HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VI. — LA CIVILISATION GALLO-ROMAINE - ÉTAT MORAL.

CHAPITRE V. — EN NARBONNAISE.

 

 

I. — HABITUDES RÉGIONALES ET LOCALES.

Telles étaient les habitudes morales, matérielles et politiques que l'Empire romain avait apportées à la Gaule, et telles étaient les traditions que celle-ci retenait de son passé. :liais dans ce mélange entre les choses de Rome et celles du pays, il y eut des variétés infinies de dosage, suivant les provinces et suivant les villes.

Les diverses régions de la Gaule ne s'étaient point ressemblé dans les temps de l'indépendance. La nature spéciale du terrain et du climat, des immigrations de peuples particuliers, des relations avec des voisins très différents, avaient donné à chacune d'elles sa physionomie propre ; et le Midi ensoleillé, aux villes nombreuses, plein d'héritages ibériques ou ligures et de contacts helléniques, formait contraste avec la Belgique brumeuse, hérissée de forêts, sans villes et sans souvenirs, à peine moins sauvage que la Germanie d'à côté. La domination latine eut beau faire accepter des lois et des usages communs à toutes les provinces et à toutes les cités de Gaule : elle ne pouvait abolir en elles l'influence du sol et celle de l'histoire.

D'ailleurs, les empereurs eux-mêmes les invitaient à une vie distincte, en ne les traitant point toutes de la même manière. Ils multipliaient les colonies d'italiens dans la Narbonnaise, ils les épargnaient à la Gaule Chevelue. De puissantes armées touchaient à la Belgique ; les autres provinces étaient sans garnison. Celtes et Aquitains, de l'un et de l'autre côté de la Garonne, relevaient d'une administration différente[1]. Des éléments nouveaux se mêlaient aux souvenirs anciens et aux raisons éternelles pour donner une figure originale à chacune des grandes régions.

A l'intérieur de ces provinces, chaque peuple avait ses coutumes, chaque ville avait son air à elle[2]. Il y a, disaient les Anciens, des mœurs de cités comme il y a des mœurs d'individus[3]. Pour beaucoup de ces peuples et de ces villes, chez les Arvernes ou les Éduens dans le monde celtique, à Marseille ou à Narbonne dans les milieux classiques, un long passé d'isolement politique et de vie commune devait marquer son empreinte sur les pensées, les paroles et les gestes des hommes. Pour les cités de création récente, telles que Lyon ou Fréjus, les colonies d'immigrants d'où elles étaient sorties avaient fixé dès leur berceau les premiers linéaments d'un génie personnel, de même que les parents préparent l'âme des enfants engendrés par eux. Lyon la ville romaine, fondation de négociants et de soldats italiens, s'opposera longtemps à sa voisine Vienne l'Allobroge, rendez-vous traditionnel des riches gaulois de la nation[4]. De loin en loin, dans la vie de ces peuplades ou de ces villes, survenait un incident qui ajoutait à leur caractère quelque trait nouveau, par exemple l'établissement d'écoles à Autun ou d'un temple impérial à Lyon, le séjour des Césars à Trèves ou l'installation d'une flotte à Boulogne. D'anciennes habitudes se perdaient, de nouvelles se formaient : Marseille cessait d'être une place de commerce pour devenir un centre d'études.

Partout, la structure et les productions du pays maintenaient leur action inévitable. Bordeaux devait l'allure de ses hommes et l'aspect de ses monuments au carrefour de ses routes, au croissant de son port, à la richesse de ses vignobles ; et les tristes Gabales du Gévaudan sentaient toujours peser sur leur vie la lourdeur de leurs montagnes et la garde monotone de leurs troupeaux innombrables et de leurs sauvages burons.

Pour achever de connaître l'œuvre de l'Empire romain, cherchons quel compte il a tenu, dans chaque région et dans chaque cité, des traditions anciennes, des conditions naturelles et de ses propres besoins ; et Nisitotis la Gaule suivant ses grandes routes. — Nous la regardons, cela va sans dire, avant les catastrophes du troisième siècle, qui détruisirent les meilleurs des ouvrages romains[5] et entraînèrent le pays vers de nouvelles destinées[6]. Plaçons-nous par la pensée en ces temps d'Hadrien, d'Antonin et de Marc-Aurèle où les empereurs pouvaient se dire qu'ils avaient terminé au delà dès Alpes la tache assignée à Rome par ses dieux.

 

II. — LA ROUTE DE MONACO À FRÉJUS.

La manière la plus agréable d'entrer dans les Gaules était de suivre, par la route de terre[7], le littoral méditerranéen. On évitait par là les fatigues des cols alpestres, de leurs brouillards ou de leurs neiges, de leurs longues montées et de leurs rudes descentes ; et on évitait encore les ennuis d'une navigation incertaine, les secousses du mal de mer, les colères subites du Mistral, terribles pour l'empereur lui-même. Un chemin large et solide, venu directement de Rome par le rivage[8], s'allongeait sur la corniche, dominant la mer, bordant ou escaladant les dernières montagnes, offrant à chacun de ses détours un nouveau spectacle de calanques aux flots. bleus et de villages aux blanches maisons. Le passé y mêlait la gloire de ses récits au charale du présent : c'est en côtoyant cette rive que les Grecs et les Romains étaient arrivés en Gaule, ceux-ci par le sentier du rocher, ceux-là en ramant près de la grève.

Tout annonçait, tout chantait presque, sur la route et le long du rivage, la fraternelle entente des souvenirs grecs et des armes latines. Voici le port et le roc de Monaco, où l'on dit qu'Hercule s'est arrêté et reposé[9] ; et voici, vers le nord, sur la croupe de la montagne puissante qui s'élève dans l'intérieur des terres, le trophée alpestre d'Auguste, étincelant de marbres blancs, évocateur de victoires impériales[10]. C'est ici, en ces lieux solennels[11], que finissent les provinces des Alpes, que se termine l'Italie, que commence la Narbonnaise[12] : les noms des deux héros, celui de la légende hellénique et celui de l'histoire romaine, encadrent et abritent le seuil sacré par où le chemin de Rome pénètre dans les Gaules.

Aussitôt après les monuments des dieux protecteurs, commencent les plus gracieux séjours des hommes. Nice[13] apparait, encore nourrie de ses traditions de colonie grecque, toujours gouvernée par des envoyés de Marseille, heureuse et petite au bord de la mer et sur la rive desséchée de son capricieux torrent. Au delà, moins séparée que rapprochée d'elle par la suite des riches demeures qui s'étalent au fond des plages[14], Antibes se montre sur son promontoire entre ses deux baies poissonneuses, Antibes, plus insouciante que Nice de son passé grec, devenue tout italienne, retraite modeste et aimable de Romains paisibles[15]. Des sauvages Ligures, qui avaient jadis régné en pirates sur cette mer et en brigands sur ce sentier, il ne restait plus qu'un souvenir conservé dans les annales. Les uns vivaient tranquilles dans leurs bourgades d'en haut ; les autres se divertissaient ou s'occupaient dans les ports d'en bas[16]. Une gaie lumière brillait sur la route, une activité joyeuse bruissait à chaque étape[17].

La route, après Antibes, continuait vers l'ouest, moins peuplée, moins accueillante[18]. Elle contournait les rochers granitiques de l'Esterel[19]. Puis elle débouchait, toujours en vue du rivage, dans une large plaine, au voisinage d'un petit fleuve ; et elle trouvait enfin une grande ville, Fréjus, près de l'embouchure de l'Argens.

 

III. — FRÉJUS[20].

De simple marché barbare, Fréjus[21] était devenu colonie romaine sous César et port militaire sous Auguste. Le dictateur lui avait donné son nom, Forum Julii, et lui avait imposé comme habitants les vétérans d'une de ses légions victorieuses ; l'empereur y avait bâti le seul havre de guerre que possédât la Gaule méditerranéenne, et il y avait envoyé les vaisseaux d'Antoine capturés devant Actium.

Fréjus avait dû cette double gloire à' sa situation privilégiée sur la grande avenue du Midi. C'est l'endroit où cette route quitte enfin le littoral, qu'elle suit depuis Rome, pour pénétrer dans l'intérieur de la Gaule par la vallée de l'Argens : Fréjus ouvrait donc ou fermait la Gaule[22]. Puis, il épiait à l'est et à l'ouest les ports innombrables des côtes ligures et provençales ; et il surveillait les longs sentiers qui descendaient des montagnes prochaines[23].

Le mal était que, s'il y avait là de la place pour une ville et de bonne terre pour la nourrir, le lieu n'offrait pas, sur sa plage basse et sablonneuse, un terrain propice à un grand port, ni de guerre ni de commerce. Il ne pouvait être comparé, même de très loin, ni à Marseille ni à Toulon. Mais les Romains, en choisissant leurs stations navales, regardaient les routes plus encore que les sites ; et, décidé à faire de Fréjus un port, Auguste força la nature[24]. On creusa un vaste bassin[25] au pied du plateau ondulé où se tenait la bourgade ; un long chenal relia ce bassin à la mer sur près d'un mille de distance[26] ; un arsenal, une citadelle[27], des môles et des quais encadrèrent le port ; de vastes remparts enveloppèrent la ville[28] ; et la flotte s'installa sous ces puissants abris. C'était une grande cité qui commençait, et qui serait pour la Gaule ce qu'étaient pour l'Italie Misène et Ravenne, vigies de la mer et donjons du rivage[29].

Mais l'œuvre de César et d'Auguste devait échouer plus qu'à demi. Loin d'aider à la grandeur de Fréjus, la paix romaine ruina la nouvelle colonie. La flotte, sur ces bords apaisés, devint vite inutile, et je doute qu'elle ait survécu de beaucoup à Hadrien[30]. Dès lors, le port a dû s'envaser lentement. Il ne valait rien pour les affaires de commerce : l'arrière pays ne fournissait qu'un fret insignifiant et ne présentait que de très médiocres débouchés. Fréjus redevint ce qu'il avait dû être au début de sa vie, un centre de culture, un gros marché de pays, un petit port de pèche où l'on fabriquait de bonnes conserves[31]. Dans cette enceinte dès lors trop grande pour ses habitants, j'imagine qu'ils vivaient à l'aise et à bon marché. Ce n'était plus que le cadre grandiose d'une cité désormais silencieuse, où de respectables bourgeois[32] promenaient de nonchalantes habitudes dans le vaste et somptueux décor de leurs édifices publics[33].

 

IV. — ENTRE FRÉJUS ET AIX.

De Fréjus, le touriste que rien ne pressait et qui aimait les îles d'or, les baies accueillantes, les profils capricieux des caps, n'avait qu'à s'embarquer au port d'Auguste et à gagner Marseille en côtoyant la Gaule vers l'ouest. Il trouvait ces joies sur ce beau rivage, et il pouvait y mêler les souvenirs d'une histoire captivante : à Saint-Tropez, le nom d'Hercule, visiteur légendaire de ces plages[34] ; aux îles d'Hyères, la gloire de Marseille, à laquelle l'Empire romain laissait le gouvernement de ces parages ; à Hyères même, le nom hellénique de Olbia, la Bienheureuse, qu'elle méritait toujours par les douceurs de son ciel[35]. Puis venait le spectacle vivant des eaux sillonnées de barques, des hommes affairés, dans la rade de Toulon, à la recherche des pourpres précieux[36]. Le cap Sicié doublé, la pensée de Marseille s'emparait dé nouveau du voyageur : le port de Sanary, Tauroentum, rappelait cette dernière victoire navale de Brutus qui avait enlevé là maîtrise de la mer à la colonie de Phocée ; Bandol, La Ciotat, Cassis, n'étaient que d'humbles anses. de pèche, sans doute clientes des poissonneries marseillaises. Un dernier promontoire franchi, on apercevait les îles alignées qui formaient portique et vestibule au vieux port des Grecs ; on voyait peu à peu s'élever les frontons des temples de son acropole ; et enfin Artémis et Marseille vous souriaient également à l'entrée du Lacydon. — Mais les voyageurs pressés, et c'était le plus grand nombre, ne quittaient pas la route de terre.

Sortie de Fréjus par la porte des Gaules, la grande voie romaine s'écartait du rivage, s'enfonçait dans les terres par la vallée de l'Argens, qui se rétrécissait insensiblement devant elle. Elle traversait enfin la rivière, à une journée de la colonie, sur un pont antique et célèbre, qui datait des plus anciens temps de la domination romaine. C'était en ce lieu, au pont de l'Argens, qu'après la mort de César s'étaient rencontrés les armées et les chefs qui voulaient continuer son œuvre, dominer le monde et ruiner les libertés. D'Espagne venait Pollion, par le Pertus et Narbonne ; de Narbonne et d'Arles s'était avancé Lépide ; Marc-Antoine était arrivé de l'est par le rivage et Fréjus ; et du nord, de Lyon et de Grenoble, Munatius Plancus descendait par la route des Alpes. L'entrevue du pont de l'Argens décida du sort de la terre ; à ce carrefour s'unirent tous ses maîtres.

Maintenant, le pont et le marché voisin sont redevenus les lieux les plus calmes de la Gaule. La route alpestre du nord, celle de Plancus, existe toujours et rejoint ici la chaussée du Midi, après avoir traversé la cité de Riez et la bourgade d'Aups[37]. Mais elle n'amène plus dans le bas pays que des campagnards pour les foires et sans doute de solides Alpins polir les grosses besognes municipales. Vieux chemin qui depuis Grenoble monte et descend sans cesse à travers les vallées et les contreforts des Alpes, cette route est peut-être la plus paysanne de la Gaule. A Riez[38], elle a rencontré une antique cité dévote[39], où les dieux celtiques font grand accueil à l'Apollon de César Auguste[40] et à la Mère des Dieux[41] et où les jours de marché s'égayent des plaisantes heures de jeux et de pèlerinage[42].

Au delà du pont de l'Argens, la route de Rome gravissait des pentes plus rapides. C'en était fini, pour quelques étapes, de la gaieté du voyage. D'énormes masses barraient l'horizon, les Maures au Sud[43], les dernières Alpes au Nord, et leurs rochers s'approchaient parfois pour obstruer la voie et l'amincir en sinistres défilés. De loin en loin, quelques villages étalaient leurs foirails[44], de verdoyants domaines semblaient des oasis en un désert de pierre : et ceux qui étaient là pouvaient se dire séparés du monde, mais heureux dans leurs champs et avec leurs dieux[45]. Puis recommençaient les murailles de rochers, tantôt blanches et rôties de soleil, tantôt noircies par une sombre verdure[46].

 

V. — AIX[47].

A la fin, une vallée s'élargissait, les montagnes s'éloignaient à l'horizon, les dieux et les tombeaux devenaient plus nombreux[48], une vaste plaine s'épanouissait sous le feuillage des vignes et des oliviers, et, au milieu d'elles, inclinée sur la pente d'une colline[49] et au bord de sources tièdes, parfois endormie au soleil de l'été et bercée par le chant des cigales, apparaissait la colonie d'Aix[50]  .

C'était la plus ancienne bourgade que les Romains eussent bâtie en Gaule. A son nom étaient attachés les souvenirs de la première conquête, la victoire du consul Sextius, la fin des Salyens celto-ligures, dont la forteresse ruinée dominait toujours la colonie[51], l'alliance de Rome avec Marseille, qui avait appelé les légions dans cette plaine, et plus tard le triomphal massacre des Teutons par Marius. C'était vraiment en ces lieux, prédestinés par la nature, que Rome avait posé la première pierre de son édifice gaulois.

Mais de ces temps héroïques il ne restait plus que des trophées[52] et des noms[53]. La vie à Aix, en dépit de ces remparts fermant la route, s'est, comme à Fréjus, imprégnée de calme citadin et de richesse bourgeoise. C'était du reste une colonie plus peuplée, plus vivante, plus laborieuse, plus opulente surtout, que sa voisine maritime de l'autre côté des monts. La fertilité de la plaine entretenait l'abondance et le bien-être[54]. Ses négociants en huile faisaient concurrence à ceux d'Arles et de Narbonne, et Rome même s'adressait à eux. Mais Aix était un peu mieux qu'une ville agricole et marchande : on y respirait un air de bonne noblesse, avec ses sénateurs[55], ses chevaliers[56], ses luxueux mausolées qui rappelaient ceux de la voie Appienne. Tout vestige de langues ou d'habitudes ligures et celtiques avait disparu[57]. Il s'y était formé une société élégante et lettrée[58], et les séances aux jeux de l'arène n'empêchaient pas quelques essais de poésie[59]. Les bains de Sextius attiraient sans doute des étrangers[60]. Ceux qui aimaient la vie heureuse n'auraient point trouvé dans les Gaules un séjour plus reposant. Et aux jours où l'on désirait des horizons plus vastes et plus de bruit autour de soi, on pouvait, en deux heures de cheval, gagner Marseille[61].

 

VI. — MARSEILLE[62].

Marseille[63], depuis les victoires de César, n'était plus en Gaule qu'une cité pareille aux autres, inféodée à la vie romaine, limitée à un rôle provincial. Peu importait qu'on la traitât de cité libre, toujours alliée de Rome, qu'on lui concédât sur la mer ligure la suzeraineté de Nice et des îles d'Hyères. C'était affaire de mots. Tout ce qui faisait réellement liberté et puissance avait, disparu de sa vie : plus de vaisseaux de guerre, d'arsenaux, et pendant longtemps plus de remparts. Ses vieux temples s'appuyaient sur une citadelle démantelée. Peu à peu même, ses traditions de ville hellénique s'effaçaient[64] sous la pression des mœurs latines qui l'enserraient de toutes parts. Elle n'était restée grecque, dans cet immense Occident plein de Barbares, qu'à la condition de se raidir pour la résistance, de s'armer pour la bataille[65]. Mais la bataille est finie, la défaite est venue, il n'y a plus dans le monde que des intérêts pacifiques : Marseille se laisse envahir par les habitudes et par les faiblesses qui l'environnent.

La langue latine, dès le milieu du second siècle, y devient prépondérante[66]. Magistrats et prêtres ont transformé leurs titres suivant l'usage italien : on ne parle plus que de sévirs, de décurions, d'augures[67] ; aucune expression ne rappelle ce sénat des Six Cents qui tint tête à César victorieux et qui fut alors la gloire de l'hellénisme. Dédicaces et épitaphes sont gravées en langue et en lettres latines. Les habitants, dotés du droit de cité romaine, s'appellent Cornelius, Porcius, Pompéius ou Valerius de leurs noms de familles, Félix ou Saturninus de leurs noms de personnes[68]. Je crois même que les quartiers ont fait comme les hommes, et échangé pour des vocables nouveaux leurs antiques appellations grecques[69] : au faubourg de magasins et d'entrepôts qui s'allonge au fond du Vieux Port et qui unit la cité à sa nécropole de Saint-Victor[70], on donnera le nom latin de Canebière, Canabaria, tout comme s'il s'agissait d'un vicus de colonie romaine ou d'un village de marchands aux abords d'un camp légionnaire[71]. Mosaïques, marbres de décor, statues et tombes prennent la façon transalpine[72]. Les traditions nationales disparaissent sous les flots de l'invasion italienne.

