur Constant, Zosime, II, 41.

[7] Mars-avril ; Zosime, II, 41 ; etc.

[8] Flavius Julius (et aussi Claudius ?) Constans Augustus.

[9] La campagne est surtout connue par Libanius (Laudes Constantis, Orationes, LIX, § 127 et s., Fœrster = Reiske, III, p 311 et s.) ; si l'on pouvait croire Libanius, qui parle du rivage de l'Océan à propos des Francs, il pourrait s'agir des Saliens de Batavie ; mais Libanius, de tous les écrivains du temps, est le plus étranger à la précision géographique. L'affaire est également mentionnée par les chroniqueurs (Jérôme, ad a. Abr. 2357 et 2358 [341 et 342] ; Idace, ad a. 342, p. 236, Mommsen ; Socrate, II, 10, P. Gr., LXVII, c. 204), et peut-être par l'inscription de Salone, [Victor] Franci[cæ d. n. F]l. Con[stanti]s ? (Corp., III, 6375). — C'est sans doute à tort que Kurth place en ce temps l'installation des Saliens en Batavie. Mais il serait possible qu'ils se soient alors étendus sur la Batavie de Nimègue au sud du Wahal, et que Constant ait fixé en une certaine manière le statut légal des Saliens et de leurs chefs, si on leur applique les mots de Libanius, que les Francs aimèrent désormais la paix et la vie stable, et qu'ils tinrent leurs chefs du peuple romain, comme surveillants de leurs actes. Cette dernière mention semble indiquer que Constant substitua à la royauté originelle des chefs envoyés par Rome ou choisis par lui ; cf. § 135, ύπηλθον ζυγός δουλείας, à rapprocher du jugum, durissimum de suis cervicibus du prologue de la Loi Salique (p. 345, Pardessus). — La localité de Laurtacum, où a séjourné Constant le 24 juin 341 (C. Th., VIII, 2, 1), semble être Lorch sur le Danube, plutôt que l'énigmatique Laurt de Batavie (Table de Peutinger ; cf. Desjardins, Géogr., IV, p. 124) — Il passe en Bretagne dans l'hiver de 342-343 (Code Théod., XI, 16, 5, Boulogne, 25 janvier 343 ; Libanius, l. c., § 137 et s.) Il est a Trèves le 30 juin 343 (XII, I, 36), le 15 mai 345 (X, 10, 7). Trèves, et non pas Arles, est sa résidence préférée (aucune loi ne parait datée d'Arles).

[10] Nulla a barbaris formidine (Épit. de Cæs., 41, 24) ; Constantem formidabant (Alamanni, Ammien, XXX, 7, 5) ; rebus plurimis strenue in militia gestis (Eutrope, X, 6).

[11] Fortunatus cæli temperie, fructuum proventu ; Épit., 41, 24.

[12] Nous n'avons pas voulu marquer les faits de persécution à l'endroit des païens, et en particulier la loi contre les sacrifices contemporaine des fils de Constantin (341, C. Th., XVI, 10, 2), parue qu'il nous est impossible de savoir dans quelle mesure elle a été appliquée en Gaule, et même si elle l'a été.

[13] J'entends ne parler ici que des Églises de Gaule.

[14] Je m'inspire ici de la si curieuse phrase de Constant, l'admirable éditeur d'Hilaire, à propos d'un passage célèbre.

[15] Cf. déjà sous Irénée. Cf. t. VIII, ch. VI, en particulier § 5.

[16] Lettre de rappel rédigée par Constantin le jeune, 17 juin 337 (plutôt que 338 ; je pense que Constantin le jeune l'écrivit avant la nouvelle de la mort de son père, en conformité avec la volonté de ce dernier ; Athanase, Apol. contra Arianos, § 87, Patr. Gr., XXV, c 408). En automne 337 (plutôt qu'en 338), il est à Viminacium sur le Danube (Athanase, Apol. ad Constantium, § 5, P. Gr., XXV, c 601).

[17] Cela me parait résulter du fait de la lettre de rappel (n. précédente).

[18] Avant la fin mai de 342 ou plutôt de 343, à Arles bans doute ; ils y vont a l'instigation de Constant et partent ensuite pour le concile de Sardique, qui devait confirmer le concile de Nicée et absoudre Athanase ; il est très probable qu'Athanase revit Maximin de Trèves à ce moment, et que ce fut pour organiser ce concile : remarquez qu'Hilaire attribue cette organisation au même titre à Hosius et à Maximin : quoniam Athastasuis in Italiam et Galliam pergens, etc., Maximinus et Ossius ceterique complures ipsorum concilium apud Serdicam fieri ex imperatoris benignitate samserunt ; Hilaire, fragm., 3, § 14, P. L., c. 667 (Feder, p. 38) ; Athanase, Apologia ad Constantium, § 4, P. Gr., XXV, c. 601. — Le concile de Sardique s'est très certainement tenu en 343-344 ; 34 évêques de Gaule y assistèrent.

[19] Hosius est né vers 257, mort vers 358.

[20] Avril-octobre 346 ; Athanase, Ap. ad C., § 4, XXV, c. 600-1 ; Ap. c. Ar., § 51, XXV, c. 341.

[21] Voyez les passages cités d'Athanase. Constant est toujours couvert de fleurs par les orthodoxes ; cf. Optat, III, 3, p. 74 et 81, Ziwsa.

[22] Il semble avoir remplacé comme influence Rétice d'Autun. Voyez l'éloge qu'en fait Athanase, Ap. ad C., § 3, XXV, c. 600. Il semble qu'il soit mort vers 346-7 (on a dit 349 et 351). Cf. Jérôme, Ad a. Abr. 2359 [343], Schœne : Maximinus clarus habetur, a quo Athanasius honorifice susceptus est ; de même, Prosper, p. 453, Mommsen ; Hilaire. Voyez, comme documents anciens, mais très souvent suspects, Loup de Ferrieres, De vita s. Maximini (Patr. Lat., CXLX. et Script. rerum Merov., de Krusch, III, p. 71 et s.), et les Acta sanctorum (29 mai, VII, p. 19 et s.). Comme travail moderne, le plus critique est celui d'Aigrain, Saint Maximin de Trèves, dans les Bulletins de la Soc. des Antiquaires de l'Ouest de 1916 ; cf. aussi dom Chamard, Revue des questions historiques, II, 1867, p. 66 et s. — Tout ce que la tradition trévire rapporte de ses relations avec Magnence et de son envoi à Constantinople comme ambassadeur (Browerus, Antiquitates et Annales Trevirensium, I, 1670, p. 235 ; etc.), est pure fantaisie ; il était certainement mort lors de l'usurpation.

[23] Note précédente.

[24] En 342 ; Hilaire, fragm. hist., 3, § 27, P. L., X, c. 674 (Feder, p. 66-67) ; Sozomène, III, 11, P. Gr., LXVII, c. 1061 ; Actes du conciliabule de Sardique (n. suivante), Mansi, III, c. 135

[25] Au concile de Sardique (en 343-344). C'est pour cela que les Orientaux le condamnèrent (n. précédente), ce qui d'ailleurs n'eut pas de suite.

