I. — L'AVÈNEMENT DE CONSTANTIN EN GAULE ET LE PRINCIPE D'HÉRÉDITÉ. L'abdication de Dioclétien amena presque aussitôt la rupture de cette tétrarchie impériale en laquelle il avait placé le salut de l'État romain : mais, dans le bouleversement général qui accompagna la crise de la souveraineté, la Gaule fut le seul pays qui ne souffrit point des désastres, où la puissance impériale se transmit sans secousse, qui substitua elle-même au hasard des choix personnels le régime de l'hérédité dans une famille consacrée, et qui finit par imposer ce régime à l'Empire entier et lui imposer en même temps la famille acceptée par elle. La confiance et la force que sa restauration lui avait rapidement rendues, servirent, une fois de plus, à rétablir l'unité du monde romain. Dioclétien, conformément à la loi de son système, fit de Constance un Auguste[2], sans l'éloigner de ses provinces familières. Car, sous ce régime, on ne déplaça point les princes comme des fonctionnaires, on les laissa prendre leurs habitudes et garder leur autorité dans une région toujours la même. Par là Constance devenait pour la Gaule moins un représentant de l'Empire qu'un empereur national, et elle liait pour toujours partie avec lui et sa famille. Pour remplacer en Italie Maximien, qui dut abdiquer comme lui, Dioclétien fit choix de Sévère[3], en ne lui donnant que le titre de César. En Orient, on eut Galère pour Auguste[4] et Maximin pour César[5]. Constance reçut en outre la prérogative de l'aîné des Augustes[6] : et ainsi, l'empereur de Trèves et de la Gaule parut un instant le tuteur de l'univers et le Jupiter de l'Empire. Constance avait un fils en âge de régner, Constantin, bon soldat, homme d'action, ayant fait ses preuves sur la frontière, et, en outre, lettré, de mœurs affables, depuis longtemps connu des soldats et des intellectuels[7], les uns et les autres, en ce temps-là arbitres de la gloire et du pouvoir[8]. Constantin ne put se résigner à demeurer en sous-ordre, ni peut-être son père à l'y laisser. Il s'échappa de l'Orient où Galère le tenait en surveillance, et, brûlant les étapes, favorisé par l'admirable service de la poste impériale, il rejoignit son père à Boulogne (306)[9]. Ce n'était qu'un incident, qui pouvait demeurer sans conséquence. Mais, peu de temps après le retour de son fils, Constance mourut à York en Bretagne[10]. Aussitôt, sans qu'il fût question de consulter ni Sévère le César d'Italie, ni Galère l'Auguste d'Orient, Constantin accepta de son armée le titre impérial[11], et il fut reconnu comme souverain par les trois pays de l'Occident, la Gaule, la Bretagne et l'Espagne[12]. Elles se réunissaient donc toutes trois une seule famille. L'hérédité l'emportait sur le choix et sur la filiation adoptive. Ce sont les dieux qui le veulent, proclamaient les orateurs gaulois il faut que nous soyons les fils d'un même père, les hôtes d'un même foyer, les fidèles d'une même maison[13]. Celle qui venait de grandir n'était-elle point prédestinée à gouverner la terre ? Constance descendait, disait-on, du second Claude, le prince qui, au temps de Tetricus, avait entrepris de restaurer l'Empire et de sauver l'univers[14]. II. — LE TEMPS DES EMPEREURS MULTIPLES. Il fallut, pour que cette famille étendit son autorité jusqu'au Danube et jusqu'au Tigre, dix-huit ans de guerres civiles. Pendant que Constantin régnait paisiblement en Gaule, le fils de Maximien, Maxence, l'imitait en Italie[15], et, en vertu du droit de famille, chassait Sévère[16] et prenait sa place[17] ; et Maximien son père, répudiant la formule d'abdication, reprenait le titre d'Auguste à côté de son fils le nouvel empereur[18]. Ce furent, de l'autre côté des Alpes, des agitations sans fin autour du pouvoir souverain[19], tandis qu'il s'était transmis en Gaule dans le calme et la régularité. Les deux dynasties de Gaule et d'Italie s'entendirent d'abord. Constantin épousa Fausta, sœur de Maxence et fille de Maximien[20], à la grande joie des thuriféraires officiels (307)[21]. Si les choses se fussent consolidées, l'Occident eût été partagé entre deux maisons princières, et, malgré l'uniformité des titres d'Auguste ou de César et des lois impériales, l'unité de l'Empire eût peut-être fini par sombrer. — En Orient, Galère avait créé un nouvel empereur, Licinius[22], mais sans toucher à Maximin[23] ; et tous trois régnaient sous le nom suprême d'Auguste. A la tétrarchie dioclétienne de deux Augustes et deux Césars succédait un attelage à six Augustes. Tout cela ne dura point. La brouille se mit très vite entre les alliés d'Occident. Maximien souffrait de n'être plus qu'un vieil Auguste de parade, un empereur fantôme entre son fils et son gendre les vrais maîtres. Il intrigua d'abord contre Maxence, qui expulsa son père d'Italie[24]. Retiré en Gaule, il profita de ce que Constantin guerroyait sur le Rhin, pour soulever quelques troupes contre lui[25]. Le jeune prince revint en hâte vers l'intérieur, courut au rebelle[26], le chassa devant lui, l'enferma dans Marseille[27] l'obligea à se rendre, et lui laissa la vie sauve (309)[28]. Comme il se remit à comploter, on le tua (310)[29]. Constantin et Maxence, les deux beaux-frères, restèrent face à face. — En Orient, Galère étant mort[30], Licinius et Maximin se partagèrent les provinces. La tétrarchie se reconstituait. Ce n'était qu'un replâtrage. Le système de Dioclétien reposait que sur l'entente et le désintéressement des chefs, ces quatre hommes se détestaient et convoitaient chacun la part du voisin. Autour de Constantin, on déclamait d'ardents panégyriques, prônant la beauté de la monarchie familiale, le rôle providentiel de sa dynastie[31]. La guerre contre Maxence, la conquête de l'Italie et de Rome, faisaient partie de ses ambitions. Il s'y décida six ans après la mort de son père[32] (311). III. — LA CONQUÊTE DE L'ITALIE PAR CONSTANTIN. A tout prendre, cette guerre de Constantin contre Maxence rappelait celle de Vitellius contre Othon, deux siècles et demi auparavant. C'était, dans les deux cas, les armées du Rhin et de la Gaule qui marchaient à la conquête de l'Italie[33]. Mais l'allure de la nouvelle affaire fut toute différente. A l'ordre et à la discipline qui accompagnèrent la marche de Constantin, on put voir que l'autorité impériale était restaurée en Gaule dans toute sa valeur, et l'armée dans toute son obéissance[34]. L'œuvre commencée par Maximien un quart de siècle auparavant, avait singulièrement réussi, achevée par Constance et maintenue par Constantin. Plus d'une fois dans les siècles antérieurs, quand une armée de Gaule était partie pour une guerre civile, la frontière, à demi dégarnie de troupes, avait été aussitôt attaquée et franchie par les Barbares : le départ de Vitellius avait provoqué la révolte batave, et la catastrophe de 276 était la conséquence de la mort de Tacite et des luttes pour sa succession[35]. Cette fois, rien de grave ne surgit, ni chez les Alamans malgré leur incurable hostilité, ni chez les Francs malgré la fragilité de leur alliance récente[36]. L'armée de Vitellius, quel que fût le nombre de ses cohortes latines, avait l'apparence d'une troupe barbare, et, lors de l'entrée à Rome, les sangliers des enseignes gauloises reléguèrent dans l'ombre les aigles des légions. Dans l'armée de Constantin, les auxiliaires étrangers étaient sans aucun doute aussi nombreux que les Gallo-Romains de naissance, et il avait parmi eux de ces Francs où les aïeux avaient cru voir les pires ennemis de Rome : mais la discipline demeura parfaite, le nom de Rome ne cessa d'être respecté, et les Francs de Constantin firent moins de mal à l'Italie que les légionnaires de Vitellius. Nulle part on ne vit de massacre ailleurs que sur le champ de bataille, et le fils de Constance voulut apparaître en chef d'une armée libératrice[37]. Ce n'en était pas moins quelque chose du passé romain qui allait disparaître avec sa victoire. Maxence parla et combattit au nom des dieux latins ; il était le dernier représentant de cette religion de Jupiter et d'Hercule que Dioclétien avait instaurée[38], le dernier fils de cette famille divine que le grand empereur avait fondée pour rétablir l'unité du genre humain ; avant de se mettre en campagne, il voulut même consulter ces Livres Sibyllins que, dix siècles auparavant, Apollon avait inspirés pour l'avenir de Rome[39]. Constantin, au contraire, s'éloignait peu à peu de cet Apollon, de ce Soleil invincible qui avait été le protecteur de son père, et auquel ses panégyristes l'avaient comparé aux heures rayonnantes de son aube impériale[40]. Quelques mois auparavant, au cours d'un voyage en Gaule, il avait encore porté ses hommages l'Apollo celtique, héritier de l'antique Bélénus, et, entré dans le plus fameux de ses temples[41], il eut, dit-on, la vision du dieu lui-même, accompagné de la Victoire, et qui lui offrait la couronne de laurier encadrant le chiffre fatidique de trente années, présage du plus long des règnes[42]. L'empereur, tout comme le plus humble des esclaves, cherchait partout son dieu[43]. Cette fois, avant même de franchir les Alpes[44], il fit appel au Dieu des Chrétiens[45], et celui-ci à son tour lui envoya le signe et la promesse du succès : au cours d'une journée de marche, Constantin aperçut dans le ciel, et toute l'armée avec lui, les lettres mystérieuses qui annonçaient le nom du Christ[46], et, la nuit venue, le fils de Dieu lui apparut lui-même en songe pour lui expliquer le monogramme céleste et lui dévoiler la volonté du Père[47]. Constantin fit aussitôt graver le signe tout-puissant sur les boucliers de ses soldats[48], et le fit également ciseler sur son casque de bataille[49], sculpter et monter en enseigne militaire[50]. Les Chrétiens peuvent maintenant souhaiter et favoriser la victoire de ses armes, et la saluer comme l'annonce du triomphe universel de leur foi. Cette victoire fut très dure à conquérir. L'armée de Maxence lutta pied à pied. Si elle ne disputa pas l'entrée de l'Italie par le mont Genèvre[51], elle arrêta un instant l'adversaire sous les murs de Suse[52], gardienne de la grande route de la plaine. Puis, on eut à se battre devant Turin, Brescia, Vérone, Aquilée, Modène[53], vieilles cités qui, depuis un demi-millénaire, servaient de bastions avancés aux défenseurs de Rome. Le dernier combat, plus sanglant que les autres, eut lieu sur le Tibre, au pont Milvius[54]. Maxence battu et tué, ce fut l'entrée solennelle dans Rome[55], et, de l'Atlantique à l'Adriatique, l'acclamation de Constantin comme maître unique de l'Occident (312)[56]. Quelques mois après, Licinius devenait seul Auguste en Orient[57]. On pouvait prévoir qu'un moment viendrait où le plus heureux de ces deux chefs rétablirait son profit l'unité impériale[58]. IV. — DU CARACTÈRE DE CONSTANTIN. Constantin, pour préparer cette unité et asseoir sa puissance, ne cessait de prêter une attention particulière à la mise en valeur de la Gaule. Il savait bien qu'elle était le principal appui de ses ambitions[59], la réserve des énergies matérielles et morales de tout l'Occident. Était-il vraiment, ce Constantin, un chef supérieur, un esprit de large envergure, une âme d'élite, ainsi que les Chrétiens se sont complu à nous le dire[60] ? J'ai peine à le croire. L'homme me parait, sinon médiocre, du moins avec des facultés au niveau de la moyenne, et pas davantage[61]. D'heureuses circonstances, le besoin général du travail et de la paix, firent plus pour son œuvre que le mérite propre de ses réflexions ou de ses actes. Sa bonne humeur, sa clémence ordinaire, ne l'empêchèrent pas de commettre les plus abominables cruautés[62]. Il multiplia les mesures habiles et les procédés ingénieux : mais ce fut le plus souvent tactique de détail que stratégie d'un politique à longue vue. Grâce à lui, l'unité de l'Empire fut rétablie : mais il imagina les pratiques qui devaient briser à jamais cette unité. Il sauva le Christianisme de la misère et il en fit la religion dominante : mais il commença à l'asservir aux pouvoirs publics. La Gaule jouit sans nul doute, durant les trente années de son règne, d'une incomparable tranquillité, et il faut remonter jusqu'aux Antonins pour trouver une aussi longue période de paix romaine : mais Constantin, endormi par cette paix, en oublia les règles militaires qui seules pouvaient la continuer. V. — LA SURVEILLANCE SUR LE RHIN ET L'ACCORD AVEC LES FRANCS. Constantin, dès la première année de son règne, avait tenu à infliger une sanglante leçon aux Francs dissidents[63] : deux défaites coup sur coup, le Rhin franchi à Cologne, le pays horriblement dévasté et le bétail même massacré, les captifs livrés aux bêtes de l'amphithéâtre de Trèves en si grand nombre qu'elles en furent fatiguées et rassasiées, et, parmi ces victimes, deux rois germains[64] solennellement immolés (306)[65]. Pourtant, il y eut encore des Francs qui bougèrent de ce côté, au moment de la ridicule révolte de Maximien (309)[66]. D'autres, et des Alamans avec eux, et même des pirates germains sur les rivages[67], revinrent à la charge lors de la guerre d'Italie : mais Constantin reparut assez vite pour les empêcher de faire du mal (313)[68]. Six ans après, son fils Crispus commanda une nouvelle razzia au delà du Rhin (320 ?)