Pourtant, Marseille vaincue se montra bien grecque en ceci, que, pareille à Athènes, elle sut encore s'imposer à son vainqueur. Elle eut toujours, et c'est un des traits constants de son histoire, elle eut l'horreur de la banalité. La splendeur de son site, la sainteté de son origine, la grandeur de son histoire, en font un être d'exception. Elle- le sait, et elle entend le paraître et le demeurer.

Déchue de sa puissance maritime, dépouillée de son empire commercial par les colonies d'Arles et de Narbonne, elle se replia dans l'étude et les travaux pacifiques. Des lettrés, des savants, des médecins grecs s'y installèrent. Il s'y créa une sorte d'université. Les grands de Rome et d'Italie envoyèrent leurs enfants à Marseille pour y apprendre la grammaire, la rhétorique, la poésie, la philosophie des Hellènes : le voyage était moins long que pour la Grèce ; et près de ces vieilles familles qui maintenaient les mœurs austères de l'Ionie primitive[73], la vie était plus studieuse et moins dissipée que dans Athènes ou Rhodes, frivoles et dépensières, pleines d'une jeunesse dorée. Agricola, le beau-père de Tacite, avait fait ses études à Marseille, et il conserva toujours le souvenir de cet heureux temps de sa jeunesse, où, dans le charme de ce beau pays et de cette ville intelligente, il put se livrer à la philosophie avec toute l'ardeur de ses premières années[74].

A côté de ses professeurs, Marseille offrait aussi ses médecins. Elle unissait alors, dans le Midi, les deux empires qu'Aix et Montpellier s'y sont longtemps partagés, Aix celui des lettres et Montpellier de la médecine : car les villes, suivant les temps, se transmettent ou s'échangent les rôles à jouer dans la vie d'une nation : A l'exemple de ses professeurs, les médecins de Marseille arrivèrent à une gloire mondiale, et les plus riches familles de Rome payèrent tribut à leur renommée.

J'ai déjà dit que l'un d'eux, Crinas, fit rebâtir à ses frais les murailles de Marseille : les brèches une fois disparues des remparts, c'étaient les traces de la honte infligée par César qui étaient abolies. Cela eut lieu, je crois, sous l'empereur Néron, grand ami de l'hellénisme. Marseille, qui avait consacré la moitié de sa vie à l'alliance romaine, méritait bien qu'un empereur lui permit de recevoir l'opulent hommage de l'un de ses fils et de recouvrer la parure de sa couronne murale.

A défaut de liberté et de puissance, il restait donc à Marseille sa gloire intellectuelle et beaucoup de bien-être dans la vie. Ainsi que dans les cités grecques d'autrefois, les courses et les jeux n'y manquaient point[75]. Nous avons tout lieu de croire que, le poisson et le vin aidant[76], on y faisait une excellente chère : car le poisson de ses rivages et le vin de son terroir conservaient leur renom séculaire. Le séjour de la ville étant plaisant à tous les égards, les empereurs y envoyaient ceux de leurs ennemis auxquels ils voulaient infliger un exil qui fût une peine légale sans être un châtiment[77]. Et ces exilés[78], tels qu'autrefois Milon, ne se trouvaient point malheureux d'avoir à manger du rouget de Marseille ou à s'asseoir dans les jardins d'oliviers qui ornaient les flancs des collines[79]. Pétrone, qui vint à Marseille en ces conditions, ne parait pas s'y être déplu[80] ; et l'un de ses compagnons d'exil eut même tellement à se louer du pays et de ses hôtes, qu'il laissa sa fortune à l'accueillante cité[81].

Elle passait encore, malgré sa servitude, pour une initiatrice de l'Occident. Son port complétait l'œuvre de son université. S'il n'avait plus l'intense mouvement d'affaires qui y avait régné jadis, il s'ouvrait d'ordinaire à des hôtes de choix. On y faisait escale pour les voyages d'Italie et d'Espagne[82]. Les dieux d'Orient y débarquaient volontiers, sûrs de l'hospitalité dans la ville aux idoles helléniques, et Isis installa ses prophètes auprès d'elles[83]. Si saint Paul est allé en Espagne, ce dont il avait l'intention, je doute qu'il ne se soit pas arrêté à Marseille, pour s'y mesurer une fois encore avec la grande Artémis d'Éphèse. C'est à Marseille que le christianisme gaulois a laissé ses témoins les plus antiques, peut-être ses premiers martyrs. Elle demeurait le seuil par lequel notre pays recevait de l'Orient les souffles nouveaux[84].

 

VII. — ARLES[85].

La grande cité commerciale de cette mer[86], l'héritière de Marseille sur le golfe du Lion, était la colonie romaine d'Arles[87], près de la fourche du delta rhodanien. On y arrivait d'Italie par trois routes : celle de mer, qui remontait le grand bras du fleuve[88] (car le canal de Marius était fort négligé[89]) ; celle de Marseille, qui courait à travers les champs de pierres de la Crau et leurs bestiaux innombrables[90] ; celle de Rome, qui partait d'Aix, et que jalonnaient, de relais en relais, les grands mas dressés au pied des Alpines.

Avec ce grand fleuve dont la courbe lui faisait comme un port mouvant, ces marécages croupissant autour des rochers que couronnaient ses remparts, ce désert de la Crau qui bordait son horizon, ces terres sauvages de la Camargue qui mettaient entre la ville et la mer la crainte de leurs fièvres et l'agacement de leurs moustiques, Arles ne montrait d'abord au voyageur ni la franche gaieté du rivage marseillais ni le calme plantureux de la plaine aixoise. Elle n'en était pas moins alors, entre les trois villes essentielles de la Provence, la souveraine incontestée. Cette grandeur lui venait de sa place au vrai carrefour du Midi : c'est ici que la route d'Italie abordait le Rhône qui arrive du nord et rejoignait les plaines qui s'ouvrent depuis les Pyrénées et l'Océan ; c'est ici que le chemin de Rome prenait-enfin le contact avec toute la Gaule : le vestibule est fini, noua sommes dans la maison même[91].

Or, sous les empereurs, ce qui compte le plus dans la Gaule, c'est l'arrière-pays, la montée du Rhône avec Lyon, la marche d'Espagne avec Narbonne. Il faut qu'Arles soit forte, grande et riche, toujours prête à donner la main aux cités et aux foires de l'intérieur, à les pourvoir de marchandises, à recevoir leurs ordres et leurs produits. Elle sera pour la Gaule ce qu'est Ostie pour Rome, un entrepôt d'entrée et de sortie, la capitale du transit commercial[92] Un extraordinaire mouvement emplissait les deux berges[93] et les eaux du fleuve. Il s'accumulait, sur les vacants de la rive, des monceaux de marchandises, sacs, ballots et caisses, apportées de tous les ports de la Méditerranée[94], de tous les magasins, de tous les celliers, de tous les greniers de la Gaule. On entendait parler vingt langues différentes, on rencontrait les figures les plus étranges, les costumes les plus bariolés[95]. Sous ce ciel d'un bleu éclatant, sous ce soleil qui pénètre toutes choses, nulle cité de la Gaule n'offrait un spectacle de couleurs plus vives, criant et se heurtant comme la foule qui les portait.

Pour diriger ce monde et ces affaires, il s'est formé à Arles de puissantes maisons d'armement et de commission. Elles sont groupées en cinq grandes corporations, qui ressemblent assez à nos syndicats patronaux ; un lien permanent unit entre elles ces cinq confréries, et leur ensemble constitue une sorte de chambre de commerce ; qui correspond directement avec les pouvoirs publics, qui défend les intérêts du négoce arlésien auprès des directeurs du Trésor ou des Douanes.

Mais une ville maritime a besoin, afin de régulariser ses armements et d'équilibrer son fret, d'avoir à sa portée des stocks toujours disponibles de produits ou de denrées : pour vivre d'une vie normale, le commerce doit sentir près de lui le travail de l'industrie ou la richesse agricole ; que serait le port de Marseille sans ses usines et celui de Bordeaux sans ses vins ? A cet égard, Arles était alors servie à merveille par ses terres et par ses hommes[96]. Dès le temps de César, il s'y établit des chantiers de construction, les plus importants du Midi : les forêts du Bas Languedoc, encore fort épaisses, suffisaient à les fournir de merrains : D'autres produits vinrent ensuite du voisinage pour alimenter les navires de fret au départ, les vins du Rhône[97], la charcuterie d'Avignon et de Tarascon, l'huile de Provence et le blé du Comtat[98]. Tout cela se reverra plus tard sur les quais du Vieux Port marseillais, quand Arles à son tour, connaîtra les heures de déclin : la colonie romaine et la cité grecque se sont disputé les mêmes éléments de prospérité.

Arles avait en outre, ce qui manquera trop souvent à la fille de Phocée, l'appui inépuisable de son opulent terroir[99]. Au delà de la zone marécageuse s'étendait le plus beau et le plus grand verger de France, depuis les dernières pentes des Alpines jusqu'aux premières montées des Alpes dauphinoises, le long du Rhône bruyant, de la Durance caillouteuse, des sorgues indolentes aux mille méandres. Dans la Provence de Saint-Rémy et de Barbentane, dans le Comtat de Vaucluse, c'était, aux jours de chaleur, le même spectacle de prairies toujours vertes, d'eaux toujours claires, de champs de blé, d'arbres chargés de fruits, de potagers presque admirables à force d'être denses et vigoureux, et peut-être déjà de larges cultures de fleurs odorantes[100]. De ces splendeurs voisines, Arles jouissait en reine incontestée.

Aussi, de toutes les villes de la Gaule, c'est celle qui a grandi de la façon la plus paisible, sans arrêt et sans crise[101]. Elle était trop loin de la frontière pour connaître les périls barbares, qui menaçaient Trèves ; trop loin des armées et des passages alpestres pour connaître les périls, plus grands encore, des marches militaires et des guerres civiles, dont Lyon eut tant à souffrir. Sa vie romaine ne perçut point de mécompte. Quand ses remparts ne suffirent plus à la contenir[102], elle s'étendit sur l'autre rive du Rhône, pour avoir le fleuve davantage à soi. Si la chaleur de l'été devenait trop forte, les riches bourgeois pouvaient se reposer dans les mas des Alpines, où ils trouvaient de l'eau fraîche, des arbres touffus, une exquise lumière et des brises salutaires. Malgré les tapages vulgaires de son port et les grossièretés de sa rafataille, Arles n'était nullement étrangère à la vie de l'esprit. De très belles couvres d'art ornaient son théâtre ; on y rédigeait des épitaphes en vers aimables[103]. Elle donna naissance au plus célèbre rhéteur de la Gaule, au Lucien de l'Occident, Favorinus, ami intermittent de l'empereur Hadrien.

Nulle ville en Gaule, à tout prendre, ne ressembla davantage à Rome[104]. Lyon même, malgré les propos et les prétentions de ses admirateurs, n'offrait pas avec la capitale du inonde de si parfaites similitudes : il avait trop de Gaulois et de vieux soldats[105], trop de brouillards et de montagnes. A Arles, le site même rappelait la Ville Éternelle : les fleuves étaient pareils, la mer également proche, les campagnes voisines présentaient les mêmes visions de marais et de plaines, que fermait au levant la fine silhouette des montagnes, là-bas des monts Albains, et ici des Alpines. Marseille et Narbonne mises à part, il n'y a pas de cité en Gaule où l'on rencontre moins de traces d'hommes et de dieux gaulois[106]. Les colons que César y a établis appartenaient à l'une de ses légions, la sixième, originaire de l'Italie[107]. Ils apportèrent quelques-unes des pures traditions de la vie latine. Arles est la cité des beaux marbres, des statues aux formes idéales, des autels aux fines guirlandes[108], des inscriptions aux formules impeccables[109], des grands sarcophages où revit la gloire des héros du Midi[110]. Tous les lieux de plaisir chers aux Romains s'y retrouvaient, arènes, théâtre et cirque. La mort comme la vie, la joie comme le deuil, s'y drapaient sous des formes classiques. Aujourd'hui encore, dans, ses ruines mêmes. Arles semble copier Rome : qu'on s'arrête sur les gradins de son théâtre, qu'on regarde ces fragments de colonnades qui se découpent sur, le ciel, ces pierres et ces chapiteaux épars à vos pieds, ces clochers chrétiens qui se profilent à l'écart, qu'on rêve un instant au son grêle des cloches coupant de longs et religieux silences, et la vision du Forum romain se fixe peu à peu dans vos yeux.

 

VIII. — ENTRE ARLES ET VIENNE.

A Arles, la grande voie impériale[111] se recourbait vers le nord, remontant la rive gauche du Rhône. A quelques milles plus loin avait lieu d'ordinaire, de Tarascon[112] à Beaucaire, le passage du fleuve pour les voyageurs et les marchandises à destination du Languedoc, de l'Aquitaine et de l'Espagne. Les autres continuaient dans la direction du nord[113], par la belle route qu'avait construite Agrippa, et qui recouvrait le chemin foulé jadis par Hannibal et par les proconsuls conquérants de la Gaule.

Au delà du coteau de Saint-Gabriel qui marquait la fin des Alpines agrestes[114] ; c'était l'éblouissante traversée des jardins de la Provence, du Comtat et du Dauphiné, avec les villes heureuses bâties au milieu d'eux, assises sur des plateaux ou aux flânes de collines, tels des pâtres qui regardent leurs troupeaux : Avignon, né d'une vieille bourgade celtique que les Grecs avaient aimée[115] ; Orange[116], célèbre par une honteuse défaite des Romains, et devenue sous César, pour effacer cet abominable passé, une colonie triomphale de vétérans légionnaires[117], mais où tout souvenir de batailles, tout esprit de combat, en dépit de son arc et de ses trophées, s'étaient rapidement perdus par l'usage de ces riches terres et dans le travail obscur, régulier et fécond[118] ; Valence, dont le nota rappelait également la force militaire et qui, pareille à ses voisines, ne vivait plus que dans la sécurité de sa tâche agricole et quelques joies de la dévotion[119].

Il en était de cette route d'Agrippa comme du, fleuve qu'elle voyait descendre le long de son talus[120]. A chaque étape de sa course, le Rhône accueillait quelque puissante rivière, qui lui amenait les eaux et les flottages des Alpes de son horizon ; à chaque journée de marche, la route d'Agrippa recevait un grand chemin, envoyé par les vallons et les villes d'en haut.

A Tarascon arrivait le chemin militaire de la Durance, qui, parti du col du mont Genèvre, évitant souvent par de rapides raccourcis les courbes de la rivière[121], apportait au Rhône les saluts de Cavaillon et de Saint-Rémy ; à Avignon finissaient la Durance elle-même, et les sentiers venus, à travers les sorgues, d'Apt, de Carpentras et dies bourgades plus lointaines[122] qu'encadraient les monts du Ventoux ou du Lubéron ; Orange était au débouché de l'Aygues et de la route de liaison la cité voconce ; près de Valence, enfin, on voyait couler la Drôme et finir la solide chaussée qui, par Die, Luc et le pays des Voconces, provenait des cols des Alpes et des passages de l'Italie[123].

Chacune de ces villes avait sa note dominante, sa manière de commander aux vallons et aux montagnes de son domaine Saint-Rémy, sur le dernier palier des Alpines[124], lieu de marché à la fois fidèle aux traditions celtiques[125] et sensible aux élégances romaines, offrait un repos de rêve aux vétérans fatigués[126] ; Cavaillon[127], ayant quitté son plateau rupestre aux raides pentes pour se rapprocher de la Durance[128], s'enrichissait, comme au temps des Grecs, des bénéfices que lui rapportait le passage de la rivière[129] ; Carpentras[130], reposant sur son coteau au milieu de ruisseaux, de prairies, de vergers, de cultures[131], vivait dans l'abondance des biens de la terre ; Apt[132], plus rustique, sentait davantage sur lui l'ombre de ses montagnes, les caprices de leurs dieux et la ténacité des habitudes gauloises[133] ; Luc[134] avait étendu autour de son bois sacré les demeures de sa bourgeoisie riche et paisible[135] ; Die[136], beaucoup plus bruyante, invitait le Midi et les Alpes à sa gloire de cité sainte, à son sanctuaire où tant de déesses et de dieux s'étaient succédé, à ses fêtes, ses jeux et ses pèlerinages, aux rites sanglants de la Mère des Dieux[137] ; Vaison[138], enfin, étalait joyeusement le goût de son aristocratie pour les belles choses et les dépenses généreuses[139], et mollement inclinée sur les pentes de ses collines et vers les deux rives de l'Ouvèze, c'était, de ces villes d'amont, la plus agréable à voir, la plus élégante, la plus opulente, celle qui savait le mieux jouir des fastueuses douceurs de la paix romaine[140]. Mais toutes ces villes se ressemblaient, et ressemblaient aussi aux cités d'en bas, en ce qu'elles devaient leur richesse et la façon de leur vie à la bonne terre qui les entourait, grasse du limon des Alpes, chaude du soleil du Midi[141].

 

IX. — VIENNE[142].

Les unes et les autres étaient également des villes de second ordre, sans grosses affaires et sans grande foule. Pour retrouver l'éclat d'une métropole, il faut encore monter vers le nord, passer l'Isère, et, à deux journées de Valence[143], s'arrêter à Vienne[144], sur la pente des coteaux qui s'abaissent vers le Rhône.

Malgré le voisinage de Lyon, le vieux port des Allobroges[145] a conservé toute son importance. Il y a, dans ce centre providentiel de la Gaule, tant de routes qui convergent, tant de moissons et de vendanges pour nourrir les hommes, que les deux cités rivales ont pu y grandir côte à côte, à une journée de marche l'une de l'autre. Et je ne sais si le monde classique a offert souvent ce spectacle de deux puissantes villes ainsi face à face : qu'on n'allègue pas Rome et Ostie, Athènes et Le Pirée, Antioche et Daphné ; car dans ces couples une ville commande à l'autre. En Gaule, Vienne et Lyon sont indépendants, se jalousent, travaillent chacun pour soi, et maintiennent le plus orgueilleux des amours-propres[146].

Celui de Vienne est fait d'abord de ses souvenirs gaulois. Ce qu'elle a reçu comme élément colonial se ramène à fort peu de chose[147]. Pour la première fuis depuis que nous parcourons la Gaule, nous avons devant nous une grande cité d'indigènes, qui se sait et se dit celtique[148].