[26] Ici se place la question du synode de Cologne en 346, qui, sur la dénonciation des paroisses de Seconde Germanie (plebis Agrippinensium et omnium castrorum. [paroisses rurales ? groupes de Chrétiens disséminés ?]), condamna l'évêque de Cologne Euphrates, pour avoir nié la divinité du Christ, qui Christum Deum negavit esse. Le synode proclama illum ante mundi constitut onem fuisse cum Patre omnipotente, ce qui est l'affirmation de la foi orthodoxe. Outre Maximin de Trèves, qui parait avoir présidé, sont représentés : Arles (par l'évêque Valentinus), Chalon, Sens, Troyes, Spire, Worms, Auxerre, Autun, Argentina [Strasbourg], Augst, Amiens, Tongres, Reims, Mayence, Metz, Langres, Besançon, Articlavorum [var. a Laticlavo : c'est Verdun, qu'on appellera plus tard urbs Clavorum ; à rapprocher du surnom de Laon, Lugdunum Clavatum ; le mot, à Laon comme à Verdun, doit être un mot gaulois se rapportant à la situation sur une hauteur], Paris, les Nerviens, Soissons, Orléans, Rouen. Voir l'édit. de [dom Labat], Conciliorum Galliæ collectio, c. 10 et s. — On a vigoureusement attaqué l'authenticité de ce concile (bien avant Duchesne ; cf. l'introduction de Labat, c. 107), pour les motifs qu'Euphrate, après avoir eu un rôle parfaitement orthodoxe à Sardique (Athanase, Hist. Arian. ad monachos, § 20, P. Gr., XXV , c. 716 ; Théodoret, II, 7, P. Gr., LXXXII, c. 1017), ne nous ait avoir si brusquement apostasié, et que la liste des 24 évêques du concile s'est inspirée de celle de Sardique (les signataires de Cologne se retrouvent parmi les 34 membres gaulois du concile ; Mansi, III, c. 68). Duchesne, Fastes épiscopaux, I, 1907, p. 361 et s., et Revue d'histoire ecclésiastique de Louvain, III, 1902, p. 16 et s. Contre Duchesne : Monchamp, Acad. roy. de Belgique, Bull. de la Classe des Lettres, 1902, p. 245 et s., et 1905, p. 638 et s. ; H[anquet], Archives belges de Namur, IV, 1902, p. 140 et s. ; dom Quentin, Revue Bénédictine, XXIII, 1906, p. 477 et s. ; Héfélé-Leclercq, I, p 830 et s. ; etc. Dans le même sens que Duchesne, Rasneur, Le Concile de Cologne, dans le Bull. de la Commission royale d'Histoire de Bruxelles, 1903, p. 27 et s. — J'ai peine à souscrire à cette condamnation : cette coïncidence des deux listes n'a rien d'étonnant, les deux conciles étant si rapproches ; et un fait d'apostasie, ou, plutôt, de conversion à l'Arianisme, n'est pas, tant s'en faut, une chose invraisemblable. Rien d'étonnant non plus que cette affaire n'ait pas été mentionnée dans les écrits d'Hilaire, arrivé longtemps après à l'épiscopat. Je soupçonne en outre un conflit personnel entre les évêques de Trèves et de Cologne. — Je n'exclus pas d'ailleurs des arrangements dans le texte.

[27] Zosime, II, 42, 2 ; Épit. de Cæs., 41, 22 ; Julien, Or., II, p. 57 d, 58 c, 59 b, Sp.

[28] Magnence est dit commander les deux légions d'élite, les Joviani et les Hercaliani, et cela, à titre de comes (Zosime, II, 42, 3 ; Zonaras, XI :I, 6). Il devait être comes rei militaris, peut-être a Strasbourg (cf. Not., Occ., I, 31). L'affaire ayant eu lieu en janvier, chefs et soldats pouvaient bien se trous er en garnison à Autun. — Cf. de Charmasse, dans les Mémoires de la Société Éduenne, n. s., XXXIV, 1906, p. 1 et s.

[29] Zosime, II, 42, 3 et s. ; Épit. de Cæs., 41, 22 ; Zonaras, XIII, 6 ; Jérôme, ad a. Abr. 2366 [350]. — Zosime dit que tous ceux qui habitent la ville prirent part au complot, et que même la plèbe rurale arriva pour prêter main-forte. Il serait donc possible qu'Autun se soit soulevé par rancune de ce que la famille de Constance continuait à le sacrifier a Arles et à Trèves. Trèves, au contraire, allait demeurer fidèle à cette famille.

[30] Par Lyon et Narbonne ? en compagnie de son garde du palais (candidatus) le Franc Laniogaisus, demeuré fidèle (Ammien, XV, 5, 16).

[31] Ou simplement égorgé ; Eutrope, X, 9 ; Aur. Victor, De C., 41, 23 ; Épit. de Cæs., 41, 23 ; Zosime, II, 42 ; Zonaras, XIII, 6 ; Julien, Orat., I, p. 26, Sp. ; II, p. 55, Sp. ; Socrate, II, 25, Patr. Gr., LXVII, c. 263 : Sozomène, IV, 1, P. Gr., LXVII, c. 1112 ; Chronica minora, I, p. 237 ; Jérôme, ad a. Abr. 2366 [350], Schœne ; Jean Chrysostome, Ad Phil., IV, 13, 5, Patr. Gr., LXII, c. 293. — On nomme Gaiso comme chef des hommes à sa poursuite : ce doit être un Germain.

[32] Eutrope, X, 9 ; Épit. de Cæs., 41, 24.

[33] Eutrope, X, 9.

[34] Amicis gravioribus,... intolerabilis provincialibus, Eutrope, X, 9 ; Épit. de Cæs., 41, 24 ; cf. Libanius, Orat., XIV, § 10, Fœrster. Cela peut aussi expliquer l'intervention des gens d'Autun.

[35] Exercitus terribilis... militibus injacundus ; Eutrope, X, 9 ; Zonaras, XIII, 6 ; Aur Victor, 41, 23 ; Zosime, II, 47, 5.

[36] Je songe à Silvain.

[37] On est même allé jusqu'à prétendre qu'après avoir appelé en Gaule le rhéteur chrétien Proetesius, il l'avait fait magister militiæ (Seeck, Real-Enc., IV, c. 954, d'après Eunape, Vitæ sophist., 90, p. 492, Dubner) ce qui est de tout point invraisemblable. En réalité, le titre de στροτοπεδάρχης, dont fut honoré Proetesius, est celui de la stratégie des armes, fonction municipale d'Athènes bien connue.

[38] T. VIII, ch. II, § 14.

[39] Zosime, il est vrai, dira que Constant laissait trop les Barbares agir a leur guipe : mais il s'agit de jeunes nobles barbares qui paradaient à la cour, et non pas de généraux francs ou autres ; Zosime, II, 42, 1-2 ; cf. Aur. Victor, De Cæs., 41, 24 : Zonaras, XIII, 6 ; Maï, Spicilegium Romanum, IV, p. 317 (Artemii passio, § 10). On soupçonne, dans toute cette affaire, surtout quantité de rivalités personnelles.

