HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VI. — LA CIVILISATION GALLO-ROMAINE - ÉTAT MORAL.

CHAPITRE VI. — DANS LES TROIS GAULES.

 

 

I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TROIS GAULES.

On la sentait bien, cette vie provinciale, dès qu'au delà de Toulouse ou de Vienne on entrait dans les Trois Gaules, celles que César avait réunies à la province de Domitius. Même aux entours de Lyon, pourtant colonie romaine, il y avait une telle foule de Gaulois, parlant leur jargon national, que le Grec dépaysé pouvait se croire en pleine Barbarie[1].

On appelait encore ce pays la Gaule Chevelue, Gallia Comata, en souvenir du temps où les Celtes de ces terres laissaient croître leurs chevelures. Ils avaient perdu cette habitude[2], qui était d'ailleurs la conséquence de vœux militaires[3]. Mais ils n'en demeuraient pas moins fidèles à leur costume traditionnel : dépassez Toulouse et Lyon, vous verrez aussitôt apparaitre, sur les sculptures des monuments funéraires, les braies, la tunique et le manteau à capuchon, qui sont les vêtements indigènes, et, sous cet habit, le Gaulois lui-même, avec sa large face, ses cheveux épais et sa barbe touffue.

Je ne dirai pas, ainsi qu'auraient dit les Grecs de Lyon, qu'on entrait chez les Barbares. Mais on se trouvait au milieu d'habitudes plus rudes ou, mieux, plus antiques, plus rustiques, plus rurales. Les villes deviennent de moins en moins fréquentes sur les routes. Nous en avons regardé une trentaine en Narbonnaise[4] : nous n'en rencontrerons que le double dans les Trois Gaules[5], qui font une surface cinq fois plus grande[6]. Certaines voies, par exemple celle de Bordeaux à Tours, la plus importante de l'Ouest, ne traverse que quatre cités sur deux cents milles de distance[7] : et c'est le trajet de Marseille à Lyon, où se sont dressées devant nous neuf métropoles urbaines, dont sept colonies[8]. Les chefs-lieux sont séparés les uns des autres, non plus par une demi-journée ou une journée de marche[9], mais par deux ou trois jours, et quelquefois davantage[10]. Qu'on se représente ce que cela signifie pour ce temps : trouver une ville à la fin de chaque étape, c'était rester en contact avec le confort, les plaisirs, la sécurité de l'existence municipale. Dans la Gaule de l'Ouest et du Nord, il fallait souvent que le voyageur y renonçât, il voyait plus de villages, il s'arrêtait plus fréquemment à des fermes ou à des relais[11], la vie de la campagne s'imposait à lui par des horizons plus vastes et des séjours plus prolongés.

Ces villes elles-mêmes ne ressemblaient pas à celles du Midi. Il était rare qu'elles eussent des remparts ; elles se présentaient sous ces contours mal définis qui les faisaient paraître d'abord un amas confus de constructions à demi rampant sur la terre, sans cette majestueuse unité et cette haute stature de grande demeure que leur enceinte de murailles, leurs portes et leurs tours donnaient aux cités méditerranéennes. A l'intérieur, les rues étaient moins régulières, les échoppes et les monuments se mêlaient en lignes disgracieuses. On eût dit souvent des lieux de foires qui se seraient érigés en métropoles[12].

Fort peu de ces villes étaient des colonies. Les Italiens qui y habitaient ne s'y sentaient point chez eux, ainsi qu'à Arles et à Narbonne : on les traitait en principe de personnes étrangères. Le citoyen de la ville, le maître du pays est toujours le Gaulois. Il peut s'appeler Julius ou Pompeius, il n'en est pas moins le petit-fils d'un guerrier de Bituit ou d'un compagnon de Vercingétorix, et il possède encore son château familial[13], où conduit le sentier privé que nous voyons déboucher sur le côté de la grande route[14].

Ce passé national se rappelle à nous par les appellations autant que par les apparences des choses. De ces grands domaines que borde la chaussée, l'origine celtique est révélée par la forme des noms qu'on leur donne, par cette terminaison en acum qu'ils portent presque tous. De ces villes où l'on entre, beaucoup conservent leurs titres indigènes, et se disent, en langue du pays, dunum ou ville forte, magus ou place de marché. Partout, on parle des anciens peuples, Éduens, Bituriges, Arvernes, et on en parle comme d'êtres encore très vivants et tout-puissants : ce sont leurs noms qui s'appliquent aux territoires des districts administratifs ; les gens de la campagne et des villes même se donnent couramment ces noms ; ils sont inscrits sur les pierres des chemins, sur les autels des places publiques, sur les frontons des temples. A chaque pas que le voyageur faisait sur les grandes routes, il pouvait se soustraire à l'obsession des images latines pour suivre les traces profondes d'un passé qui n'était plus celui de Home ou de la Grèce.

 

II. — L'AQUITAINE DE GASCOGNE[15].

Parmi ces Trois Gaules, la nouvelle province d'Aquitaine, qui allait des Pyrénées à la Loire, était le prolongement naturel de la Narbonnaise : le sillon de la Garonne, qui formait sa voie principale, continuait et finissait cette grande route du Midi que nous suivons depuis l'Italie ; les hommes d'Agen et de Bordeaux, par leur fleuve, leur place au soleil et leur tempérament, étaient des Méridionaux presque au même titre que ceux de Marseille. de Nîmes et de Toulouse.

De Toulouse, deux chaussées mentaient à l'ouest vers l'Océan Atlantique : l'une, la principale, en descendant. la Garonne ; l'autre, se contraire, — que nous allons prendre d'abord, — en remontant sa haute vallée, et en longeant ensuite le pied des grandes Pyrénées, qui fermaient l'horizon de leur muraille aux créneaux capricieux, drapés des blanches écharpes de la neige éternelle ; et la beauté de ce spectacle compensait les ennuis de cent raidillons, goules ou hourquettes à gravir et à descendre, de vingt nestes, gaves ou nives à traverser.

Cette route du bas des Pyrénées desservait la partie de l'Aquitaine[16], Novempopulanie ou district des Neuf Peuples[17], que les Gaulois n'avaient pu réussir à occuper, et qui était demeurée le patrimoine, soit de ses montagnards immuables, soit de colons ibères venus jadis par les cols pyrénéens[18]. On s'apercevait très vite de ce passé à mille détails, aux noms étranges que portaient les villes[19], les dieux[20] et les hommes[21], noms où triomphaient les sonorités des a et des o, où roulaient les r et où sifflaient les s et même les xs, aux mots particuliers dont on désignait depuis un temps immémorial les accidents de la montagne, de la vallée ou de la route[22], aux mystérieux symboles, arcades, croix gammées, emblèmes d'astres, que les gens du pays traçaient naïvement sur les stèles des morts et les autels du culte[23], à la multitude de divinités et de chapelles qui surgissaient de partout, humbles chapelles et divinités modestes installées sur un sommet, près d'une source, dans un bosquet d'arbres, au flanc d'un hêtre vénérable[24].

Car les Pyrénées se décidèrent plus lentement que les Alpes à oublier leur passé. Les grands dieux de Rome y pénétraient avec hésitation, et il leur fallait d'ordinaire lier partie avec les petits dieux de l'endroit[25]. Quoique l'État impérial eût groupé les tribus de la montagne en un nombre restreint de ressorts municipaux, chacune d'elles maintenait sa vie et ses coutumes particulières ; et la gloire de Rome n'avait aucune prise sur les plus obstinées.

Cela ne diminuait en rien le charme de ces vallées et l'humeur hospitalière de ces hommes. Ils accueillaient volontiers l'étranger ; et celui-ci profita largement de la paix romaine pour visiter les recoins des Pyrénées. Leurs eaux chaudes attirèrent des malades ou des oisifs de la Gaule et de l'Italie même ; d'Amélie-les-Bains près de la mer Intérieure[26] jusqu'à Cambo près de l'Océan[27], aucune fontaine ne manqua d'être essayée : ni celles de Luchon, qu'entourait déjà une foule cosmopolite de baigneurs importants[28], ni celles de Cadéac sur la Neste d'Aure, dans cette calme vallée que la brise du nord vient rafraîchir à chaque matin d'été[29], ni celles de Bagnères-de-Bigorre, plus près de la plaine, sous un climat plus chaud, devenue de bonne heure une assez grosse bourgade[30]. Les montagnards ne s'offusquaient pas de ces visiteurs, qui devaient acheter cher leurs pommes et leurs lainages. Tous n'étaient pas ennemis irréductibles des manières extérieures que leurs hôtes leur faisaient connaître. A côté des patois indigènes, on entendait parler le latin, et jusque dans les villages perdus sur les rochers et tremblant sous la crainte des avalanches, les paysans s'essayaient à graver des inscriptions latines, mais en l'honneur des dieux de leur pays[31].

A Luchon, à Cadéac, à Bagnères, nous sommes en Comminges et en Bigorre : Toulouse n'est pas encore très loin, et ce sont peut-être les leçons de ses maîtres dont on entend les échos dans les inscriptions de ces pays : car elles sont nombreuses et point mal faites[32]. Mais plus à l'ouest, il est visible que la civilisation latine a trouvé des hommes plus réfractaires : le Béarn est pauvre en allusions à Rome[33], le Pays Basque l'est davantage encore, et la seule concession[34] à la vie contemporaine que nous y rencontrions est une action de grâces en langue latine, pour remercier le Génie de l'endroit de ce que les empereurs de Rome avaient laissé ou rendu quelques privilèges administratifs aux Aquitains du Midi, à ceux, disait-on, qui n'étaient pas des Gaulois[35]. Les hommes de ces régions tenaient donc toujours à n'être pas confondus avec le reste de la Gaule.

Ce Pays Basque avait mille raisons de se mêler au monde gréco-romain : la pureté de sa lumière, la chaleur de ses étés, l'ombre de ses platanes qui rappelaient ceux de la Grèce[36], l'importance de ses routes[37], les voisinages de l'Espagne et du Languedoc. Pourtant, jusqu'ici, je n'y ai rien trouvé qui émane de Rome, ni ruines de villages, ni noms de lieux[38], ni débris de mosaïques, ni fragments de tombeaux. Vivants et morts s'y refusaient à devenir romains ; les vieilles habitudes et l'ancien parler de l'Aquitaine ibérique ou ligure, refoulés à l'est par l'influence de Toulouse et au nord par celle de Bordeaux, s'y réfugiaient et s'y retranchaient pour une résistance éternelle[39].

La vie latine reparaissait à mesure qu'en descendant vers le nord les rivières élargissaient leurs vallées et grossissaient leurs eaux. A la sortie des grandes montagnes[40], s'étaient bâties, à portée de plaines bien choisies, de bonnes et tranquilles petites villes : Bayonne[41], au coude de l'Adour[42], visitée par la marée et-les barques de l'Océan[43] ; Lescar, allongé sur sa croupe en vue des tièdes campagnes du Béarn[44] ; Oloron, promontoire en pointe de lance aminci entre ses deux gaves limpides, à la descente de la route d'Espagne[45] ; Lourdes[46], tantôt étendue autour de sa source[47] comme un champ de foire, tantôt perchée sur son roc comme un donjon ; Tarbes ensoleillée, préludant déjà à son rôle de métropole en Bigorre[48] ; Saint-Bertrand-de-Comminges, le Lugdunum des Pyrénées[49], qui recouvrait tout ensemble de ses maisons et de ses édifices sa claire montagne et les terres d'en bas[50], aimable capitale d'un terroir aux riches pommeraies[51], aux moissons drues[52] et aux marbres éclatants[53], que devait envier le Toulousain son voisin le plus proche[54] ; Saint-Lizier enfin[55], la dernière, au levant, des cités pyrénéennes[56], plus grise et plus triste, résignée à une existence plus écartée au fond de son Conserans. Là où les villes manquaient, on voyait des villas presque aussi grandes, comme celle de ce puissant seigneur de Chiragan près de Martres-Tolosanes, qui occupait des hectares de sol sous les portiques de son château, les marbres de ses statues et les ciments de ses communs[57].

Plus au nord encore, aux endroits où se développaient les grandes plaines, se succédaient sur une autre ligne des cités plus populeuses ou plus célèbres : Dax[58], la ville de l'Adour, à la lisière de l'immense pinède landaise, rendue opulente par ses eaux chaudes, par le séjour d'Auguste leur client et par les ressources inépuisables des terrains de la Chalosse[59] ; Aire[60], en amont sur le même fleuve, bourgade agricole où les premiers empereurs avaient peut-être possédé des domaines[61] ; Éauze[62], qui avait abandonné pour la large esplanade d'en bas, sa vieille citadelle rocheuse des bords de la Gélise[63] ; Lectoure[64] près du Gers, elle, toujours plantée sur son roc dominateur, où la retenaient ses dieux, les sanctuaires de la Terre-Mère, et surtout les eaux miraculeuses de sa source, la plus sainte de la Gascogne[65] ; la ville d'Auch[66] enfin, elle aussi au-dessus du Gers, dressée sur son plateau carré comme la Rome de Romulus sur le Palatin, fière des biens de son Armagnac[67] et déjà heureuse de s'instruire des lettres latines[68] : toutes cinq, de l'ouest à l'est, laissant aux gens du Pays Basque et du Béarn le culte de la tradition aquitaine, rapidement oublieuses de leur passé sous les bienfaits de la Fortune romaine.

Enfin, encore plus au nord, s'ouvrait la tranchée de la  Garonne, circulaient les eaux et la route qui unissaient les deux métropoles de la vallée, Toulouse et Bordeaux : là finissait l'Aquitaine aux souvenirs ibériques. La route elle-même, les deux bords du fleuve[69], les villas magnifiques[70] et les vastes vignobles qui les égayaient, la cité d'Agen[71] au terroir plantureux[72], qui donnait une main à Toulouse et l'autre à Bordeaux, tout cela était choses et êtres de la vraie Gaule, portions de l'Aquitaine celtique.

Cependant, ibériques, ligures ou gaulois, tous les pays d'entre Pyrénées, Océan et Garonne se préparaient à vivre d'une vie pareille, à devenir ce corps de région qu'on appellera plus tard la Gascogne. A part les irréductibles du Pays Basque et de la montagne, les hommes finirent par accepter, et plus profondément que le Centre de la Gaule, les influences romaines : le climat, les vallées, les routes, le voisinage des deux grandes villes de Toulouse et de Bordeaux, agissaient ensemble sur les habitants, les prenaient de tous les côtés et de toutes les manières[73] ; Toulouse était pour eux une école supérieure en lettres, et Bordeaux en affaires. Dans cette Aquitaine comme en Narbonnaise, les noms des anciens peuples se sont oubliés[74] ; partout on y aimait le régime municipal, on y sentait l'attrait des villes. Des intérêts matériels, des chemins bien disposés[75] provoquaient entre les territoires des va-et-vient continus. La pente du sol faisait converger les eaux ou les routes vers la Garonne et vers la grande cité qui s'était formée à la tète de la région, à la rencontre du fleuve et de la mer, Bordeaux, qui s'offrait à devenir, au détriment de Toulouse, la capitale de la Gascogne naissante. — Bordeaux devait en partie sa grandeur aux ressources que lui fournissaient les terres gasconnes et pyrénéennes ; mais, par un retour naturel des choses, elle faisait sentir à ces terres sa vie et son prestige, elle cimentait leur union[76].

 

III. — BORDEAUX[77].

L'avènement de Bordeaux[78] est un des principaux faits de l'histoire, impériale des Gaules, comparable seulement à la création des trois autres royautés commerciales de la contrée, Lyon, Arles et Trèves.

Mais une différence essentielle sépare ses destinées de celles de ces trois cités de l'Est. Lyon, Arles et Trèves ont été toutes trois des colonies, c'est-à-dire que Rome les a aidées, forcées presque à grandir par le prestige de ce titre ou par l'arrivée d'immigrants : à leur origine, il y a l'action de l'étranger et du maître[79].

Bordeaux, au contraire, s'est formé spontanément. Je crois même qu'au début l'État impérial lui a été moins favorable qu'à Saintes, dont l'aristocratie rendit à Rome de bons services[80]. La ville n'a, d'aucun empereur, reçu un bienfait qui nous soit connu[81]. Ses plus grands monuments ne paraissent pas antérieurs à Hadrien[82]. On ne trouve aucune trace, parmi ses habitants, de colons ou de négociants venus d'Italie[83]. Bordeaux doit sa croissance au jeu naturel des forces qui étaient en lui, son sol, son port et ses routes.

Le sol avait des ressources de tout genre. Sur les terres grasses qui avoisinent les rivières, le blé donnait d'amples moissons[84] ; les pins, qui commencent à son horizon, fournissaient ces produits résineux dont l'Antiquité faisait une abondante consommation ; des poissons fort recherchés, l'esturgeon, la lamproie, l'alose, le saumon, le muge et l'huitre, peuplent ses fleuves et ses étangs[85] ; et surtout, sur les graves et les coteaux, la vigne rencontre un terrain inestimable, d'où sortit le vin le plus coloré et le plus parfumé de Gaule[86].

Or il se trouvait que cette terre insigne, qui produisait tant de biens désirés des hommes, était au centre de routes tracées par la nature et par eux-mêmes. A celles de la Garonne, qui venaient de l'Océan et de la Méditerranée, les Celtes et les Romains avaient ajouté trois chemins principaux, celui de Dax, Roncevaux, Pampelune et l'Espagne vers le Sud, celui de Périgueux, Limoges et Lyon vers le Centre, celui de Blaye, Saintes, Poitiers et Paris vers le Nord : il n'était aucune des parties de l'Europe occidentale qui ne pût travailler directement avec les gens de Bordeaux. — Et enfin, dernière chose à rappeler, il avait le port le plus large et le plus sûr de la côte atlantique, ce croissant girondin[87] que le fleuve et la mer remplissent tour à tour de leurs eaux profondes[88].

Bordeaux devint donc ce que la nature avait voulu qu'il fût, un centre de réserves agricoles et de transactions commerciales[89]. A ses tonneaux de vin, à ses sacs de blé, à ses barriques de résine, à ses barils de poissons, à ses bourriches d'huitres, s'ajoutaient, sur les berges du fleuve, les barres de fer espagnol[90], les lingots de plomb et d'étain bretons[91], les ballots de lainage et les blocs de marbre des Pyrénées[92], les poteries du Rouergue[93], les salaisons de Franche-Comté ou de Flandre[94], et jusqu'aux caisses de verroteries ou de tissus précieux de l'Orient[95]. C'était ici que l'Occident groupait et échangeait ses richesses, que, la Gaule des Celtes prenait langue avec l'Espagne des Ibères, et l'Île de Bretagne avec la Narbonnaise latine. Les maisons belges de Reims[96] ou de Trèves[97] avaient à Bordeaux leurs représentants ou leurs comptoirs.

La vie commerciale n'y était pas de même genre qu'à Arles ou qu'à Narbonne. bans ces deux villes, le trafic était surtout entre les mains d'hommes du pays ; à Bordeaux, les familles du cru abandonnaient volontiers les affaires de négoce aux étrangers qui venaient s'installer au milieu d'elles[98]. Un Bordelais, dès ce temps-là, est surtout un vigneron, un résinier, un parqueur d'huîtres, un rural par excellence, attaché à ses terres et à leurs produits. La grande route, le port, et le fleuve même, il les laisse exploiter par ses hâtes. Ce n'est un commerçant que par les bénéfices qu'il encaisse.

