HISTOIRE DE LA GAULE

TOME V. — LA CIVILISATION GALLO-ROMAINE. - ÉTAT MATÉRIEL.

CHAPITRE VI. — LA FABRICATION[1].

 

 

I. — LA CONSTRUCTION EN PIERRE[2].

Entre les innombrables industries qui prospéraient alors dans les Gaules, la plus active était celle du bâtiment[3], et c’était également la plus récente, ou, du moins, celle que les Romains avaient le plus complètement transformée.

On a pu pressentir ce fait en constatant le grand nombre de carrières qui furent ouvertes sur le sol gaulois et que les temps antérieurs n’avaient presque pas effleurées. Toutes ont dû livrer des milliers de tonnes de matériaux, toutes étaient de très bonne pierre, et les entrepreneurs y surent trouver pour chaque emploi le gisement ou le banc qui convenait. Nous n’aurons jamais mieux, pour le pavé des rues, que la lave ou le porphyre de l’Estérel[4], ni, pour la façade des grands édifices, que le calcaire de Saintonge, et les Gallo-romains le savaient aussi bien que nous[5]. On dirait même qu’ils ont évité, dans le choix des matériaux, ces écoles ou ces méprises qui ne sont pas épargnées aux constructeurs d’aujourd’hui. Du premier coup, ceux d’autrefois s’arrêtaient où il fallait[6]. Et ce flair, cette sorte d’instinct, ou, si fou veut, cette sûreté d’expérience dans la découverte et le choix de la matière première, est un des traits dominants de l’industrie romaine. Elle fut, au moins à son origine, entre les mains de techniciens admirables.

Sur l’extraction des blocs[7], leur transport et leur débitage[8], nous n’avons aucun renseignement particulier à la Gaule. Mais il suffit de voir, sur les façades de nos édifices romains, la grandeur de certains blocs aux Arènes de Nîmes la régularité des milliers de cubes de pierre dont sont faites les murailles de Fréjus[9], et, partout, la rectitude des lignes, la netteté des arêtes et des angles, le poli des surfaces, le resserrement des joints[10], pour constater l’extrême habileté du travail chez les tailleurs de pierre de ce temps. Je ne sais s’ils allaient vite en besogne et si la discipline des journées était rude. Mais, contrainte ou volontaire, la dignité professionnelle, l’aspiration à la, tâche bien faite fut la loi chez les ouvriers du bâtiment : et c’est là une autre qualité que nous aurons souvent à signaler dans l’industrie romaine[11].

Pour monter et appareiller les pierres, on se servait, comme aujourd’hui, de crics ou de treuils[12] et d’échafaudages[13]. Le détail nous échappe, mais le résultat est encore visible, au Pont-du-Gard et ailleurs. C’est, en tant qu’ajustage, un merveilleux travail. Les joints sont si adhérents que, le temps aidant, certains blocs appareillés paraissent former une seule masse[14]. Nulle part la solidité n’excluait une certaine recherche esthétique. Le plus souvent, les joints verticaux formés par les arêtes se succédaient à assise passée : je veux dire que les arêtes verticales d’un bloc de pierre arrivaient au milieu des arêtes horizontales des blocs qu’ils soutenaient[15]

Cette parfaite symétrie, qui donnait aux plus rudes murailles l’aspect d’un élégant damier, demeura si impérieuse pour les architectes romains qu’ils hésitèrent toujours à y renoncer. Dans les constructions en pierres de taille, de gros ou de moyen appareil[16], il fut évidemment difficile de l’observer absolument : elle en disparaissait souvent, et je doute qu’on l’y rencontre après le premier siècle[17]. Mais elle se maintint pour les bâtisses maçonnées en petit appareil[18] jusqu’à la veille des invasions[19] ; et dans les campagnes mêmes, on peut constater, sur les mitrailles romaines, les efforts gauches et naïfs faits par les maçons de village pour assurer la disposition harmonieuse de leurs assises de pierres[20]. — Il y avait en cela une sorte de superstition d’artisan qui, par pouvait venir de l’ouvrier grec, si passionné pour le dessin élégant de ses œuvres[21]. Mais rappelons-nous aussi que les Gaulois n’étaient pas de purs manœuvres, et que, sur les remparts de pierre et de bois qui marquèrent leurs débuts dans l’industrie du bâtiment. ils ont également dessiné des façades agréables à voir[22].

Comme éléments des grandes constructions, je n’en rencontre aucun qui paraisse propre à la Gaule. Arc cintré ou porte à linteau pour les ouvertures de façades, plafond charpenté ou voûté pour les couvertures de salles[23], fronton et toits en arête pour les couronnements d’édifices[24] : — le corps du bâtiment s’inspira de Rome ou, par son intermédiaire, d’ateliers helléniques[25]. Et je ne saisis pas davantage une influence indigène dans les annexes de l’œuvre principal. Cloisons de maçonnerie, de briques ou de bois, plafonds de briques ou de Foutres, escaliers droits, tournants, à paliers ou à vis[26], chauffage central par calorifère et double plancher ou double muraille[27], caves voûtées[28], portes et fenêtres, se retrouvent, et partout pareils, dans l’Empire romain en son entier. Parler longuement de ces procédés de bâtisse, ce serait faire l’histoire du inonde antique et non celle de la Gaule. Peut-être le détail le plus original dans une bâtisse gallo-romaine, le seul qui remontât à la grande ferme celtique des vieux temps, était-il l’énorme cheminée qui tenait le fond des chambres, avec son conduit montant jusqu’au faite de la maison[29]. A part cela — et encore, sur ce point, on peut douter[30] —, la Gaule n’a pas bâti autrement que le reste de l’Empire[31].