[69]. Il dut y en avoir bien d'autres : mais ce furent opérations misérables, dont les lettrés dédaignaient de parler. La Germanie semblait décidément maîtrisée. A quoi est due cette longue accalmie, qui va se prolonger pendant une génération[70] ? C'est d'une part[71] sans aucun doute, à l'extraordinaire incohérence de l'Allemagne. Ces Barbares étaient de plus en plus incapables non seulement de former une grande nation, mais même de s'entendre entre peuplades, ou simplement de s'unir entre tribus. Entre les Francs de Westphalie et les Alamans de Souabe je ne vois trace d'aucun lien permanent d'alliance politique[72]. Le Taunus et le Mein continuent à séparer deux mondes. Celui des Alamans, le plus inquiétant pour la Gaule et l'Italie, reste partagé entre des roitelets innombrables, et ne parvient même pas à assurer sa sécurité du côté des Burgondes, qui le pressent en Franconie[73]. Quant au groupe des Francs, la scission est désormais faite entre les pillards de la frontière en Westphalie et les admirateurs de l'Empire dans les bas pays de Hollande. Ceux-là, Chamaves ou autres, descendant des Bructères ou des Chérusques, vieux ennemis de Rome, conservent la tradition de la haine et du brigandage, et Cologne vit sous leur menace. Ceux-ci, héritiers ou successeurs de Frisons ou de Bataves, plus imprégnés d'habitudes latines, tiennent à honneur d'entrer dans l'Empire, et c'est pour le compte de Rome que les Saliens montent la garde en face de Nimègue. A quoi bon maintenant, pour ces Francs, détester et tracasser l'Empire ? L'accord avec lui leur offrait des avantages plus durables que de maigres butins sur une frontière dévastée. A ceux qui venaient à lui, il offrait honneurs et richesses, et l'amitié divine d'Auguste. Bonitus[74] le Franc prenait rang parmi les plus hauts dignitaires de l'armée de Constantin[75], et il était indiqué que son fils Silvain lui succéderait un jour[76]. Leur fortune stimulait l'ambition des jeunes Francs. Ils accouraient en nombre à la cour impériale, on se hâtait de les enrôler, non seulement dans l'armée de combat, mais encore parmi les troupes d'honneur du palais[77]. On savait que les plus dignes devenaient rapidement préfets ou tribuns[78]. L'Empire ne pouvait plus se passer de Francs[79]. Mais d'autre part, et voilà la vraie cause de la paix sur le Rhin, le prince gardait l'œil attentif du côté de la frontière[80]. Même après la défaite de Maxence, il évita d'abord de séjourner au delà des Alpes. Comme Maximien, il résidait le plus souvent à Trèves, il y passait l'hiver, il y écoutait de solennels panégyriques, il y célébrait bruyamment les jeux de ses victoires germaniques, les fêtes de l'année ou de ses consulats[81]. De Trèves, il voulut faire une ville magnifique, aussi belle dans ses édifices que redoutable par ses remparts[82]. Sa curie ou son prétoire[83], sa basilique[84], ses thermes[85], dominaient au loin les rives de la Moselle ; elle eut un cirque rival du Grand Cirque de Rome[86], tandis que les tours de sa Porte Noire dressaient leurs masses formidables du côté de la route du Rhin[87]. Les camps fortifiés se multipliaient au voisinage du fleuve[88]. A Cologne, Constantin fit construire un pont aux culées permanentes[89], pour être toujours prêt, s'il le fallait, à combattre en pleine Germanie. Et les plus hardis pouvaient espérer, en avant de la Gaule forte et tranquille, des marches de victoire et des triomphes à la Drusus[90]. VI. — L'OUBLI DE LA FRONTIÈRE ET LA FORTUNE D'ARLES. Mais les victoires de la guerre civile et la domination de l'Empire détournèrent Constantin de l'œuvre germanique et de l'avenir de la Gaule. Quand il fut maître de tout l'Occident, la frontière du Danube l'intéressa plus que celle du Rhin, et Aquilée, Milan ou Sirmium l'appelèrent comme résidences ; et quand la défaite et la mort de Licinius le rendirent souverain du monde (323), l'Orient l'intéressa à son tour, et il s'installa à Constantinople. La Gaule, comme il fallait s'y attendre, fut sacrifiée par son chef dès le lendemain du jour où elle lui donna l'empire de la terre : elle perdit toujours à faire de ses princes des empereurs universels[91]. A partir de 314, deux ans après la conquête de l'Italie, Constantin ne parait presque plus à Trèves. S'il séjourne en Gaule, c'est pour s'arrêter plus près des Alpes et de la mer[92], dans quelque grande ville des bords du Rhône, sous des cieux moins tristes, à Vienne[93] ou à Arles[94]. Arles surtout l'attire et le fixe, Arles, la ville la plus franchement latine de la Gaule, au site aimable et chaud qui rappelle celui de la Ville Éternelle, à la population cosmopolite, aux allures élégantes, aux habitudes civiles et pacifiques[95]. Trèves, assurément, demeurait le siège de l'administration supérieure du prétoire et de l'état-major de Gaule[96]. Mais, de même qu'elle avait supplanté Lyon dans les jours de danger, elle voyait, en ces années de la paix constantinienne, une rivale heureuse grandir au voisinage de la Méditerranée, loin des armes de la frontière et du contact de la Barbarie. Il est même probable que, dans l'orgueil de ses victoires et de sa maturité, Constantin ait cru à la soumission définitive de ces Barbares. Les succès s'étaient multipliés sur le Danube[97]. De chacune de leurs tournées militaires, les généraux revenaient chargés de prisonniers sarmates, qu'on expédiait ensuite dans les provinces les plus dépeuplées[98]. Le grand roi qui se levait chez les Goths, et qui, d'Odessa à Belgrade, reconstituera l'Empire des Daces, prétendait mettre sa puissance non pas à l'encontre mais au service de Rome, et il se proclamait le soutien de son Auguste[99]. Une foule d'hommes franchissaient d'eux-mêmes le fleuve, les mains tendues en amis, demandant à porter les armes sous les ordres de Constantin[100]. Un état-major de rois et de chefs barbares lui faisait escorte[101]. Du côté du Rhin, c'était un va-et-vient pacifique d'hommes et de troupeaux[102], comme s'il n'y avait plus de frontière. On disait que l'empereur permettait les mariages entre Francs et Romains[103], et que les uns et les autres ne devaient faire qu'une seule nation. Comment, après cela, ne pas croire en l'éternité de la paix, en la majesté inviolable de l'Empire, auquel chaque génération apportait un nouveau contingent de peuples sujets ? Mais alors, à quoi bon immobiliser tant d'hommes sur le Rhin[104] ? Constantin jugea la chose désormais inutile. Il voulut s'épargner les dépenses d'une forte armée de couverture et peut-être aussi les ennuis que cette armée, si elle avait un chef trop hardi, ferait courir à l'héritage de ses fils. Il supprima les grands commandements de la frontière, et il diminua, de beaucoup, les effectifs qui la gardaient. L'armée de Gaule ne fut assurément pas amoindrie dans de trop fortes proportions ; mais le principal des garnisons fut reporté dans les villes de l'intérieur[105]. Désormais, si quelque danger menaçait sur le Rhin, il faudrait que les soldats de bordure fissent aussitôt appel aux troupes de l'arrière, soit à la grande armée toujours présente auprès de l'empereur, soit aux corps disséminés entre les Vosges et l'Océan[106]. C'était renoncer à la garde sur le Rhin[107], au devoir essentiel de l'Empire depuis Auguste et César. Une faute irréparable était commise. Constantin, qui avait été le principal bénéficiaire de l'œuvre des empereurs de Trèves, la compromit à jamais par excès de confiance ou par illusion d'orgueil. VII. — LA PAIX RELIGIEUSE. Après tant de batailles militaires et d'angoisses morales, monde était si heureux de vivre dans la paix. Les dieux mêmes, semblait-il, allaient se réconcilier, s'unir et s'absorber en une seule majesté. Dès son avènement, Constantin avait rendu aux Chrétiens le droit de se réunir en assemblée et sans doute aussi de reconstruire leurs lieux de prières[108]. L'édit de Milan[109], promulgué après la défaite de Maxence, ne fit qu'étendre à tout l'Empire exemple que lui-même avait donné en Gaule et les bienfaits de la paix religieuse que cette Gaule avait reçus de son divin père. Une fois de plus, ce pays servait à sauver le monde. L'empereur, disait-on, avait enfin entrevu sur la route de Rome l'idéal de son âme et la loi de sa destinée, et, dans une de ces heures de recueillement où il se complaisait et où il faisait appel aux voix dominatrices, il avait entendu le vrai Dieu qui lui dictait sa volonté. En réalité, s'il avait fait graver le signe du Christ sur les boucliers de ses soldats, son esprit n'avait point encore pénétré la foi à travers le symbole, la vérité à travers l'emblème magique[110]. Il ne passa point brusquement d'Apollon à Dieu le Père, et il rêva plutôt, comme tant d'esprits de ce temps, d'une vague souveraineté divine résidant aux espaces invisibles[111] et, de là gouvernant ou inspirant toute la terre et toutes les âmes. Que le Dieu des Chrétiens, que le Père qui règne dans les cieux, être de sainteté, de gloire et de puissance, lui parût de bonne heure le plus proche de cette majesté idéale, je le croirais volontiers[112] : mais il n'aperçut que faiblement, en cette Divinité céleste, le Père du Christ rédempteur des hommes, et peut-être ne fut-il jamais donné à l'empereur de connaître son Dieu dans la plénitude de la grandeur morale. Il voulut d'abord et il ne cessa de vouloir que ce Dieu fût un Dieu de conciliation[113]. S'il fit du dimanche un temps de fête, c'est parce que ce jour appartenait à la fois au Soleil d'où venait le prince et au Christ qui l'appelait[114]. S'il laissa rebâtir les églises[115], c'est en veillant qu'on ne démolit point de temples[116]. On a écrit qu'il tracassa les fidèles des anciens dieux[117] : je n'en suis point sûr ; et si de tels excès se sont produits sous son règne, ils doivent être le fait de quelques exaltés ou de fonctionnaires trop zélés[118], qui virent dans les victoires d'un empereur chrétien l'occasion de violences profitables. VIII. — QUERELLES THÉOLOGIQUES. C'était trop demander à une religion sûre de l'empire, que d'imposer silence aux orgueils et aux querelles des âmes. Le Christianisme n'avait pas encore établi sa domination, et déjà ses fidèles s'entre-déchiraient. En Afrique, où les passions étaient plus vives, une lutte extraordinaire, extravagante, s'était engagée entre les extrémistes ou Donatistes, qui refusaient le pardon à ceux dont la foi avait chancelé au cours des persécutions, et les orthodoxes ou catholiques, qui étaient pour l'excuse, la réconciliation, la communion de tous[119]. La dispute, évidemment, était alimentée par des questions de personnes, des conflits d'amours-propres, des ambitions individuelles. Mais cette lutte de principes et de noms, et toutes les autres ensuite, furent inévitables en cette religion chrétienne où le culte se ramenait encore à peu de chose, sans rites compliqués ni cérémonies distrayantes, où l'intérêt résidait dans des faits de croyance, des articles de foi, des discussions d'idées. Avant tout, et pour faire contraste avec les formes matérielles du paganisme idolâtre, elle voulait élever l'édifice spirituel et moral, la philosophie du monde et de l'âme qui abriterait les siècles nouveaux ; et à moins de s'immobiliser trop tôt dans les dogmes d'une théologie fixée par ses chefs, il fallait qu'elle connût les combats d'opinions et les chocs de théories. En dépit de la masse des humbles qui étaient venus à lui, le Christianisme restait une religion d'intellectuels, créatrice de discussions, de gloses et d'hérésies. Ne reposait-il pas uniquement sur un seul Livre[120], plein de mystères, de symboles, de pensées étranges et profondes, de rêves, d'illusions et d'espérances, et n'avait-il pas pour première tâche d'interpréter le Livre et d'expliquer ses préceptes ? Qu'il y ait eu, dans les mêlées théologiques qui vont agiter l'Église, des subtilités de mots, des sottises d'esprit, des petitesses de cœur, et surtout du temps perdu et des forces gâchées, cela va de soi ; et j'ai souvent estimé qu'un Hilaire ou un Athanase avaient d'autres missions à remplir sur la terre que de multiplier les arguties sur la substance du Christ. Mais ces batailles verbales n'en ont pas moins forcé les hommes à réfléchir sur Dieu et sur l'âme, à la manière dont l'élite écoutait depuis des siècles les leçons de Socrate ou les Dialogues de Platon ; elles ont dirigé plus haut la pensée des multitudes humaines, loin des pratiques vulgaires ou extérieures des anciens cultes ; elles leur ont appris, au moins un instant, à remplacer le geste par la foi. Le malheur, et ceci était inhérent à toute Église, à toute conviction collective, le malheur fut que les Chrétiens ne se bornèrent pas à discuter, ils voulurent imposer leur manière de croire. Chacun n'accepta, pour les problèmes posés par les textes de la Bible, que sa propre solution et celle de ses prêtres ; et de la même façon que le Chrétien n'avait voulu d'autre dieu que le sien, il ne voulut d'autre théologie que la sienne. L'esprit d'exclusion, l'orgueil dans la foi, se propagea de proche en proche ; et cette intolérance dont le Christianisme avait fait preuve à l'endroit des autres cultes, devint le mot d'ordre à l'intérieur de ses Églises. Chaque secte se crut seule conforme à la loi du Livre, seule elle crut détenir l'orthodoxie, la foi exacte : ailleurs, ce n'était qu'hérétiques, presque plus dangereux que des infidèles, non pas des étrangers, mais de faux frères, qui n'ignoraient pas la leçon divine, mais qui ne voulaient pas la recevoir. Des siècles de tremblement moral et de haines fraternelles vont commencer pour le monde. Le malheur fut encore que, pour s'assurer la victoire dans l'Église Universelle, chaque secte demanda l'appui des plus forts, c'est-à-dire de la puissance publique. Et ce fut, dès l'année de l'édit de Milan, l'appel à l'empereur. Le Christianisme n'avait échappé à la brutalité ou à la maladresse de l'autorité politique que pour s'appuyer aussitôt sur son pouvoir. Ainsi, à peine ébauché son règne, la religion chrétienne renonçait à quelques-uns des principes qui avaient provoqué sa naissance, et les faiblesses ou les vices des hommes commençaient à gâter la foi merveilleuse et la charité parfaite annoncées par Jésus. L'Église triomphante s'apprêtait à renier l'œuvre des martyrs. Ceux-ci avaient revendiqué la liberté de s'assembler et de prier en dehors de César : celle-là demandait à César de convoquer ses assemblées et de sanctionner ses prières. Les Chrétiens des premiers âges avaient dénié au prince le pouvoir de s'occuper des âmes : et les prêtres du siècle nouveau vont le supplier de prendre parti entre les croyances de ces âmes. Peut-être Constantin eût-il mieux aime s'abstenir. Le mot d'ordre de Milan avait été, que chacun suivit le dieu de ses préférences[121]. Mais il lui fut impossible de demeurer neutre entre ces enragés, dont le nombre et les passions croissaient chaque jour, et dont les violences risquaient de compromettre la paix religieuse et l'unité morale de l'Empire. Il se résolut à soumettre l'affaire du Donatisme aux évêques de Gaule et de Bretagne, jusque-là étrangers aux grandes querelles théologiques des Églises africaines[122], et il les réunit en concile Arles[123], qui devenait en Gaule sa ville favorite[124] (314[125]). IX. — CONCILE D'ARLES[126]. Le concile d'Arles, qui suivit de si près l'édit de Milan, marque avec une extrême netteté le début de cette Église nouvelle qui collabore avec l'Empire, inspire ou discute ses actes et subit son contact[127]. Il condamna les extrémistes d'Afrique et confia