La ville s'accrut donc du fait de l'immigration, de ces marchands, courtiers, commissionnaires, boutiquiers, commis, portefaix, qui accoururent de partout pour y travailler[99]. Il en vint de la Germanie rhénane[100], de Trèves, de Reims, de Flandre, de Metz[101], de Franche-Comté, de Paris[102], de Normandie[103], du Limousin[104], de Gascogne, du Dauphiné[105], d'Espagne[106], d'Afrique[107], de Grèce même, d'Asie et de Syrie ; car, au milieu de ces fils de Barbares, on ne manquait pas de rencontrer les camelots de l'Orient[108].

Ajoutez, pour compléter le bariolage du spectacle et l'agitation de la vie, la présence du légat, de ses amis, de ses licteurs et de ses bureaux, ceux-ci arrivés presque tous de Rome et d'Italie. Avec eux, le cycle des étrangers s'achève en notre cité : il n'est plus aucune région du monde qui n'y soit représentée ; Bordeaux est, tel que Lyon, un résumé vivant de l'Empire.

Le titre de métropole de l'Aquitaine ne fit que sanctionner la réalité. La ville devint sans peine une des capitales de la Gaule ; et quand un jour le légat de la province, Tetricus, y prit la pourpre impériale, j'imagine que les habitants trouvèrent la chose toute naturelle.

Cela faisait, de l'Audège au Peugue[109], un monde très mêlé, actif, avisé, avide et paradeur. Bordeaux n'avait pas un bon renom parmi les gens de goût et les hommes d'étude du monde gréco-romain. On y faisait trop de sacrifices au gain et à la dépense. Quelle différence d'avec Toulouse, la cité de Minerve ! Ici, pendant trois siècles, point de professeur ni d'écolier, point de mesure dans la vie ni de tact dans les manières. C'est Martial, du moins, qui nous le dit : Femmes dépensières et exigeantes, qui parlent haut et qui portent haut, voilà l'affaire des Bordelais. Quelle ville épaisse ![110] Quinze siècles avant Colbert, c'est déjà le proverbe qui court : Toulouse pour apprendre, Bordeaux pour despendre[111].

Les grands édifices n'y firent point défaut. Mais aucun de ceux dont il nous reste des vestiges ne rappelle, à beaucoup près, l'élégance des monuments du Midi. Le temple principal, consacré à la Tutelle de la ville, était un amalgame de colonnades et de statues, complexe, énorme, somptueux et déclamatoire[112] : et c'était peut-être alors la note dominante de cette cité de nouveaux riches, parvenue trop rapidement à l'opulence, et composée d'éléments très divers que rapprochait surtout la gloire de l'argent.

 

IV. — LA ROUTE DE BORDEAUX A SAINTES.

A Bordeaux finissait enfin la grande route du Midi, que nous avons parcourue depuis le rocher de Monaco. Maintenant, nous avons devant nous la grande route de l'Occident.

Celle-ci est descendue de l'Espagne ; elle a achevé de franchir les Pyrénées au col de Roncevaux, où elle est entrée sur la terre des Gaules ; à Dax, elle a traversé l'Adour en vue des eaux chaudes ; puis, elle s'est engagée dans les interminables pinèdes des Landes ; où travaillent sans relâche les abeilles et les résiniers ; un instant, aux abords du bassin d'Arcachon, elle a perçu quelques effluves marins[113] ; enfin, devinant un nouveau terroir aux vignobles qui se penchent avec elle sur la pente des coteaux[114], elle a pénétré dans Bordeaux, où la Garonne l'arrête quelque temps à sa rive. Mais il lui faut aller au delà : car, depuis que l'Espagne, la Gaule et la Germanie du Rhin sont provinces d'un même Empire, cette route est une des principales lignes qui les unissent, et elle se prépare à devenir un des chemins souverains du monde.

Ceux qui, de Bordeaux, voulaient gagner les pays du Nord, évitaient d'ordinaire de reprendre tout de suite la voie de terre. Elle entraînait des pertes de temps, des fatigues, parfois des dangers : car on avait à traverser d'abord la Garonne entre Bordeaux et le port de Trégey, puis la Dordogne entre Saint-Vincent et le rocher de Cubzac[115], et les ennuis de ces traversées étaient faiblement compensés par les charmes du chemin en corniche et des villas de marbre qui dominaient ensuite les bords des fleuves, de Cubzac à Bourg et à Blaye[116]. Mieux valait s'embarquer pour plus longtemps, et, porté par le flot descendant, ne reprendre terre qu'au pied du mamelon de Blaye[117].

Cette descente était une des belles promenades qu'on pût faire en Gaule. Le large estuaire de la Gironde semblait une mer qui marche. Des centaines de voiles blanches nageaient de conserve[118]. On passait à 'travers les longs filets des pécheurs d'aloses. Les mouettes, annonciatrices de la mer prochaine, sillonnaient parfois le ciel de leurs vols rapides. Bordeaux se montrait longtemps à l'horizon, dressant les pointes de ses frontons divins. A droite, c'étaient de pittoresques collines, où les gaies frondaisons des vignes se mêlaient aux sombres feuillages des cyprès et des lauriers consacrés aux dieux[119]. A gauche, c'était la plaine immense et féconde du Médoc, que les pins encadraient à la limite de l'horizon, et qui ouvrait aux navires, d'heure en heure, l'estey d'une jalle , servant de port à quelque riche villa[120]. Dieu ! diront plus tard les pèlerins chrétiens, que cette route est belle ![121]

A Blaye[122], on débarquait, sans doute sous la protection de quelque dieu[123], on rejoignait la grande route ; et c'était ensuite la montée vers le nord par le pays des Santons, sous un ciel plus terne, devant de moins larges paysages[124]. Après deux journées de marche, on approchait d'une grande rivière, la Charente, et, avant de l'atteindre, en arrière du pont qui la traversait, on entrait dans la capitale de ce peuple, Mediolanum, aujourd'hui Saintes[125].

 

V. — SAINTES ; LE SEUIL DU POITOU.

Le peuple des Santons était parti, dans les premières années de l'Empire, pour un brillant avenir. Il occupait une terre verdoyante, féconde en blés, en herbes de tout genre, en pâturages et en bestiaux. Les replis de ses rivières formaient les cadres de beaux domaines[126]. Il possédait, sur l'Atlantique, une de ces régions naturelles, faites de ports, de caps et d'îles, qui étaient prédestinées aux conquêtes maritimes. C'était une grande nation, dont les chefs, hommes d'adresse et d'intelligence, se mirent volontiers au service des Césars, leur offrant des vaisseaux, des soldats et des officiers, combattant en Germanie aux côtés des légats ou des fils de l'empereur[127].

Il en résulta que Saintes leur capitale devint dès Auguste et Tibère une cité de premier ordre. Les monuments sortaient de terre comme par miracle[128] : miracle qui s'explique sans peine par la richesse de ce sol en une pierre blanche et dure, la plus propre de l'Occident à bâtir les grands édifices. Ce lieu était fait exprès pour prendre l'aspect d'une ville, claire et régulière. Une bourgeoisie de manufacturiers s'y installa. On y vit des fabricants de draps[129], des ateliers pour le cuir[130], des entrepôts de produits pharmaceutiques ; les manteaux et les cagoules de laine de la Saintonge étaient célèbres même en Italie, et le renom de son absinthe pénétrait jusqu'au fond de la Grèce. Saintes fut longtemps un centre industriel, et peut-être était-ce son caractère principal, celui qui pouvait. durer : car chez les Bordelais ses voisins, l'industrie était dès lors le côté faible.

La pierre et les nobles aidant, Saintes avançait rapidement dans les mœurs méditerranéennes : les inscriptions latines sont superbes, les débris d'architecture ne manquent pas de finesse[131]. Seigneurs et bourgeois acceptèrent avec joie la toge, la langue, les formules romaines[132]. Ils élevèrent, avant ceux de toute autre cité de l'Occident gaulois, un amphithéâtre de pierre aux vastes proportions. De puissants orateurs s'y firent connaître, dont Rome applaudit les discours et sanctionna la gloire ; et les Saintongeois devancèrent les Bordelais eux-mêmes dans le culte de l'éloquence latine. Les princes de la lignée de Drusus et de Germanicus, les chefs de la Gaule roi Laine qui ont le mieux compris ses destinées naturelles, eurent pour Saintes et son peuple de particulières sympathies[133]. Je crois que Germanicus vint la visiter : à l'entrée du pont et de la ville, un arc monumental consacra pour l'éternité le souvenir du héros[134]. En face de Bordeaux cosmopolite, une franche cité gallo-romaine se développait aux bords de fa Charente, prête à devenir sur la route de l'Ouest le foyer de la vie nouvelle.

Mais après la fin de cette dynastie, il semble que les choses aient changé peu à peu. bans l'éternelle lutte entre Saintonge et Bordelais, il est rare que la première garde longtemps l'avantage. Bordeaux a trop de mérites concentrés sur lui : il a le terroir, il est à la fois port et carrefour. En-Saintonge, le port est à La Rochelle ou à Fouras ou à Royan, le carrefour et la bonne terre sont à Saintes. D'ailleurs, depuis la conquête de la Bretagne, absorbés par Boulogne et le Détroit, les empereurs ne prennent aucun souci de la mer des pertuis[135]. Saintes et la Saintonge s'arrêtèrent dans leur belle croissance ; Bordeaux attira de plus en plus à lui la vie de cette mer et les affaires de cette route. Dès le second siècle, malgré sa noble allure de cité monumentale, la tenue soignée de ses domaines, l'activité de ses industries, Saintes n'est plus que la métropole d'une très laborieuse nation[136] ; elle n'a pas, à la différence de Bordeaux, réussi à s'imposer au monde. Et c'est avec un sentiment de mélancolie que l'historien se sépare d'elle, comme s'en éloignait autrefois le voyageur venu du Midi.

Car, sur la route des saules, lorsque avaient disparu les dernières blancheurs des maisons de Saintes et des villas qui l'approchaient, le voyageur sentait bien qu'il recevait un congé définitif des terres méridionales. Le sol et les arbres eux-mêmes prenaient des teintes plus sombres. Au delà des lignes de peupliers qui marquaient les cours des rivières ou les fins des pâturages, c'étaient de profondes forêts, et la présence imprévue de croupes à gravir, de gorges à éviter, de fières citadelles menaçant, les chemins[137]. Çà et là, ouvertes à la façon de clairières à l'orée des bois, des aires de foires s'étendaient autour d'un vieux sanctuaire, que les dévots essayaient d'orner sur des modèles romains[138]. On était sur le seuil de Poitou, et l'on voyait, à gauche, finir vers la mer les terres basses des marécages vendéens, à droite, s'élever vers l'intérieur les terrasses et les cimes du massif Central, l'un et l'autre pays également tristes à qui vient de Dax, de Bordeaux et de Saintes même.

Quittons un instant la grande route de l'Ouest pour monter à l'intérieur, et en quelque sorte au sommet de la France. Car il est inutile de s'attarder en Vendée, où nous ne trouverions que des villas bâties en îlots aux abords des marais[139] ou tapies dans les recoins verdoyants du Bocage[140], de rares ports de pêcheurs, et quelques villages de sauniers, de charbonniers oui de parqueurs d'huîtres dans les embrasures d'un piètre rivage[141].

 

VI. — AU POURTOUR DU MASSIF CENTRAL.

Ce massif Central, nous n'avons cessé de l'apercevoir d'en bas depuis Tienne et les bords du Rhône. Les routes que nous avons suivies, de Vienne à Narbonne, de Narbonne à Bordeaux, de Bordeaux au Poitou, en marquent le pourtour. De ces routes partent les chemins, voie marchande, sentier de pèlerins ou draio de bestiaux, qui montent à l'intérieur du massif. Chacun de ces chemins a son point de départ à la grande rue de l'une des métropoles de la plaine ; et chacune de ces métropoles, depuis Vienne jusqu'à Poitiers, sert également de port ou de lieu de foire, et l'on peut dire aussi d'école ou de lieu de plaisir[142], au peuple et à la capitale de la montagne la plus voisine.

A Vienne du Dauphiné correspond Ruessium ou Saint-Paulien, bâti, chez les Vellaves du Velay[143], dans le fertile bassin du Puy près de la Loire supérieure. Si âpres que soient les sommets qui l'environnent, la petite ville sent moins souvent passer sur elle les ombres et les orages de la montagne que lui arriver les douceurs et les bruits de Vienne l'opulente et de Lyon la travailleuse. Inclinée sans fatigue sur des pentes caressées de lumière, elle a perdu l'air de marché rustique pour prendre celui d'une jolie résidence. Des demeures luxueuses, de grands temples chargés de bas-reliefs s'y sont élevés[144] ; et peut-être quelques Italiens y restent-ils en séjour[145], ce qui vaudra un jour à Saint-Paulien le titre de colonie[146]. Comme noblesse oblige, on y pratiquera l'art de la sculpture avec une habileté à demi méridionale, et on y composera des vers latins[147]. On y reçoit si vite les leçons des Grecs ou des Romains de Vienne et de Lyon, par ce pittoresque et gai chemin du Gier, roulant ses eaux et groupant ses verdures au pied du mont Pilat[148], auquel l'homme avait déjà sans doute donné sa couronne de châtaigniers !

Toute différente de la capitale du Velay est sa voisine du sud[149], Javols chez les Gabales du Gévaudan[150], où l'on monte directement de Nîmes par un dur chemin bien connu des hommes de la montagne[151]. Ici, nous sommes en pays perdu. La vie municipale renonce à faire valoir ses droits. Javols est un triste marché autour du gué et du pont d'une misérable-rivière, et je ne sais si ville gallo-romaine a eu moins l'envie de grandir et de bâtir. De toutes parts la vie pastorale l'enserre de ses soucis et de ses rudesses ; les gens qui viennent là ne pensent qu'à leur bétail, et, s'ils connaissent Rome, c'est parce qu'elle achète leurs fromages[152]. Il n'y a de gagnés aux façons latines que les riches propriétaires der ; vallons, dont on aperçoit les mausolées aux détours des chemins[153], ou que les grands manufacturiers qui, à la lisière du pays, sur les bords du Lot[154], exploitent les, gisements d'argile plastique pour fabriquer, à destination de toute la Gaule, des masses inépuisables de vaisselle commune.

En descendant le Lot[155], la montagne redevient moins absorbante et plus variée dans le Rouergue et à Rodez sa capitale[156], d'où l'on va à Narbonne sans trop de peine[157]. Il y a de tout dans ce Rouergue, et les habitants, à la fois âpres et avisés, savent profiter de tout : des champs de lin, qu'utilisent des fabriques de bonnes toiles[158] ; de la terre à poterie, que préparent des fours innombrables, de quoi approvisionner l'Empire entier et ruiner les céramistes du Gévaudan[159], ces Gabales que l'on déteste[160] ; d'abondantes mines d'argent, aujourd'hui propriété des Césars, qui les font travailler par leurs esclaves et leurs affranchis[161]. La ville, Rodez, est une antique citadelle celtique ; mais, bien située au-dessus des méandres de l'Aveyron, sur un éperon aplani en terrasse, elle peut, si elle le veut, recevoir de grands édifices, dominant superbement le pays[162].

Plus bas, sur le Lot et à l'ouest[163], la terre s'annonce encore plus clémente. Le Quercy, l'ancienne patrie du héros celtique Lucter, a assoupi sa passion de liberté et de batailles[164] pour se mettre bravement au travail, sans doute sous l'influence de Toulouse[165], sa très proche voisine, pour cultiver ses linières, ses chènevières et peut-être déjà ses hautes treilles allongées aux murs de ses formes ; il s'est donné des fabriques où l'on confectionne des matelas[166] et des toiles à voiles[167], et la besogne y est si bien faite, que le Quercy jouit, dans la Gaule et jusqu'en Italie, d'une saine renommée industrielle, le mot même de gloire a été prononcé pour lui. Enfin, renonçant à ses citadelles des hauts plateaux[168], le peuple s'est créé dans une boucle du Lot, au croisement de ses routes principales[169], une bonne petite ville, Cahors[170], sage et tranquille[171], qui s'est rendue tout de suite agréable aux dieux : car, à l'image de Nîmes la cité dévote, elle prit son premier nom, Divona, de celui de la source sainte qui l'alimentait de ses eaux et de son culte[172].

De Cahors, pour continuer à se tenir sur les paliers du massif Central, il fallait tourner au nord-ouest, et, à travers des plateaux sévères, des forets pleines de bêtes et chères aux chasseurs[173], s'aventurer jusqu'aux bords de l'Isle, à Périgueux[174]. Mais l'aventure finissait bien. Périgueux[175] valait la peine d'un voyage et méritait un long séjour. Plus qu'aucune cité de la bordure des montagnes, celle-ci avait le désir de faire grand, d'agir, de bâtir[176], et ses hommes, celui de parler et d'écrire. De très vieilles familles gauloises y régnaient en souveraines glorieuses et généreuses elles furent jadis les premières d'entre les lignées celtiques de ces pays à accepter l'amitié de Rome et l'usage des noms latins, et, fières du patronage de Pompée, elles n'avaient pas attendu César pour se convertir aux formules impériales ; maintenant, elles se délectent aux grands temples, aux basiliques de marbre, aux salles de spectacles, dont elles tiennent à honneur de faire les frais[177]. On dirait même que Périgueux ne veut pas se borner à copier les leçons classiques, qu'il a le désir d'inaugurer une architecture nouvelle, et son temple de la Tutelle, avec sa tour circulaire haute et massive, est la construction la plus originale qu'ait laissée la Gaule romaine[178]. Amplement assise sur la vaste esplanade qui domine la rivière, la ville avait plus d'espace à elle que n'importe quelle cité du Centre[179]. Les mines de fer de son Périgord, les terres limoneuses de ses vallées assuraient à ses habitants des ressources et des occupations durables[180]. Une sorte de sainteté pipait sur sa vie, grâce à ses sources nombreuses, dont l'une, Vesunna, lui donnait son nom[181] ; quand la Mère des Dieux arriva du Palatin, elle aima aussitôt cette résidence monumentale, pieuse et éveillée[182]. Car ces gens de Périgueux étaient alors parmi les moins engourdis de la France centrale. Le voisinage de Bordeaux, où, en une journée de voiture, les amenait une bonne route toute de descente[183], faisait de la cité le trait d'union entre l'Océan et la montagne. Elle souriait volontiers aux choses de l'art, et une inscription y rappelait l'obéissance de quelques-uns des siens aux lois des Muses.

Au nord du Périgord[184], les Lémoviques du Limousin avaient plus de peine à se développer. Malgré l'étendue du territoire[185], leur pays n'était pas assez riche, ou, du moins, ses habitants n'en connaissaient pas assez les richesses : car les mines d'or et d'étain n'en étaient plus exploitées sérieusement[186], les gisements de fine argile ne l'étaient pas encore[187], et je ne sais si l'élève des chevaux y prospérait déjà[188]. Ce Limousin était trop loin de la mer et de la grande route d'en bas ; pour arriver à Saintes, à laquelle le rattachaient ses principaux intérêts, on traversait de lugubres plateaux, des terres froides, des forêts mystérieuses, qui protégeaient en manière de rempart les bords riants de la Charente[189]. Limoges[190] sa métropole croissait très lentement auprès du gué de la Vienne, qui lui avait donné naissance. Le climat y montrait des rigueurs imprévues, et les nombreux châtelains du pays[191] ne s'y trouvaient pas mieux que sur leurs domaines. Pourtant, la race des hommes y valait celle des chevaux ; on le devinait aux efforts qu'ils faisaient afin de s'instruire, de connaître, aussi bien que leurs voisins et rivaux du Périgord, le langage des Muses[192]. Mais il faut attendre l'avenir. Pour aller plus lentement, le Limousin arrivera plus sûrement à la richesse, à la culture et à la célébrité ; il aura son jour de souveraineté dans la vie matérielle et morale de la Gaule[193].

