HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VI. — LA CIVILISATION GALLO-ROMAINE - ÉTAT MORAL.

CHAPITRE III. — L'ART[1].

 

 

I. — DES CONDITIONS DE L'ART EN GAULE.

Plaisirs et recherches d'art ne furent point ignorés des anciens Gaulois. Si les grands seigneurs aimaient les poteries grecques, les bronzes étrusques ou campaniens[2], c'est qu'ils sentaient confusément l'élégance de leurs lignes et le charme de leurs ornements. Ils se plaisaient aux riches étoffes, aux armes brillantes, aux vives couleurs. Des artistes de tout métier, graveurs de monnaies, orfèvres, émailleurs, brodeurs, céramistes même, parvenaient à trouver des formes nouvelles et des tons inédits. Quoique l'art figuré naquit à peine, quelques images d'hommes et de bêtes avaient déjà paru, étranges et vigoureuses. De glorieuses destinées semblaient promises au dessin d'ornement dans cet Occident épris de symboles et d'emblèmes, chez ces ouvriers experts aux jeux des lignes droites ou courbes, des méandres, des cercles ou des spirales, et la Bretagne indépendante réussit, en cette sorte d'œuvres, à produire des merveilles.

Ces désirs de belles choses ne firent que croître sous la paix romaine. Tous les marchés d'objets d'art étaient ouverts à toutes les demandes. Pourvu qu'il y mît le prix, un Gallo-Romain pouvait se procurer un marbre grec qui fût un chef-d'œuvre de statuaire ; et s'il tenait à quelque chose de nouveau, de fait pour lui seul, rien ne lui était plus facile que d'appeler un artiste d'Italie ou de Grèce, et d'installer un atelier dans sa villa[3]. Les routes étaient sûres, les voyages rapides, les contrats garantis[4].

Quiconque possédait de l'argent, seigneur foncier de noblesse gauloise, marchand italien, industriel arverne de fortune neuve, fonctionnaire romain établi à Lyon, à Cologne ou à Mayence, fins connaisseurs ou grossiers parvenus se firent un point d'honneur d'imiter Lucullus ou Trimalchion[5], de peupler leurs demeures de statues, d'en couvrir les parois de fresques et le sol de mosaïques, de charger leurs dressoirs d'orfèvrerie ciselée et leurs étagères de gemmes précieuses. Bibelot de salon ou pièce de galerie, l'œuvre d'art se montra partout. On voulut vivre dans un rayonnement d'esthétique. Ce fut souvent affaire de mode, engouement de provincial ou de bourgeois qui pense imiter Rome et le prince ; mais ce fut aussi, pour quelques Gaulois, besoin sincère de s'évader de la barbarie[6]. Et posséder chez soi, en copie ou en réplique, une Athénée de Phidias ou un Hermès de Praxitèle, et les admirer, et en sentir la beauté, parut le meilleur moyen de répudier la tare originelle et de convertir son âme à la pensée hellénique[7].

Les dieux, à cet égard, étaient devenus exigeants et délicats à l'instar des hommes. Au lieu des lingots de métal qu'on leur donnait autrefois, ils réclamèrent des statues, des bas-reliefs, des tableaux et des vases ornés. Les temples et leurs trésors devinrent les vrais musées du monde gallo-romain[8]. Ce peuple arverne, qui était si riche, ne pouvait offrir à son Mercure souverain une idole de bois ou une lance de bronze. Pareilles aux Athéniens de Périclès (et peut-être ce souvenir s'est-il présenté à leur pensée), les cités gauloises souhaitaient des chefs-d'œuvre pour figurer leurs dieux nationaux.

De proche en proche, l'amour ou l'usage de l'œuvre d'art gagna toutes les classes, pénétra dans toutes les rues. Les pouvoirs publics, État, provinces et communes, lui firent une large part dans les budgets. Thermes, théâtres et basiliques étaient de véritables galeries, où, au milieu des marbres et des mosaïques, surgissait un peuple de statues, alignées entre des autels aux élégantes sculptures[9]. D'autres images ornaient les rues et les places. Même sur sa vaisselle, l'esclave ou le paysan admiraient des figures en relief, copies de beaux modèles. L'art, après l'industrie, s'était mis à la portée de tous.

 

II. — IMPORTATION D'OBJETS D'ART.

La richesse artistique de la Gaule s'accroissait de quatre façons différentes. Tantôt, l'œuvre d'art était importée du Midi, achetée chez un marchand ou commandée dans un atelier transalpin. Tantôt, elle était faite sur place, mais par un artiste originaire des pays classiques, installé en Gaule ou appelé à dessein. Tantôt enfin, elle était due à un praticien du cru : et dans ce cas elle pouvait être créée suivant un modèle emprunté aux écoles classiques, ou imaginée sous l'inspiration des traditions indigènes.

L'importation des œuvres d'art, cela va sans dire, était le fait des plus riches, hommes et cités, et elle se produisait surtout en matière de sculpture, statuaire de marbre ou de bronze, sculpture fine d'orfèvrerie ou de pierre précieuse.

La totalité des beaux marbres de Paros ou de Luna viennent des marchés d'Italie : la Vénus drapée de Fréjus, copie d'une lointaine Aphrodite de la belle époque hellénique[10], la Vénus d'Arles, où l'on croit sentir l'influence de Praxitèle[11], l'Athlète de Vaison, traduit, dit-on, du Diadumène de Polyclète[12], la tête de Jupiter à Fréjus, inspirée peut-être d'un contemporain de Phidias[13], et la tête de Diane au théâtre d'Arles[14], et celle de Vénus à la villa de Chiragan[15], et le torse de la Vénus assise de Reims[16], tous ces morceaux et bien d'autres[17], de forme parfaite et qui semblent des chefs-d'œuvre, sont des objets transportés ; la plupart également datent de l'époque romaine et sortent de quelque atelier contemporain, habile interprète des merveilles helléniques ; et s'il en est qui soient plus anciens, nés du ciseau des grands maîtres grecs, ce sont pièces de choix, vendues ou troquées par quelque amateur besogneux ou capricieux. J'en dirai autant de ces beaux bronzes sacrés qui brillent parfois subitement au milieu des ruines de cités ou de villas gallo-romaines, tels que cette Fortune ou ce Mercure retrouvés dans les décombres de bourgs perdus des Allobroges, et dont le type remonte à des élèves de Phidias ou de Polyclète[18], tels que cette tête de Junon, celle-ci vraiment contemporaine de Périclès, mais dont le diadème porte maintenant le nom du magistrat de Vienne qui l'a offerte à ses dieux : et cette figure créée dans la Grèce, où elle dut connaître des jours de gloire, finissait ses destinées chez les Barbares de l'Ouest au service d'un héritier de chef gaulois[19].

Ces statues de marbre ou de bronze sont conformes aux types consacrés depuis Périclès dans les écoles helléniques, et conservés servilement par leurs adeptes de l'époque latine. De loin en loin cependant, dans cette galerie un peu monotone de beautés régulières, une œuvre nous surprend par son allure archaïque : telle, cette Minerve de Poitiers au corps allongé comme dans une gaine, à la tunique collante, aux plis du vêtement raides et presque géométriques, qu'on dirait une image sainte adorée jadis par les Athéniens d'Aristide. Mais elle ne provient pas de si long temps, il s'en faut ; elle n'est pas plus ancienne que les Césars de Rome : c'est l'œuvre d'un artiste qui s'est plu à copier les primitifs, ou c'est la commande d'un amateur épris des vieux styles[20]. Car plus d'un Gaulois préférait ces types discrédités aux beautés contemporaines : Jupiters antiques, Vénus démodées, figures vieillottes des dieux répondaient mieux aux idées religieuses du pays que les produits des ateliers classiques ; il y eut, à ce goût d'archaïsme, un motif plus sérieux que le caprice d'un jour[21].

Cette arrivée de statues grecques fut une très grande nouveauté pour la Gaule : les difficultés du transport, les rites de la religion nationale ne l'avaient point permise autrefois. En matière d'orfèvrerie, acheter à l'étranger était au contraire une vieille habitude, qui persista[22]. Les artistes de Rome, de Carthage et d'Alexandrie fournirent aux temples et aux villas les plus belles pièces : lourdes patères d'or aux cent figures ; aiguières d'argent à la taille fine comme celle d'une guêpe, aux souples contours d'où s'échappent des guirlandes de feuilles et de fruits, aux parois sculptées de scènes aussi expressives que sur des bas-reliefs de marbre ; vases de verre et objets de cristal aux images étranges, scintillant sous le feu des lumières ; intailles et camées innombrables, à la matière plus dure que le bronze, aux figurines aussi ténues que des ciselures de métal, où toutes les pierres précieuses du monde se faisaient les servantes de l'art et de la mythologie helléniques  ; appliques de meubles en airain où les bronziers, comme en se jouant, réalisaient des prodiges[23]. Et jusqu'au fond de l'Armorique ou de la Normandie, des dieux, hier encore à demi sauvages, étalent ces chefs-d'œuvre dans les trésors de leurs sanctuaires[24].

 

III. — ARTISTES ÉTRANGERS.

Souvent, au lieu de l'œuvre, on faisait venir le maître ; et beaucoup d'artistes, en outre, arrivaient d'eux-mêmes, sachant bien qu'il y avait gros à gagner au delà des Alpes.

La Gaule fut, au premier siècle, une terre bénie pour les sculpteurs. C'était le temps où ses dieux voulaient leurs figures dans les temples, ses magistrats sur les places publiques, ses morts sur les tombeaux. Des choses nouvelles dont la richesse et la mode répandaient l'usage, la statue était la plus recherchée, et la civilisation se propageait autant sous la forme de l'image que de la bâtisse ou de l'inscription. Tout cela, d'ailleurs, figures, bâtisses, lettres de pierre et de bronze, apparaissait et se fixait ensemble, répondait au même désir des hommes, de montrer et de laisser d'eux, sur la terre, des traces visibles et éternelles.

On fit donc appel aux artistes grecs. Le plus célèbre de ceux qui travaillèrent dans les Gaules fut Zénodore, statuaire en bronze. Ce furent les Arvernes qui l'appelèrent, lorsqu'ils bâtirent à leur Mercure son grand temple du puy de Dôme : car il s'agissait de la divinité souveraine et de son plus fameux sanctuaire, et la riche cité voulut un sculpteur de premier mérite et une statue d'une grandeur inusitée ; l'or ne lui fut point ménagé, et lui-même n'épargna ni son temps ni sa peine. On travailla dix ans au Mercure Arverne, et l'œuvre coûta quarante millions de sesterces, dix millions de francs, un million sur le budget municipal annuel. Entre temps, et pour se reposer sans doute de la grosse besogne de la fonte, Zénodore copiait des œuvres antiques, et l'on rapporte qu'il cisela pour le compte du gouverneur de la province deux coupes imitées de celles de Calamis, le contemporain de Phidias : et ces copies furent si fidèles, que l'on ne savait reconnaître l'original. La maîtrise du Grec était devenue telle, que, le Mercure terminé, Néron le manda à Home pour lui confier sa statue colossale[25]. Ce fut donc la Gaule qui consacra la supériorité de Zénodore et qui l'imposa à l'empereur et au monde. Remarquons que, dans ce séjour citez les Arvernes, ce renom de l'artiste se manifesta de deux manières, par une œuvre démesurée et par des copies parfaites.

On voit par cet exemple[26] que les Gaulois ne reculaient devant aucun effort pour se procurer les meilleurs artistes., Leur Mercure eut le même sculpteur que Néron, qui, lui aussi, croyait se connaître en choses d'art. A force de pièces d'or, tout ainsi que les milliardaires de l'Amérique actuelle, ils pouvaient acheter les plus belles œuvres et les plus grands talents. J'imagine qu'ils se sont plus d'une fois trompés grossièrement.

Des peintres, des mosaïstes ne manquaient pas d'accompagner les sculpteurs. Ils étaient d'ordinaire d'Alexandrie, de Carthage, de Pouzzoles, patries riches en artistes de ce genre. A Lillebonne, petit chef-lieu de Normandie qui n'était guère plus qu'un riche marché de campagne, travailla longtemps le mosaïste Titus Sennius Félix, de Pouzzoles : il eut à exécuter, pour le compte de la municipalité ou pour celui d'un grand seigneur, un vaste tableau en mosaïque, mesurant plus de cent pieds de contour, où il représenta Apollon saisissant Daphné, au milieu d'un cadre formé de scènes de chasse. C'est d'assez bon travail, sans habileté particulière dans le dessin et sans originalité de composition ; mais c'est surtout une œuvre qui a dû coûter beaucoup de patience au mosaïste et beaucoup d'argent à ses Mécènes de Normandie[27].

Entre toutes les professions d'art, n'est peut-être l'architecture qui eut le plus vite besoin de maîtres étrangers. En un demi-siècle, il fallut construire par centaines, par milliers même, des temples, des théâtres, des amphithéâtres, des thermes, des basiliques, des aqueducs, des villas, des mausolées ; et de ces sortes d'édifices l'intelligence gauloise n'avait pas la moindre pratique. Nous ne pouvons, il est rai, donner le nom des maitres d'œuvre qui ont élevé les beaux édifices de la Gaule : les auteurs ne nous parlent point d'eux, ils n'ont point gravé leurs noms, et ni la Maison Carrée de Nîmes, ni le Pont-du-Gard, ni le mausolée de Saint-Rémy, ni le temple impérial de Vienne, absolument aucun monument entre Rhin et Pyrénées ne porte de signature[28]. L'architecture en ces temps-là, de même que tant de fois dans son histoire, ne savait pas épargner l'oubli à ses plus grands artistes. Mais la vue des ouvrages qu'ils ont laissés suffit à révéler leur patrie : et c'est bien à Rome ou à la Grèce que la Gaule a confié le soin d'embellir ses villes naissantes.

 

IV. — ARTISTES INDIGÈNES.

Les Gaulois n'étaient point hommes à s'en tenir à des œuvres importées et à des artistes d'emprunt. La tradition ne leur interdisait pas de se faire sculpteurs, peintres ou architectes ; et leur intelligence, alerte et déliée, les portait à comprendre et à imiter tout ce qui était œuvre de la main ou œuvre de l'esprit.

On vit donc, et dès le premier siècle, bon nombre d'artistes indigènes. Il en fallait, au moins pour les bourgeois et les petites gens. Tout le monde ne pouvait se payer une Vénus de Grèce ou un architecte de Pergame ; mais tout le monde cherchait des figurines pour ses laraires et des portraits de famille pour ses tombeaux. Il s'ouvrit donc, dans les villes importantes, des ateliers de sculpture[29], de peinture[30] ou de mosaïque dirigés par des indigènes ; plus d'un maçon du pays dut s'improviser architecte ; et plus d'un paysan dut s'essayer lui-même à tailler dans le bois l'image de son dieu et dans la pierre la figure de son fils.

Quelques-uns de ces artistes gaulois arrivèrent à une certaine notoriété. Lorsque, sous le règne de Néron, les marchands et les cantiniers de Mayence décidèrent d'élever une colonne sacrée à leur empereur et à leurs dieux[31], ils chargèrent de ce soin deux sculpteurs gaulois, et qui n'étaient même pas citoyens romains, Samus et Severus, fils de Vénicarus : je crois d'ailleurs qu'ils étaient du Midi[32], et formés de bonne heure aux leçons de praticiens grecs. L'œuvre qu'ils nous ont laissée, cette colonne où ils ont accumulé les images de divinités latines et gallo-romaines[33], n'est ni bonne ni mauvaise : c'est le travail soigné d'élèves très appliqués, sans originalité ni dans le dessin du monument ni dans l'expression des figures, surtout sans vie et sans vigueur : et on y chercherait en vain l'énergie et le mouvement que nous avons jadis espérés pour les destinées de l'art gaulois. Samus et Severus ne sont que des copistes timides et consciencieux, et l'on dirait, à chaque coup de ciseau, qu'ils craignent de se tromper en pensant par eux-mêmes[34]. C'était du reste, en ce temps-là, la maladie de tous.

Sans le hasard d'une inscription, nous ignorerions leurs noms. Aucun artiste de la Gaule n'acquit une gloire mondiale. L'orateur Afer, le conférencier Favorinus ou l'historien Trogue-Pompée n'eurent point leur équivalent dans les domaines de l'art. Ce sont de bien modestes tombes que celles des peintres et des sculpteurs gaulois. La plupart d'entre eux n'étaient peut-être que des esclaves ou des ouvriers au service des grands entrepreneurs de bâtiments civils, de monuments funéraires ou de vases céramiques.

 

V. — STATUAIRE RELIGIEUSE.

C'est surtout à la sculpture qu'il faut s'adresser pour savoir ce que produisirent ces efforts, et ceux des hôtes, grecs et ceux de leurs élèves gaulois. Des manières de façonner une figure, ce fut la plus populaire : elle semblait plus propre que la peinture à rendre la vie des êtres, car elle rappelait plus fidèlement le relief de leurs formes palpables ; pour un dévot, un dieu peint ne valait même pas un dieu de bois ou de terre cuite. La statuaire servit à merveille les victoires des idoles et le règne des fétiches. Ses œuvres, qui étaient les moins fragiles des œuvres d'art, pouvaient justement passer pour éternelles. Et c'est elle qui de nos jours nous fournit la majeure partie des témoins de l'art figuré chez les Gallo-Romains.

Nous connaissons déjà ses ouvrages religieux, images de dieux classiques, images de dieux indigènes.

De celles-là, on a vu qu'il y en eut de fort belles, en marbre et en bronze, des Vénus surtout, et je les ai nommées tout à l'heure : sorties d'ateliers transalpins, elles n'intéressent la Gaule que par le fait de leur importation. D'autres, en pierre du pays, et qui sont en majorité des Mercures, ont été sculptées sur place, sans que nous puissions aisément retrouver en elles une main grecque ou une main gauloise.

Parmi ces œuvres du terroir, il y a des variétés sans nombre, mais qui résultent uniquement du fini de la taille, de l'exécution matérielle : car nous avons toutes les espèces du coup de ciseau, depuis le plus réfléchi et le mieux guidé jusqu'au plus grossier, aussi rude que le choc du marteau sur l'enclume. Certaines Minerves ont de la dignité, et certains Mercures de l'élégance, et leur pierre ou leur bronze sont d'un assez fin modelé. Mais à côté d'eux, quelles collections de laides figures sur des corps difformes ! Je doute que l'art religieux ait jamais produit en France des horreurs pareilles à ces Vénus en terre cuite chères aux Gallo-Romains d'Armorique : l'image figée comme dans un fourreau, le torse plat, les membres allongés et serrés les uns contre les autres, une face terne, sans sourire et sans regard, de vagues emblèmes jetés sur le corps à la façon de marques de tatouage, cela est vraiment le fétiche. dans sa laideur hiératique, et il y a là beaucoup moins de vie et d'esprit que dans les plus humbles santons fabriqués pour nos églises de village ou nos crèches de Noël.

Belles ou laides, toutes ces sculptures se ressemblent : à toutes il manque l'originalité de la composition, l'intérêt de l'expression. La Vénus du Mas-d'Agenais, aux flancs d'un galbe superbe, est d'une inspiration aussi banale que la Vénus en gaine des céramistes armoricains. Derrière l'une et l'autre, on devine un modèle, là merveilleusement copié pour la villa d'un riche Aquitain, ici rapidement refait, en quelques coups de pouce maladroits, pour la boîte du colporteur. Toutes ces Vénus, et les Jupiters, et les Mercures, et les Minerves, sont les descendants plus ou moins abâtardis des Aphrodites, des Zeus, des Hermès et des Pallas de la statuaire hellénique. Aucune attitude neuve ne vient animer leurs corps, aucune physionomie nouvelle ne paraît sur leurs visages. Transplantée en Gaule, la statuaire grecque n'y a fait que trouver une province de plus pour décliner et mourir. Et elle y est morte, comme ailleurs, tantôt par la lente décrépitude de ses formes, stérilisées sous la tradition de l'école et le travail de l'atelier industriel, tantôt par leur corruption et leur dégénérescence entre les mains gourdes de paysans et de manœuvres[35].

Les statues des divinités gauloises invitaient les sculpteurs à une originalité plus grande. Ils n'étaient gênés ni par des siècles de tradition artistique ni par les formules d'un rituel religieux. Qu'ils se fissent guider par des images de dieux classiques, il n'y avait pas très grand mal à cela : le modèle n'a jamais entravé l'artiste. Mais dans l'expression des traits, dans l'attitude, l'allure et les gestes du corps, dans le choix des costumes et le groupement des emblèmes, rien n'empêchait le sculpteur de suivre son inspiration personnelle. Il pouvait habiller son Bélénus en roi des Gaules, ses Matrones en jeunes mères ou en gracieuses compagnes, et son Épona en Amazone celtique : des sources de la religion nationale, des souvenirs et des spectacles de la Gaule il pouvait sortir de nouvelles figures d'art, élégantes. puissantes ou belles.