à l'empereur le soin de les réduire au silence[128]. Constantin dut exiler leurs chefs, du reste avec un médiocre empressement[129]. Il n'en était pas moins à la remorque du concile, tandis que d'autre part cette assemblée convoquée par message du prince, ces évêques pourvus de lettres officielles pour l'usage de la poste d'État[130], n'en paraissaient pas moins une réunion de fonctionnaires impériaux. Une solidarité imprévue unissait l'évêque et César, point trop différente de celle qui avait jadis uni le pontife et le consul de la Rome païenne, et, dès les journées chrétiennes d'Arles, on commença à dire que Constantin Auguste serait l'évêque universel[131], ainsi qu'il était déjà le souverain pontife. Le paganisme traditionnel et la religion publique de Jupiter n'avaient point encore disparu, et le Christianisme s'essayait déjà à prendre leurs pratiques et leurs formules. Ce même concile d'Arles régla la conduite que les croyants devaient suivre vis-à-vis de l'Empire. Il fut défendu à un soldat chrétien d'abandonner le service, même en temps de paix[132]. On permit aux fidèles de devenir gouverneurs de provinces ou magistrats municipaux[133]. En cela encore c'était une leçon adressée aux exaltés, c'était ramener les hommes au sentiment des devoirs du citoyen et reconnaître la souveraineté de l'État et de la patrie. Et c'était par là même rappeler et justifier les droits de l'Empire, associer sa vie à celle de l'Église : en bas comme en haut, du décurion au prince, du laïque à l'évêque, Romains et Chrétiens pouvaient maintenant collaborer[134]. Mais l'Église, représentant la collectivité des âmes, se considérait, en cet accord, comme la puissance gardienne et dispensatrice de la vie morale. Si un Chrétien veut devenir fonctionnaire[135], qu'il demande une lettre d'autorisation à l'évêque de son municipe originel : ce n'est qu'à cette condition que l'évêque de sa nouvelle résidence l'admettra à la communion[136], et, s'il prend part comme magistrat à des sacrifices païens, il en sera aussitôt exclu[137]. Ainsi, l'Église surveille tous ses membres ; elle étend, à côté et au-dessus des fonctionnaires publics, le réseau de ses évêques. Si elle sollicite de l'État qu'il impose la foi religieuse, elle contrôle de son côté la manière dont les délégués de l'État appliquent eux-mêmes cette loi[138]. Une théocratie se prépare dans l'Empire reconstitué[139] ; il n'a recouvré l'unité que pour se confondre avec l'Église[140]. X. — ATONIE DES ÉGLISES DE GAULE. J'aurais aimé, pour cette Église chrétienne des temps constantiniens, moins de préoccupations intérieures et plus d'audaces généreuses : elle discute trop, elle règle trop. J'aurais voulu moins de conciles et plus de propagande, moins de théologie et plus de bonnes nouvelles. Or, il ne semble pas qu'il y ait eu alors, du moins dans Gaule, de véritables apôtres. Aucun de ses prêtres n'a laissé un nom qui mérite la gloire. Ils se laissaient éclipser par l'éclat incomparable de l'Espagnol Hosius, l'évêque de Cordoue, qui fut le confident de l'empereur et une manière de directeur ou de dictateur sur les Églises occidentales[141]. Le plus connu de tous[142] était Rétice d'Autun, un instant cher à Constantin : mais ce n'était guère qu'un lettré de noble lignage[143], commentateur des livres saints[144] et apologiste de la doctrine orthodoxe[145], ami de l'ordre et de la paix ; et je ne peux guère voir en lui un homme d'action et un remueur de foules[146]. Quant aux autres signataires du concile d'Arles, ce sont à peu près tous des inconnus. Le Christ n'était encore que le Dieu qu'on adore dans les villes, et l'on n'aperçoit pas qu'il ait gagné à lui les nobles et les paysans de la campagne : sa religion demeure celle des classes moyennes ou des plébéiens municipaux, une foi de bourgeois ou d'artisans. Une seule inscription chrétienne[147] est datée du règne de Constantin ; et même à Arles, bien peu de beaux sarcophages appartiennent à des fidèles de ce temps[148]. L'ère de la liberté a été, pour les Églises de la Gaule, le début d'une longue période de stagnation. Nul missionnaire non plus n'en partit pour les terres voisines des Francs ou des Alamans[149]. Ces Francs, qui vivent déjà à moitié de la vie de l'Empire, seront les derniers des Barbares à connaître le Christ : on dirait que les évêques du voisinage, de Tongres, de Trèves ou de Cologne, n'ont pas fait le moindre effort pour le leur révéler. Ceux des Germains qui se ralliaient à Rome en acceptaient les cultes traditionnels, ou bien Isis, la Grande Mère et le Soleil[150]. On ne profitait pas de la paix de la frontière pour avancer au delà le règne de Dieu. Comme tant d'hommes de leur pays, les Chrétiens de Gaule sont tout à la joie de ne plus craindre, et ils n'ont pas la force d'un nouvel élan. En Afrique et en orient, on avait en tout cas celle de se disputer avec acharnement. Le concile d'Arles ne mit point fin au schisme du Donatisme ; et il en surgit presque aussitôt un autre, tout autrement redoutable pour l'unité de l'Église, celui d'Arius d'Alexandrie. Constantin, pour l'entraver, convoqua a Nicée l'assemblée universelle des évêques de la Chrétienté ; et celle-ci, sous l'inspiration d'Hosius, rédigera le symbole, désormais définitif, de la foi orthodoxe et catholique (325)[151]. L'empereur ne s'en laissa pas moins surprendre et troubler par les Ariens, et ce fut l'un d'eux qui parvint enfin à le baptiser : cet étrange souverain n'arriva au Christianisme que pour entrer dans l'hérésie[152]. Il n'en retint que davantage ce rôle de protecteur de l'Église que les orthodoxes lui avaient assigné : mais ce fut pour le retourner contre eux, et il exila à Trèves leur chef et champion, l'évêque Athanase d'Alexandrie (335 ?)[153]. Si l'on choisit pour lui ce lieu de résidence, c'est peut-être parce que la Gaule ignorait tout de ces lointaines querelles[154]. L'Arianisme n'y avait pas plus pénétré que le Donatisme ; un seul de ses évêques, et l'un des moindres, avait assisté au grand concile d'Orient ; et elle n'avait même pas besoin, pour fixer sa foi, de connaître le symbole régulateur de Nicée. Ses églises vivaient d'une vie honnête, pacifique et banale[155]. XI. — PROGRÈS MORAUX ; LES TEMPS DE LA CONCILIATION. Il n'empêche que le temps de Constantin, par cela seul que le Christianisme triomphait, fit sentir aux hommes la nécessité de progrès profonds dans la vie morale et dans les rapports sociaux. La révolution dont les paroles du Christ avaient été les germes, s'opérait peu à peu dans les âmes ; et si rien n'y mettait obstacle, ce serait un monde nouveau auquel présiderait l'Empire rajeuni. Médiocre sans doute était le souverain, médiocres peut-être aussi ses conseillers, y compris les évêques[156]. Mais somme toute, ce fut pour l'humanité une glorieuse époque, et la durée de ce règne interminable parut une suprême faveur que la Providence accordait aux hommes[157]. Le mot d'ordre était la conciliation entre ces hommes. J'ai déjà parlé de la paix à la frontière, que plus rien ne venait interrompre[158]. Barbares et Romains fraternisaient pour enrichir et défendre la Gaule et l'Empire[159] ; les familles des deux races unissaient leurs enfants[160] ; et leurs membres parvenaient côte à côte aux pouvoirs publics[161], servaient l'Empire avec une égale fidélité. Chrétiens et païens arrivaient à s'entendre : des fêtes communes, telles que les dimanches ou les principaux épisodes de la vie de la nature universelle[162], rapprochaient fidèles de tous les cultes en une même reconnaissance envers la Divinité suprême[163]. De la frontière la paix descendait dans les âmes. La terre continuait se repeupler. Pères et mères de famille se sentaient heureux à voir grandir autour d'eux des lignées toujours plus nombreuses : car on savait que les nouveau-nés ne périraient point de misère ou sous les coups de l'ennemi[164]. L'empereur venait à leur aide, et des lois étaient promulguées pour favoriser le mariage et la paternité[165]. On admira à nouveau la beauté de la vie familiale[166]. Les plus grands donnaient l'exemple des foyers prospères[167] : Constantin et son frère Constance, à eux deux, avaient vu naître dix enfants en leurs palais ; et eux-mêmes avaient près d'eux trois sœurs et deux frères, nés aussi du fondateur de la dynastie[168]. Les êtres d'élite, répudiant l'égoïsme invétéré des Romains de l'Empire, se sentaient émus à la vue de cette jeunesse grandissait à l'horizon de la paix reconquise. Un orateur d'Autun, parlant à l'empereur Constantin en un jour solennel, lui recommande ses cinq fils, et, avec eux, dit-il, les fils de son esprit, les élèves qu'il a formés[169]. Un souffle d'aimable sensibilité passait sur le monde gallo-romain[170]. Cette joie des humains s'accordait avec la joie de la terre. Le sol de Gaule continuait sans arrêt le merveilleux travail de ses sillons, de ses vergers et de ses vignobles[171] réveillé par le père de Constantin. Les paysans chantaient gaiement au retour de leur travail, le long des bords de la Moselle fleuris à nouveau de mille jardins[172] ; même sur les rives du Rhin, depuis si longtemps désolées, les champs reprenaient leur allure cultivée, et les blés y pouvaient mûrir sans danger[173]. Partout, le cheptel s'était reconstitué ; la Flandre et le Brabant avaient recouvré leurs beaux troupeaux[174] ; et les champs de foire revoyaient en foule les bêtes et les carrioles d'autrefois, souvent conduites par un valet de ferme franc ou frison, devenu aussi expert qu'un vieux paysan de Gaule à débattre les prix et à écouler la marchandise[175]. Les transactions étaient du reste singulièrement plus faciles, depuis que Dioclétien et Constantin étaient revenus à la saine monnaie, que l'or et l'argent sortaient en quantités plus grandes et en valeurs plus fixes des ateliers monétaires de l'Empire[176]. Car, des deux ennemis de la terre, le Barbare était écarté[177], et le fisc se montrait pitoyable[178]. Il avait consenti à la suppression anciennes taxes sur les successions[179] ou les affranchissements[180], si gênantes pour la circulation de la richesse matérielle[181] ou de la liberté humaine ; il renonçait à réclamer des arriérés d'impôts[182] ; il diminuait la quotité de la contribution foncière[183] ; il procédait à un nouveau cadastre, prélude d'une répartition plus équitable des charges[184]. La législation se faisait plus douce dès qu'elle touchait au travail agricole : Constantin défendit qu'on saisit les esclaves et les animaux de labour[185]. Des pratiques plus humaines et plus rémunératrices se propageaient dans l'exploitation des grands domaines : les propriétaires consentaient à confier à leurs esclaves ruraux une métairie qui. fût leur foyer, un champ qui fût leur tâche d'habitude[186] : la terre va davantage attirer et retenir les artisans de son sol, et elle recevra d'eux plus d'amour et plus de soins. Les villes à leur tour se ranimaient[187]. A Trèves, à Autun, on ne cessait de bâtir. Reims dut à une générosité de Constantin la construction de nouveaux thermes[188], retour à la folie coutumière des villes gallo-romaines[189]. Mais par contraste se dressaient partout les églises chrétiennes, les unes encore serrées et à demi cachées à l'ombre des remparts[190], les autres bientôt dominatrices au-dessus des tombes de cimetières[191]. Les jeunes Universités prospéraient rapidement[192]. Des centaines d'étudiants accouraient à Bordeaux[193]. Une certaine égalité régnait sur les bancs des écoles, où fils de grands et fils de pauvres se coudoyaient[194]. Les édifices du culte chrétien s'ouvraient à tous sans distinction : aux jours de fêtes, la foule y devenait plus dense, riches et misérables priaient ensemble[195], et une plus noble joie se répandait sur les hommes. A ces heures de foi, les impuretés sanglantes des théâtres et des arènes semblaient être oubliées de tous, et on pouvait espérer qu'elles ne seraient bientôt qu'un souvenir de temps abolis. Les belles-lettres ne souffraient pas des progrès de la foi chrétienne. Ses prêtres ne cessaient d'écrire en grec ou en latin, et ils le faisaient avec la souplesse et l'abondance d'un rhéteur d'Autun ou d'un professeur de Bordeaux : on devinait que le Christianisme serait un terrain incomparable pour les batailles de mots et les artifices de langage[196]. C'est en excellent latin, précis et nerveux, que sont rédigés les articles du concile d'Arles : ils valent, comme formules, les réponses des jurisconsultes de l'ancienne école. Constantin vient d'envoyer en Gaule, pour y faire l'éducation de son fils aîné Crispus[197], le Chrétien Lactance, écrivain latin de premier ordre, clair et vigoureux[198] ; et celui-ci vient d'écrire[199] un ouvrage sur les Institutions Divines[200]. Qu'un précepteur de prince impérial compose un livre de ce genre, pendant ou réplique aux institutions civiles des professeurs de droit[201], cela montre bien que la pensée de Dieu, ses ordres de foi et de charité, devaient désormais présider aux actions des hommes[202]. Les Romains de ce siècle, et même leurs chefs, comprirent mieux le prix de la liberté et la dignité de la vie humaine[203]. On a douté que ce fût sous l'influence du Christianisme pourtant, le premier devoir du Chrétien n'était-il pas alors de lire les Évangiles, et le Livre ne renfermait-il pas les plus beaux préceptes que la terre eût jamais reçus sur la grandeur de l'âme, sur l'égalité naturelle de tous[204], sur le mérite propre des humbles, sur la vertu de charité et l'obligation de l'assistance[205] ? Je persiste à croire que l'Évangile fut la principale cause de ce que l'homme de ce temps aperçut enfin l'homme son semblable, de ce qu'il sut faire de lui son prochain, de ce que le devoir suprême ne fut plus la piété envers les siens, mais l'amour de tous, et surtout des plus pauvres, de ce que, pour la première fois, on vit apparaître dans l'Empire romain des hôpitaux, des services d'entraide, le goût de l'aumône, on entendit des sermons ou des entretiens de morale et de religion[206]. Si les païens ne furent pas étrangers à ce mouvement, si eux aussi parlèrent de bienfaisance et de charité[207], c'est parce que ces mots magiques de sentiments divins devaient attirer les meilleurs d'entre eux : mais ils ne furent pas les premiers à les prononcer, et ils ne s'en servirent qu'avec inquiétude et timidité. Constantin multiplia doucies lois protectrices de