Elle n’a pas, non plus, bâti plus timidement. Ni l’ampleur des voûtes n’a effrayé ses architectes dans la grande salle de Cluny à Paris[32], ni la hauteur des murailles aux Arènes de Nîmes[33] ou au phare de Boulogne[34], ni la longueur des arcades à l’aqueduc de Metz[35], ni la combinaison de toutes ces hardiesses au Pont-du-Gard, long de deux cent soixante-neuf mètres[36], haut de près de cinquante[37], et dont les voûtes d’arcade s’élèvent parfois, sur un écartement de près de vingt-cinq mètres, à plus de vingt mètres sur la route[38]. Il n’est aucun des progrès réalisés hors de Gaule par l’art du constructeur[39], qui n’ait aussitôt cherché son emploi au delà des Alpes, et on n’y fit jamais autre chose, en ce domaine, que suivre fidèlement des leçons gréco-romaines.

 

II. — MAÇONNERIE[40] ET ANNEXES DU BÂTIMENT.

Pour achever un bâtiment de pierre, il fallait bien d’autres corps de métiers que les charpentiers de ses échafaudages, les monteurs et les ajusteurs de son gros œuvre. Il fallait les cimentiers pour assurer la cohésion des moindres matériaux[41], les stucateurs pour décorer les parois intérieures, les couvreurs pour installer la toiture. Dans ces différents ordres de travail, la perfection fut presque atteinte.

Le ciment ou plutôt le mortier, dont la formule fut importée d’Italie[42], était devenu, sous la main des maçons du Midi, une chose extraordinaire[43]. On l’a souvent analysé, et on n’y a jamais trouvé d’élément bien original : de la chaux, du sable, du poussier de tuileaux[44], rien qui nous empêche d’en préparer de pareil. Et cependant, quoi qu’on ait dit[45], il nous serait difficile de produire un pareil ciment, compact, prenant, imperméable, résistant à l’écrasement[46], que le temps durcit toujours[47] et soude davantage aux pierres qu’il relie. Cela finit, pierres et ciment, par former un même bloc, un vrai rocher, si bien que pendant le Moyen Age les habitants de nos villes avaient pu se tailler des demeures et bâtir des escaliers à l’intérieur des maçonneries romaines, ainsi qu’ils l’eussent fait dans le flanc d’une colline[48]. Comparez à cet égard la ruine maçonnée des temps voisins de nous et celle de l’ère des Antonins : celle-là s’effrite et se disloque, celle-ci se consolide souvent, comme pour s’incorporer au sol. Le cimentier italien avait peut-être une formule qui nous échappe[49], et très certainement un tour de main, des habitudes, une patience et une conscience professionnelles que nous ne retrouvons plus[50].

Les stucateurs[51] étaient, par rapport aux marbriers, les décorateurs des murs à meilleur compte[52]. Eux aussi ont reçu d’Italie leurs pratiques de métier. Ce qu’ils ont fait nous frappe assez peu aujourd’hui, parce que la trace en a disparu avec les pièces intérieures des édifices. Pourtant, chez eux aussi, la besogne était bien faite[53]. Ces enduits, d’ordinaire épais d’un à deux pouces, consistant en de bon mortier et une forte couche de chaux très fine et de poussière de marbre, tenaient très solidement aux murailles, grâce aux clous à larges têtes qui en reliaient et fixaient les éléments ; et quand les murailles se sont écroulées, d’énormes morceaux de stucs sont restés adhérents aux ruines gisant à terre ; encore intacts dans leur épaisseur : rien de pareil au plâtre de nos plafonds, qui s’écaille si vite et tombe si aisément. A leur surface, les enduits, aplanis et lissés, étaient préparés pour recevoir, s’il y avait lieu, les moulures ou les peintures nécessaires à la décoration intérieure des chambres et des salles[54].

Les marbriers[55] étaient surtout chargés du revêtement ou de l’ornement des bâtiments publics et des plus riches demeures. Il y en eut beaucoup dans les Gaules, car elles firent une effrayante consommation de marbres, copiant en cela tout l’Empire, esclaves comme lui de l’exemple hellénique. Aucune retenue ne fut gardée dans les monuments municipaux[56] : quand on construisit la basilique de Nîmes, l’entreprise des marbres eut autant d’importance que celle des pierres[57] ; dans les ruines de Trèves, on a signalé la présence de quarante espèces différentes[58]. Les particuliers se laissaient gagner par la folie : une villa quelque peu élégante demandait ses marbres à l’Italie, à la Grèce, à l’Égypte, à l’Afrique, aussi bien qu’aux Pyrénées ou aux Alpes[59] ; le luxe consistait autant dans la variété que dans l’abondance. — Ces marbres de revêtement (je ne parle pas des morceaux formant colonnes) étaient débités en plaques épaisses de près d’un pouce[60], que de larges clous insérés par le revers fixaient à l’extérieur des murailles. Injures du temps et dévastations des hommes ont fait disparaître ces plaques d’ornement, arrachées aux murs ou aux ruines : il faut que notre pensée se détache de la grisaille monotone de ces ruines, qu’elle rende aux édifices anciens leur parement de marbre[61], pour que nous comprenions l’éclat primitif des façades, leurs couleurs et leurs reflets.