Il n'en lut point ainsi. Des dieux gaulois que nous possédons, en pierre ou en bronze, bien peu ont l'allure vivante et la physionomie expressive. Quelques figures au maillet sont vigoureusement plantées[36] ; certains tricéphales ont reçu des têtes graves et énergiques[37] ; le cavalier de lumière s'enlève parfois avec vigueur sur les épaules du géant ténébreux[38] ; et il arrive çà et là qu'Épona sache se tenir avec naturel sur sa monture[39]. Mais ces bons morceaux sont rares. Le plus grand nombre de ces divinités s'arrêtent à des tournures disgracieuses et à des gestes compassés. Rien n'est lourd et vulgaire comme le dieu assis les jambes croisées ; le Sylvain au maillet finit par ressembler à un mannequin pour épouvantail ; et quand il s'est agi pour le sculpteur gaulois d'imaginer ses Déesses-Mères, de cette idée pure, aimable et douce de la maternité divine il n'a tiré que de grosses nourrices, mal fagotées dans leurs tuniques, au corps trapu et à l'air niais : et quelles merveilles d'art pouvaient pourtant sortir de ce symbole, on le verra chez les imagiers chrétiens du Moyen Age, lorsque l'artiste aura plus de sincérité et la religion plus de noblesse.

La statuaire religieuse de type indigène était, au surplus, condamnée d'avance. Ni les magistrats ni les riches ne commandaient d'ordinaire des dieux gaulois[40]. Ceux qui en fabriquaient s'adressaient à une clientèle populaire : point n'était besoin de se mettre en frais d'imagination et de style. Il suffisait le plus souvent de déformer une Cérès pour la vendre comme bonne Mère, d'arranger un Janus pour en faire un tricéphale. Et cette sculpture qui aurait pu recevoir l'inspiration gauloise, finit par se greffer sur l'art classique et s'abimer avec lui dans une vieillesse monotone et stérile[41].

 

VI. — LE PORTRAIT[42].

Si nombreuses que soient les images de dieux, elles le sont moins que les images d'hommes. L'époque romaine a vu, dans les arts plastiques, le règne du portrait : je ne parle que de la Gaule, car il fut moins populaire dans d'autres régions de l'Empire.

Aux magistrats, aux prêtres, aux bienfaiteurs des villes ou des provinces on élevait des statues de marbre, de bronze ou de pierre, et c'était la manière habituelle de la reconnaissance publique[43]. Il finit ainsi par s'en aligner des dizaines dans les places de villes[44], et jusqu'à des centaines à Lyon, autour de l'autel de Rome et d'Auguste. A côté ou au milieu d'elles, les images des empereurs, des impératrices, des princes, des hauts dignitaires décoraient les forum municipaux ou les salles des thermes[45]. Les esclaves, les affranchis, les amis des riches dressaient les portraits de leurs patrons, en pied ou en buste, dans les vestibules ou les cours d'honneur des hôtels ou des villas[46]. Un collège votait une statue à son protecteur[47], une ville à son bienfaiteur[48]. A Besançon, les ligures d'anciens chefs de l'histoire romaine s'élevaient sur la grande place. Dans une villa du Languedoc, à Chiragan près de Martres-Tolosanes, on a trouvé une centaine de statues ou de bustes d'Augustes, de simples particuliers, cf. même de philosophes grecs[49]. Un père de famille faisait représenter en pierre les êtres qui lui étaient chers : c'est à la statue, en ce temps-là, et non au tableau, qu'on s'adressait pour conserver les traits des hommes. Le long des voies sépulcrales, d'innombrables figures regardaient les passants, tantôt sculptées en relief sur les façades des tombeaux, tantôt érigées en couronnement sur les étages des mausolées[50]. La vie humaine se reflétait partout en une réplique de pierre. Jamais le sol de France n'a porté plus d'images de morts et de vivants : j'excepte notre époque, où la photographie a rendu au portrait son prestige des temps gaulois.

Car le portrait était alors, presque autant que de nos jours. quelque chose de démocratique, à demi nécessaire à l'existence. Il n'y a pas que des figures de riches sur les tombeaux. Des hommes évidemment très pauvres ont voulu fixer les traits de leurs visages, ou leurs parents l'ont voulu pour eux. Certaines de ces sculptures sont de grossières ébauches, où s'aperçoivent à peine les linéaments de la face : mais cela prouve, plus qu'une image parfaite, la force de l'intention qui a exigé le portrait[51]. Hommes et femmes, enfants et vieillards, libres et esclaves, avaient également droit, sur la pierre de leur tombeau, à cette seconde vie.

Le portrait funéraire fut une pratique très chère aux Gaulois de l'Empire. Il est moins fréquent au delà des Alpes. et des Pyrénées. L'usage ou plutôt l'abus en annonçait le Celte ; les colons du Midi et de Lyon y recourent avec plus de discrétion. Quand on va de la Narbonnaise dans la Gaule Propre, c'est à Agen vers l'ouest, à Autun vers le nord, que les images se multiplient dans les ruines des cimetières[52].

Cela ne laisse pas que de nous surprendre. Car rien, dans les traditions nationales du Gaulois, ne l'invitait au portrait funéraire. Toutes ses tombes jadis avaient été informes et muettes, sans images et sans inscriptions ; et entre le cimetière d'une ville gallo-romaine, alignant ses longues files de sépulcres, de corps et de figures de pierre, et les anciennes nécropoles celtiques, dissimulant leurs morts sous des monceaux de terre, le contraste est saisissant, et la transition n'est point visible.

Le changement, à cet égard, fut rapide et profond dans les mœurs et les usages[53]. Sous quelle influence, nous ne le savons encore : peut-être, par l'intermédiaire de Marseille, sous celle des Grecs, chez qui l'image funéraire était en honneur[54] ; peut-être sous celle des Italiens, qui la pratiquaient également[55]. Et si les Romains en perdirent le goût au moment où les Celtes le prirent, c'est un phénomène d'ordre commun dans les Gaules, où la religion, la langue, l'art et la manière de vivre servirent souvent d'asile aux vieux usages de l'Italie, en déclin dans leur lieu d'origine[56].

On peut répartir ces images, comme celles des dieux, en deux groupes principaux : les statues à 'la romaine, d'ordinaire isolées, portées sur piédestal, destinées à l'ornement des places, des édifices ou des mausolées[57] ; les figures d'indigènes, presque toujours incorporées, en très haut relief, dans des monuments funéraires. Les premières sont des œuvres d'assez bons statuaires, étrangers peut-être au pays ; tuais les plus belles n'en sont pas moins fort banales, avec leurs corps uniformément drapés dans la toge, leurs figures à profil de médaille, et s'il en est parmi elles qui représentent des hommes de souche gauloise, ils ont perdu jusqu'à la physionomie de leur terroir sous le ciseau de la statuaire classique[58]. Les autres images sont certainement sorties des ateliers qui s'installaient dans les villes aux abords des cimetières, et où travaillaient des artistes du lieu, médiocres et à bon marché : mais sur elles, en revanche, apparaît la touche originelle.

Elle se montre par la manière dont le sujet est traité. Aucune recherche d'idéal n'embellit le portrait du Gaulois. Que le sujet ait posé de son vivant, que le sculpteur ait travaillé sur un croquis pris devant le cadavre, il est visible qu'il a obéi à un ordre sans réplique, faire ressemblant. Hommes et femmes ont gardé leur coiffure favorite : celles-ci, cheveux bouclés[59], ou tresses pendantes[60], ou bandeaux sur le front[61], ou chignons relevés en diadème[62] ; ceux-là, le plus souvent la tête nue, les cheveux courts ou touffus, la barbe large ou pointue[63], les moustaches rabattues, et s'il y en a de chauves, ils montrent leur calvitie[64]. Le costume, c'est toujours, pour la femme, la robe ou la tunique, pour l'homme, la tunique et le manteau à la gauloise, d'ordinaire avec le capuchon rejeté sur le dos, parfois avec le large cache-nez sur les épaules. Il y a, dans toutes ces sculptures, un élément réaliste qui ne manque pas de saveur.

Ce qui complète une impression de cette sorte (je parle seulement des portraits de Gaulois), c'est que le défunt s'est fait souvent représenter avec les attributs de sa profession. Pour que nul n'ignore sa vie mortelle, le cocher a son fouet en main, le sergent de ville son épée au côté, le tonnelier tient son marteau, le sculpteur son ciseau, la marchande des quatre-saisons sa balance, et ainsi pour mille, autres[65] : si bien qu'une voie des sépulcres, avec ces figures d'ouvriers et de boutiquiers en longues rangées, ressemble assez bien à une rue marchande de ville gallo-romaine.

Le sculpteur devait représenter les morts dans l'attitude qu'ils avaient le plus volontiers prise dans la vie. S'agissait-il d'un enfant, il le montrait avec son jouet favori ou son animal familier, oiseau, chien ou chat[66]. — Ceci d'ailleurs, l'enfant figuré comme ses parents avaient le plus aimé à le voir, c'était déjà un peu de l'idéal qui pénétrait en ce genre de sculpture. Il en entrait davantage, lorsque, au lieu de l'outil professionnel, le sculpteur mettait dans la main du mort un attribut de son sexe ou un emblème de sa dignité : pour un père de famille, le coffret où il garde ses trésors ou ses documents[67] ; pour une matrone ou une jeune fille, le miroir de sa toilette[68], l'éventail qu'elle agite par contenance[69], la fleur ou le fruit, symboles de ses espérances ou de ses promesses dans la vie[70].

Parfois, un trait de plus souligne la pensée religieuse du mort ou des survivants : c'est lorsque le défunt tient à la main un gobelet, un verre, un flacon, comme s'il était prêt à boire dans un banquet. Cela veut dire que ses amis boiront de la même manière qu'il est figuré, qu'ils banquèteront près de lui, devant sa tombe, à ses anniversaires, et que son image, le gobelet à la main, leur fera vis-à-vis et leur donnera la réplique[71].

Ce qui achève de mettre de la vie dans toutes ces figures de Gaulois, ce qui fait d'elles les images concrètes et presque animées de nos ancêtres, c'est que ces morts n'aiment point à paraître isolément sur leurs tombes. Le père veut sa femme et ses enfants auprès de lui. On voit la famille entière sur le devant de ces tombeaux, tous debout, le mari et la femme se tenant les mains[72] ou les bras passés sur les épaules, et les enfants au milieu, encadrés par les parents[73]. On dirait, à regarder ces poses touchantes et ces groupes sympathiques, de ces photographies si chères aux bonnes familles de notre temps. Je crois bien que de telles tombes en étaient l'équivalent. On les préparait, on les sculptait souvent bien avant la mort ; elles marquaient un moment de l'existence commune autour du foyer. Il y avait en elles plutôt l'image de la vie que la pensée du trépas.

Mais, si elles sont gauloises par le sujet, elles le sont aussi par la façon dont il est rendu. J'entends par là que, à part de très rares exceptions, ces reliefs décèlent une main vulgaire, lourde, inexpérimentée. Les membres sont sans souplesse, les têtes sans énergie ou sans grâce. Quelque chose d'hiératique fige les attitudes et les physionomies. Le coup de ciseau est trop violent, trop sec ; et les matériaux employés, pierres communes du pays, fragiles ou peu malléables, ne se sont point prêtées au travail délicat des courues. Le modelé est souvent produit par de brusques éraflures, et l'on pourrait parfois compter tous les coups de ciseau[74]. Il y a, dans les lignes des corps, d'inconcevables maladresses : on voit des sculptures où une main de femme, au lieu d'être figurée en relief, apparaît sous la forme de traits gravés en creux continuant une épaule taillée en saillie[75].

 

VII. — LE BAS-RELIEF.

Nous retrouvons dans le bas-relief le même contraste que dans le portrait et dans l'idole, entre sujets classiques et sujets indigènes.

Les sujets classiques sont tirés en majorité de la vie des dieux et des héros grecs. Les combats contre les géants[76], le jugement de Pâris[77], l'homme créé par Prométhée[78], Endymion et Séléné[79], Ariane et Bacchus[80], Hippolyte et Phèdre[81], et cent scènes de ce genre[82], voilà les thèmes nécessaires et exclusifs dans l'ornementation des temples, et ils ne sont point rares dans celle des édifices publics et des tombeaux les plus riches, mausolées ou sarcophages[83]. Des images de combats historiques[84], des panoplies ou des trophées d'armes enlevées à l'ennemi[85] ou consacrées par le vainqueur[86], apparaissent sur les arcs de triomphe et les monuments d'anciens soldats[87]. D'autres préféraient, pour leurs tombes, des épisodes de chasses[88] ou de jeux[89], ou la figuration de repas funéraires[90].

Bien que ces dernières scènes soient empruntées à la vie réelle, l'ensemble de ce groupe ne relève que de l'art gréco-romain, que des conventions des écoles traditionnelles. Que le sculpteur surcharge son plan de figures (c'est le cas des combats et des chasses) ou qu'il se borne à trois ou quatre personnages essentiels (c'est le cas ordinaire des épisodes mythologiques), il s'inspire uniquement de procédés classiques : d'une frontière de l'Empire à l'autre, c'est maintenant la même façon de présenter en bas-relief les actions des dieux, de disposer les gens et les animaux d'une chasse ou d'une bataille, de rendre les figurera et d'orner les champs ; et presque toujours cette façon est lourde, lente et solennelle, confuse et molle, sans la clarté ou le mouvement qu'il faudrait à des amours divines ou à des luttes humaines[91].

Mais à côté de ces redites et de ces plagiats, la Gaule nous montre en bas-relief une riche galerie d'œuvres originales, les scènes tirées de la vie populaire. Ici, tout est indigène. le sujet, la manière de le traiter, l'artiste qui a sculpté la pierre et la pierre dont il s'est servi[92]. Ce sont parfois de charmants détails d'intérieur, repas de familles, leçons ou jeux d'enfants[93]. Le plus souvent, c'est à la vie du dehors que nous assistons, sur la rue, à la place, dans la boutique. Voici le marché, où les changeurs, assis devant leurs banques, pèsent ou comptent les pièces, où le maquignon amène ses bêtes[94], où le marchand crie ses pommes[95]. Plus loin, c'est le chemin qui s'anime, avec ses charrettes chargées de ballots, ses conducteurs de mules faisant claquer leurs fouets[96], ses pierres milliaires au coin du tableau[97], et, dans un horizon différent, la rivière avec ses bateaux pleins jusqu'au bastingage de tonneaux ou d'amphores, que manœuvre une équipe de robustes rameurs, ou que-tire lentement la corde des haleurs marchant sur la rive. Mais les épisodes préférés du Gaulois sont ceux de l'atelier, du chantier ou du magasin : maçons dont le cric hisse doucement une lourde pierre, bûcherons qui transportent à charge de cordes d'énormes pièces de bois[98], sculpteurs qui cisèlent les chapiteaux des tombes[99], et le tailleur à côté de ses piles de drap[100], et le foulon près de ses cuves[101], et le boucher devant ses quartiers de viande[102], nous les avons tous sous nos yeux, les travailleurs de la Gaule romaine, en costume du pays et du métier, affairés à leur tâche et montrant leur vie[103]. On dirait une épopée de pierre racontant l'existence laborieuse des humbles de ce temps : je songe malgré moi, pour m'arrêter sur notre sol à quelque chose de semblable, aux tableaux où les Teniers ont étalé les joies et les travaux populaires[104].

Ces sculptures sont à peu près toutes d'ordre funéraire. Elles ornaient les mausolées ou les tombes des fabricants et des marchands. Entre elles et les portraits d'indigènes dont nous ayons parlé, le lien est fort étroit : le portrait montrait l'homme, le bas-relief racontait la vie. L'une et l'autre espèces d'œuvres formaient, dans l'art de la Gaule, la sculpture de genre[105].

Ne croyons point cependant que la Gaule ait eu d'elle-même l'idée de ces bas-reliefs, de figurer sur des tombes les scènes du labeur journalier. Je crois que cette idée lui est venue de ses éducateurs ou de ses maîtres. Ni la Grèce ni l'Italie n'avaient dédaigné d'appliquer les procédés de l'art à la glorification des plus humbles tâches. La Grèce eut ses stèles funéraires représentant des bronziers ou des lutteurs en attitude de travail ou de combat[106]. Aux portes de Rome, le boulanger Eurysacès faisait sculpter sur sa tombe tous les épisodes de la fabrication du pain[107], avec la même fierté qu'un officier de César aurait exigé sur la sienne l'image de ses victoires. Il y avait, chez les hommes de ce temps, le noble orgueil de leur métier, quel qu'il fût ; et de voir sur une tombe l'épicier dans sa boutique ou le sabotier dans son échoppe, je ne trouve pas que cela prête à sourire : j'aime mieux cette franche affirmation du travail honnête que les fastueuses et banales tombes où tant de parvenus d'aujourd'hui mettent à la fois le spectacle de leur fortune et l'oubli de leur profession.

Ce n'est pas à dire, d'ailleurs, que les parvenus de ce temps ne fissent pas sur leurs mausolées l'étalage de leurs richesses. L'art du bas-relief leur permit précisément d'en montrer l'étendue : seulement, il leur servit aussi à en indiquer les différentes origines, dont ils ne rougissaient pas. Le fameux Trimalchion, à ce que dit Pétrone[108], voulut que son tombeau expliquât au peuple toute la gloire de sa vie d'homme riche : Je t'en prie : tu feras, sur la façade, sculpter des vaisseaux voguant à pleines voiles ; tu me représenteras sur le tribunal, vêtu de la prétexte, les mains ornées des cinq anneaux d'or, et tirant d'un sac des pièces de monnaie pour les jeter à la foule : et n'oublie pas que le peuple se réjouisse ; tu ajouteras, si tu le veux, des lits pour banquets. A ma droite, tu placeras la statue de ma chère Fortunata, tenant une colombe et conduisant en laisse la petite chienne ; et puis, tu mettras mon cher Cicaron, et encore de larges amphores bien bouchées, afin que le vin ne se répande, et aussi une urne brisée sur laquelle un enfant pleurera, et enfin, au milieu, une horloge, afin qu'en regardant les heures, bon gré mal gré, on puisse lire mon nom.

Il fallait rappeler le mausolée de Trimalchion le Campanien car il n'est pas l'œuvre fantaisiste du romancier ; soyons assurés que Pétrone l'a vu, et que beaucoup de riches, en Gaule, en ont désiré de semblables, avec la même profusion de bas-reliefs.

Le mausolée du Trévire Secundinius, à Igel près de la Moselle, est plus riche et plus compliqué encore que celui de Trimalchion[109]. Au sommet, Ganymède ravi au ciel proclame l'immortalité promise au défunt ; aux pieds du jeune héros, la Lune et le Soleil s'annoncent comme les maîtres du monde, Mars et Rhéa comme les fondateurs de Rome. Plus bas, sur lé corps de l'édifice, à droite, à gauche, en façade, en arrière, sur tous les piliers, partout où l'on peut trouver une place, s'étagent et s'enchevêtrent cinquante figures, scènes racontant, les unes, l'histoire d'autres héros, Achille, Hercule, Persée, les autres, celle de Secundinius lui-même et de sa fortune aux sources multiples, les draps sortant de ses ateliers, ses navires avec Murs charges de vins, ses chariots avec leurs colliers, les versements faits par ses fermiers, le gibier capturé dans ses bois. C'est, comme partout en Gaule et comme autrefois chez Trimalchion, un extraordinaire mélange de mythes, de symboles et de réalités, le zodiaque, les Vents et les Tritons voisinant avec des charretiers et des bateliers trévires, et le regard passant de l'aigle de Jupiter au fouet du camionneur[110].

Les gens du Midi dédaignaient d'ordinaire ces contrastes. Ils avaient pour la plupart renoncé ô suivre l'exemple d'Eurysacès le boulanger. Pour orner les côtés de leurs sarcophages ou les façades de leurs mausolées, ils préféraient les sujets de convention, chasses ou mythes. Celtes et Belges n'avaient pas encore un tel respect de l'école. Bien leur en a pris. Les artistes du pays n'ont point mal réussi dans le bas-relief de genre.

Beaucoup de ces scènes, assurément, sont mal composées, sans perspective, et d'action lourde. Mais il s'en trouve, dans l'ensemble, de vivantes et bien ordonnées : figures expressives de travailleurs, muscles de bûcherons saillant sous l'effort[111], portefaix raidissant leurs reins pour corder des ballots d'étoffes[112], enfants qui s'amusent en mangeant leur soupe[113], le sculpteur a souvent rencontré le geste essentiel, l'effet qui porte ; il a vu de la vérité, et il a su en rendre. Une forme d'art nouvelle croissait au delà des Alpes, tirée de la vision de la vie présente, faisant enfin leur place aux choses de la nature et aux êtres du peuple.

Mais elle ne dura point. Les Gaulois de vieille souche mirent plus longtemps que d'autres à se convertir à l'art classique. Ils y arrivèrent pourtant, eux aussi, et ce fut grand dommage. La paresse, en cette matière, fut la plus forte : il était beaucoup plus facile de sculpter un Hercule qu'un muletier, l'enlèvement de Ganymède que la fabrication du savon[114] : il n'y avait qu'à copier. Dès le milieu du troisième siècle, le bas-relief de genre disparaît de la Gaule, et l'expression que nous avons eue un instant de sa vie réelle s'est effacée à tout jamais sous les banalités d'une mythologie cosmopolite[115].