La force de sa vanité est accrue par le fait qu'elle est maintenant la capitale de la plus vaste nation du Midi et peut-être de toute la Gaule, celle des Allobroges, et que seule entre les peuplades indigènes de la Narbonnaise, celle-ci a gardé l'intégralité de son énorme territoire : tandis qu'Arles et Lyon commandent surtout à leurs colons, Vienne est la souveraine d'un peuple immense, de douze villes peuplées, bâties, ornées comme des métropoles, de domaines qui, partis des bords du Rhône, ne fuissent qu'aux sommets des Alpes et aux rives du lac Léman[149].

Ce rôle politique explique en partie sa prospérité matérielle. Centre d'un grand empire, maîtresse de Grenoble[150] et de Genève[151], Vienne a été unie par d'excellentes routes aux bourgades actives et aux fécondes vallées qui dépendaient d'elle[152]. Une bonne partie du trafic du Dauphiné et de la Savoie s'est détournée de Lyon pour venir à elle ; et, par attractions de proche en proche, elle a entraîné jusqu'à ses marchés des mouvements d'affaires sortis d'Italie[153].

Ce n'est point cependant la vie marchande qui donnait à Vienne sa physionomie propre[154]. Elle eut, ce me semble, un luxe élégant, des façons magnifiques qui manquaient peut-être à Lyon. C'est moins une cité d'affaires et de bourgeois que de nobles et de dépenses. Le jour où les seigneurs allobroges résolurent de vivre à la romaine, ils se sont fait bâtir de beaux hôtels à Vienne, et ils n'en bougent plus durant l'hiver : elle a été la première des cités de la Gaule où l'aristocratie indigène s'est groupée pour s'amuser à la manière des sénateurs[155]. Et comme les domaines des Allobroges sont très étendus, très fertiles, propres aux choses les plus diverses, comme la population est nombreuse, habile et décidée, comme l'agriculture et l'industrie peuvent tirer un égal parti de ces terres, de ces eaux et de ces bois, la fortune arrive à Vienne de mille sources qui ne tarissent point. C'est ici que va se dépenser l'argent gagné aux vignobles de la Côte Rôtie[156], aux blés et aux chanvres du Grésivaudan, aux moissons de la Vallée Dorée de Valloire, aux remontes des mulets dauphinois[157], aux poteries des limons rhodaniens, aux résines des forêts de la montagne[158], aux troupeaux du haut pays, producteurs de bon fromage, de cuir solide et de laine chaude[159] : ici, aux bords du Rhône, tout cela se convertit en bâtisses, en jeux et en plaisirs.

Le luxe des Viennois atteignit des proportions qui étonnaient les Romains eux-mêmes. L'un deux, Valerius Asiaticus, passait pour avoir la plus grande fortune de l'Empire, pour être l'égal de l'ancien Lucullus, dont il avait acheté les jardins à Rome avec son argent et ses clients, il aurait pu, s'il l'avait voulu, soulever des provinces et des armées[160]. Mais il aimait mieux se divertir[161] ; et quand il venait à Vienne, il ne manquait pas d'y avoir une troupe d'acteurs à ses gages[162]. Rien ne paraissait impossible à des Viennois en matière d'honneur et de dépenses. Pour soutenir la gloire de leur vin, ils le firent monter jusqu'à sept mille francs le tonneau. Les richesses de la cité étaient prodigieuses. Elles excitaient la convoitise des Lyonnais eux-mêmes. La soldatesque en rêvait dans les jours de guerre civile. Quand les généraux de Vitellius arrivèrent de Germanie, ils eurent de la peine à sauver Vienne du grand pillage : elle se racheta au prix de plusieurs millions de sesterces[163].

Au reste, la dépense était pour les Viennois un moyen plutôt qu'un but. Ils voulaient ressembler à Lucullus, mais non à Trimalchion. Avec leur or, ils se payaient de bons comédiens grecs[164], des courses de chars dans le cirque[165], de superbes édifices[166], des chefs-d'œuvre de la statuaire[167], des mosaïques d'un art achevé. Une grâce naturelle accompagnait leurs plus-folles prodigalités. Le mérite ou l'éclat de ses monuments avait donné à la ville un renom de beauté par tout l'Empire[168]. Ses habitants estimaient les choses d'esprit, et leur origine celtique ne les rendait pas indifférents aux finesses de la littérature. Ce fut une fierté pour le poète Martial, qu'on goûtât ses vers à Vienne, et il en fut aussi joyeux que s'il avait reçu de l'or du Tage ou savouré le miel de l'Hymette : l'esprit des Viennois était donc comparable aux, plus fameux des biens de la terre. lis eurent de grands orateurs, en langue latine bien entendu, que Nome sut applaudir. Vienne offrait toutes les manières de s'intéresser à la vie. Elle obtint même, parfois, le luxe d'une cour royale : lorsque Auguste dut éloigner de ses États le roi de Judée, il lui assigna cette ville pour résidence[169] ; il pensa sans doute que des Grecs d'Orient, intelligents et fastueux, n'y seraient point dépaysés. C'était, dans toute la Gaule, la ville noble par excellence[170].

 

X. — SUR LA RIVE DROITE DU RHÔNE.

A quelques milles au nord de Vienne sur la chaussée d'Agrippa, finissait la province de Narbonnaise[171]. Pour achever de la décrire, il faut passer sur la rive droite du Rhône[172], et, laissant là Lyon dont nous avons senti les approches, redescendre le fleuve en tournant vers le sud. Une très bonne route suit cette autre rive : ce qui annonce un pays passager et de fortes bourgades.

Au début de ce nouveau voyage, nous saisissons encore la prestigieuse influence de Vienne, toute voisine. Cette rive droite lui appartient : la cité est maîtresse sur les deux bords du fleuve, et elle y étend également ses richesses. A Saint-Romain-en-Gal, à Sainte-Colombe[173], ce sont de somptueuses villas, des thermes grands comme des palais, des portiques en marbres éblouissants, les formes blanches des statues de divinités, des mosaïques innombrables aux mille couleurs, où se déroulent les fables des dieux grecs et les épisodes de la vie champêtre

il faudrait aller pris de Rome, sur les collines où les sénateurs prennent leur repos, pour retrouver pareille élégance dans la fortune. A droite, sur les hauteurs, nous voyons resplendir aux jours d'été les vignobles de la Côte Rôtie, où se prépare ce vin fameux que les viticulteurs allobroges ont imposé même aux gourmets de la capitale.

Puis, la campagne devient moins riche, les grandes Cévennes de l'intérieur envoient des éperons jusque sur la rive : on quitte le pays des Allobroges pour entrer chez les Helviens, habitants du Vivarais[174].

Cette fois, et c'est la première[175] depuis l'arrivée en Gaule, et ce sera la seule en Narbonnaise, il nous faut parler d'un peuple et non pas de villes. Les Helviens[176] ont bien une grosse bourgade qui leur sert de capitale, Aps ou Alba[177], vieux nom de redoute ligure : mais c'est si peu de chose ! et elle est perdue dans un vallon de la montagne, loin de la route d'en bas, sur le chemin qui monte en croupe des Cévennes[178]. Sur le bord du fleuve, les Helviens montrent quelques petites villes agricoles, des lieux de foires et de pèlerinages, des petits ports, presque tous à la fin de la descente des sentiers cévenols[179]. La majeure partie de la vie de ces hommes, race forte et laborieuse, se passe dans le travail des champs, à cultiver les moindres replis de leurs vallées, à irriguer leurs terrasses, à fabriquer de très bon vin sur les coteaux qui font face au soleil. Seuls parmi les Gaulois du Midi, ils ont ignoré la présence de colonies romaines, le mouvement des voies militaires, les jouissances des grandes villes[180].

Près de Pont-Saint-Esprit[181], on sortait du territoire des Helviens, on abordait celui de la colonie nîmoise.

Tout révélait alors, les mots comme les choses, le retour à la vie municipale, aux plaines ouvertes, aux influences des routes, de la mer et du Midi. Les bourgades s'étendaient plus grosses au voisinage du fleuve ou sur les rochers qui dominaient les champs[182]. On apercevait de plus vastes domaines, qui venaient fixer leurs villas et ouvrir leurs ports sur les rives du Rhône[183]. Les oliviers se mêlaient aux vignes. De plus larges sentiers montaient vers l'intérieur par des pentes plus douces[184] : on devinait qu'ils allaient rejoindre de grands marchés, de bonnes petites villes, Uzès[185], Alais[186], lieux d'échange entre les riverains du fleuve et les paysans dès montagnes voisines, lieux de repos aussi pour ceux qui cherchaient les frais ombrages et les eaux salubres[187], loin des routes poudreuses d'en bas, des rafales du Mistral et des grondements du Rhône.

Enfin, au delà d'un dernier rocher, à Ugernum ou Beaucaire[188], on retrouvait, face à Tarascon, la grande route du Midi, celle d'Arles, Aix et Fréjus.

Cette route, à l'ouest du Rhône, c'est celle du proconsul Domitius, la plus ancienne que les Romains aient bâtie en Gaule. Ici, comme autour d'Aix, le sol rappelle les épisodes de la première conquête — on peut voir, intercalées avec des milliaires de Claude et d'Auguste, de grandes bornes sans inscription qui datent de la République[189]. Toutes les générations de chefs, tous les empereurs constructeurs ont laissé des traces sur ce chemin. Hercule et Hannibal ont passé par là avant Hadrien, Auguste et Domitius. On se sent à nouveau sur une terre d'histoire et de légende.

En moins de deux heures, en quittant Beaucaire, le voyageur arrivait à Nîmes.

 

XI. — NÎMES[190].

Étrange et séduisante cité ! son origine est mystérieuse, il se dégage de son passé un charme subtil, et nous n'arrivons pas à bien connaître sa vie[191].

On s'est plu à la comparer à Rome, parce qu'elle pouvait, comme la capitale de l'Empire, présenter au monde les sept collines où s'étageaient ses demeures. Mais elle n'avait que cette apparence de la ville monstrueuse. Elle n'en montrait ni le large fleuve aux flots jaunis, ni le lourd entassement des grands édifices, ni la populace vulgaire et désœuvrée. Plus d'harmonie régnait dans ses lignes, plus de discrétion dans ses actes.

Sans en excepter Lyon, c'est la plus sainte des cités de toutes les Gaules[192] : je veux dire celle dont la vie se môle le plus à la vie des dieux. Quelques-uns racontaient qu'Hercule y était venu[193]. Mais il n'y avait laissé que son. souvenir, tandis qu'une autre divinité, toujours présente et active, ne cessait d'habiter le sol de Nîmes, la ville avait un dieu en elle pour y faire du mouvement et de la joie : c'était sa fontaine sacrée, sortie de l'une de ses plus hautes collines, tantôt sourdant en nappes paisibles, tantôt s'échappant en flots d'écume, ensuite épandue en vaste bassin[194] ou allongée à la façon d'une rivière, née dans la cité, s'épanouissant avec elle, l'enserrant, la guidant, la vivifiant, de même que le sang de l'homme soutient et chauffe son corps. Voilà, et non pas Hercule, le vrai fondateur de la ville, son Lare divin ; voilà pourquoi elle porte le même nom que sa source, et pourquoi le dieu Nîmes, deus Nemausus, est pour les habitants de ce lieu tout à la fois l'eau qui les réconforte, la cité qui les abrite, la divinité qui les protège. En face des nouveaux dieux venus de la Gaule celtique, de l'Italie romaine, de l'Orient hellénique, Nîmes demeure éternellement fidèle au culte immémorial et souverain de la source[195].

Cette union plus que millénaire avec la divinité explique sans doute ce besoin de piété, ce goût pour la vie dévote, qu'on sent chez les Nîmois contemporains d'Auguste ou de Trajan. On y aimait beaucoup les empereurs, et la ville était un modèle de loyalisme. Mais nulle part le patriotisme romain ne prit davantage la forme d'une religion : le temple de la Maison Carrée est en l'honneur des petits-fils d'Auguste, la basilique est un sanctuaire en mémoire de Trajan et de Plotine ; (lamines impériaux, confrères augustaux, statues et autels aux princes, on eût dit que la cité, par ordre du dieu de sa Fontaine, s'était vouée tout entière aux Césars.

Cependant, elle n'était pas d'origine italienne. Parmi les colonies du Midi, c'est celle dont l'ascendance semble la moins nette, le sang le moins pur. Comme Vienne, elle renferme beaucoup de Gaulois du pays, qui y ont élevé leurs hôtels[196]. Mais il se mêle à eux bon nombre d'étrangers, Grecs et Orientaux surtout[197], qu'Auguste, je crois, y installa après Actium. Nîmes, sur ses monnaies, avait pour arme parlante un crocodile enchaîné à un palmier. De même qu'à Marseille et qu'à Lyon, l'Orient s'y joignait aux Celtes[198]. Des Espagnols et des Italiens s'y sont également établis[199]. Aucune ville de la Gaule, sauf sa capitale du Confluent, ne vit un mélange de races et d'humeurs plus différentes.

Cela, encore, contribuait à entretenir les hommes dans une sorte de contagion religieuse[200]. Tous les cultes y vivaient à l'abri de la Fontaine. Les dieux celtiques, les plus vieux fétiches indigènes résistaient à Nîmes beaucoup plus vigoureusement qu'à Vienne, Arles ou Narbonne[201]. Une piété touchante unissait les familles à leurs fées domestiques, ces bonnes Proxumes qui possédaient dans chaque maison leurs modestes autels[202]. Ceux des habitants qui venaient d'Égypte avaient fait connaître Isis, Sérapis, Anubis, et des confréries s'étaient formées sur ces noms[203]. C'était des dieux que l'on parlait le plus à Nîmes[204].

On y travaillait quand même, et beaucoup. Mais je ne sais encore au juste à quelle sorte d'activité Nîmes devait sa prospérité matérielle : elle ne pouvait lutter ni avec Arles et Narbonne pour le commerce, ni avec Vienne et Béziers pour les vins, ni avec Aix pour les huiles. Son terroir, bien qu'étendu[205], n'était point très riche ; et elle n'a pas la place d'un carrefour. Pourtant, elle devint vite une très grande ville[206], fort peuplée et luxueuse. On n'y épargnait rien pour avoir de bonnes troupes de comédiens[207], de vaillants couples de gladiateurs[208] : car, alors comme maintenant, le Nîmois se passionnait pour le théâtre et pour l'arène, et les spectacles variés, bruyants ou même sanglants, étaient aussi nécessaires à sa vie que les affaires de la religion. Les temples, l'amphithéâtre, l'aqueduc, la basilique de Plotine, les mausolées[209] et les mosaïques[210], tout indique que nul ne regardait à la dépense, ni magistrats ni particuliers, et que les choses, aussi, y étaient faites avec soin et avec goût. Il est possible qu'à défaut du commerce et de l'agriculture, l'industrie ait fourni aux Nîmois le meilleur de leur fortune. Aujourd'hui, à côté de Narbonne et de Béziers trop absorbés par leurs vins, Nîmes et Montpellier doivent à leurs fabriques leur manière personnelle de travailler. On peut supposer que de même, dès les temps romains, il s'était fondé à Nîmes d'actifs ateliers, de bonnes maisons de gros, par exemple pour les draps de laine et pour les objets en métal[211].

Dépenses, dévotion et travail ne nuisaient pas aux études libérales, aux humanités. Rome reçut de Nîmes, au premier siècle, l'un de ses meilleurs orateurs, Domitius Afer. Il s'y formait des praticiens en droit[212] et des médecins[213]. Montpellier étant encore à naître, c'est Nîmes qui faisait l'éducation intellectuelle du Bas Languedoc.          

Les empereurs l'aimèrent beaucoup. Auguste voulut bâtir à ses frais les remparts et les portes de la ville[214]. Elle fut comblée de présents et d'amitiés par les grands princes du second siècle. Il est vrai que l'un d'eux, Antonin, était d'une famille nîmoise. Mais cela ne suffit pas pour expliquer le bon renom de la cité auprès de la dynastie. En réalité, entre elles deux, il y avait une harmonie naturelle. La vie ne présentait pas à Nîmes l'allure fiévreuse des grands centres commerciaux de Narbonne ou de Lyon, l'attitude glorieuse de Vienne l'opulente. Il y régnait une bourgeoisie pieuse et pratiquante, familiale et active, qui répondait à l'idéal des Antonins.

 

XII — ENTRE NÎMES ET NARBONNE.

Au delà de Nîmes, la voie Domitienne continuait sa course vers le couchant, en droite ligne, solide sur sa chaussée, flanquée de bornes innombrables, ici brillant au soleil dans une blancheur éblouissante[215], là disparaissant sous des nuages de poussière qui déferlaient pareils à des vagues[216].

Elle se tenait à une distance presque égale de la montagne et de la Méditerranée. De même que la voie Aurélienne entre Fréjus et Arles, elle ne se mêlait qu'indirectement à la vie du rivage et à celle du haut pays : les marchés qui s'étaient ouverts dans les vallons cévenols, Anduze[217], Le Vigan[218] et Lodève[219], les vieux ports grecs et ligures qui persistaient entre les étangs et la mer, Saintes-Maries de la Camargue[220], Saint-Gilles[221], Lattes[222], Maguelonne[223], Cette[224] et Agde[225] l'antique colonie de Marseille, vivaient a part de la voie Domitienne, recevant le principal de leurs ressources, ceux-ci de leurs pêches, de leurs salines et de leurs pèlerinages de mer, ceux-là des laines et des fromages que leur envoyaient les causses du voisinage.

La voie Domitienne, pendant soixante-quinze milles, demeurait donc sans voir de grandes villes. De temps à autre ; elle apercevait à son horizon de gros villages, à l'escalade sur de sèches collines, héritiers de très antiques forteresses ligures, ibériques et gauloises ; mais ces villages ne connaissaient la route que par les sentiers poudreux qui la rejoignaient[226] : elle avait été bâtie pour les besoins supérieurs de l'État, et non pas pour les intérêts des ruraux dont elle longeait sans fin les vignobles et les olivettes. Montpellier n'existait pas encore la petite colonie qui en tenait lieu, Sexiantio ou Substantion, végétait paisiblement sur un coteau aux bords du Lez[227]. Il manquait, sur cet interminable et monotone trajet, une large hospitalité citadine.

Enfin, Béziers[228] apparaissait, dressant ses remparts sur sa plate-forme haute et trapue[229]. On eût dit une citadelle formidable, gardienne d'un pays menacé de tous côtés par l'ennemi[230]. Mais, ainsi qu'à Orange sa contemporaine, la réalité survenait aussitôt, pacifique et prosaïque. Cette ancienne colonie des vétérans de César, des soldats de la fameuse septième légion, n'était plus que la capitale, grasse, affairée et joyeuse, des marchands de vin du Languedoc. D'ailleurs, le voisinage de Narbonne, à seize milles de là, lui interdisait d'autres ambitions[231].