[40] Ortus parentibus barbaris, qui Gallias inhabitant [c'est le cas de l'usurpateur Proculus en 280, qui se disait d'origine franque, quoique sa famille fût installée d'assez longue date en Italie ; Hist. Aug., Proc., 13, 4] ; Épit. de Cæs., 42, 7. Il s'agit, je crois, comme compatriotes de Magnence, des Lètes établis en Gaule par Maximien ou autres : Zosime, en effet, qui a ici la même source que l'Épitomé, dit : Λετούς, έθνος Γαλατικόν, c'est-à-dire établis en Gaule (II, 54, 1). Voyez aussi, sur cette ascendance barbare, Julien, Orat., I, p 34 a et d, II, p. 56 c et 95 c, Sp. (un peu suspect). Une tradition plus précise le fait naître à Amiens d'un Breton et d'une Franque (scholie de Julien découverte par Bidez ; cf. Zonaras, XIII, 6, 1) : mais elle peut se concilier avec l'autre, Magnence ayant pu suivre la condition de sa mère, et son père pouvant être un Lète breton. En sens opposés, Ensslin dans Klio, XIX, 1925, et surtout Bidez dans Revue des Études anciennes, 1925.

[41] Magnence parait avoir reçu une éducation strictement latine, legendi studio promptus, sermonis acer ; Épit., 42, 7 ; Zosime, II, 54, 1. De même, Silvain.

[42] C'est l'expression de Julien (Orat., I, p. 26, Sp.), qui a dû être officielle (Code Th., IX, 38, 2) : elle était au surplus rationnelle, si l'on songe que la dynastie de Constance, au pouvoir depuis un demi-siècle, se réclamait du droit de l'hérédité.

[43] Imperator Cæsar Flavius [remarquez cet emprunt du gentilice de Flavius à la gens de Constance, lequel va être d'un emploi courant : ce qui, pour Magnence, était une manière de légitimation d'office ; à moins, bien entendu, qu'il ne l'ait reçu de Constance ou de sa famille] Magnus Magnentius Augustus.

[44] Flavius Magnus Decentuis (milliaire [?] à son nom près de Toulouse, XII, 5677), et sans doute Flavius Magnus Desiderius. Il me parait impossible d'admettre que Décence fût le cousin et non le frère de Magnence (Seeck, Real-Enc., IV, c. 2258 ; il a depuis renoncé à cette opinion, Untergang, IV, p. 432). Zosime, II, 45, 4. ; Eutrope, X, 12 ; Aur. Victor, 42, 9 ; Épit. de Cæs., 42, 1.

[45] Pœmenius qui, cum Treveri civitatem clausissent Decentio, ad defendendam plebem electus est, Ammien, XV, 6, 4. Il dut y avoir d'autres villes qui demeurèrent fideles à la dynastie de Constantin ; Zosime, II, 53, 4. — Ce sont sans doute ces évènements qui amenèrent la création de Décence et de Désidérius comme Césars, Décence étant spécialement chargé de la Gaule au départ de Magnence (Europe, X, 12 ; Aur. Victor, De C., 42, 9 ; Épit., 42, 2).

[46] Ammien, XVI, 12, 5 : le nom est transmis le plus souvent Chonodomarius (cf. Schœnfeld, p. 141).

[47] Voyez son portrait chez Ammien, XXI, 16, 1 et s.

[48] On parle de 80.000 hommes avec Constance, dont 30.000 auraient péri, 36.000 avec Magnence, dont 24.000 auraient péri ; Zonaras, XXII, 8, p. 198, Dindorf.

[49] Le 28 septembre 351. — Magnence arriva par l'Italie et les Alpes Juliennes.

[50] On parle de 54.000 morts. Eutrope, X, 12 : Ingentes Romani imperii vires ea dimicatione consumptæ sunt, ad quælibet bella externa idoneæ, quæ multum triumphorum possent securitatisque conferre. Épit. de Cæs., 42, 4 : In quo bello pæne nusquam amplius Romanæ consumptæ sunt vires totiusque imperii fortuna pessumdata. De même, Jérôme, ad a. Abr. 2367 [351] : In quo prœlio Romanæ vires conciderunt.

[51] Julien (Orat., I, p. 31 et 36, Sp.) mentionne dans l'armée de Magnence un élément gaulois et un élément germanique (celui-ci formé de Francs et de Saxons) ; ce n'est que du premier qu'il dit qu'il combattit jusqu'à la mort.

[52] Ammien, XV, 5, 33 : Tempestivam illam cum armaturis proditionem ante Mursense prœlium : Silvain devait être tribunus Armaturarum, qui étaient une troupe de cavaliers du palais. De même, Zonaras, XIII, 8, p. 197, Dindorf ; cf. Julien, Or., I, p. 48 b ; II, p. 97 c.

[53] Victor, De Cæs., 42, 5-8 ; etc.

[54] Je le suppose d'après l'endroit où a eu lieu la bataille. En juillet 353 ?

[55] Mons Seleucus. Magnence a dû vouloir barrer le col de Cabre : car, d'après les itinéraires (Antonin, p. 357, -W. ; de Jérusalem, p. 555, W.), la route de Gap à Valence et Vienne descendait sur Montsaléon pour remonter ensuite vers le col de Cabre, évitant [ce qui m'étonne] l'éperon d'Aspremont, que traversent aujourd'hui la route et la voie ferrée. Ce terroir demeure du reste un des plus importants carrefours des Alpes françaises.

[56] Socrate, II, 32, P. Gr., LXVII, c. 290 ; Sozomène, IV, 7, ibid., c. 1124.

[57] La route de l'Espagne avait été fermée par la flotte de Constance, qui avait débarqué un corps de troupes du côte des Pyrénées (Julien, Orat., I, p. 40, Sp.). Il semble que Magnence ait voulu rejoindre les Lètes ses compatriotes (Zosime. II, 53, 4 ; Aur. Victor, De Cæs., 42, 10). Décence aurait cherché à le rejoindre par Sens.

[58] Il avait franchi le Rhin et vaincu Décence, Ammien, XVI, 12, 5 ; Zosime, II, 3, 4 ; Libanius, Orationes, XVII, § 32 et 33, p 250. On affirma (peut-être surtout au temps de Julien) que c'était l'empereur Constance qui l'avait invité et même par lettre, à entrer en Gaule ; Zosime, II, 53. 4 ; Socrate, III, 1, c. 373 ; Sozomène, V, 1, c. 1209 ; etc.

[59] Zosime, II, 53, 4.

[60] Épit. de Cæs., 42, 7 ; Eutrope, X, 12 ; Jérôme, ad a. Abr. 2369 ; etc. ; le 11 août 353, Idace, Chronica minora, I, p. 238. Décence de son côté se tue à Sens ; Zosime, II, 54, 4 ; Eutrope, X, 12 ; Épit., 42, 8 ; Zonaras, XIII, 9 ; Jérôme, ibid. ; le 8 août, Idace, ibid.