 

VIII. — LA PETITE SCULPTURE.

Jusqu'à quel point la Gaule, sous ce régime d'esthétique et d'industrie mondiales, a fait bon marché de ses habitudes propres et de son indépendance intellectuelle, c'est ce que montre, mieux encore, l'histoire de la petite sculpture, j'entends par là surtout les figurines en terre cuite ou les images en relief de la vaisselle céramique.

Les objets de ce genre étaient destinés à la vie de chaque jour ou aux actes de la piété la plus modeste. Ils garnissaient les tables, les maisons, les tombes des bourgeois et des petites gens, et ils étaient leurs cadeaux à la divinité. Cela correspond à nos garnitures pour cheminées, à nos décorations pour assiettes, aux ornements de nos églises de campagne.

Or, en ces formes d'art, qui pénètrent le plus avant dans la vie populaire, il est bien rare de trouver une inspiration répondant à cette vie même, sentant la terre gauloise. Les dieux celtiques sont une exception en céramique[116]. Un modeleur pour poteries n'aime pas à prendre ses types autour de lui. Ses Déesses-Mères sont des contrefaçons de lointaines Cybèles ; sur ses vases de table, que convives désœuvrés s'amuseront à regarder, il alterne des gladiateurs, des Lédas et des scènes de chasses[117]. S'il se risque à traiter un chapitre d'histoire, il l'empruntera aux annales de Rome, anciennes ou contemporaines[118]. La vie qui se passe autour de lui est indifférente à son regard[119].

La différence est frappante entre l'imagerie de cette vaisselle, classique et mythologique, et celle de nos faïences rustiques, si souvent pleines des bonnes choses et des franches plaisanteries du pays, soldats à la caserne[120], festins de noces, aviateurs au ciel, Jeanne d'Arc et Napoléon. Tout cela peut être extrêmement vulgaire et fort mal dessiné : mais cela au moins vient de chez nous et n'est pas une copie, pas plus que ne l'est un bronze de Barye ou un paysage de Corot. C'est que nous tous, ignorants ou penseurs, nous voulons associer l'art à notre vie et l'image à la réalité, c'est qu'à la différence de la Gaule nous ne sentons pas le poids de longs siècles de traditions artistiques, imposé par des maîtres venus du dehors.

 

IX. — PEINTURE ET MOSAÏQUE[121].

Si de la sculpture on passe aux arts du coloris, peinture et mosaïque, la conclusion sera pareille.

Il y a peu à dire sur la peinture gallo-romaine. Les murailles des temples, des basiliques et des maisons se sont effondrées, et avec elles ont disparu les fresques qui les ornaient ; et les quelques fragments qui nous en restent ne nous disposent pas en sa faveur. S'agit-il de peintures décoratives ? ce sont des ornements à la manière de Pompéi, conformes à ce style alexandrin auquel se soumit le monde entier[122]. S'agit-il de personnages et de scènes ? les chasses et la mythologie reparaissent[123]. Un instant, nous voici séduits par quelque chose de nouveau, un paysage, des arbres, des fleurs, des animaux, et nous espérons voir apparaitre un coin de la Gaule : mais à l'examen du détail, nous constatons des tableaux de- convention, les lointains souvenirs des horizons d'Égypte ; les bêtes que nous apercevons sont les grues et les serpents familiers aux artistes orientaux, et il nous arrive même de trouver un crocodile au milieu d'elles[124].

Je ne crois pas, d'ailleurs, que la peinture ait été alors aussi populaire qu'elle l'est devenue de nos jours. La sculpture jouissait d'une telle faveur, qu'elle dut faire tort à sa concurrente : c'est à elle qu'appartenait la tache d'établir les portraits, de reproduire les êtres réels[125]. Tout au plus mettait-on souvent la peinture à son service, en colorant de noir, de rouge, de bleu ou d'autres teintes les figures ou les habits des portraits funéraires. Mais cet usage n'était pas particulièrement répandu en Gaule, et il contribuait plus à la laideur de la figure qu'à l'exactitude de l'expression : car les couleurs étaient souvent appliquées à l'aventure[126], et ce devait être un affreux spectacle que celui de ces bustes de femmes aux cheveux jaunes ou rouge-brun, se détachant sur le fond bleu ou noir des niches de pierre[127]. La peinture, d'ailleurs, risquait trop d'accidents sous ce ciel brumeux du Nord pour ne pas laisser la place à la pierre ou au bronze dans les grandes affaires d'art, images de dieux et bas-reliefs de temples. Et à ceux qui, fidèles aux anciens goûts des Celtes, préféraient à la pierre monotone le jeu des couleurs, Rome offrit ses mosaïques inusables[128].

On sait la passion des anciens Gaulois pour tout ce qui était. coloris, éclat et lumière, variétés d'aspects et mélange de tons et de nuances. Ils l'avaient montrée dans leurs vêtements, leurs, poteries, leurs tapis, même leurs armes. Les modes romaines les obligèrent à plus de monotonie dans l'expression de leur goût ; elles lui imposèrent la céramique uniformément rouge, la toge uniformément blanche, le marbre, la pierre et le bronze à l'apparence immuable. Mais avec la mosaïque, la couleur reprit tous ses caprices dans la maison des Celtes[129].

La mosaïque, inconnue de l'ancienne Gaule, se propagea dans le pays avec une incroyable rapidité. Chaque temple, chaque édifice, chaque maison de ville ou de campagne posséda ses pavements et parfois ses parois en tableaux de ce genre. Entre le Rhin et les Pyrénées il s'en est façonné des dizaines de mille. Partout où il y a ruine romaine, sous les rues de nos villes et sous les églises de nos campagnes, il y a cubes de mosaïques[130].

Il ne faut voir, dans cette vogue prodigieuse, qu'un nouvel acte de soumission des Gaulois aux habitudes romaines. Aussi devons-nous encore, à propos de ces mosaïques, répéter l'éternelle redite. Bonnes ou mauvaises, urbaines ou rustiques, œuvres d'étrangers habiles ou de praticiens indigènes[131], toutes ont reçu leurs sujets de Rome ou de la Grèce. De loin en loin, quelques-unes dénotent un effort plus intéressant de la pensée : à Saint-Romain-en-Gal près de Vienne, au pied de cette Côte Rôtie qui portait le meilleur vin des Allobroges, un mosaïste de premier ordre a représenté, en composition très claire et en dessin très naturel, les principaux épisodes de la vie des champs : la meule tournée par l'âne, la semaille des fèves, la fête des moissonneurs, la cueillette des grappes sur les treilles, les grains foulés dans les cuves, les paysans qui saluent l'arrivée des cigognes. Mais est-il bien sûr que ce soient là paysages et scènes du Dauphiné, et non pas la copie de fermes et de paysans de Campanie ou de Grèce[132] ? Et puis, de tels morceaux sont si rares ! La plupart des artistes s'en tiennent aux thèmes inévitables, le jeu public, la chasse ou le mythe. Nous avons vu ces thèmes à Lillebonne, où les cerfs encadrent les violentes amours d'Apollon ; nous les reverrions à Sens, avec Phaéton essayant de maitriser ses chevaux[133], à Nîmes[134], à Lyon ou à Autun[135], à Sainte-Colombe près de Vienne[136] ou à Nennig chez les Trévires[137] : je cite les lieux où on a trouvé les plus beaux morceaux[138]. Il y a peu d'années, on se mit à fouiller le vieux sol de Fourvières, près du forum lyonnais, à l'endroit de la Gaule où il s'est passé le plus d'histoire, où le Destin antique a conduit le plus d'énergies humaines, depuis Jules César conquérant les Gaules jusqu'à Irénée annonçant la loi du Christ : et la première chose d'importance qui ait paru sous cette terre, est la scène en mosaïque de Bacchus assis sur la panthère, entouré des quatre saisons ; l'œuvre n'est point laide, mais quelle déception pour l'historien, qui cherche sur ce terrain un fait nouveau de vie nationale, et qui se heurte pour la centième fois aux personnages d'un mythe suranné[139] ! Puis, les fouilles ont continué, et une nouvelle mosaïque a été mise au jour : celle-ci représente un être hideux et difforme, chevauchant un petit éléphant ; c'est sans doute l'image exacte d'une exhibition faite aux arènes de Lyon : cette fois, nous ne sommes plus dans le mythe, l'artiste s'est adressé à la réalité, mais c'est pour fixer le plus vulgaire de ses spectacles[140].

 

X. — LA MAISON OU LA VILLA.

On peut répartir en deux groupes les œuvres d'architecture qui nous sont restées des temps gallo-romains. — Les unes servaient à la vie commune des cités, telle qu'on la comprit à cette époque : aqueducs, cloaques, fontaines ou marchés, pour les besoins matériels ; cirques, théâtres, amphithéâtres ou thermes, pour les plaisirs des habitants ; basiliques, curies, palais ou casernes, pour les services publics, arcs ou portiques, pour l'embellissement des rues. Comme ce genre d'édifices fut étranger à l'ancienne Gaule, on renoncera à découvrir en lui l'inspiration d'un art national. — On pourra la chercher, au contraire, dans les constructions de l'autre sorte, celles qu'on peut appeler des demeures d'êtres, maisons, villas, tombeaux ou temples, domiciles d'humains, de morts ou de dieux. Les Gaulois connaissaient de longue date ces natures d'édifices, et ils n'apprirent des Romains qu'une manière nouvelle d'en bâtir.

En dépit de leur nombre, maisons et villas nous sont mal connues : nous savons beaucoup sur elles, et nous avons de la' peine à nous les représenter. Les ruines de leurs murailles ne nous laissent rien ignorer de leurs plans, mais nous ne voyons ni les façades, ni les couronnements, ni la couleur, ni l'aspect d'ensemble, ce qui donne à un édifice son style et son allure : des traces de maçonnerie et des débris d'ornements ne suffisent pas à marquer sa place et sa valeur dans l'histoire de l'art.

De ces plans et de ces ruines il se dégage seulement l'impression générale que, malgré une variété infinie de dimensions et de dispositions, les riches maisons de ville, les grandes villas de campagne ressemblaient en Gaule à ce qu'elles étaient dans le monde entier : aucun détail d'orge artistique n'a révélé jusqu'ici un style architectural propre au pays, provoqué par la nature du climat ou par les habitudes du passé[141]. Sur les coteaux qui dominent la Moselle[142] ou dans les replis de terrain qui bordent les Ardennes[143], les plus opulents citoyens de Trèves, de Metz et de Tongres rêvaient de demeures pareilles aux fameuses villas de la divine Campanie. Au voisinage des forêts du Nord ainsi que sur les rivages de la mer de Pouzzoles, on voulait de vastes cours, une habitation toute en surface, aux chambres et aux salles innombrables se développant de plain-pied[144] : et cela permettait l'élégance qui fut toujours la plus chère aux architectes et aux propriétaires de l'Empire, celle de longs portiques, d'interminables galeries aux colonnades de marbre, courant sur la façade ou en bordure des terrasses intérieures. Le portique, c'est-à-dire à la fois l'appui de la muraille et la liberté du jour, une sorte de compromis entre la maison qui abrite et l'air qui dilate, et avec lui la colonnade, c'est-à-dire le jeu des marbres fastueux, la symétrie des lignes, la finesse des acanthes aux chapiteaux, un luxe très visible et un art très harmonieux : voilà ce qui, pendant les siècles de l'Empire, parut indispensable à toutes les villas, la marque propre de leur valeur esthétique[145], et voilà aussi ce que nous retrouverons dans tous les édifices publics[146] ; car ceux-ci comme celles-là se sont inspirés des mêmes goûts.

De bâtisses qui conservaient un héritage de façons indigènes, il ne nous reste ni images sincères ni ruines caractérisées. Huttes à demi enfoncées dans le sol, murailles de pisé dans leur cadre rustique de croix ou de damiers en charpente, cabanes circulaires au toit de chaume arrondi en coupole ou couronné en pignon, échoppes basses à la façade badigeonnée en tons adoucis ou en couleurs criardes, granges, fermes et boutiques allongées ou trapues, en bois ou en clayonnage, bien de ces formes populaires devaient se montrer dans les rues et les faubourgs des plus grandes villes ou les communs des plus belles villas ; et ces formes, transmises d'un lointain passé, survivront aux styles de l'architecture classique qui les avaient reléguées dans la vie du bas peuple. Mais pour le moment il nous est impossible de les reconstituer à leur vraie place : ce monde romain, une fois de plus, ne nous fait bien connaître que les élégances de ses façades.

 

XI. — LA TOMBE[147].

Le bas peuple prend en partie sa revanche dans l'architecture funéraire : si nous ne pouvons pénétrer dans les maisons où il a vécu, nous n'ignorons presque rien de ses dernières demeures. Il en va de ce temps comme de tous les âges antiques, depuis celui de la pierre jusqu'à celui des catacombes, où le mort nous est plus familier que le vivant, et la tombe que le foyer.

La Gaule romaine nous a laissé près de vingt mille tombeaux, et peut-être n'y en a-t-il pas deux qui soient absolument identiques. Car le désir d'un sépulcre bâti était alors si général, le luxe pour défunts si intense, chacun donnait si librement cours à ses caprices et à son imagination quand il s'agissait de sa tombe, que l'art et la fantaisie des sculpteurs et des architectes funéraires se déchaînèrent pendant trois siècles sur toute la Gaule, villes et campagnes.

Toutes les dimensions sont représentées, depuis la fine cassette de marbre du citoyen romain ou la grossière pyramide de pierre du paysan arverne[148], qui l'une et l'autre ne dépassent pas une coudée, jusqu'aux mausolées des colons d'Arles ou de Nîmes, des marchands de Trèves, des propriétaires d'Aquitaine, qui montent jusqu'à soixante, jusqu'à cent pieds même[149]. Le plus haut, le plus énorme de tous est la Tourmagne de Nîmes, soixante-dix mètres de périphérie à la base[150], trente-quatre d'élévation ; et j'imagine que malgré cela, dans la pensée de l'architecte qui l'a bâti, le monument ne se suffisait pas à lui-même : on l'a planté, comme sur un socle formidable, au sommet du mont Cavalier, à soixante mètres au-dessus de la cité ; et le voici qui domine toujours remparts, édifices et maisons, les oliviers et les garrigues des terres voisines, et jusqu'aux vagues de la Méditerranée prochaine[151]. Pour trouver en Gaule une demeure de mort qui se soit imposée davantage à la vue des vivants, il faut chercher à l'antre extrémité du pays, et, si je peux dire, à l'autre bout de son histoire antique, lorsque les hommes-des dolmens dressèrent pour leurs chefs défunts le mont Saint-Michel des Vénètes.

Les formes innombrables de ces tombes gallo-romaines peuvent être ramenées aux types suivants :

1° Le mausolée à base carrée, très haut, constitué de plusieurs étages[152], est de toutes les formes de tombes celle où le travail de l'artiste s'est le plus varié : l'architecture a fixé les proportions et les dessins des étages, tantôt à murailles pleines et tantôt à colonnades dégagées ; la sculpture a érigé sur l'un de ces étages les images des défunts[153], a orné les parois de figures en bas-relief, a ciselé les motifs qui couronnent le faite[154]. — Des monuments de ce genre, décorés et coûteux comme des temples, s'élevèrent partout où il y avait des hommes riches et glorieux, c'est-à-dire par toute la Gaule, chez les Belges du Nord aussi bien que chez les Romains du Midi ; et les deux spécimens les mieux conservés, les plus caractérisés de ce genre de sépulture, se rencontrent précisément aux deux extrémités du pays, l'un, le mausolée des Jules, à Saint-Rémy en Provence, l'autre, celui de Sécundinius, à Igel près de Trèves. Celui-là est la tombe d'un ancien officier, contemporain d'Auguste, et il se conforme encore aux pures traditions helléniques fixées par les contemporains de Mausole[155] ; celui-ci, postérieur de deux siècles, appartient à un membre de la bourgeoisie trévire, gros marchand et grand propriétaire à la fois, et les élégantes factures de l'art gréco-romain ont fait place aux surcharges et aux boursouflures du temps des Sévères. C'est à Saint-Rémy qu'apparait la grandeur de l'architecture funéraire de la Gaule, c'est à Igel que s'affirme sa décadence : et entre les deux mausolées il y a place, en transition, pour des monuments sans nombre, dont les débris jonchent les salles de nos musées[156].

2° La tour est une variété du mausolée. Elle diffère des édifices dont nous venons de parler en ce qu'elle est d'ordinaire nue et massive, sans abus de statues, sans addition de bas-reliefs ou de colonnades à jour, sans efforts trop compliqués de la sculpture ou de l'architecture. Le défunt et sa vie ne s'y apprécient que par le poids des matériaux et la hauteur du bâtiment. Tel est le cas de la Tourmagne de Nîmes[157], bâtie sur plan octogonal, et dont les étages se rétrécissent insensiblement, comme si son architecte avait voulu s'inspirer du phare d'Alexandrie : les Nîmois, qui avaient déjà le crocodile et le palmier dans leurs armes, pouvaient désirer le Phare à l'horizon de leur cité[158]. Tel est aussi le cas des piles de l'Aquitaine[159], celles-ci carrées, droites, hautes, compactes, raides et dénudées, pareilles aux rudes et sinistres piliers des justices féodales[160].

3° La pyramide, elle aussi sans ornement, atteint rarement en Gaule de très fortes dimensions[161]. C'est, à dire vrai, une sorte de stèle à base rectangulaire dont les quatre façades s'inclinent pour s'unir tantôt en une pointe terminale[162], tantôt sur une sorte d'arête ou d'échine qui fait penser à une voûte en berceau[163]. Comme la coutume en est répandue surtout chez les populations rurales des Vosges ou du Centre, je me demande si cette forme pyramidale n'est pas simplement le souvenir stylisé des cabanes rustiques de Gaule, sans aucun rapport avec les pyramides d'Égypte ou la tombe romaine de Cestius.

4° L'édicule ou temple en miniature est une des formes préférées pour les petites tombes[164]. Fronton au sommet, acrotères aux angles, dé pour le corps du monument, il porte en lui les éléments consacrés qui annoncent les demeures des dieux. Dans le voisinage de l'Italie, l'édicule, d'ordinaire sans image, est évidé de façon à recevoir l'urne et ses cendres, et il éveille l'idée d'un coffret funéraire[165]. Dans les Trois Gaules, il est au contraire creusé en niche, où se présente le portrait du défunt, et l'on dirait d'un sanctuaire avec l'image du dieu[166]. — Pour les morts plus ambitieux, ce n'étaient pas seulement des simulacres de temples que l'on bâtissait, mais de vraies chapelles, avec portiques et façade, autel, chambre intérieure et statue du défunt, et celui-ci, alors, apparaissait bien à la manière de la divinité en son Capitole[167].

5° La forme d'autel est, pour les tombes, non pas plus fréquente que la forme d'édicule, mais plus banale, plus terne, celle qui se prête le moins aux sculptures. Un socle, un dé[168], un couronnement de deux volute& sur les côtés, entre elles la cavité destinée aux libations du sacrifice, voilà ce qu'elle est le plus souvent, en Gaule et hors de Gaule[169]. Le dé porte l'épitaphe, et il n'y a pas souvent autre chose, si ce n'est sur quelques autels sépulcraux du Midi, qui ont su emprunter à la Grèce les plus élégantes de ses sculptures ornementales[170].

6° La stèle, à la base carrée, au sommet arrondi, est fréquente dans le Midi. Je la crois inspirée d'usages helléniques. Tandis que l'autel ou l'édicule dérivent du sens religieux de la tombe, la stèle, à ce qu'il semble, provient de son caractère juridique : elle est le cippe de propriété transformé en pierre sépulcrale[171].

7° Le sarcophage, héritier classique de l'antique maison ou caveau du mort, dernier terme de la grotte ou de la chambre dolménique stylisée à outrance par l'art classique, n'a point tout d'abord réussi à s'acclimater dans la Gaule propre. Il supposait l'inhumation, et l'incinération était à la mode. Peut-être, en outre, avait-il trop l'air d'un meuble à enfermer et à transporter les corps, et le Gallo-Romain aimait à laisser à ses défunts plus de libre arbitre et d'apparente dignité de vie. Aussi ne fut-il pendant longtemps pratiqué que dans les colonies romaines du Midi[172]. Cercueils de pierre et cercueils de plomb ne se répandirent que plus tard dans les régions du nord et de l'ouest ; et sans doute l'influence des hommes et des cultes de l'Orient, au temps des Sévères, ne fut-elle point étrangère aux progrès du sarcophage[173] : car pour un Égyptien ou un Syrien, il était l'enveloppe nécessaire d'un trépassé.

Grands et petits, riches et humbles, tous ces monuments ont les défauts habituels au genre. Sauf quelques mausolées ou quelques autels du Midi, ils sont massifs, mal proportionnés, tantôt trop nus, comme les piles, tantôt trop encombrés d'images, comme le monument d'Igel avec ses cinquante figures. Fresque tous ne valent que par le détail des sculptures, quand ces sculptures valent quelque chose. On sent que l'architecte a été gêné par une double exigence : celle du client, qui a voulu d'abord toutes sortes d'images ; celle de la tradition du culte ou de la coutume du lieu, qui a imposé comme des rites certaines formes et certains ornements.