C’est une même variété dans les pavements que sur les murailles. En sous-sol d’une maison, il y a d’abord l’aire de ciment, inévitable partout, formant roc, qui faisait ressembler le sol d’une demeure à celui d’une rue[62]. Au-dessus, dans les pièces sans apprêt, voici le pavage en briques, posées de champ, arrangées en épis ou en rectangles, ou encore le pavage en ardoise, en schiste, en grès, en calcaire[63] ; dans les pièces d’apparat, voici l’enduit paré de peinture[64], le revêtement de marbre[65], et le plus souvent la mosaïque multicolore, où le verre, la pierre et le marbre s’entrecroisent en mille cubes de teintes diverses pour multiplier dans les demeures la poésie de l’image et la gaieté des coloris[66].

Les couvertures, elles aussi, présentaient une diversité infinie, suivant la richesse et la grandeur de l’édifice. On peut retrouver la gradation : le chaume, dont l’usage se conservait même dans les plus belles villes du Midi, telles que Marseille ; la brique rouge, qui fournissait des ornements faîtiers d’une certaine élégance[67] ; les plaques d’ardoise noire ou de pierre blanche, fréquentes surtout dans le Nord ; et les tuiles de Métal, en plomb[68], en bronze, même en bronze doré, qui faisaient scintiller mille feux aux toits des grands sanctuaires[69]. Vue d’en haut, une cité romaine, avec ses toitures bigarrées, n’était pas moins pittoresque que sur les lignes de ses façades.

 

III. — CHARPENTERIE.

Charpente, construction et maçonnerie étaient inséparables autrefois comme aujourd’hui. Pour dresser ces murailles de pierre ou de mortier, il fallait les diriger à l’aide d’échafaudages faits de mâts, de supports, de poutres, de poutrelles et de planches[70]. Pour assurer à ces lignes de blocs, de briques ou de béton la concavité régulière d’une voûte surplombante, il fallait les asseoir sur le plancher bombé d’un berceau de charpente[71].

consistant en fresques à dessins géométriques rouges, bleus, verts, jaunes, blancs, ornés de petits coquillages incrustés dans le ciment ; l’ensemble est d’un effet très criard et très bigarré ; voyez images et restitutions, chez Miln, Fouilles faites à Carnac, 1877, p. 115 et s. Le fait n’est point d’ailleurs unique. Toits[72], plafonds et planchers[73], parois[74], linteaux et chambranles[75], à chaque instant la pierre ou le ciment s’étayait sur le bois ou servait à le porter. Une solidarité constante unissait ces deux matières[76] : le monde romain n’avait pu rompre avec les temps anciens, où Celtes et Ligures mettaient la charpente au premier rang dans l’art de bâtir. Sans doute le charpentier n’est plus maintenant, dans ces grands édifices dont nous venons de parler, que l’auxiliaire du maçon ou de l’appareilleur. Mais il y conservait encore de beaux vestiges de son antique prééminence.

Ni en ville ni à la campagne on ne renonça aux maisons de bois. Ne nous laissons pas induire en erreur par les ruines des bâtiments de pierre, auxquelles leurs matériaux ont assuré une sorte d’éternité. Il se dressa en Gaule tout autant de constructions en charpente. Telles étaient la plupart des fermes, les granges, les écuries, les étables et, autres dépendances de la vie rurale[77]. Pierre et mortier n’avaient pas pris la souveraineté exclusive que notre siècle tend à leur donner.

Ces bâtisses communes n’étaient d’ailleurs pour le charpentier que de la besogne courante et facile. Mais on lui demanda aussi, du moins dans les premiers temps de l’Empire, des entreprises tout autrement vastes et compliquées. Les amphithéâtres et les théâtres les plus anciens de la Gaule furent d’immenses estrades de bois, et pendant trois ou quatre générations beaucoup de cités celtiques s’en contentèrent[78]. Pour les cirques mêmes, on ne paraît jamais avoir renoncé à des dispositifs de ce genre[79]. Or, de tels échafaudages devaient porter des multitudes, dix mille hommes et davantage, agités, désordonnés, trépidants et trépignant comme il arrive aux heures de spectacles. Pour éviter toute crainte d’effondrement, on devine l’extrême habileté qu’il fallait aux entrepreneurs chargés de dresser, arc-bouter et planchéier ces colossales charpentes.

Il est vrai que les Gaulois n’avaient pas été des charpentiers maladroits ; il est tout aussi vrai que les Romains étaient en cette matière des ouvriers incomparables, et qui ne seront point égalés : rappelons-nous ce que César leur a fait faire entre les deux rives du Rhin. Ces qualités des maîtres et des indigènes se trouvèrent concerter pour valoir à la charpenterie les plus beaux temps qu’elle ait connus en France. — Il est du reste possible que, dès la fin du premier siècle, ses efforts aient été enrayés dans le bâtiment par la concurrence heureuse des carriers et des cimentiers, et qu’elle n’ait pu garder l’empire qu’en architecture navale.

La Gaule, comme autrefois[80], avait ses ateliers de constructions navales. Seulement, ils s’étaient déplacés.