 

XIII. — NARBONNE[232].

Narbonne[233], sous les empereurs, ne réalisa peut-être pas les espérances qu'avaient mises en elle Auguste, César et les Gracques. Son port, formé par l'Aude et les étangs, ne se prêtait pas à des opérations illimitées ; il eût fallu de très grands travaux, devant lesquels l'État recula[234]. L'accès n'en était point très commode, et il avoisinait un rivage morne et une mer dangereuse. Depuis que Rome était maîtresse de toute la Gaule, beaucoup de marchandises, au lieu de prendre Narbonne pour entrepôt, n'y faisaient que passer ou suivaient d'autres routes : Arles était plus agréable comme port, mieux située comme place de transit ; Lyon, plus convenable comme centre d'affaires. L'arrière-pays n'offrait pas des ressources assez variées[235] : Béziers s'était assuré l'empire des vins[236], Toulouse celui des blés[237]. Il restait à Narbonne ses huiles[238], le miel de ses abeilles[239], les salines[240] et les huîtres de ses étangs. Quant à son rôle militaire, il n'avait plus de raison d'être.

Narbonne résista vaillamment aux concurrences et aux mauvaises fortunes. Elle demeura la capitale de la grande province du Midi ; les administrations y avaient leurs bureaux, le conseil s'y tenait. Auguste y séjourna volontiers, malgré la poussière et le Mistral[241] ; et elle reçut de César, à titre de colons, les vétérans de la dixième légion, qui lui donnèrent un lustre nouveau : car c'était cette dixième qui, avec le proconsul, avait conquis la Gaule. De nouveaux monuments furent construits pour ce surcroît de population[242]. Aux portes de la ville, on éleva ce grand temple de Rome et d'Auguste qui devint le sanctuaire officiel de la Gaule méridionale. Ces fonctionnaires, la cour du proconsul, la domesticité des intendants, ce monde nombreux et dépensier qui venait de Rome, avaient de grands besoins et des habitudes sénatoriales. Au surplus, il restait à Narbonne ce que personne ne pouvait lui disputer, le voisinage de l'Espagne, le carrefour de ses routes vers l'Aquitaine et les Pyrénées, c'est-à-dire un passage continu d'hommes et de marchandises.

Par la vitesse acquise, par l'appui des personnages officiels, par l'énergie réelle de ses habitants, Narbonne continua donc d'abord à croître et à prospérer[243]. Elle passait, sous les premiers empereurs, pour la deuxième ville de la Gaule, la prééminence ayant été conquise par Lyon[244].

On y traitait beaucoup d'affaires, et de tout genre[245]. Des navires entraient journellement dans son port, venant de Rome, d'Afrique, de Sicile, d'Orient. Une longue suite d'entrepôts, le long de l'Aude ou des étangs, regorgeaient des marchandises les plus diverses[246]. C'était la ville aux armateurs innombrables : quiconque avait un peu d'audace et de crédit, risquait sa fortune sur un navire. On s'y passionnait, plus qu'en aucune ville de la Méditerranée gauloise, pour les choses de la mer. Jamais Narbonne n'a vu tant de matelots errant dans ses rues, tant de vaisseaux sculptés sur ses tombes.

Pour alimenter le fret et pour satisfaire aux besoins de ses hôtes, Narbonne connut également l'activité de la vie industrielle. Il s'y établit des fabricants et des marchands de toute sorte. Aucune des espèces de la manufacture et de la boutique ne lui faisait défaut : elle eut ses huileries, ses charcuteries, ses quincailleries, ses magasins d'orfèvres, ses manufactures de draps, ses ateliers de teinture, ses dépôts de droguerie, ses . stocks de plâtre, ses fabriques de meubles et de bronzes. L'industrie s'y diversifiait en variétés inimaginables : l'un ne s'occupait que de vannerie, l'autre que de limes de métal, celui-ci de peaux et celui-là de parfums[247]. Ajoutez les métiers nécessaires pour entretenir les affaires ou pour nourrir les hommes, changeurs, banquiers et courtiers d'un côté, rôtisseurs, taverniers et hôteliers de l'autre[248] ; si tous ces gens-là avaient sur rue étalage, devanture ou enseigne, Narbonne était la ville la plus marchande, la plus pittoresque, la plus plébéienne, la plus bruyante et la plus turbulente[249] de toutes les Gaules.

Malgré cela, il me semble que ce mouvement est de surface, dû surtout aux circonstances, et que la richesse ne tient pas au pays par les mêmes racines profondes qu'à Vienne ou qu'à Lyon. Je soupçonne beaucoup d'affaires de détail plutôt que des affaires de gros[250]. Narbonne renferme quantité d'armateurs et de négociants ; mais je n'y trouve pas une seule de ces puissantes corporations qui firent la solidité du commerce arlésien ou lyonnais ; on dirait que l'État les y a interdites, pour qu'elles ne gênent pas l'autorité du gouverneur et les bureaux des intendants. Lorsqu'eut disparu la génération des colons de César, un peu de la vie de Narbonne s'en alla avec elle[251]. Sauf Hadrien, qui voulait tout voir[252], plus aucun empereur ne visita la ville : Lyon les attirait trop. Puis, un grand malheur arriva, l'incendie qui, au milieu du second siècle, la détruisit presque entièrement. Nîmes à son tour, favorite des Antonins, lui fit concurrente dans le Midi ; et l'on a même supposé qu'elle lui enleva un instant la dignité de métropole[253].

Narbonne n'en resta pas moins toujours ce qu'on pourrait appeler une bonne ville latine, tout imprégnée de mœurs italiennes, d'antiques habitudes. Ces plébéiens de Rome qu'y avait envoyés le sénat des Gracques, ces vieux légionnaires du Samnium ou de l'Ombrie qui y étaient venus par ordre de César, avaient imprimé à la cité des traits qui ne s'effaçaient point. Les tombes, très simples, sans longues formules, sans images compliquées, aux lettres énormes et profondes, aux figures sobres et robustes, rappelaient la gravité solennelle des choses de l'ancien temps[254]. Quoique Narbonne ait produit des orateurs passionnés et de consciencieux poètes, dont Rome même était fière, je me demande si Vienne ou Nîmes, quoique plus qu'à demi gauloises, ne comprenaient pas mieux qu'elle les élégances et les subtilités de la civilisation contemporaine. Les œuvres d'art sont rares à Narbonne[255] ; elle ne possède presque point d'inscriptions grecques[256]. Son esprit rappelait plutôt l'antique Italie que la culture du monde impérial. Aucun dieu gaulois ne s'immisça dans les affaires de culte ; Isis, Mithra, les nouveautés orientales furent froidement accueillies[257] ; les vrais maîtres des âmes étaient les Augustes[258] ou les grands dieux traditionnels de Rome, auxquels on éleva le Capitole le plus célèbre de la Gaule[259], et, en outre, les bonnes déités du Latium, Génies, Junons ou Lares des hommes ou des familles[260]. Narbonne était un peu pour l'Italie ce que Marseille avait été pour l'Ionie, ce que le Canada est pour nous, l'image d'une époque disparue, un trésor de survivances.

 

XIV. — VERS L'ESPAGNE ET VERS L'AQUITAINE ; TOULOUSE.

Narbonne et Arles étaient les deux principaux carrefours de la Gaule méditerranéenne[261]. Deux grands chemins militaires y rejoignaient la voie méridionale : à Arles, c'était celui des provinces du Nord par Lyon et le Rhône ; à Narbonne, c'était celui des provinces du Sud, c'est-à-dire des Espagnes, par le col du Pertus aux Pyrénées[262].

La route d'Espagne restait quelque temps encore sur le sol de la Gaule Narbonnaise. Mais si elle traversait de beaux pays, d'admirables cultures, les lieux qu'elle desservait, Roussillon sur sa colline[263]. Elne au milieu de sa plaine[264], n'étaient plus que les ombres de notas fameux, le cadre des souvenirs d'Hercule, des Ibères et d'Hannibal. Malgré les efforts des premiers empereurs pour y installer des colons et y multiplier les temples, et les autels[265]. La vie se retirait peu à peu de cette région roussillonnaise, si peuplée d'êtres et si visitée des marchands aux époques héroïques de la Méditerranée grecque. Narbonne au nord et Tarragone au sud des Pyrénées attiraient les attentions et concentraient les initiatives[266].

Puis, du côté de la Gaule, une autre direction s'imposait maintenant aux curiosités et au commerce. L'Espagne n'absorbait plus les convoitises des hommes, ainsi qu'au temps des Barcas et des Scipions. A l'ouest de Narbonne s'ouvrait, droit vers l'Occident et l'Atlantique, une autre route, que la nature avait marquée elle-même par des sillons de rivières,. qui traversait un pays riche et des peuples de bon accueil. C'est maintenant sur ce chemin de l'Océan, vers l'Aquitaine, et non plus sur celui de l'Espagne, que se continue la vie normale du Midi gaulois[267].

De Narbonne, la route de l'Atlantique montait très doucement vers le couchant, perdant peu à peu le contact des oliviers et des vignes, pour prendre celui des blés, des lins et des chanvres[268]. Une forme plus douce du Midi se dessillait. Au delà de la modeste colonie de Carcassonne[269], on passait sans fatigue dans la vallée d'un grand fleuve de l'Océan, la Garonne, que l'on ne tardait pas à rencontrer, se recourbant vers le couchant d'été dans la riante plaine de Toulouse[270].

Toulouse[271] avait été célèbre dans les fastes de la conquête. La plus opulente des peuplades gauloises du Midi, celle des Volques, avait eu là sa citadelle la plus forte et ses sanctuaires les plus fameux. Rome s'était enrichie à piller Toulouse. Puis, le pillage terminé, le silence se fit sur la ville. Elle quitta les hauteurs aux vastes terrasses où elle avait largement vécu jusque-là et d'où elle dominait la Garonne[272], pour s'établir dans la plaine aux rives mêmes du fleuve[273]. Des colons romains y étaient venus, mais les fils de Gaulois y demeuraient le plus grand nombre.

Comment ils vécurent tous, nous ne le savons pas. Le hasard[274] a fait qu'il ne nous reste presque rien de la Toulouse latine. Et cependant il n'est point possible que ce ne fût une ville peuplée, grande[275], active, riche et heureuse. La terre y est grasse et fleurie ; les Romains lui ont demandé les moissons de blé de ses plaines, les fromages de son haut pays[276], les marbres de ses montagnes[277] ; et l'on disait aussi que les Cévennes et les Pyrénées lui envoyaient toujours de l'or en abondance. Toulouse avait pu être pillée et ruinée jusqu'à la moelle par les proconsuls ; elle était, suivant le mot des Anciens, trop près des sources de la richesse pour ne pas se refaire une fortune en une génération humaine. Au pied de son Capitole[278] et à l'intérieur de ses murs de briques, on peut supposer qu'il y avait beaucoup d'hommes, de maisons, de boutiques et de deniers, et pas mal de belles choses.

Mais voici, à travers l'obscurité de son histoire, une singulière lueur, qui nous révèle dans la Toulouse de ce temps un mérite particulier, étranger et supérieur aux richesses de la terre. Le poète Martial, qui a cherché, ainsi que nous le faisons ici, à trouver l'expression dominante dans la figure des cités romaines, appelle Toulouse la ville de Minerve[279]. Il ne peut s'agir, en cette époque paisible de Domitien, de la Minerve des combats : celle que Toulouse honorait, c'était la déesse des étudiants, des orateurs, des poètes. Pour qu'elle ait reçu ce titre, il faut donc qu'elle fût déjà célèbre par son culte des lettres, par le peuple de ses écoles, par le mérite de ses maîtres ; et de fait, les annalistes de ce temps inscrivirent le nom de l'un d'eux, Ursulus, dans les fastes de l'Empire romain, comme s'il s'agissait d'une gloire universelle[280]. La ville de Minerve ! c'est la seule cité de Gaule à laquelle on ait fait ce renom.

 

XV. — ASPECT GÉNÉRAL DE LA NARBONNAISE.

Toulouse était, du côté du couchant, la dernière ville que l'on rencontrât dans la province romaine de Gaule Narbonnaise. Celle-ci se prolongeait encore un peu vers l'ouest, pour finir, non loin de la rivière du Tarn, aux abords de la ville actuelle de Castelsarrasin[281].

C'était sa limite originelle, celle que l'histoire des premières guerres avait fixée aux conquêtes du proconsul Domitius. Les administrateurs de l'Empire ne songèrent pas une seule fois à la modifier. Pourtant, aucune raison physique, aucun motif administratif n'incitait à la garder : il n'existe entre Toulouse et Agen ni obstacle matériel ni opposition de peuples, ce sont même fleuve, même route, même nature de terres, de langues et d'hommes. Mais il arriva souvent, dans l'Empire romain, que les choses une fois réglées, fût-ce par le hasard, s'immobilisaient éternellement : on y vécut plus souvent de routine que de logique[282] ; l'habitude y devenait une fonction sainte. Telle que le sénat l'avait créée, la Narbonnaise dura donc quatre siècles ; et pas une fois, dans le cours de ce temps, on ne cessa de s'apercevoir qu'elle datait d'une époque plus ancienne que le reste de la Gaule, qu'elle avait une figure différente.

Cette figure, il nous est aisé de la retrouver : une série de villes fortes, se dressant à chaque fin d'étape sur une grande route, voilà l'apparence politique du pays ; et il ressemble par là à toutes les régions de l'Italie, à toutes les terres antiques du monde gréco-romain,

Sauf dans le Vivarais[283] aux rudes montagnes, il n'est plus question en Narbonnaise de peuplades et de tribus. Tous les noms anciens des nations ont disparu : les petits-fils des Volques se disent Nîmois ou Toulousains, et ceux des Allobroges ne sont plus que les citoyens de Vienne, ce qui d'ailleurs n'ôte rien à leur fierté. Ville et patrie, peuple et municipe, ces expressions sont ici identiques l'une à l'autre, de même que partout en Italie et que partout en Grèce. Le pays est incorporé à la vie municipale des terres classiques.

Ce qui a amené cette transformation, c'est que César et Auguste y ont multiplié les colonies : nous en avons rencontré sur toutes les grandes routes, à une ou deux journées de marche l'une de l'autre[284] : et qui dit colonie dit image et simulacre de Rome.

Il est vrai que dans ces colonies, à Vienne, à Nîmes, à Toulouse, beaucoup de Gaulois et quelques Grecs se sont mêlés aux gens d'Italie. Mais le mélange a été si complet, que nous avons eu peine à distinguer les diversités initiales des populations[285]. Toutes ces villes, à des titres divers, sont des centres de vie latine : que Toulouse montre ses écoliers, Nîmes ses dévots, Arles ses marins, Vienne ses élégants, Béziers ses vignerons et Narbonne ses boutiquiers, tous ces gens ne travaillent, ne parlent et ne pensent pas autrement qu'on ne le ferait à Pouzzoles, à Ostie ou à Brindes. S'il y a çà et là, dans la physionomie de quelques villes, un reflet d'habitudes gauloises, il ne fait que donner une nuance particulière à l'expression de pensées latines.

De Toulouse à Vienne, de Vienne à Nice, c'est un amphithéâtre de terrasses et de plaines, d'où trente villes et mille bourgades regardent vers la Méditerranée, l'Italie et la Grèce, pour recevoir leurs souffles et s'inspirer de leurs leçons. Les hommes n'ont fait que suivre l'exemple du pays. Il s'est couvert de vignes et d'oliviers, il a pris modèle sur l'Attique ou la Campanie. Son sol a les mêmes richesses que ces terres bénies de la Grèce et de l'Italie ; son soleil a la même force, sa vie la même gaieté. Ici, disait un Ancien en entrant dans la Narbonnaise, nous sommes encore en Italie : devant ces belles villes qui se serrent l'une près de l'autre, ces hommes aimables et lettrés, cette nature qui sourit, on se sent près de Rome, et nul ne se croit en province[286].

 

 

 



[1] La Garonne ne formait du reste qu'approximativement la limite entre Celtes d'Aquitaine et Aquitains proprement dits ou gens de Novempopulanie.

[2] Je n'insisterai pas, à moins que la chose n'ait une importance particulière, sur les usages épigraphiques ou archéologiques, presque tous funéraires, propres à chaque ville : car en ce temps-là, comme de nos jours, chaque ville avait ses habitudes vis-à-vis du mort. Par exemple : à Nîmes, fréquence du pileus sur les tombes (Hirschfeld, III, p. 383), Julius servant de prénom, la mention de la magistrature précédant le nom du titulaire (id.) ; à Narbonne, le pileus comme à Nîmes, épitaphes en gros caractères, stèles avec rosaces, abondance des formules vivit, vivunt, obitus (représentées le plus souvent par les initiales V, O, Θ), hic situs ou sepultus ; à Apt, noms souvent indiqués par de simples initiales ; chez les Voconces, tombeaux en forme de cippes au sommet cintré ; à Valence, ascia entre D. M. ; dans les régions pyrénéennes, type de sépulture rappelant l'Espagne, avec rosaces, ornements géométriques, arcatures de portes (Esp., n° 882-890) ; à Lyon, longues inscriptions aux épithètes multiples, déclamatoires ou sentimentales ; à Langres, très rarement l'âge du défunt ; le contraire à Bordeaux ; à Autun, le mort représenté en attitude de buveur ; noms tirés des nombres à Trèves ; noms en Cara- chez les Médiomatriques ; dans le pays de Saverne, stèles en forme de huttes, parsemées de roues, étoiles [?], cercles, disques ou rosaces ; fréquence du nom de Camillus chez les Helvètes ; le repas funéraire figuré surtout dans les régions voisines du Rhin ; etc. — Nous avons noté, ch. I, quelques particularités régionales relatives aux dieux.

[3] Tam civitatium quam singulorum hominum mores sunt ; Tite-Live, XLV, 23, 14.

[4] Tacite, Hist., I, 65 : les Lyonnais disaient cuncta iilic [à Vienne] externa et hostilia [la ville de Vienne est une colonie, je crois, d'Allobroges], se coloniam Romanam et partem exercitus, et prosperarum adversarumque rerum socios. Il faut du reste faire des réserves sur l'exactitude de ces allégations.

[5] Les malheurs de la Gaule et la décadence de l'Empire commencent à vrai dire avec Marc-Aurèle, peut-être même avec Antonin. Pour la suite des catastrophes, t. IV, surtout ch. XIII, 4, ch. XIV, § 9, ch. XV, § 8, ch. XVI, § 3-4.

[6] Cf. t. IV, ch. XIV, XV, XVI, et, dans ce dernier chapitre, surtout § 2 et 7.

[7] On la préférait.

[8] C'est la suite de la via Aurelia, partie de Rome, suite à laquelle on donnait sans doute le même nom jusqu'à Arles. — C'est la route suivie par César lors de sa campagne d'Espagne en 49, et peut-être alors campa-t-il à Fréjus ; route suivie aussi par Marc-Antoine et Lépide en 43.