Avec le Berry des Bituriges[194], qui s'incline vers Poitiers[195] et les cités de la Loire, s'achève cette ligne de boulevards qui flanquent en cercle les montagnes centrales[196]. Dans le Berry, à la différence du Limousin, il nous faut regarder vers le passé, et non pas vers l'avenir ; et cependant, nous sommes plus loin des hauts lieux et à demi dans la plaine. Triste destinée que celle du peuple des Bituriges ! Il a, voici un demi-millénaire, commandé à la Gaule et menacé l'Europe ; et il vit maintenant dans la plus profonde obscurité, dont ne le fait point sortir sa flagornerie à l'endroit des empereurs[197]. Avaricum ou Bourges, sa capitale[198], subsiste toujours sur son cap baigné de ruisseaux et de marais, et c'est l'ancêtre parmi les- villes de la Gaule Chevelue. Mais elle qui jadis passa peut-être pour la plus belle et la plus riche d'entre toutes, en est aujourd'hui une des plus insignifiantes. Elle ne peut lutter contre la concurrence commerciale des cités d'en bas, riveraines des routes mondiales, Bordeaux, Saintes ou Lyon ; elle n'a pas eu le courage de s'instruire comme Autun ; et il lui a manqué la bonne fortune de devenir, comme Clermont la ville d'en haut, une capitale de dieux. Ce qui lui sert le plus, ce qui maintient sa renommée dans le monde, ce sont les fers de son sous-sol, les linières, les près et les blés de sa surface[199], les laines de ses troupeaux, les eaux thermales de ses vallons[200], et ce sont aussi les produits sortis des nombreuses fabriques fondées sur son 'vaste territoire, armes ou outils de fer, draps de laine et toiles à voiles. Ville et pays conservent une population dense[201] et laborieuse, et beaucoup de forts villages[202] s'égrènent sur le terroir. Mais ce sont surtout paysans, artisans, petits boutiquiers[203], industriels méthodiques, gens de routine ou de tradition[204], et on est tenté de croire qu'ils se laissaient trop facilement vivre, qu'ils ne cherchaient pas l'audace nécessaire pour reprendre une place d'honneur dans le monde gaulois.

 

VII. — LES ARVERNES ET CLERMONT[205].

Ces routes qui montaient d'en bas finissaient par se réunir en un seul point, ainsi que les rayons au centre : et c'était chez les Arvernes. De Saint-Paulien en Velay, de Javols en Gévaudan, de Rodez, de Cahors, de Périgueux, de Limoges et de Bourges, sept chemins partis de toutes les rivières, gravissant toutes les montagnes, venaient se joindre sur la colline lumineuse[206] et au lieu saint[207] où Auguste avait béti la nouvelle capitale du peuple arverne[208], Augustonemetum, Clermont, héritière de Gergovie.

Rien ne rappelait, en apparence, la souveraineté que les Arvernes avaient exercée si longtemps sur les Gaules[209]. Gergovie n'était plus qu'un plateau désert, Clermont n'était qu'une ville de droit commun, les Arvernes un peuple pareil à cent autres, leur titre de cité libre n'avait aucun sens[210] ; et c'était une ville de bas-fond, simple hameau au temps de leur grandeur, Bordeaux, qui servait de métropole à la province. — Et cependant, grâce au génie des habitants, à la valeur du pays, à la faveur des dieux, les Arvernes conservaient un très haut rang parmi les nations de la Gaule ; et peut-être, tout compte fait, Clermont demeurait, à d'autres titres que Bordeaux, la ville insigne de la Gaule d'Aquitaine. Malgré la défaite et malgré les changements des habitudes sociales, les hauts sommets de l'Auvergne, son peuple et sa ville ne laissaient point éclipser leur gloire par la fortune des confluents et des cités de plaine.

L'Auvergne gardait sa place dans le monde par deux avantages, qu'aucune concurrence ne lui ravirait : la fécondité de sa Limagne et la convergence de ses chemins. Avec ses prairies, ses vignobles, ses fruits, ses légumes, elle était sans doute la terre de Gaule où l'on pouvait vivre à meilleur marché, le plus grassement et le plus délicatement à la fois[211]. Avec ce faisceau de voies qui se nouait chez elle à la route de l'Allier, ouverte largement vers le nord, elle était le passage obligé entre le centre et le pourtour de la France, l'Est et l'Ouest, le Languedoc et la Loire[212] ; et, à côté des agriculteurs de son terroir, elle eut des trafiquants des rues et places de sa capitale[213].

De nouvelles causes de richesse survinrent après la conquête. Les Arvernes sont de nature fort industrieuse. Ils ont su exploiter leur sol avec persévérance. Rome avait introduit en Gaule la mode de la vaisselle et des figurines en terre cuite : des poteries s'installèrent dans la plaine d'Auvergne, à Lezoux, Toulon, Saint-Rémy, grandes et tassées à former de vraies villes, et là, pendant deux siècles, on ne cessa de façonner l'argile du pays. Je crois bien qu'on y commença par de la contrefaçon, par imiter les vases que le commerce italien avait importés de Toscane. Mais quand il s'agit de doter son pays d'une industrie nouvelle et, par surcroit, de s'enrichir soi-même, on ne peut s'étonner de ne point rencontrer chez des hommes d'affaires la pratique de la morale absolue. Et ces, Arvernes furent admirables comme manufacturiers et commissionnaires : car ils surent faire de bons produits et les imposer, tant que dura la paix romaine, aux acheteurs de l'Occident. Nulle cité de Gaule ne mêla, en un plus parfait équilibre, l'industrie, le commerce et l'agricultures.

C'était d'ailleurs le sol qui avait provoqué cette industrie céramique, et c'est toujours à lui qu'il faut revenir en Auvergne. Par ses sites et par sa valeur, il a dans ce pays une magnificence à la fois physique et morale que nos générations modernes ont trop longtemps méconnue[214]. Il apportait de la santé et de la foi autant que de la richesse et du travail. Ses eaux chaudes étaient les plus efficaces de la Gaule pour sauver vraiment de tous les maux. Les malades de l'Empire montaient vers l'Auvergne à la façon dont ils seraient montés au plus grand temple de l'Apollon guérisseur, successeur latin de Bélénus[215] : Royat, Chaudesaigues, Ydes, Saint-Nectaire, Vic-sur-Cère, Mont-Dore, La Bourboule[216], étaient autant de lieux consacrés aux dieux salutaires[217], et au-dessus d'eux brillait déjà la sainte capitale de la guérison, Vichy, plein tout ensemble des espérances de mille malades et des actions, de grâces de mille dévots[218]. Car les dieux visitaient les stations de l'Auvergne avec autant de plaisir que les hommes : à Vichy, les soldats da la cohorte urbaine de Lyon pouvaient rencontrer le dieu thrace Sabarzius, appelé par ma de ses fidèles.

Il restait toujours aux Arvernes d'être le peuple aux divinités et aux temples souverains. A Clermont même, bâti sur une colline sacrée auprès d'un bois cher aux dieux[219], on éleva l'un date plus beaux et plus riches sanctuaires de la Gaule, en murs épais de trente, pieds, et, pour l'orner, toutes les carrières de l'Empire fournirent leurs marbres[220]. Le puy de Dôme était la lieu de pèlerinage le plus fameux de l'Occident[221] : les Arvernes avaient dépensé quarante millions de sesterces, dix millions de francs, pour y élever une statue colossale à leur grand dieu, ils la commandèrent à l'artiste le plus célèbre du monde, et durant dix ans, sans quitter le pays[222], il y travailla. Elle trônait en son temple, au sommet de la montagne, d'où il semblait que le dieu prit apercevoir sa Gaule tout entière.

Car ce dieu des Arvernes était Mercure[223], l'héritier de Teutatès, le dieu nécessaire et presque national des Gallo-Romains. De nulle part entre Rhin et Pyrénées il ne commandait de plus haut que de la cime du Dame ; il y avait son image la plus renommée ; il y voyait la plus nombreuse foule de ses adorateurs ; et les Italiens eux-mêmes, petits-fils de ceux qui avaient jadis attaqué Gergovie, venaient le prier sur la montagne sainte[224]. Des bords les plus lointains du Rhin s'élevaient vers l'Auvergne les prières de milliers de pieuses âmes. La souveraineté du Mercure arverne perpétuait, sous une forme religieuse, la tradition de l'Empire celtique de Bituit.

Revenons maintenant des montagnes aux fleuves, des sommets aux routes d'en bas.

 

VIII. — POITIERS ; LA SORTIE D'AQUITAINE.

Sur la grande route de l'Ouest, au delà de Saintes, nous avons déjà gravi le seuil de Poitou, qui commençait à La Villedieu, vers la longue montée à travers les bois d'Aulnay. C'était également l'endroit où le chemin quittait le pays de Saintonge pour pénétrer chez les Pictons[225]. Il passait ensuite à Melle[226], à laquelle ses mines d'argent préparaient le rôle d'une capitale monétaire[227] ; et plus loin, au-dessus des gorges étroites et fraîches du Clain, on voyait s'élever sur son puissant mamelon la métropole traditionnelle du grand peuple de Poitou, Limonum ou Poitiers[228].

Celle-ci, à la différence de presque toutes les villes que nous avons rencontrées jusqu'ici[229], est une antique bourgade gauloise, bâtie sur un large sommet, à l'aspect Isolé et impérieux d'une citadelle. Elle est encore telle que l'ont si souvent assiégée et défendue Romains et Gaulois au temps des guerres de la conquête. Comme elle avait été l'alliée fidèle de César[230], comme d'ailleurs sa montagne n'a nullement la hauteur et les pentes longues et difficiles, l'allure morne et sauvage d'une Bibracte ou d'une Gergovie, les Romains lui ont volontiers laissé le droit à la vie, et elle continue à regorger d'hommes[231].

Il va sans d'ire qu'elle renonce à vivre à la façon d'une forteresse, surveillant les peuples qui veulent passer entre Loire et Garonne. Ce rôle lui reviendra plus tard. Pour le moment, elle se borne à la vie banale et modeste que lui imposent le labour de ses terres, l'entretien de son cheptel[232] et le culte de ses dieux[233] : car je ne vois pas qu'en ce temps-là elle se soit livrée à rien autre d'essentiel.

L'industrie ne s'y développait pas à la manière de Saintes ni le négoce à la manière de Bordeaux. Peut-être, à cause de ses bons offices d'autrefois, de sa situation centrale entre Loire et Garonne, Océan et montagnes, en fit-on pendant quelque temps le centre du gouvernement d'Aquitaine : mais la chose ne dura pas[234], et je pense que les gouverneurs s'y ennuyèrent. Beaucoup de gens passaient sans doute par Poitiers, sur ce seuil et cette route indispensables à l'Occident, mais on ne s'y arrêtait pas : ni hommes ni pays n'offraient d'irrésistibles attraits. C'étaient lieux de retraite plutôt que de plaisir : les rivières disposaient dans leurs replis des abris charmants, où l'on pouvait goûter le repos, adorer ses dieux, rêver ou réfléchir en son âme, sans s'éloigner trop du inonde et de ses routes[235]. Poitiers inspirait tout à la fois le respect des façons anciennes[236] et l'attachement aux pratiques sociables[237]. C'était un beau cadre qui restait du passé, mais où les hommes respiraient encore en nombre et en pleine santé, et où une vie intense pourra reprendre aisément aux heures d'action, religieuse ou militaire.

La route, au nord de Poitiers, redescendait vers des horizons plus larges[238]. Un instant, elle avait des bois à traverser, ces bois d'Ingrandes[239] près desquels Châtellerault veillera plus tard, en sentinelle avancée qui garde la marche du Midi. Mais, la forêt franchie, devant ces espaces moins découpés, ces cultures plus uniformes, ces rivières plus larges aux contours mal définis, on s'apercevait que le Poitou était terminé et que l'on s'avançait sur le domaine des cités du val de Loire. — Cette frontière n'était pas seulement municipale : ici finissait la province d'Aquitaine, que nous n'avons pas quittée depuis les Pyrénées ; là commençait la province de Lyonnaise, où nous allons pénétrer. Cette séparation, d'ailleurs, était surtout d'ordre administratif : car ni le, hommes ni les villes ni lieu dieux ne changeaient ait nord du seuil de Poitou ; nous restons chez des Celtes et sous l'empire de Mercure

 

IX. — L'ENTRÉE EN LYONNAISE. TOURS, ORLÉANS, PARIS.

Cette province de Lyonnaise, que.les Romains appelèrent un instant la Celtique, était le plus mal façonné des districts transalpins. Elle fut constituée par la longue et étroite bande de terre comprise entre la Loire et la Seine, depuis Lyon où elle commençait jusqu'au cap Finistère où elle se terminait. Il y avait en elle trois groupes de pays, de nature et de vie distinctes : au nord-ouest, ceux de la mer, l'ancienne Armorique et la future Normandie ; dans les montagnes du sud-est, la Bourgogne et ses dépendances ; entre les deux, les plaines et les coteaux du val de Loire et de l'Île-de-France, que parcourait, rapide et rectiligne, la grande route de l'Ouest[240].

C'est devant Tours que cette route traversait la Loire[241]. La ville commençait à peine son existence : son nom de Cæsarodunum[242], ville de César, rappelait qu'elle datait de l'ère romaine. Ce n'était que la capitale de l'insignifiante peuplade des Turons, dont le seul mérite fut d'avoir osé, d'accord avec ses voisins de l'Anjou, prendre les armes contre Tibère en pleine paix romaine[243]. Mais après ce beau coup, la nation retomba dans la banalité de sa vie coutumière, dont nous ne savons trop en quoi elle consista : peut-être un peu de culture et un peu de négoce, quelques barques qui descendaient le fleuve, quelques voyageurs qui prolongeaient leur étape dans la ville, des grands seigneurs qui régnaient sur de vastes domaines aux bords de la Loire et dont les régisseurs s'approvisionnaient aux marchés du chef-lieu ou aux foires des bourgades rustiques[244]. Mais ni la route ni le fleuve n'apportaient encore à la cité richesse ou gloire. De cette incomparable situation au centre de la France, de cette croisée maitresse que forment le. plus grand fleuve et la plus grande route de la nation[245], Tours ne tirait aucun avantage. La Loire était assez peu fréquentée par les voyageurs ou les trains de marchandises[246] ; la voie de l'Ouest n'avait pas acquis l'importance internationale des chemins militaires qui menaient de Rome en Bretagne ou en Germanie. Il faudra, pour que Tours accomplisse ses destinées, que la Gaule se sépare de l'Empire et qu'elle vive à nouveau de sa vie propre, sur ses routes naturelles, autour de ses fleuves, sous l'inspiration d'une dévotion nationale. Quand, au temps de l'indépendance celtique, elle avait vécu de cette manière, c'était dans cette région de la Loire qu'elle avait placé le foyer de son existence morale et la résidence de ses dieux communs : qu'on se rappelle l'assemblée des druides sur le sol carnute, milieu de la Gaule. Dans peu de siècles, sous l'action d'une religion nouvelle et d'une énergie nationale, la tombe et la basilique de saint Martin de Tours rendront à la Loire sa souveraineté nécessaire[247].

La route, la Loire franchie, restait en bordure des hautes terres qui longent et dominent la rive septentrionale, traversant de rares bourgades, longeant de beaux domaines où les mausolées des maîtres dressaient leurs formes et leurs couleurs étranges, tables donjons des morts plus hauts et plus visibles que les villas mêmes des châtelains[248] : car les défunts, sur les routes de la Gaule, s'imposaient parfois plus que les vivants. A Monceaux, on entrait dans l'immense[249] pays des Carnutes, si célèbre au temps des druides, et, cinquante milles plus loin[250], on s'arrêtait à Genabum, Orléans, leur antique port sur la Loire[251].

Les Carnutes étaient un nom bien oublié depuis les jours de la conquête. Autricum ou Chartres, leur métropole traditionnelle, demeurait une petite ville, loin des plus grandies mutes, écartée à deux journées au nord de la Loire[252] : elle ne comptait guère dans la vie de la Gaule, et, dans celle de son peuple, elle comptait bien moins qu'Orléans, port sur le grand fleuve et station sur le chemin. Ce n'est pas à dire qu'Orléans soit alors une ville fort brillante. Pour les mêmes raisons que Tours, il ne lui est pas possible de grandir. Sans les blés de la Beauce, ce ne serait qu'une bourgade pareille à mille autres, dont la principale gloire est dans les souvenirs de son passé et dans . le voisinage des cultes solennels de la Gaule antique[253]. Mais ces blés lui valent aussi d'être un entrepôt de grains et un centre de meunerie[254], ce qui du reste ne la change pas des temps gaulois. Ce n'est qu'au siècle suivant qu'apparaîtront les signes d'une nouvelle grandeur, lorsque Orléans, détaché du pays de Chartres, deviendra métropole d'une cité distincte[255].

A Orléans, la route quitte la Loire, et, à travers les blés, monte vers la Seine par l'isthme qui les sépare l'une et l'autre. A une journée avant la nouvelle rivière[256], on en perçoit les approches aux coteaux qui pointent sur le pays, aux villas plus nombreuses et aux cultures plus variées, aux bois qui coupent et nuancent l'horizon, aux ruisseaux qui serpentent dans des vallons plus profonds. Arrivé sur les hauteurs de Montrouge, on aperçoit la Seine[257], et, ainsi que pour la Loire à Tours, c'est une ville qui en marque le passage, Lutèce, Lutetia, ou, du nom de sa peuplade des Parisii, Paris[258].

A Paris également, les raisons de grandir ne se sont point fait toutes sentir. Paris est à coup sûr plus près que Tours et Orléans de la frontière du Rhin et de la route de Bretagne, c'est-à-dire des lignes de la Gaule où se marque le plus fortement le mouvement général de l'Empire[259]. Mais le Rhin est à trois cents milles d'ici[260], et la route de Bretagne à trente milles[261], et cette route néglige obstinément la vallée de la Seine[262] : Paris, à l'image d'Orléans et de Tours, se trouve réduit aux ressources du cabotage et de quelques va-et-vient sur terre.

Mais, comme ce cabotage s'étend sur trois rivières, que leurs rencontres, au Conflans d'Oise et au Conflans de Marne, appartiennent au peuple de Paris, et que les deux bras de la Seine, autour de l'île de Lutèce, s'allongent et se replient en ports excellents, la ville était déjà devenue un rendez-vous de mariniers et de négociants, un lieu d'entrepôt et de transit, où l'on voyait des marchandises de tout genre[263]. De plus, elle s'adossait à un arrière-pays, le Hurepoix au sud[264], la France au nord[265], qui sans doute n'était point très étendu, mais où les cultures se montraient tassées et différentes, la vigne sur les coteaux, le blé sur les plateaux, les près dans les vallons, partout les fleurs, lés légumes et les fruits, et un abondant gibier dans les forêts toutes proches[266]. La campagne, harmonieusement découpée, se prêtait à plus de domaines et de demeures que les étendues uniformes de la Beauce et de la Touraine. Chaque repli de terrain abritait sa villa[267], et la population était plus dense que dans la plupart des régions de la Gaule[268].