Sur la Méditerranée, les plus importants étaient ceux d’Arles[81], qui dataient des temps où César déclara la guerre à Marseille[82] ; d’autres sans doute s’étaient installés à Narbonne[83], à Lyon[84] et à Fréjus. L’Océan était desservi par les chantiers de Nantes, eux aussi héritiers de ceux que César avait organisés sur la Loire pour ruiner la marine des Vénètes[85] ; Boulogne[86] avait également les siens, et peut-être aussi Bordeaux[87] et Paris[88]. — Mais, tout compris, le travail qu’on y faisait n’était point comparable à celui qu’avaient provoqué, sur l’une et l’autre mer, la domination de Marseille et l’empire des Vénètes. Arles et Nantes avaient supplanté les vieilles marines sans pouvoir les égaler.

Il est probable qu’à Fréjus et à Boulogne on construisait surtout des trirèmes de guerre, suivant le type léger et rapide en usage alors dans la marine romaine[89]. Ailleurs on mettait sur chantier, outre les barques, des vaisseaux de commerce ou de transport, gros, lourds et lents. Je ne sais si l’armement gaulois n’a pas adopté en partie les modèles classiques du monde méditerranéen. Mais il est en tout cas demeuré fidèle au vieux type de navire indigène qu’on appelait ponton, ponto, et qui devait être un navire de charge pour la mer et les grandes rivières, à fond massif, à coque large et ramassée : et ce type, sans grands changements, est arrivé jusqu’à nous par nos gabares de Gironde[90].

Grâce à la tonnellerie[91], les charpentiers de Gaule reprenaient avantage dans la vie industrielle de l’Empire. Cette fois, nous sommes en présence d’une fabrication originaire du pays et qui y fixa ses habitudes. Foudres, tonneaux, barriques et tonnelets[92], étaient dans la contrée, bien avant César, nécessaires à la manipulation du vin, de la bière et du cidre[93]. Avec les progrès du vignoble, la tonnellerie se développa partout. D’habiles ouvriers y apportèrent d’utiles perfectionnements : ils reconnurent l’excellence du châtaignier pour les douves[94] et du bouleau pour les cercles[95]. Les bas-reliefs funéraires nous montrent parfois ces ouvriers, leurs instruments et leurs futailles : un maître de chai d’aujourd’hui y reconnaîtrait ses outils et ses pratiques[96]. Ses principes une fois établis, la tonnellerie fut un des corps de métiers qui prit et garda le plus de traditions[97].

Les moins heureuses alors, parmi les industries de la charpente, furent celles qui s’occupent de l’aménagement intérieur des maisons et des édifices, autrement dit de la boiserie et de la parqueterie. Un Romain n’aimait guère ces pans de bois, ces placages à teinte sombre ou monotone[98] que nous recherchons aujourd’hui pour les parements ou les planchers à l’intérieur des demeures, et dont nos bâtiments publics ont fait, dans ces dernières années, un si lamentable abus. Il préférait les couleurs claires et variées des stucs, des peintures, des marbres et des mosaïques. Et le Gaulois ne demandait pas mieux que de le suivre dans son goût.

 

IV. — MENUISERIE.

De tous les problèmes que suggère l’industrie gallo-romaine, le plus embarrassant est celui de la menuiserie fine ou, comme nous disons de nos jours, de l’ébénisterie. En matière d’ameublement, presque tout était à faire chez les Gaulois : un grand coffre, de beaux tapis, de bons matelas, quelques sièges rudimentaires, voilà tout le mobilier que les Anciens avaient remarqué dans les demeures des plus riches[99] ; elles ressemblaient bien plus à quelque sérail d’Orient qu’il la maison romaine, toute pleine de meubles variés. Qu’advint-il après la conquête ? la Gaule conserva-t-elle ses habitudes ? ou réussit-elle à créer à sou usage un mobilier de style original, approprié à ses traditions et à son climat ? ou se laissa-t-elle envahir par les placiers d’Italie, comme l’Algérie l’a été par les modèles courants des ébénistes du faubourg Saint-Antoine ?

Il nie semble par malheur que, de ces trois solutions, la moins hasardée est la dernière, la plus défavorable au maintien des traditions nationales. La maison gauloise s’ouvrit largement aux meubles du Midi, et quand ils n’arrivèrent point tout faits des ateliers de Rome, ils furent copiés sur les types- que la capitale adressa aux menuisiers du pays[100]. Le Gaulois et ses dieux vont renoncer à la position accroupie, au contact direct avec le sol. Même les divinités qui hésitent à quitter cette habitude, recourent à des tabourets ou à de hauts coussins[101] ; et à mesure que les temps romains se prolongent, on voit les sièges des dieux et ceux des hommes s’exhausser davantage. A un Gaulois de l’Empire ou aux déesses qu’il adore, il faut des sièges élevés, chaises ou fauteuils, puisque à lui-même il faut la toge et les trois noms romains.

Il arriva même ceci (en quoi peut-être la Gaule prit ses usages propres), il arriva que, une fois goûté le charme de la position assise, elle s’y livra plus que ne le faisaient alors ses maîtres eux-mêmes, qui se laissaient peu à peu gagner par l’usage amollissant des canapés et divans de repas ou de sieste. On mangeait le plus souvent assis, même dans les agapes solennelles des funérailles, on préférait ce dispositif plus gracieux et plus familier, des chaises autour d’une table ronde, aux grands lits allongés que les Romains avaient adoptés pour le service de leurs banquets[102]. Il avait été en pratique dans la bonne Italie de l’ancien temps[103] : la Gaule impériale le remettait en honneur.