la liberté. Une enquête la rendit à tous ceux qui, depuis l'invasion des temps de Gallien, l'avaient perdue du fait de la misère ou de la violence : il n'y a pas, dit le législateur, de prescription en faveur de la servitude[208]. Des précautions furent prises contre les calomnies, les dénonciations[209] et les abus de pouvoir[210], contre les confiscations arbitraires qui entravaient le travail agricole ou la jouissance de la propriété[211] ; des garanties plus fortes furent accordées aux accusés[212], des restrictions apportées aux condamnations capitales[213]. Enfin, en 325, vingt ans après son avènement, Constantin, par une parole solennelle, proscrivit les combats de gladiateurs[214]. Pour tout historien qui songe au rôle de la gladiature dans le monde latin, qui se rappelle qu'elle fut la joie essentielle de l'univers, la frénésie de Rome, des provinces et surtout de la Gaule[215], que, dernière survivance des sacrifices humains dont s'étaient enivrés les lointains aïeux, elle avait mis en folie les âmes de tous les hommes, sénateurs ou misérables, que cent amphithéâtres se dressaient en deçà des Alpes pour appeler un million de spectateurs à la contemplation du jeu de meurtre, pour qui sait comparer et réfléchir, la mesure prise par Constantin apparaîtra comme un des événements capitaux de notre histoire. Que l'on pense à ce que serait pour l'Espagne la suppression des courses de taureaux, quel prodigieux changement elle amènerait dans la mentalité de ses habitants et l'aspect de ses villes, si du moins la décision d'un chef arrivait à être plus forte que la révolte de l'opinion publique. Or, en Gaule et ailleurs, personne ne bougea. La gladiature disparut dans une sorte d'effacement, et les pacifiques courses de chars suffiront désormais aux plaisirs des solennités publiques. Si cette interdiction fut acceptée sans murmures et imposée sans violences, c'est que l'édit impérial trouva le terrain préparé par les prédications des Chrétiens[216] et l'adoucissement des mœurs : Constantin n'eut qu'à sanctionner ce que désiraient confusément les multitudes. Et que cette révolution ait été l'œuvre d'une pensée générale et non la rude volonté d'un empereur, cela montre que le cœur humain commençait à changer, et cet épisode des temps nouveaux n'en prend qu'une beauté plus grande. XII. — LES SUPRÊMES FAUTES DE CONSTANTIN. Mais ne demandons pas aux chefs des hommes d'appliquer ou de comprendre eux-mêmes les leçons qu'ils donnent et les lois qu'ils rédigent : les préceptes des institutions divines se traduisent plus souvent chez eux par des mots que par des actes. Ce même Constantin qui devait abolir la gladiature, livra aux bêtes, à la grande joie du populaire de Trèves, les rois et les guerriers barbares qu'il avait vaincus et qui n'avaient commis d'autre crime que de défendre leur liberté. Et ce même Constantin qui prôna si haut les sentiments de la famille et les garanties de l'accusé, fit périr, à la suite de quelque délation, son fils aîné Crispus[217], à qui il avait confié l'autorité sur la Gaule. Son règne, je veux dire sa manière de gouverner, est plein de contradictions. Il hésite entre la politique de l'avenir, qu'il devine parfois, et les caprices ou les intérêts du moment, auxquels il n'a pas la force de résister. Ses instincts, les uns excellents et les autres détestables, tiraillent son âme, décidément de trempe très ordinaire[218]. Par ambition et sans doute aussi par respect pour la grandeur de l'Empire, il fit la guerre à Licinius et rétablit l'unité du monde. Mais bientôt après, il porta à cette unité le coup le plus terrible, et qui devait la rompre pour toujours : il bâtit Constantinople, non pas à titre de résidence d'empereur, de poste militaire au voisinage de la frontière, à la façon de Trèves près du Rhin, de Milan près des Alpes ou de Sirmium près du Danube, mais pour être une capitale de tout l'Orient, avec son sénat, son palais et ses privilèges, une nouvelle Rome prête pour devenir l'égale de l'ancienne[219]. Désormais, la Rome de Jupiter, du Capitole et de Jules César ne sera plus l'unique et sacrosainte souveraine de l'Empire : il perdait sa tête et son cœur, le symbole et le signe de son unité, l'organe de son histoire et le foyer de son nom. Sa grandeur morale, qui était sa vraie force, se trouvait brisée du coup ; et les provinces, et la Gaule surtout, voyaient disparaître une raison de se dire romaines, de respecter Rome et de lui obéir. Le nom divin cessait d'avoir son prestige. Que serait pour les Gaulois un empereur qui résiderait à Constantinople ? Constantin, qui n'avait reculé devant aucune fatigue afin de soumettre l'Empire à une souveraineté unique, y disposa toutes choses pour un nouveau morcellement et pour les plus sanglantes batailles. Une fois maître de l'autorité, il partagea le monde entre ses fils, et il remit le gouvernement de la Gaule tour à tour à Crispus[220], à Constantin le jeune[221], à Constance[222] : car il comprenait bien que la Gaule avait besoin et désir de garder un César auprès d'elle[223]. Ce n'étaient, il est vrai, que ses lieutenants, et dont il était à peu près sûr. Mais il s'arrangea de manière à ce que cet état de choses fût définitif, et, avant de mourir[224], il régla que l'Empire serait divisé entre ses cinq héritiers ou légataires, trois fils et deux neveux[225], les uns comme Augustes, les autres comme Césars ou même comme rois[226]. C'était la tétrarchie dioclétienne qui était reconstituée, non pas par le choix des plus dignes, mais par le partage entre cohéritiers ; et si le système familial l'emportait, ce n'était pas pour créer une dynastie ininterrompue, mais pour morceler le monde comme un domaine de grand seigneur. Je ne connais pas d'empereur qui ait commis de plus grandes fautes dans le règlement de sa succession, qui ait manqué davantage à ses devoirs envers l'avenir de Rome[227]. |
[1] En dernier lieu, Maurice, Numismatique Constantinienne, 3 v., 1908, 1911 et 1912 ; le même, Constantin le Grand, [1924]. Auparavant, Burckhardt, Die Zeit Constantin's des Grossen, 2e éd., 1880 ; Dœlger, Konstantin der Grosse und seine Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1913 (réunion d'articles à l'occasion du jubilé de Constantin) ; Ed. Schwartz, Kaiser Constantin und die Christliche Kirche, Berlin, 1913 ; Pierre Batiffol, La Paix Constantinienne, 2e éd., 1914 (également pour les ch. IV et V).
[2] Imp. Cæsar Flavius Valerius Constantius Augustus au 1er mai 305.
[3] Flavius Valerius Severus, nobilissimus Cæsar au 1er mai 305, Augustus depuis le milieu de 306 (août ?).
[4] Imp. Cæsar Caius Valerius Galerius Maximianus Augustus au 1er mai 305.
[5] Caius Valerius Galerius Maximinus, nobilissimus Cæsar au 1er mai 305 ; Augustus depuis le début de 308.
[6] Lactance, De m. p., 20 (prior) ; Eusèbe, V. Cont., I, 18 (πρώτος Αΰγουστος).
[7] Lactance, De m. p., 18 ; Paneg., VI, 5 ; VII, 3 ; Eusèbe, De v. C., I, 19.
[8] Cf. t. VIII, ch. II, et ch. III, § 1-4, ch. V, § 1.
[9] Février ou mars. Sublatis per mansiones multas omnibus equis publicus, Lactance, De m. p., 24 ; Aur. Victor, De Cæs., 40, 2 ; Paneg., VII, 7 ; Exc. Vales., 2, 4 ; etc.
[10] Le 25 juillet 306. Paneg., VII, 7-8 ; Exc. Vales., 2, 4 ; 3, 6 ; Eutrope, X, 1 ; Chronica minora, I, p. 231, Mommsen ; etc.
[11] Imp. Cæsar Flavius Valerius Constantinus nobilissimus Cæsar, puis Augustus. Il est probable qu'il se contenta du titre de César jusqu'au moment où Maximien put paraître légitimer pour lui celui d'Auguste le 31 mars 307 ? (cf. Tillemont, art. 11). Paneg., VIII et 5 ; VII, 9 ; Exc. Vales., 2, 4 ; Zosime, II, 9, 1.
[12] Eusèbe, Vita Constantini, I, 22.
[13] Paneg. de 307 (prononcé devant Constantin et Maximien), VI, 2, 9, 14 ; de 310, VII, 2, 3, 4, 7 ; etc.
[14] Le Panégyrique de 307, tout en indiquant le droit familial, ne fait pas allusion a cette ascendance. Elle n'est révélée solennellement que par le Panégyrique de 310 (VII, 2). La mère de Constance aurait été une nièce de Claude (Hist. Aug., Cl., 13, 2 ; Exc. Vales., I, 1). — Cette origine est aujourd'hui contestée (depuis Eckhel, VIII, p. 28) et n'est regardée que comme une fiction politique imaginée à cette époque pour créer une nouvelle presompti6u de légitimité au profit de Constantin (en particulier Klebs, Historische Zeitschrift, LXI, 1889, p. 232 et s. ; Dessau, Hermes, XXIV, 1889, p. 342 et s.). Je ne vois cependant aucune raison sérieuse pour en douter.
[15] Le 27 octobre 306. Imp. Cæsar Marcus Aurelius Maxentius Augustus.
[16] Galère l'avait fait Auguste au lieu et place de Constance, d'ailleurs en conformité avec le système de Dioclétien.
[17] Aur. Victor, De Cæs., 40, 7 ; Épit., 40, 3 ; etc.
[18] A la fin de l'année 306. Paneg., VI, 11 ; etc.
[19] Cuncta Italia contremuit ; Paneg., VI, 10. Au contraire, composita pace per Gallias ; Aur. Victor, 40, 16.
[20] Je place ce mariage et par suite l'accord de Maximien avec Constantin et son premier voyage en Gaule (après son retour à l'empire) vers le 31 mars 307. Le mariage dut en effet avoir lieu en Gaule. — On a supposé que ce fut à Arles. Si cela était vrai, ce serait la première trace du rôle prééminent qu'Arles allait prendre.
[21] C'est à l'occasion de ce mariage que fut prononcé devant les deux princes le premier Panégyrique de Constantin (VI de la collection courante), œuvre sans doute d'un Gaulois, qui semble vouloir établir la balance égale entre les deux empereurs, mais dont tous les efforts tendent à glorifier Constantin et son père. — Il est d'ailleurs possible qu'au moment de ce mariage Maximien fût brouillé avec son fils.
[22] Le 11 novembre 307. Imp. Cæsar Valerius Licinianus Licinius Augustus.
[23] Auguste vers le 1er janvier 308.
[24] En avril 308. Ab Urbe pulsum, ab Italia fugatum ; Pan., VII, 14.
[25] Voici comment on peut comprendre les choses, en combinant les récits, dépourvus de toute indication précise de temps et de lieu, du Panégyriste (VII, 14 et s.) et de Lactance (De m. p., 28 et 29). — Maximien rejoint Constantin au moment où celui-ci se prépare à combattre les Francs. Il l'accueille dans son palais (à Trèves ?). Puis, les deux empereurs se séparent : Maximien part pour la résidence qui lui est assignée (on a supposé Arles : ce n'est pas certain). Constantin lui a attribué les avantages matériels du pouvoir, regias copias, aulicos mulos, rædas, mais sans autorité réelle, privatum otium, et il a donné ordre aux municipalités de ne pas ménager sur son passage cadeaux et fournitures (obsequia nostra impensius, pour la cité à laquelle appartient l'orateur [passage de Maximien chez les Éduens à Chalon ?] ; Pan., VII, 15). En route, Maximien prépare avec ses confidents la révolte, dissipe ou gaspille les ressources des relais (copiis mansionum) pour retarder la poursuite. Puis, à un endroit déterminé (à Arles sans doute), il prend la pourpre, fait main basse sur les trésors qu'il distribue (cf., sur les trésors d'Arles, Not., Occ., II, 33 et 43), et écrit aux armées, lesquelles demeurent fidèles ; Pan., VII, 16. — D'après Lactance (De m. p., 29), Constantin, sur le conseil de son beau-père, n'aurait emmené contre les Francs que quelques hommes, et aurait laissé à Maximien la majeure partie de son armée. La chose serait possible si l'usurpation eut lieu à Trèves ; c'est impossible à Arles, où je doute que Constantin ait concentré ses troupes (opinion de Seeck, I, p. 104). — Seeck place un second et très court voyage de Maximien en Gaule en 308 (d'après De m. p., 29), un retour définitif suivi de la révolte et de la mort en 309-310. Tillemont (art. 15) supprime ce second voyage (comme nous), place en hésitant le retour et la révolte en 308, la mort en 310.
[26] Du Rhin à la Saône jusqu'à Chalon ; puis, descente par eau jusqu'à Arles ; Paneg., VII, 18. Voyez l'élégante allusion que le Panégyriste fait à la lenteur de la Saône et à la rapidité du Rhône : eluctati Araris moras vix ipso Rhodano fuere contenti.
[27] A Arles, Maximien s'étant enfui, l'armée débarqua et gagna rapidement Marseille, ce qui suppose une bonne route directe (par la Crau ; le Panégyriste semble faire allusion au Mistral du nord-ouest, ipsa ventorum flabra præverterent ; VII, 18). — A Marseille, Constantin s'empare d'abord du port (par sa flotte amenée d'Arles ? VII, 19). Il eut ensuite tentative d'assaut des remparts (par les Carmes et la route d'Aix et Arles ? primo impetu, VII, 19), arrêtée par ordre de Constantin (VII, 19-20).
[28] Il y eut, dit-on, une scène étrange (De m. p., 29) : Constantin, au pied des remparts, demandant à Maximien de s'expliquer amicalement ; et l'autre, d'en haut, injuriant son gendre. Cf. Paneg., VII, 19 ; Eutrope, X, 3 ; Épit de Cæs., 40, 5.
[29] Ou on l'obligea à se pendre, cela après un complot d'antichambre ; le tout dut suivre de très près le siège de Marseille et se passer à Marseille même. Paneg., VII, 20 et 14 ; De m. p., 30 ; Épit., 40, 5 ; Eutrope, X, 3 ; Eusèbe, H. ecclés., VIII, 13, 15. — On raconta plus tard avoir trouvé à Marseille le tombeau de Maximien (au XIe siècle ; Chronique de Novalèse, Pertz, Scriptores, VII, p. 126). Mais Ambroise le décrit à Milan comme une chose célèbre (Epist., 53, P. L., XVI, c 1166), et on a dû y transporter le corps de Maximien pour des obsèques régulières.
[30] Le 5 mai 311.
[31] Panégyrique VII, prononcé à Trèves (22) par un professeur (23) d'Autun (21-22), sans doute au milieu de 310 : j'hésite à le placer plus tôt, avant, la maladie de Galère (au plus tard en février 310) : car l'orateur n'eût pas fait solennellement la révélation de l'origine impériale de Constantin et ne l'eut pas désigné pour être, de par l'hérédité, le maître du monde (vetus illa imperatoriæ domus prærogativa). Et cela parait bien le but de ce discours véritablement officiel.— La date précise, pourrait bien être en août, si l'on suppose que le discours a été prononcé lors de l'anniversaire de la fondation de Trèves (22, natalis dies), Augusta, lequel n'a pu être placé qu'au mois d'août (peut-être le premier) ; il a été en tout cas prononcé peu après l'anniversaire de l'avènement de Constantin (2, proxima religione ; 25 juillet).
[32] Il semble bien que l'initiative soit venue de lui ; Paneg., IX, 2.
[33] T. IV, ch. V, § 3-7.
[34] Paneg., X, 21 (admiratio lenitatis).
[35] De même, en 253, en 268, en 273.
[36] Sans doute à cause du si rapide retour du prince.
[37] Paneg., IX, 12, 14 ; X, 21, 31 ; etc.