Mais dans ces formes et ces ornements je n'arrive pas encore à démêler ce qui vient des funérailles gauloises. Mausolée, sarcophage, autel, édicule, cippe, tout cela est de Grèce ou est de Rome. Il y a peut-être quelques souvenirs indigènes dans les grands piliers de l'Ouest ou dans les petites stèles du Midi : et l'on peut supposer un instant qu'elles sont des survivances du menhir, là exhaussé en tour, ici abaissé en cippe[174]. — Mais pour retrouver la véritable tombe à la gauloise, qui sait s'il ne vaut pas mieux se détourner de tout ce qui est architecture et bâtisse, et regarder uniquement les sépultures sans pierre et sans ciment, ouvertes sous le sol de la terre, taillées à vif dans le roc, creusées en sillon au milieu des sablières ? Mais celles-là n'étaient faites que pour des misérables, que leur pauvreté laissait fidèles au passé.

 

XII. — LE TEMPLE.

L'architecture religieuse nous offre plus de chances de rencontrer ces souvenirs du passé. Car les Gaulois n'ignoraient point l'art de construire des temples ; et les dieux, on le sait, changent plus lentement que les hommes le style de leurs demeures[175].

De fait, dans la Celtique du Centre, chez les peuples des Belges et de la Moselle, en Armorique et en Normandie, nous observons partout des ruines de temples, grands et petits, qui annoncent des types d'édifices étrangers à la tradition du Midi gréco-romain. A Périgueux, c'est la tour de Vésone, énorme bâtiment circulaire[176] qui s'élève encore à près de cent pieds, sans lumière, sans ornement, sombre et mystérieux réduit qui s'ouvrait sur un encadrement carré de portiques, de galeries ou d'auvents[177]. A Autun, c'est le temple dit de Janus, aussi monstrueux dans sa masse quadrangulaire que la tour de Vésone dans le vaste cercle de son orbite : quatre murs se coupant à angles droits ; hauts et nus, paraissant à la fois chercher et cacher le ciel[178]. Cela ne ressemble en rien aux temples à colonnades, dégagés, lumineux et gais, que les dieux aimables et humains de la Grèce réclamèrent pour leur culte dans le monde entier. On dirait les demeures plus fermées de dieux plus graves ; ces murailles pleines, ce jour qui ne vient que de loin et que d'en haut, appellent sans doute des secrets plus solennels[179], et ce plan si régulier, carré ou circulaire, fait supposer une vieille enceinte consacrée, dont les parois de l'édifice bâti auront suivi les contours rituels[180].

Cette forme de construction à plan carré demeura fort populaire en Gaule[181]. C'est celle des lieux saints les plus célèbres, tels que le sanctuaire de Mercure au puy de Dôme[182], celle qu'affectionnent les Mars les plus aimés du pays trévire[183], les dieux des pèlerinages ruraux d'Herbord en Poitou[184] ou de Champlieu en Valois[185], et aussi celle des humbles chapelles si fréquentes dans les campagnes, près des sources, à l'entrée des bois, où le paysan va se guérir de ses maux, où le chasseur va prier la Diane des forêts celtiques avant de mettre ses chiens en quête[186]. La forme, au contraire, est absente de la Gaule du Midi, et l'Italie parait l'ignorer[187] : on la devine étrangère à l'art hellénique, fixé depuis longtemps à ces longs rectangles, dont les côtés à la fois symétriques et différents formaient pour un édifice façade, flancs et arrière : des plans carrés lui eussent offert trop peu d'occasions de varier le nombre de ses colonnes et l'aspect de ses galeries. Si la Gaule les a préférés, c'est qu'ils étaient conformes à l'une de ses traditions nationales.

De ces temples carrés, les ruines sont trop confuses pour qu'on puisse en restituer l'allure extérieure. On peut leur supposer une chambre centrale, fermée et secrète, demeure et trésor du dieu[188], et autour d'elle, adossée à elle, une galerie ouverte, s'offrant à l'extérieur en manière d'auvent ou de portique, ornée de fresques, de bas-reliefs, de statues[189]. Mais ici, sous ce porche, la colonnade reparaissait, et l'art classique reprenait ses droits, faisait valoir ses canons, multipliait ses pratiques[190] : les centaines de fragments qui nous restent de ces lignes extérieures, tambours, socles ou chapiteaux de colonnes ou de pilastres, caissons de voûtes, lambeaux de frises ou d'entablements, sont calculés à ses mesures et dessinés sur ses empreintes[191]. Et c'est toujours le style corinthien qui domine ; c'est l'acanthe inévitable qui se déploie dans les morceaux les plus beaux ou les plus laids, et vous ne verrez qu'elle à Saintes, à Bordeaux ou à Paris, de même que dans la Rome des Antonins et des Sévères, de même qu'à Volubilis au pied de l'Atlas marocain, à Palmyre à l'entrée du désert de Syrie, partout où a gouverné le nom latin[192].

Les temples des colonies du Midi, Nîmes, Vienne, Arles ou Lyon, ne devaient rien au sol de la Gaule que les pierres dont ils étaient faits. Ils sont, aussi bien que les statues des dieux et les dessins de la vaisselle, des épisodes provinciaux de l'histoire de l'art hellénique. Quelques-uns de ces épisodes, au temps d'Auguste, eurent le charme élégant et discret des œuvres mesurées et bien faites : tels furent les temples que le culte du prince fit élever, la Maison Carrée à Nîmes[193], la maison de Livie à Vienne[194]. Cette Maison Carrée de Nîmes est un bijou, avec ses dimensions si modérées, ses membres si bien ajustés, la fine colonnade qui l'enserre sans l'encombrer, le large portique dont elle reçoit la lumière à flots, ses chapiteaux en feuilles d'olivier[195] taillés d'un ciseau délicat et sûr[196]. Mais malgré tout, l'œuvre, quand le regard s'y arrêté longtemps, finit par nous apporter une légère impression de froideur et d'ennui : je constate trop bien le calcul méticuleux, le travail patient d'un élève impeccable des maîtres grecs. Ce qui peut-être lui donne le plus d'attrait et de vie, c'est le ciel bleu qui l'environne et la pénètre à la fois, c'est la patine, l'empreinte dorée qu'ont laissée sur elle vingt siècles d'un soleil du Midi[197].

Passé ces temps d'Auguste et de Tibère, l'architecture classique s'est alourdie et compliquée. Pour trouver des aspects nouveaux, on élargit les plans, on surhaussa les murailles, on accrut le nombre des étages, on surchargea les façades de colonnes et de statues, on multiplia à l'intérieur les prétextes à décoration, niches, loges et absides. C'est, depuis Hadrien, le progrès continu de la bâtisse colossale et des dessins recherchés[198]. A Nîmes, le temple de la Fontaine[199] présente, en une combinaison presque trop habile, une couverture en berceau et une grande salle intérieure aux dispositifs variés, nefs, niches, exèdres, pilastres et colonnades. Car la colonnade et la galerie, maintenant, ont pénétré en souveraines même à l'intérieur de tous les sanctuaires. A Bordeaux, le grand temple de la Tutelle se dresse sur une vaste et haute terrasse de pierre où vingt et une marches donnent accès ; et il développe alors, en un pourtour rectangulaire de trois cents pieds, un portique continu de vingt-quatre colonnes[200] ; et ensuite, en étage au-dessus de ce portique, à une hauteur de cent vingt-cinq pieds, il déploie une autre galerie, celle-ci d'arcades en plein cintre, dont les pilastres servent d'appuis, en dedans et en dehors, à des statues plus grandes que nature[201] : sous cet amoncellement de piliers et d'images, devant ces chapiteaux énormes, fastueux et compliqués comme des mausolées, on se sent à la fois fatigué et agacé, et on se plaît à retracer en son souvenir, pareille à une vision de repos, l'image simple et déliée de la Maison Carrée. Mais le Bordelais, à la vue de la demeure qu'il avait pu offrir à sa divinité tutélaire, devait éprouver un plaisir sans mélange : ces puissantes métropoles du commerce, orgueilleuses et riches, voulaient éblouir le monde par la splendeur démesurée de leurs édifices. Un besoin de bâtir toujours plus haut, plus large et plus brillant, courait par les villes de l'Empire ; et le culte des grands dieux orientaux du ciel et de la terre suscitait parfois des temples monstrueux, qui eussent répugné à Apollon et à Jupiter même[202].

Dans les campagnes et les petites villes, on se bornait alors à copier servilement les modèles classiques, ainsi que les architectes des chapelles modernes ont reproduit si longtemps le style du Gesù de Rome. Le type le plus répandu était celui du temple grec à plan de rectangle allongé, à galerie avancée de quatre ou six colonnes de façade et deux ou trois de profondeur[203]. Si banal qu'il soit devenu dans l'univers romain, l'édifice n'en a pas moins conservé sa grâce coutumière, lorsqu'il profile la blanche silhouette de son portique dans un cadre de ciel bleu ou sur un fond de verdure : voyez la Maison Basse de Vernègues en Provence, bâtie près -d'une source rustique, dans l'ombre fraîche d'un vallon, par un châtelain dévot aux dieux et ami de la nature[204]. — Les autres types de chapelle d'art classique sont beaucoup plus rares, par exemple l'édicule circulaire à colonnes[205] ou le sanctuaire à huit[206] ou six côtés[207].

 

XIII. — LA BASILIQUE.

Des édifices civils, la basilique[208] était celui qui ressemblait le plus à un temple[209]. Elle en avait les colonnades à beaux chapiteaux, les frontons élancés, les frises couvertes de sculptures, l'allure accueillante et dégagée des monuments enveloppés d'air et de lumière. A l'intérieur[210] s'ouvrait un ample vaisseau, une sorte de salle maîtresse, qui occupait le centre de la construction et la tenait presque en son entier : et cette salle, sans laquelle il n'y avait pas de basilique, était une façon de place publique qui serait couverte, et autour de laquelle des rangées.de colonnes feraient des rues et des carrefours. Sur ses côtés s'enfonçaient parfois dans le mur des absides en demi-cercle, qui formaient autant de réduits auprès de la nef principale. Au-dessus, en premier étage, courait d'ordinaire une galerie d'où le regard pouvait descendre sur la salle intérieure comme du haut de tribunes[211].

La grande salle recevait la foule aux heures d'assemblée ou de désœuvrement ; les absides abritaient les réunions plus discrètes, les séances de tribunal ; la galerie supérieure servait de promenoir. Les choses étaient bien comprises ; et l'on eût dit d'une bourse moderne avec son hall et ses, couloirs, ou, mieux, d'une église avec sa nef, ses chapelles et ses tribunes.

Cette dernière comparaison s'impose, bien que la basilique fût le lieu le moins saint de la ville. Car les anciennes communautés chrétiennes se sont inspirées ou emparées des basiliques romaines pour réunir leurs assemblées et célébrer leur culte, au temps où les églises étaient tenues surtout pour des lieux de réunion et non pas encore pour des temples de Dieu. Aussi, de tous les types d'édifices que l'art impérial fit surgir dans la Gaule, aucun ne prendra sur lé sol de plus profondes racines. Temples à portiques corinthiens, théâtres ou arcs de triomphe finiront avec la vie latine, et quand la France reverra des monuments semblables, ce sera bien longtemps après cette fin, avec la Renaissance qui en fera des pastiches. La basilique, elle, n'a cessé de vivre sa vie, grâce au regain que lui ont donné les assemblées de la foi chrétienne.

Mais cette continuité de vie a été cause, en grande partie, que la basilique romaine a laissé si peu de ruines[212]. On a utilisé sans relâche ses salles et ses colonnades. En l'adoptant, le monde chrétien l'a exploitée[213]. Sous le travail incessant des générations, elle a perdu peu à peu ses ornements, ses marbres, sa forme primitive. Elle a trop duré pour ne pas changer complètement. Les autres édifices, abandonnés un beau jour, ont survécu sous forme de ruines, ainsi qu'ont survécu Timgad ou Pompéi, plus visibles aujourd'hui, comme cités antiques, que le Lyon d'Auguste ou la Marseille de Pythéas, où les générations humaines ont persisté à garder leurs demeures. Des basiliques de l'ancienne Gaule[214], la chose la plus intéressante qui demeure c'est le souvenir de celle de Nîmes, bâtie par Hadrien, qui fut, dit-on, la merveille du Midi ; et c'est peut-être aussi, de cette basilique, quelques tronçons déchiquetés épars sur le sol de la belle colonie[215].

 

XIV. — ÉDIFICES CIVILS.

De la basilique aux emplois éternels, tour à tour civils et religieux, passons aux édifices qui ont servi uniquement aux besoins matériels, bien-être ou plaisirs des cités romaines, et qui, ceux-ci, ont limité leur vie active à la durée de l'Empire. Ils ont laissé quantité de ruines, et quelques-uns, tels que les amphithéâtres d'Arles et de Nîmes, ont survécu presque dans leur intégrité, et resteront pour toujours la masse la plus énorme de pierres taillées qui puisse perpétuer le souvenir de la domination des Césars.

Mais, malgré la place que ces vestiges tiennent encore dans nos cités, je ne crois pas qu'il faille en parler longuement à propos de l'art gallo-romain. Tous, aqueducs, thermes, lieux de spectacle, portiques, portes et arcs, ne sont que des copies de modèles classiques, italiens ou grecs : d'elle, la Gaule n'a absolument rien mis sur aucune de ces façades et sur aucun de ces plans. Ils se trouvent, du fait de leurs masses, les témoins les plus lourds et les plus visibles de la mainmise opérée sur notre sol par l'art et par l'architecte transalpins. Mais il y eut alors tant de faits semblables, tout aussi importants dans la vie de la terre et des hommes, que l'historien ne doit pas insister sur le style des arènes et des arcs de la Gaule, sous prétexte que ce sont les plus importantes des ruines. Car il n'a pas à se placer au point de vue de ces ruines, à lés décrire, à en faire la science : cela, c'est l'office de l'archéologue, et non pas le sien. A l'histoire il appartient de rétablir par la pensée les édifices disparus, de retrouver le rôle qu'ils tenaient dans la vie contemporaine, de marquer les origines de leur aspect et les résultats de leur présence. Or, sur les destinées de l'art dans les Gaules, ce genre de construction nous apprend fort peu de nouveau, et leur utilité historique est presque en raison inverse de leur grandeur.

Aux théâtres[216], des architectes spéciaux, et fort habiles, ont réuni dans les dispositifs du plan toutes les conditions requises pour que la foule pût, non seulement bien entendre, mais bien voir[217] : car les spectacles étaient de telle nature, qu'ils s'adressaient moins souvent aux oreilles qu'aux regards. A l'intérieur, ils ont ménagé la place nécessaire pour dresser aux bons endroits des autels sculptés et des statues de marbre car il fallait des statues à tout théâtre, et de fort belles, le public n'admettait pas un édifice de ce genre qui ne fût au dedans une sorte de musée de sculpture. L'extérieur, au contraire, avec son cadre de murailles, hautes, longues et compactes, qui enserraient et appuyaient tout l'édifice, était fatalement sacrifié aux conditions de l'aménagement interne ; et les seuls motifs d'architecture qui fissent ornement, étaient des suites de colonnes, de pilastres ou d'arcades, tantôt engagées dans ces murailles, dont elles coupaient à peine la tristesse et la nudité, tantôt disposées au-devant d'elles pour former portiques et promenoirs[218].

Nous retrouverons ces arcades et ces colonnes engagées à, l'extérieur des amphithéâtres : car l'artiste romain, qui est un homme de tradition et d'habitudes, ne varie guère ses effets. Et là, nous assistons à un développement si considérable d'éléments toujours pareils — il y a, aux Arènes de Nîmes et à celles d'Arles, deux étages superposés de soixante arceaux chacun[219] —, que malgré moi je me sens moins frappé par l'apparence grandiose de l'œuvre et plus rebuté par l'interminable monotonie du pourtour. Quant à l'intérieur, plus simple de plan et moins riche de décor que celui des théâtres, devant ces gradins nus autour d'une enceinte régulière, j'observe aussitôt une préoccupation dominante, celle de satisfaire aux exigences du nombre, et je vois moins l'art que l'industrie, l'architecte que l'entrepreneur[220].

Avec les thermes[221] reparaît un peu de vraie beauté. L'architecte a été obligé à des efforts nouveaux que le plan conventionnel des théâtres et des arènes n'exigeait pas de lui : dans ces lieux de spectacles, point de couverture monumentale, des dispositifs essentiellement de surface, de pente et de plein air, la prépondérance donnée aux faits de circulation et d'entassement humains ; dans les thermes, au contraire, des salles multiples, de dimensions très variables et de destinations très distinctes, chacune devant avoir son style propre, des plafonds nécessaires pour les couvrir, et, par suite, tout un jeu de murailles, d'appuis, de consoles et de voûtes. De là, chez les constructeurs des bains, de savants calculs et d'ingénieux arrangements qui les ont amenés à des œuvres d'une esthétique sobre et puissante, par exemple les grandes salles voûtées aux nervures audacieuses[222]. A la hardiesse ou à la souplesse de la technique monumentale s'alliait, en cette sorte d'édifice, la somptuosité du décor intérieur : marbres de vingt couleurs différentes au revêtement des chambres, mosaïques d'art au plancher des plus belles pièces, statues aux entrées, dans les angles, sous les niches, partout l'éclat et presque le miroir des couleurs, il faut que les thermes soient les salles de fête où le monde romain célèbre sa grandeur et jouisse de sa richesse. Je ne parle que de l'intérieur : car il ne semble pas que l'on ait été aussi exigeant pour l'extérieur, dont le luxe se bornait sans doute à l'habituelle colonnade de beaux marbres colorés[223]. A la différence des temples, toujours harmonieux au dehors[224], les édifices civils[225] voyaient trop souvent sacrifier leurs façades[226].

Il n'y a en revanche qu'une façade, et par définition, dans les arcs monumentaux des cités, arcs de triomphe ou autres, dont celui d'Orange est le spécimen le plus brillant[227]. Mais à dire franchement mon impression (et en cette sorte de jugement chacun ne peut donner qu'une impression personnelle), je ne peux admirer ou goûter ces porches énormes, qui s'encadrent de piliers massifs, qu'écrasent de monstrueux entablements[228], qu'encombrent un nombre incalculable de bas-reliefs[229], qui ne s'appuient sur aucune muraille, comme s'ils étaient dressés dans le vide[230] : cela me paraît lourd, trapu, déclamatoire, et je ne sais si les derniers adeptes des élégances helléniques ne souriaient pas de pitié devant ces arcs à trophées chers à l'orgueil militaire du peuple romain.

A certains égards, j'aime mieux les portes et tours[231] des villes, du moins celles qu'élevèrent les premiers empereurs : car les siècles suivants n'ont construit en cette matière que des masses laides, puissantes et nues[232]. Mais sous Auguste, il y eut vraiment, à l'entrée des cités neuves, à Nîmes[233], à Aix[234], à Autun[235], des arcades ou des portiques bien dégagés, se dessinant clairement sur le ciel, très simples d'ornementation, très harmonieux dans leurs lignes, et qui signifiaient vraiment, si l'on cherchait un symbole, le bon accueil dans une ville élégante et aimable[236].

Ces édifices de la Gaule romaine relèvent plus souvent de l'art architectural de l'Italie que de celui de la Grèce. Aussi bien chacun d'eux trahit-il les habitudes et les passions propres au peuple romain ; l'arc de triomphe rappelle son culte des batailles et de la victoire, l'amphithéâtre, sa furie de la gladiature, et les thermes, son frénétique désir de bains publics.

Et c'est parce qu'ils sont surtout d'inspiration italienne, parce qu'ils répondent à des besoins foncièrement romains, c'est pour cela qu'ils manquent si souvent de grâce et de bonne grâce, de qualités humaines et de beautés divines. A bien les étudier, tous, presque sans exception, valent moins par l'élégante de leurs lignes que par l'heureuse entente des dispositions intérieures et l'excellence technique de l'art de bâtir. Et je ne dis pas que leur vue ne produise point sur nous des impressions profondes. Mais analysez ces impressions : ce sont surtout impressions d'histoire ou de poésie, rêveries sentimentales nées des souvenirs du passé ou du pittoresque de ruines grandioses, ce n'est point l'émoi délicat que procure la vision de formes idéales.

Cette émotion de pure esthétique, on l'éprouvera davantage à la vue des monuments où l'architecte a le moins songé à des effets d'art, par exemple aux arcades des aqueducs, et surtout à celles du Pont-du-Gard. Avec ses trois étages d'arcades aux voûtes inégales, l'amplitude audacieuse des cintres inférieurs, la régularité parfaite de la galerie supérieure, la décroissance lente et symétrique des arcs, l'extrême légèreté des piliers embrassant de larges portées de ciel, l'harmonieux et superbe aqueduc est la chose divine que Rome nous a laissée. Que sa beauté s'accroisse encore de son cadre naturel, de cet azur presque constant qui découpe le profil de ses lignes, de ces montagnes d'où elles semblent sortir, des tons verdoyants de la rivière et des bois qui font valoir l'or jauni de leurs pierres, cela va de soi : mais la vraie beauté de l'œuvre vient d'elle-même. Je doute que l'artiste l'ait cherchée ou prévue : elle résulte de son habileté pratique, de son désir d'alléger la masse en multipliant les ouvertures et en rétrécissant les piliers. L'effet esthétique est ici' la conséquence du travail d'un homme appliqué à faire un ouvrage excellent, qui serve, tienne et dure.