Elle connut par suite toutes les variétés de sièges, bancs[104], escabeaux, tabourets[105], chaises[106], lits de repos[107], fauteuils à dossiers, à bras ou à accoudoirs[108]. Rome sans doute lui en fournit l’image. Pourtant l’un de ces objets est demeuré, sinon spécial à la Gaule, du moins plus habituel à ses maisons : c’est le grand fauteuil en osier tressé, droit, au dossier et aux accoudoirs larges et pleins. Elle y plaça les plus chères de ses déesses, les Mères portant leurs nourrissons ; mais elle l’adopta aussi pour les heures de la vie humaine où l’on voulait s’installer à son aise, pour les longs repas ou pour les apprêts d’une toilette féminine. Il était devenu le meuble à la fois solennel et familial[109].

J’ai dit qu’il était en osier. Car la vannerie[110] travaillait pour la maison au même titre que la menuiserie. Elle lui procurait, outre des meubles d’appartement, les paniers et les corbeilles des usages domestiques[111]. Très experts de leurs doigts, bien pourvus de matière première par les riches oseraies du pays, les vanniers de Gaule représentaient, dans les industries du mobilier, les vieux ateliers du travail indigène, essayant de lutter contre la menuiserie du bois, importée d’Italie.

Il va sans dire que celle-ci triompha : car elle se prêtait seule à tous les caprices du luxe, à toutes les fantaisies de l’art, et, seule également, à la production des plus gros meubles d’intérieur, de magasin et d’atelier. Coffres massifs ou coffrets élégants[112], tables rondes et basses aux tours gracieux et aux fins ornements[113] ou tables de cuisine énormes et compactes[114], armoires de toutes tailles[115], lits de tous prix, étagères, bancs et banques, comptoirs, étaux et établis[116], la menuiserie fournit à la Gaule tout ce qu’elle fournit au reste du monde, et ce sont toujours objets ou modèles de commerce, sans apparence d’initiative locale ou de style indigène[117].

Quant aux menuiseries spéciales, pour voitures, instruments de musique ou de science, elles se partageaient entre les influences nouvelles et les traditions celtiques. Celles-là dominaient sans conteste partout où il fallait appliquer quelque progrès scientifique, par exemple en lutherie et en hydraulique[118]. La carrosserie, au contraire, où tout était affaire de pratique et d’expérience, restait tributaire des leçons du passé, de ces maîtres charrons de l’ancienne Gaule qui avaient su réaliser, pour les routes de leur pays, les types parfaits de véhicules, aussi bien de charge et de résistance que de vitesse et de légèreté[119].

Ce qui, de l’ancien temps celtique, méritait le plus de survivre dans l’ameublement des demeures gauloises, c’étaient leurs tapis de laine, aux couleurs éclatantes et variées[120], leurs matelas en bourre de laine et toile de chanvre, si résistants et si moelleux. Mais si la conquête enrichit les fabricants de matelas, assaillis aussitôt de demandes par tous les bourgeois d’Italie, elle ruina les tapissiers gaulois[121], qui ne purent résister à la concurrence des mosaïstes. Et ce fut grand dommage pour le pays : car il perdit une de ses industries nationales, antique et glorieuse, et il ne trouva plus dans ses demeures, envahies par le froid pavé de la mosaïque, la tiède chaleur de ses tapis d’étoffe.

Mais à part la tapisserie, les industries du tissage et du vestiaire avaient toutes singulièrement grandi.

 

V. — TISSAGE.

La conquête eut en effet ce résultat que jamais vestiaire plus varié ne s’est offert aux populations de la Gaule. Rome leur révéla sa grande toge aux plis harmonieux disposés sur le corps, ses amples manteaux aux pans tombant jusqu’à la cheville, ses chapes légères rejetées sur l’épaule, vêtements à demi flottants, presque indépendants des membres humains, auxquels la fantaisie de chacun pouvait donner à tout instant une allure et comme un langage particulier. Mais la Gaule n’eut garde d’oublier son habillement national, moins élégant et moins varié sans doute, mais si commode, si peu absorbant dans la vie courante, étant ajusté au corps et en acceptant sans tension les moindres mouvements : la fine chemise de lin, la tunique[122] et la saie ou casaque[123] de laine, toutes trois à manches courtes ou longues, les braies ou pantalons, la cagoule ou manteau à capuchon. Je n’insiste pas sur les pelisses en peau de bête et à longs poils, qui sont de tous les temps et de tous les pays[124], ni sur les longues tuniques et les robes[125] de femmes, qui n’offraient pas, en Gaule et à Rome, de notables différences.

De ces deux vestiaires qui se firent concurrence, la mode latine finit par être la moins forte. D’abord, nul autre que les citoyens romains n’avait le droit de prendre la toge[126]. Cela faisait d’elle un vêtement d’apparat. Elle le demeura, même après que tous les Gaulois eurent été déclarés citoyens romains. Ils hésitèrent toujours à s’en servir : c’était chose si difficile que de se bien draper dans la toge, et on y était si mal à l’aise pour les besognes du métier quotidien ! Même au delà du tombeau, le Gaulois ne put s’y habituer : sur ses images funéraires, il veut qu’on le montre, pareil à ses ancêtres, sous la tunique et le manteau à capuchon[127].