Aussi, sans être une grande ville, Paris avait déjà une allure plus vivante, une clientèle plus affairée et plus mêlée que ses deux voisines de la Loire. Des étrangers, des retraités s'y établirent[269] ; dieux romains et dieux celtiques, Ésus et ses grues[270], Castor, Pollux et leurs étoiles[271], y fraternisèrent dès le début de l'Empire. Une société de nautes y prit la haute main sur les transports fluviaux[272], et l'on sait ce que l'initiative d'une compagnie de ce genre peut produire de travail et de richesse dans un port de commerce : un jour celle de Paris osa s'adresser directement à l'empereur Tibère et lui envoyer en députation quelques-uns de ses membres, porteurs de présents et sacs doute quémandeurs de privilèges[273]. Paris gallo-romain offrait des éléments d'activité assez semblables à ceux qui ont fait grandir les cités de la Hanse.

On y bâtit beaucoup. A coté de la vieille ville gauloise, bloquée dans son île[274], une nouvelle agglomération se forma au sud de la Seine, aux la pente de la collige Sainte-Geneviève. A vrai dire, sur ce coteau, c'était moins un quartier de ville, mis ensemble de demeures continues, qu'un entassement de grands édifices : on y voyait un théâtre (rue Racine)[275], des arènes (rue Monge)[276], des thermes somptueux (Collège de France)[277], va marché bordé de portiques (rue Soufflot)[278], et un énorme édifice aux voûtes puissantes (Cluny)[279], qui était peut-être destiné aux réunions ou aux délassements du collège des nautes, car l'avant d'un navire chargé, symbole de leur activité, en décorait la salle principale[280]. Des monuments de ce genre, il s'en trouve partout ailleurs dans les Gaules ; mais nulle part ils ne sont plus rapprochés les uns des autres : tous d'ailleurs servaient à des besoins publics, et surtout aux affaires et aux plaisirs. Gela suppose que beaucoup d'hommes se rassemblaient à Paris : peut-être y avait-il, au sommet de la colline, quelque pèlerinage réputé[281], car ces lieux de confluents étaient, dans les Gaules, des lieux saints entre tous ; peut-être cet afflux de foule venait-il simplement de cette rencontre de rivières et de chemins et du commerce qu'elle provoquait.

Des trois villes médianes de la Lyonnaise, autour desquelles se formera plus tard la France royale, Paris est donc déjà la première. Mais elle n'en est pas moins encore une simple capitale de région, et elle a plus de promesses que de réalités. Sur la ligne de la Seine, en amont, Sens est une ville beaucoup plus belle, plus grande et plus active. — Regardons de ce côté, sur les terres de la future Bourgogne[282].

 

X. — EN BOURGOGNE : SENS ET LES SEUILS DU MIDI.

Ces terres de Bourgogne se sont laissé prendre par la vie romaine bien plus aisément que celles de l'Île-de-France et du val de Loire. Elles touchaient à la Saône, qui les attirait vers le Midi, à la colonie de Lyon, qui leur servait de port et de champ de foire. De part en part, du pont de Châlons aux cols du Jura[283], de Sens à Autun et à Fourvières[284], du Confluent au plateau de Langres[285], de Chalon au seuil de Belfort[286], elles étaient traversées par les grandes routes internationales de l'Empire, celles qui unissaient l'Italie et l'Espagne à la Bretagne et à la Germanie. C'était, sur ces routes, un encombrement continu de soldats, de courriers, de fonctionnaires, de marchands, de touristes, de pèlerins, de charrettes et d'animaux de mille sortes[287]. Tous les princes qui ont guerroyé en Occident, depuis Jules César jusqu'à Aurélien, ont été les familiers de ces routes ; elles ont servi à toutes les armées qui ont voulu conquérir l'Empire pour leurs chefs[288]. Elles avaient succédé aux vieux sentiers où passaient les caravanes de l'étain et les Grecs de Marseille, elles ne leur ressemblaient plus guère, ni d'aspect ni de fréquentation : mais ce n'en était pas moins toujours la vie civilisée qui s'agitait sur ces pistes, invitant d'abord la Bourgogne aux charmes des nouveautés. Cette luxuriante contrée, déjà belle par ses blés, ses vignes et ses troupeaux[289], acquérait une valeur de plus aux leçons qu'y laissaient ces passages d'hommes. De même qu'au Moyen Age, elle précéda le reste de la Gaule intérieure dans les progrès vers les biens de la richesse ou de l'esprit, gardant ainsi l'avance que lui avait- depuis longtemps assurée son peuple des Éduens, les plus intelligents des Celtes. Les villes y sont nombreuses, et on les voit rapidement grandir aux ports des rivières et aux croisements des routes. Dans les temples et les nécropoles, l'art de bâtir et de tailler la pierre se développe avec complaisance, comme si l'on ne veut rien perdre des beaux calcaires du pays ; et le style en est parfois d'assez noble allure[290]. La statuaire est en particulière estime, et les morts des plus petites bourgades[291], les dieux des plus obscurs vallons exigent chacun son image. Il n'y a pas de région en Gaule, même dans le Midi, où les hommes aiment davantage à circuler et à construire tout ensemble, ce qui ne les empêche pas de prier à chaque heure du jour et à chaque détour du chemin : car, si en Bourgogne les demeures et les routes humaines sont rapprochées et serrées, les chapelles saintes et les sentiers de dévotion y sont presque aussi nombreux[292], et c'est, sur les collines, près des sources, aux carrefours et dans les bois, un monde grouillant de dieux[293].

De Paris, en remontant la Seine, on atteignait le territoire de Sens au delà des marais de l'Essonne[294] et de la forêt de Sénart[295] : et c'était presque aussitôt la petite ville de Melun, image, dans son île, de la Lutèce d'aval[296]. Puis, la Seine s'écartant à l'est, on la quittait pour l'Yonne, et la cité de Sens apparaissait.

Celle-ci était une vieille capitale gauloise, dont les Romaine n'avaient touché ni au nom d'Agedincum[297] ni au site traditionnel : bâtie sur terrain de plaine, au milieu de terres fertiles, sur le bord d'une rivière navigable, elle se prêtait d'avance aux conditions que le nouveau régime imposait à ses cités. César avait déjà prévu et préparé ses destinées, en faisant d'elle son quartier général dans les Gaules. — Car plus d'une fois l'intelligent proconsul sut marquer par la place de ses camps ou par la durée de ses séjours les villes qui arriveraient à la grandeur sous le règne de ses héritiers : Reims, Arras, Amiens, Paris et Sens commencèrent leur vie romaine en servant de résidence à César.

La prospérité de Sens, tout ainsi que celle de Paris, tenait à des rencontres de rivières. Mais ici, les confluents agissent à distance : à vingt milles au nord, c'est celui de la Seine et de l'Yonne ; à vingt milles au sud, c'est celui de l'Yonne et de l'Armançon ; et ces trois rivières, qui descendent du midi, continuent les seuils par où on traverse les montagnes centrales, par où on arrive de la Méditerranée. Sens est le lieu d'arrêt au débouché des passages de Bourgogne, à l'endroit où les vallons s'élargissent en plaines, les ruisseaux en fleuves, les bois en clairières[298] ; et ce repos, ce gîte d'étapes est environné de vastes prairies, d'opulentes moissons, d'eaux claires et abondantes, de carrières inépuisables. Voilà Sens une grande ville[299], pleine de marchands[300], de populaire et d'étrangers[301], bien bâtie et bien décorée, riche et monumentale[302] ; et l'on dirait qu'elle tient, dans la Gaule romaine, la place et le rôle que l'ancienne France donnera à Paris. Son principal édifice, l'un des plus considérables de la Bourgogne latine, était un temple consacré à Mars, Vulcain et Vesta[303] ; et si quelque vieille triade de dieux celtiques s'était à l'origine dissimulée sous ces noms, il y avait beau temps qu'on ne se la rappelait plus. Près de là s'élevaient les thermes les plus ornés de la Gaule centrale ; et sur les bas-reliefs qui couvraient ces grandes murailles ne respiraient et n'agissaient que des dieux classiques, Neptune et Jupiter combattant les géants, Minerve terrassant Encelade : l'on eût dit que les sculpteurs de Pergame avaient envoyé une colonie de leurs élèves pour essayer leur manière sur la pierre de Bourgogne[304].

De Sens on gagnait le Midi par de nombreuses routes, disposées le long des rivières dont nous avons vu l'éventail s'ouvrir autour de la cité ; et ces routes traversaient à la fois des villes neuves et obscures, des lieux très anciens et très célèbres. Sur ces seuils où les générations humaines passaient et produisaient sans cesse, il se créait à tout instant des formes nouvelles de la vie sociale, tandis que les choses d'autrefois recevaient de nouvelles raisons de durer.

A l'est, c'est le chemin à demi rustique de la Seine[305], qui dessert d'abord Troyes encore neuve et modeste, petit port de rivière auquel l'empereur Auguste a donné son nom et la fortune d'une capitale de cité[306], qui traverse ensuite les pâturages du triste plateau de Langres, éternellement occupé par les armées des bêtes au pied fourchu, et qui descend enfin sur les terres plus riantes du bassin de Dijon[307]. — Au centre[308], c'est le chemin des lieux saints[309] et des souvenirs d'Hercule, de Vercingétorix et de César, la voie sacrée de la Gaule, qui, par les longues croupes des bords de l'Armançon, monte à Alésia, la métropole religieuse de l'ancienne Celtique, et finit au lieu divin de Dijon. Car Alésia existe toujours, et il se tient toujours sur son plateau un cénacle de dieux et des assemblées de dévots : seulement, aux dieux anciens sont venus se mêler Mars et Bellone, et d'autres, et l'Oriental Mithra lui-même, et les assemblées se réunissent, à l'imitation de Rome, dans des monuments couverts, portiques, temples, théâtre et basilique[310]. — A l'ouest, enfin, au-dessus de l'Yonne, c'est le grand chemin des marchands[311], qui s'en va vers les villes, Auxerre, Autun et Chalon, étapes préparatoires aux colonies du Midi : il faut, sur ce chemin, s'arrêter davantage.

Auxerre était un ancien village gaulois[312] dont les Romains avaient fait une petite ville pareille à cent autres, bourgeoise, laborieuse et fidèle aux dieux[313]. La route, au delà, commençait à gravir les pentes noires du Morvan[314] ; elle entrait chez les Éduens à l'ombre de leurs montagnes, de leurs hêtres et de leurs sanctuaires[315] ; puis, après des montées et des descentes qui n'en finissaient plus, elle arrivait sur les bords de l'Arroux, face aux coteaux où s'étageait Autun, la nouvelle capitale du grand peuple celtique.

 

 

 



[1] J'hésite à appliquer le mot d'Irénée à Lyon même ; mais nous constaterons à Lyon quantité de noms celtiques, d'usages indigènes, de Gaulois établis dans la ville. Remarquez que Pline s'étonne qu'il y ait là des libraires, tandis que Martial se félicite de satisfaire le goût des Viennois. L'impression, à Vienne, est d'une ville beaucoup plus latine qu'à Lyon.

[2] Voyez les bas-reliefs funéraires ; encore que les cheveux, chez les Gaulois de ces monuments, ne soient point toujours coupés courts. Lucain, I, 442-3, parlant des Ligures : Et nunc tonse Ligur.

[3] Silius Italicus, IV, 200 et s.

[4] Exactement 27 et peut-être 30 ayant rang municipal ; il faudrait porter le nombre à 35 ou 41 (avec les cités douteuses), en ajoutant les provinces des Alpes de ce côté des montagnes.

[5] 60 ou plutôt 64 (67 avec les colonies d'Augst, Nyon et Lyon ?). Je ne parle pas des villes du Rhin.

[6] Plus de cinq fois, car, en disant cinq fois, j'incorpore à la Narbonnaise les provinces alpestres, ce qui nous amène à 17 départements.

[7] Bordeaux, Saintes, Poitiers, Tours.

[8] Marseille, Aix, Arles, Avignon, Orange, Tricastini, Valence, Vienne, Lyon.

[9] Je laisse de côté quelques longs trajets sans ville, par exemple à l'est d'Aix, après Narbonne.

[10] De Saintes à Poitiers et d'Orléans à Tours, environ 80 milles ; environ 100 milles de Limoges à Bourges. Les métropoles de cités sont plus nombreuses et plus rapprochées dans la région de l'Oise et dans l'Île-de-France, ce qu'il est bon de noter pour comprendre les destinées ultérieures de ces terres.

[11] Voyez par exemple entre Limoges et Clermont (environ 100 milles entre les deux) la station de Prætorium.

[12] Ce qui était du reste le cas d'un assez grand nombre d'entre elles.

[13] Voyez par exemple la villa de Sacrovir, Tacite, Ann., III, 46.

[14] Iter privatum.

[15] Les anciennes histoires de Gascogne et des Pyrénées ne peuvent guère servir ce que l'on doit peut-être le mieux regarder, à cause de son érudition et de sa critique, c'est encore le vieil érudit de Marca, Hist. de Béarn, 1640 (réimpr. par Dubarat, I, 1894). Parmi les modernes, en dernier lieu : Bladé, Épigraphie antique de la Gascogne, 1885 ; Sacaze, Inscriptions antiques des Pyrénées, 1892.

[16] Sur cette route, le territoire de Toulouse et par conséquent la Narbonnaise finissaient sans doute, après le défilé des Petites Pyrénées, vers le confluent du Salat, par conséquent un peu au delà de la villa de Chiragan et de Martres-Tolosanes.

[17] L'inscription d'Hasparren, qui le fait connaître la première, dit Novem Populi ; on dira plus tard Novempopulana.

[18] Les colons ibères, surtout dans la zone des coteaux et de la plaise, en dehors des grandes montagnes ; les Espagnols assenés par Pompée et qui ont été le noyau de la civitas Convenarum ou du Comminges, ont dû être groupés auteur de Saint-Bernard.

[19] Iliberris : Auch et Elne ; Cancholiberi : Collioure ; etc.

[20] Dieux généraux ou épithètes générales des dieux : Abelio, Ageio (dieu de montagne ?), Andossus ?, Artehe (datif de Artehis ?, deus), Alardossus, Baicorrixus (ailleurs sous la forme Boccus Harauso ?), Basceiandossus (à décomposer en Andossus et Basceius ?), Erge (au datif, deus). Ilunnus, Lahe dea, Leherennus (rapproché de Mars, grand sanctuaire à Ardiège), Lelhunnus (épithète similaire de Mars, grand sanctuaire à Aire). Dieux ou noms locaux : Arardus (cf. cependant plus haut Aterdassus), Bæserte (au datif, à Basert), Horolates (à Ore), Garris (pic du Gar), Ilixo (Luchon). La distinction est du reste tries difficile à faire : tel nom de divinité peut se retrouver dans des endroits différents, et ne désigner que le dieu de l'endroit, ces endroits étant des accidents de la montagne dénommée partout pareillement. Il est encore plus difficile de distinguer les noms propres des dieux et leurs épithètes : Ilunnus, par exemple, doit être une épithète, car on trouve Herculi Ilunno Andose (XII, 4316 : Herculis Invictus sur le même autel) aussi bien que (au datif, XIII, 31) Astoilunno. Et ces épithètes doivent être moins nombreuses qu'os ne pense. Les divergences apparentes de mots ne doivent être que de ces variantes dialectales de phonétique ou de graphie ai fréquentes aujourd'hui encore dans les valvées basques et pyrénéennes ; voyez surtout l'utile répertoire de Meillon, Esquisse toponymique sur la vallée de Cauterets, 1908, Cauterets). Ainsi, je crois qu'entre Ilunnus et Lelhunnus et même Leherennus il n'y a pas de différence essentielle, que Bassarius et Basceius sont équivalents et peut-être aussi Beisirrisis (à comparer au nom de montagne Bassia, répandu dans les Pyrénées), et Artehis, qui est jusqu'ici la divinité propre de Saint-Pé-d'Ardet, rappelle trop le Mercurius Artaius de la Gaule pour ne pas être une épithète générale localisée. Les habitudes agglutinantes, toujours chères aux basques, et qui existaient dès lors dans les dialectes de ces régions, ont ajouté au nombre des variantes. — Les datifs en -e doivent, pour les noms de dieux, équivaloir au latin -i et annoncer des nominatifs en -is.

[21] Voyez par exemple une épitaphe du Comminges (XIII, 86) Senicco Seniæsonis f. sibi et Sunduccæ Fusci filiæ, uxsori, Orgoanno et Andoæponni filis.

[22] Les mots par exemple d'où viennent gave, neste, nive.

[23] Espérandieu, II, p. 4-28.

[24] L'autel au dieu de La Madeleine de Tardets-Sorholus, Herauscorritsehe (datif) ; dédicaces Montibus, Fontibus, Nymphis, Sexsarboribus, Fago deo ; autels avec figures d'arbres, Esp., II, p. 17-8 (Espérandieu a supposé que l'image figurée était celle du faine ; il serait possible que ce fût un hêtre stylisé). Et bien des noms divins étranges doivent être les équivalents indigènes de ces mots latins : par exemple Baicorrixus peut se décomposer en Baicus Arixus (on trouve Arixo et Marti Arixoni) et Baicus signifier fagus = hêtre ? ; et est-ce que Boccus Harauso ne serait pas la même chose (C. I. L., XIII, 78-9) ? N'oublions pas que ces régions pyrénéennes et basques ont présenté de tout temps des variétés dialectales infinies.

[25] Ce sont Hercule et Mars qui s'adaptent d'ordinaire aux dieux du pays ; Mercure est très rare ; Jupiter est assez répandu, mais se trouve accolé à quelque dieu indigène (à Cadéac, Jovi Optimo Maximo Beisirisse, XIII, 370 : nom de mont, Bassia ?).

[26] Dernière station balnéaire à l'est. On a dû aller aux Escaldes, qui sont d'ailleurs hors de Gaule, en Cerdagne.

[27] Dernière station balnéaire à l'ouest : je ne sais s'il y a des vestiges certains de thermes.

[28] Ilixo ; inscriptions nombreuses (XIII, 345-364), dont une de Rutène et une de Ségusiave ; mention des eaux par Strabon. — Dépendance du Comminges, autrement dit des Convenæ.

[29] XIII, 370-6. — Également dans le Comminges. — Il y a des vestiges romains à Capvern.

[30] Vicani Aquenses, XIII,389. — C'est par erreur que l'Itinéraire Antonin (p. 457, W.) accole Convenarum à Aquæ et non à Lugdunum ; il n'est cependant pas impossible que les Convenæ se soient étendus jusque-là. — Plus à l'ouest, on signale des vestiges romains à Cauterets, Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes, Saint-Christau : mais il doit y en avoir dans d'autres stations.

[31] Inscription de Soulan au tond de la vallée d'Aure : Ageioni ? (Revue des Ét. anc., 1911, p. 80) : c'est une des plus sauvages localités des Pyrénées.

[32] Le nombre des inscriptions latines dans les vallées de Louron et d'Aure est remarquable ; elles ne sont ni mal gravées ai mal rédigées.

[33] Je ne connais dans la cité d'Oloron que l'inscription rappelant la réparation, par un duumvir, de la route du Somport, au rocher d'Escot ; C. I. L., XIII, 407. Aucune inscription dans la cité de Lescar ; mosaïques, Invent., n° 409-419. — Déjà le Bigorre, ou la haute vallée de l'Adour (XIII, 883-406, 10014-7), est beaucoup plus pauvre en inscriptions que le Comminges. La richesse épigraphique ne sort donc pas de la vallée de la Garonne.

[34] Outre l'inscription d'Hasparren, on ne peut citer que l'autel au sommet de La Madeleine. Aucune mosaïque dans l'Inventaire.