Le Pont-du-Gard est bâti tout entier d'arcades à plein cintre, soutenant de longs et larges tabliers. C'est la forme architecturale la plus fréquente dans les édifices civils de ce temps. L'arcade règne exclusivement sur, le pourtour des arènes et des théâtres, dans les portiques et les galeries qui servent de façade aux basiliques, aux thermes et aux villas, ou qui encadrent leurs cours intérieures, sous les voûtes des arcs triomphaux et autour des portes qui donnent accès aux cités. On croit qu'elle était d'origine italienne, et non pas hellénique[237]. L'art impérial l'imposa au monde romain. Hais nulle part dans ce monde, l'arcade ne se présente avec plus de variété, de souplesse et d'envolée que le long du Pont-du-Gard ; et c'est encore pour cela qu'il est, de l'architecture purement latine, la beauté la plus franche dans ses lignes et la plus simple dans ses effets[238].

 

XV. — ART DÉCORATIF.

Devant ces élégantes arcades de l'architecture romaine, ces acanthes fouillées et fignolées des chapiteaux corinthiens, cette profusion de figures de Mercure ou de Vénus, toute espérance d'un art national disparut dans les Gaules[239]. Je parle comme doit parler un historien qui regarde et suit une nation et une terre à travers leurs vicissitudes, et qui a le droit d'envisager pour elles certaines destinées et d'en déplorer l'échec. Mais il est probable que les Gaulois, en leur frénésie gréco-romaine, ne sentirent ni ne regrettèrent l'oubli de leurs traditions indigènes.

Qu'elles aient succombé en art monumental et en art figuré, cela était fatal, puisque les Celtes commençaient à peine leur Noviciat dans l'un et l'autre. Ils s'entendaient surtout en art décoratif, à grouper des symboles, à styliser des images, à combiner des courbes. Mais ils perdirent aussi cette habileté.

Des emblèmes et des symboles, ni le maillet de Teutatès, ni la roue de Taran, ni la croix gammée des Ligures, ni la spirale des Celtes si longtemps triomphante, n'inspiraient plus des motifs d'ornementation originale. Il y eut petit-être, dans le Midi, quelque effort de ce genre, des roues sculptées aux moyeux et aux rais robustes[240], des marteaux étranges se greffant l'un sur l'autre comme des branches d'arbres[241] ; des palmes ramifiées et courbées en arabesques[242] ; et on dirait les premières épreuves d'un style indigène. Puis, elles s'étiolent et s'évanouissent. Le symbole ne resta que sous sa forme la plus barbare, un T pour le maillet[243], un cercle pour la roue[244], un S pour la spirale[245] : un simple alphabet linéaire, à peine compris, remplaça ces promesses d'un art symbolisé[246].

Plus de combinaisons de cercles, de spires, de larmes, de croissants et d'entrelacs ; toute trace a disparu de ces jeux de lignes qui furent si chers aux Gaulois, conjugaisons symétriques, alternances répétées, croisements inattendus ou fugues rapides de courbes qui se cherchent ou qui s'évitent, pareilles aux rythmes d'une danse capricieuse. La Bretagne, de l'autre côté du Détroit, avait conservé cet art même après la victoire de Rome ; elle y demeurera fidèle jusqu'au Moyen Age ; elle en tirera d'admirables effets sur ses bijoux, ses armes et ses pierres. En Gaule, rien n'est resté de cette stylistique de la courbe. L'acanthe autour des chapiteaux, les rinceaux[247] et les guirlandes sur les frises[248], les oves, les grecques ou les méandres, les dents de loup sous les corniches, les imbrications aux faîtes[249], des guirlandes encore ou des couronnes le long des autels, partout les pampres, les rosaces, les palmes, les lierres, les masques, les boucliers[250], les sphinx, les bucranes, les oiseaux ou les Amours, la décoration classique a fait taire le langage mystérieux des symboles nationaux[251].

 

XVI. — MUSIQUE ET DANSE.

Les plus symboliques des arts, la musique et la danse, ont-ils aussi perdu dans les Gaules tous les modes de leur langage passé ? Il faut bien poser cette question, puisque danse et musique ont toujours pris dans la vie des hommes, barbares ou civilisés, quelques-unes de ses heures essentielles.

Les Gaulois d'avant la conquête avaient leurs chants, leurs rythmes, leurs instruments. Ils étaient grands danseurs, grands chanteurs, grands musiciens devant leurs dieux et devant leurs ennemis. Mais s'ils ont conservé cette passion sous les empereurs, il est douteux qu'ils ne lui aient pas donné, ainsi qu'à toutes les autres, la forme gréco-romaine.

La trompette de guerre au pavillon en mufle de bête, la lyre à quatre cordes chère aux Barbares, les deux instruments favoris des Celtes, s'éloignèrent peu à peu de la Gaule pour se réfugier, celui-là en Germanie[252] et celui-ci en Bretagne[253]. De nouveaux venus prirent leur place : dans les camps, la longue trompette sans ornement[254] et la grande corne recourbée[255], depuis si longtemps familières aux légions de Rome ; dans les temples, la lyre compliquée imaginée par Apollon[256] et l'orgue puissant aux énormes tuyaux, cher à la Mère des Dieux[257]. On a découvert, dans les ruines de l'Alésia gallo-romaine, une flûte de bois à sept ouvertures : c'est la flûte classique de Pan[258]. Les jours de fête, dans les cérémonies de ces cultes orientaux qui raffolaient de musique bruyante[259], on choquait des castagnettes[260], on pinçait de la guitare[261], on battait du tambourin[262]. on frappait des cymbales[263] ; et c'était, à Autun ou à Lyon, les mêmes sons qu'à Rome ou à Pessinonte.

Ce n'est pas à dire que les Gaulois eussent renoncé à tous leurs instruments de musique. Ils devaient garder les plus vieux, ceux qu'ils tenaient des plus anciens âges, et auxquels les peuples demeurent éternellement fidèles : la clarinette, la cornemuse, le tambourin et la flûte[264] résonnaient toujours aux frairies des villages et aux noces des faubourgs, où le musicien du lieu était de la partie[265], alors comme aujourd'hui.

Des airs qui se jouaient en Gaule, la plupart sans doute étaient empruntés au divertissement banal de la terre romaine : ces enfants aux noms grecs, ces troupes de mimes dont on applaudit les chants et les exercices dans los théâtres, il est certain qu'ils ne dansaient pas sur des motifs indigènes, et les meneurs de chœurs dans les processions d'Isis ou de la bière, avaient reçu de l'Orient leurs fantaisies ou leurs litanies. Il n'empêche que les villages pouvaient conserver de passionnantes bourrées ou de folâtres farandoles, sorties du monde celtique ou des temps ligures, et conduites par la cadence d'un air ancestral. Mais cela, nous ne le savons pas exactement, tandis que nous pouvons nous imaginer à coup sûr les danses grecques du mime Septentrion à Antibes cf. les chants des porteurs d'Anubis à Arles ou à Nîmes. — C'est la conclusion inévitable qui reparaît : nous ne pouvons savoir ce que la Gaule garde de son passé ; et ce que nous savons d'elle, vient de Rome ou de la Grèce.

 

 

 



[1] En dernier lieu : Cagnat et Chapot, Manuel d'archéologie romaine, 1, 1917 ; Salomon Reinach, Catalogue illustré du Musée des Antiquités nationales au château de Saint-Germain-en-Laye, I, 1917.

[2] Déchelette, Manuel, II, p. 1428 et s. ; Vasseur, L'origine de Marseille (Annales du Musée d'Hist. nat. de Marseille, XIII, 1914), p. 113 et s.

[3] Les statues (en marbre blanc) de Romain et Romaines découvertes à Apt (Esp., n° 2557-8) ont dû être faites sur place, exécutées pour le compte du propriétaire par un sculpteur grec.

[4] T. V, ch. VII, § 1.

[5] Pétrone, Sat., 27 et s.

[6] Cf. Strabon, IV, 1, 5.

[7] La Vénus du Mas-d'Agenais (Esp., n° 1259) vient d'une villa. De même, les sarcophages de Saint-Médard-d'Eyrans, pour Chiragan.

[8] T. V, ch. VIII, § 4.

[9] Voyez par exemple les découvertes faites au théâtre de Vaison (Sautel, Bull. arch., 1913, p. 227 et s.), d'où provient également sans doute l'Athlète. Du théâtre de la ville provient la Vénus d'Arles ; des thermes, la Vénus de Vienne. Etc.

[10] Esp., n° 2452 (au Louvre) ; la provenance de Fréjus n'est point certaine.

[11] Esp., n° 2510 (marbre grec, au Louvre) : copie romaine d'un original de 380 environ av. J.-C., antérieur à Praxitèle (S. Reinach, Cat. ill., p. 64). — Ajoutez la Vénus du Mas-d'Agenais ; Musée d'Agen.

[12] Esp., n° 568 (au British Museum, trouvée près du théâtre de Vaison).

[13] Esp., n° 2154 (au musée de Fréjus).

[14] Esp., n° 2530 (ou de Cérès, marbre grec, Musée d'Arles) : copie d'un chef-d'œuvre de l'art grec des environs de l'an 400... le plus beau marbre antique qui ait été découvert en Gaule (S. Reinach, Cat. ill., p. 56) ; Musée d'Arles.

[15] Esp., n° 902 (marbre grec) : copie excellente de l'Aphrodite cnidienne de Praxitèle (S. Reinach, p. 50) ; Musée de Toulouse.

[16] Esp., n° 3671.

[17] La Vénus accroupie de Vienne, Louvre, trouvée au Palais du Miroir (thermes) à Sainte-Colombe (n° 2592). Le torse du Discobole trouvé dans l'Aude près de Carcassonne (Esp., n° 812), Musée de Toulouse, inspiré de Myron. De la même inspiration, la Minerve drapée de Chiragan, au même Musée (Jamot, Soc. arch. du Midi de la France, XVII, 1018). Le torse de Bacchus d'Aix (Esp., n° 2485). Etc. — La presque totalité de ces belles œuvres viennent, on le voit, de la Narbonnaise. Mais on en rencontré aussi, encore qu'il s'agisse d'ordinaire d'œuvres moins remarquables, dans les Trois Gaules, par exemple la Niobide de Soissons (n° 3790), l'Amazone de Trèves (marbre de Paros, style excellent, n° 4975), le torse de Vénus de Reims (n° 36711. — Pour les sarcophages importés, à la différence des statues de marbre, on petit dire jusqu'ici que la répartition s'en équilibre davantage, comme pour les bronzes d'art, entre les deux grandes régions de la Gaule.

[18] Esp., n° 2642 (Boutæ ou Les Fins d'Annecy), 2644 (Augustum ou Aoste).

[19] Esp., n° 2593 = C. I. L., XII, 1891 (découverte à Villette-Serpaize près de Vienne). — Autres bronzes : le Jupiter d'Évreux (Reinach, Bronzes, p. 29), travail romain de la tradition de Lysippe ; le Mercure de Limoges (Cab., n° 315), réplique de celui de Polyclète ; les dix divinités ou personnages de la trouvaille de Chalon, notamment l'esclave éthiopien (Cab., n° 1009) ; autres, Blanchet, Décoration, p. 140 et s. La Minerve archaïque de Chantilly (Fondation Piot, IV, p. 9) est dite trouvée près de Besançon.

[20] Esp., n° 1392 (marbre blanc, sans doute de Carrare).

[21] On pourrait trouver en Gaule d'autres statues archaïsantes, d'ailleurs beaucoup plus vulgaires que la Minerve de Poitiers ; en outre, les Vénus des poteries.

[22] Le vase d'argent trouvé au pied d'Alésia (XIII, 10028, 24), inscrit à un nom de propriétaire gaulois, est un vase grec importé au temps de César pour le compte d'un Celte, ou peut-être enlevé par un compagnon de Vercingétorix dans un camp romain.

[23] Par exemple la tête de fleuve trouvée à Lezoux (Reinach, Bronzes, n° 83) la ciselure et la retouche au burin [sont] d'une habileté surprenante ; travail d'influence grecque, du temps des premiers empereurs.

[24] Pour la répartition de ces objets, comme des images de bronze, les Trois Gaules et la Narbonnaise semblent s'équilibrer. — Je n'ai pas voulu insister sur les influences plus spécialement gréco-égyptiennes et gréco-asiatiques, qui ne peuvent être considérées que comme des manifestations particulières de l'art classique, et sur lesquelles d'ailleurs, tout compte fait, je ne vois pas le moyen de préciser avec certitude. S'il est arrivé en Gaule des influences de Pergame ou d'Alexandrie, soyons sûrs qu'elles sont passées d'abord par Rome. Voyez là-dessus S. Reinach, Bronzes, [1894], p. 19 et s. (insiste sur l'influence gréco-égyptienne) ; Courbaud, Le Bas-relief romain, 1899, p. 327-344 (insiste, pour le mausolée des Jules et l'arc d'Orange, sur l'influence gréco-asiatique de Pergame) ; Michælis, Die Frauenstatue pergamenischen Stile im Museum zu Metz [Espérandieu, n° 4299], dans le Jahr-Buch der Gesellschaft für Lothringische Geschichte, XVII, 1903 (article trop vanté).

[25] Pour tout ce qui précède, Pline, XXXIV, 45-47.

[26] Dans l'ensemble cependant, le goût des statues colossales me parait avoir été assez restreint en Gaule. Outre celle en bronze, du Mercure Arverne, l'Apollon assis d'Entrains, en pierre (Esp., n° 2243), peut-être les statues des Piliers de Tutelle à Bordeaux, et encore, dans tout cela, ne s'agit-il pas d'images vraiment démesurées.

[27] Inventaire, n° 1051 : s'il faut lire Sen(nius) et non Sen(tius), comme ce gentilice de Sennius est d'origine celtique, cet artiste serait un esclave campanien acheté par un grand seigneur de Normandie et affranchi par lui ; mais se serait-il appelé dans ce cas c(ivis) Puteolanus ? Les autres signatures de mosaïstes ne permettent pas d'ordinaire de soupçonner leurs origines.

[28] On ne peut faire état de l'épitaphe de l'architecte Philippe. On suppose que Veranius (XII, 2980), inscrit sur une arche du Pont-du-Gard, est l'architecte : c'est très incertain. Même remarque pour le nom inscrit deux fois au sous-sol des Arènes de Nîmes, T. Crispius Reburrus fecit (XII, 3315). Ser. Julius Cæ[cilianus] architector de l'arc d'Antibes (186), est suspect.

[29] A Bordeaux, Esp., n° 1111 : M. Se.... Amabilis, sculptor.

[30] A Bordeaux, C. I. L., XIII, 641 : Calenus, pictor. Encore ce nom de Calenus peut-il faire songer à une origine campanienne.

[31] Dédicace : Jovi Optimo Maximo pro salute Neronis, etc., canabarii publice, etc.

[32] Venicarus parait un nom surtout salyen (Provence) ; cf. Venimarus (XII, 602), Venilatus (XII, 5788), tous deux sur le terroir de Marseille.

[33] La Lune, Junon, le Soleil, Liber, Cérès, la Paix, Vénus, Vesta, l'honneur, la Terre, Virtus, Vulcain, Mars, la Victoire, Neptune, Diane, Apollon, Jupiter, les Dioscures, Hercule, Mercure et Mais, Minerve, la Fortune, les deux Lares et Néron.

[34] L'inscription de la signature, la seule inscription de ce genre dans les Gaules (XIII, 11806), porte Samus (je crois que le nom est complet ; Riese, 33) et Severus Venicari f. sculpserunt. — En dernier lieu, Espérandieu, n° 5887 ; Quilling, Die Juppitersäule, 1918.

[35] Rien n'est plus déplacé qu'une admiration de commande pour les restes de l'art gallo-romain. Si l'on excepte les copies exactes d'œuvres grecques, il est peu de pièces qui s'élèvent au-dessus du médiocre, et les sculptures en pierre sont franchement mauvaises. D'une part, là ou domine l'élément gaulois, nous trouvons la sécheresse, la raideur, l'absence de vie et de sentiment ; de l'autre, là où les influences étrangères l'emportent, une rondeur et une mollesse de convention, une tendance à la surcharge et à l'enflure, qui altèrent jusqu'aux meilleurs modèles de l'art hellénistique à la façon d'une prétentieuse traduction. — Reinach, Bronzes, [1894], p. 23. Voyez aussi les fines remarques de Pottier à propos des figurines, Les Figurines de terre cuite dans l'Antiquité, 1890, p. 241.

[36] Esp., n° 301 (pierre), avec influence visible des figures classiques ; Reinach, Br., p. 175 et n° 190 (bronze : le bronze a peut-être mieux réussi ces divinités gauloises).

[37] Esp., n° 1316.

[38] Esp., n° 4425, colonne de Merten : mais là encore, dès qu'une amélioration se produit dans le dessin de l'image, c'est que l'artiste se rapproche d'un modèle classique ou d'un type convenu.

[39] Esp., n° 2117.

[40] Il a pu y avoir des exceptions.

[41] S. Reinach, Bronzes, p. 24. Rien ne révèle une personnalité, l'absence de style accuse le vide de l'esprit. — Et Reinach voit deux causes à cette faiblesse de l'art gaulois : d'une part, les tendances nationales de la Gaule, qui allaient à l'art décoratif, linéaire, symbolique, et l'Empire lui ayant imposé l'art figuré, de là naquit son impuissance ; d'autre part, cet art figuré vint à la Gaule au moment où les Grecs, qui y étaient les maîtres, étaient épuisés. Il n'y a que du vrai dans tout cela. Mais il faut aller chercher des causes plus profondes, sorties de la vie même de la Gaule et de l'Empire. Qui empêchait la Gaule de développer son art symbolique ? Qui l'empêchait de vivifier l'art figuré ? Qui empêchait les écoles grecques de se ressaisir, de créer du nouveau sur ce sol nouveau de l'Occident ? En réalité, l'Empire romain, en unifiant le monde, en rendant facile et rémunérateur tout ce qui était imitation, copie, traduction, réduisit au minimum le besoin de créer, l'effort vers le nouveau, la découverte, la personnalité. Il remplaça les tendances nationales, régionales, municipales, par l'identité des styles, par des écoles et des conventions à caractère universel. Il vulgarisa, industrialisa, uniformisa l'art, et il fit là comme en littérature, en religion, et même en morale. L'impérialisme, en dernière analyse, ruina les initiatives originales, qu'elles vinssent de pays ou de particuliers.

[42] Voir un essai de classement chronologique chez Mrs Strong, Roman Sculpture, 1907, p. 347 et s.

[43] XII, 5413 (statue équestre), 4189 (plusieurs statues au même personnage), 1236, etc.

[44] Voyez par exemple au forum de Roussillon, où Thiers a reconnu à la suite sur un côté 19 piédestaux de statues ; il ajoute que le dispositif permet d'en supposer 20 (Bull. arch., 1912, p. 79). Au total, 40 pour le forum.

[45] Voyez dans le Corpus les dédicaces aux membres de la famille impériale. — A signaler surtout, parmi les bonnes œuvres qui subsistent, la tête laurée d'Auguste, de Vienne (Esp., n° 2615).

[46] XII, 1115, 2231, 4354 : exemples qui montrent combien les Anciens tenaient à ces images.

[47] XII, 372 (Riez), 411 (Marseille), 4406 (Narbonne). Dans l'ensemble, ce sont les collèges surtout qui se chargeaient d'ériger des statues dans les villes.

[48] Voyez la statue de bronze élevée à Vienne par la ville espagnole d'Italica en l'honneur de son patron C. Julius Pacatianus, qui parait avoir été un Viennois, procurateur en Espagne (Esp., n° 2614 = C. I. L., XII, 1856).

[49] Esp., n° 946-1020 ; sans parler d'innombrables statues des divinités classiques.

[50] Voyez le recueil d'Espérandieu.

[51] Esp., n° 882, 3604, 3606 : je cite les plus grossières.

[52] Comparez le très petit nombre de figures funéraires du Ier vol. d'Espérandieu (Narbonnaise) à l'abondance qui s'en trouve dans les vol. II-IV (Trois Gaules). C'est la proportion absolument inverse de celle que fournit l'épigraphie. — Je crois cependant qu'il faut faire, en cette affaire, une certaine part au hasard, et qu'à Narbonne et Arles, par exemple, où les images funéraires n'ont pu être encastrées dans les murailles romaines comme dans celles des villes des Trois Gaules, beaucoup ont d6 être systématiquement détruites par les Chrétiens.

[53] Je ne parle ici que du monument et de l'art. Mais il va de soi que cette transformation s'explique aussi par une évolution des idées sur la tombe (encore qu'il soit possible que les idées aient évolué parce que l'extérieur du monument changeait). La tombe n'est plus regardée, ainsi qu'aux temps celtiques, comme un lieu de passage entre la vie et une nouvelle résidence, mais, sous certaines influences classiques, comme cette résidence même. De là, tant de choses qui rappellent la présence du défunt, son portrait, les banquets d'anniversaires où intervient sa statue, l'échange de propos entre lui et le passant, etc.