[61] Il y était le 6 septembre 353, C. Théod., IX, 38, 2.

[62] Ce que Julien indique, en rappelant que Magnence avait vidé la frontière du Rhin de tous ses défenseurs et l'avait livrée aux Barbares (Orat., I, p. 34-35, Sp.).

[63] J'avoue ne pas le comprendre, vu le mal que les Alamans faisaient en ce moment à la Gaule, et peut-être est-ce la conséquence des relations qu'il avait nouées avec eux.

[64] Cf. Panégyrique, XI, 19 et 20.

[65] Il y est le 10 octobre 353.

[66] Excitavit discidia plurima, etc., Ammien, XXI, 10, 18.

[67] Jérôme, ad a. Abr. 2335 [339] : Ex hoc loco, etc.

[68] Sans doute peu après le 10 octobre 353, où il célébra à Arles ses tricennalia (Ammien, XIV, 5, 1).

[69] Épître aux Romains, 13, 1-7.

[70] Sulpice Sévère, Chron., II, 39, 2 ; Hilaire, Ad Constantium I, § 8 (P. L., X, c. 562 ; ed. Feder, p. 187) ; fragm., 1, 6 (P. Lat., X. c. 631 ; éd. Feder, p. 102) ; 5. 2 c. 683 : p. 90, Feder). — Aucun acte officiel n'est reste de ce concile.

[71] Sulpice, II, 40, 4 ; 45, 6. Il est vraisemblable qu'il était déjà évêque au moment du concile (cf. Hilaire, fragm., 2, 18, P. L., X, c. 644 ; p. 141, Feder), encore que cela ne soit pas prouvé.

[72] Sulpice Sévère, Chr., II, 39, 3 ; cf. 37, 7 ; Hilaire, Ad Const. I, § 8 ; fragm., 1, 6 ; C. Const., § 2 et 11 ; Athanase, Apol. de fuga, § 4., P. Gr., XXV, c. 649 ; Hist. Arian., § 76, c. 785 ; § 33-34, c. 732. — Paulin a dû remplacer Maximin vers 346-347. Sur lui, Acta sanctorum., 31 août, VI, c. 668 et s.

[73] Voyez n. précédente. Il mourut en exil en Phrygie ; Sulpice, Chron., II, 45, 9.

[74] Cf. Hilaire, C. Const., § 4 et 5 ; Ammien, XXI, 16, 18.

[75] Reste à savoir si dans l'octroi de la plupart de ces avantages, il n'y avait pas simplement assimilation des prêtres chrétiens aux prêtres municipaux et provinciaux de l'ancienne religion.

[76] Il semble que Constantin se soit borné à les exempter des munera municipaux, mais que Constance ait étendu l'immunité à des charges d'État ; ajoutez l'exemption de l'impôt commercial ou lustralis collatio (lois de 343 et de 357, XVI, 2, 8, 10 et 14), des suppléments à la capitation (ibid.), des corvées d'État, (lois de 353 [?] et de 357, XVI, 2, 10 et 14). Encore, dans certains cas, y eut-il des restrictions (cf. XIII, 1, 1 ; XVI, 2, 8). Je doute fort qu'il faille ajouter la capitatio normale (cf. la loi de 360, XVI, 2, 15). Sur ces impôts, t. VIII, ch. I, § 8 et 10.

[77] Ammien, XV, 5, 31 ; XXVI, 3, 3 ; cf. C. Théod., III, p. 387 et s., Godefroy-Ritter.

[78] Loi de 355, XVI, 2, 12. Il me parait impossible que cette loi n'ait pas impliqué quelques-unes des réserves qu'on retrouvera plus tard ; voyez l'embarras de Godefroy à la commenter (VI, p. 42).

[79] Remarquez que la loi dite de 353 (XVI, 2, 10) est adressée universis episcopis per diversas provincias.

[80] Sulpice, V. Martini, 20, 3 et s.

[81] Il y eut d'ailleurs beaucoup d'eunuques chrétiens ; Lactance, De m. p., 15.

[82] Ammien, XXII, 5, 3-4 ; Sulpice Sévère, Chron., II, 38 ; V. Martini, 20, 1-2.

[83] Theatrales ludos atque circenses, mais pas de gladiateurs ; Ammien, XIV, 5, 1. — C'est au séjour de Constance à Arles que commence, pour l'Occident, la partie subsistante de l'œuvre historique d'Ammien Marcellin, a principatu Cæsaris Nervæ adusque Valentis interitum (XXXI, 16, 9) ; éditions Eyssenhardt, 1871 ; Gardthausen, 1874-5 ; Clark, texte, 1910-15 (de beaucoup préférable) ; on consultera toujours avec profit les notes d'Henri et d'Adrien de Valois et autres anciens érudits (voir l'éd. Gronovius, Leyde, 1693).

[84] Au 10 octobre 353 et au 1er janvier 354. C'est à ce moment, je crois, et à Arles, que Constance éleva un arc de triomphe (Ammien, XXI, 16, 15), procédant à Arles après la défaite de Magnence comme Constantin à Rome après celle de Maxence (Corpus, VI, 1139). Cet arc pourrait bien être, ainsi que l'a conjecturé Constans (Arles antique, p. 237 et s.), l'arc dit de Constantin ou du Rhône, aujourd'hui détruit. Je regrette cependant d'avoir alors à sacrifier le texte de l'inscription rapporte par Peiresc (cf. Corpus, XII, 667), lequel nous ramène à Constantin, [Constan]ti f(ilius). L'hypothèse de Carcopino (Choses et Gens du pays d'Arles, 1922, p. 6, dans la Revue du Lyonnais), qu'il s'agit de Constance III, l'Auguste de sept mois en 421, me parait difficile à admettre : on n'eût pas levé ni conservé un arc de triomphe dans les conditions historiques où s'est présenté ce règne.

[85] Cf. Ammien, XIV, 5.

[86] Insolentiæ pondera gravius librans, Ammien, XIV, 5, 1.

[87] Ammien, XIV, 5. Cf. Code Théod., IX, 38, 2.

[88] Seulement, semble-t-il, l'année suivante, 355, après l'affaire de Silvain ; Ammien, XV, 6, 4.

[89] Voyez Ammien, XXI, 16, 8 et s.

[90] Voyez deux textes d'Ammien. Dans l'un, il parle des ravages faits par Chnodomar au cours d'une guerre contre Décence (en 353 ou 352), civitates eratas multas vastavit et opulentas licentiusque diu nallo refragante Gallias persultavit (XVI, 12, 5) ; il a dû se retirer lors de l'arrivée de Constance à Lyon. Dans l'autre, il parle de ravages faits au cours de l'hiver d'Arles (353-454) par les rois frères Gundomadus et Vadomarius, quorum crebris excursibus vastabantur confines limitibus terræ Gallorum (XIV, 10, I) : il s'agit sans doute de deux pagus situés sur la ligne de Strasbourg jusqu'au delà de Baie (Brisgau et Klettgan ?).