[9] Je crois cependant le port, non d'origine marseillaise, mais ligure. Le souvenir d'Hercule y est encore rappelé par Ammien Marcellin (XV, 10, 9) et par Mamertin (summas arces Monœci Herculis ; Genethl. Maximiani, 4). L'étymologie de Monœcus (μόνος, οΐκος, l'Hercule solitaire ; cf. Servius, Æn., VI, 830) est une fantaisie des Grecs ; le nom est indigène.

[10] C'est le Alpe summa de l'itinéraire Antonin, qui ajoute (p. 296, W.) : Huc usque Italia, abhinc Gallia.

[11] Il me parait difficile de ne pas supposer qu'Auguste, en choisissant cet emplacement pour le principal trophée de son règne (il n'y a pas de doute sur cette expression de principal ; Pline, III, 136), qu'Auguste ait sondé tout à la fois au voisinage du port d'Hercule et à l'importance religieuse des lieux frontières. Cf. les trophées du Pertus.

[12] Officiellement, l'Italie s'arrêtait au Var, entre Nice et Antibes (Strabon, IV, 1, 3, etc. ; Pline, III, 31 ; Lucain, I, 404). Mais Nice étant encore possession marseillaise, la vraie limite de la Gaule doit être cherchée à la Tète de Chien et à La Turbie, où l'indiquent les textes itinéraires, où finit au Moyen Age l'évêché de Nice et Cimiez. Au surplus, cette mention du Var comme limite n'apparait plus après le premier siècle. — Les Alpes Maritimes, en tant que province, comprenaient Cimiez et sans doute s'arrêtaient à La Turbie. Le territoire marseillais de Nice devait consister en une bande littorale de 2 à 3 kilomètres de profondeur, allant du Var au cap d'Ail ; c'est, je crois, ce qu'on appelait chora inferior, par rapport aux Alpes Maritimes, lesquelles pourraient être appelées pays d'en haut. Il est possible que ce fût la route qui séparât les deux pays. — De La Turbie à Cimiez, elle passait par le vallon de Laghet.

[13] Nicæa Massiliensium. Non chef-lieu de civitas : elle ne fut enlevée à Marseille que pour passer sous la dépendance de Cimiez dans les Alpes Maritimes.

[14] Par exemple au cros de Cagnes. Plus loin, le monument de Biot. — Voyez, en ces différents endroits des t. I et IV, les épisodes militaires qui se sont passés sur cette route entre Nice et Antibes.

[15] Antipolis. Antibes est la première ville de Gaule qui ait reçu le jus Italicum et qui ait pu, par suite, être qualifiée de municipium. — On lui donne sous le Bas Empire 590 mètres de pourtour et 2 hectares de superficie. — Remarquez à Antibes la prépondérance des Albucii.

[16] Outre Monaco, Nice et Antibes : entre les deux premiers, sans doute Beaulieu, Saint-Jean et Villefranche ; entre Nice et Antibes, le port de Cagnes. Il restait la pêche pour le marché d'Antibes.

[17] Culture de l'olivier et fabrication de l'huile ; vignobles et raisins de table.

[18] Mougins, sur la hauteur, était un vieil oppidum important.

[19] Milliaire d'Auguste près du cap Roux (XII, 5144) ; sur la route d'Auguste. — Mais le tracé par le rivage (sur l'existence duquel j'ai d'ailleurs des doutes) dut être remplacé plus tard par une route, plus directe et plus facile, à l'intérieur des terres, suivant le tracé de la route moderne (XII, 5457-63, milliaires de Néron, d'Antonin et du IVe siècle).

[20] Il faut toujours recourir à l'ancien historien de Fréjus, [Girardin], Hist. de la Ville et de l'Église de Fréjus, 1729 ; Texier, dans les Mém. présentés par divers savants à l'Acad. des Inscr., IIe s., II, 1849 (utile, surtout pour les matériaux et la construction des Milices) ; V. Petit, Congrès arch. de 1866, p. 277 et s. (dessins précieux) ; Aubenas, Hist. de Fréjus, 1881 (très consciencieux). Héron de Villefosse et Thédenat, Inscr. rom. de Fréjus, 1881 (Mém. de la Soc. des Antiquaires).

[21] Forum Julii, colonia Classica Octavanorum Pæensis ou Pacaium. — Périphérie des remparts, environ 3500 m. ; superficie approximative, 35 hectares.

[22] Forum Julii, claustra maris, Tacite, Hist., III, 43. Voyez son rôle dans les guerres civiles de 69-70.

[23] Deux chemins principaux descendaient des Alpes : celui de Plancus, par Grenoble, Sisteron, Riez, au pont de l'Argens sur la voie Aurélienne ; celui des Alpes Maritimes, de Sisteron à Cimiez, par Senez, Castellane et Vence, que rejoignait le sentier subalpestre des intendants. Mais je crois aussi à un chemin intermédiaire, fourni également en partie par le sentier des intendants, par la haute Durance, Barcelonnette, le haut Var, Briançonnet, Fayence, Bagnols et Fréjus.

[24] Je pense en effet que c'est Auguste, et non César, qui eut l'idée de faire de Fréjus un port de guerre : cf. Strabon, IV, 1, 9.

[25] Dimensions données par Aubenas (p. 517-8) : 565 mètres de longueur, 500 mètres de plus grande largeur.

[26] On peut évaluer à 1030 mètres la distance de la mer au bout du grand môle du port. — Le littoral n'a absolument pas changé. Tout ce qu'on a dit sur les vicissitudes de la mer de Fréjus est une de ces fantaisies géographiques par lesquelles on a si longtemps travesti l'histoire de notre sol. Si le port s'est comblé, c'est qu'on a laissé s'obstruer l'embouchure du chenal. Pour aider à l'alimentation du port et à la chasse des eaux, les Romains paraissent y avoir dérivé une partie des eaux de l'Argens à l'aide d'un canal dont on voit aujourd'hui le tracé (le béat des moulins).

[27] Ce sont, je crois, les deux constructions dites la butte Saint-Antoine (la citadelle) et la Plate-Forme (l'arsenal), les deux constructions de beaucoup les plus originales de Fréjus. — La butte portait un phare, dont les restes s'élevaient encore, en 1840, à 25 mètres (Texier, 1er mém., p. 188).

[28] Le port était en dehors des remparts, qui du reste en suivaient la ligne intérieure. — Je pense que la construction des remparts, projetée ou commencée sous César, ne put s'achever que sous Auguste.

[29] C'est aussi, comme Ravenne, un lieu d'internement de chefs barbares.

[30] L'édifice de la Porte Dorée doit être un fragment de portique, datant au plus tôt, je crois, d'Hadrien et attenant peut-être à un grand édifice assez mystérieux. Mais il ne laisse rien préjuger sur la durée de la flotte.

[31] Pline, XXXI, 95 : Forojulienses piscem, ex quo faciunt (garum, saumure), lupum appellant : c'est le loup ou le bars des Marseillais.

[32] Comme personnalités marquantes nées à Fréjus : en 40, Cn. Julius Agricola, fils de Julius Græcinus, ordinis senatorii, et de Julia Procilla, petit-fils d'intendants de César, et il semble bien, d'après ce que dit Tacite (Agr., 4), que ce fut une vieille famille du pays, aux mœurs austères et provinciales, où Agricola fut élevé in sine indulgentiaque matris. Græcinus écrivit, peut-être en partie à l'aide d'observations faites en Gaule, un traité sur la culture de la vigne (Pl., XIV, 33 ; XVI, 241). Il vint à la cour impériale, où il se fit remarquer par son éloquence et sa droiture. — De Fréjus est également originaire Valerius Paulinus, procurator de la Gaule Narbonnaise en 69 (Tacite, Hist., III, 43). C'est sans doute un fils de ce Paulinus que le Valerius Paulinus, ami de Pline le Jeune, propriétaire à Fréjus (Epist., V, 19).

[33] Le portique, en face du port, le théâtre, l'amphithéâtre, les thermes (hors la ville). A signaler encore les restes, si nombreux, si variés, si pittoresques, de l'aqueduc, peut-être le plus facile à suivre et le plus utile à étudier, pour la science de l'ingénieur, de la Gaule romaine. La prise d'eau était à 40 kil., aux deux sources du Neisson, Siagnole supérieure, commune de Mons ; nous sommes là sur la route de Briançonnet, et, je crois, un peu en deçà de la limite nord du territoire de Fréjus. — La Tourrache (hors la ville) est un mausolée circulaire, d'ailleurs particulièrement curieux. — Sur les pièces d'art, relativement nombreuses, trouvées à Fréjus, Esp., III, n° 2452-7.

[34] La chose n'est point hors de doute.

[35] Ce n'était pas une cité, mais un vicus, dépendant peut-être d'abord de Marseille, mais sans doute rattaché ensuite à la cité d'Arles.

[36] Tout ce rivage, depuis la rade de Bormes jusqu'à La Ciotat inclus au moins, fait partie du territoire d'Arles.

[37] L'Anteæ de la Table ?

[38] Alebæce, colonia Julia Augusta Apollinaris Reiorum.

[39] L'ensemble des inscriptions de Riez parait marquer surtout son caractère religieux ; de même, également, ses ruines (en particulier le fragment de colonnade, portique de temple classique), ruines d'ailleurs en partie énigmatiques et incohérentes (le soi-disant Panthéon n'est gallo-romain que par les matériaux ; cf. Clerc, Revue des Ét. anc., 1909, p. 57 et s.).

[40] L'importance du culte apollinaire à Riez résulte de son nom et de la présence d'un temple à Esculape (XII, 354). — Au territoire de Riez appartenaient les eaux célèbres de Gréoulx, nymphæ Griselicæ, qui attiraient même les Romains de marque (XII, 361).

[41] Riez est devenu un centre de ce culte ; XII, 357-8.

[42] XII, 372. La principale culture était peut-être celle de l'olivier. L'industrie de la bière y est très conjecturale (C. I. L., XII, 372).

[43] Extraction du grenat.

[44] Forum Voconii, Vidauban ?, au pont de l'Argens, à l'arrivée de la route de Grenoble ; Cabasse ou pagus Matavonicus, lieu important (XII, 342.5) ; sans doute aussi Brignoles et Saint-Maximin. — Le domaine de Fréjus finissait, soit entre Cabasse et Brignoles, soit à l'est de Cabasse (hypothèse de Clerc, p. 188).

[45] Je songe au domaine de La Gayole, que le domaine du château de Saint-Julien a dû remplacer, si parfaitement délimité sans doute par son triangle de montagnes, et qui a livré le plus ancien sarcophage chrétien. — Sur la route de Tourves à Marseille par l'Huveaune.

[46] La chaîne de Sainte-Victoire (le nom primitif devait être Vintur) et la montagne du Cengle (Celeus) au nord, la chaîne de la Sainte-Baume et celle de l'Étoile au sud.

[47] Clerc, Aquæ Sextiæ, 1916 (dispense de tout travail antérieur). — Aix est la colonie romaine qui a livré le moins de ruines visibles, et celle dont la topographie est le moins aisée à reconstituer.

[48] C. I. L., XII, 496, 528 ; Clerc, n° 40, 48, 184 ; Esp., n° 2459. C'est un tombeau que la pyramide de Pourrières.

[49] Que le castellum de Sextius où été ailleurs que sur la colline de Saint-Sauveur, c'est ce qui me parait impossible. — C'est tout autour que s'est développée l'enceinte d'auguste ; Clerc (p. 479) n'ajoute à la colline, pour retrouver cette enceinte, que la ville comtale, ce qui ferait une périphérie de 1050 mètres : c'est beaucoup trop peu, à mon sens, pour une colonie d'Auguste. Je suis tenté de revenir à l'opinion traditionnelle, et d'englober dans l'enceinte coloniale la Ville des Tours (ville archiépiscopale) et Notre-Dame-de-la-Sed (la Cathédrale primitive), ce qui nous' mettrait à 4000 mètres environ. — Sous le Bas Empire, la ville a dû se ramasser de nouveau autour de la colline de Saint-Sauveur (790 mètres de pourtour).

[50] Colonia Julia Augusta Aquæ Sextiæ.

[51] Clerc, p. 57 et s.

[52] En admettant que les bas-reliefs d'Entremont aient trait à ces événements. Je crois que Sidoine Apollinaire, lorsqu'il parle des trophées d'Aix (Carm., 23, 15), fait simplement allusion à la victoire de Marius.

[53] Aquæ Sextiæ ; Sextiæ Baiæ, dira encore Sidoine (Carm., 23, 13).

[54] La tradition rapportée par Plutarque (Mar., 21) indique qu'il y avait des vignes. Sur la fertilité du terroir, voyez tout ce passage de Plutarque.

[55] XII, 516, inscription trouvée dans le mausolée de l'Horloge (cf. Clerc, p. 412 et s.).

[56] XII, 514, 516, 528.

[57] Un seul nom gaulois dans la ville, XII, 548 a (= Clerc, n° 35). Mais il y a trace de divinités celtiques dans la campagne ; Clerc, p. 273 et s., n° 40 et s.

[58] C. I. L., XI, 3034 : un Aixois est dit homo bonus et dissertus ; épitaphe métrique de jeune homme, XII, 533.

[59] XII, 533.

[60] Je conclus cela, moins de la présence d'un homme de Toulouse (XII, 534) que de la mention de la vogue des eaux par Pline (XXXI, 4) et par Strabon (IV, 1, 5) Mais il semble que cette vogue ait diminué par suite du refroidissement de quelques sources (Strabon, id. ; Solin, II, 54). Jusqu'ici on n'a trouvé à Aix aucun ex-voto relatif au culte des sources, sauf l'inscription Bormano (XII, 494), qui doit viser un dieu des eaux thermales. Cf. Clerc, p. 349 et s.

[61] Le chemin d'Aix à Marseille, qui est la plus ancienne route classique de la Gaule, serait particulièrement intéressant à étudier dans ses vestiges archéologiques et onomastiques. — Au Moyen Age, le territoire de la cité épiscopale d'Aix finissait, sur cette route, un peu en deçà du Plan de Campagne, et là commençait le diocèse de Marseille. Mais à l'époque antique, il est possible que ces deux territoires fussent séparés, dans ces parages, par une bande de terre relevant d'Arles et unissant ses domaines de la Crau à ceux de Garguier, Ceyreste et Toulon. Cette communication entre Arles et ses domaines de Garguier se faisait : 1° par la double route d'Arles à Marseille par Les Pennes, laquelle se confondait à Saint-Antoine avec la route venant d'Aix pour Marseille ; 2° au delà de Saint-Antoine, par un vieux chemin de flanc de montagne, menant à l'oppidum d'Allauch et au locus de Garguier. Par suite, à la rencontre de ces deux chemins, à Saint-Antoine, la présence des oppida de Castel-Jussiou à l'est et de Camp-Long à l'ouest, oppida récemment étudiés par Chaillan (Soc. arch. de Provence, 1914 et 1916). — Je crois de plus en plus que la forêt sacrée dont parle Lucain, était à Saint-Pons.

[62] Tous les historiens anciens  sont insuffisants. L'article de Hirschfeld (1883), réimprimé tel quel ces derniers temps (Kleine Schriften, 1013, p. 47 et s.), repose en partie sur des documents fort sujets à caution. Pour la topographie, Vasseur, L'Origine de Marseille, 1914 (Ann. du Musée, XIII). M. Clerc prépare une monographie d'ensemble sur Marseille antique.

[63] Massilia Græcorum, civitas fœderata. — Je ne crois pas que la ville ait changé dans son enceinte et son étendue : on lui donnait, sous Constantin, 1500 pas, soit 2300 m. Vasseur est revenu, sans me convaincre, à l'opinion traditionnelle, qui englobe les Carmes dans la ville antique. — Si la population et l'habitation se développaient, c'était faiblement, et dans la direction du chemin d'Aix, via Gallica ou Aquensis ou dans celle de Saint-Victor le long du port. — La pauvreté des ruines à Marseille s'explique par l'absolue continuité de la vie aux mêmes endroits depuis la fondation.

[64] Les dernières traces, sous Marc-Aurèle, avec les expressions, d'ailleurs latinisées, de agonotheta agonis (XII, 410).

[65] T. I, ch. X.

[66] Conclu d'après le nombre des inscriptions latines postérieures à Néron, C. I. L., XII, 400 et s.

[67] XII, 400 ; 407, 409, 410.

[68] Voir les inscriptions.

[69] Forum, macellum, campus et noms de rues ou de portes ; il n'y a pas exception pour le Pharo, puisque pharus a fini par passer en latin.

[70] De cette nécropole viennent la plupart des inscriptions de ce temps (trouvées à la Darse, rue Neuve-Sainte-Catherine, au bassin de Carénage) : à la différence des villes romaines, Marseille avait sa nécropole principale à l'écart des grandes voies. — Ce chemin des morts, qui unissait Marseille à sa nécropole de Saint-Victor, et qui devint plus tard la voie sacrée du christianisme marseillais (aujourd'hui rue Neuve-Sainte-Catherine), serait un des plus intéressants à étudier de toute la viographie municipale de la Gaule, si cela était possible. — Mais il y eut aussi une nécropole le long de la voie d'Aix (XII, 417, 423), qui arrivait, je crois, par la rue Malaval d'un côté, de l'autre par la rue de Lorette et la rue du Petit-Puits et aboutissait à la porta Gallica [le nom de Joliette est tout récent, c'est celui d'une propriété suburbaine, sans aucun rapport avec un nom ancien]. Et sans doute une autre, au sortir de la porta Romana, le long de la route d'Italie.

[71] Peut-être serait-ce le seul quartier (mais il s'agirait là moins d'habitations que de magasins) datant de l'époque romaine, à moins qu'il ne faille mettre là, comme on vient de le supposer (Reynaud, Soc. arch. de Provence, 1914, III, p. 35) le Pedeon de la Marseille de César.

[72] Inscriptions au Corpus, XII ; Esp., n° 58, 61, 65 ; Frœhner, Musée de Marseille, Catalogue des Antiquités, 1897, n° 202, 203, 205, 211, etc.

[73] Archaïsme et simplicité dans les constructions privées.

[74] Tacite, Agricola, 4.

[75] C. I. L., XII, 410, p. 812 ; un fragment, trouvé près de la Major, parait mentionner le stade (Inscr. Gr. It., 2460).

[76] Ajoutez la charcuterie du terroir, surtout, je crois, dans les fermes et villages de la vallée de l'Huveaune.

[77] Delicato exilio, Sénèque, De clementia, I, 15, 2.