[54] Le peu de stèles funéraires que nous possédons de Marseille (n° 88-92, 76,74), paraissent conformes aux types helléniques, de la poignée de mains, de la défunte voilée, du repas funéraire, de la femme à la toilette.

[55] Dict. des Ant., au mot Sepulcrum, p. 1236-7 (E. Cahen). Ce qui, nous ferait incliner vers l'influence romaine, c'est que la sculpture funéraire conserva chez les Grecs un caractère idéaliste, une tendance à l'héroïsation des défunts, qui est bien rare dans nos images gallo-romaines, toujours exactes et réalistes ; et c'est que ce même réalisme se retrouve dans le portrait funéraire chez les Romains : l'antique habitude de conserver les masques en cire des ancêtres, l'esprit positif de la race, le développement prodigieux que prend à Rome le portrait, tout contribue à créer des traditions très opposées à celles de l'idéalisme qui a si longtemps régné dans la sculpture funéraire de la Grèce ; Collignon, Les Stèles funéraires de l'art grec, 1911, p. 314. Je n'ai pas à rappeler ici l'origine hellénique de la sculpture funéraire italienne.

[56] D'ailleurs, il faut se garder de généraliser ; voyez à Narbonne, qui reproduit les vieilles mœurs italiotes, les nombreuses traces de portraits funéraires en bas-relief (n° 580, 583-9), les bas-reliefs sépulcraux du marchand d'olives (n° 621), d'armateurs de navires (n° 678, 683, 685-690), tout cela identique, sauf une facture plus large, 8 ce que nous trouvons dans les Gaules. Et cela aussi me ferait croire, au moins pour une part, à l'origine italienne de l'art funéraire gallo-romain.

[57] Voyez les statues des Jules, homme et femme, dans leur mausolée de Saint-Rémy (Esp., n° 114). Les œuvres les plus remarquables dans cette catégorie sont la matrone et la jeune fille d'Apt, marbre blanc, sans aucun doute de la main d'un artiste étranger, on a supposé alexandrin : la coiffure révèle l'époque de Titus (Esp., n° 2558).

[58] Esp., n° 207, 1094-5, 2552, 2556-7, 2014, 2707, 3002, 3092, 3230, etc., en supposant qu'il ne s'agisse pas de personnages impériaux. Il est possible du reste qu'on donnât parfois aux figures des traits de convention.

[59] Esp., n° 1497 (enfant), 3274.

[60] Esp., n° 478.

[61] Esp., n° 1119, 1120, 1158, 1160.

[62] Ou plutôt en turban, produit par des tresses relevées et enroulées ; c'est la mode au tempe des Antonins ; Esp., n° 1158, 1182-3 ; cf. n° 985. Boucles étagées du temps des Flaviens, n° 482.

[63] La seconde manière de porter la barbe est plus fréquente que l'autre. Aucune trace ni de favoris ni de moustaches isolées, courtes ou pendantes. Les très longues barbes ne sont pas non plus en-usage. Les figures imberbes, quand il s'agit d'indigènes, sont d'ordinaire de jeunes gens. La distinction nécessaire entre juniores imberbes et seniores barbus est très nettement marquée sur le bas-relief des riantes parisiens, sous Tibère (Esp., n° 3132).

[64] Esp., n° 1117.

[65] Esp., n° 1141, 1149, 1893, 2805, 1112, 1111, 1122, etc.

[66] Esp., n° 1127, 1184, 1163, etc.

[67] N° 1124, 1126, 1131, 1130. Ou encore, souvent dans le même sens, la bourse, le rouleau de parchemin, les tablettes.

[68] N° 1128, 1157, 1160, 1167.

[69] N° 1880 ; un peigne, n° 1171 ; une houppe à poudre, n° 1168 ; une fiole à parfum, n° 1164, etc. Il est probable que cette attitude, la femme tenant un objet de toilette, est la simplification, et en quelque sorte la réduction au type du portrait, de la scène, si fréquente dans la sculpture funéraire des Grecs, de la toilette de la défunte. La scène de la toilette apparaît d'ailleurs parfois, surtout du côté du Rhin et là sans doute sous une influence hellénique, mais traitée avec un caractère réaliste très marqué (n° 5142).

[70] N° 1128, 1157, 1173, 1124, 1125.

[71] Surtout dans la région d'Autun ; cf. Graillot, Poculum et Lagena (Mém. de la Soc. Éduenne, XXX, 1902). — Le port de la mappa, surtout en Belgique, correspond peut-être aussi à une pensée de ce genre. — Ceci est un des équivalente celtiques de la figuration des repas funéraires dans les pays classiques : le banquet est ramené au portrait.

[72] C'est le type simplifié, de la poignée de mains, constant en Grèce, assez rare en Gaule. D'ailleurs la représentation de la scène, toute réaliste, est en Gaule entièrement différente de l'altitude héroïsée prêtée aux personnages dans les stèles d'origine ou d'influence hellénique.

[73] N° 1124, 1123, 1121, 1118, 1120. — Qu'on remarque bien ceci :comme toute la famille est là, au complet, et à un moment donné de sa vie, ils ensuit que de tels tombeaux ont été dessinés ou exécutés à ce moment-là, du vivant des personnages (cf. XII, 118).

[74] On a constaté (Cagnat et Chapot, I, p. 366-7) l'abus du foret, plus brutal et moins délicat, à côté du ciseau. On le note surtout, semble-t-il, dans les ouvrages de marbre, et se développant au Bas Empire. — Le silhouettage, c'est-à-dire l'emploi de rainures profondes (faites au trépan) pour encadrer les figures, se constate dans des monuments funéraires de Narbonne, au mausolée de Saint Rémy, dans l'arc d'Orange. On a supposé à cette technique une origine égyptienne. J'en doute. Courbaud (Bas-reliefs, p. 343) y voit, peut-être plus justement, une habitude locale, à l'usage d'un art de province médiocrement savant.

[75] Esp., n° 1123.

[76] Temple d'Yzeures, sous Marc-Aurèle ; Esp., n° 2997.

[77] Bas-relief religieux de Bordeaux, Esp., n° 1066.

[78] Sarcophage d'Arles, Esp., n° 161.

[79] Sarcophage de Saint-Médard-d'Eyrans près de Bordeaux, en marbre de Paros, objet d'importation ; au Louvre ; Esp., n° 1240.

[80] Sarcophage de même genre et de même localité que celui de la n. précédente ; au Louvre ; n° 1242. Cf. n° 241.

[81] Sarcophage d'Arles, le plus beau, selon moi, de la série ; Esp., n° 133. — Histoire de Pélops sur un sarcophage de Mons ; Esp., n° 3986 (l'origine locale n'est point certaine ; Cumont, Musées du Cinquantenaire, n° 86).

[82] On mettra dans ce groupe les innombrables scènes où sont figurés des Amours ; voyez en particulier au Musée du Puy, de travail local, Esp., n° 1653, 1067, 1669, 1671, 1073, 1680.

[83] Voyez les notes précédentes. Sur le mausolée d'Igel (plus bas) : l'épisode de Ganymède, Achille immergé dans le Styx, Mars et Rhéa Sylvia, Hercule aux Hespérides, Persée et Andromède.

[84] Mausolée de Saint-Rémy, n° 114. Sur un arc [?] détruit, à Arles, n° 155-8. Arc d'Orange, n° 260. — Dans le même genre, représentation de Barbares captifs, par exemple sur l'arc de Carpentras (n° 243). — Dans l'ensemble, le bas-relief militaire est peut-être le genre le moins cultivé en Gaule après l'époque d'Auguste.

[85] Esp., n° 260, arc d'Orange ; monument de Biot. Encore que certaines catégories de ces armes puissent être celles des vainqueurs, vivants ou morts, offertes en hommage (cf. Silius, IV, 200-2).

[86] N. précédente. C'est le cas des armes des gladiateurs, sculptées sur les tombeaux de ce genre d'hommes.

[87] Le genre de beaucoup le moins représenté est celui des scènes historiques de la vie civile : sur l'arc de Suse, les fêtes et cérémonies politiques auxquelles donna lieu le passage d'Auguste ; sur un bas-relief de Paris, la scène de l'offrande d'un collier à Tibère par les nautes.

[88] Il est possible que les chasses soient figurées, non pas seulement à titre de souvenirs de la vie du défunt, mais aussi comme équivalences de chasses funéraires ou religieuses. On représentait tantôt des chasses réelles (mausolée de Saint-Rémy, Esp., I, p. 96-7 ; sarcophages d'Arles, n° 175, de Cahors, n° 1648, en marbre d'Italie, de Déols, n° 1560, de Reims, n° 3677, en marbre d'Italie ; bas-relief d'Espaly, n° 1683), tantôt des chasses mythiques (sanglier de Calydon, sarcophage d'Arles, n° 168). Les chasses réelles sont souvent mêlées d'éléments qui paraissent fictifs (combats contre le lion), ce qui laisse douter qu'elles aient commémoré des actes du défunt.

[89] Il est possible que les représentations de ce genre fussent surtout propres aux lombes de cochers ou de gladiateurs enrichis ; mais je crois qu'elles se sont généralisées et ont pu être pour ainsi dire les simulacres des combats funéraires que le défunt aurait pu souhaiter. Ajoutons que ce genre de bas-reliefs a pu orner des cirques ou autres édifices. Esp., n° 144 et 140-150 (Amours auriges), 590 et s. (id.), 595 et 602 (gladiateurs au combat), 3356 (id.), etc.

[90] Ces représentations de repas funéraires, si fréquentes en Grèce, sont assez rares dans la Narbonnaise, très rares dans le reste de la Gaule, mais, chose à noter, paraissent plus abondantes aux abords dé la frontière du Rhin, où les influences classiques et même helléniques se sont fait plus fortement sentir. De ce côté d'ailleurs, elles prennent souvent un caractère assez réaliste (on le retrouve aussi dans le reste de l'Empire), les convives mangent, non pas, comme dans les repas de convention, étendus sur des lits, mais assis sur des sièges du pays, autour d'une table souvent ronde, le serviteur leur présentant parfois une volaille rôtie, et je me demande si ce ne sont pas des représentations de repas de familles adaptés à la figuration du repas funéraire. Esp., n° 1778, 2787, 3163, 4062, 4097, 4104, 5154 (très remarquable), 5155, etc. On a supposé qu'elles caractérisent surtout l'époque des Flaviens et des premiers Antonins, je ne sais si c'est juste. — Du repas funéraire il faut rapprocher le défunt en attitude de buveur.

[91] Il y a des sarcophages sûrement importés. Les meilleurs de ces bas-reliefs et en particulier ceux des sarcophages ont dû être faits 'sur place par des artistes étrangers ; mais l'exemple des fils de Vénicarus montre que bien des figures et scènes religieuses peuvent être l'œuvre d'artistes indigènes.

[92] Il n'y a à vrai dire aucune scène populaire qui soit figurée sur le marbre.

[93] Cinq enfants et un chien autour d'une écuelle, n° 4097.

[94] N° 4037, 4148, 1097-8.

[95] Autre vente de pommes ou de poires, n° 4044 (c'est le tombeau d'un pépiniériste, je crois).

[96] Espérandieu, n° 5137, 5163, 5261, 5266, 5499, etc.

[97] Monument d'Igel, Esp., VI, p. 451 = C. I. L., XIII, 4206.

[98] N° 1096 ; scieurs de long, n° 3695.

[99] N° 1111.

[100] N° 1099, 4043 ; cf. n° 3785-6, 3683. Sabotier, n° 2783, 3685.

[101] N° 4125 et 4136.

[102] N° 2056 ; n° 3454 (peut-être dépècement d'un taureau de sacrifice).

[103] Bien, d'autres exemples dans les notes du t. V. ch. VI, et ch. VII, § 6 (Les Détaillants). On notera le nombre relativement restreint de scènes de travail champêtre : pour le travail de la vigne, du blé (Esp., n° 4036, moisson), de la terre (n° 4044, travail à la bêche et à la houe ; n° 4092, 41477, labourage).

[104] Ajoutez deux autres catégories, moins représentées : scènes de sacrifices (n° 1100, 4023) ; scènes juridiques, mariages, affranchissements ou testaments (non certains d'ailleurs, n° 1102, 1103, 4108), distribution d'argent conformément à la volonté du défunt ? (n° 4149).

[105] Ici, pour le bas-relief funéraire plus que pour le portrait, j'hésite à affirmer la prépondérance de l'influence romaine ou celle de l'influence grecque (que j'ai autrefois préférée, Inscr. rom. de Bordeaux, 1890, II, p. 584-5). Toutefois, le caractère partout si nettement réaliste des scènes m'incline maintenant à penser à des traditions venues d'Italie, encore que s'étant appliquées en Italie même, pour la transformer, à une origine hellénique. L'analogie, dans le choix des métiers et la disposition des figures et des instruments est d'ailleurs absolue entre nos monuments et ceux d'Italie, ceux-ci existant en proportion bien moindre de ce qu'on trouve en Gaule ; cf. Gummerus, Darstellungen auf dem Handwerk auf Rœmischen Grab- und Votivsteinen in Italien, dans le Jahrbuch des K. D. Arch. Instituts, XXVIII, 1913.

[106] Die Attischen Grabreliefs, planches CXIX et CLXXIII.

[107] En dernier lieu, Cagnat et Chapot, I, p. 676-7 ; cf. Dessau, Inscr. Lat. sel., 7460.

[108] Pétrone, Satiricon, 71.

[109] En dernier lieu, Espérandieu, VI, p. 417 et s. ; C. I. L., XIII, 4206.

[110] En outre, il y est représenté un banquet et peut-être une ouverture de testament. — Je doute que le monument soit antérieur à Septime Sévère : une des figures représente l'arrivée d'une charrette à une borne marquée L. IIII, leuga quarta, qui est la distance d'Igel à Trèves par la roule de Reims, et la lieue ne parait pas sur celle grande route avant Septime.

[111] N° 1096 (le bas-relief dit des dendrophores à Bordeaux).

[112] N° 5180 ; cf. n° 4131, 4156.

[113] N° 4097.

[114] Je fais allusion au bas-relief d'Épinal (Esp., n° 6892).

[115] Cf., dans le même sens, Viollet-le-Duc, Dictionnaire, VIII, 1866, p. 103 (reproduisant des modèles déjà copiés, traînant partout leurs poncifs, comme ces joueurs d'orgues de nos jours qui vont porter les airs d'opéras jusque dans nos plus petits villages) ; Courajod, Leçons du Louvre, I, p. 10 [1890].

[116] On en trouve encore quelques traces dans les figurines isolées, mais perdues au milieu de centaines de figurations classiques — quelques dieux au maillet, une divinité accroupie (Blanchet, Ét., Suppl., p. 61-6) ; je ne parle pas d'Épona, entrée dans le panthéon gréco-romain. Aucune trace dans les vases céramiques à reliefs, qui représentent en moyenne une couche archéologique plus récente.

[117] Voyez le IIe vol. de Déchelette, Les Vases céramiques ornés de la Gaule, où on trouvera le répertoire des types.

[118] Déchelette, II, p. 215 et s., p. 284 et s.

[119] J'excepte de très rares médaillons municipaux, comme celui de l'anniversaire lyonnais. Il y a bien, sur les vases moulés, des scènes de genre (Déchelette, II, p. 91 et s.), pécheurs, oiseleurs, jongleurs, etc., mais ce sont des scènes convenues. empruntées à l'art gréco-romain. Je n'exclus pas d'ailleurs la possibilité de scènes tirées de la vie courante : mais elles-tic peuvent avoir représenté qu'une partie infiniment restreinte des sujets, et le nombre en a dd diminuer de jour en jour. — Les sculptures sur lampes paraissent faire un peu plus d'emprunts à la vie journalière : mais ce sont d'ordinaire objets importés, et d'ailleurs les sujets tirés des jeux sont meure là prépondérants.

[120] Le peu de popularité des sujets militaires est très digne de remarque comme caractéristique de la mentalité gallo-romaine. On signale comme un fait exceptionnel une sculpture de lampe d'Afrique représentant le salut militaire (Dict. des Ant., fig. 6004).

[121] Blanchet, Étude sur la décoration des édifices de la Gaule romaine, 1913.

[122] Blanchet, p. 26 et s.

[123] Blanchet, p. 32 et s.

[124] Remarques de Blanchet à propos des hérons d'une peinture de Trèves ou des échassiers d'une peinture de l'Indre (p. 41) : Même si les oiseaux représentés se retrouvent dans la faune du pays, il convient de remarquer que les peintures de ce genre sont sûrement des imitations de paysages égyptiens, dont on reconnaît déjà des copies plus ou moins libres à Pompéi.

[125] Cf. § 6.

[126] Voyez, de Grenier (Revue arch., 1904, 1), l'excellente étude sur les couleurs dont on a badigeonné les mausolées de Neumagen : en jaune clair sont peints les visages, les nus, les corps des animaux, les vêtements ; en brun rouge les cheveux, les sourcils, les barbes, les crinières des chevaux, les chaussures ; en rouge vif les meubles et armes ; les fonds sont en bleu (c'est la couleur habituelle des fonds dans l'art grec et gréco-romain). Ces couleurs sont en nombre restreint, appliquées de façon conventionnelle, et dans une intention essentiellement décorative et monumentale. Mais je serai plus sévère que Grenier sur l'effet produit. On en aura une idée par la planche en couleur, Mainzer Zeitschrift, III, 1908, pl. 3.

[127] Esp., n° 1782 (Lyon), 1121,1123, etc. ; monuments de Neumagen, XIII, 1848. — On devait également user, et peut-être abuser, de la dorure.

[128] Le lien entre la peinture et la mosaïque est bien marqué par les Anciens, comme le montre l'inscription de la mosaïque du Musée d'Agen, coloribus pinxit (XIII, 921). La mosaïque remplace la peinture pour l'ornement des murailles (Blanchet, p. 116-8) ; et il est possible que les peintures de la villa de Bourg, représentant l'histoire de Mithridate et celle des Juifs (Sidoine, Carm., 22, 158 et s., 200-3), fussent en mosaïque.

[129] Il est probable que le goût de la couleur et de la dorure grandit sous l'influence de la cour syrienne et des cultes orientaux ; cf. Lucien, Jupiter tragœdus, § 8 ; Cumont, Les Mystères de Mithra, 3e éd., p. 228-9.

[130] Sur le classement chronologique des mosaïques, cf. Gauckler, Dict. des Ant., Musivum opus, p. 2097 et s. ; Blanchet, Décoration, p. 120 et s. Dans l'ensemble, les nôtres doivent être postérieures à Marc-Aurèle ; les deux datées sont de 209 (Avenches, C. I. L., XIII, 5121) et du temps de Postume (Trèves, 3679).

[131] Voyez la mosaïque de Lillebonne, signée d'un artiste de Pouzzoles avec un disciple qui est peut-être du pays ; mosaïque d'Avenches signée d'un Grec (XIII, 5122) ; autres signataires d'origine indéterminée, cf. Blanchet, p. 127 et s. Les matériaux étant en partie tirés du pays, la mosaïque est en principe faite sur place ; mais rien n'empêchait de transporter à de longues distances des planchers de mosaïque tout préparés ; César (Suétone, 46) se faisait suivre dans ses campagnes, pour paver sa tente, de pavimenta tessellata et sectilia.

[132] Lafaye, Revue arch., 1892, I, p. 322 et s. ; Inventaire, n° 246.

[133] Héron de Villefosse, Fondation Piot, XXI, 1913, p. 89 et s.

[134] Inventaire, n° 329 (scène du mariage d'Admète).

[135] Inv., n° 800 (Bellérophon et la Chimère).

[136] Inv., n° 209 (enlèvement de Ganymède), n° 236 (Bacchus et Silène), n° 224 (enlèvement d'Hylas), n° 108 (Achille à la cour de Lycomède).

[137] Scènes tirées de l'amphithéâtre : ours et combattants, tigre et âne sauvage, lion et esclave, panthère, gladiateurs, valets d'arène ; Inventaire, n° 1295. — Les représentations d'Orphée, assez fréquentes (Blanchet, p. 91-3), sont sans doute surtout un prétexte à des peintures d'animaux. Une mosaïque de Sainte-Colombe (Inv., n° 201) présentait autour d'Orphée 44 compartiments encadrant chacun un animal différent.

[138] Comme scènes ou figures moins habituelles : les Muscs mêlées aux mois et à des portraits d'écrivains, mosaïque de Trèves signée Monnus fecit, XIII, 3110.

[139] Germain de Montauzan, Les Fouilles de Fourvière en 1911, 1912, p. 52 et s. (Ann. de l'Université de Lyon).

[140] Germain de Montauzan, Les Fouilles de Fourvière en 1912, 1913, p. 6 et s. (Ann. de l'Université de Lyon).

[141] Je ne parle pas des simples aménagements d'ordre économique, comme l'emploi plus fréquent de cheminées, de caves, peut être (c'est cependant assez douteux) de toitures inclinées.