[91] Ammien, qui a dû recourir à quelque récit de la campagne fait par un témoin oculaire, ce qui était dans ses habitudes (XV, 1, 1) ; XIV, 10.

[92] Cæli reserato tepore, Ammien, XIV, 10, 1 ; cf. t. VIII, ch. II, § 8.

[93] Omnis apud Cobillona collectus miles, XIV, 10, 3.

[94] Ammien, XIV, 107 3 et 5. Beaucoup de vivres arrivèrent d'Aquitaine (10, 2), soit par le détour du Rhône, soit par la route dite d'Agrippa, soit par la voie d'Autun au Sud-Ouest. Je crois, bien qu'Ammien semble dire le contraire, que la concentration des vivres eut lieu à Chalon, non à Valence.

[95] Arelate Valentiam petit, XIV, 10, 1. Juin ou juillet 354.

[96] XIV, 10, 2.

[97] Il s'agit de Vulcatius Rufinus, préfet du prétoire des Gaules, XIV, 10, 4.

[98] Eusebius præpositus cubiculi, 10, 5.

[99] Au jour fixé pour le départ, die prædicto, 10, 5 ; le 24 juin ?

[100] Cela résulte de ce qu'il fallut aller les chercher sur la rive droite (10, 6).

[101] Emensis itaque difficultatibus multis et nive obrutis callibus plurimis : 10, 6.

[102] Prope Rauracum ad supercilia Rheni ; 10, 6. On est en face du pagus de Brisgau.

[103] XIV, 10, 6 ; si c'est devant Kaiser-Augst (Rauraca), la manœuvre de la construction d'un pont de bateaux (navium conpage) devait être en effet difficile.

[104] Vadosum locum (10, 7) : ce ne peut guère être très loin d'Augst, mais Ammien ne dit pas si c'est en aval ou en amont. On peut supposer que le passage a pu s'effectuer, en amont, à Rheinfelden, près de la saline (communication de F. Stähelin). On était d'ailleurs au beau milieu de l'été.

[105] Nocte ... cuncta vastare (10, 7) : mais il devait y avoir, outre le pillage des terres barbares, la bataille (10, 14).

[106] XIV, 10, 8. Il s'agit de trois officiers supérieurs d'origine alamanique, Latinus [notez le nom latin] comes Domesticorum ou comte de la Garde, Agilo, tribunus stabuli ou chef des écuries impériales, Scudilo, Scutariorum rector (ou plutôt tribunus), commandant un corps des gardes. Comme aucune sanction ne fut prise contre eux, il est possible que Constance ait été au courant, ou en tout cas satisfait de leur démarche. C'étaient, et ils le demeuraient, parmi les officiers les plus estimés.

[107] XIV, 10, 9. Il s'agit toujours de deux rois seulement (du Brisgau et du Klettgan ?).

[108] In externis bellis saucius et adflictus (XXI, 10, 15, XIV, 10, 16).

[109] Je le suppose d'après la nécessité pour Constance de faire un si long discours.

[110] Auxiliatores pro adversurus ; XIV, 10, 14.

[111] Arbitros vos, dit Constance aux soldats, XIV, 10, 15.

[112] Remarquez que le traité a été conclu suivant le rite barbare, icto fœdere gentium ritu, avec cérémonies solennelles, perfecta sollennitate (10, 16).

[113] En septembre ? Medioilunum ad hiberna, 10, 16.

[114] Ammien, comme toujours lorsqu'il parle des invasions germaniques, se borne à des généralités (XV, 5, 2) : diuturna incuria Galliæ cædes acerbas rapinasque et incendia barbaris licenter grassantibus nullo juvante perferrent. Hiver 354-355.

[115] Cf. Ammien, XVI, 2, 4.

[116] Ammien, XV, 5, 2. Silvain a dû partir à la fin de 354.

[117] Il en revint sur ces entrefaites, mais dans une demi-disgrâce (XIV, 9, 1 ; 11, et 4 ; XV, 2, 1). Ammien Marcellin était attaché à son état-major (XIV, 9, 1).

[118] Son titre exact était, semble-t-il, magister peditum, Ammien, XV, 5, § 2, 8, 17 ; Aur. Victor, De Cæs., 42,15 ; et non magister armorum, Ammien, XV, 5, 24). En principe, Ursicin, qui est magister equitum (XIV, 9, 3 ; Il, 3), qui est inférieur. En fait, l'un et l'autre commandent à toutes les troupes, l'un en Orient, l'autre en Gaule. — Deux lois datées de 349 (C. Th., VII, 1, 2 ; VIII, 7, 3) sont adressées ad Silvanurn magistrum equitum et peditum ou militum. La date est fausse : il est absolument impossible que Silvain ait eu la maîtrise militaire avant la bataille de Mursa ; les deux rubriques sont donc erronées (Seeck propose pour les deux lois le 27 mai 352 ; Regesten, p. 199).

[119] Mais peut-être son père Bonitus l'a-t-il eue également.

[120] Épit. de Cæs., 42, 10-11 ; homines dicatos imperio, dit Ammien de Silvain et de ses amis (XV, 5, 6). Voyez le très grand nombre d'amis et de relations qu'il possédait à la Cour ; XV, 5, 3 et 4. — Julien, à la différence des historiens, s'est montré particulièrement dur pour Silvain (Orat., I, p. 48, Sp. ; I, p. 98, Sp.) : mais c'est dans les Panégyriques de Constance, et il semble assez mal informé sur cette affaire ; cf. encore Epist. ad sen. Athen., p. 273-4, Sp.

[121] Tout ce que nous savons de la très belle campagne de Silvain urane de deux phrases incidentes d'Ammien (XVI, 2, 4 ; XV, 5, 4). Il n'a point dû posséder un récit détaillé de la guerre ; et il y a là une des plus fâcheuses lacunes de son histoire.

[122] Ammien, XVI, 2, 4 : il s'agit sans doute d'infanterie et cavalerie légères.

[123] Ammien, XVI, 2, 4 : il s'agit du conpendium par Quarre-les-Tombes, entre Autun et Auxerre.

[124] Ammien, XV, 5, 4. — C'est sans doute en combinaison avec cette campagne que Constance opéra lui-même contre les Alamans Lentienses (du côté du lac de Constance ; Linzgau) ; Ammien, XV, 4, 1. Il avait avec lui Arbetio comme magister equitum (4, 1).

[125] Cf. Ammien, XV, 5, 15.

[126] Le chef des ennemis de Silvain était son maître de la cavalerie Arbétion (Ammien, XV, 5, 2).

[127] Francis, quorum ea tempestate multitudo in palatio florebat, XV, 6, 11. Les plus importants après Silvain étaient ses amis Malarichus Gentilium rector et Mallobaudes Armaturarum tribunus (XV, 5, 6), tous deux chefs de troupes de gardes.

[128] XV, 5, 3-5 et 8-10.

[129] XV, 5, 6-7 et 11.

[130] XV, 14, 11-13.

[131] Ammien, XV, 5, 15-16. Cette docilité des Francs à l'endroit de l'Empire permettrait petit-être de supposer qu'il s'agissait des Saliens.