Il arriva même ceci, que les Romains trouvèrent plus d’avantages à se vêtir à la gauloise[128]. Déjà, avant l’Empire, ils importaient des pays transalpins une quantité notable de saies et de cagoules[129] ; le mouvement s’accentua après César[130] ; et la Gaule devint, dans la draperie, le plus gros producteur du monde[131]. C’est elle qui nous habille, nous autres gens du commun, disait un poète de la capitale[132].

L’industrie drapière s’organisa, semble-t-il, avec assez de méthode. Des corps de métiers et des centres différents se partagèrent la production, l’apprêt et la vente. Ici on ne fabriquait ou on ne vendait que des casaques[133] et là que des cagoules[134]. L’Artois[135] et le Hainaut[136] se réservaient les saies de couleur sombre, dont l’armée faisait une grande consommation[137]. On vantait les rudes et fortes cagoules de Saintonge[138] et du pays de Langres[139], imperméables au froid et à la pluie[140]. Reims[141], Nîmes[142], Rouen[143], Amiens, Bourges[144], étaient dès lors de bonnes villes drapières. Partout, on voyait tisserands et foulons occupés à tour de rôle à la préparation de l’étoffe, avant qu’elle ne fût livrée aux ouvriers de la confection.

De ces trois corps de métiers, c’est celui du foulon qui se tenait au premier rang. Le tissage se faisait souvent en famille, dans des ateliers domestiques ou dans les fermes attachées aux grands domaines[145] ; et c’est là également, sous la direction de la maîtresse de maison ou des intendants du seigneur, que se taillaient et se cousaient les habits, tuniques, pantalons ou manteaux. Tisserands et confectionneurs de profession, ayant atelier ou boutique sur rue, c’étaient, en dehors des grandes villes, gens aussi rares que moissonneurs libres ou que boulangers patentés[146]. — Mais entre tissage et confection se plaçait l’apprêt, et alors intervenait le foulon[147].

C’était le foulon qui donnait à la pièce tissée sa forme marchande et sa valeur utile. Son métier avait une telle importance, exigeait une installation si compliquée et des soins si minutieux, que, sauf de très grands domaines, aucune maison ne pouvait posséder son foulon à elle seule, comme elle avait ses tisserands et ses tailleurs[148] ; presque tout le monde des producteurs devait s’adresser, pour apprêter les draps, à des artisans professionnels, gardant leurs usages et leur indépendance[149].

Les foulons devinrent donc, dans un certain sens, les maîtres de la draperie[150], tels que furent les tisserands au Moyen Age. Un quartier leur était réservé dans les bourgades, près de quelque ruisseau limpide, avec les eaux, les cuves, les étendoirs, les calandres et les presses nécessaires[151]. A la campagne même, un atelier de foulon formait un petit hameau, auquel il laissera parfois son nom[152]. De la ferme ou du château voisin on venait lui confier l’étoffe de laine, et elle s’en retournait ensuite, prête à se transformer en vêtement, soit dans les logis familiaux[153], soit dans les ateliers des commissionnaires[154]. Le foulon fut pour le drap ce que le meunier fut pour le grain.

Tout ainsi qu’à l’époque gauloise, les matières premières de la draperie étaient la laine, le lin et le chanvre. La laine gardait, plus que jamais, la préséance[155]. On en tirait les vêtements de dessus, des tapis[156], des couvertures[157], des rideaux[158], des réticules[159], l’enveloppe et l’intérieur des matelas et des coussins[160] : n’oublions pas les larges cravates ou les cache-nez, dont les Gaulois frileux s’enveloppaient volontiers le cou et la gorge[161]. Le lin[162] servait aux vêtements de dessous[163] et aux voiles de femmes[164], aux draps de lits[165], aux nappes[166], serviettes et mouchoirs[167] : car de cela, les Anciens firent aussi bon usage que nous-mêmes. Le mouchoir, par exemple, fut un accessoire indispensable à la toilette des jours solennels ; et les hommes eux-mêmes, sur leurs monuments funéraires, se faisaient représenter le tenant à la main, ce que d’ailleurs j’ai peine à comprendre[168]. Avec le chanvre, on fabriquait sans doute les mêmes objets qu’avec le lin, mais en étoffe plus rude[169].

Lin et chanvre trouvaient d’autres emplois industriels, aussi importants que ceux du vestiaire : toiles à voiles pour les navires, à quoi excellèrent les gens de Normandie et d’Artois : toiles et bourre pour les matelas, lesquels on exportait jusqu’à Rome ; besaces et sacs de tout genre[170], toiles à tentes, bûches de voitures et de magasins[171], ce dont le commerce et le camionnage de ce temps eurent amplement besoin. Enfin, on en tissait à la main des cordages[172], et j’imagine qu’aux abords de toutes les villes de la Gaule, grandes et petites, nous pouvons nous figurer déjà les corderies, allongées et bourdonnantes, sur les lices des remparts ou les accotements des routes[173].

La teinturerie par les couleurs végétales avait été une des gloires industrielles de la Gaule indépendante. Je ne puis affirmer que la Gaule romaine ait longtemps conservé ce renom, et la formule des mystérieuses préparations qui le lui avaient procuré[174]. Les teintures à base animale, et en particulier la pourpre et ses nuances innombrables, firent concurrence aux anciens procédés[175], et de ceux-ci, à la fin, l’expérience finit par se perdre : une fois de plus, l’industrie de l’Occident dut céder le terrain aux pratiques orientales[176].