[35] Inscription d'Hasparren, XIII, 412.

[36] On sait la rapide propagation du platane en Gaule : le sol du Pays Basque lui est particulièrement favorable.

[37] La route de Roncevaux en particulier, la plus fréquentée de l'Ouest, et sur laquelle cependant il a été impossible jusqu'ici de trouver des vestiges romains.

[38] J'ai peine à croire que les Vascons aient fait disparaître les traces de la toponymie latine : remarquez que la zone actuelle d'absence ou de rareté de noms en -ac ou en -an correspond exactement à la zone d'absence ou de rareté de ruines et d'inscriptions latines (Pays Basque et Béarn).

[39] La formation de la nationalité basque ou, ce qui vaut mieux à dire, de la zone de dialectes et d'habitudes basques, serait donc un phénomène de refoulement, c'est à savoir la compression graduelle des éléments ibéro-ligures, au nord par les influences celtiques et gallo-romaines, au sud par les influences de l'Espagne latine : l'eskuara dans son état actuel ne serait pas le résultat d'une conquête, d'une migration, de l'installation d'un groupement homogène. Et c'est ce phénomène de refoulement qui expliquerait les extraordinaires divergences, vallée par vallée, des dialectes basques : divergences qui ne se seraient point produites si toutes les populations de ces vallées avaient reçu leur langue d'une migration ou d'une conquête unique, comme celle des Vascons. Bien entendu, je ne tiens pas compte de la conquête initiale par les Ibères.

[40] J'incline à croire qu'à l'époque romaine la frontière entre Gaule et Espagne était marquée de ce côté par la Bidassoa maritime (comme aujourd'hui), Oyarzun (Oiasso) et le Jaizquibel devant être aux Vascons et à l'Espagne : a Pyrenæi promuntorio Hispania incipit : c'est le cap du Figuier (Pline, IV, 110 ; Mela, III, 15). Quant à la vallée propre de la Bidassoa (Baztan, Cinco-Villas, Lérin), presque toute espagnole aujourd'hui, on peut supposer qu'au temps d'Auguste elle partageait les destinées gauloises de Bayonne. Sur la route de Roncevaux, je ne doute pas que la limite n'ait été au col d'Ibañeta et aux futures croix et chapelle de Charlemagne.

[41] Lapurdum peut être le nom primitif de Bayonne, passé ensuite au pays (Labourd) ; mais l'inverse a pu aussi se produire. — Ce n'est encore qu'un vicus de la cité de Dax, cité dont dépend, outre le Labourd, la Basse Navarre (Saint-Jean-Pied-de-Port ; mines de Baïgorry). — Bayonne, au IVe siècle, reçut des remparts assez importants (un peu plus de 1100 mètres de pourtour) et une garnison (Not. dign., Occ., 42) : mais l'absence de ruines antérieures ne nous permet pas de dire encore si cette importance militaire, justifiée d'ailleurs par le voisinage de la mer, du fleuve, des montagnes et des routes, est la suite d'une ancienne prospérité ou le commencement d'une destinée nouvelle, provoquée par les incursions des pirates de la mer du Nord. il est en tout cas vraisemblable que Bayonne a dû toujours compter comme marché aux poissons, langoustes surtout.

[42] L'Adour se recourbait à Bayonne, pour se jeter dans l'Océan beaucoup plus au Nord, à Capbreton ?

[43] Je ne peux que rappeler ici l'insignifiance des ports et de la vie maritime depuis la Bidassoa jusqu'à la Gironde.

[44] Benearnum, civitas Benarnensium, nom de chef-lieu né peut-être de celui de la peuplade, Benarni ? Mais le nom de la localité, Lascurris, a repris l'avantage au Moyen Age, laissant subsister, pour désigner le pays, le nom de la civitas : je ne saurais dire si ce nom de localité est primitif. — L'identité de Béarn et de Lescar ne me parait pas en question ; et j'ai peine à comprendre qu'elle ait été si souvent discutée.

[45] Iluro, Iluronemes, nom de ville et de peuplade ? Il s'agit de la route du Somport. — Oloron, dont dépendent les eaux de Saint-Christau, Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes, est la vraie cité pyrénéenne de cette région, le Béarn de Lescar étant limité aux terres moyennes du gave de Pau, entre les gorges de Bétharram et les défilés en aval d'Orthez. — Le Lavedan, Levitanus, haute vallée du gave de Pau ou vallée de Lourdes, à l'est, appartient au Bigorre. — La Soule, à l'ouest, appartient sans doute, comme le Labourd, au vaste domaine de Dax.

[46] C'est, je crois, l'Oppidum Novum de l'Itinéraire Antonin (p. 457, W.), sur la route de Toulouse et Bagnères vers Lescar, et c'est peut-être aussi le castrum Bogorra de la Notitia Galliarum (14). Peut-être Lourdes a-t-elle été, avant Tarbes, la métropole du Bigorre.

[47] Il ne s'agit pas de la célèbre source voisine du gave, mais de celle dont la présence, près de la Mairie, a été révélée par l'inscription Tutelle (Revue des Ét. Anc., 1912, p. 412). Lourdes est maintenant assez riche en inscriptions, XIII, 11015-7.

[48] Civitas Turba, ubi castrum Bogorra ; Notitia Gall., 15 ; cf. C. I. L., XIII, 395. Il semble résulter du texte de la Notitia que Tarbes était, au moins à la fin de l'Empire, la métropole du Bigorre. Mais d'autre part, Grégoire de Tours ne l'appelle que vicus (si du moins Talva désigne ici Tarbes ; Confessores, 48) ; et si Tarbes avait été métropole sous le Haut Empire, il me semble que les itinéraires auraient mentionné des routes passant par là : ce qui n'est pas. On peut croire que Lourdes, d'ailleurs mieux placée, a été d'abord la métropole. J'hésiterais beaucoup plus à mettre cette capitale et le lieu de Turba à Cieutat : le nom, civitas, n'est pas une preuve suffisante ; à la rigueur Cieutat a pu, pendant quelque temps, soit remplacer Tarbes comme métropole, soit simplement posséder son évêque à titre de chef-lieu de pagus. Je dois mentionner aussi une théorie, assez bien construite, qui laisse aux Convenæ le Lavedan de Lourdes et la vallée de Bagnères, et donne pour métropole au Bigorre, réduit au bas pays, le vieil oppidum [Orrea ?, Orre ?] de Saint-Lézer (près de Vic-Bigorre), qui serait devenu le castrum Bogorra (Rosapelly et de Cardaillac, La Cité de Bigorre, 1890). — Le Bigorre devint le centre de l'industrie drapière en laines des Pyrénées. Marbres de Campan.

[49] Lugdunum Convenarum.

[50] Voyez les récentes recherches et fouilles de Lizop, Revue des Études anciennes, 1910, p. 399 et s. (le sol de cette plaine recouvre une masse énorme de débris) ; 1912, p. 395 et s.

[51] Remarquez, en Comminges, le culte particulier des arbres : sanctuaire du deus Fagus à la Croix d'Oraison près de Tibiran, à la limite, semble-t-il, de trois paroisses (Sacaze, p. 188 et s. = C. I. L., XIII, 223 et s.).

[52] Strabon, IV, 2. 1, vante la bonté de leurs terres.

[53] Saint-Béat et Sarrancolin et sans doute d'autres dans la vallée d'Aure. — Luchon est également en Comminges.

[54] La latinisation rapide du Comminges est attestée, comme celle d'Auch, par l'octroi du jus Latii sous Auguste (Strabon, IV, 2, 2).

[55] Chef-lieu, dont le nom indigène nous manque, de la civitas Consorannorum. Des Vies de saint Lizier semblent attribuer à ce chef-lieu le nom de Austria (cf. Valesius, Not. Gall., p. 153). — L'enceinte, du Bas Empire, a 740 mètres. — C'est de Saint-Lizier que provient l'autel à Minerva Belisama (XIII, 8).

[56] Il n'y a pas de cité et il y a peu de ruines dans les vallées supérieures de l'Ariège et de l'Aude.

[57] Elle est à la limite du Toulousain et du Comminges, mais sans doute, si l'on fait état des documents médiévaux, dans la première de ces cités. On a supposé (d'après XIII, 11007) qu'un de ses propriétaires avait été C. Aconius Taurus.

[58] Aquæ Tarbellicæ, Aquæ Augustæ, nom du chef-lieu, que la civitas a également pris, et de bonne heure, civitas Aquensium. Celle-ci s'est appelée au début Tarbelli Quattuorsignani (Pline, IV, 108 : C. I. L., II, 3876). — C'est, comme territoire, la plus grande civitas de la Novempopulanie. — Au Bas Empire, les remparts de Dax avaient 1463 mètres, la ville 12 à 13 hectares.

[59] On lui laissa le Labourd et la Soule, sans doute pour ne pas enlever à la cité ses anciennes mines d'or pyrénéennes (Strabon, IV, 2, 1). Salines. — Le territoire de Dax et la ville en particulier recevaient aussi une importance du passage de l'Adour (sur un pont ?) par la grande roule de l'Ouest, de la bifurcation de cette roule vers Roncevaux et vers le Somport, de l'arrivée en cet endroit de la route subpyrénéenne partie de Toulouse et de la route diagonale partie d'Agen : cela faisait de Dax le point central de la Gascogne. — C'est un problème à résoudre, que de trouver l'oppidum qui fut, avant Dax, le centre de ce grand peuple.

[60] Aire, vicus Julius, a dû être le chef-lieu d'une tribu d'Atarenses, gens de l'Adour, incorporée sans doute aux Tarbelles ou à Dax, transformée ensuite en civitas, cela, au plus tôt au IIIe siècle (elle est comme telle dans la Not. Gall., 14). Le nom de vices Julius persista longtemps à côté de celui de la peuplade, qui finit par l'emporter à l'époque mérovingienne sous la forme Aturre, Atora.

[61] L'existence de domaines impériaux peut être supposée d'après ce nom de vices Julius et les noms des affranchis qu'y signalent les inscriptions. — A noter l'important sanctuaire d'un Mars Lelhunnus.

[62] Elusa, nom de localité, formé peut-être de celui d'une tribu d'Elusates. Colonia Elusatium, XIII, 546.

[63] C'est le curieux oppidum d'Esbérous (oppidum double, avec belle source) ; l'Éauze romaine s'est développée à une lieue de là, sur le plateau du côté de la gare, au quartier de Cieutat ; la ville est montée, au Moyen Age, sur le mamelon qu'elle occupe actuellement. — Malgré le texte de Claudien, muros Elusæ (In Rufinum, I, 137), je n'ai trouvé aucune trace de remparts. — Au territoire municipal d'Éauze les Romains ont rattaché l'ancien oppidum royal des Sotiates, qui conservait une grosse importance (C. I. L., XIII, 548, 11031).

[64] Lactora, Lactorates, nom de tribu ayant peut-être, comme assez souvent en Aquitaine, formé le nom d'une ville.

[65] La Fontélie, Fontelho, Houndelie, Hount-Elyo. Sur le culte de la Mère à Lectoure, C. I. L., XIII, 504-25. Les noms de personnes sont romains presque en totalité.

[66] Ausci ou Auscii, nom de la peuplade ou de la civitas ; Eliberre pour Iliberris, nom de la ville. Iliberris était peut-être surnommée Augusta (Ptolémée, II, 7, 11).

[67] La fertilité du pays d'Auch est rappelée par Strabon, IV, 2, 1.

[68] Sauf une inscription Herculi Toliandosso Invicto (XIII, 434), les, dieux sont latins ou latinisés. Les noms aquitains s'y mêlent de noms celtiques et romains. Auch a livré une des épitaphes latines les plus littéraires de la Gaule, celle de la chienne. Librarius. Autres indices de culture latine très précoce : l'octroi du jus Latii sous Auguste (Strabon, IV, 2, 2), l'épithète de opulentissima que lui donne Méla (III, 20), la présence d'un curator civium Romanorum (XIII, 444), de vétérans légionnaires (XIII, 442-3).

[69] A une exception près, à savoir l'avancée que faisait, sur la rive droite de la Garonne, dans la vallée du Dropt, le territoire de la seule civitas de l'Aquitaine non gauloise qui touchât le fleuve, la petite cité de Bazas (Cossio, nom de la ville ; Basates, nom de la peuplade). — Jusqu'ici Bazas n'a livré aucune ruine appréciable de l'époque romaine ; il ne peut être rapproché d'aucune des villes dont nous venons de parler, et ce ne devait être, en dépit de son titre municipal, qu'un marché entre Landes et Garonne. — Bazadais installé à Bordeaux.

[70] Les piles d'Aiguillon dans l'Agenais, statue de Vénus au Mas d'Agenais, sarcophages de Saint-Médard-d'Eyrans en Bordelais.

[71] Aginnum, métropole des Nitiobroges, imposera son nom à la civitas, mais très tardivement. — Le chef-lieu du peuple devait être, jusqu'au moment où les villes descendirent dans la plaine, l'oppidum du plateau de l'Ermitage, qui s'élève face à Agen, à 120 mètres environ au-dessus de la Garonne, et qui mesurait environ 50 hectares. — Agen a jusqu'ici livré très peu d'inscriptions caractéristiques. La vie, chez ce peuple, devait être surtout faite de bons domaines, de petites bourgades, Tonneins (XIII, 583), Eysses (Excisum, station militaire), Ussubium au Mas d'Agenais ? (XIII, 919), etc.

[72] Mais les pruneaux d'Agen ne remontent certainement pas à l'Antiquité.

[73] Une chose importante à noter, c'est que, outre les influences romaines, les habitudes gauloises ont continué à pénétrer et à se développer, dans l'Aquitaine des Neuf Peuples, sous le régime impérial. Les noms celtiques d'hommes ne sont pas rares ; les noms de lieux en -acus y sont très fréquents, sauf en Pays Basque (où ils manquent complètement) et dans les cités de Lescar et d'Oloron (où ils sont peu communs). Les piles ou mausolées me paraissent être, dans la mesure où elles sont d'inspiration non classique, d'influence celtique plutôt qu'ibérique. Cela, et d'autres indices, montrent que la Gascogne se celtisa, et que les noms bizarres des dieux et des hommes doivent être le plus souvent des survivances onomastiques ou toponymiques plutôt que des produits de la langue courante.

[74] Dans les trois principales villes, Bordeaux (Bituriges Vivisques), Agen (Nitiobroges), Dax (Tarbelles). La chose est incertaine pour Lectoure, Ésuze, Oloron, Aire, Béarn, qui peuvent être des noms de lieux ou des noms de tribus.

[75] Voies parallèles aux Pyrénées ou à la Garonne : de Toulouse à Dax, sans doute avec branche de Lescar à Bayonne ; de Toulouse à Eauze, Sos, Bazas, Bordeaux ; de Toulouse à Lectoure et Agen ; de Toulouse à Agen et Bordeaux par la Garonne. Voies perpendiculaires : de Bordeaux à Dax, Roncevaux ; de Lescar (venant sans doute d'Aire et Bazas) au Somport ; d'Agen à Lectoure, Auch et sans doute au delà, vers la vallée d'Aure et vers Luchon. Voies transversales : la vieille route suivie par Crassus, par Agen, Sos, Tartas, Dax et Bayonne ; un chemin d'Auch à Oloron. Remarquez que Tarbes est un peu a l'écart de ces voies principales.

[76] Voyez à Bordeaux les immigrés de l'Aquitaine novempopulane de Dax (XIII, 609), du pays de Buch (615, 570 ?), de Bazas (le père d'Ausone, médecin, quitte Bazas pour Bordeaux, Epic., 2, 4).

[77] Jullian, Inscriptions romaines de Bordeaux, 1887 et 1890.

[78] Burdigala, capitale des Bituriges Vivisci, nom qui disparaîtra. La qualité de liberi (civitas libera) n'est indiquée chez Pline (IV, 108) que par une addition au ms. E, XIe siècle, correction faite, d'après un plus ancien ms., au XIe ou XIIe siècle (Paris. 6793, f° 35 r°). — Enceinte du Bas Empire, 2330 mètres, embrassant environ 33 hectares.

[79] A Trèves, il est vrai ; la part des gens du pays dans l'activité commerciale a été considérable ; mais il y a eu là l'action exercée par les negotiatores italiens (Tacite, Ann., III, 42), par le voisinage des armées, par le séjour des princes.

[80] Il est assez remarquable que l'épigraphie n'ait pas encore révélé à Bordeaux l'existence d'une aristocratie indigène, s'étant illustrée sur les champs de bataille de l'Empire ou autrement. Je n'arrive pas à y retrouver trace d'une lignée du cru. Ausone est fils d'incola. Toutefois, il y eut d'assez bonne heure de grandes richesses locales : C. Julius 9écundus, préteur (sous Claude ou plus tôt), lègue deux millions de sesterces pour l'amenée des eaux.

[81] Les romanciers médiévaux, qui faisaient fonder Bordeaux par Titus et Vespasien (Livre des Coutumes, p. 382 ; etc.), possédaient-ils quelque chronique mentionnant un avantage accordé à la ville par ces empereurs ? ou obéissaient-ils simplement à la vogue dont le Moyen Age entoura Vespasien ?

[82] L'amphithéâtre, les Piliers de Tutelle. La présence d'acteurs laisse supposer un théâtre. Les débris d'architecture et les morceaux de sculpture conservés au Musée n'annoncent pas non plus les premiers temps de l'Empire. Tout au plus peut-on placer les thermes sous Claude ou Néron, si l'on en juge par les statues dont on a trouvé les dédicaces, XIII, 589-591 ; l'aqueduc et les fontaines me paraissent, de même, contemporains de Claude (C. I. L., XIII, 598-800).

[83] Si nombreux que soient les étrangers installés à Bordeaux, je ne trouve, en fait d'Italiens, qu'un licteur (XIII, 593).

[84] Dans la mesure où la vigne ne l'avait pas remplacé.

[85] Les huîtres du Bas Médoc, les muges ; pour les saumons, Pline, IX, 68 (in Aquitania) ; pour les autres poissons, je n'ai que des textes médiévaux. Je dois ajouter que l'alose, au dire d'Ausone, était en ce temps-là moins appréciée que de nos jours. Cela m'étonne de la part d'Ausone, qui était bordelais : parlait-il de la fausse alose, la gate ? faisait-il allusion aux aloses communes de fin de saison ? y avait-il de son temps à Bordeaux quelque proverbe dans le genre du proverbe actuel : Jamais riche ne mangea bonne alose, ni pauvre bonne lamproie ?

[86] Je n'ai point parlé de l'exportation du vin de Bordeaux, parce que nous ne la connaissons par aucun texte du Haut Empire.

[87] N'oublions pas que le Moyen Age a appelé la Garonne, devant Bordeaux, mare vocatum Geronda (Livre des Bouillons, p. 25 ; etc.).

[88] Rappelons-nous cependant le discrédit, au moins en amont, de la voie fluviale, et, en aval, de la voie maritime. Il n'est pas prouvé que le negotiator Britannicianus trafiquât par mer. La navigation compte surtout entre Bordeaux et Blaye.

[89] La vie industrielle, comme on l'a si souvent reproché à Bordeaux, y parait très faible. Peut-être des briques et poteries, et c'est tout jusqu'ici.

[90] Espagnols à Bordeaux, précisément originaires de villes renommées pour leurs aciers, Turiasso et Bilbilis. Peut-être aussi les oranges.

[91] Civis Treverus neg. Brtian(nicianus), XIII, 634.

[92] Cf. les originaires de Gascogne ; nombreux monuments en marbre des Pyrénées.