[132] C'est le mot de Mucien à Vespasien (Tacite, Hist., II, 76). De même, Ammien (XV, 5, 32).

[133] Ammien, XV, 5, 16. En août 355 ?

[134] Le règne de Silvain n'ayant dure que 28 jours, il faut supposer un maximum de 14 jours pour le voyage de Cologne à Milan.

[135] XV, 5, 17-23. Ammien était du nombre, ce qui donne à son récit une valeur et une saveur particulière.

[136] Convena undique multitudine coactisque copus multis ; 5, 25.

[137] XV, 5, 25.

[138] Erat cautius observandum ; 5, 26.

[139] XV, 5, 27 (adorare sollemniter purpuratum). Cf. t. VIII, ch. I, § 1.

[140] Ut jam secretius de rerum summa consultaretur ; 5, 27.

[141] Ægre ferebat Silvanus [ad] consulatum potestatesque sublimes [les préfectures du prétoire et à la rigueur aussi de Rome et de Constantinople] elatis indignis se [et] Ursicinum... ita fuisse despectos, etc. ; XV, 5, 28. Silvain semble donc revendiquer pour les chefs d'origine barbare l'accès au consulat et aux préfectures. Sur l'octroi du consulat à des indignes sous Constance, Panégyrique, XI, 19. Il est possible que Silvain vise particulièrement la nomination, comme consul pour 355, de son rival le très médiocre Arbétion, sorti des rangs inférieurs de l'armée (Ammien, XV, 2, 4 ; 5, 2 ; XVI, 6, 1).

[142] Cf. Ammien, XIV, 9, I. Je n'arrive pas a connaître son origine. Mais, comme il fut employé surtout en Orient, je doute fort qu'il soit d'origine germanique. Il n'y a rien à conclure du fait qu'un roi alaman se nomme Ursicinus (Ammien, XVI, 12, 1).

[143] Et en particulier (XV, 5, 30) les Brucchiati et les Cornuti, corps auxiliaires des troupes palatines (cf. t. VIII, ch. II, § 4).

[144] Ad conventiculum ritus Christiani tendentem.

[145] XV, 5, 31.

[146] Épit. de Cæs., 42, 10 ; Jérôme, ad a. Abr. 2370 [354], Schœne ; Eutrope, X, 13. Seeck a supposé du 11 août au 7 septembre 355.

[147] Cela demeure possible.

[148] Accepto Ursicino successore (Ammien, XV, 5, 21) : Ursicin devait rester en Gaule comme magister equitum, Silvain revenir en Italie avec son titre de magister peditum, potestate intacta.

[149] Cela n'est dit formellement nulle part, mais résulte pour moi de ce que : 1° Ammien dit qu'après la mort de Silvain la Gaule fut dévastée nullo renitente (XV, 8, 1) ; 2° il ne raconte absolument rien des événements qui se passeront alors en Gaule, ce qu'il eût fait s'il fût reste dans le pays avec Ursicin ; 3° Constance blâma à peu près tout ce qu'avait fait Ursicin, l'accusant même d'avoir prélevé des sommes sur le Trésor des Gaules (intercepta de Gallicarus thesauris ; XV, 5, 36) ; 4° Ammien nous dit que l'armée de Gaule était commandée par Prosper, dont il stigmatise la lâcheté (XV, 13, 3), et ce Prosper avait le titre de pro magistro equitum (id.), après avoir été vicarius d'Ursicin (XIV, 11, 5). Si donc Ursicin a reçu le commandement de l'armée des Gaules, c'est d'une part sans obtenir le titre supérieur de magister peditum, et c'est ensuite pour le remettre aussitôt à son vicarius.

[150] Après la mort de Silvain, avant la proclamation de Julien le 6 novembre, par conséquent en septembre-octobre. Les événements ont dû se précipiter.

[151] Deux rois suprêmes, cinq rois, dix regales, sans doute chacun de ces chefs commandant à un pagus ; Ammien, XVI, 12, 25-20.

[152] Zosime, III, 1, 2. Ce sont évidemment eux qui ont pris Cologne.

[153] Peut-être même leur marche en avant est-elle due a une poussée des Saxons ou plutôt d'autres Francs, les Chamaves, qui les auraient expulses de l'île batave (Zosime, III, 6, 2-3).

[154] Je ne peux interpréter que par l'occupation de toute la rive gauche jusqu'à l'Océan le texte de Julien (Ep. ad senatum Atheniensem, p. 279, Sp.).

[155] Ammien, XVI, 2, 12 : ajoutez les vici, sans doute dès lors fortifiés, de Tabernæ (Tres Tabernæ), Saverne, Soliso, Seltz, Brotomagus [sic pour Brocomagus], Brumath (cf. n. suivante).

[156] Strasbourg, Argentoratus, a dû remplacer Brumath (n. précédente) comme chef-lieu (d'après Ammien, XV, 11, 8), peu de temps avant [dès 346 ?] ou peu de temps après ces événements.

[157] Ammien, XVI, 2, 12.

[158] Cette chute si rapide de Mayence, comme celles de Strasbourg et de Cologne, ne laisse pas que d'étonner. Il a dû y avoir une singulière négligence aux remparts des frontières : ce que semble indiquer Zosime. Peut-être aussi y eut-il des vices de construction.

[159] Le siège ne dura certainement pas plus de trois mois : Cologne tomba en novembre.

[160] Magnis viribus, XV, 8, 19.

[161] Cela me paraît résulter du nombre de villes prises, de l'étendue de la zone dévastée, de la rapidité de l'affaire (septembre-novembre).

[162] Zosime, III, 5, 1.

[163] Cf. Ammien, XV, 5, 2.

[164] Agrippinam deletam (XV, 8, 19) ; Zosime, III, 1, 2.

[165] Cf. Ammien, XV, 5, 2. Voyez par exemple dans le pays de Metz (Grenier, Habitations, p. 180) : grandes et petites villas, reconstruites après 300, furent détruites, rien n'échappa à la catastrophe, et (sauf peut-être la villa de Rouhling) rien ne put être restaure, et le pays ne parvint pas à se relever. Il dut y avoir cependant bien des villes reconstruites sur les bords de la Moselle trévire.

[166] Zosime, III, 1, 2 ; 5, 1 ; Ammien, XVII, 10, 4.

[167] Ammien, XVI, 11, 10-11. Voyez le tableau de la dévastation de la Gaule chez Libanius (Orat., XVIII, § 34-35, p. 251, F.), tableau, du reste, que le rhéteur rapporte, je crois à tort, aux incursions du temps de la guerre contre Magnence.

[168] Julien, Ép. ad sen. Ath., p. 279, Sp. ; Libanius, Or., XII, § 48, p. 25, F. ; Zosime, III, 1, 2 ; cf. 5, 1 (dit seulement 40). Le mot πολεις ne désigne pas nécessairement des chefs-lieux, car cela ferait plus des deux cinquièmes de toute la Gaule : c'est l'équivalent du latin urbes, qui a aussi un sens restreint.