Enfin, sous l’influence des mœurs romaines et des marchands syriens, la Gaule ajouta bien des détails d’élégance à son vestiaire traditionnel. Elle aima les tuniques et les draps à franges[177] ; elle connut toutes les variétés du ruban et de la passementerie[178] ; elle fonda des fabriques de velours[179] et de broderies[180] ; ou lui apprit à tisser des brocarts d’or et d’argent[181], on forma ses ateliers à ce genre de travail mièvre et minutieux qui ciselait ou dessinait une pièce de vêtement comme un bijou de métal. Rien de cela n’était pour lui déplaire : elle avait aimé les choses éclatantes[182] ; et ce fut sans peine que Lyon sa capitale inaugura en Occident une maîtrise dans les tissus de luxe[183].

Et cependant, il ne semble que la Gaule a perdu, en matière de tissu et de vêtement, ce qui était autrefois son charme et son originalité. Toges, tuniques et manteaux, costume habituel de ses peuples, sont de teinte uniforme, blanche, grise, rousse ou brune. L’usage des habits aux couleurs voyantes ou aux étoffes bariolées, si fréquent dans les temps de l’indépendance, a disparu peu à peu devant la monotonie des habitudes classiques ; il n’est guère que les chefs militaires ou les Barbares du Rhin qui se permettent sur leurs corps le luxe des couleurs franches et éclatantes, casaque écarlate ou tunique verte[184]. Ce qui propage maintenant le renom de l’industrie drapière gauloise, ce sont ses manteaux à capuchon, aux tons roux et sombres, et ces tons viennent simplement de la laine naturelle[185]. Le besoin de la couleur s’éloignait de l’habillement[186], tandis qu’il envahissait, par le marbre, la peinture et la mosaïque, les parois et les parquets des demeures.

 

VI. — CUIR ET INDUSTRIES SIMILAIRES.

Les industries du tissage et du vêtement avaient pour auxiliaires celles de la chaussure et de la coiffure, en particulier la préparation du cuir, très florissante chez les Gallo-romains[187].

Il est malaisé de se figurer la manière dont les indigènes, hommes ou femmes, se couvraient habituellement la tête. Nous possédons plusieurs milliers de portraits de ce temps, et tous sont tête nue[188] : ce qui était chez les Romains l’usage cérémonial, que les Gaulois leur ont emprunté[189]. Mais il n’est pas possible que dans les voyages, à la campagne, pour certains travaux de métier, les hommes et les femmes n’aient pas gardé quelque coiffure traditionnelle : le capuchon de la cagoule n’est bon qu’en hiver ou contre la pluie. Cette coiffure, c’est sans doute celle dont les artistes ruraux affublent la tête des divinités champêtres, un énorme chapeau formé d’une simple calotte et de bords démesurément larges[190]. Là-dessous, on était à l’abri l’hiver de l’eau et l’été du soleil : car on peut croire qu’il était en feutre et non en paille. Les femmes devaient le porter aussi bien que les hommes. Et j’imagine que les chapeaux de nos débardeurs, que ceux des paysans et des paysannes de la France centrale ou de notre Bretagne, parfois si semblables aux coiffures monumentales des déesses gauloises, n’en sont que les copies, fidèlement transmises d’âge en âge[191].

La chaussure[192] offrait beaucoup plus de variétés, peut-être parce que les Anciens lui avaient assigné le rôle de marquer parfois les distinctions sociales, rôle qui, beaucoup plus tard, reviendra à la coiffure. Les Gallo-romains ont dix à douze manières de se chausser, et, pour chacune, quantité de formes : l’espadrille, sandale indigène à semelle de corde et à dessus de toile, qui enveloppait et tenait bien mieux le pied que la sandale classique[193] ; le sabot de bois, dont on faisait dès lors une grande consommation[194] ; le gros soulier de cuir, bas, dur à la fatigue, avec forte semelle garnie de clous[195] ; et puis, le chausson fourré[196], la bottine à courroies[197], la bottine élégante ou le soulier de fantaisie, tantôt à la pointe allongée et retournée. tantôt aux oreilles retombant sur les côtés[198] : et enfin, pour les chasses ou les travaux des champs, les guêtres, les jambières, les bandes molletières, et surtout les grandes bottes, solides et imperméables[199]. Et toutes ces manières, et d’autres encore, sont arrivées jusqu’à nous.

La préparation du cuir livrait également un nombre extraordinaire d’objets d’équipement et de harnachement : tabliers d’artisans, fourreaux et ceintures de soldats[200], harnais, brides et selles pour cavaliers ou voituriers[201], bourses, sacs et sacoches pour tout le monde[202], sans parler des outres en peau de bouc ou de chèvre, qui servaient aux usages les plus divers, à conserver et à transporter le vin, à soutenir les nageurs au passage des rivières[203]. Dans cette vieille industrie du cuir, la plus ancienne peut-être de l’Occident, les Gaulois continuaient à trouver l’emploi des moindres choses.

 

VII. — ALIMENTATION.

Le premier rang parmi les industries de l’alimentation appartenait encore à la plus ancienne, celle du pain ; mais immédiatement après elle se présentait la plus récente, celle du vin.