[142] Ausone, Mos., 298 et s.

[143] Voyez les découvertes signalées par les Annales de la Société archéologique de Namur (depuis I, 1849-1850).

[144] Je donne la note générale et non pas absolue. — Contrairement à ce que j'avance ici, on pourrait citer Ausone, Mos., 329-330, parlant d'une villa qui possédait une tour très élevée ; de même, Sidoine, Carm., 22, 211 et s. Mais, outre qu'il agit d'une tour et non de toute la villa, nous avons affaire à des constructions du Bas Empire, que les dangers des invasions ont pu faire aménager à un point de vue militaire.

[145] Ausone, Mos., 336, donne bien la note architecturale dominante dans ces villas : Innumeris super nitentia tecta columnis. De même, Sidoine, Carm., 22, 136 (thermes de la villa) : Ipsa autem quantis quibus sut sunt falta columnis, 150 et s. (portiques extérieurs, dont l'un demi-circulaire) ; 205-6 (portique intérieur) : Artatis stat saxea silva columnis. Il résulte bien de ces textes que le portique et la colonnade sont l'essentiel : ce que confirment les ruines de villas. A Chiragan, on constate une galerie de 170 mètres, des portiques, vestibules, péristyles et colonnades de tout genre (Joulin, p. 23, 37, 57, etc.) : sauf les colonnades, la façade ne comptait pas, le plan consistait moins en une construction régulière, harmonieuse, esthétique, qu'en une juxtaposition de pièces : l'essentiel était dans les dispositions et surtout les décorations intérieures. On pourrait faire les mêmes remarque$ pour toute la Gaule, jusque dans l'extrême Nord (Cumont, Belgique, p. 42). 6n somme, c'est l'application des principes de la maison hellénique et gréco-romaine (cf. Monceaux, Dict. des Ant., au mot Domus, p. 362), tournée vers l'intérieur, avec cours centrales et galeries vers lesquelles tout converge, et prédominance du rez-de-chaussée. Toutefois, les cours d'honneur et portiques extérieurs annoncent une certaine préoccupation du style de façade. Et les tours du IVe siècle nous acheminent vers le donjon.

[146] Que le portique fût en quelque sorte un signe, un symbole de vie civilisée en matière de bâtisse, c'est ce que montre le passage où Tacite, parlant des efforts des Bretons pour se romaniser, les montre s'appliquant ad delinimenta vitiorum, porticus et balnea (Agricola, 21).

[147] Voyez, sur la forme, l'ornementation et la chronologie des tombes, trois articles de Schræder, Klinkenberg et Weynand dans les Bonner Jahrbücher, CVIII-IX, 1902.

[148] Esp., n° 1612 (0 m. 37).

[149] Tourmagne, 34 m. ; Saint-Rémy, 18 m. ; Igel, 23 m. ; Aix, ancienne tour de l'Horloge, 24 m. (Clerc, Aquæ Sextiæ, p. 400).

[150] Évaluation communiquée par Mazauric.

[151] La Tourmagne est sans aucun doute contemporaine des premiers colons de Nîmes.

[152] Mausolée des Jules à Saint-Rémy, contemporain d'Auguste : un étage intérieur à base carrée avec quatre séries de bas-reliefs ; un étage intermédiaire sur plan carré à baies ouvertes en formation quadrifrons ; un étage supérieur à colonnades dégagées, circulaire, recouvert d'une coupole conique. Au mausolée [disparu] dit la tour de l'Horloge à Aix (Clerc le croit contemporain de Marc-Aurèle ; je le crois plus ancien) : étage inférieur à plan carré ; étage intermédiaire circulaire à mur plein orné de demi-colonnes engagées ; étage supérieur de même nature que celui de Saint-Rémy. — Mausolée simplifié en forme d'arc, à Aix-les-Bains (cf. C. I. L., XII, 2473). Peut-être y a-t-il à rapprocher de ce type le monument de Biot dans les Alpes-Maritimes, dont on tait une porte triomphale (Revue des Études anciennes, 1907).

[153] Au centre de la colonnade du dernier étage, â Saint-Rémy et sans doute à Aix.

[154] A Igel par exemple.

[155] Cf. Chapot, Bull. des Antiquaires, 1910, p. 304-8 ; Clerc, Aquæ Sextiæ, p. 416 et s.

[156] Espérandieu, VI, p. 318, 3311, 332.3, 337, 341-2, 346-7, etc., donne (d'après Krüger) les différents types des mausolées trévires, genre Igel.

[157] Le dernier érudit qui s'en soit occupé avec soin, Mazauric, voit dans la Tourmagne, non pas un mausolée, mais un édifice consacré à Nemausus, enveloppant une grande tour gauloise en pierre sèche (La Civil. rom. à Nîmes, p. 8-10). La disposition architecturale me paraît contraire à tout ce que nous savons des temples gallo-romains, et je ne sais si on aurait élevé un temple à la source sur le sommet, quoique la chose ne paraisse pas impossible. — La Tourrache de Fréjus parait être un monument funéraire, à chambre intérieure circulaire, avec niches de columbarium [?] (Aubenas, p. 712-5).

[158] L'élément octogonal se retrouve et au phare d'Alexandrie et à celui de Boulogne, sans parler des monuments aux dieux de la semaine et de plusieurs temples.

[159] Le plus septentrional des monuments appelés piles par le populaire et les archéologues est la pile de Cinq-Mars (fanum rubrum, acte de 1157 ; Mém. de la Soc. arch. de Touraine, IX, p. 301) en Touraine. La zone de diffusion est surtout le Gers et le Lot-et-Garonne, celui-là, d'influence plutôt ibérique, celui-ci, plutôt celtique. Il y en a d'autres, dont le souvenir est conservé par d'anciens textes et des noms de lieux (par exemple peut-être Feneu, Fanum [Port, Dict. hist. de Maine-et-Loire, II, p. 1411, Le Fa, Fan, etc.). Peut-être la Tour-aux-Fées près du Mans.

[160] Les anciens documents, comme l'a montré Lièvre, paraissent les désigner sous le nom de fana (n. précédente), et ce mot ferait songer à quelque sanctuaire rustique, analogue à ces colonnes ou à ces tours dont parle Sulpice Sévère (Dial., III, 8 et 9) : dans ce cas, d'après mes recherches sur les sites, ce seraient des chapelles privées, des monuments de dieux protecteurs de domaines, l'équivalent en Aquitaine des colonnes au cavalier du Nord-Est. Je ne le crois pas cependant. Le Moyen Age a pu appeler fanum ou pile n'importe quelle ruine, et il est même possible que Sulpice Sévère ou saint Martin ait vu un temple où il y avait un ancien mausolée, devenu l'objet des superstitions populaires ; tout ce que j'ai pu constater des piles m'a fait penser à des monuments funéraires, ceux des domini fundi ; le couloir bordé d'une muraille, qui entoure parfois la pile, est celui de la tutela sepulcri ; les niches qu'on observe sur les bâtisses ont dit renfermer des images de défunts. — Lièvre (p. 25) voyait dans ces piles une suite stylisée aux menhirs.

[161] Rien n'autorise à affirmer la forme pyramidale pour la Pennelle du terroir marseillais, la pyramide de Couard à Autun, l'Eigelstein de Mayence, monuments très similaires l'un de l'autre. Je rapprocherais plutôt le type de ces monuments du type de la tour. — Quant aux mausolées à base circulaire, en forme conique, qui paraissent être des stylisations des tumuli ou tertres primitifs, je n'en connais pas en Gaule, encore que l'usage national des tumuli chez les Celtes eût dû attirer vers ce genre de monuments. Et ceci est une nouvelle preuve de l'impuissance ou de la négligence des architectes gallo-romains à tirer parti des traditions locales.

[162] Esp., n° 1012 ; Audollent, Bull. arch., 1910, p. 176 et s.

[163] Voyez en particulier les stèles de Saverne (XIII, 5995, etc.).

[164] Peut-être même devrais-je dire la forme préférée. C'est exactement l'équivalent des stèles helléniques en forme de petit temple, ναΐσκος.

[165] Ces coffrets sont extrêmement rares en Gaule, même en Narbonnaise ; et je ne suis même pas sûr que ceux qu'on signale dans les musées (Esp., n° 70, etc.) ne viennent pas de Rome. Ces coffrets étant souvent destinés à des niches de columbaria, l'absence en semble indiquer la rareté, en Gaule, de ce genre de sépulture collective (seule mention importante, à Narbonne, C. I. L., XII, 4449).

[166] Innombrables exemples dans les Trois Gaules (Espérandieu, II et s.). — Il y a des variétés, d'ailleurs très rares, d'édicules circulaires et hexagonaux.

[167] Voyez par exemple à Lyon (Allmer, Musée, II, p. 322). C'est à ce genre sans doute qu'il faut rapporter le monument de Lanuéjols (XIII, 1567, ædes ; Esp., n° 1733) et celui (disparu) du Lingon (XIII, 5708), celui-ci ayant une cella où une niche (exedra) renfermait l'image du défunt, et où la famille se tenait aux banquets d'anniversaires ; un autel (ara) était disposé devant la tombe, comme cela se faisait pour les temples.

[168] Presque toujours carré ; mais on peut trouver aussi la forme ronde.

[169] L'autel parait d'origine plutôt romaine, l'édicule plutôt grecque : mais il ne faudrait point préciser davantage, les deux types se mêlant en Gaule dans toutes les régions, autant que j'ai pu le constater.

[170] Par exemple l'autel de Clarensac, Esp., n° 491 = III, p. 422. Voyez, Esp., .n° 490, l'incorporation de quatre bustes dans le dé de l'autel de Courbessac.

[171] Cf. C. I. L., XII, p. 162. Le plus élégant, le plus orné de figures, dans ce type, est le cippe au char funéraire, de Vaison (Esp., n° 293). — Toutefois, certaines tombes de ce type, surtout chez les Voconces, ont le sommet presque circulaire, formant un arc outrepassé. Il serait possible que ces stèles fussent alors, non pas la copie de cippes terminaux, osais la stylisation grossière et géométrique du corps humain (le sommet arrondi figurant la tête) : le crois qu'on rencontre d'assez nombreuses traces de cette stylisation dans les tombes de l'Espagne romaine (Revue des Études anc., 1910, p. 89, 189 et s.). Et cela nous rapprocherait de l'ancien menhir sculpté. — Je n'ai point voulu donner une place distincte au type de la colonne ou à celui du pilier, très certainement d'origine grecque (encore qu'il puisse faire songer au menhir), parce qu'il ne parait guère répandu en dehors des abords de Marseille et des tout premiers temps (voyez surtout le cimetière celtique de Cavaillon, colonnes à épitaphes gauloises ; Mazauric, Revue des Ét. anc., 1918, p. 243). Peut-être y a-t-il le souvenir du pilier grec dans certains monuments funéraires des environs de Trèves.

[172] La presque totalité des sarcophages de la Gaule appartiennent à ce qu'on appelle le type romain, c'est-à-dire simple caisson dénué à peu près complètement de toute apparence architecturale, le type grec présentant la forme d'une maison nu d'un temple.

[173] Il serait possible que les sarcophages en plomb soient à l'origine la coutume des unis Orientaux installés en Gaule. Mais il semble bien que l'usage s'en soit généralisé au IIIe siècle, encore qu'il ait pu d'abord être adopté par les adeptes des cultes orientaux. Tous ceux que nous avons en Gaule, avec leurs baguettes perlées, leurs petites figures en relief et isolées (lions, dauphins, têtes d'Attis, etc.), ont un air de famille qui ne sent pas le terroir et font songer aux symbolismes orientaux : peut-être sont-ce pour partie des objets d'importation.

[174] Il est possible aussi qu'il y ait un souvenir de menhirs, plutôt que de cabanes, dans les pyramides rustiques dont nous avons parlé. La forme compacte. et allongée des mausolées trévires peut également faire songer à une suite de ces mêmes menhirs. — Remarquez, dans le même sens, la fréquence, sur les épitaphes de la Gaule, des mots memoria, monumentum, qui éveillent l'idée de pierres de souvenir, ce qu'était bien autrefois le menhir, tandis que l'expression classique Diis Manibus (d'ailleurs plus fréquente que l'autre, même en Gaule) fait songer au temple ou à l'autel d'un dieu, forme courante de la tombe. Au surplus, ces deux types de formules se mêlent sans rapport aucun avec ceux des tombes.

[175] Remarquez à ce sujet l'observation de Vitruve, que les habitudes du culte font que la nature des temples varie suivant la divinité destinataire.

[176] Je ne crois pas qu'on puisse ranger ce temple dans la catégorie classique des ædes rotundæ dont parle Vitruve (IV, 8, 1) : on rapprochera plutôt de ce type circulaire classique les chapelles à colonnes et les étages supérieurs des mausolées d'Aix et de Saint-Rémy.

[177] J'ai dit que ce temple devait être celui de la Tutefa urbis. La Tour de Vésone n'est d'ailleurs que la partie centrale d'une vaste enceinte carrée bordée de portiques (Durand, Fouilles de Vésone, C.-r. de 1907, pl. 2). On lui donne 27 m. de hauteur (actuelle) au-dessus du sol antique sur 20 m. 70 de diamètre [20 m. 44, de Fayolle].

[178] De Fontenay, p. 216, donne 23 m. 75 de hauteur, et 16 m. 25 et 16 m. 75 de côté (le carré n'est point parfait). Les ouvertures, à 13 m. 20 de hauteur, sont peu importantes par rapport à la masse de la muraille. L'appellation Temple de Janus n'a aucune importance : on disait autrefois Temple de la Genetoye. — A la même catégorie peut se rattacher la ruine du temple de Corseul.

[179] Ne forçons cependant pas l'opposition avec le temple classique, car celui-ci a aussi son réduit ou sa cella ; mais, à la différence des temples de type celtique, cette cella était au niveau des colonnades extérieures, incorporée avec elles en un même bâtiment, elle ne les dominait pas, elle ne les écrasait pas de sa masse.

[180] Là encore (cf. n. précédente) l'opposition de principe n'est pas absolue avec les pays classiques : qu'on se rappelle la Roma quadrata et la forme des camps.

[181] L'attention sur ces plans carrés en Gaule a été attirée d'abord, à ce que je crois, par de Caumont (Abécédaire, Ère gallo-romaine, 2e éd., 1870, p. 241), citant ceux de Nizy, Drevant, Corseul [en liaison avec la construction octogonale, p. 219, n. 4], Montbouy. En 1892, Babelon signala le double temple carré de Champigny-lès-Langres (Bull. de la Soc. des Antiquaires, 1892, p. 216). C'est en 1902 que je rattachais ce type à la religion celtique (Revue historique, 1902, LXXXI, p. 95 ; Revue des Ét. anc., 1906, p. 342), à l'instigation de Hettner, qui s'était fortement occupé de ces temples, si nombreux dans la région trévire (Korrespondenzblatt de Trèves, XI, 1892, c. 36 ; cf. Bonner Jahrb., LVII, 1876, p. 56 et 9, CXIX, 1910, p. 305 ; Festschrift zur Feier... der Ges. für Nützliche Forschungen, Trèves, 1901). En dernier lieu Cart, à propos de celui de la Grange du Dime à Avenches, dans l'indicateur, n. s., IX, 1907, et p. 295 et s. ; Hettner, notes posthumes parues dans Zum Andenken an Felix Hettner, Trèves, 1911, p. 49 et s. ; etc.

[182] Ac. des Insc., C.-r., 1902, p. 305. De même, les éléments carrés paraissent dominer dans les temples du sanctuaire de Mercure à Berthouville. Enceinte carrée autour de la Tour de Vésone.

[183] Hettner, Korrespondenzblatt de Trèves, XI, 1892, c. 36.

[184] A Herbord, les éléments carrés se rencontrent dans les périboles des temples octogonal et circulaire ; en outre, dans un petit temple carré du voisinage (10 m. 75 et 11 m. 45 ; de La Croix, Mém. arch., p. 54). Et à ce propos, de La Croix rappelle le temple carré de Giat dans le Puy-de-Dôme et deux autres sur les hauteurs de La Roche près de Poitiers, l'un de ceux-ci sans doute consacré à Mercure (cf. C. I. L., XIII, 1125-7).

[185] Cauchemé, Descr. des fouilles... dans la forêt de Compiègne, p. 124-6.

[186] De Vesly, les Fana, p. 150 et s. Autre, à Saint-Aubin-sur-Gaillon, Eure, Bull. arch., 1912, p. 403 ; etc.

[187] Du moins à l'époque historique dont nous nous occupons.

[188] Avec porte au levant.

[189] Cf. la restitution de de Vesly pour le fanum des Buis, Les Fana, pl. 11. Au temple d'Autun, la galerie d'encadrement s'amorçait sur la muraille à 13 mètres de hauteur (on voit encore, à la hauteur de 9 m., les trous où s'engageaient les entraits de la charpente, et, 4 m. plus haut, ceux où aboutissaient les arbalétriers), si bien que la masse carrée de l'édifice dominait de plus de 10 m, la colonnade qui flanquait sa base : cela n'était point très beau.

[190] Même remarque chez de La Croix, à propos du temple octogonal d'Herbord ; Mém. arch., p. 10.

[191] Cf. de Vesly, p. 138.

[192] Cf. Dict. des Ant., I, p. 13 et 903-9.

[193] C. I. L., XII, 3158.

[194] XII, 1845. Même style qu'à la Maison Carrée et à peu près mêmes dimensions, 27 sur 15. Mais il n'y a point de colonnes à la partie postérieure, et le portique est beaucoup plus profond. Chapiteaux corinthiens à acanthes (n. suivante). ]e crois le temple de Livie postérieur d'une génération environ à la Maison Carrée.

[195] Variété de l'acanthe du chapiteau corinthien. On la retrouve, en relief assez peu saillant, au temple de Vienne.

[196] La Maison Carrée appartient au type pseudo-périptère : portique sur six colonnes de façade et trois entrecolonnements à jour sur les côtés, parois de la cella engagées dans sept entrecolonnements sur la suite des côtés et cinq derrière, autrement dit six colonnes sur les petits côtés, onze sur les grands, au total trente colonnes, dont seulement le tiers à l'air libre. Dimensions : 26 m. 40 et 13 m. 55 sur plan, soit la façade moitié moindre que le côté ; 49 pieds de hauteur. L'édifice est élevé sur stylobate, on y accède par douze marches. — Vitruve, qui décrit ce genre d'édifice (IV, 8, 6), explique que l'application des parois de la cella aux entrecolonnements latéraux (parietes ædis applicantes ad intercolumnia) est due à la nécessité d'élargir cette cella (efficiunt amplum laxamentum cellæ), et cela sans doute pour faciliter l'assistance du public aux sacrifices (propter usum sacrificiorum) : ce qui se comprend bien si les temples de Nîmes et de Vienne sont consacrés, comme il parait certain, au culte impérial.

[197] Je n'insiste pas sur les enceintes sacrées ou périboles, dont il ne reste que des débris sculpturaux. Mais, pour bien juger de la physionomie d'un édifice religieux, comme la Maison Carrée, il faut le replacer dans l'ensemble dont il faisait partie. La Maison Carrée (Mazauric, La Civilis. rom. à Nîmes, p. 23) était située au milieu d'une enceinte sacrée entièrement close, formée d'un portique continu : on y pénétrait par une seule porte, en arc de triomphe, situé dans l'axe du temple [à la hauteur de la rue des Flottes]. Les portiques, ouverts à l'intérieur, étaient constitués par des colonnes corinthiennes portant une frise à guirlandes de fruits et de fleurs. Je crois bien que l'usage de ces enceintes était beaucoup plus répandu qu'on ne pense, et aussi fréquent pour les temples à type indigène que pour les temples classiques. A Périgueux, la tour circulaire de Vésone était de même au centre d'un péribole.

[198] Ce qui est bien le propre de cette époque, c'est l'abus, dans les monuments, de membres ou d'éléments inutiles, simple prétexte à décoration : architecture à faux-semblants, dit-on justement : cette architecture dont les membres ne remplissent pas de fonction, ces colonnes qui ne portent rien, ces architraves qui reposant sur les arcs, tout cela est trompeur ; Brutails, Pour comprendre les monuments de la France, 1917, p. 30.

[199] Nous donnons au monument dit le Temple de Diane l'affectation qui parait la plus probable, vu sa situation près de la Fontaine. Mais j'avoue partager à ce sujet les doutes de Mazauric (p. 32) : l'ensemble de ces salles et constructions parait étranger au type des édifices sacrés, et fait songer parfois à l'édifice mystérieux de Cluny à Paris. Rappelons que l'édifice était lié étroitement aux bains ; cf. de Grangent, Durand et Durant, p. 98.

[200] Ce temple me parait un périptère, mais où la colonnade extérieure, à double étage, se serait inspirée des périboles ou portiques et galeries formant l'enceinte des anciens temples.

[201] Esp., n° 1089. Démoli sous Louis XIV.

[202] Au moins à Rome. Mais on trouve aussi, dans ces religions orientales, la tendance contraire.