[169] Ammien, XVI, 2, 1. Je crois qu'ils sont venus a Autun de Troyes, et qu'ils sont venus à Troyes, non pas par la route de Metz, Reims et Châlons, qui devait être bien gardée, mais par une route directe de Metz à Troyes par Naix.

[170] XVI, 2, 7. Par la même route.

[171] XVI, 4, 1. En venant de Troyes. Tout ceci concerne sans doute la même bande d'Alamans, celle qui avait fixe son centre entre Sarrebourg et Tarquimpol.

[172] XVI, 11, 4. Par la route de Belfort et Chalon. Il s'agit une autre bande, qui opéra ultérieurement.

[173] Cf. Ammien, XVI, 2, 8.

[174] Autun, Auxerre, Troyes, Sens, Reims, ne paraissent pas avoir été pris ; pas davantage Metz (Ammien. XVII, 1, 2), ni Trèves.

[175] Sauf peut-être exceptions aux frontières.

[176] Ammien, XVI, 2, 1. Le récit de Libanius, qui provient d'ailleurs de la même source, ajoute au fait pas mal de fantaisie ; Orat.,§ 43, p. 255, Fœrster.

[177] D'après Julien (p. 279, Sp.), il semble qu'ils aient occupé le pays à demeure jusqu'a 300 stades du Rhin, ce qui doit correspondre au camp fixe établit par les Alamans entre Tanquimpol et Sarrebourg (Ammien, XVI, 2, 9) : et en outre, qu'ils aient ravagé le triple (à partir de ce point, ce qui correspond bien à ce que nous avons indiqué plus haut en notes).

[178] En novembre ; XV, 8, 19-20.

[179] Il est probable que Trèves est la ville que Julien, en 356, dut réconforter (Libanius, Orat., XVIII, § 46, p. 256, F.).

[180] Ceci est très nettement marque par Ammien : Barbari dormicilia fixere cis Rhenum ; XVI, II, 8. Cf. Libanius, XVIII, § 59, p. 259 F. ; XVIII, § 33, p. 250 F. Il s'agit, en tout cela, surtout, des Alamans.

[181] Libanius, Orat., XII, § 44, p. 24, F. ; XVIII, § 35, p. 251, F. ; Ammien, XVI, 2, 12.

[182] Ammien, XVI, 11, 10-11.

[183] Ipsa oppida ut circumdata retus busta declinant ; XVI, 2, 12.

[184] Cf. XVI, 2, 10.

[185] Domicilia cuncta curatius retus Romano constructa ; Ammien, XVII, 1, 7. Il est vrai que nous sommes sur le sol des Champs Décumates, où Rome avait dû laisser des habitudes ou des édifices (campagne de Julien en 357).

[186] Le texte d'Ammien (XVII, 1, 7) montre bien la surprise des Romains.

[187] XVI, 12, 25.

[188] XVI, 12, 23-26 12, 4.

[189] Ardua subrigens supercilia ; XVI, 12, 4.

[190] XVI, 12, 23-26 12, 4.

[191] Ex varus nationibus partim mercede, partim pacto ; XVI, 12, 26.

[192] Voyez la bataille de Strasbourg ; XVI, 12, 27 et s.

[193] Speculatores hostium ; XVI, 12, 19.

[194] Fossas, XVI, 12, 27 ; militari barbaricum, XVI, 12, 8. L'idée de rattacher ce vallum à un limes romain me parait insoutenable (thèse de von Romes, Westdeutsche Zeitschrift, XII, 1893, p. 249 et s., et de Koch, Julian, p. 389).

[195] Ammien, XVI, 12, 3 (avant la bataille de Strasbourg) : Cæsari mandaverunt utterris abscederet virtute sibi quæsitis et ferro. Ce mot, et d'autres indices, révèlent bien l'idée des Alamans de faire en Alsace un établissement fixe. On pourrait même supposer qu'il y aurait eu une concession de terres en règle faite par Constance, si l'on regarde le texte de cette ambassade tel qu'il est rapporte par Libanius : les Alamans montrèrent une lettre par laquelle Constance, les invitant à entrer en Gaule contre Magnence, leur aurait concédé la terre qu'ils pourraient conquérir (XVIII, § 52, p. 259, F. ; XVIII, § 33, p. 250, F.). Mais, outre que Libanius travestit toujours plus ou moins les documents, la chose est assez invraisemblable, encore que Constance ait pu imprudemment s'engager par lettre avec Chnodomar contre Magnence.

[196] L'édition moderne du Corpus de Vienne (XXII, Zingerle ; LXV, Feder ; inachevée) ne dispensera pas de consulter l'admirable édition des Bénédictins de Saint-Maur, due à Constant (Paris, 1693 ; revue par Maffei, 1730, Vérone ; reimpr. de Migne, Patrol. Lat., IX et X). — C'est de cette édition que provient la Vita sanctæ Hilarii ex ipsis potissimum scriptis, qui demeure encore le meilleur répertoire chronologique que nous possédions sur saint Hilaire. — Il nous manque toujours une étude de fond sur sa vie, ses œuvres et l'évolution de sa pensée. — Beinkens, Hilarius von Poitiers, 1804 ; Loofs dans la Realencykl. für protest. Theologie, VIII, 1900, p. 57 et s. ; Largent, Saint Hilaire, 1902 (coll. Les Saints) ; Schanz, Geschichte der Rœm. Litteratur, IV, I, 1904, § 887 et s. ; Bardenhewer, Gesch. der altkirchlichen Literatur, III, 1912, p. 365 et s. ; de Labriolle, Hist. de la litt. latine chrét., 2e éd., 1924, p. 318 et s. ; etc.

[197] Cf. Ammien, XXI, 16, 18.

[198] A Poitiers plutôt qu'en Poitou : Pictavis genitus ; Jérôme, Comm. in Epist. ad Galatas, II, 3, Patr. Lat., XXVI., c. 355.

[199] Sa conversion parait avoir été déterminée par l'idée de l'unité et éternité de la Divinité (De Tinitate, I, 5), ce qui explique en particulier son attachement au dogme de la consubstantialité. — Il me parait fort possible qu'il ait été converti ou dirigé par Maximin de Trèves, lequel était, dit-on, d'origine poitevine, frère de Maxence, évêque de la cité avant Hilaire (d'après Loup de Ferrieres, De vita s. Max mini, § I, Patr. Lat., CXIX, c. 668). — Maximin étant mort vers 346-7, on pourra donc admettre ce que dit Hilaire (De synodis, 91), que son baptême a précédé d'un certain temps son épiscopat.

[200] Voyez les éloges que lui décerne Jérôme, Epist., 70, § 5, P. L., XXII, c. 668 : 58, § 10, c. 585 ; et bien d'autres encore. — Il devait savoir assez le grec pour traduire Job, Origène et Eusèbe (Jérôme, De viris, 100 ; Epist., 112, § 20, P. L., XXII, c. 929 ; Apol. adv. Rufinum, 1, 2, P. L., XXIII, c. 339 ; Licinianus, P. L., LXXII, c. 692).

[201] T. IV, ch. XIII, § 2.