[38] Il est visible que Constantin, après avoir accepté d'être appelé Herculius lors de son mariage avec la fille de Maximien (Paneg., VI, 2), rejeta ensuite complètement ce titre, dont il n'est nettement plus question pour lui dès le Panégyrique de 310.
[39] Lactance, De m. p., 44.
[40] Cum tu sis, ut ille (Apollon), juvenis et lætus et salutifer et pulcherrimus, imperator ; Paneg., VII, 21. Tout ce Panégyrique, qui est une manifestation politique en faveur du droit héréditaire de Constantin, est en même temps une profession de foi apollinaire, et, vu le caractère officiel du discours, on peut se demander si, contre Maxence fils d'Hercule, et après la mort de Maximien, Constantin n'a pas songé un instant à faire d'Apollon le dieu protecteur de l'Empire. Comes et socius majestatistuæ, dit encore d'Apollon le Panégyriste de 311 (VIII, 14). Cela apparaît également dans les monnaies ; cf. Maurice, II, p. XX et s.
[41] La scène a dû se passer plutôt vers 309, au retour de Marseille ; sans aucun doute il avait à accomplir quelque vœu fait à Apollon dans la guerre contre Maximien. Je suppose qu'il s'agit du temple d'Apollon Grannus à Grand chez les Leuques, lequel seul peut être appelé templum toto orbe pulcherrimum. Constantin, venu par Lyon et Chalon, suit la route militaire de Langres à Trèves, la quitte avant Neufchâteau et s'en détourne pour visiter Grand à sa gauche, ubi deflexisses ; Paneg., VII, 21, — On a supposé qu'il s'agissait d'un temple de Trèves : j'en doute fort, l'expression deflexisses indiquant un détour vers un temple rural. En tout cas, il doit s'agir d'un temple apollinaire, construit ou plutôt reconstruit par Constance ou Constantin.
[42] Paneg., VII, 21 : Vidisti enim, credo, Apollinem tuum [l'expression est caractéristique], comitante Victoria, coronas tibi laureas offerentem, quæ teicenum singulæ ferunt omen annorum. Il s'agit des trois lettres, XXX. Je me demande si cette mention d'un symbolisme apollinaire par lettres n'est pas pour faire concurrence au chrisme ΧΡ, et s'il n'y a pas eu, dans l'entourage constantinien, conflit entre les deux symboles.
[43] Il semble même qu'il y ait eu, avant le départ pour l'Italie, consultation des aruspices à l'ancienne manière (haruspicum monita ; Paneg., IX, 2).
[44] Cela parait bien résulter du Panégyrique de Nazarius (X, 14), qui fait sans doute allusion à l'épisode : In ore est omnium Galliarum exercitus visos qui se divinitus missos præ se ferebant (apparition d'armées célestes). Cf. Tillemont, Const., n. 19. — La scène a pu se passer sur la route de Trèves à Langres et peut-être est-elle une réplique ou une réponse à celle de Grand.
[45] Première scène de l'épisode ; Eusèbe, V. Const., I, 28.
[46] Seconde scène ; ibid. (c'est le χ grec enlacé avec le Ρ grec). — C'est sans doute cette scène dont une autre tradition, celle-ci païenne, faisait une apparition d'armées célestes soi-disant conduites par Constance (Pan., X, 14).
[47] Troisième scène ; Eusèbe, ibid., I, 29 ; Lactance, De m. p., 44 (c'est la seule qu'il mentionne, et il la place à la veille ou en tout cas à l'approche immédiate de la bataille du pont Milvius).
[48] De m. p., 44. Cf. les armées célestes du Panégyrique (X, 14) : Flagrabant nescio quid [le chrisme ?] umbones corusci.
[49] Supposé d'après Paneg., X, 29 : Fulget nobtlis galea et corusca luce gemmarum divinum verticem monstrat.
[50] Eusèbe, V. Const., I, 30-31.
[51] Il dut franchir les Alpes dans l'été de 312. Si la loi du C. Théod., XI, 3, (1er juillet) doit être laisser en 312, elle indiquerait qu'à cette date Constantin était encore à Cologne : mais il est plus vraisemblable (Seeck, Regesten, p. 58) qu'il faut la reporter en 313 (Mommsen a tort de corriger Agrippina en Aquileia et de prendre la date de 319 ; édit. du C. Th., p. CCXIV).
[52] Suse était des lors assez fortifiée pour résister (munitissimum muro oppidum ; Paneg., IX, 5 ; cf. X, 17 et 23).
[53] Il n'est pas question de bataille devant Milan, qui semble favorable à Constantin (Paneg., IX, 7), peut-être par jalousie à l'endroit de Rome, favorisée par Maxence. Pour les autres localités, Paneg., IX, 6 et s. ; X, 22 et s. ; etc.
[54] Le 27 octobre 312. Lactance, De m. p., 44 ; Paneg., IX, 16 et s. ; X, 28 et s.
[55] Paneg., IX, 19 ; X, 32 ; Eusèbe, Vita Const., I, 39.
[56] Eusèbe, V. Const., I, 41. — Remarquons l'usage de la flotte, Constantin faisant occuper les ports de l'Italie et les îles par ses navires de guerre (Paneg., IX, 25).
[57] Au milieu de 313.
[58] Remarquez que les Panégyristes gaulois ne parlent jamais de Licinius, pas même en 321 (Paneg., VI-X) : Constantin est, pour eux comme le maître éminent, omnium maximus imperator (IX, 26).
[59] Galliæ tuæ, dit le Panégyriste de 313 (IX, 21).
[60] Eusèbe, Vita Constantini, et même, cela va sans dire, les Panégyristes païens (VI-X).
[61] Je le crois d'ailleurs sincère dans sa conversion, mais à la condition de lui demander moins une conviction profonde et noble que la croyance en une divinité plus forte et plus opérante. Ce qu'Eusèbe lui-même avoue naïvement (V. Const., I, 27). Un fond épais de superstition devait être en lui.
[62] Voyez les effroyables supplices qu'il infligea aux prisonniers barbares et dont les Panégyristes semblent eux-mêmes gênés (IX, 23, en 313, tantam captivorum multitudinem bestiis objiciens ; VII, 10, en 306, reges ipsos Franciæ ultimis punire cruciatibus).
[63] Paneg., VII, 10 : Reges ipsos Franciæ [me parait désigner la Germanie riveraine du Rhin inférieur, la Batavie des Francs Saliens mise sans doute complètement en dehors], qui per absentiam patris tut pacem violaverant. On parle à ce propos de Bructères (id., 12), lesquels semblent parfois correspondre aux Ripuaires.
[64]
Les Francs Ascaricus et Merogaisus ? (Pan., VII, 11 ; X, 16).
[65] Paneg., VII, 10-12 ; X, 16 ; VI, 4 ; Eusèbe, V. Const., I, 25 ; Eutrope, X, 3. Un des deux jours de ludi Francici (15 et 20 juillet) se rattache à ces événements (Corp., I, 2e éd., p. 268). — On parle aussi, à ce propos, d'une défaite des Mamans (Eutrope, X, 38 ; Alamannia, atelier de Trèves, Maurice, I, p. 389 ; un des jours, 6 et 10 octobre, des ludi, dans le Calendrier de Philocalus, Corp., I, 2e éd., p. 274). Il reste toujours surprenant que les Panégyristes ne parlent pas de ces derniers.
[66] Lactance, De m. p., 29 ; Paneg., VII, 21 : il apprit à son retour que les Francs, qui étaient sans doute revenus à la charge après son départ, rebroussaient chemin sur l'avis de son approche, et c'est sans doute après cette nouvelle qu'il alla remercier l'Apollon de Grand.
[67] Car il semble qu'il y ait eu à la même époque une entreprise de piraterie des Francs (Franci : s'il n'y a pas erreur pour Saxons ou Frisons) jusqu'en Espagne (Paneg., X, 17) ; peut-être ont-ils profité du départ de la flotte de Constantin contre Maxence.
[68] Il s'agit ici d'une expédition sur laquelle s'est formé un cycle de légendes : Constantin aurait pénétré chez les Barbares à l'aide d'un déguisement, etc. On parle de Chérusques, Chamaves, Tubantes [?], Alamans [? les manuscrits ont Halamanni], Lanciones [cf. Corp., I, 2e éd., p. 218, ludi Lancionici, 12 et 18 déc. dans les Fastes de Philocalus ; Langiones, Exc. Julii Honorii, p. 40, Riese, dans Geogr. Lat. minores ; Æthicus, Cosmogr., p. 84, ibid.] ; Paneg., X, 18 ; IX, 21-22. Tout cela me parait être le débris de l'ancienne confédération franque, plus ou moins réorganisée (conspiratione fæderatæ societatis ; Pan., X, 18), les Saliens toujours mis à part et toujours tranquilles. — Il semble que Constantin ait franchi le Rhin pour dévaster la rive droite, mais qu'il n'a pu songer à se servir du pont, peut-être détruit par les Barbares (Pan., IX, 22, alveo oppleto navibus). A la suite de cette expédition, une peuplade fut regardée comme détruite (id. : les Lanciones ?). — C'est sans doute à ce propos qu'on fonda, outre les ludi Lancionici, l'autre journée des ludi Francici et qu'on frappa à Trèves la monnaie à la légende Francia, avec la France assise, dans l'attitude de la tristesse, appuyant la tête sur la main droite et posant la gauche sur un cippe (Maurice, I, p. 401). Constantin passa alors l'hiver à Trèves, 313-314, et ce fut alors qu'il y eut de nouveaux supplices de Barbares (Pan., IX, 23), sans doute aussi l'hommage des rois demeurés fidèles (les Saliens ? obsequia regum amicorum ; id.), et que fut prononcé par un Gaulois le Panégyrique IX, apologie de la guerre contre Maxence. C'est également à cette date que Blanchet rapporte avec infiniment de vraisemblance le médaillon de Trèves.
[69] Paneg., X, 17.
[70] Jusque vers 350, sauf une interruption sous Constant vers 341.
[71] Pour une part seulement.
[72] Je ne suis même pas sûr qu'il y ait eu des Alamans dans la grande bande de 313.
[73] Ammien, XXVIII, 5, 8 et s. : Burgundii salinarum finiumque causa Alamannis sæpe jurgabant. Je n'hésite pas à voir les territoires et les gisements de sel contestés sur la ligne des salines marquée par Rappenau et Hall, entre Souabe et Franconie, ligne qui correspond plus ou moins à celle de l'ancien limes romain.
[74] Remarquez qu'il ne semble pas que le nom soit germanique (cf. Schönfeld, Worterbuch, p. 52). On a même supposé qu'il était celtique.
[75] Il devait avoir un très haut commandement dans l'armée en 314-323 : Boniti Franci quidem sed pro Constantini partibus in bello civiti acriter contra Licinianos sæpe versati (Ammien, XV, 5, 33). Il ne serait même pas impossible qu'il ait été un des premiers, ou même le premier titulaire de cette fonction militaire supérieure de magister militiæ créée par Constantin.
[76] Voyez Ammien, XV, 5, en particulier 33.
[77] En 355 (Ammien, XV, 5, 6) : Malarichus Gentilium rector... Mallobaude Armaturarum tribuno. Ce sont des troupes d'élite du palais.
[78] Laniogaisus, candidatus, simple garde d'honneur au palais en 350 sous Constant, tribunus en 355 sous Constance ; Ammien, XV, 5, 16.
[79] En 355, sous Constance : Francis, quorum ea tempestate in palatio multitudo florebat (Ammien, XV, 5, 11). — L'alliance de Constantin avec les Francs finit par devenir si étroite, qu'il se forma à ce sujet de véritables légendes, dont on trouve la trace dans les écrits de Constantin Porphyrogénète. Constantin aurait été d'origine franque ; aux Francs seuls, à l'exception de tous les étrangers, il aurait permis alliances et mariages avec les Romains (ceci est très vraisemblable), et même il aurait autorisé des unions de ce genre avec les membres de la famille impériale : car les Francs méritaient cette faveur par la noblesse et l'illustration de leur race ; De administrando imperio, 13, p. 86, éd. de Bonn. Et peut-être ne s'agit-il là que des Francs Saliens.
[80] Y compris la frontière de mer, si l'on songe à l'importance de sa flotte (Exc. Vales., 25-26).
[81] Panégyriques de 310, de 311, de 313. Constantin a pu inaugurer à Trèves son second consulat (312), y célébrer les fêtes d'hiver de 311-312, 313-314, 315-316 (ceci plus incertain). C'est à Trèves qu'ont été sans aucun doute inaugurés les ludi Francici (15 et 20 juillet), ludi Alamannici (5 et 10 oct.), ludi Lancionici (12 et 18 décembre). Le Panégyriste de 311 dit (VIII, 2) : In hac urbe, quæ adhuc adsiduitate præsentiæ lux præ cæteris fruitur.
[82] Voyez surtout le Panégyrique de 310 (VII, 22) : Hanc fortunatissimam civitatem cunctis mœnibus [édifices] resurgentem. Il en célébrait pieusement le jour de naissance (cujus natalis dies tua pietate celebratur ; ibid.).
[83] Sedem justitiæ (id.).
[84] Basilicas [le pluriel pour le singulier ?] et forum, opera regia.
[85] Le soi-disant Palais Impérial.
[86] Circum Maximum, æmulum, credo, Romano [l'orateur n'a pas vu celui à Rome].
[87] Il ne serait pas impossible que le fameux médaillon de Trèves (313) commémorait l'achèvement des travaux exécutés dans la ville, par exemple la grande porte sur la Moselle (c'est elle, aujourd'hui disparue, et non la Porte Noire, qui est figurée), et peut-être aussi la réfection ou l'élargissement du pont (remarquez le soin avec lequel, outre la chaussée centrale, on a indiqué les deux trottoirs).
[88] Castra castellaque pluribus locis commode posita ; Aur. Victor, De Cæs., 41, 18 ; Pan., VII, 11. — Un de ces castella est Neumagen, Noviomægus, près de Trèves, sur la route de Mayence, castra inclita Constantini, dit Ausone (Mosella, 11), dont les remparts ont été construits avec les débris des mausolées trévires. — Ajoutez la reconstitution des flottilles du Rhin, depuis le lac de Constance jusqu'à l'Océan, totus armatis navibus Rhenus instructus ripis omnibus usque ad Oceanum ; Paneg., VII, 13 ; IX, 3.
[89] En 306-307, avant l'affaire de Maximien ; Paneg., VII, 13. Le pont a dû être assez vite abimé par les Francs. Cf. Klinkenberg, p. 343 et s. — De l'autre côte du Rhin, face à Cologne, un fort important, et une assez grosse garnison à Deutz, Divitia, suppressis domitisque Francis, in eorum terris castrum Divitensium : Corpus inscr., XIII, 8502, inscription de la XXIIe légion, du 25 juillet 315 ? C'est de là que viendront les Divitenses ou Divitienses, soldats dispersés plus tard dans l'Empire, dont j'aperçois pour cette époque deux groupes : 1° la legio des Divitenses Gallicani (Not., Or., 8, 43 [juniores ?] ; Occ., 5, 147 ; 7, 5 [seniores], laquelle légion ne peut être que la XXIIe ; 2° le cuneus equitum Dalmatarum Divitensium (Or., 42, 14 et 16). Cf. Corp., XIII, II, p. 587 (la présence de la IIe Italica Divitensium à Deutz doit se rattacher, si elle est prouvée, à une époque antérieure). — Le numerus exploratorum Germanicorum Divitiensium du camp de Niederbieber (XIII, 7750, 7751, 7761 ; Dessau, 9182) est autre chose encore et du reste antérieur. — C'est à cette époque que se rapporte la curieuse épitaphe de ce protector, vicarius Divitesium, occisus in barbarico juxta Divitia a Franco (XIII, 8274).