[203] C'est le type prostyle, plus souvent tétrastyle qu'hexastyle, parfois pseudo-périptère, lequel parait avoir été mis en vogue dans l'Empire par le culte de Jupiter et a dû passer à celui d'Auguste. Je crois d'ailleurs qu'il a pu s'appliquer ensuite à d'autres divinités et que l'architecture religieuse n'a pas pu pratiquer rigoureusement le principe, que chaque dieu a son genre de temple (Vitruve, IV, 8, 6) : Non enim omnibus diis isdem rationibus ædes sunt faciundæ ; quod alius alia varietate sacrorum religionum habet effectus.

[204] Clerc, Le Temple romain du Vernègues, 1908 (Annales de la Faculté des Sciences de Marseille, XVII). Le temple est prostyle tétrastyle.

[205] Le temple circulaire le plus intéressant me parait être à Herbord, au centre de la grande cour, sans trace de cella, par suite monoptère de 7 m. 40 au diamètre intérieur. Un autre a été rencontré, semble-t-il, au port d'Erquy chez les Coriosolites, avoisinant, comme celui d'Herbord, un sanctuaire octogonal.

[206] Le temple octogonal, plus fréquent qu'on ne croit, mais de petites dimensions, se rencontre à Auxerre (Apollon ?), Alésia (avec piscine), à Erquy et Corseul, à Saint-Hévérien dans la Nièvre, dans le Morbihan, à Chassenon, etc. Le plus remarquable de ce type est sans contredit celui d'Herbord près de Sanxay, 8 m. 85 de diamètre intérieur (de La Croix, Mém., p. 7-8) : il est octogonal à l'extérieur et décagonal à l'intérieur, et on peut le supposer surmonté d'une coupole octogonale ; de plus, et ceci est plus singulier encore, il est enchâssé dans une galerie en forme de croix grecque et constituée par 64 colonnes, chacun de ces bras servant de vestibule au temple (on aurait trouvé une disposition semblable à Chassenon). Je ne vois pas encore la possibilité de rattacher cette forme octogonale à un culte déterminé . mais l'Apollon celtique est le moins invraisemblable. — Un type jusqu'ici bien extraordinaire est le temple demi-circulaire de Tintiniac (flanquant le théâtre), avec son pavillon central carré et son double hémicycle, celui-ci avec dix niches circulaires et deux carrées (cf. Forot, Études sur les ruines de Tintignac, Tulle, 1905, p. 41-2). — Le culte de la Mère ne parait pas avoir déterminé d'architecture particulière. — En revanche, les sanctuaires de Mithra, à forme de cryptes avec absides, offrent un ensemble et des détails étrangers à l'art classique (cf. Cumont, Dict. des Antiquités, M, p. 1950 ; Myst., 3e éd., p. 232-3).

[207] Peut-être est-ce le type le plus rare ; on l'a rencontré à Alésia, également avec piscine : est-ce un sanctuaire ? — Je ne sais si le type heptagonal est vraiment certain : Maître le signale cependant à Carentoir en Morbihan.

[208] On pourrait ajouter ici la curie, qui a les mêmes éléments essentiels que la basilique, et dans sa disposition architecturale, et dans sa destination comme lieu d'assemblée, et dans son assimilation à un temple. Elle s'en distinguait, je crois, par plus de simplicité, un bien moindre emploi des colonnades ; et parce qu'elle était, à la différence de la basilique, entièrement close, étant réservée surtout aux réunions privées des conseils municipaux ou autres. — Curies et basiliques étaient en principe placées en bordure sur les forum (Vitruve, V, 2). — Nous n'avons aucune trace appréciable de curies en Gaule (si ce n'est qu'on a pu les confondre avec les basiliques), et, chose à noter, il n'en est pas encore fait mention dans les textes épigraphiques du pays.

[209] On les a assimilés. La basilique de Boutæ (C. I. L., XII, 2533 = Boutæ, p. 18) est consacrée Numinibus Augustorum.

[210] Tout ce qui suit résulte des ruines (hors de Gaule surtout) et des textes, en particulier de celui de Vitruve, V, 1, 4 : Ut per hiemem sine molestia tempestatium se conferre in eas negotiatores possint, etc.

[211] C'est la présence de cet étage qui explique qu'on ait célébré la hauteur des basiliques (à Trèves, sedem justitiæ in tantam atlitudinem, Pan., VII [VI], 22) ; si du moins il s'agit de la basilique et non d'un prétoire ou consistoire.

[212] J'entends de ruines visibles, de pans de murailles debout.

[213] Voyez en particulier la basilique de Trèves (cf. von Behr, Die Rœm. Baudenkmäler in und um Trier, 1909, p. 56 et s., extrait des Trierer Jahresberichte de 1908).

[214] Il n'y en eut pas seulement dans les métropoles de cités, mais dans les simples vici (XII, 2332, 2533 = Boutæ, p. 18). Les ruines des basiliques en Gaule sont toutes réduites à des débris arrosés (Alésia, l'édifice à trois absides ; Périgueux ; Tintiniac, à forme très curieuse ; etc.). — Il y eut des basiliques attenant et liées à des thermes (XII, 4342), à des théâtres, à des temples (XIII, 950-4), ce qui en faisait de véritables promenoirs ; cf. Jules Formigé, Bull. de la Soc. des Antiquaires, 24 mai 1910.

[215] Hist. Aug., Hadr., 12, 2 : In honorem Plotinæ basilicam opere mirabili ; Dion, LXIX, 10 ; C. I. L., XII, 3070, autel élevé à Nîmes par l'entrepreneur de la basilique, T. Flavius Hermes, exactor operis basilicæ marmorari et lapidari. Sur l'emplacement du Palais de Justice ? Basin, p. 108.

[216] En dernier lieu, J. Formigé, Remarques diverses sur les théâtres romains à propos de ceux d'Arles et d'Orange (Mém. prés. par divers savants à l'Acad. des Inscr., XIII), 1914 ; cf. Navarre, Revue des Ét. anc., 1915, p. 150-4. — Sur la multiplicité des théâtres en Gaule, p. 154-5.

[217] On distinguait deux types de théâtres, le type romain et le type grec (Vitruve, V, 6 et 7). Dans le type romain, l'orchestre (et par suite le corps des gradins, cavea) est demi-circulaire, partant plus près de la scène ; dans le type grec, il se rapproche du cercle (en arc outrepassé), ou son demi-cercle se prolonge (en fer à cheval) par des tangentes : ce qui lui donne beaucoup plus de profondeur et permet d'y faire évoluer une partie des acteurs. En outre, dans le théâtre grec, la scène (proscænium) est beaucoup plus haute (dix à douze pieds au lieu de quatre à cinq) que dans le théâtre romain, mais, dans celui-ci, elle est beaucoup plus large, moins isolée, reliée aux gradins par des sortes de loges ; la cavea grecque comporte sept travées de gradins, la cavea romaine, seulement six ; les corridors qui longent la scène et mènent à l'orchestre sont voûtés à Rome et libres en Grèce ; le théâtre grec est adossé à une colline, le théâtre romain est d'ordinaire en terrain plat. Dans l'ensemble, les théâtres de la Gaule se conforment tantôt au type romain (Orange, Arles, Fréjus, Antibes, Vaison, Autan, Boutai, Paris ?, Barthouville, etc.), tantôt, peut-être moins souvent et surtout dans les régions celtiques, au type grec (Nîmes, Évreux, Drevant, Alésia, Champlieu, etc.). Mais il ne faudrait pas établir une opposition absolue entre les deux types, et il y eut de nombreux intermédiaires. En outre, il y eut de nombreux intermédiaires, au moins dans les Trois Gaules, entre le théâtre et l'amphithéâtre. Aux Arènes de Paris, en direction du grand axe, un terre-plein, à la hauteur des gradins, formait scène face à la cavea, réduite par là de moitié. De même, à Cheneviéres, autour d'une arène en ellipse, genre amphithéâtre, il n'y a, semble-t-il, de gradins qu'en direction du grand axe, ce qui est à vrai dire un théâtre formé par une moitié d'amphithéâtre (on a supposé qu'il y avait des parties manquantes et qu'elles étaient en bois). A Lillebonne, à Chassenon, l'orchestre du théâtre, qui forme trois quarts de cercle, pouvait être transformé en arène d'amphithéâtre. A Sanxay, le cercle de l'orchestre est presque complet. Etc. A Augst, le théâtre, dans une première transformation, a eu son orchestre en forme d'arène d'amphithéâtre. Il est possible que cette transition du théâtre à l'amphithéâtre ait été facilitée, dans ces régions, par' certaines adaptations du théâtre de type grec. — Cette préoccupation, d'adapter le théâtre au dispositif de l'amphithéâtre, est d'ailleurs ancienne, et vient de Rome même ; voyez Curion, au temps de César, construisant (en bois) deux théâtres se faisant face dont on formait cornibus in se cocuntibus amphitheatrum (Pline, XXXVI, 117).

[218] Le premier cas se rencontrait, je suppose, à l'extérieur (aujourd'hui détruit) de la cavea du théâtre d'Orange ; le second à la façade de ce même théâtre, car il faut, devant le mur aujourd'hui visible, restituer le portique.

[219] A Nîmes, le rez-de-chaussée présente des pilastres, le premier étage des colonnes engagées, les uns et les autres en dorique romain ou toscan. A Arles, au rez-de-chaussée, colonnes d'ordre dorique ; corinthien au premier étage.

[220] Le caractère industriel était plus visible encore dans les cirques, d'où l'art monumental était Presque complètement exclu. Mais il n'y a pas à en parler ici : car les cirques étaient peu nombreux en Gaule, le plus souvent en bois, et ils n'ont absolument rien laissé comme ruines (sauf l'obélisque central de la spina à Vienne, le monument dit l'Aiguille).

[221] Pour les thermes de chefs-lieux de cités, voyez les ruines de ceux de Fréjus, Trèves, Saintes, Arles (Palais de la Trouille). Pour les thermes ruraux, ceux de Badenweiler et de Champlieu. Je rappelle qu'il y en avait dans les vici, les lieux de pèlerinage, les villas. — Pfretzschmer, Die Grundrissentwicklung der R. Thermen, Strasbourg, 1909 (superficiel).

[222] La grande salle de Cluny à Paris, s'il s'agit de thermes pour l'ensemble de l'édifice : en tout cas, il y a des éléments balnéaires dans cette salle, la piscine et des trous pour tuyaux d'eau.

[223] Jusqu'à quel point l'extérieur pouvait être sacrifié dans ces sortes de constructions, c'est ce que montrent les thermes de Caracalla à Rome, qui sont peut-être le chef-d'œuvre de la technique architecturale italienne, et dont la façade, sous forme de colonnade, ne fut complétée que par ses successeurs (porticus defuerant, quæ postea, etc., H. Aug., Hel., 17).

[224] Y compris les basiliques.

[225] Y compris les villas.

[226] Tout ce que nous venons de dire des thermes convient, sans restriction aucune, à quelques édifices énigmatiques, où d'ailleurs on a voulu également voir des thermes (et la concordance architecturale d'ensemble que nous venons d'établir est un argument très fort en faveur de cette opinion, à laquelle nous n'osons encore nous rallier) : je pense au soi-disant Palais Impérial de Trèves et aux soi-disant Thermes de Cluny à Paris, et, dernier édifice contemporain, je crois, d'Hadrien, en tout cas de la période entre Domitien et Marc-Aurèle. Qu'il y ait eu dans ces constructions des éléments balnéaires, cela est certain : mais leur destination générale ne parait pas encore être fixée. On doit peut-être rapprocher de ces deux édifices le Temple de Diane à Nîmes, l'édifice (où il semble qu'une très grande salle ait renfermé une petite piscine) avoisinant la Porte Dorée de Fréjus.

[227] L'arc d'Orange (une grande porte flanquée de deux plus basses et plus étroites) est le plus ancien de la Gaule (Auguste ou début de Tibère) et peut-être le plus beau de l'Empire. A Reims, les trois portes sont presque de même hauteur, la porte centrale est plus large : je doute qu'il soit antérieur à Hadrien, et peut-être à Septime Sévère. L'arc de Germanicus à Saintes a deux arcades égales. Ailleurs, il n'y a qu'une seule arche.

[228] A Orange, l'entablement est à triple étage et triple corniche (plus de 10 m.), et il est plus haut que la grande arche (8 m. 50), et sans jour et sans découpure.

[229] C'est la même préoccupation que pour les mausolées, mettre le plus de figures possible.

[230] Voyez le mot de Brutails, Pour comprendre les monuments de la France, 1917, p. 30.

[231] Outre les tours de villes, il faut rappeler les tours à feu, comme le phare de Boulogne ou à trophées, comme celle de La Turbie. La présence à Boulogne d'éléments octogonaux et d'étages à retraits successifs fait songer à une imitation du phare d'Alexandrie. On donnait 200 pieds à la tour de Boulogne ; on en suppose plus de 150 à celle de La Turbie (40 m. 10 ; un premier étage carré, un second de même, un troisième circulaire à colonnades, une pyramide au-dessus, surmontée d'une statue ; J.-C. Formigé, Ac. des Inscr., C. r., 1910, p. 70 et a.). — Je n'insiste pas non plus sur les bâtisses militaires ou maritimes dans le genre des arsenaux ou citadelles qui flanquent les remparts et le port de Fréjus.

[232] Porte Noire à Trèves (sur la route de Mayence) : deux portes égales, l'une et l'autre à deux compartiments, l'un sur le dehors, l'autre sur la ville, séparés par une cour de défense ; les ouvertures et cours, flanquées de deux tours énormes, véritables donjons, demi-circulaires à l'extérieur et carrées à l'intérieur ; au-dessus des portes, deux étages superposée de galeries ; trois étages à l'une des tours, deux à l'autre [incomplète ?]. Sans doute du IIIe siècle. — Mais la Porte Noire est beaucoup plus sérieuse comme ouvrage de défense militaire que les portes du temps d'Auguste.

[233] Porte d'Auguste (route de Rome) : deux grandes arche% égales, deux petites portes latérales, deux tours demi-circulaires à l'extérieur [aujourd'hui disparues]. — Porte dite de France (route d'Espagne) : une seule arche, flanquée de deux tours demi-circulaires.

[234] Je songe aux tours circulaires du Palais [aujourd'hui disparues], réunies sans doute par un mur en hémicycle qui renfermait les arches d'entrée de la route de Rome ; cf. Clerc, Aquæ Sextiæ, p. 420 et s. Mais j'hésite encore, devant ces dessins de tours absolument rondes, à deux étages, à ne pas y voir des mausolées, qu'on a pu du reste greffer sur la muraille de la porte. — La Porte des Gaules, à Fréjus, qui rappelle ce dispositif en hémicycle, prête matière de même à bien des discussions (Aubenas, p. 370-381).

[235] Porte d'Arroux (route de Gaule et de Bretagne) : même disposition que pour la Porte d'Auguste à Nîmes, mais l'ensemble montre, au-dessus des portes, une galerie de dix arcades. — Porte Saint-André (route de Germanie) : disposition assez semblable, si ce n'est que les parties latérales, renfermant les deux petites portes, forment une saillie rectangulaire. — La porte nord de Cologne (fin du premier siècle ?) se composait d'une grande porte et de deux petites, entre deux tours carrées engagées dans la muraille. — On voit par ces exemples l'extraordinaire variété de ce genre de constructions ; cf. Schultze, Bonner Jahrbücher, CXVIII, 1909, Die Rœm. Stadttore (incomplet et arbitraire).

[236] J'ai fait des réserves sur leur valeur militaire.

[237] Le cintre est étranger aux temples classiques de 1a première époque, encore inspirés des pratiques grecques de la construction en plate-bande. Mais on le trouve dans les galeries du premier étage des Piliers de Tutelle à Bordeaux, et dans les voûtes du temple de la Fontaine à Nîmes.

[238] Malgré les mérites exceptionnels du livre (Choisy, Hist. de l'architecture, I, 1899, p. 609), j'ai dû me séparer, au point de vue des monuments gallo-romains, de Choisy, qui a cru reconnaître une école des Gaules, substituant les élégances à la solennité romaine.

[239] Cf. Courajod, Leçons du Louvre, I, p. 12 [1890].

[240] Esp., n° 1091, 303, 513, 517, etc. : encore, dans ce cas de la roue, l'action de l'art figuré est très visible. — Une combinaison des deux symboles paraît se trouver dans un autel aquitain (Esp., n° 803), où les rais et le cercle d'une roue semblent faits à l'aide de maillets réunis par les extrémités des manches.

[241] Esp., n° 497 ; Reinach, Bronzes, p. 175.

[242] Esp., n° 1001 (très curieux autel).

[243] Esp., n° 440, 511.

[244] Esp., n° 863.

[245] Reinach, Bronzes, p. 33. — Les sarcophages ornés de cannelures sinueuses dites strigiles, n'ont, je suppose, aucun rapport avec la spirale archaïque.

[246] On pourrait compléter cet alphabet avec la croix (par exemple sur les vêtements du dieu au maillet, Reinach, Bronzes, p. 142-3, 184), d'innombrables variétés de cercles (id., p. 143, 150, 154 ; Blanchet, Figurines, planches ; Esp., n° 882-3 ; etc.), et, je crois, les fameuses lettres mystérieuses AL (AL Celtarum. Ausone, Technop., 13, 5-6), qui doivent représenter le triangle et l'équerre des maçons et charpentiers sculptés sur les monuments funéraires (cf. L sur un bronze de dieu gaulois, Reinach, Bronzes, p. 142).

[247] Voyez à l'arcade du théâtre d'Arles, Esp., n° 208.

[248] Voyez surtout, à Nîmes, la frise aux aigles tenant des guirlandes de feuilles de laurier (Espérandieu, n° 450-2), la plus belle chose de ce genre en Gaule (Auguste ?). Le motif en lui-même est banal dans l'Empire.

[249] Dès le temps d'Auguste ; voyez le couronnement du mausolée des Jules. Se trouvent au couronnement des mausolées et au couvercle des sarcophages.

[250] En particulier le bouclier des Amazones en forme de croissant, pelta, si fréquemment employé dans nos monuments comme motif de décoration qu'on a cru, je crois à tort, qu'il rappelait quelque tradition indigène.

[251] Les monuments les plus remarquables de l'art décoratif dans la Gaule romaine sont les autels du théâtre d'Arles (Esp., n° 139-140), deux à couronnes de feuilles de chêne, un à guirlande de feuilles de laurier tenues par des cygnes. — L'autel (funéraire) le plus orné de la Gaule, véritablement un assemblage de tous les motifs possibles de décors classiques, est la tombe d'un chevalier nîmois à Clarensac (Esp., n° 491 = III, p. 422). Voyez aussi deux autels de Vaison, n° 290, 293.

[252] Elle apparaît assez souvent sur les monuments votifs ou triomphaux, et en ce cas ce peut être un trophée germanique (Esp., n° 24, 200, 431, 691, 701, 723, etc.). Il est d'ailleurs fort possible que l'on s'en soit encore servi dans les corps auxiliaires d'origine gauloise, et qu'elles aient aussi été représentées à ce titre dans ces monuments.

[253] En admettant que la crotta Britanna (Fortunat, VII, 8, 64) dérive de la lyre des bardes. A côté, les Barbares (les Germains ?) avaient encore la forme de harpe (barbarus harpa, Fortunat, VII, 8, 63).

[254] Tuba, forme allongée ; Esp., n° 46, 532, 697, 835, 1294. Elle devait sans doute servir aussi à des usages cultuels ; voyez la tuba, à forme classique, du trésor de Neuvy, longue de 1 m. 44 (Reinach, Br., p. 259-260).

[255] Esp., n° 1107, 3465.

[256] Apparait surtout dans les images d'Apollon. Dans le culte de la Mère, Esp., n° 181.

[257] Orgue hydraulique, n° 180-1, 1877 ? ; C. I. L., XII, 722 (fabricant d'orgues hydrauliques).

[258] Pro Alesia, 1907, p. 161 et s. (Théod. Reinach). — La flûte de Pan ou syringe, syrinx, était peut-être l'instrument le plus populaire de la Gaule, si on en juge par ses figurations sur les monuments funéraires (Esp., n° 2419, 4306, 4372, etc.) ; peut-être était-elle en usage dans les cérémonies funèbres. Et elle a dû être connue des Gaulois, sous sa forme élémentaire, bien avant la conquête. Elle est aux mains du dieu au maillet, n° 301. — On la retrouve, comme toutes les musiques possibles, dans le culte de la Mère ; Esp., n° 82, 181, 1267, 4303.

[259] A voir la multiplicité des instruments figurés dans les monuments de la Mère, on peut supposer qu'il s'était constitué, pour desservir son culte, de véritables orchestres. Le tibicen (XII, 1782 ; XIII, 1752-4) y est un très grand personnage.

[260] Crotala ; Esp., n° 1267, 82.

[261] Esp., n° 181. — Voyez le curieux sistre de Berthouville (Babelon, p. 150).

[262] Esp., n° 244.

[263] Cymbala. Difficiles sur les monuments à distinguer des castagnettes.

[264] Esp., n° 1874-6, 4855.

[265] Hypothétique pour la Gaule, mais probable d'après les monuments funéraires de musiciens cités ici, n. précédente. Cf. symphoniacus sacrorum à Nîmes, XII, 3348.