[202] Il a dû être fait évêque au temps du concile d'Arles de 353 : car je doute qu'il n'y eût pas agi, et rigoureusement, s'il avait été évêque depuis plusieurs années. Il m'est impossible de mettre son épiscopat en 350, comme le fait Tillemont (Mém., VII, p. 438).

[203] Commentarius in Evangelium Matthæi, certainement écrit avant 356 et les grandes querelles théologiques, livre qui est écrit, dit finement Constant (Admon., § 15, P. L., IX, c. 914), catholice quidem quantum ad sensum, quantum autem ad verba minus circumspecte. Ceci dit à propos de la génération du Fils, dont Hilaire écrit très nettement (Comm., c. 31, § 3, Patr. Lat., IX, e. 1067), ante quam nasceretur, ce qu'il ne dira plus lorsqu'il sera, après son séjour en Orient, instructior et in verbis cautior (mot de Constant, en note, c. 1067). Hilaire reconnut d'ailleurs son incompétence théologique, ou plutôt son incompréhension ou son ignorance des termes courants dans les disputes, avant de partir pour l'Orient : fidem Nicænam numquam nisi exsulaturus [au moment d'être envoyé en exil, par conséquent au concile de Béziers ; il n'y a pas exsul] audivi ; mais il ajoute aussitôt qu'il y avait suppléé par la lecture des Évangiles : sed indu homousii et homœusii intelligentiam Evangelia et Apostoli intimaverunt (De synodis, § 91, P. L., X, c. 545).

[204] Liber (primus) ad Constantium Augustum. On est convenu maintenant de ne plus considérer ce morceau comme une lettre écrite par Hilaire à l'empereur vers 355, mais comme formé de deux éléments divers : 1° une lettre du concile de Sardique à Constance (§ 1-5) ; 2° un fragment (§ 6-8) de narration écrit par Hilaire en 356 ; le tout aurait formé, écrit avant le reste, le liber primus du grand traité historique d'Hilaire contre les Ariens. Cf. Wilmart, Revue Bénédictine, XXIV, 1907 ; Feder, Sitzungsberichte de l'Acad. de Vienne, Phil.-hist. Klasse, CLXII, 1909, p. 144 et s., et dans son édition au Corpus de Vienne, LXV, 1916, p. LXII et s. J'hésite beaucoup à renoncer à l'opinion traditionnelle, étant donne que Sulpice Sévère déjà vers 400, semble avoir connu le liber ad Constantium primus sous sa forme courante (Chron., II, 45, 3), et que Sulpice, qui vivait en Gaule et était l'ami de Martin le collaborateur d'Hilaire, était plus que n'importe qui en mesure de savoir la vérité sur l'œuvre de l'évêque de Poitiers.

[205] Été de 355. Athanase, Hist. Arian. ad monachos, § 31 et s. ; Sulpice, Chr., II, 39 ; Hilaire, Ad Constantium I, § 8 (p. 187, Feder) ; Jérôme, ad a. Abr. 2370 [334] ; Sozomène, IV, 9, P. Gr., LXVII, c. 1129 ; Socrate, II, 36, ibid., c. 301 ; Ammien, XV, 7, 6-10. La Gaule et l'orthodoxie furent représentées à Milan par Paulin de Trèves (revenu un instant de son exil ?), et sans doute par Rhodanius de Toulouse. Ajoutez, et surtout, Eusèbe de Verceil, désormais le compagnon de lutte et de travail d'Hilaire.

[206] Le verbalisme de ces discussions a été bien marqué par Ammien, XXI, 16, 18, concertatione verborum. — Constance a dû redouter en Gaule des manifestations dans le genre de celles que provoqua à Rome l'exil de Libère (Ammien, XV, 7, 10). A quoi Hilaire [si le passage est de lui] répond (Ad Const., I, § 3) : Nulla quidem suspicio est non modo seditionis sed nec asperæ obmurmurationis : quieta sunt omnia et verecunda : ce qui fut toujours le propre, au milieu de ces discussions, des Églises de Gaule.

[207] Quoi qu'on puisse penser du liber ad Constantium I, la seconde partie, qui est incontestablement d'Hilaire, est une attaque virulente contre les actes du concile de Milan (§ 8, p. 186-7, Feder).

[208] Cette réunion d'évêques, vers la fin de l'année 355, et tenue sans doute à l'insu de Constance et à la faveur de ses embarras, n'est attestée formellement par aucun document. Mais on a eu raison de la supposer (cf. Tillemont, Mémoires, VII, p. 439 ; Vita Hilarii, 29, Patr. Lat., IX, c. 137-8), en s'aidant du passage d'Hilaire, Contra Constantium, § 2 : A Saturnini et Ursacii et Valentis [les chefs ariens conseillers de Constance] me cum Gallicanis episcopis separavi, indulta cæteris consortibus eorum [les cosignataires du concile d'Arles] resipiscendi facultate. Et il a dû y avoir un décret solennel rédigé par Hilaire : Si tamen hoc ipsum beatissimis confessoribus Christi edictum decretum [var. edicta decreta] tum a nobis manare placuisset. Ce que confirme un texte de Facundus, évêque d'Hermiana, Contra Mocianum (Patr. Lat., LXVII, c. 858) : Hoc cum suis collegis Hilarius fecit, etc. — Tous les documents relatifs à cette tractation, capitale dans l'histoire religieuse, ont disparu. Mais on peut y rattacher le premier écrit d'Hilaire à Constance.

[209] Mais avec de nombreuses restrictions et sous un contrôle assez sévère ; et il faudrait bien se garder de comparer l'autorité de Julien avec celle d'un César de la tétrarchie, comme Constance Chlore.

[210] Proclamation de Julien à Milan, le 6 novembre 355.

[211] Fils de Flavius Julius Constantius, frère de Constantin et fils de Constance Chlore.

[212] Par le mariage de Julien avec la sœur de l'empereur, Flavia Julia Helena, peu après le 6 novembre 353.

[213] Préfets du prétoire pour la Gaule. — Vers 341 ?, Ambrosius, le père de saint Ambroise (préfet lors de la naissance de celui-ci ; Paulin, V. Ambr., § 3, Patr. Lat., XIV, c. 28). — De 343 à 349, (C. Fabius Mæsius Aquillius) Titianus, vir eloquens (Jérôme, Chr., ad a. Abr. 2361 [345] ; C. Théod., XII, 1, 36 ; VII, 1, 3 ; IX, 24, 2, C. Just., X, 65, 4). — En 349, Eustathius ?? (C. Th., XI, 7, 6). — En 353-354, Evagrius ?? (C. J., II, 19, Il ; XII, 46, 3). — En 334-336 ?, Flavius Vulcatius Rufinus (Ammien, XIV, 10, 4 ; la loi du C. Th., 1X, 23, 1, a lui adressée, est avancée de 356 à 346 par Seeck, Reg., p. 45, peut-être à tort). — En 355 ?, Lollianus Mavortius ? (C. Th., VI, 29, 1). — En 356 ?, Mævius Honoratus (Jérôme, Chr., ad ann. Abr. 2375).