[90] Je me demande si Constantin n'a pas songé à une expédition de ce genre en construisant le pont de Cologne, dont il fut détourné par l'affaire de Maximien (talibus te rebus intentum averterunt novi motus ; Paneg., VII, 14).
[91] On ne l'y apercevrait que dans les deux années 316 et 328, et encore n'y a-t-il aucune certitude pour ces deux séjours. — En 316, en janvier (Code Théod., I, 22,1), et peut-être en février (s'il faut lire mars au lieu de mai, Optat, p. 212, Ziwsa). De là il serait allé peut-être à Chalon le 21 mars (Cavilluno ; C. Th., IX, 40, 2), en tout cas à Vienne le 6 mai. — De septembre à décembre 328 (Code Théod., I, 4, 2 ; I, 16, 4 ; VII, 20, 5, et par suite peut-être aux fêtes de son 8e consulat au 1er janvier 329). — On rapporte à ce dernier séjour le célèbre médaillon d'or frappé à Trèves (Cabinet des Médailles ; Maurice, I, p. 476, pl. 23, n° 14), représentant, avec le buste de Constantin, l'enceinte fortifiée d'une ville et sa porte, surmontée de la statue du prince, flanquée de quatre hautes tours et faisant face a un fleuve, sur lequel est dressé un pont fixe sur arches avec trottoirs ; et l'on suppose avec une quasi-certitude qu'il s'agit de Trèves. Mais la légende gloria Augg. ne permet pas de placer la médaille après la défaite de Licinius en 323, et c'est (conjecture de Blanchet) une allusion aux victoires des deux empereurs et à leur alliance en 313, et au séjour que Constantin fit alors à Trèves. — Sur la chronologie des déplacements de Constantin et de ses successeurs, voir la Chronologia du Code Théodosien, Godefroy-Ritter, I, p. V et s., toujours très utile, malgré celles de l'édit. Mommsen (1905, p. CCIX et s.) et des Regesten de Seeck (1919), celle-ci manquant d'une critique géographique et historique un peu serrée.
[92] Il semble que des jalousies se soient élevées en Gaule à l'endroit de Trèves, et qu'Autun en particulier ait désiré ou espéré la supplanter comme résidence impériale. Autun pouvait alléguer la fidélité qu'elle avait témoignée jadis à Claude, l'ancêtre de la nouvelle dynastie (VIII, 2 et 4 ; IV, 4) ; ses orateurs font dire à Constance, qui d'ailleurs la combla de bienfaits, qu'il voulait faire d'Autun provinciarum velut una mater (Pan., VIII, 4), c'est-à-dire une métropole ; ils rappellent avec insistance l'antique fraternitas des Éduens et de Rome (cf. Paneg., IV, 4 ; V, 21 ; VII, 22 ; VIII, 2) ; et enfin, le Panégyrique de remerciement de 311 (VIII, 2) annonce nettement que si Trèves est encore résidence impériale, adhuc fruitur, elle va avoir une rivale dans Autun, habebit æmulam Flaviam nostram. Je n'ai pas besoin de dire pourquoi Autun, éloigné de la mer, de l'Italie et des fleuves, se prêtait mal à une résidence impériale. — Constantin se borna à le visiter une fois, sans doute en 311, au retour d'un voyage dans le Midi. Il entra dans la ville par la route de Chalon et la porte de Rome (porte des Marbres, aujourd'hui détruite), qui devait être précédée d'un hémicycle flanqué de tours (comme à Aix et à Fréjus, in sinum reducto procurrentibus utrimque turribus ; Paneg., VIII, 7). Dans la ville, on disposa sur le parcours de la rue qui menait au palais [palatiam, l'édifice, quel qu'il soit, où il descendit], les enseignes des collèges, les statues des dieux et tout le mobilier public ; des musiciens jouaient aux carrefours (Paneg., VIII, 8). — Constantin ne séjourna qu'un jour à Autun, qui sollicitait cette visite depuis longtemps (Paneg., VII, 21). Mais il y eut une entrevue émouvante entre lui et les chefs de la cité (Paneg., VIII, 9 10), au cours de laquelle il accorda aux Éduens d'importants dégrèvements d'impôts (cf. t. VIII, ch. I, § 8 et 9), et les Éduens envoyèrent un de leurs rhéteurs pour lui adresser un solennel discours en remerciement (c'est Paneg. VIII, de 311).
[93] Constantin y séjourna le 6 mai 316 (Code Théod., II, 6, 1). Je crois bien que la rivalité entre Vienne et Arles commence dès ce temps-là. Vienne, comme métropole de province (t. VIII, ch. I, § 4), avait plus de titres qu'Arles pour être choisie comme résidence. Et son importance comme ville d'Empire tenait visiblement au voisinage de la route du col de Cabre et du Genèvre, la plus importante route alpestre de ce temps.
[94] Si le mariage de Constantin en 307 a eu lieu à Arles, s'il y a installé Maximien en 308-9, c'était pour elle le prélude à son rôle de résidence. Il y séjourna certainement en 314, et ensuite le 13 août 316 (Code Théod., XI, 30, 5), et il y assista, sans doute le 7 de ce mois, à la naissance de son fils Constantin. — La date de cette naissance peut être contestée ; mais il n'y a pas de doute qu'elle n'ait eu lieu à Arles (Épit. de Cæs., 41,4 ; Zosime, II, 20, 3) : ce qui vaudra plus tard à Arles le surnom de Constantina (depuis 326, à l'occasion des decennalia de Constantin le jeune, jusqu'à sa mort en 340 ; monnaies apud Maurice, Congrès archéol., Avignon, 1909, II, p. 177185, et Num. Const., II, p. 139-140 ; le pape Léon, Epist., 65, § 3, Patr. Lat., LIV, c. 882 ; constitution de 418, Hænel, Corpus legum, p. 238). — Le séjour de Constantin à Arles en novembre 326 (C. Th., VIII, 7, 2) est à peu près impossible à admettre. — Cf. Maurice, Comment la ville d'Arles reçut le nom de Constantina, dans le Congrès arch. de 1909, Avignon, II, p. 1-7 et s.
[95] T. VI, ch. VI, § 7. — Au temps de Constantin peuvent se rapporter le pont de bateaux, les thermes, l'arc du Rhône (disparu ; il s'agit en réalité d'une porte bien antérieure, sur laquelle on a ajoute une dédicace impériale, Corpus, XII, 667). Il me parait d'ailleurs certain que Constantin et ses successeurs n'ont rien bâti à Arles de comparable à ce qui avait été fait à Trèves, et que tout le monde impérial y logeait fort à l'étroit. Cf. t. VIII, ch. IV, § 9.
[96] Cf. t. VIII, ch. I, § 3 et 6.
[97] En 323 et 332 sur les Goths, en 322 et 334 sur les Sarmates.
[98] En 322 ; Zosime, II, 21. En 334 ; Exc. Vales., 32, et Eusèbe, V. Const., IV, 6 : on aurait alors fait des Sarmates (on parle de 300.000 têtes) deux parts, les uns, enrôlés, les autres, envoyés comme cultivateurs. Les colonies agricoles et militaires de Gaule peuvent dater en grande partie de ces affaires.
[99] Hermanaric, depuis 350. Jordanès, Getica, XXI, 112 ; XXVIII, 145 ; Eutrope, X, 7, Eusèbe, V. Const., IV, 5. — La grandeur de l'État goth a du reste été préparée par le prédécesseur d'Hermanaric, Géberic, contemporain de Constantin ; Jordanès, XXII, 114-115.
[100] On parle de 40.000 Goths fédérés (Jordanès, XXI, 112).
[101] Ammien, XXI, 12, 25 ; Paneg., IX, 23 ; Eusèbe, V. Const., IV , 7. — Tant de présents furent faits aux chefs barbares, qu'on reprochait à Constantin de leur payer en quelque sorte tribut (Julien, Convivium, p. 329, Sp.).
[102] D'après Paneg., VII, 11, où il peut s'agir de la région des embouchures, occupée en particulier par les Saliens : toto nostri greges bicorni amne mersantur.
[103] Constantin Porphyrogénète.
[104] Tout ce qui suit, d'après le texte de Zosime, II, 34. — A Constantin se rapporte également la création du maître de la milice et le démembrement à la fois de l'autorité du préfet du prétoire (on lui enlève le commandement des armées, il n'en garde que l'intendance) et de son ressort (quatre préfectures) ; Zosime, II, 33. Et cela pouvait amener, au profit d'un chef barbare, l'installation d'un pouvoir militaire supérieur et indépendant des autorités civiles. Cf. t. VIII, ch. I et II, en particulier ch. II, § 14.
[105] Cf. t. VIII, ch. II, § 6 et 7.
[106] Cf. t. VIII, ch. II, § 7, 8 et 9.
[107] Tout cela a été bien vu par Zosime, II, 34. — Il est cependant a remarquer que déjà Constance a installé des légions en garnison d'hiver à Autun en 296-297 (Paneg., IV, 4).
[108] Suscepto imperio nihil egit prias quam Chrisitanos cultui ac Deo vero redderet (Lactance, De m. p., 24) ; conventicula [les locaux d'assemblées] [in] statum pristinum redderentur (id., 48) ; Eusèbe, Hist. ecclés., VIII, 11 ; X, 5, 4. Cette mesure eut évidemment pour conséquence immédiate la construction ou reconstruction de nombreuses églises (cf. Sozomène, I, 8, P. Gr., LXVII, c. 877). Une autre conséquence fut la restitution de leurs biens aux personnes condamnées pour Christianisme, ou, à leur défaut, l'attribution de ces biens à l'Église du lieu : ce qui assimilait les Églises, dans une certaine mesure, à des héritières légitimes de leurs fidèles, au lieu et place du fisc (Sozomène, ibid.) : mais cette mesure est-elle authentique ?
[109] Ou du moins les documents qu'on appelle de ce nom. Cf. n. précédente.
[110] Voyez le texte d'Eusèbe, V. Const., I, 27. Sur l'apparition des signes chrétiens sur les monnaies, Maurice, I, p. XXXI et s. Il semble que leur apparition ait été plus tardive dans les ateliers de Gaule (335, à Arles ; après la mort de Constantin, à Lyon et Trèves) ; cf. l'article de Voetter, Erste christliche Zeichen auf Rœmischen Munzen, dans la Num. Zeitschrift de Vienne, XXIV, 1892, p. 41 et s.
[111] Quidquid est divinitatis in sede cælesti ; édit de Licinius, Lactance, De m. p., 18.
[112] Il est particulièrement significatif de lire à ce sujet le Panégyrique prononcé près la victoire sur Maxence (IX, 26) : n'oublions pas que ces discours sont quasiment officiels, des sortes de déclarations pour l'opinion publique. Or, dans celui-ci, il n'est plus question de la religion d'Hercule (comme dans les discours I-VI), non plus de la religion d'Apollon (comme dans VII-VIII), mais uniquement de celle de la divinitas suprême ; et chose encore à signaler, et qui marque bien, je crois, la pensée de Constantin en 313, le discours se termine par une prière à cette divinité souveraine : Summe rerum sator, cujus tot nomina sunt quot gentium linguas esse voluisti (quem enim te ipse dici velis, scire non possumus), sive in te quædam vis mensque divina est...., sive aliqua supra omne cælum potestas es. Tout cela a été bien vu par J. Maurice (Les Discours des Panegyrici Latini et l'Évolution religieuse sous le règne de Constantin, dans les C. r. de l'Acad. des Inscr., 1909, p. 165 et s.), par Batiffol (p. 218 et s.) et par Goyau (Hist. relig., dans Hist. nat. d'Hanotaux, VI, [1922], p. 23).
[113] Omnibus liberam potestatem sequendi religionem (De m. p., 48 ; Eusèbe, Hist., X, 5, 4) : ceci dit dans la mesure où ce document, qui est de Licinius, reflète la pensée de Constantin. Voyez le dieu du Panégyriste.
[114] Lois de 321 ; Code Just., III, 12, 2 ; Code Théod., II, 8, 1 : remarquez que, Constantin dit venerabilis dies Solis, et non dies Dominica ; Eusèbe, V. Const., IV, 18. Socrate, I, 8.
[115] Ce fut, évidemment, la plus grosse affaire de la paix religieuse.
[116] J'ai déjà dit que Constance avait fait rebâtir ceux d'Autun. Et il parait certain que Constantin a reconstruit des temples en Gaule avant la guerre contre Maxence, sans doute surtout des temples apollinaires. Les temples ruraux qui ont survécu aux invasions du IIIe siècle renferment d'ordinaire des monnaies qui vont jusqu'à Gratien (de Vesly, Les Fana, p. 141-2), et saint Martin n'aurait pas eu tant a faire contre les sanctuaires païens, si Constantin s'y était attaqué. Voyez encore le texte d'Eusèbe (Laudes Const., 8, c. 1360) et d'Ammien (XVII, 4, 13 : Nihil committere in religionem recte existimans). — Il y eut cependant, mais je crois hors de Gaule, quelques destructions (Eusèbe, V. C., III, 54-58), dues à des circonstances locales ou à des initiatives individuelles.
[117] Eusèbe, Laudes Const., 8, c. 1360. — Mais on ne parle de cela qu'après 330 (cf. Eusèbe, V. Const., II, 44-45, et IV, 23 : interdiction des sacrifices). Et la fameuse loi qu'on lui a attribuée (Code Théod., XVI, 10, 2) ne s'est pas retrouvée. Libanius lui-même, qui se plaint que Constantin ait ruiné la fortune des temples, lui fait un mérite de n'avoir rien changé au culte (Pro templis, § 6, III, p. 90, Forster ; cf. Ammien, XVII, 4, 13). — Je ne pense pas qu'on puisse rattacher à des mesures contre des édifices du culte païen l'allusion faire par une loi de Constant (349, C. Th., IX, 17, 2) à des destructions de monuments ou de tombeaux autorisées en 333. — Les mesures qui paraissent les plus favorables au Christianisme, l'affranchissement in ecclesia (Code Just., I, 13, I, loi de 316), l'autorisation de léguer à l'Église (Code Théod., XVI, 2, 4, loi de 321), les clercs exemptés des munera (C. Th., XVI, 2, 1-3, lois de 313-320), ne signifient sans doute que le désir de mettre le culte chrétien dans la même situation légale que les cultes des temples païens les plus favorisés. De même, Ambroise, en 384, ne réclamait pour les Églises, en matière de testament et d'héritage, que d'être assimilées aux fana païens (Epist., I, 18, § 13, P. L., XVI, c. 076). — Les rapports de Constantin avec le paganisme, et en particulier sa soi-disant loi contre les sacrifices, ont donné lieu chez les érudits à d'innombrables controverses (cf., entre cent, Godefroy, C. Théod., VI, p. 200 et s.), qui durent encore, et peut-être y en eut-il déjà chez les contemporains. — L'expropriation des biens mobiliers et peut-être même des biens-fonds des temples (Libanius, ibid.) est une autre affaire, et provoquée probablement en partie par l'obligation toute politique de ne pas laisser s'accroitre les biens de mainmorte. Cf. t. VIII, ch. III, § 6. — Voyez, sur les précautions à prendre avec les textes d'Eusèbe, les judicieuses remarques de Crivellucci, Della fede storica di Eusebio, 1888, en particulier p. 41.