[78] Tacite, Ann., IV, 43 (Volcacius [ou Vulcatius] Moschus, sous Tibère, exil datant d'Auguste) ; XIII, 47, et XIV, 57 (Faustus Cornélius Sulla Félix, de 58 à 62) ; Sénèque, De clem., I, 15, 2 (exil du fils du consulaire L. Tarius Rufus, sous Auguste) ; Tacite, Ann., IV, 44 (L. Antonius, petit-neveu d'Auguste, sous Auguste et Tibère) ; Sidoine Apollinaire, Carm., 23, 155-6 (Pétrone, sous Claude ou Néron).

[79] Sidoine : Et te Massiliensium per hortos sacri stipitis Arbiter colonum.

[80] Je ne doute pas de son séjour à Marseille, ce qui explique qu'il ait donné des détails sur les coutumes marseillaises. — Je ne crois pas qu'on puisse mentionner particulièrement les pestes de Marseille.

[81] Tacite, Ann., IV, 43 : Vulcatius Moschus, sous Tibère, exsul in Massilienses receptus [ayant reçu de Marseille le droit de bourgeoisie], bona sua reipublicæ eorum ut patriæ reliquerat.

[82] Itin. marit., p. 597 (sur le trajet de Rome à Arles) ; peut-être débarquement de Lucius César, petit-fils d'Auguste, en route pour l'Espagne, en 2 ap. J.-C. ; de l'empereur Claude en 43 ; et sans doute des nobles exilés et des riches étudiants.

[83] XII, 410 ; Inscr. Gr. Sic., It., 2433. En outre : Jupiter de Doliché, XII, 403 ; la Mère, XII, 405 ; Leucothée.

[84] Au terroir de Marseille se rattache, quoique dépendant administrativement, pour la plus grande partie, de la civitas d'Arles, la vallée de l'Huveaune (Ubelna), dont le centre est marqué par le locus de Garguier, Gargarius. En avant, du côté de Marseille, le mausolée de la Pennelle à La Penne. En arrière, le lieu d'Auriol, célèbre par la découverte, du trésor de monnaies ioniennes. Il devait y avoir sur l'Huveaune, partant de Marseille, une très vieille route de pénétration dans le haut pays, aboutissant à Tourves sur le chemin d'Italie. Et c'est par là que se fît la propagation du Christianisme : inscription chrétienne primitive d'Aubagne près de Garguier (XII, 611), sarcophage de La Gavole près de Tourves. — C'est cette route d'Italie ou de l'Huveaune qui finit, à Marseille, par la porta Romana, la Grand'Rue et la rue Caisserie.

[85] Bazin, Arles gallo-romain, 1896 (vulgarisation). Arles, ni dans le passé, ni dans le présent, n'a reçu le grand travail scientifique qu'elle mérite.

[86] Outre toutes les autres preuves que nous donnons, on peut citer ce fait que le seul routier maritime que nous possédions pour la Gaule (Itin. Ant., éd. Parthey et Pinder, p. 242-9), ne mentionne que la navigation de Rome à Arles par le Rhône ; cf. Ammien, XV, 11, 18.

[87] Colonia Julia Paterna Arelate Sextanorum.

[88] Itinéraire maritime (p. 242-9) ; Ammien, XV, 11, 18. Stations depuis Marseille : Incaro, Carry ; Dilis, cap Couronne ? ; Fossis Marianis, Fos ; Ad Gradum Massililanorum, le grau des Marseillais au Grand Rhône.

[89] L'Itinéraire Antonin (p. 242-9) et Ammien (XV, 11, 18) ne le mentionnent pas.

[90] Il y avait sans aucun doute une route principale de Marseille à Arles à droite ou à l'est de l'étang de Berre par le pont Flavien sur la Touloubre et par Colonia Maritima (vers Miramas), l'autre, moins importante, à gauche ou à l'ouest, par Les Martigues, déjà bourgade notable, et par Fos. Toutes ces localités étaient du territoire d'Arles.

[91] De là, la rubrique de l'itinéraire terrestre (p. 289, W) : Via Aurelia a Roma per Tusciam et Alpes Maritimas Arelatum usque mpm DCCXCVI ; de là, la navigation indiquée par l'autre itinéraire.

[92] Romani commercia suscipis orbis, dit Ausone, Urb., 78 ; cf. Strabon, IV, 1, 6 ; Expositio, 58 (Riese, Geogr. Lat. min., p. 122) ; constitution d'Honorius en 418 (Hænel, Corpus legum, p. 238).

[93] Trinquetaille était incorporée à Arles comme faubourg commercial, et réunie à elle, au IVe siècle au plus tard, par un pont de bateaux. De là, l'expression de duplex Arelate (Ausone, Urb., 73-7 ; Mos., 480). Il est possible que Trinquetaille s'appelât toujours Rhodanusia (Ausone, Mos., 481) ; je crois de plus en plus que ce dernier nom remonte à un vieil établissement marseillais fondé face à la ville celto-ligure.

[94] Le détail nous échappe. Ajoutez des objets étranges, comme l'obélisque égyptien. — Mais beaucoup de marchandises devaient passer par Arles pour ou de Lyon sans transbordement.

[95] Constitution d'Honorius : je sais bien qu'il ne faut pas attribuer à ce texte, d'ailleurs très tardif, une précision absolue ; mais sa description cadre exactement avec toutes les sortes de ruines qu'offre Arles. — Cultes égyptiens à Arles, culte de la Mère, de la Bonne Déesse, de Mithra, Esp., n° 142. — Espagnol, C. I. L., XII, 735. — Traite des gladiateurs.

[96] Jusqu'ici cependant l'industrie (en dehors de l'industrie navale) ne donne à Arles que peu de chose, travail de la pierre (précieuse ?) et du métal.

[97] Peut-être aussi les cuirs du Dauphiné.

[98] On transportait par Arles à Rome le blé de l'annone. Peut-être aussi pourrait-on parler des légumes de la région de Barbentane et Saint-Rémy.

[99] Cf. Pline (III, 33), parlant du Rhône à propos d'Arles : Ubi Rhoda Rhodiorum fuit [Rhodanusia ? à Trinquetaille], unde dictus multo Galliarum fertilissimus Rhodanus amnis.

[100] Cf. Strabon, IV, 1, 2.

[101] Elle a dû évidemment se substituer peu à peu, à partir de la fin du premier siècle, à Narbonne : la lutte économique entre ces deux villes serait, si on pouvait la suivre, un des chapitres intéressants de l'histoire de la Gaule.

[102] Leur périmètre ne parait pas avoir été considérable, 2000 m., ni l'aqueduc. Il est probable que César n'a pas prévu le rôle qu'Arles devait prendre.

[103] XII, 722, 825, 861.

[104] Les Anciens semblent l'avoir reconnu : Callula Roma, dira Ausone, Urb., 74.

[105] Il y a cependant à Arles un certain nombre de vétérans qui paraissent d'origine, étrangère (XII, 677-687) : on a dû leur assigner d'anciens lots ayant fait retour à l'État.

[106] On peut ajouter Aix.

[107] Nous ne savons pas l'origine de cette VIe légion : mais à comparer l'épigraphie et l'archéologie à Arles et à Narbonne, il semble qu'elle soit venue de régions italiennes moins rustiques que la Xe de cette dernière ville.

[108] Voyez les deux autels trouvés au théâtre (Esp., n° 139-140), les plus belles choses en ce genre rencontrées en Gaule et parmi les plus belles choses du monde romain. Voyez aussi la frise du théâtre (Esp., n° 206).

[109] C. I. L., XII, 654 et s.

[110] Je n'ai pas cru devoir parler du cimetière des Alyscamps, dont le nom et le dispositif paraissent postérieurs aux temps romains. Mais je ne peux exclure l'hypothèse que dès ces temps la nécropole arlésienne eût une vogue particulière.

[111] Il y avait du reste deux autres routes d'Arles à Nîmes, plus directes : l'une, par Bellegarde ; l'autre, par pons Erarium et Saint-Gilles, mentionnée par les itinéraires (p. 388, 396, 552, W.), et sur laquelle cependant on ne trouve aucun milliaire, alors que les milliaires abondent sur le trajet de Beaucaire à Nîmes. Il est probable que ces routes, si commodes et si fréquentées qu'elles pussent être, n'appartenaient pas à la voirie d'État.

[112] Tarusco. C'est un vicus qui a dû dépendre, non pas d'Arles, comme l'indique Ptolémée (II, 10, 8), mais de la cité d'Avignon (XII, 989), comme au Moyen Age. Au Moyen Age, en revanche, et dès les temps mérovingiens au plus tard (Grégoire, H. Fr., VIII, 30 ; Anon. de Ravenne, IV, 26), Arles possédait Beaucaire (chef-lieu de l'ager dit Argentia, la Terre d'Argence), que Nîmes avait sans doute encore dans les premiers temps de l'époque romaine (XII, 3362). Pour les temps celtiques, Beaucaire et Tarascon dépendaient, je crois, également des Volques de Nîmes. Les limites, dans ces parages si convoités, ont dû changer souvent.

[113] Une route plus directe allait d'Arles à Fontvieille, évitant ensuite Tarascon pour monter droit sur Avignon.

[114] Ernaginum, à la pointe occidentale des Alpines, simple vicus ou locus. C'était un des plus grands carrefours du Midi : route directe d'Italie, de Marseille et d'Arles à Lyon d'un côté, à Tarascon et au Languedoc de l'autre, route d'Arles au mont Genèvre par Saint-Rémy, même route du mont Genèvre vers Tarascon, le Languedoc et l'Espagne. Il devait y avoir là un très grand transbordement de marchandises, et je crois que c'était l'affaire des utricularii d'Ernaginum, lesquels pouvaient s'occuper peut-être aussi du passage du Rhône à Tarascon et de celui de la Durance sur la route d'Agrippa (à la hauteur d'Avignon). De là, la présence d'une population concentrée assez dense, dont le pays ne donne plus l'idée (C. I. L., XII, 982-4). — A Ernaginum finissait le territoire d'Arles, et tout près commençait celui d'Avignon : et le lieu devait accroître son importance de sa situation frontière.

[115] Colonia Julia Hadriana Avenio (ou Avennio). — Voyez les recherches précises et critiques de Duprat, dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse.

[116] Colonia Firma Secundanorum Arausio. — Chatelain, Les Monuments romains d'Orange, 1908. — Il manque une étude topographique.

[117] Orange a été choisie sous Auguste pour recevoir le plus bel arc à trophées de la Gaule et peut-être de l'Empire, sans doute dans le dessein d'effacer le souvenir du désastre de 105 ; et il ne serait pas impossible qu'il rappelât plus particulièrement l'expédition terrestre et maritime qui, en 5 ap. J.-C., conduisit Tibère chez les Cimbres, les vainqueurs de 105. L'idée d'effacer ou de purifier la trace d'une défaite par un trophée élevé à la place même de cette défaite n'a pas dû être étrangère aux humains. Les trophées peuvent être tout ensemble des images de dépouilles ennemies et des panoplies offertes par les vainqueurs avec leurs armes.

[118] Les inscriptions de soldats sont à peu près inconnues à Orange.

[119] Valentia, colonia ; ancienne métropole des Segovellauni.

[120] Notez qu'entre Orange et Valence la voie d'Agrippa s'éloignait du Rhône jusqu'à Montélimar, de manière à conserver la direction rectiligne. Elle traversait alors la toute petite civitas des Tricastini, dont le chef-lieu, Augusta Tricastinorum (sans doute la même que Noviomagus, marché neuf, un peu à l'écart de la route vers, l'est, n'avait qu'une importance de bourgade et de lieu de foire, encore qu'il paraisse y avoir eu là de riches propriétaires ruraux épris de belles choses : c'est aujourd'hui Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui conserve, chose exceptionnelle en Narbonnaise, le nom de la peuplade, Tricastini. — Celle route rectiligne passait par Senomagus, le marché vieux, sans doute l'ancien chef-lieu des Tricastins (Saint-Pierre-de-Sénos).

[121] La via Domitia.

[122] Surtout Sault et Venasque, deux localités qui, d'ailleurs dépendantes de la cité de Carpentras, ont eu une certaine importance à l'époque romaine : Sault (saltus), peut-être chef-lieu de quelque district forestier ; Venasque, Vindausca (cf. Vindauscias, nom de personne, C. I. L., XII, 1751, 1777), destinée à être fortifiée, peut-être dès le Bas Empire, et à remplacer Carpentras comme métropole de la civitas. — Au delà de Sault, un vieux chemin de montagne, rejoignant la Durance, menait vers Sisteron et Digne. — Sisteron, Segustero, comptait surtout comme carrefour de routes sur la Durance et vers le bas pays. Nous ne savons rien d'autre à son sujet. On peut admettre que le pays forma dès le début de l'Empire une civitas (civitas Segestericorum dans la Not. Gall., 16) ; mais on a pu supposer aussi que c'était un pagus des Voconces. — Digne, colonia Dinia Lub[entia ?], cité des Bodiontici ou des Sentii, appartenait primitivement aux Alpes Maritimes ; Galba la rattacha à la Narbonnaise (Pline, III, 37 ; Ptolémée, II, 10, 8), mais elle devait retourner plus tard aux Alpes Maritimes (Not. Gall., 17). — Il n'i a pas à insister sur ces deux villes, dont l'exploration archéologique est toute à faire.

[123] Sur cette route, entre Valence et Die, Augusta ou Aouste, où il devait y avoir un sanctuaire impérial important. Cette route, avec Augusta, Dea, Lucus, était certainement une des voies saintes de la Gaule. — Elle rejoignait la vallée de la Durance et la voie Domitienne par le col de Cabre (mons Gaura) ; ce fut une des routes les mieux entretenues et les plus passagères des régions alpestres. — Au delà du col de Cabre, la route entrait dans la civitas de Gap, Vapincum, sans doute l'ancien territoire des Tricorii. A Aspres, elle bifurquait. Un chemin menait droit à Gap, où il rejoignait la grande voie du mont Genèvre : Gap qui, malgré son titre de chef-lieu, n'a laissé d'intéressant que les vestiges, d'ailleurs médiocres, de son enceinte du Bas Empire (dont la petitesse, 487 m., révèle le peu d'importance de la ville ; cf. de Manteyer, Le Nom et les deux premières Enceintes de Gap, Gap, 1903). — Un autre chemin, beaucoup plus fréquenté, descendait vers le sud et s'en allait rejoindre à Montsaléon, Mons Seleucus, la route venant de Grenoble et se dirigeant sur Fréjus. Montsaléon devint, en partie à cause de ce carrefour, le lieu peut-être le plus important du pays. Il possédait un sanctuaire fréquenté, peut-être consacré surtout à Apollon, et où plus tard fut admis Mithra (C. I. L., XII, 1535) : le nom de mons Seleucus, qu'on trouve dès les Sévères, lui a peut-être été donné par quelque riche propriétaire originaire de Syrie. — Hirschfeld (XII, p. 184) et d'autres ont admis que Gap, comme Sisteron, a fait partie sous le Haut Empire du territoire des Voconces.

[124] Glanum, sur le flanc du coteau, près des Antiques. La ville actuelle de Saint-Rémy, dans la plaine, occupe, dit-on hypothétiquement, l'emplacement que les anciens textes médiévaux appellent Freta, Fretus, ager Fretensis (on a aussi identifié Freta et Glanum) ; c'était, m'écrit justement Duprat, une grande villa agricole. Malgré son importance, Glanum n'avait pas le rang de cité (encore qu'il reçoive l'appellation de respublica : curator peculi r. p. Glanicor., XII, 1005), et devait dépendre d'Avignon, quoique Ptolémée le rattache aux Salyens d'Arles (II, 10, 8). — Il y avait un meus important aux Baux, de l'autre côté des Alpines.

[125] Remarquez le nombre assez grand d'inscriptions celtiques en caractères grecs (C. I. L., XII, p. 127).

[126] Je songe au mausolée des Jules, et aussi à l'arc.

[127] Cabellio, colonia.

[128] La ville romaine est dans la plaine, sur l'emplacement de la ville actuelle ; le plateau a certainement porté l'oppidum celtique et mériterait des fouilles (Clerc, Revue des Ét. anc., 1909, p. 53-5). Le comptoir marseillais était également en bas.

[129] N. précédente. Je songe aux utriculaires (Strabon, IV, 1, 11). Double passage : pour la route de Marseille à Orange, pour la via Domitia. Navigation sur la Durance.

[130] Carpentorate ou Forum Neronis, colonia Julia Meminorum.

[131] Strabon, IV, 1, 11.

[132] Apta Julia, colonia Julia Apta.

[133] C. I. L., XII, p. 137. — Arc, comme dans toutes les villes de cette région. — L'inscription (XII, 1104) de Buoux, Vinturi, vise le Lubéron et non le Ventoux. C'était du reste un nom commun à ces montagnes. On le retrouve (XII, 1341) à Mirabel chez les Voconces, où il peut désigner le Ventoux. Et il fut appliqué à la montagne de Sainte-Victoire près d'Aix (Revue des Ét. anc., 1899, p. 52). — Hadrien semble être passé par Apt en suivant la voie Domitienne.

[134] Lucus Augusti, Lucus Vocontiorum, l'une des deux capitales primitives des Voconces, municipium sous les premiers empereurs, remplacé ensuite par Die comme chef-lieu (on a supposé sous Vespasien après le passage des troupes de Vitellius à Luc).

[135] Tacite, Hist., I, 66.

[136] Dea Augusta, colonia Dea Augusta Vocontiorum (XII, 690). La qualité de civitas libera et fœderata, qu'on décerna aux Voconces, a dû s'appliquer ensuite également aux deux cités qui résultèrent de leur morcellement, Luc puis Die, et Vaison.

[137] Le culte initial, à Die et jusqu'à la Durance et peut-être au Rhône, est celui d'Andarta, transformée en Victoire et rattachée sans doute ensuite à la Mère. On vient à Die, pour affaires de culte, de Valence, d'Orange, d'Aps ; XII, 1567. — Il y a à Die trace de remparts, je doute de l'époque primitive, et d'importants vestiges de deux portes, dans l'une desquelles (porte Saint-Marcel) semble avoir été encastré un arc antérieur (cf. Espérandieu, n° 316).

[138] Vosio, Vasio Julius [?], Vasienses Vocontii.

[139] Vaison a été l'objet d'une des plus belles donations de la Gaule, quatre millions de sesterces laissés à la ville par un de ses magistrats, ancien officier (XII, 1357). — Vaison est une des villes de Gaule, semble-t-il, qui a produit le plus de personnages connus : Burrus, qui en a été le patron, parait bien originaire de là (XII, 5842) ; de même, croit-on, Duvius Avitus, Trogue-Pompée ?

[140] C'est la ville de Gaule, toutes proportions gardées, où l'on a trouvé le plus de beaux marbres ; Esp., I, p. 212 et s., III, n° 2568-89 ; articles de Sautel, en dernier lieu son Catalogue, dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse de 1918.