[93] Rutænus, XIII, 629.

[94] Séquanes et Ménapes à Bordeaux, XIII, 624, 631.

[95] Orientaux à Bordeaux : Syrien, Grecs, Bithynien de Nicomédie ; XIII, 619, 620, 625, 632.

[96] XIII, 628 (Rème) ; 637 (Ambien) ; 611 (Bellovaque).

[97] C'est Trèves qui est la plus représentée à Bordeaux (comme à Lyon) parmi les cités commerçantes (633-5).

[98] Comparez à tous ces étrangers le petit nombre, pour ne pas dire l'absence, de Bordelais indiqués comme négociants ou marchands.

[99] Cf. les stèles funéraires du Musée.

[100] XIII, 618 : c'est un citoyen romain.

[101] XIII, 623.

[102] XIII, 626.

[103] XIII, 630 (Séez) ; XIII, 616 (Corseul) ; XIII, 608, 610 (Angevin et Aulerque).

[104] XIII, 576 et 622. Peut-être le briquetier de Berry Merula. Jusqu'ici (sauf un Butène), je n'aperçois pas en ce temps-là une arrivée intense, à Bordeaux, de gens de l'Albigeois ou du Rouergue, comme plus tard.

[105] XIII, 636-7.

[106] En outre, de Carnonium chez les Vascons d'Espagne.

[107] Le graveur de la dédicace à Gordien, XIII, 592.

[108] Je rappelle ici l'hypothèse, que la présence de tant de tombes d'étrangers à Bordeaux peut aussi s'expliquer en partie par la sainteté particulière de son cimetière, qu'on retrouvera au Moyen Age.

[109] Je ne crois pas que Bordeaux, dans sa plus grande extension au IIIe siècle, ait dépassé le Peugue au sud et l'Audège au nord : la source de celle-ci (Oldeia), doit avoisiner l'amphithéâtre (Palais Galien).

[110] IX, 32 : Poscentem nummos et grandia verba sonantem possideat crassæ mentula Burdigalæ.

[111] Despendre = dépenser. Fragment d'un ensemble de dictons sur les villes de France, qui a dû se constituer au XVIe ou au début du XVIIe siècle. — La vie intellectuelle à Bordeaux se ramène, jusqu'ici, à des épitaphes de médecins, d'un sculpteur et d'un peintre.

[112] Il n'y a pas à insister sur le culte rendu par Bordeaux à sa source Divona et sur sa fontaine de marbre ; si important que ce culte ait pu être (lié peut-être à celui de la Tutelle), il n'y a rien là de bien particulier. Autres cultes dominants, Mercure et le Génie de la Cité.

[113] Le pays de Buch, autour du bassin d'Arcachon, formait le noyau de la civitas novempopulane des Boïens, la plus petite et la plus insignifiante de toute la Gaule. Je ne m'explique son maintien que par des motifs religieux. — Il est probable que, pour en renforcer l'étendue, on adjoignit au pays de Buch quelques autres pays ou tribus des Landes, par exemple le pays de Born (l'archiprêtré de Buch et de Born ayant autrefois foré un seul district ecclésiastique). — Cette civitas parait être celle des Landes, Landinorum, que mentionne l'Anonyme de Ravenne (IV, 41). — Il semble que le nom de Boiates (ou Boates) ait été appliqué à la civitas, celui de Boii à son chef-lieu (lequel nom a pu passer ensuite à la cité, episcopus ecclesiæ Boiorum ; Rev. des Ét. anc., 1903, p. 74). — J'incline toujours à placer le chef-lieu à La Teste : ce ne pouvait être d'ailleurs qu'une bourgade de pécheurs et un marché de résiniers. — Je rappelle ici qu'une des questions les plus débattues de la géographie de la Gascogne est de savoir ce qui se dissimule chez Ptolémée (II, 7, 11) sous les noms de Δάτιοι καί πόλις : si séduisante que soit l'hypothèse de corriger en Boates et de voir là le pays de Buch et La Teste, je ne peux m'y arrêter.

[114] La route de La Teste quittait le pays de Buch et la Novempopulanie vers Croix-d'Hins (Fines), sortait des pins à Pessac, où elle trouvait à sa gauche les vignobles des coteaux de la Mission et de Haut-Brion. — La roule directe de Dax arrivait à Bordeaux par Salles et Cestas. Salles (Salomacus pour Salomagus = forum salis ?), au passage de la Leyre, est peut-être le marché du sel (du bassin d'Arcachon ou du pays de Dax ?) vers la frontière des anciens Aquitains et des Celtes.

[115] Après le chemin de la Vie.

[116] Cf. Ausone, Mos., 20 : Culmina villarum pendentibus edita ripis. A Bourg, la villa de Léontius, qui a dû succéder à une villa plus ancienne (Sidoine Ap., Carm., 22) ; mention de villa à Gauriac, Gaviriacus (Pardessus, II, p. 175) ; ruines de la villa de Plassac (cf. Inscr. rom. de Bord., t. II, p. 164). — Il est à remarquer que cette grande voie de l'Ouest, au lieu de suivre la ligne directe de Bordeaux à Poitiers par Angoulême, incline d'abord fortement vers le nord-ouest, sans aucun doute pour desservir Saintes. Il est d'ailleurs probable qu'une route abrégée suivait cette ligne directe pour desservir Angoulême.

[117] L'opposition entre les deux trajets est bien marquée par Ausone, Epist., 10 ; cf. Grégoire de Tours, in gl. conf., 45 ; Chanson de Roland, 3688-9.

[118] C'est la conséquence de la marée ; Ausone, Ép., 5, 28-9.

[119] Remarquez le voisinage de Lormont (Lauri Mons ; cf. Sidoine, Carm., 22, 215 [?]) et du Cypressal (il est possible que ce dernier eût encore une importance religieuse au Moyen Age), l'un et l'autre près de Bordeaux. Il devait y avoir là, j'imagine, un double sanctuaire à Apollon et à Diane.

[120] Outre celles dont l'existence nous est révélée par les noms et les ruines, il faut citer, mais un peu au delà de Blaye, sur l'autre rive, Pauillac, Pauliacos (Ausone, Ép., 5, 10), qui parait avoir été dès lors le centre fluvial le plus important du Bas Médoc.

[121] Amis et Amiles, p. 54 (2e éd., Hofmann, 1882) : Un mardi vindrent a Blaivies la fort cit, virent les nés de vers Bordiax venir, les voiles droites ou li mast sont assis : Dex !... con ceste ville siet en riche chemin !

[122] Blavia, vicus, et peut-être castrum dès la fin du IIIe siècle ; Blavia militaris, dit Ausone, Epist., 10, 16 ; lieu de garnison d'une milice, milites Garronenses, sous le Bas Empire (Not., Occ., 37). Qu'on ait fortifié Blaye, simple vicus, et éloigné du Rhin, cela prouve que dès lors on redoutait les pirates de l'Océan.

[123] Il serait étonnant que le culte de saint Romain, à Blaye, protecteur des marins et des voyageurs, n'ait pas été pré6dé de quelque culte païen. La popularité de ce saint dans le Sud-Ouest s'explique par l'importance de Blaye comme port. — Outre la route principale dont nous parlons, un très important chemin de port reliait Baye à Angoulême et par là sans doute à la Gaule centrale. — C'est, je crois, le hasard qui fait la pauvreté de Blaye en vestiges romains.

[124] L'entrée chez les Santons était marquée par les landes et bois de Pleine-Selve. Blaye dépendait, comme le Médoc, du Bordelais.

[125] Mediolanum Santonum, plus tard Santones ; la civitas est dite par Pline Santoni liberi (IV, 108). On disait également Santoni et Santones.

[126] Il ne faut pas oublier que les Santons ont longtemps possédé le futur diocèse d'Angoulême, ce qui les conduisait jusqu'aux régions boisées du Haut Périgord.

[127] C. I. L., XIII, 1041-5, peut-être 1036, 1037.

[128] L'amphithéâtre, qui parait contemporain de Claude (XIII, 1038). L'arc (primitivement à l'entrée du pont) est contemporain des premières années de Tibère (XIII, 1036).

[129] Manupretiarii burrarii ?, XIII, 1036. C'est ce qui explique la présence à Saintes d'habitants de pays drapiers, Rème (1035), Nervien (1056).

[130] L'importance de l'industrie du cuir serait attestée par l'existence d'une corporation de lorarii, si l'inscription est exacte (1052).

[131] Remarques de Hirschfeld, C. I. L., XIII, p. 135.

[132] A noter l'existence d'un curator civium Romanorum, très haut personnage municipal, 1048.

[133] Je suppose cela d'après l'existence de l'arc, de celle du marché de Germanicomagus en Saintonge (au Bois-des-Bouchauds), de la prédominance des Julii parmi les grandes familles de Saintes, 1036-46. Dédicaces à des fils de Drusus et de Germanicus, en particulier à Claude, 1037-40.

[134] Le monument porte du reste aussi les noms de Tibère et de son fils Drusus, qui, eux, ne peuvent pas être venus en Gaule.

[135] Royan, Novioregum, et ses environs semblent avoir livré quelques débris romains ; la pile de Pirelongue est sur la route directe de Saintes à Royan. Ni à La Rochelle, ni à Fouras, ni dans l'estuaire de la Seudre ou dans celui de la Charente je ne connais rien d'important. Dans l'Anonyme de Ravenne, Tholosa parait dissimuler un port saintongeois (IV, 40).

[136] De La Sauvagere (Recueil d'antiquités dans les Gaules, 1770, pl. 2) supposait une enceinte du Haut Empire, qui aurait eu 3200 m. environ : c'est au moins douteux. — L'enceinte du Bas Empire, qui, dans une certaine mesure, permet d'apprécier l'importance respective des villes de la Gaule au moment des catastrophes du IIIe siècle ne parait pas avoir dépassé à Saintes un millier de mètres. — Ajoutez que l'accroissement du trafic sur la route directe de Bordeaux à Poitiers, le développement d'Angoulême sur cette route, son érection en métropole avec perle, par Saintes, au profit de la nouvelle cité, de la partie haute de sort territoire, tout cela a contribué au déclin de la vraie capitale de la Saintonge. Elle était, évidemment, trop à l'écart de la voie occidentale directe.

[137] Outre Poitiers, il faut citer, en premier lieu et particulièrement, sur la route directe de Bordeaux à Poitiers, et à mi-chemin entre les deux villes, Angoulême, Ecolisna (var. Iculisna ou Ecolisma), bâtie sur la plate-forme d'une colline élevée, dans un site à allure celtique analogue à celui de Poitiers : la ville, qui a livré bon nombre de vestiges romains, était chef-lieu important de pagus dans le pays des Santons, et forma plus tard une civitas indépendante : il est d'ailleurs probable que le pays d'Angoulême avait dû déjà, dans les temps gaulois, appartenir à un peuple distinct des Santons. — En outre : en Poitou, à la sortie des Santons, Aulnay, Aunedonnacum et Brioux, Brigiosum, sur la route directe de Saintes à Poitiers ; en dehors de cette route : Brasdunum, Bresdon en Saintonge (forteresse santone à la frontière des Pictons, peut-être sur un vieux chemin de Saintes à Bourges) : Exuldunum, Exoudun, en Poitou (voisinage de la route directe de Melle à Poitiers ; fontaine célèbre, source de la Sèvre) ; Aredunum, Ardin, en Poitou (vieux chemin de Poitiers en Vendée, à Luçon et aux Sables).

[138] Les trois localités suivantes, avec des théâtres : Germanicomagus au Bois-des-Bouchauds, près de Saint-Cybardeaux, sur la route de Limoges à Saintes, chez les Santons ; Herbord près de Sanxay, sans doute sur un vieux chemin de Vendée ; La Terne, chez les Santons, sur une route de Limoges à Aulnay ? — Sanctuaire de source [thermale ?] consacré à Damona à Rivières près La Rochefoucauld.

[139] La villa des couleurs à Saint-Médard.

[140] L'inscription Herculi de La Gaubretière aux abords de Tiffauges (XIII, 1136) est d'une villa plutôt que d'un sanctuaire. L'exploration de cette région révélerait bien des choses.

[141] La principale localité devait déjà être Lucio, Luçon (Anon. de Ravenne, IV, 40), où conduisait, allant jusqu'aux Sables, une vieille route de Poitiers. — Nécropoles à puits. — La principale industrie pouvait être la verrerie (et j'incline de plus en plus à rattacher à cette industrie et à la savonnerie les amas de cendres). Découverte de couleurs.

[142] On peut ajouter Tours ou Orléans pour les Bituriges. Je ne dis pas lieu de pèlerinage.

[143] Ruessio ou Ruessium, plus tard Vellavi, du nom du peuple, civitas Vellavorum libera, avec le titre de colonia. Le nom de la civitas, Vellavii, Vellavi, semble présenter le variante Velauni, Velaunii. — Saint-Paulien resta la métropole du Velay jusqu'au moment où ce titre passa à Anitium, Le Puy (Grégoire de Tours, X, 25), sans doute sous les Mérovingiens. — Le Puy parait n'avoir eu aucune importance à l'époque romaine. De Saint-Paulien proviennent toutes les inscriptions et sculptures qu'on a découvertes au Puy ; et aussi les antiquités de Polignac, comme l'inscription de Claude (XIII, 1610) et le fameux masque colossal (Esp., n° 1677). — Il me parait certain, sur le vu des lieux, que Saint-Paulien (pas plus que Javols) n'a été fortifié au troisième siècle : de là, sans aucun doute, son abandon pour Le Puy (comme celui de Javols pour Mende).

[144] Voyez les bas-reliefs, en particulier ceux des jeux d'Amours (Esp., n° 1849-83). Ce culte pour les Amours doit avoir son origine dans quelque tradition locale.

[145] C. I. L., XIII, 1389.

[146] XIII, 1577.

[147] C. I. L., XIII, 1597, 1602.

[148] C'est une des deux routes de Lyon, l'autre est par Feurs.

[149] Route de Ruessio à Javols (secteur de la route Lyon-Toulouse) par les monts de La Margeride, peut-être la plus mauvaise de la Gaule (allusion à cette traversée [mais peut-être plus au nord, en venant de Clermont], chez Sidoine, Carm., 24, 21).

[150] Anderitum, plus tard Gabali, du nom du peuple (on disait aussi Gabales), d'où Javols, sur le Triboulin. — Javols a été remplacé au Moyen Age, comme capitale du Gévaudan, par Mimate, Mende. — Anderitum (= grand gué plutôt que devant le gué ?) doit être la localité appelée ironiquement par Sidoine Apollinaire (Carm., 24, 25) urbs sublimis in puteo (par allusion à son nom ou peut-être à sa situation de caput civitatis).

[151] Celui que décrit Sidoine.

[152] Fromages du Gévaudan et du pays de Lozère.

[153] A Lanuéjols (XIII, 1567 ; le seul conservé), à Chanac (XIII, 1568), à Palhers (XIII, 1571). Tous trois, remarquons-le, sont aux abords de Mende, qui devait donc déjà tendre à devenir le centre réel, au détriment de Javols.

[154] A Banassac. — Les mines d'argent des Gabales (Strabon, IV, 2, 2) ne font plus parler d'elles.

[155] Route de Javols à Rodes (secteur de la route Lyon-Toulouse), soit en contournant soit en traversant (par Aubrac) les monts d'Aubrac.

[156] Segodunum, plus tard Ruteni (ou Rutæni) du nom du peuple. — Ici se pose une question, difficile à résoudre, de la géographie gallo-romaine. Qu'en était-il alors de la région rutène d'Albi, séparée du Rouergue de Rodez avant César, et qui forma au Bas Empire une civitas distincte ? Avait-elle ou non fait retour à la cité de Rodez ? A quoi on ne peut rien répondre de certain, si ce n'est que Pline, dans la liste des oppida Latina de la Narbonnaise sous Auguste, compte encore Ruteni (III, 37). Le pays d'Albi et Albi sont parmi les régions et villes les plus pauvres en ruines de toutes les Gaules.

[157] Par Lodève. Il y avait sans doute un chemin plus direct, mais plus difficile, par Saint-Pons.

[158] Pline, XIX, 8.

[159] Montans en Albigeois, et surtout La Graufesenque près de Millau en Rouergue (là est sans doute le marché de Condatomagus, sur la route de Lodève).

[160] Sidoine, parlant de Saint-Laurent-de-Trèves chez les Gabales, dit jugum nimis vicinum calumniosis Rutenis (Carmina, 24, 32-3).

[161] Familia Tiberii Cæsaris quæ est in metallis, C. I. L., XIII, 1530 : à La Bastide-l'Évêque, près de Villefranche. — Cuivre près de Carmaux et orpaillage dans le Tarn.

[162] Traces d'amphithéâtre, de thermes, d'aqueduc. Je ne puis affirmer que Rodez fut fortifié sous le Bas Empire : on y signale cependant des vestiges de remparts, enfermant, dit-on, une superficie de 25 hectares. — Lunel, La Ville de Rodez à l'époque romaine, 1888 (médiocre).

[163] Route de Rodez à Cahors par le marché de Carantomagus, Le Cranton [Caranton] dans Compolibat (secteur de la route de Narbonne vers Saintes).

[164] C'est sans doute un descendant de Lucter que M. Lucterius Leo, haut dignitaire municipal et prêtre au Confluent, auquel Cahors élève un monument (XIII, 1541).

[165] Sur la route, très facile, entre Cahors et Toulouse, est le vicus le plus important des Cadurques, Cosa, Cos (XIII, 1539, 1546), dont Montauban doit avoir hérité. — C'est un peu au sud de Montauban qu'était la frontière entre Aquitaine et Narbonnaise.

[166] Matelas en bourre de lin ; Pline, XIX, 13 : Nullum est candidius lanæque similius, sicut in culeilis præcipuam gloriam Cadurci obtinent ; cadurco, Juvénal, VI, 537 ; cadurci fasciis concubantem, Sulpicia [?], fr., p. 370, Bæhrens ; nivei cadurci, Juvénal, VII, 221 ; albedine cadurco [?], scholie de Juvénal, IX, 30.

[167] Cadurci vela texunt, Pline, XIX. 8 ; Strabon, IV, 2, 2. Il est probable qu'ils fabriquaient aussi des toiles pour tentes ou pour abris de marchés, ce qu'on appelait aussi cadurcum ; scholie de Juvénal, VII, 221.

[168] Mursens et Uxellodunum.

[169] Rencontre des routes de Saintes, Rodez et Narbonne, de Lyon à Agen, d'Orléans à Toulouse.

[170] Divona, Cadurci du nom du peuple.

[171] Voyez chez Ausone ce très riche fonctionnaire qui s'en va vivre sa retraite à Cahors : decedens placidos mores tranquillaque vitæ tempora finisti sede Cadurea (Prof., 18, 14-5).

[172] C'est sans aucun doute la fontaine des Chartreux. — La Porte de Diane est sans doute un fragment des thermes. — Aucune trace de remparts sous le Bas Empire. La tradition attribue la première fortification de Cahors à saint Didier au VIIe siècle (Vita, p. 19, Poupardin).

[173] Voyez le sarcophage de Cahors (Espérandieu, n° 1648).

[174] Route directe de Cahors à Périgueux par le Périgord Noir. Mais je crois aussi à un chemin plus long, rejoignant au gué de Lalinde la route d'Agen.