[118] Eusèbe, Laudes Const., 8 ; V. Const., III, 54. — N'oublions pas en outre que les municipalités de l'Empire, étant dotées d'une large autonomie en matière cultuelle, eurent parfaitement le droit d'adhérer au Christianisme au détriment des anciens dieux, et de transférer leurs biens à l'évêque, ce qu'indique bien Sozomène (II, 5, c. 948). Il y a, dans cette histoire de la conversion du monde, beaucoup plus d'espèces locales et de nuances administratives qu'on ne le dit.
[119] Surtout, et en dernier lieu, Monceaux, Hist. littéraire de l'Afrique chrétienne, en particulier IV, 1912, le Donatisme.
[120] T. VIII, ch. VI, § 1.
[121] Constantin était, à l'origine, évidemment opposé à toute intervention du pouvoir dans les affaires religieuses : petitis a me in sæculo judicium, disait-il aux évêques, cum ego ipse Christi judicium expectem (Optat, II, 23, p. 26).
[122] Avant de convoquer le concile, Constantin a envoyé à Rome, pour examiner avec l'évêque de cette ville la question donatiste, outre un certain nombre d'évêques italiens, quosdam episcopos ex Galliis, renommés pro integritate vitæ : Rétice d'Autun (Reticius ab Augustoduno civitate, Optat), qui paraît avoir joué un rôle important dans la condamnation des Donatistes (Augustin, Contra Julianum, I, 3, 7), Manlius d'Arles, Maternus de Cologne ; les Donatistes avaient du reste réclamé eux-mêmes des juges gaulois, de Gallia nobis judices (Optat, I, 22). C'est le synode de Rome, 2 octobre 313 Eusèbe, Hist. ecclés., X, 5 ; Optat, De sch. Donat., I, 22-24, éd. Ziwsa, Corpus de Vienne. Cf. Mansi, II, c. 433 ; Monceaux, IV, p. 33 et s. : etc.
[123] Lettre de Constantin convoquant είς τήν Άριλατησίων πόλιν pour le premier août ; Eusèbe, Hist., X, 5, 23.
[124] Il est fort probable que Constantin a inauguré le concile, question d'ailleurs depuis longtemps controversée remarquez qu'à la date ou il s'est tenu, Eusèbe (V. Const., I, 44) parle de la présence de Constantin dans les synodes convoqués pour rétablir la paix.
[125] Mansi, Sacrorum conciliorurn nova et amplissima collectio, II, 1759, c. 463 et s. ; [dom Labat], Conciliorum Galliæ collectio, I [seul paru], 1789, c. 91 et s. ; Maassen, Geschichte der Quellen und der Litteratur des canonischen Rechts, 1870, p. 188 et s ; Héfélé, Hist. des conciles, I, trad. Leclercq [plus complète que les éditions allemandes], 1907, p. 275 et s. — Aux 22 canons traditionnels quelques manuscrits (Mansi, II, c. 474 ; Maassen, p. 189) en ajoutent six autres d'authenticité douteuse. — Je ne partage pas les réserves qu'on a faites sur les signatures (Héfélé, I, p. 276, n. 2). Voici les noms des délégués des 16 diocèses de Gaule qui ont signé : Oresius, Marseille ; Marinus, Arles ; Verus, Vienne ; Dafnus, Vaison ; Faustinus, Orange ; Innocentius, diacre, ex portu Nicænsi, Nice ; Romanus, prêtre, cité d'Apt ; Inbetausius [var. Ambitausius], Reims ; Avitianus, Rouen ; Reticius, Autun ; Vocius, Lyon ; Maternus, Cologne (Agrippinensium) ; Genialis, diacre, de civitate Gabalum (Javols) ; Orientalis, Bordeaux ; Agrœcius, Trèves ; Mamertinus, Eauze. — Le nombre des assistants (évêques) varie suivant les manuscrits de 600 à 121 ou 95 (Maassen, p. 190) ; je suis convaincu qu'il faut descendre bien au-dessous le total des évêques signataires ne dépasse jamais 33 dans les manuscrits).
[126] Funk, Die Zeit der ersten Synode von Arles, 1890, dans Kirchengeschichtliche Abhandlungen, I, 1897, p. 352 et s. ; Duchesne, La Date du concile d'Arles, dans les Mélanges de l'École de Rome, X, 1890, p. 640 et s. ; et les ouvrages généraux.
[127] Tillemont a bien vu que le concile d'Arles est le plus important après les œcuméniques (Mém., VI, p. 53).
[128] Lettre de Constantin après le concile contre infandos deceptores religionis ; Monceaux, IV, p. 348-9.
[129] Constantin les fit appeler à la cour.
[130] Eusèbe, Hist. ecclés., X, 5, 23 ; 6, 4.
[131] Eusèbe, sans doute à propos du concile d'Arles (V. Const., I, 44) : Οΐά τις κοινός έπίσκοπος έκ Θεοΰ καθεσταμένος.
[132] Article 3 : De his, qui arma projiciunt in pave.
[133] Article 7 : De fidelibus, qui præsides fiunt vel rempublicam [municipale] agere volunt.
[134] Dans le même ordre d'idées, Constantin semble avoir reconnu le droit aux Chrétiens d'en appeler, pour de certaines causes, du juge impérial ad episcopale judicium ; loi de 318 [Seeck], Code Théod., I, 27, 1, Mommsen ; de 333, Constit. Sirmond., I, p. 907, Mommsen ; cf. Godefroy, VI, p. 339 et s.
[135] Gouverneur ou magistrat municipal.
[136] Article 7.
[137] Art. 7 (contra disciplinam agere).
[138] Ajoutez (art. 4 et 5) le refus de la communion aux gens du cirque et du théâtre. Il n'est pas fait mention de la gladiature.
[139] Remarquez que le concile adresse par lettre ses canons au pape Silvestre, mais je ne sais s'il faut accepter sans réserves la formule majoris diœceseos gubernacula, ou qui majores diœceses tenes, sur laquelle on a tant disserté (cf. en particulier Batiffol, p. 289 et s.). De toutes manières, j'y vois l'équivalent territorial de l'expression auctoritate potiore episcopi appliquée à l'évêque de Rome (Ammien, XV, 7, 10), et j'y rapporte également le per te potissimum du même concile d'Arles. Cf. t. VIII, ch. VI, § 5.
[140] C'est en terre de Gaule que l'État romain faisait son apprentissage d'État chrétien, Goyau, Hist. relig., p. 23-24. — Il faut observer à ce propos que les privilèges accordés par Constantin aux Églises et au clergé étaient strictement refusés par lui à ceux que l'Église notait comme hérétiques, et n'appartenaient qu'aux observatores legis catholicæ (loi de 321, C. Th., XVI, 5,17).
[141] Cf. Socrate, I, 7, Patr. Gr., LXVII, c. 56. Sur Hosius, Loofs dans la Realencyklopædie de Hauck, VIII, 1900, p. 376 et s.
[142] Outre Retice, Marin d'Arles (lequel a dû présider le concile d'Arles) et Materne de Cologne. A Trèves, Maximin n'arrive au plus tôt qu'en 329.
[143] S'il faut accepter le témoignage de Grégoire de Tours, In gloria confess., 74.
[144] Commentarii in Canticum Canticorum (Jerôme, De viris Ill., 82 ; Epist., 37, Patr. Lat., XXII, c. 401-3 ; id., 5, c. 337). — On le lisait encore au XIIe siècle ; Bérenger le Scolastique, Patr. Lat., CLXXVIII, c. 1864 ; cf. Pitra, Spicilegium Solesmense, I, p. 170. — C'est un des plus anciens et ce fut longtemps un des plus fameux parmi les innombrables commentaires auxquels donna lieu le Cantique des Cantiques.
[145] Adversus Novatianum (Jérôme, De Viris ill., 82).
[146] Il faut d'ailleurs se borner sur lui aux vagues jugements postérieurs, ceux d'Augustin (Contra Julianum, I, 3, 7, P. L., XLIV, c. 644 ; Opus imperfectum, 54, P. L., XLV, c. 1078) et de Jérôme (ibid.), celeberrimæ famæ, magnæ auctoritatis. — Et il est en outre fort probable qu'il y a eu dans les Églises comme dans les milieux municipaux, sous l'influence de Constance et d'autres, un mouvement pour mettre Autun et son évêque au premier rang. — A la vie de Retice et au mouvement chrétien d'Autun se rattache le petit poème De laudibus Domini (Patr. Lat., LXI, c. 1091 et s.), composé sous Constantin, sans doute par un Éduen, et racontant un fait miraculeux de la vie de l'évêque (Grégoire de Tours, In gl. conf., 74).
[147] Encore est-elle de la fin 334 (Lyon, cimetière de Saint-Irénée ; Corpus, XIII, 351) : cf. Le Blant, L'Épigraphie chrétienne en Gaule, 1895, p. 14.
[148] A mon sens. — Le Blant se borne à dire d'une manière générale (Ét. sur les sarcophages chrétiens antiques d'Arles, 1878, p. v) : Le plus grand nombre appartient au IVe ou au Ve siècle. Le premier exemple épigraphique du chrisme en Gaule est de l'an 347 (Valcabrère, Corp., XIII, 299), Et remarquez l'apparition tardive des symboles chrétiens sur les monnaies. — Je ne puis suivre en aucune façon Becker (apud Dœlger, p. 169-175), qui date du règne de Constantin les sarcophages d'Arles et d'ailleurs en Gaule représentant le passage de la mer Rouge, ce qui serait, dit-il, une allusion à la victoire sur Maxence : les allusions à des événements historiques m'ont paru complètement étrangères a l'art chrétien de ce temps. — Le célèbre sarcophage d'Hydria Tertulla (Espérandieu, n° 177) est très certainement antérieur à Constantin : mais rien, quoi qu'on ait dit, n'y révèle des éléments chrétiens.
[149] Je le suppose d'après le silence des écrivains du temps. D'autant plus que nous savons qu'il y eut, de la part des Chrétiens orientaux, un mouvement assez intense de propagande au delà des frontières (en Arménie, en Perse, en Éthiopie, avant ou sous Constantin, Sozomène, II, 8 et 24 ; plus tard chez les Marcomans du nord du Danube, Paulin, V. Ambrosii, § 36, P. L., XIV , c. 39 ; chez les Goths avant leur passage dans l'Empire).
[150] Ammien Marcellin, à la date de 357 (XVI, 12, 25), cite le roi alamari Mederichus, dia obsidatus pignore tentus in Galliis, doctusque Græca arcana, qui avait changé en Serapio le nom de son fils Agenarichus. Le nom de Silvanus, que le Franc Bonitus donna à son fils, peut se rapporter aussi à quelque fait de conversion religieuse.
[151] Eusèbe, V. Const., III, 6 et s. ; IV, 27. Il est à remarquer, comme il résulte du reste implicitement du texte d'Eusèbe (III, 7), que la Gaule n'y fut point représentée. Un seul de ses évêques y assista, Nicaise de Die (lire Nicasius Diensis, et non Divionensis [Dijon] ou Diniensis [Digne] ; Mansi, II, c. 696 ; cf. en dernier lieu dom Morin, Revue Bénédictine, XVI, 1899, p, 72 et s.).
[152] Jérôme, Chr., ad a. Abr.
2353 [337].
[153] L'exil ou plutôt l'absence d'Athanase dura 2 ans 4 mois (Théodoret, II, 1, Patr. Gr., LXXXII, c. 992) ; mais il y a incertitude pour savoir s'il faut le placer de 335 (11 juillet) à 337 (23 novembre) (ce que j'inclinerai à accepter) ou en 336-338 ; Théodoret, I, 29, c. 988 ; chronique des Epistolæ festales d'Athanase, P. Gr., XXVI, c. 1353. Voyez en particulier Gwatkin, Studies of Arianism, 2e éd., 1900 p. 140-142.
[154] Remarquez que c'est en Gaule que Constantin, de 325 à 328, avait exilé les trois évêques ariens Eusèbe de Nicomédie, Théognis de Nicée et Maris de Chalcédoine (Philostorge, II, 1 et 7, p. 12 et 10, Bidez).
[155] On trouvera quelques remarques sur les Églises de Gaule, en particulier de Trèves, au IVe siècle, chez Diel, Der hl. Maximinus und der hl. Paulinus, Bischofe in Trier, Trèves, 1873 (trop peu de critique), et Garenfeld, Die Trierer Bischofe des vierten Jahrhunderts, thèse de Bonn, 1888.
[156] Y compris Hosius, sur qui je vois quelques réserves à faire.
[157] Cf. Panegyr., VII, 21, rappelant à Constantin la prédiction de ses tricennalia.
[158] Cf. le Panégyrique de 321 (X, 38) : Jacet in latere Galliarum ut in sinu tuo fusa barbaria.
[159] Pan., V, 9 : Aral nunc mihi Charnavus, etc., et servire se militiæ nomine gratulatur.
[160] Il est d'ailleurs impossible que les Francs, si nombreux au palais, n'aient pas contracté souvent des mariages avec des Romaines.
[161] Ammien, XXI, 12, 25 : on reprochait à Constantin d'avoir le premier élevé les Barbares aux honneurs (augendæ barbaricæ vilitatis), et même peut-être au consulat (XXI, 10, 8). J'hésiterais à affirmer ce dernier point, ne trouvant point de noms barbares parmi les consuls ordinaires de Constantin ; il reste vrai que les chefs barbares au service de l'Empire pouvaient prendre de noms latins, et y furent peut-être parfois invités ou obligés, et qu'en outre il y avait toujours des consuls subrogés ou suffecti.
[162] Voyez les Fastes de Philocalus, contemporains de Constantin (Corpus, I, 2e éd., p. 256 et s.) ; cf. Dict. des Antiquités, II, p. 1062-3 (article Feriæ).
[163] Voyez les remarques de Batiffol (p. 188-201) sur le summus deus au temps de Constantin.
[164] Parentes adultorum non pœnitet filiorum ; Paneg., VIII, 12 ; cf. VI, 2 ; X, 38.
[165] Novæ leges regendis moribus et frangendis vitiis,... munita conjugia ; Paneg., X, 38 (prononce en 321) ; loi de 321 (Code Théod., XII, 17, 1, en faveur des familles nombreuses). Mais en même temps, il supprimait les terreurs légales qui pesaient sur le célibat (loi de 320, Code Th., VIII, 16, 1).