[141] Deux autres localités importantes, mais simples vici, furent, dans l'arrière-pays de Vaison, Buis-les-Baronnies (Boxsum) et Nyons (Noviomagus = marché neuf) ; XII, 1783. La principale source curative (source salée) est à Aix, près de Die. — Long, Recherches sur les antiquités romaines du pays des Vocontiens, dans les Mém. près. par divers savants à l'Acad. des Inscr., IIe s., II, 1849 (provisoire).

[142] Schneyder [mort en 1814], Hist. des antiquités de la ville de Vienne [écrit vers 1776], p. p. Savigné, 1880-6 ; Allmer, Inscr. antiques de Vienne, 1875-6 ; Bazin, Vienne et Lyon gallo-romains, 1891 (vulgarisation).

[143] La principale localité qu'on rencontrait sur la route, Tain, Tegna, à l'entrée des Allobroges, parait avoir été un centre important du culte de la Mère (XII, 1782).

[144] Colonia Julia Vienna.

[145] Je dis port et non métropole, car je crois qu'avant la conquête romaine l'oppidum principal des Allobroges était (comme Entremont par rapport à Arles), plus à l'intérieur.

[146] On peut comparer leur voisinage à celui d'Italica et Hispalis (Séville) en Bétique.

[147] C'est ce que disent très nettement les Lyonnais en 69.

[148] L'octroi rapide du droit de cité a du reste fait disparaître à Vienne les noms celtiques d'assez bonne heure.

[149] Outre Genève et Grenoble : Tain ; Moirans ou Morginnum (que Voiron et le pagus Salmorincensis [Sermorens dans Voiron] ont dû remplacer) ; Lemincum ou Lémens dans Chambéry (dont le pagus a servi plus tard à localiser la Sapaudia, Savoie ; sur ce dernier nom) ; Bergusium ou Bourgoin ; Albinnum ou Albens (pagus d'Albanais) ; Aquæ ou Aix-les-Bains (arc funéraire ; possessores) ; Boutæ ou Les Fins d'Annecy, précurseur d'Annecy (cf. Marteaux et Le Roux). — Augustum ou Aoste : au sud du Rhône, qui fit plus tard partie de l'évêché de Belley, et Belley (Bellicum), au nord, ont peut-être appartenu, pendant un temps, à Vienne. Je répète que ce futur diocèse de Belley paraît bien, au moins au IVe siècle, avoir fait partie du pays de Besançon (si l'expression d'Ammien, XV, 11, 11, per Sequanos, signifie les Séquanes) ou du pays de Nyon (si cette expression signifie la province de Maxima Sequanorum) ; en tout cas, toute cette longue bande ne resta pas à Vienne, si elle lui a jamais appartenu. — De Vienne, sans doute, dépend Vieu (Venetonimagus) dans le val Romey, encore que la région ait pu être rattachée à Nyon. — On a même supposé que le doyenné lyonnais de Meyzieux, à l'angle sud du Rhône, appartenait à Vienne ce qui aurait conduit le territoire allobroge jusqu'en face de Lyon. Je crois cependant que la limite fut fixée de ce côté à l'Ozon. — Toute cette géographie administrative des deux rives du Rhône, entre Vienne et Genève, est encore très obscure.

[150] Vicus ou locus, puis fortifiée au 111, (1100 m. d'enceinte) et chef-lieu de civitas au IVe siècle.

[151] Vicus ou locus, puis chef-lieu de civitas et fortifiée au IVe siècle. — Montandon, Coup d'œil sur les époques préhistorique, celtique et romaine dans le canton de Genève, 1917 ; Morel, Genève et la Colonie de Vienne, 1888.

[152] Route de Genève par Bourgoin, Aoste et la vallée du Rhône ; route du Petit Saint-Bernard par Moirans, Grenoble et la vallée de l'Isère ; réunies par deux coupures transversales : celle d'Aoste, Chambéry et Montmélian ; celle de Genève, Annecy (Boutæ) et Conflans. Ce quadrillage de vallées et de routes est capital pour comprendre la solidarité, si persistante en histoire, des Allobroges et du Dauphiné.

[153] Viennois établis hors de chez eux.

[154] De même à l'époque gauloise.

[155] Ceci ressort nettement de Strabon, IV, 1, 11. — Vienne, au dire de Claude, fournit au sénat de Rome les principaux de ses membres gaulois (C. I. L., XIII, p. 234) ; et l'insistance avec laquelle Claude parle de Vienne à propos de l'entrée des Gaulois au sénat, indique qu'il ne considère pas ses habitants comme de vrais colons venus d'Italie.

[156] Negotiator vinarius Viennæ, XII, 1896.

[157] Dans l'Oisans ?

[158] Ce sont elles qui devaient être utilisées pour le vinum picatum de Vienne.

[159] Sagarius corporatus, XII, 1598 ; sagarius Romanensis, XII, 1928 (importateur à Rome) ; sagarius, XII, 1930 : inscriptions qui montrent l'importance de l'industrie drapière.

[160] Tacite, Ann., XI, 1. Il est impossible de savoir s'il est d'origine italienne ou gauloise.

[161] Cf. le discours de Claude, XIII, I, p. 234 : illud palæstricum prodigium.

[162] Scænici Asiaticiani et qui in eodem corpore sunt vivi sibi fecerunt (XII, 1929) : il semble que la troupe séjournât d'ordinaire à Vienne, puisqu'elle y avait son tombeau.

[163] Certainement plus de quatre millions de francs ; Tacite, Hist., I, 66.

[164] XII, 1929 ; épitaphes d'un pantomime (1916), d'un citharœdus (1923).

[165] Cf. le monument dit de l'Aiguille.

[166] Temple dit Maison de Livie ; les constructions de Sainte-Colombe et en particulier le Palais du Miroir ; les soi-disant arcades du forum.

[167] Esp., n° 2592-2843, 337, etc.

[168] Martial, VII, 88 : Fertur habere meos, si vera est fama, libellos inter delicias pulchra Vienna suas.

[169] Ces cours juives étaient plus qu'à demi hellénisées.

[170] On y parle cependant de séditions populaires.

[171] Exactement à 8 milles, si c'est à Saint-Symphorien d'Ozon (Octavum). Mais peut-être en face même de Lyon, soit à 16 milles.

[172] L'existence d'un pont à Vienne ne paraît pas certaine.

[173] Les ruines du Palais du Miroir que je crois des thermes, sont comparables aux théâtres d'Arles et de Vaison pour le nombre et la beauté des statues découvertes : de là vient la Vénus accroupie, Esp., n° 2592 ; autres objets d'art, n° 2597 et s.

[174] Si l'on s'appuie sur lei documents médiévaux, le territoire viennois s'arrêtait, au delà de Tournon, aux montagnes qui font face à l'embouchure de l'Isère ; puis venait (je parle de la rive droite) une portion de celui de Valence ; les Helviens ne commençaient sans doute qu'à La Voulte. Mais, comme les Anciens célébraient les vins du Vivarais, et que les meilleurs de ces vins se récoltent aujourd'hui entre Tournon et La Voulte, il serait possible que dans l'Antiquité cette portion de la rive droite fiât revendiquée par les Helviens.

[175] Sauf le tout petit peuple des Tricastini.

[176] Civitat Helviorum, plus tard (avant 245) civitat Albentium.

[177] Alba Helvorum, Pline, III, 30 ; Alba Augusta ; Alba Helvia ?

[178] Route de Viviers et Aps au col du Pal.

[179] Les principales localités paraissent être : comme port, Vivarium, Viviers, au point de départ de la route principale et diagonale du Vivarais (n. préc.) ; comme lieu saint, Bourg-Saint-Andéol (Bergoiate), avec sa fontaine de Tournes et plus tard son sanctuaire mithriaque, provoqué sans doute par quelque culte apollinaire des eaux ; comme centre agricole, Rochemaure (Vocronnum ?), avec ses tonneliers.

[180] Il y eut du reste, comme partout en Gaule, une aristocratie de très riches propriétaires, éprise des choses de luxe (cf. la tombe du Pouzin). On a même trouvé près de Joyeuse (XII, 2718) une des très rares tombes de consulaires que fournisse la Gaule.

[181] Le passage du Rhône à cet endroit avait certainement perdu beaucoup de son importance.

[182] Laudun (Laudanum), sur la hauteur, à l'enceinte préromaine de 40 hectares ; Aramon (Aramo), sur le Rhône ; sans doute Roquemaure, également sur le Rhône.

[183] XII, 3313 : prædia, fundos, portum Crindavinum ad ripam fluminis Rhodani : c'est un port particulier.

[184] Route de Pont-Saint-Esprit à Uzès, suite de la grande route de la rive droite ; chemins de Roquemaure et d'Aramon à Uzès et Alais.

[185] Uzès, Ucetia, fut certainement la bourgade la plus importante du territoire nîmois. Elle avait ses sévirs particuliers, et elle dut recevoir une enceinte fortifiée au plus tard au IVe siècle (Not. Gall., 15).

[186] Quoique Alais, Arisitum, ait laissé jusqu'ici bien peu d'inscriptions, son importance devait être déjà assez grande.

[187] La source de l'Eure à Uzès, les eaux froides des Fumades, fréquentées sans doute surtout par des Nîmois (XII, 2845-51 ; Esp., n° 506-9).

[188] Les deux noms ont pu s'appliquer à deux sites contigus et différents, Beaucaire, nom médiéval, à la hauteur du château, Ugernum, nom celtique, à la localité en contrebas, le Beaucaire actuel. Ugernum, quoique simple vicus, était assez important pour avoir un collège de centonarii à son nom (XII, 2824).

[189] Les milliaires de Saint-Martin-de-Cart ; C. I. L., XII, 5614-5.

[190] Ménard, Histoire civile, etc., de Nismes, I, 1750, surtout VII, 1758 (une des meilleures histoires municipales que nous possédions) ; Bazin, Nîmes gallo-romain, 1896 (vulgarisation). Mais le travail le plus net et le plus sûr, si court qu'il soit, est celui de Mazauric, La Civilisation romaine à Nîmes, 1912 (extrait du volume Nîmes et le Gard).

[191] Colonia Augusta Nemausus.

[192] Son nom même, Nemausus, renferme comme radical nem-, qui s'applique aux choses sacrées. Cf. Clermont, également une des villes les plus saintes de la Gaule.

[193] Parthenius ap. Étienne de Byzance, au mot Νέμαυσος. Sans doute au cours de son voyage dans le Midi.

[194] Les constructions destinées à la Fontaine formaient un ensemble fort compliqué. Aux abords de la colline, un premier bassin ; puis un nympheum, sorte de château d'eau avec promenoir autour de fontaines, et dont le massif central était sans doute occupé par une statue colossale de bronze se dressant au milieu de feuillages ; puis un immense bassin flanqué d'une terrasse et d'un portique ; en outre, le Temple de Diane, un théâtre ; peut-être des thermes, un ou plusieurs sacella, et sans doute des bosquets sacrés. Et cet ensemble formait le lieu de pèlerinage et de promenade le plus pittoresque de la Gaule : ce qu'est redevenu le jardin de la Fontaine reconstitué sous Louis XV. Il semble que ces constructions soient l'œuvre d'Agrippa en 19 av. J.-C. (XII, 3153-4). — Xystus ou promenade, jardin de thermes ? ; sphæristeria, XII, 3304. — L'eau, conduite par un large canal, servait ensuite à l'alimentation de la ville et à la chasse des égouts. Elle donnait alors lieu à deux canalisations, celle qui forma au Moyen Âge l'Agau des teinturiers, l'autre qu'on appela alors le Caguensol (Mazauric).

[195] C. I. L., XII, 3093 et s. Ausone (Urb., 101-2) cite la Fontaine parmi les sources les plus célèbres du monde (vitrea luce Nemausus purior).

[196] Cela résulte de l'abondance de noms celtiques, même dans les classes supérieures. La gens Solonia (qui semble de rang équestre) et celle des Adgennii, en particulier, qui occupent une bonne place dans la société nîmoise, doivent être d'origine indigène. Ajoutez la fréquence des dieux celtiques et des inscriptions en langue gauloise (C. I. L., XII, p. 383).

[197] Outre ceux qui y vinrent sous Auguste et plus tard, il serait possible que Marseille ait eu à Nîmes et dans le pays, jusque sous César, des comptoirs et des terres.

[198] Un homme de Beyrouth, XII, 3075 ; un Galate, XII, 3359.

[199] Italiens, cf. XII, 3168, 3170. Et aussi des Gallo-Romains d'un peu partout, XII, 3357-8, 3360-1. Même des gens du Danube.

[200] Même remarque à Lyon.

[201] Mars Britovius (3082-3) ; Mars Lacavus (3084) ; les maillets (Esp., n° 497, 511). Culte de l'Eure.

[202] Proxumæ (3112-28). En outre, dédicaces Fatis (3045-6), aux Génies et Junons des individus (3050-6, 3063-6), aux Lares (3074-7), aux Parques (3111), toutes divinités qui ne sont que des nuances d'expression du même culte. Ce développement du culte familial chez les Nîmois est remarquable.

[203] Anubiaci, 3043 ; 3058-61.

[204] Cependant, à la différence de Lyon, Nîmes accueillit tardivement le Christianisme : peut-être à cause de la nature de sa dévotion, plus concrète, qui allait surtout à la source, aux empereurs, aux dieux de la famille.

[205] Strabon, IV, 1, 12.

[206] Dès le temps d'Auguste (Strabon, IV, 1, 12 ; Méla, II, 75). L'enceinte dépassait 6000 mètres et la superficie 200 hectares. — Le centre primitif de l'agglomération a dû être, près de la Tourmagne et de la Fontaine, le rocher de Canteduc (Cantodunum ? casirum vetus) ; mais les indigènes ont dû descendre de bonne heure dans la plaine autour de la source.

[207] XII, 3232, 3347.

[208] XII, 3323-32.

[209] Je songe à la Tourmagne.

[210] Inventaire, n° 282-336 (très incomplet). On les compte par centaines, Mazauric.

[211] L'industrie drapière a toujours été importante à Nîmes et à Montpellier à cause des laines cévenoles ; dans l'Antiquité, on parlait des laines de Pézenas (Pline, VIII, 191). Traces de l'industrie du bronze (XII, 3333), du fer (3335-6), du plomb (XII, 3337, fontanus), du papier. Ce qui m'empêche de présenter cela autrement que comme une hypothèse, c'est que les épitaphes des gens de métier ne sont ni nombreuses ni significatives.

[212] Juris studiosi ; XII, 3339.

[213] XII, 3341, 3342 (medicus coloniæ), 3343 (medica).

[214] XII, 3151.

[215] Les parties marécageuses qu'y signale Strabon (IV, 1, 12) doivent être cherchées à l'est de Nîmes. Toutes les rivières qu'elle traversait en Languedoc avaient certainement leurs ponts : voyez les ruines de Pont-Ambroix (Ambrassum) sur le Vidourle.

[216] C'est peut-être aux abords de cette route, à la localité de Cers, qu'Auguste éleva son temple au Mistral, Circio deo.

[217] Andusia, vicus dépendant de Nîmes, XII, 3362. — D'Alais ou d'Anduze il semble que Sidoine Apollinaire (Carm., 24, 73 et s.) ait fait suivre à son livre un chemin, visible encore (la grande draille de Saint-Nazaire-des-Gardies) par Quissac (Caliacum ? Cottion chez Sidoine ?) et Tréviers (Tribus Villis chez Sidoine ?) jusqu'à la voie Domitienne à Substantion.

[218] Vindomagus, dépendance de Nîmes.

[219] Luteva, Forum Neronis, colonia Claudia Luteva. Malgré son rani de colonie, Lodève n'a livré, que je sache, aucune ruine intéressante. — D'ailleurs, les régions supérieures du Vidourle et de l'Hérault sont beaucoup moins riches en ruines que celles des Gardons (Uzès, Alais, Anduze) ; et il ne m'a pas semblé que cela fait dû seulement au hasard des recherches.

[220] Ratis ; C. I. L., XII, 4101. Port de pêche et sans doute déjà lieu de pèlerinage, provoqué par le temple d'Artémis Éphésienne et le culte des Junones.

[221] Heraclea ? L'abondance d'inscriptions et de sarcophages à Saint-Gilles montre très clairement l'importance du lieu à l'époque romaine : elle vient peut-être de se situation, à la fourche d'un chemin d'Arles à Nîmes et d'un chemin direct d'Arles à Béziers et Narbonne, près d'un port sur le passage du Rhône et près d'assez nombreuses forêts exploitées par une population sylvestre et pastorale assez dévote à Sylvain et à son maillet (C. I. L., XII, 4099, 4103). Mais il devait aussi y avoir là des lieux saints assez visités. Le port de Saint-Gilles dut être le port particulier de Nîmes sur le Rhône, du moins lorsque la région de Beaucaire appartint à Arles.

[222] Latara ou Latera. Importante pour ses pêcheries de l'étang de Pérols. Territoire de Substantion.

[223] Megalona. Le nom est ancien, et c'est peut-être alors le port le plus important du Bas Languedoc. Il fait partie de la cité de Substantion, qu'il remplacera comme chef-lieu à la fin de l'Empire.

[224] Mesua, plus tard Cilium. A la frontière des territoires de Béziers et de Substantion, mais dans ce dernier ?

[225] Agatha. Le peu de vestiges romains montre que la ville a dû être abandonnée au profit des localités voisines. Elle n'avait point rang de cité et avait été incorporée, sans doute par César, au domaine de Béziers (Agatha quondam Massiliensium, Pline, III, 33). — Villa maritime de Vendres, sans doute rattachée à un sanctuaire de Vénus.

[226] Les principaux sont : Nages, Anagia (XII, 4140-52), à la source abondante et à la vieille muraille des temps de l'indépendance, le centre de la Vaunage, qui lui doit son nom ; Calvisson, Arandunum (XII, 4155. Mazauric place le vicus au plateau de La Liquière au-dessus de Sinsans dans Calvisson) ; Sommières ou plutôt Villevieille : trois localités qu'unissait un vieux chemin partant de Nîmes, traversant la Vaunage, et continuant sur Lodève (ponts sur le Rhôny à Calvisson et sur le Vidourle) ; l'oppidum de Mus dans Sauve, une des bourgades gallo-romaines les mieux conservées, les plus instructives à étudier dans ses ruines. — Au delà du Vidourle, où finit le territoire de Nîmes, la vie est beaucoup moins intense au nord de la voie Domitienne, et il faut, pour retrouver une localité importante de ce côté, arriver jusqu'à Murviel dans le pays de Montpellier (cité de Sextantio ; C. I. L., XII, 4188 et 4190 ; ici, n. suiv.), et à Pézenas, Piscenæ, dans le pays de Béziers (Pline, III, 37 ; VIII, 101), déjà célèbre par ses laines.