[175] Vesunna, chef-lieu, destiné à en prendre le nom, de la civitas des Petrucorii (Petrocorii ou, plus rarement, Petracorii). — Wlgrin de Taillerer, Antiquités de Vésone, 1821-6 ; en dernier lieu, les bons Comptes Rendus de Ch. Durand sur les récentes fouilles (Fouilles de Vésone, parus en 1906, 1908, 1910, 1911, 1912).

[176] La ville a succédé à l'oppidum d'Écornebeuf ou, pour employer une expression plus exacte, à celui du plateau de La Boissière (près de 37 hectares, d'après les mesures prises par de Fayolle).

[177] Les Pompeii ; XIII, 939, 943, 950-4, 1004-8, 11045. Remarquez la présence d'un curator civium Romanorum, assez grand personnage (XIII, 954).

[178] Inscriptions, XIII, 939, 949, 955, 956. Il serait d'un puissant intérêt pour l'histoire de l'architecture en Périgord, de reconstituer le mode de couverture et de couronnement de la tour.

[179] Périgueux est, avec Saintes, la ville de l'Aquitaine qui a été le plus réduite au IIIe siècle.

[180] Notez l'importance de la confrérie des bouchers, laniones, qui élève à ses frais un monument à Tibère et Jupiter ; XIII, 941.

[181] Peut-être l'équivalent de la Tutelle. Autres divinités du pays : deus Telo, la source du Toulon ? (XIII, 948, 952) ; dea Stanna, source curative ? (950) ; Apollo Cobledulitavus (930).

[182] Esp., n° 1267. — Développement du culte impérial (944-9), de celui de Jupiter Capitolin (940-3).

[183] Par Saint-Germain-du-Salembre, Calambrio [ainsi qu'il faut lire sur la Table de Peutinger] et Coutras, rive droite de l'Isle. Il y a d'assez grandes difficultés pour savoir où s'opéraient les passages de l'Isle et de la Dordogne.

[184] Route de Périgueux à Limoges (secteur de celle d'Agen à Orléans).

[185] Départements de la Vienne, de la Corrèze et de la Creuse.

[186] Je le suppose, vu l'absence de tout vestige important qui s'y rapporte à coup sûr pour cette époque.

[187] A notre connaissance du moins.

[188] Je crois du reste qu'on s'y livrait alors, et que la race limousine n'était point inconnue. Il est possible, d'ailleurs, que l'élève des chevaux, et en particulier des chevaux de guerre, si chère aux Gaulois, ait décliné sous les Romains.

[189] Route de Limoges à Saintes (de Lyon à Bordeaux) par Germanicomagus ; forêts de la Boixe et de Braconne.

[190] Augustoritum ou, du nom de la civitas, Lemovices. — Aucune trace certaine de remparts du IIIe siècle : mais il est bien difficile qu'un castrum n'ait pas été constitué sur la colline, près de la Vienne, dans la future Cité autour de Saint-Étienne. La ville du Haut Empire paraît s'être développée surtout entre cette colline et le gué (cf. La Boche-au-Gué), à 1500 m. en aval du pont Saint-Étienne.

[191] La vie rurale demeure très développée en Limousin (comme aujourd'hui). — Marchés : Cassinomagus ou Chassenon (enceinte sacrée avec théâtre), sur la route de Saintes ; Tintiniac avec son théâtre, son temple, ses basiliques ou marchés, qui est sans doute l'ancêtre de Tulle, sur la route de Périgueux à Clermont, au croisement, je pense, d'un compendium de Limoges à Rodez : Tintiniac est aujourd'hui dans la commune de Naves (Navæ), dont le nom doit se rattacher à quelque fontaine sacrée. — Sanctuaires : Chassenon ; Tintiniac ; Tutela ou Tulle ; Rancon, à droite de la route de Poitiers, un des rares sanctuaires de Pluton trouvés dans l'Empire (élevé par les Andecamulenses, XIII, 1449 ; associé à Hercule, 1448) ; sans doute aussi Brive, pont, sur la route de Cahors et Toulouse, au croisement de celle de Clermont à Périgueux. — Anciens oppida, bien disposés à la périphérie et sur les grandes routes : Acitodunum (Agetodunum, Agedunum), Ahun, sur la route de Limoges à Clermont ; Châteauponsac, à droite de la roule de Poitiers, voisin de Rancon ; Breth (dans Bridier), sur la route de Bourges et Orléans, peut-être le plus curieux, avec une source remarquable dans le voisinage ; Ussel, sur la route de Périgueux à Clermont ; Puy-de-Jouer [Divodurum ?] dans Saint-Goussaud, en Creuse, route de Bourges ; près de Guéret, Puy-de-Gaudy, avec sa belle source ; Puy-du-Tour dans Monceaux [vient de Mulsedone, Ant. Thomas], en Corrèze, près d'Argentat, direction de Tintiniac à Rodez ; le Montceix dans Chamberet ; sans doute Uzerche et Turenne, près de la route de Cahors et Toulouse ; etc. Je ne crois pas qu'il y ait eu dans aucune civitas de la Gaule plus de beaux oppida : c'était peut-être, à l'époque de la liberté, la région la plus riche en seigneuries rurales, et quelque chose de cela a dû demeurer à l'époque romaine.

[192] XIII, 1393 ; Mercure de bronze.

[193] Je ne puis croire cependant que la prééminence religieuse de Limoges au Moyen Age n'ait pas été précédée par quelque culte important du paganisme. Peut-être au gué de la Vienne (Augustoritum) y avait-il un sanctuaire impérial ou autre.

[194] Route de Limoges à Bourges (Agen à Orléans).

[195] Routes de Bourges à Poitiers ou à Orléans.

[196] J'ai dû laisser de côté, à l'est, le Vivarais, qui relève de la Narbonnaise, et le Forez, qui relève de la Lyonnaise.

[197] Les Bituriges furent peut-être les plus dévots de la Gaule Chevelue, et presque autant que Nîmes, à la fortune des empereurs : XIII, 1189 (Caligula) ; 1194 (Caligula et sa famille) ; Revue des Ét. anc., 1915, p. 275 ; XIII, 1193, 1318, 1320, 1330, 1353, 1355-7, 1362, 1364, 1373-7, 11162. Remarquez que nulle part en Gaule, peut-être, le culte impérial n'a pris au même degré un caractère rural.

[198] Avaricum, plus tard Bituriges. La civitas s'appelle toujours, par opposition aux Bituriges Vivisci de Bordeaux, celle des Bituriges Cubi. Pline dit Bituriges liberi qui Cubi appellantur (IV, 109). — L'enceinte de Bourges sera de 2100 m.

[199] Le développement de l'agriculture dans le Berry résulte du nombre de villages importants qu'on y rencontre.

[200] Néris (sur la route de Bourges à Clermont), Neriomagus (nom du lieu), Nerius (nom du dieu et de la source), une des stations les plus importantes de la Gaule : un soldat d'origine italienne vient y mourir, sans doute en traitement (XIII, 1383), à moins qu'il n'y ait eu pendant un temps une petite garnison : l'inscription gauloise dédiée au dieu blanc ?, Leucullosu [datif], semble l'œuvre d'un eques alæ Atectorigianæ (c'est ainsi que je traduis epadatexiorigi, XIII, 1388). A titre de curiosité, Moreau de Néris, Néris, capitale des Gaules, 1902. — Ivavus ou Évaux, près de là. — Bourbon-l'Archambault.

[201] Le Berry est la région de l'Aquitaine qui, après le Bordelais, a livré le plus d'inscriptions ; mais, tandis que dans le Bordelais elles se concentrent à Bordeaux, dans le Berry elles se dispersent dans un grand nombre de localités.

[202] Le nombre des grosses bourgades habitées, marchés ou lieux de petite industrie, est assez caractéristique chez les Bituriges : ce sont les urbes dont parle César. Ont livré des souvenirs importants : Saint-Ambroix ou Ernodurum, vicus (assez actif) ; Drevant, avec son théâtre, son forum, etc., lieu de marché et de pèlerinage ; Bruère, La Celle-Bruère, Allichamps, triple agglomération voisine de Drevant, qui forme avec lui un groupe très curieux à étudier ; le marché de Clion, Claudiomagus ; Châteaumeillant, Mediolanum ; Leprosus ou Levroux (source, sanctuaire et théâtre) ; le marché d'Argenton, Argentomagus, devenu ville de fabrique ; Alléans ; Déols, Dolus (sarcophage de marbre) ; Vendœuvres, vicus, forum et sanctuaire (XIII, 11151) ; Issoudun, Uxellodunum ; Sancerre (le Gorlona des ms. β de Jules César). En somme, surtout des vici et des fora plutôt que des oppida.

[203] Voyez les inscriptions et les tombes de Bourges et de son territoire.

[204] Vieux dieux et dieux topiques : Mars Rigisamus, 1190 (Bourges) ; Mars Mogetius, 1193 (Bourges, dieu de source ?) ; Mavida, 11082 (Bourges) ; Solimara, 1193 (c'est l'équivalent de Minerva ; Bourges) ; Naga ?, 11153 (Gièvres) ; dea Subremis ?, 11160 (Neuvy-sur-Baraujon) ; Soucona ?, 11162 (le ru de la Fontaine à Sagonne ?) ; Apollo Atepomarus, 1318 (au Peu-Bertand près Mauvières) ; Etnosus, 1189 (Bourges) ; Cososus, 1353 (dieu de source, à Maubranche ou à Levroux, mais plutôt à Maubranche, pays de sources et d'eaux vives [voyez le ruisseau de Chou, Chos]) ; sans doute aussi Leprosus, la fontaine de Levroux, Nerius, 1376-7 (Néris) ; Ibosus, 1370 (Néris) ; Leucullosus, 1388 (à Néris ; = deus Candidus ?) ; Ivavus, 1368 (Évaux). Remarquez ces désinences en -osus. Inscriptions celtiques : 1326 (Genouilly), 1388 (Néris). Il y a relativement peu de citoyens romains : un curator, sous Caligula, de rang inférieur (XIII, 1194).

[205] Audollent, Clermont gallo-romain (modèle de topographie urbaine), dans les Mélanges littéraires publiés par la Faculté des Lettres, 1910.

[206] Clarus mons : c'est, je crois, spécialement la colline qui porte la Cathédrale et qui portait sans doute le grand temple, qu'on peut supposer consacré a Bélénus ou Apollon (XIII, 1480-1). Clarus mons est l'équivalent latin du celtique Lugdunum et s'expliquerait assez bien dans l'hypothèse de cette consécration à Apollon. Quoique ce nom n'apparaisse qu'au VI siècle (Formulæ, Zeumer, p. 26 et 28), je le soupçonne bien plus ancien.

[207] Nemossus ou Augustonemetum doit désigner le lieu saint que formaient la colline et ses abords, ou peut-être seulement un bois sacré d'à côté.

[208] Ce fut le nom officiel jusqu'au IIIe siècle, où le nom du peuple, Arverni, prévalut. Clermont ne l'emporta que beaucoup plus tard. Sur ces changements de noms dans les villes. — Sans qu'il y ait une preuve absolue, je crois que Clermont a été fortifié au IIIe siècle, et que son enceinte devait avoir 2000 mètres (Ammien, XV, 11, 13, rapproche la ville de trois autres villes fortifiées). Mais je crois que plus tard le puy central, Clarus mons, a reçu un rempart spécial. — Le mur des Sarrasins n'a aucun rapport avec l'enceinte. C'est le fragment de quelque construction postérieure à Hadrien : thermes ?

[209] T. II, ch. XV, ch. XIV ; t. III, ch. I et IV.

[210] Arverni liberi, Pline, IV, 109.

[211] Sidoine Apollinaire, Ép., IV, 21, 5.

[212] Voici les routes qui convergent à Clermont : de Lyon en droite ligne par Feurs ; du Velay (Ruessio) et, plus loin, du Vivarais par le Pal, voie militaire, ou de Nîmes par la Regordane, voie populaire ; du haut Allier, qui mène du Gévaudan par Brioude, et, plus loin, de Nîmes par un chemin populaire ; de Cahors ou Rodez par Mauriac et, plus loin, de Toulouse ou Narbonne ; de Périgueux et Bordeaux par Tulle ; de Limoges et Saintes ; de Bourges et de la Loire ; de Nevers et de la Seine ; d'Autun et Vichy. Il va de soi que certaines de ces routes se confondaient aux abords de Clermont.

[213] XIII, 1522 et 1526 (negotiatores), 1462, 1463, 1464 (Gaulois à Clermont).

[214] Sidoine Apollinaire l'a bien comprise.

[215] Il est possible que l'importance du culte apollinaire à Clermont s'explique par là. Cf. à Autun, Apollo poster.

[216] Cf. Bonnard, Gaule thermale, p. 188 et s. A noter, à Mont-Dore, Siannus ou Sianna, qui parait bien un nom de dieu et de source, et, je crois aussi, un nom apollinaire (XIII, 1538). Ajoutez, comme eaux moins connues, Pont-des-Eaux (dans Nébouzat), Beauregard-Vendon (cf. Vindonnus), Châteauneuf, Corent. Jusqu'ici, rien à Châtel-Guyon.

[217] C. I. L., III, 987.

[218] Aquæ Calidæ, Calentes (Sid., Ép., V, 14). Sidoine : Scabris cavernatim ructata pumicibus aqua sulpuris atque jecorosis ac phthisiscentibus languidis piscina [on a supposé, je crois à tort, qu'il s'agissait de Mont-Dore]. On y adore Diane, Mars, les empereurs, Jupiter Sabazius ; on y vient d'Arles, de Lyon.

[219] Surtout à Apollon ou Bélénus.

[220] Je pense de plus en plus que le temple dévasté vers 254 par les Alamans était le principal temple de Clermont : à bien lire le texte de Grégoire (H. Fr., I, 32), on voit qu'il s'agit de la ville, et non du puy de Dôme : Veniens Arvernos [venu à la ville de Clermont] delubrum illud, quod Gallica lingua Vassogalate votant, incendit.... Juxta urbem, etc.

[221] Pour ce qui suit, C. I. L., XIII, 1517-28.

[222] Ou du moins la Gaule.

[223] Ici, ch. I, § 6. Mercurius Dumias, inscription du puy de Dôme (XIII, 1523) ; Mercurius Vindonnus, au pied de la montagne, peut-être un dieu de source (XIII, 1518) ; Mercurius seul, à Lezoux (1514) et au puy de Dôme ; Mercurius Arvernus, au puy de Dôme (XIII, 1522 ?), Mercurius Arvernus et Mercurius Arvernorix, dans les régions du Rhin. — Je ne peux établir un rapport certain entre ce Mercure et le Genius Arvernorum. — Mercure fraternisait du reste en Auvergne, comme ailleurs, surtout avec Apollon. — Mars semble y prendre surtout un caractère local : Mars Vorocius, sans aucun doute dieu de source, à Vichy (XIII, 1497), Mars Randosatis à Taragnat près de Courpière (1516).

[224] XIII, 1522, 1526.

[225] Aulnay, station militaire, doit appartenir à Poitiers, si on en juge par les textes médiévaux ; Brioux, Brigiosum, qui est plus loin, peut-être également station militaire (XIII, 1159), est certainement à Poitiers.

[226] Medolus, Metullum ou Metulum.

[227] Les mines d'Alloue, également aux Pictons. — A Melle, ce qui ajoutait à son importance, la route de Saintes à Poitiers recevait la route de Bourges et du Centre vers Saintes. Cette route coupait le chemin direct de Bordeaux sur Angoulême à Rom, Raraunum (C. I. L., XIII, 11, p. 662-3), qui avait par suite une certaine importance dans le Poitou.

[228] Limonum, plus tard Pictavi ; l'ancienne forme du nom du peuple, Pictones, n'est plus qu'une curiosité d'érudit, et c'est par extraordinaire qu'on trouve civitas Pictonum dans une inscription (XIII, 1129).

[229] Sauf Angoulême, Rodez et quelques villes de Gascogne, en particulier Auch, Oloron, Lescar et Lectoure.

[230] Je suis par suite étonné que les Pictons n'aient pas été dès l'origine civitas libera.

[231] Je crois en effet à une population assez dense à Poitiers et dans le pays voyez l'énormité de l'amphithéâtre, peut-être le plus grand de la Gaule, et l'importance de l'enceinte au Bas Empire, 2600 mètres environ, supérieure alors à toutes celles des Trois Gaules, sauf Trèves.

[232] Cf. Paulin de Nole, Carm., X, 249 : Pictonicis fertile rus viret arvis.

[233] C. I. L., XIII, 1124-7 (culte de Mercure à Poitiers), 1131, le sanctuaire de Mercure et Apollon à Herbord (XIII, 1172-4), Apollon à Antigny (Esp., n° 1412).

[234] D'après C. I. L., XIII, 1129, et peut-être 1131 : sous les Antonins ?

[235] Ligugé, Celle-Lévescault, Nouaillé, pour le Moyen Age. Ajoutez Herbord à l'époque païenne.

[236] Tablette celtique de Rom ; inscription celtique du menhir du Vieux-Poitiers (C. I. L., XIII, 1171) ; Minerve archaïque de Poitiers ; séjour et mort à Poitiers d'un Campanien de Téanum, haruspex sui temporis singularis (XIII, 1131).

[237] C. I. L., XIII, 1129, 1132, 1134.

[238] C'est sur cette route. dans la localité de Cenon, au Vieux-Poitiers [l'expression est ancienne, Verus Pictavis dans les textes médiévaux], qu'on rencontre le fameux temple avec l'inscription celtique ral[f]n orivattiom Frontu Tarbeisonios ieuru [ou Tarbelsonios]. Je crois l'inscription du début de l'Empire et annonçant un passage de la route sur une rivière, la Vienne (ou le Clain ?, par un pont : c'est là en effet qu'elle doit franchir l'un ou l'autre ; et je traduis par trajectum per pontem Fronto Tarbisonius ou Tarbelicus [originaire des Tarbelles ?? fils de Tarbos ou Tarvos ?] ehxit %. Et ce serait peut-être le nom du constructeur du pont, et le menhir aura pu être élevé là pour rappeler cette construction, encore qu'il suit possible que le menhir ait existé bien avant le pont, et que Fronto se soit borné à l'utiliser. — Le territoire de Poitiers s'allongeait, le long de la route de Nantes, à travers le futur pagus de Tiffauges, jusqu'à la Loire, qu'il atteignait face è Nantes, à Rezé (Ratiatum, Ptolémée, II, 7, 5 ; le mot doit être l'équivalent de trajectus, cf. plus haut). Les Pictons avaient dû tout faire pour avoir un port sur la Loire, et il ne serait pas impossible qu'ils aient essayé d'en faire un rival de Nantes : Rezé est au débouché, sur la Loire, de la route de Poitiers et du Centre, sans doute aussi de celle de Saintes et de la Vendée, et en outre, comme l'a très finement observé Léon Maître (Géogr., II, p. 41), la nature avait favorisé Rezé au détriment de Nantes.

[239] Le nom de la localité (de Icoranda) indique précisément la frontière.

[240] De là l'importance, qui n'apparait pas dans nos médiocres documents viographiques, des deux grandes routes de Lyon à Nantes et aux ports de l'Armorique par la Loire et de Lyon aux ports de la Normandie par la Seine, routes qui servent au légat de Lyon, pour ainsi parler, à tenir sa province.

[241] Je ne sais si c'est sur un pont : je crois plutôt que, comme sous les Mérovingiens, le passage se faisait par barque ou, le cas échéant, par pont de bateaux (cf. Grégoire, H. Fr., V, 49).

[242] Plus tard Turones ou plus souvent, Turoni. Civitas Turonorum libera sous Claude, \III, 3076-7. — L'enceinte du Bas Empire aura 1155 mètres et de 9 à 10 hectares.