[166] Paneg., VI, 2 ; VIII, 12 ; X, 38.
[167] Exemplum dare gentibus ad matrimonia studiosius expetenda et liberos educandos ; Paneg., VI, 2.
[168] Voyez le tableau généalogique dressé dans l'Onomasticon de De Vit, III, p. 90.
[169] Paneg., VII, 23 : Commendo... præter illos quos genui etiam illos quasi meos numero quos provexi.
[170] Voyez (t. VIII, ch. V, § 9 et 7) les œuvres d'Ausone, qui est né vers 310.
[171] Annonæ ubertas, fructuum copia,... tanta honorum affluentia ; Paneg., X, 38. — Ce tableau matériel et moral de la Gaule correspond en particulier à l'année 321, date du Panégyrique X, qui nous a fourni quelques renseignements essentiels. — Ce discours, dit de Nazarius, a été prononcé le 1er mars 321, sans doute à Rome, à l'occasion de la cinquième année des Césars, fils de Constantin. On suppose que ce Nazarius est le rhéteur bordelais célébré par Ausone (Professores, 15, 9-10) et Jérôme (ad a. Abr. 2352 [à la date de 336], p. 192, Schœne) c'est l'entrée en scène, mettant à l'écart l'école d'Autun, de celle de Bordeaux. — Cf. t. VIII, ch. V, § 5.
[172] Ausone, Mosella, 163 et s.
[173] Aral
illam terribilem aliquando ripam inermus agricola ;
Paneg., VII, 11.
[174] Toto
nostri greges bicorni amne mersantur ; Paneg.,
VII, 11.
[175] Chamavus et Frisius.... nundinas meas pecore venali et cultor barborus taxat annonam ; Paneg., V, 9.
[176] Création du sou d'or de 60 à la livre par Dioclétien (5 gr. 45), de 72 à la livre par Constantin vers 312 (4 gr. 55) ; création par Constantin du miliarense d'argent (un quatorzième du sou d'or de même poids).
[177] Voyez en particulier le Panégyriste de 321 ; X, 38.
[178] Aur. Victor, De Cæs., 41, 20.
[179] Hypothèse très plausible de Poisnel ; voyez ses fines études sur la législation fiscale et morale de Constantin, Mélanges de l'École de Rome, II, 1883, p. 312 et s.
[180] Hypothèse en harmonie avec la législation du temps.
[181] Cf. Paneg., X, 38.
[182] Remise à Autun, en 311, des reliqua des cinq dernières années ; Paneg., VIII, 3. Cette remise doit se rattacher à la mesure générale prise en 313 pour la province de Première Lyonnaise, à laquelle appartenait Autun, de la révision des reliqua de la res annonaria (partie de l'impôt foncier livrable en nature) ; Code Théod., XI, 3, 1 (ad Antonium Marcellinum præsidem promneræ Lugdunensis Primæ). — Remise d'un quart de l'impôt sur les terres, peut-être lors du règlement de l'indiction de 327 ; Eusèbe, V. Const., IV, 2. — Sur ces questions, t. VIII, ch. I, surtout § 8.
[183] Les capita d'impôts dus par les Éduens furent, en 311, diminués de plus d'un quart, de 7.000 sur 32.000 ; Paneg., VIII, 11. Cette mesure (cf. n. suivante) a été sans doute prise par Constantin en rapport avec le recensement de 312 (n. suivante).
[184] Novi census, sans aucun doute en 312, dont les remises de 311 sont le prélude. L'ancien cadastre auquel le Panégyrique (VIII, 5) fait allusion, est sans doute celui qui dut être fait sous Dioclétien, et peut-être avait-il été établi sur d'anciens documents (agros, qui descripti fuerant..., Gallicani census communi formula teneremur), sans tenir compte de l'état réel des cultures à la fin du IIIe siècle.
[185] Code Théod., II, 30, 1, loi de 315. — Voyez aussi la loi de 328, qui exempte de corvées le laboureur occupé aux semailles et aux moissons ; XI, 16, 4.
[186] Voyez t. VIII, ch. III, § 7.
[187] Exornatæ mirandum in modum ac prope de integro conditæ civitates [dans le sens de villes chefs-lieux de cités] ; Paneg., X, 38. Circa tua vestigia urbes et templa consurgunt ; VII, 22 (en 310) : remarquez qu'il s'agit de construction ou de reconstruction des temples païens.
[188] Sumptibus fisci ; Corpus Inscr., XIII, 3255.
[189]
T. VIII, ch. IV, § 9.
[190] Cf. t. VIII, ch. IV, § 9.
[191] T. VIII, ch. IV, § 10. — C'est sous l'épiscopat de Lidoire à Tours (qui commence en 337 ou 340) que Grégoire place la construction à la fois de la prima ecclesia infra [= infra] urbem et de la prima basilica (Hist., X, 31, p. 443, Arndt). A Trèves, l'église municipale a dû se construire sous Constantin même, mais tout à fait à la fin du règne (Athanase, Ad. Const., § 15, P. Gr., XXV , c. 613).
[192] Cf. t. VIII, ch. V, § 5.
[193] Ausone, Professores, 2,
9-10.
[194] Dans une certaine mesure ; t. VIII, ch. V, p. 248.
[195] T. VIII, ch. VI, en particulier, § 1 et 13.
[196]
T. VII, ch. V, § 9, ch. VI, §
11.
[197] Jérôme, De Viris ill., 8 : Extrema senectute magister Cæsaris Crispi in Gallia fuit ; Crispus, né vers 307, fut fait César le 1er mars 317, et sans doute envoyé aussitôt en Gaule. — Les Institutions Divines sont dédiées, selon toute vraisemblance, à Constantin.
[198] Il est d'origine africaine. — Pichon, Lactance, 1901 ; Monceaux, Hist. litt. de l'Afrique chrétienne, III, 1903, p. 287 et s.
[199] Entre 306 et 313 ? Pichon, p. 21.
[200] Divinarum Institutionum libri, édit. Brandt dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum Latinorum de Vienne, 1890 ; Migne (P. L., VI-VII) a réimprimé celle de Lenglet-Dufresnoy, 1748.
[201] Institutiones juris civilis de Gaius ; etc.
[202] Notez surtout la prépondérance accordée par Lactance à la morale ; remarquez l'une de ses formules du bien, præstare auxilium depressis et laborantibus impertiri victum non habentibus (Inst. Div., VI, 10, 9). La phrase, simple et vigoureuse, où Lactance marque le mieux le contraste entre la morale chrétienne et la morale païenne (surtout stoïcienne), est celle-ci (VI, 12, 29) : Nos autem non quid sapienti ferendum est dicimus, sed quid facere ipse debeat.
[203] Ad vitam Deus inspirat animas, non ad mortem ; Lactance, Div. inst., VI, 20, 18 ; de même, VI, 10.
[204] Ab uno Deo inspirati ornnes et animati sumus ; Lactance, id., VI, 10, 5. Cum liberi servis et divites pauperibus humilitate animi pares simus... ; rebus enim cælestibus contraria sunt ista unuversa terrena ; id., V, 15, 5 et 7.
[205] Lactance, Inst. Div., VI, 10, 5 ; 10, 9 ; V, 15, 5 et 7.
[206] Tout le programme en est chez Lactance, Div. inst., VI, 12. L'application en fut, dit-on, essayée par Constantin ; Eusèbe, V. Const., IV, 28 et 44 ; voyez la loi pour la protection des orphelins, veuves et malades (en 334, C. Théod., I, 22, 2).
[207] Cf. Ausone, Epicedion, 2, vers 11 et s.
[208] Loi de 314 : Solam temporis longinquitatem... libertatis jura minime municipe oportere congruit equitati (Code Just., VII, 22, 3).
[209] Paneg., X, 38 ; Code Théod., IX, 34, 1-2 ; X, 10, 1-3.
[210] Code Théod., I, 12, 2 ; VIII, 10, 1 ; IX, 1, 4 ; X, 15, 1 ; XI, 1, 2-3.
[211] Securæ facultates ambitione sui gaudent ; nec aliquis habendi quam plurimum metus ; Paneg., X, 38 : je me demande si cela ne fait pas aussi allusion à une loi qui aurait légalisé toutes les acquisitions de terres faites durant les anciennes crises.
[212] Paneg., X, 38.
[213] Loi de 314, C. Th., IX, 40, 1. Remarquez que Lactance (Div. inst., VI, 20, 1016) semble un adversaire absolu de la peine de mort.
[214] Loi du 1er octobre 325, C. Th., XV, 12, 1 : Cruenta spectacula in otio civili et domestica quiete non placent [ceci, pour excuser le spectacle des captifs livres aux bêtes]. Quaproter, qui omnino gladiatores esse prohibemus, etc. Je dis parole plutôt que loi, parce qu'en réalité le texte ne proscrit pas les combats, et que sous Constantin ou après lui ils persistèrent encore un peu partout dans l'Empire. La législation à cet égard n'a jamais été ni uniforme ni bien observée, et elle consistait souvent en directives plutôt qu'en ordres. Il y avait également, en ce qui concerne les mimera, la nécessité de continuer certaines fondations a prescriptions déterminées. Il n'empêche qu'en Gaule, depuis Constantin, je ne trouve aucune trace de la gladiature, pas même à Arles, qui en a. été un des centres : Constance à Arles, en 353-4, ne donnera que circenses et theatrales ludos (Ammien, XIV, 5, I). Voyez le commentaire de Godefroy à cette loi de 325.
[215] Voyez Piganiol, Recherches sur les jeux romains, 1923, p. 62 et s.
[216] Voyez les invectives de Lactance contre les combats de gladiateurs ; Div. Inst., VI, 20.
[217] À Pola en Istrie. En 326.
[218] Voyez le portrait qu'en fait Julien, Conv., p. 328-329, Sp. = p. 422, Hertlein.
[219] Dédicace de Constantinople le 11 mai 330 : πολιν άντίρροπον τής 'Ρώμης. Zosime, II, 30, 1.
[220] Flavius Julius Crispus, plus rarement Flavius Candilis Crispus ou même Flavius Valerius Crispus. Il était certainement en Gaule en 320 (guerre contre les Francs). — En 322 ou 323, guerre contre les Alamans, et sans doute à ce propos, fondation de l'un des deux jours de ludi Alamannici et les monnaies à la légende Alamannia (Maurice, I, p. CXVI, qui place cette guerre en 320). — En 324, il commande la flotte contre Licinius (Exc. Vales., 5, 23), flotte dont le gros a pu être fourni par la Gaule. — Milliaire au nom seul de Crispus près de Saillans sur la route du col de Cabre (XII, 5502) : il y a là à Saillans, une rencontre, assez difficile à expliquer, de milliaires particuliers.
[221] Né a Arles, sans doute le 7 août 316, César le 1er mars 317, il a pu remplacer Crispus en Gaule en 326. Il est dit Alamannicus dès 331 (Corp. Inscr., III, 7000, p. 1267). — Seeck (I, 2e éd., p. 476-477) a eu la bizarre idée de faire de Constantin II le fils, non pas de Fausta, la femme légitime de Constantin, mais d'une Arlésienne que son père aurait connue en 316 ; il le fait d'ailleurs naître en 317. Maurice le fait naître au contraire le 7 août 314 (Numismatic Chronicle, 1903, p. 240-242).
[222] Né en 317, César le 8 novembre 324, Constance parait avoir été en Gaule en 332 (Julien, Orat., I, p. 12 a, Sp.).
[223] Galba desiderantibus (Crispum) reddes ; Panégyrique de 321, X, 37. Remarquez les expressions dont se sert Julien pour Constance II, César en Gaule (n. précédente), τοΐς Κελτών έθνεσι... φύλακα καί βασιλέα.
[224] La mort est du 22 mai 337.
[225] Zosime, II, 39. Il s'agit, outre ses trois fils, Constantin, Constant et Constance, de ses deux neveux Flavius Dalmattus (ou Dalmatius) et Flavius Hannibalianus, tous deux élevés à Toulouse (entre 315 et 325 ?) ; leur père Dalmatius vivait lors à demi exilé à Toulouse, ainsi que ses frères, Constantius et Hannibalianus (Ausone, Prof., 17 et 18). — Dalmatius, le neveu de Constantin, César de 335 a 337, a dû de ce fait conserver des relations et des intérêts dans le Midi de la Gaule, puisque nous voyons des milliaires à son nom du côté de Toulouse (XII ? 5676) et vers Saillans sur la route du col de Cabre (XII, 5505, où, chose étonnante, son nom est seul indiqué).
[226] Constantin eut l'idée bizarre de faire d'Hannibalien un roi en Asie, rex regum et Ponticarum gentium (Exc. Vales., 6, 35).
[227] Deux préfets du prétoire de Constantin sont connus pour la date de 316, Petronius Annianus et Julius Juliœnus (Corp., III, 13734 : Hænel, Corpus legum, p. 193 ; Optat, éd. Ziwsa, p. 212), sans que nous puissions en inférer qu'ils se soient partagé l'Occident, alors la part de Constantin. — Même incertitude pour [Vettius ?] Rufinus, préfet en 318 ? [319 ?] et 320 ? [313 ?] (C. Th., V, 2, 1 ; VII, 21, 1), et Acilius Severus, préfet en 322 et 324 ? (III, 32, 1 ; VI, 22, 1). — Il a dû y avoir un Maximus, préfet spécial pour la Gaule entre 327 et 333 (Code Just., VI, 36, 7 ; Code Théod., VIII, 1, 3 ; I, 5, 2 ; cf. XIII, 4, 2 ; Seeck, Reg., p. 473, propose Ulpius Maximus, de 327 à 337 mais cette date parait inconciliable avec le préfet suivant). — Le seul formellement attesté est, vers la date de 336, Tiberianus, vir disertus (Jérôme, Chron., ad a. Abr. 2352) ; on a encore élevé des doutes (Godefroy dans sa Prosopographia, p. 91), mais une inscription de Tunisie (Aïn-Tebernok ; Ac. des Inscr., C. r., 1924, p. 230), vient de confirmer son existence, et l'appelle C. Annius Tiberianus. — Je placerais volontiers, à la fin du règne de Constantin, une préfecture de Pontius Paulinus, père ou plutôt grand-père de Paulin l'évêque de Noie (Sidoine, Carmina, 22, 117-118 ; cf. t. VIII, ch. III, § 2). — Toutes ces incertitudes montrent que le partage de l'Empire entre quatre ressorts préfectoraux n'a pas été aussi franc et stable que le dit Zosime (II, 33), et que l'organisation de ces ressorts a dû varier avec la manière dont Constantin a remis à ses fils l'autorité sur telle ou telle région ; cf. Mommsen, Ges. Schr., VI, p. 287-8. Toutefois, l'inscription d'Aïn-Tebernok, des dernières années du règne, nous montre tout à la fois le pariage de l'Empire entre quatre préfets, et la persistance de l'unité traditionnelle du prétoire.