[227] Colonia. C'est aujourd'hui Castelnau près de Montpellier ; C. I. L., XII, 4189. — Murviel-lès-Montpellier (n. préc.), célèbre par ses vieux murs, parait avoir été au moins aussi important que Sextantio. Il y est fait mention (4188) d'un pater sacrorum, ce qui permet de supposer un sanctuaire de Mithra, provoqué peut-être par une fontaine. — Dans le pays de Substantion, outre Murviel : Montbazin, sans doute l'ancien Forum Domitii sur la grande route (C. I. L., XII, 4191) ; les bains, déjà fréquentés, de Balaruc, sur l'étang de Thau. — Forum Domitii a pu servir de marché frontière entre les gens de Substantion (ou de Nîmes autrefois) et ceux de Béziers, la frontière des deux territoires passant par là. — Saint-Thibéry, Cessero, sur cette même grande route (restes d'un pont sur l'Hérault) est le point de départ de la route de Lodève et des Cévennes. — Je ne sais que penser des quatre tours (distantes d'environ 200 pieds l'une de l'autre ; il n'en reste que deux) de Causses, las Pilos, qu'on attribue à l'époque romaine, et où l'on voit, ce que je nie absolument, des vestiges d'un monument triomphal.

[228] Colonia Victrix [?] Septimanorum Bæterræ (ou Biterræ, Bitterræ). — Noguier, La Colonie romaine de Béziers (Bull. de la Soc. arch. de Béziers, XI, 1882).

[229] On a constaté à Béziers des restes de remparts qui sont visiblement du Bas Empire ; mais la ligne, assez irrégulière, marquée par celle enceinte, rappelle, non pas les constructions militaires de ce temps, mais celles du Haut Empire : il serait donc possible qu'elle fût celle de la muraille coloniale d'Auguste ou de César, refaite au IIIe ou au IVe siècle ; la périphérie comporterait un peu plus de 2000 mètres [on a dit 2340]. Noguier, Bull. de la Soc. arch., IIe s., VII, 1873, p. 253 et s.

[230] Strabon, IV, 1, 6.

[231] La frontière devait passer entre Nissau et Coursan. C'est près de celte frontière que se trouve le vieil habitat indigène et gallo-romain d'Enserune, récemment rendu célèbre par les fouilles de Mouret.

[232] Un travail d'ensemble sur Narbonne romaine est à souhaiter : j'espère que Rouzaud nous le donnera bientôt. — Incertitude sur son étendue.

[233] Colonia Julia Paterna Claudia Narbo Martius Decumanorum.

[234] Rouzaud, Note sur les ports, p. 30 : Le port de Narbonne ne ressemble aucun autre grand port de l'Antiquité.... Absence de grands travaux d'art.

[235] Remarquez la pauvreté en vestiges romaine des territoires ruraux de Narbonne, Carcassonne et Roussillon. — La plus intéressante localité jusqu'ici, dans le pays de Narbonne, est Saint-Pons, dans la montagne, sur la route d'Albi, avec son culte des deux Martes Divanno [semble le masculin de Divona] et Dinomogetimarus (XII, 4218), et je pense qu'il s'agit là des divinités de la fameuse fontaine.

[236] Remarques à Narbonne la rareté de détails relatifs au vin. Cependant, le vin de Béziers à destination de Rome devait s'embarquer à Narbonne plutôt qu'à Arles.

[237] Sans doute en expédiait-on à l'annona de Rome par Narbonne.

[238] Espérandieu, n° 774, n° 621 (olives). C'est, je crois, le principal objet d'exportation de Narbonne, surtout à destination de Rome.

[239] Supposé pour l'époque romaine.

[240] Salinatores à Peyriac-de-Mer (XII, 5360) ; propola salis à Narbonne (XII, 4506).

[241] Notamment en 27 av. J.-C., lors de son plus important voyage en Gaule.

[242] Capitolium (ou a supposé, d'après les textes médiévaux, sur la place Bistan, autrefois lo Vièlh Mazel [macellum], qui serait, digon, le forum). Théâtre ou amphithéâtre, cf. Héron de Villefosse, Bull. arch., 1918, p. 17-18. Voyez l'énumération chez Sidoine (Carm., 28).

[243] Strabon, IV, 1, 12 ; Diodore, V, 38, 5.

[244] Elle était encore la première sous Auguste.

[245] Strabon, IV, 1, 12.

[246] Supposé d'après les textes de Strabon, IV, 1, 12, Diodore, V, 38, 5, les inscriptions, et d'après les renseignements de Rouzaud. Le fret au départ est fourni surtout par l'huile, et sans doute aussi par le blé (de Toulouse), et par le vin (de Béziers), peut-être aussi par les poteries (du Rouergue), le tout surtout à destination de Rome. Mais je crois que l'importation était supérieure.

[247] Voir, t. V, la nomenclature de tous les gens de métier. A noter, je crois, l'importance particulière de l'industrie drapière et de son annexe la teinturerie, ce qui rappelle les temps actuels ; de l'orfèvrerie.

[248] Ospitalis (à l'enseigne du Coq, a Gallo Gallinacio), cocus, copo [?], culinarius ; XII, 4377, 4488, 4489, 4470, 5988 : remarquez qu'un de ces taverniers est un Espagnol.

[249] C'est la seule qui nous ait laissé trace de cris de rues. Cf. Ausone, Urbes, 119 : Populos vario discrimine, vestis et oris. Cf. n. suivante.

[250] L'impression, à Narbonne, est celle moins d'une aristocratie (comme à Vienne) que d'une bourgeoisie d'affaires et d'une plèbe marchande. C'est la seule ville de Gaule où il soit nettement question d'une plèbe et de chevaliers de cette plèbe : voyez l'ara Augusti et sa lex, mentionnant la consécration à l'empereur, non pas du peuple de Narbonne (ce qu'on a le très grand tort de répéter), mais de sa plebs, représentée par tres equites Romani a plebe, tres libertini (XII, 4333). Il semble aussi que la population des affranchis y ait été importante, à voir le nombre des pilei sur les lombes.

[251] Il semble que la majeure partie des inscriptions funéraires soient du temps des premiers empereurs.

[252] Il n'y a pas à faire état du passage de Galba.

[253] J'hésite cependant à le croire. — Il est possible que la prospérité de Narbonne ait repris légèrement au IVe siècle, sans atteindre d'ailleurs à celle d'Arles ni même à celle de Toulouse (Ausone, Urb., 107-127 ; Sidoine, Carm., 23, 37 et s.). Mais l'impression très nette, dès le IVe siècle, est d'une ville déchue à demi pleine de ruines (semirutas arces, Sidoine, Carm., 23, 59).

[254] Voir au Musée et dans le Recueil d'Espérandieu, en particulier n° 621, 654.

[255] Je ne vois que l'ara Pacis au temps d'Auguste (Esp., n° 558 = C. I. L., XII, 4335). Cependant Martial lui donne l'épithète de pulcherrima (VIII, 72).

[256] La première vient à peine d'être découverte, et c'est celle d'un médecin qui parait d'origine grecque (Ac. des Inscr., C. r., 1914, p. 225).

[257] J'excepte la Mater, qui avait un rôle public et venait du Palatin (XII, 4321-9).

[258] XII, 4333 (autel de la plèbe qui se voue à Auguste).

[259] Ausone, Urb., 120-3, d'où il résulte cependant qu'il a dû être détruit bien avant la fin de l'Empire, erat.

[260] XII, 4314-9.

[261] Déjà noté par Strabon, IV, 1, 8.

[262] On quittait le territoire de Narbonne à l'étang de Salces.

[263] Ruscino, colonia Julia Ruscino. L'importance de cette colonie sous les premiers empereurs, importance sans aucun doute voulue par eux, vient d'être révélée par les fouilles de Thiers. En dernier lieu, Aragon, La colonie antique de Ruscino, Perpignan, 1918, et autres travaux similaires. Castel-Roussillon est le précurseur de Perpignan, qui est à 5 kilomètres en amont sur la Têt.

[264] Iliberris, si importante au temps des anciens Grecs et des Ibères, ne compte à peu près plus, magnæ quondam urbis et magnarum opum tenue vestigium (Méla, II, 84). Elle n'est mentionnée, comme station sur la voie Domitienne, que par la Table (cf. C. I. L., XII, p. 665), et elle est incorporée dans la cité coloniale de Roussillon. Elle était d'autre part trop éloignée de la mer, pour que Collioure (Caucholiberi, An. de Rav., IV, 28) ne se substituât pas à elle dans le trafic de cabotage. Il semble que Collioure ait diminué aussi le rôle de Port-Vendres, Portus Veneris, l'antique et fameuse Pyréné, encore Mentionnée pat Strabon (IV, 1, 6) et Méla (II, 84), et qui ne se retrouve plus chez les auteurs (à moins que ce ne soit le Pyreneum de l'Anonyme, V, 3, et si ce n'est à propos de ses huîtres). Il est visible que tout ce pays, tout ce rivage n'a plus l'importance mondiale du temps des grandes navigations. — Dans l'arrière-pays, les Aquæ Calidæ (Anon., IV, 28 et V, 3) sont les Bains d'Arles, aujourd'hui Amélie-les-Bains (C. I. L., XII, 5367). — Cf. Alart, Géogr, hist. des Pyrénées-Orientales, Perpignan, 1859.

[265] Voyez les récentes découvertes de Moussillon, où les inscriptions, et elles sont en nombre, ne mentionnent guère que des princes et personnages antérieurs à Néron : Tibère et son fils Drusus, Germanicus et ses fils Drusus, Claude et sa mère Antonia Augusta (laquelle a une flaminica à Ruscino), Agrippine mère, Agrippine fille, Drusilla la fille de Germanicus. Il est bien rare de trouver réunis en aussi grand nombre les membres des familles de Tibère et surtout de Germanicus, et c'est une nouvelle preuve de la popularité de ce dernier. — Il serait possible que Roussillon dût la plupart de ses embellissements à deux grands personnages de ce temps, ses patrons, C. Valerius Maxumus, légat de province et sans doute originaire d'une famille du pays, et surtout P. Memmius Regulus, un des principaux hommes politiques contemporains de Caligula, Claude et Néron (Tacite, Ann., XIV, 47), dont on ne voit pas d'ailleurs encore le lien avec la colonie.

[266] Remarquez qu'au delà de Narbonne la voie Domitienne présentait sa plus longue étape sans arrêt, 30 milles jusqu'à Salces, Solsulæ (Itin. Ant., p. 389). — La frontière de la Gaule était marquée par le sommet des Pyrénées au col de la Perche (la Cerdagne, Cerretani, est à l'Espagne) et au Pertus, et, sur le rivage, par le cap Cerbère (Cervaria locus, Galliæ finis, Mela, II, 84).

[267] Cela apparaît dès le temps des proconsuls.

[268] A gauche de la route, au pied de la montagne d'Alaric, près de Moux, le sanctuaire important du dieu Larraso (XII, 5869-70 ; sans doute le dieu de la fontaine de Comigne) marquait peut-être la frontière entre les territoires de Narbonne et de Carcassonne, ancienne frontière entre les Volques Arécomiques et Tectosages. Il est fort possible que les carrières de marbre de Caunes appartinssent à Narbonne.

[269] Colonia Julia Carcoso, Carcasso, Carcasum (Pline, III, 36). — Carcassonne dut son importance au Moyen Âge, et sans doute son rôle à l'époque antique, au voisinage du croisement de deux routes, celle que nous suivons de Narbonne à Bordeaux, et une autre venant de l'Aquitaine d'en haut et se continuant vers Roussillon par le fameux Val-de-Daigne, vallis Aquitanica. — Il devait y avoir assai un sentier direct vers l'Espagne, par la haute vallée de l'Aude et la Cerdagne, sentier qui devait être fréquenté à l'époque romaine par les baigneurs de Rennes (5377-8) et d'Alet (sanctuaire de la Mère ? 5374) et qui grandira en importance avec les pèlerinages chrétiens. Rennes, Redæ, parait en avoir été le centre (le pays s'appellera pagus Redensis, le Razès). C'est peut-être son nom et ceux d'autres localités du pays qui se dissimulent sous ceux de Rusino, Burret, Buget ou Abate [Alet ?] de l'Anonyme de Ravenne (IV, 28 ; V, 3).

[270] Chose curieuse ! toute cette route de Narbonne à Toulouse est pauvre en souvenirs romains (œuvre d'art provenant sans doute d'une riche villa du pays) ; à ce point de vue, la différence avec la route de Narbonne à Beaucaire, et, d'une manière générale, avec les autres routes de la Narbonnaise, est frappante. Remarquez de même l'absence de vestiges antiques dans la haute vallée de l'Ariège. Je ne m'explique cela que difficilement. — Peut-être la vie était-elle là surtout agricole, sans grandes agglomérations ; peut-être l'activité des gens de Toulouse se portait-elle surtout vers le haut de la Garonne, tout autrement riche en ruines et en inscriptions ; peut-être y a-t-il là un simple hasard. — On devait entrer dans le territoire de Toulouse vers le marché de Bram, Hebromagus.

[271] Tolosa (plutôt que Tolossa, infiniment plus rare), colonie.

[272] Vieille-Toulouse. L'oppidum, considérable, est évalué par Joulin à 200 hectares : Les Découvertes archéologiques de Toulouse, 1917 (Mém. de l'Ac. des Sc. de Toulouse, XIe s., V). Il semble bien que le nom de Tolosa ait été celui de l'oppidum et soit passé à la colonie d'en bas (comme on a essayé peut-être de le faire pour Bibracte).

[273] Toulouse était certainement une des villes les plus plainières de la Gaule romaine actuellement les bords de la Garonne sont à 130 m., le point le plus élevé dépasse à peine 146 m. (renseignements fournis par Graillot).

[274] Je ne vois aucune autre cause à ce très peu d'inscriptions et de monuments figurés, à celte absence de ruine monumentale.

[275] Le périmètre des remparts comporte 4000 mètres, ce qui est le pourtour des colonies moyennes du temps d'Auguste : l'opinion courante est que la ligne de cette enceinte daterait du Bas Empire ; je ne le crois pas, les cités reconstruites alors l'ont été sur une surface beaucoup moindre. — L'importance de Toulouse résulte également de ce qu'en dit Ausone (Urb., 98-106), qui la met entre Arles et Narbonne : Coctilibus maris [murs où domine la brique : c'était donc dès lors le mode de construction habituel, à cause de la rareté de la pierre de taille et de l'abondance de l'argile plastique] quam circuit ambitus ingens [enceinte coloniale d'Auguste] ... innumeris cultam populis confinia propter ninguida Pyrenes et pinea Cebennarum inter Aquitanas gentes et nomen Hiberum [allusion, non à sa population, mais à son territoire municipal, qui allait jusqu'aux Pyrénées par la vallée de l'Ariège, jusqu'aux Cévennes par le Tarn, l'Agout et le Thoré] : quæ modo quadruplices ex se cum effuderit urbes, non alla exhaustæ sentit dispendia plebis, quos genuit cunctos gremio complexa colonos : des hypothèses provoquées par ces vers mystérieux, je préfère celle de Vinet, que je complète ainsi : l'ancienne agglomération de Toulouse, comprise dans l'enceinte coloniale et les faubourgs adjacents, aura été divisée en cinq districts (Toulouse quinquiplex, dit ailleurs Ausone, Ep., 25, 83), la ville proprement dite ou le castrum, fortifié alors sans doute à part (comme à Autun), et quatre vici ou burgi dépendants. — Sur les remparts et la topographie, voyez les travaux de Chalande, en particulier dans le Bull. de la Soc. arch. du Midi, 1910-4.

[276] Martial, XII, 32, 18 : Nec quadra deerat casei Tolosatis.

[277] Les carrières de marbre et les mines de l'Ariège faisaient certainement partie du territoire de Toulouse. — De même, dans cette même vallée de l'Ariège, les eaux d'Ax, peut-être les Aquæ Converantia de l'Anonyme (V, 3).

[278] Sur le Capitole de Toulouse, voyez les Actes de saint Saturnin ; c'est incontestablement à ce martyre que Toulouse doit d'avoir, à la différence des antres villes, conservé la gloire de son Capitole et la pérennité de ce nom. — Je doute fort (et Graillot est d'accord avec moi) que le Capitole primitif ait été sur l'emplacement du Capitole actuel : celui-ci (chiffres fournis par Graillot) est à 142 m. 73, et en contrebas du quartier voisin ; je chercherais plus volontiers l'ancien Capitolium aux abords de la place Esquirol (plateau culminant de Toulouse ; cote 146 m. 25 à la place Rouaix, cote 146 m. 02 à l'entrée de la rue Saint-Rome, sans aucun doute la via major de l'ancienne Toulouse, secteur urbain de la grande voie du Midi).

[279] Écrit en 94 ; Martial, Epigr., IX, 99 : Marcus (M. Antonius Primus, surnommé Becco, de Toulouse, le grand général de Vespasien en 69-70), Palladiæ non infitianda Tolosæ gloria, quam genuit pacis alumna quies. On peut croire, d'après ce poème, que le glorieux consulaire s'est retiré à Toulouse vers la fin de sa vie. C'était un ami et protecteur de Martial (X, 23, 32 et 73).

[280] Suétone ap. Jérôme, année d'Abraham 2073 = 57 après J.-C.

[281] La descente de la route et de la rivière, de Toulouse à la frontière, est encore fort pauvre en souvenirs antiques. — Sur la route qui remontait la haute Garonne vers le Comminges, la villa de Chiragan parait bien dans le Toulousain, mais à l'extrémité.

[282] Voyez de même, également pour ce pays, la persistance du mot Provincia.

[283] Pour ne pas parler des insignifiants Tricastini. Encore, même chez les Helviens, le nom de la peuplade a disparu à la fin devant celui de la ville (C. I. L., XII, 1567).

[284] Vienne, par exemple, est à 16 milles de Lyon et de Valence ; la plus grande distance, plus de 70 milles, est entre Fréjus et Aix.

[285] Voyez le contraste de cette similitude de vie et d'extérieur avec les diversités ethniques que Cicéron signalait jadis dans la province, huic provincia, quæ ex varietate gentimn constaret (Pro Fonteio, 2, 3).

[286] Pline, III, 31 : Agrorum cultu, virorum morumque dignatione, amplitudine opum nulli provinciarum postferenda, breviterque Italia verius quam provincia. — Inversement, et par survivance des temps antérieurs à la conquête du reste de la Gaule, de ces temps où, par opposition aux Gaulois indépendants, la Narbonnaise était la province, on continua à l'appeler, elle seule, contre toute réalité administrative et sociale, Provincia ; Provincialis, C. I. L., XIII, 627 ; natione Provincialis, VIII, 1880. Notre nom de Provence vient de là.