[243] En 21 après J.-C.

[244] Anciens marchés de la Touraine (relativement fréquents, surtout au sud de la Loire) : Rotomagus (Pont-de-Ruan), au passage de l'Indre par la route de Poitiers ; Maniatomagus (Manthelan), au centre des plateaux de Sainte-Maure ; Turnomagus (Tournon-Saint-Pierre), près d'Yzeures, à la frontière de la Touraine, du Berry et du Poitou ; Cisomagus (Ciran-la-Latte), sans doute l'ancien marché du vallon de l'Esves, ancêtre de Ligueil.

[245] Ajoutez l'amorce des principales routes de l'Armorique et de la Normandie.

[246] Il n'est question qu'à Nantes de nautes de la Loire. Mais je crois que le passage de la Loire par la grande route devait entraîner un assez bon mouvement de batellerie ; voyez Grégoire de Tours.

[247] Tout ce qu'on peut dire sur le rôle religieux de la Touraine à l'époque romaine est l'importance qu'y a le culte de Minerve, appellation de la grande divinité celtique ; le temple d'Yzeures lui était consacré (XIII, 3075). Ce dernier temple, qui associe à Minerve Numina Augustorum et où est figurée la gigantomachie, doit rappeler les luttes de Marc-Aurèle contre les Barbares.

[248] Voyez la pile de Cinq-Mars, avec cette réserve, qu'elle est en aval de Tours.

[249] Loiret à moitié, Loir-et-Cher à moitié, Eure-et-Loir, partie de Seine-et-Oise.

[250] Blois, Blesum ou Blæsus, cité sous la forme Blezis dans l'Anonyme (IV, 28), est un vicus des Carnutes. — Sur la route de Bourges à Tours, en territoire carnute d'Orléans, Tasciaca, Thésée et les ruines de son curieux édifice, villa ou plutôt prætorium  qui me pareil, plus ou moins contemporain d'Hadrien. Comme, nous sommes aux confins des cités de Bourges, Tours, Orléans, Chartres, il me parait certain qu'il y eut là un lieu de foire et de pèlerinage fort important, auquel se rattache cette construction.

[251] Plus tard Aurelianum. — L'enceinte du Bas Empire, peut-être la plus régulière de la Gaule avec celle de Soissons, formera un rectangle d'environ 2100 m.

[252] Sur la route d'Orléans aux ports de Normandie.

[253] A Orléans, culte de la source Acionna, la fontaine de l'Étuvée près de la ville (XIII, 3003-5). Plus loin dans la campagne, le trésor de Neuvy-en-Sullias, où se trouve la mention du dieu Radiobus sur un cheval de broute (XIII, 3071). — D'accord avec Soyer, qui a bien voulu me communiquer ses recherches, je crois de plus en plus qu'il faut chercher à l'extrémité est de la forêt d'Orléans l'ombilic druidique. Je crois en outre qu'il est impossible qu'il n'ait pas laissé des survivances cultuelles ou archéologiques. Et je rattacherai à son voisinage tous les vestiges religieux qu'on trouve dans ces parages : le trésor de Neuvy-en-Sullias, les théâtres (qui ne s'expliquent que par des lieux saints) de Bonnée et de Bouxy, en bordure de la forêt du côté de la Loire, ceux de Sceaux, Triguères, Chenevières (dans Monthouy), de l'autre côté de la forêt, chez les Sénons. Il y avait là, évidemment, une sorte d'immense terrain sacré, — Je me suis demandé, avec Soyer, si la sainteté de cette région au Moyen Age (Fleury ou Saint-Benoît-sur-Loire) ne venait point de là ; et si, de l'autre côté de la Loire, le nom de Sully, Soliacus, qui a passé à tout le pays (Sullias), ne vient pas de la dea Salis, déesse chthonienne chez les Celtes ; mais sur ce dernier point, j'hésite encore. — De l'autre côté d'Orléans, le vallon de Vendôme, Vindocinum, devait être également un lieu saint (cf. Vindonnus, épithète d'Apollon et de Mercure), renfermant un théâtre (à Areines).

[254] Je suppose cela d'après Strabon, IV, 2, 3, qui l'appelle έμπόριον, et d'après l'état de choses antérieur à la conquête.

[255] En outre, Orléans est le départ de la roule de Limoges et Toulouse, Agen et tout le Midi ; de la route de Sens et Troyes, qui quittait l'Orléanais à Ingrannes (Icoranda), route qui a dû, au temps des druides, amener tous les pèlerins de l'Est ; croisement de la route de Lyon à Nantes et en Armorique ; le départ de la roule de Chartres et Normandie. Évidemment, ce réseau, qui mine à toute la Gaule, est antérieur aux temps romains et doit avoir servi aux formations des assemblées et pèlerinages celtiques.

[256] Le pays change d'aspect à Étampes, dont le pagus formait une saillie du territoire sénonais entre, le pays des Carnutes et celui des Parisiens. Celui-ci commençait à Châtres (Castrum), aujourd'hui Arpajon. La dernière station mentionnée dans les itinéraires avant Paris était Saclas (Salioclita) sur la Juine au pays d'Étampes, par conséquent chez les Sénons. Mais, comme Saclas est à 24 lieues (53 kil. de Paris), il devait y avoir une autre mansio à mi-chemin, sans aucun doute à Châtres.

[257] La direction de la route d'Orléans est marquée par la rue Saint-Jacques. — Cimetière de la rue Nicole.

[258] Lutetia, plus tard Parisii. — De Pachtère, Paris d l'époque gallo-romaine, 1912 (bon travail, où on a utilisé les dossiers, d'ailleurs fort confus, de Vacquer à la Bibliothèque de la Ville de Paris). Auparavant, surtout Jollois, Mém. sur les antiquités... de Paris, dans les Mém. près. par div. sav. à l'Ac. des Inscr., IIe s., I, 1843.

[259] C'est pour cela que les empereurs du IVe siècle, et Julien en particulier, résideront souvent à Paris.

[260] Par la route de Cologne, que nous suivons.

[261] A Senlis, si l'on songe à la route des marchands par Sens, le pont de Meaux et Beauvais ; mais plus loin encore, à soixante-cinq milles, vers Roye (à Roiglise ?), si l'on songe à la grande voie militaire par le pont de Châlons, Reims et Amiens.

[262] Cf. Vidal de La Blache, Tableau, p. 380-2, qui remarque que les rapports internationaux nous ramènent à négliger Paris dans les plus grandes voies de communication.

[263] Cela résulte de l'importance des nautes et du nombre de barques qu'y trouva César.

[264] Sans préjuger du nom ancien de cette région et de l'extension primitive du Hurepoix (cf. Gallois, Régions naturelles et Noms de pays, 1908, p. 83 et s.).

[265] Le nom de France s'est localisé sur le pays parisien au sud de Luzarches (Gallois, p. 180 et s.).

[266] Pour la vigne et le figuier (qu'on entourait de paillons pendant l'hiver), Julien (Misopogon, p. 341, Sp.).

[267] Voyez le très grand nombre de localités en -y dans les pays parisiens (Passy, Issy, Ivey, Vitry, etc.), toutes rapprochées les unes des autres, et qui sont les survivances d'anciens domaines gallo-romains. — Un des lieux saints les plus importants, peut-être à cause d'un pèlerinage de sommet au mont Valérien, a dû être Nanterre (de Nemetodurum = vicus sanctus ou vicus templi ?), auquel menait sans doute un sentier par Le Roule et Chantecoq de Puteaux. — Une autre colline sainte, moins importante, à Montmartre.

[268] Du moins au temps de César.

[269] Peut être conclu, sans certitude, des noms et titres gravés sur les inscriptions ; XIII, 3029, 3031-3, 3040, 3043.

[270] XIII, 3026 ; ajoutez Cernunnos, le dieu cornu, le tricéphale au chenet.

[271] XIII, 3026 ; peut-être comme patrons des navigateurs.

[272] N. suivante. Peut-être y avait-il des ateliers de construction navale.

[273] Je rappelle ici que Cæsare est un datif, dédié à César, et non pas, comme on le dit toujours, au temps de César.

[274] Les ponts étaient à la hauteur de la rue Saint-Jacques, petit pont au sud, grand pont au nord. Julien en parle comme de ponta de bois. — La périphérie murée de la Cité, au Bas Empire, comportait 8 hectares et environ 1300 mètres (on a supposé jusqu'à 1620 m.).

[275] Dimension au diamètre extérieur, 71 m. 80 ? ; 4500 spectateurs ?

[276] Dimension, 127 ou 128 mètres de plus grande longueur. Elles pouvaient servir de théâtre.

[277] Cf. de Pachtère, p. 70 et suiv.

[278] Sous réserves ; cf. de Pachtère, p. 60 et suiv.

[279] L'appellation courante, depuis le Moyen Age, est celle de Thermes ; mais elle a pu passer des ruines des bains voisins à celles de cet édifice. La rareté apparente d'aménagements balnéaires (la présence d'une petite piscine dans la grande salle peu de chose, et elle est à demi dissimulée dans cette pièce énorme), l'existence incontestée de thermes dans le voisinage immédiat, nous ont fait douter, de Pachtère (p. 412, n. 3) et moi, de l'exactitude de l'appellation traditionnelle de cet édifice. Je dois avouer cependant que les dimensions et dispositions architecturales, et le grand conduit souterrain, me paraissent convenir plus à des thermes qu'à tout autre type de monument connu.

[280] Cf. Revue des Études anc., 1914, p. 215.

[281] Cf. de Pachtère, p. 83-4. En regardant tous les champs ou les monts sacrés de la Gaule, avec leurs thermes et leurs théâtres, je suis, de même, de plus en plus convaincu que nous avons quelque chose de semblable sur la colline Sainte-Geneviève, par exemple l'équivalent du Vieil-Évreux près d'Évreux. Mais il faut écarter l'hypothèse d'une source sainte, la nature du terrain ne se prêtant pas à la formation de sources (Cayeux). — Les Vies de sainte Geneviève appellent la colline mons Locutius, Leutitius, Lucoticius (Köhler, p. 4 et 71) : il me semble impossible qu'il s'agisse d'un nom propre à la colline Sainte-Geneviève ; ce ne peut être que l'ancien nom de Paris ; mais il est possible que, lorsque Paris s'est renfermé dans son île, la nom primitif ait été localisé par le populaire sur le quartier des ruines. Ou trouverait d'autres exemptes de ce genre de localisation.

[282] L'ancienne route de Melun et Sens par la rive gauche est marquée, depuis la rue Saint-Jacques, je crois par les rues Galande, de la Montagne-Sainte-Geneviève, Descartes et Mouffetard, et, au delà du passage de la Bièvre aux Gobelins. par l'avenue de Choisy : c'est par là que Labienus cherche à arriver. Il finit par venir par la route de la rive droite, marquée par les rues de Charonton, du Faubourg-Saint-Antoine et Saint-Antoine. — C'est à la voie de la rive gauche qu'appartiennent le cimetière Saint-Marcel et la borne énigmatique A CIV. PAR. RCO, qui doit annoncer une station de cette route (XIII, 8974) ; Corbeil ? Le Coudray ?? à la frontière de la cité ?

[283] Route de Boulogne au Grand Saint-Bernard par Langres et Besançon, chemin des caravanes italiennes par le pays des Rèmes et des Lingons. C'est sans doute une des routes parcourues par César.

[284] Variante de la précédente ; au delà, vers le Petit Saint-Bernard. Elle a dû, dès l'époque gauloise, faire concurrence à la précédente, et attirer surtout les marchands grecs. Je crois, par suite, que son rôle est demeuré commercial, l'autre (n. précédente) étant surtout une voie militaire.

[285] Route d'Agrippa, allant jusqu'à Trèves et au Rhin inférieur, doublée jusqu'à Chalon par la navigation sur la Saône.

[286] Route de Lyon en Germanie Supérieure par Besançon.

[287] Les renseignements que nous avons sur le charroi des routes de la Gaule s'appliquent surtout à celles-ci.

[288] Guerre civile de Vitellius ; d'Albinus.

[289] Les troupeaux sont prouvés par les lainages.

[290] Voyez les bas-reliefs de Sens.

[291] Voyez par exemple à Thil-Châtel (Tilena) ; C. I. L., XIII, 5624 et s. ; Esp., n° 3804-8.

[292] Il me parait possible que les Éduens et Alésia aient essayé de continuer la concurrence religieuse aux Arvernes.

[293] Voyez en particulier Bulliot et Thiollier, La Mission et le Culte de saint Martin dans le pays éduen, 1892 (Société Éduenne, n. s., XVII-XX).

[294] Sur la rive gauche.

[295] Sur la rive droite, à Lieusaint, qui rappelle peut-être un lieu sacré de frontière.

[296] Metlosedum, plus tard Mellodunum. — Entouré, sous le Bas Empire, d'une enceinte de 1000 m. au plus, dans le même genre que celle de Paris.

[297] Plus tard Senones, du nom du peuple.

[298] Ajoutez le passage de la vieille route d'Orléans à Troyes et Châlons, par laquelle le réseau de la Loire et de l'Ouest s'unit à celui de la Seine et aux routes de Bretagne sur cette route, la station thermale d'Aquæ Sageste ou Sceaux, qui est aux Sénons.

[299] La grandeur de Sens se manifeste encore en ceci, que c'est une des cités fortifiées au IIIe siècle auxquelles on a laissé le plus grand périmètre, 2500 m.

[300] Voyez les représentations de métiers, particulièrement nombreuses et expressives à Sens dans le bas-relief funéraire.

[301] Y compris un certain nombre de vétérans (XIII, 2914-3), ce qui me ferait croire que le fisc y avait quelques bonnes terres ; XIII, 2954-7.

[302] On donne à l'amphithéâtre de Sens 71 m. 40 de grand axe intérieur (Nîmes n'a que 63 m. 745). — Les ruines considérables dites la Motte-du-Ciar, près du confluent de la Vanne, s'étendaient, dit-on, sur 8 hectares. J'hésite à y voir autre chose que des thermes du Haut Empire (c'était l'opinion de de Caumont) ; cf. Espérandieu, n° 2858.

[303] XIII, 2940.

[304] Esp., n° 2856. Voyez aussi les beaux bas-reliefs mythologiques, faits évidemment sur place, représentant Oreste, Ulysse, etc., Esp., n° 2756, 2760, 2782, 2766. Sens est, à l'heure actuelle, une des villes de Gaule dont l'archéologie offre le plus de détails empruntés aux fables helléniques.

[305] La route directe de Sens à Troyes longe le bord septentrional du pays et de la forêt d'Othe, dont l'exploration archéologique, surtout au point de vue métallurgique, donnerait, je crois, d'intéressants résultats. — Près de la frontière, mais chez les Trieuses, Aix-en-Othe et ses fontaines, sans aucun doute Aquæ.

[306] Augustobona (bona doit signifier marché ou port sur fleuve), métropole des Tricasses (non mentionnés par César), dont le nom passera à la ville. L'enceinte comportera 1300 m. et 16 hectares. — Ville et pays sont très pauvres en inscriptions et monuments. Mais Troyes a dû gagner en importance lorsqu'on prit l'habitude d'y passer pour aller en Bretagne, suivant la direction Autun, Auxerre, Troyes, Châlons : c'est celle que donne l'Itinéraire (cf. Ammien, XVI, 2, 2-8). On devait aussi croiser à Troyes une route de Bar-sur-Aube à Meaux et Senlis, par laquelle on allait aussi en Bretagne, et qui servait également à unir la route d'Agrippa à la route de la Seine.

[307] Le chemin rejoint à Thil-Châtel la route militaire de Langres à Lyon. De Troyes, il passe au voisinage de quatre localités, vieux oppida, lieux de foires et de pèlerinage, qu'il serait intéressant d'étudier de près : Vertault, Vertillum, vicus (XIII, 5661), bourgade sainte dans le genre d'Entrains (Esp., n° 3369 et s.) ; Latisco ou le mont Lassois, la montagne au noble puits et aux sept grandes fontaines (Girard de Roussillon, éd. Mignard, p. 17) ; Essarois, avec la source de La Cave et le culte d'Apollon Vindonnus (Esp., n° 3411-39), le mont Aigu, encore trop mal connu. Ce chemin, comme celui d'Alésia, devait voir beaucoup de dévots. — Tout ce pays depuis l'aval de Bar-sur-Seine est aux Lingons de Langres.

[308] Par Avrolles (Eburobriga), où l'on croisait la grande route d'Autun et Auxerre à Troyes et Chalons, qui servait aux voyageurs de Bretagne, puis par Tonnerre (Ternodurum). Peut-être Tonnerre appartient-elle aux Lingons ; Alésia et l'Auxois sont aux Éduens ; Dijon est aux Lingons.

[309] Outre Alésia et Dijon, la source et le temple de la Seine (XII1, 2858-71 ; Esp., n° 2403-49). — Je songe ici au vieux chemin direct d'Alésia à Dijon par la montagne, celui de Vercingétorix et de César. Mais il devait y avoir un chemin plus allongé, par la croupe à l'est de l'Ozerain, le passage de la montagne à Mesmont (Magnus Mons), la vallée de l'Ouche, et au voisinage de l'important sanctuaire de Mars et Litavis à Malain.

[310] Voici les dieux rencontrés à Alésia : Deus Moritasgus, surnom d'Apollon, Ucuelis deus et Bergusia, le dieu au maillet. Déesses-Mères en attitude d'Abondances, dieu à la bourse, dieu aux oiseaux, Jupiter, Junon et Minerve en ln triade capitoline, Mars et Bellone eu parèdres, la Victoire, Castor et Pollux, Vénus et les Amours, peut-être Mithra (sans doute appelé par Apollon) ; je n'arrive pas à démêler la divinité principale du lieu ; je suis frappé du peu d'importance qu'y prend jusqu'ici Mercure. C. I. L., XIII, 2872-83, 11239-61 ; Esp., n° 2346-90 ; Pro Alesia, depuis juillet 1906 ; et les trop nombreuses publications auxquelles ont donné lieu les fouilles récentes d'Alésia.

[311] A Sens, j'ai déjà dit que le chemin de la Seine joignait cette vieille voie venue de Boulogne et Amiens.

[312] Autessiodurum ; durum = vicus. La ville, alors aux Sénons (pagus IIM = Secundomanduus ?, XIII, 2920) plutôt qu'aux Éduens, ne devint métropole de civitas qu'au IIIe siècle au plus tôt. Elle dut sans doute ce titre de métropole à la construction de ses remparts (1082 m.).

[313] XIII, 2920 et s. ; Esp., n° 2878 et s. A Auxerre, sanctuaire important de la déesse Yonne, dea Icauna (XIII, 2921). Peut-être aussi de la Mère, provoqué sans doute par le précédent ; XIII, 2922. — Au pagus d'Auxerre se rattache l'important lieu saint d'Entrains, au sud-ouest, dans la direction de Bourges.

[314] Le nom est ancien : Morvinnicus, C. I. L., VI, 11090 ; Morvennum, Notes Tironiennes (Revue des Ét. anc., 1913, p. 183).

[315] Les fines sont au passage de l'Yonne près de Prégilbert (milliaire, XIII, 9023). Puis vient le mont Marte, Mons Mercurii (Esp., n° 2235-9). Elle passait ensuite à Avallon (Aballo) et Saulieu (Sidolocus, Sidoloucus, Sedelaucus). Mais il y avait certainement un compendium par Quarré-les-Tombes. Cf. Ammien, XVI, 2, 3-5.