Le grain récolté était moulu dans des meules manœuvrées au moyen d’êtres vivants, esclaves ou bêtes : le moulin mécanique n’a pas encore pris possession des sommets de nos collines[204] ou des berges de nos rivières[205]. Il en résulte que le travail de meunerie ne peut pas se concentrer, ainsi qu’au Moyen Age ou de nos jours, dans de grands édifices dominant les hauteurs ou barrant les cours d’eau : le moulin, bâtisse isolée, joyeuse, bruyante et pittoresque, présidant à la vie d’un coin de terre, est chose inconnue à l’ancienne Gaule. L’œuvre de meunerie, comme celle de tissage, est dispersée entre des milliers de villas et de villages, et le moulin n’est qu’un atelier de plus installé dans les grandes fermes[206]. Et il en alla ainsi du four : chaque famille, aisée ou riche, pétrissait sa farine et cuisait son pain ; et la seule différence était en ceci, que les unes faisaient travailler leurs esclaves[207], et que pour les autres les maîtres eux-mêmes mettaient la main à la pâte et au fourgon.

En cette affaire pourtant, quelque chose de nouveau vient d’apparaître en Gaule sous les empereurs : c’est la boulangerie commerciale, avec ses meules, son four, sa boutique de vente, son patron et ses clients. Dans les villes qui se fondent, les petites gens n’ont ni le temps ni les moyens de conserver leurs grains, de les porter au moulin et au four la farine ; et, les riches eux-mêmes ont bien d’autres emplois à réserver à leurs esclaves. Il s’y est clone établi des entrepreneurs qui font cette besogne, pour le compte de chacun et à leur profit personnel ; et nous voyons s’affairer, en divers lieux, des négociants en grains qui approvisionnent ces industries[208], des boulangers en gros[209] et en détail[210] qui en écoulent les produits, et peut-être même des commissionnaires en céréales pour les fournitures publiques.

Ce qu’on débite dans ces boulangeries, ce qu’on sert sur les tables gauloises, c’est toujours le pain blanc du pays[211], sous toutes les formes que pouvaient présenter les usages locaux : mais le type le plus répandu est maintenant la grande miche ronde, classique chez tous les peuples méditerranéens[212]. On vantait surtout le pain fait avec la farine du gros blé blanc du Dauphine et du Comtat[213] : mais soyons assurés que bien d’autres farines valaient ces deux renommées méridionales[214].

Si le luxe de table (ce qui est fort croyable) a fait pénétrer chez les Gaulois les fantaisies de la cuisine romaine, il est probable que ces boulangers fabriquaient et débitaient aussi mille sortes de pâtisseries, de toute saveur et de toute forme, pour la joie des enfants et la distraction des jours de fêtes : nos bonshommes en pain d’épice ont eu leurs équivalents à l’époque romaine[215]. Le pain et la bouillie de mil, toutes ces variétés de millade chères encore aux tables gasconnes, étaient sans doute abandonnés aux pauvres gens, aux paysans, aux cultivateurs des terrains maigres.

A la différence de la boulangerie, l’industrie vinicole eut à subir de longues années de marasme dans le cours de ses destinées gauloises. Cela ne veut pas dire qu’on cessa de boire du vin : mais on le paya plus cher, et on en importa davantage d’Italie. Mais dans l’ensemble, la gloire du vin de Gaule ne fut pas atteinte, et les bons procédés de fabrication ne se perdirent point[216].

On distinguait une douzaine de types de vins, correspondant à peu près à nos grandes régions viticoles d’aujourd’hui[217], et chacun de ces types se classait sans doute, ainsi qu’aujourd’hui, en différents crus de premier, de second ou de dernier rang[218]. Mais les préférences n’allaient pas aux mêmes vins : en cette matière le palais a toujours eu ses modes et le goût ses caprices.

Le grand vin de Gaule, en ce temps-là, c’est ce que nous regardons plutôt comme du gros vin, le vin de Béziers[219] ou du Midi, lourd et épais, surchargé encore par je ne sais quelle préparation à la poix qui lui donnait une saveur étrange, l’arrière-goût d’une tisane aux bourgeons de sapin[220]. Il n’empêche que le béziers s’exportait à Rome, qu’on en raffolait, et qu’on en gardait précieusement les bonnes années[221]. Après tout, il était peut-être meilleur qu’il nous semble, et nous n’avons pas le droit de condamner un vin que nous ne pouvons juger.

Ces préparations à la poix étaient courantes dans les vins de Gaule[222]. Les Viennois eux-mêmes y recouraient pour les leurs[223], qui furent peut-être pendant quelque temps les plus cotés du monde. Il est d’ailleurs probable que le goût s’y était fait[224], ainsi que nous nous faisons nous-mêmes, dans notre cuisine, à tant d’ingrédients bizarres[225].

Mais il faut ajouter que certains palais, plus fins et plus sensibles, ne voulaient pas de vin poissé[226]. Peu à peu, les habitudes de l’Antiquité se sont, en cela aussi, rapprochées des nôtres, et je ne serais pas étonné que les préférences des gourmets aient fini par lâcher le béziers pour aller au bourgogne ou au côte-rôtie chauds et lumineux, ou au bordeaux savoureux et délicat[227].

Le malheur pour la Gaule fut qu’elle ne s’en tenait pas au bon vin, sain et généreux. Elle apprit, des gourmets ou des maniaques d’Italie, l’art d’y ajouter les ingrédients les plus imprévus, d’en tirer les sensations les plus morbides. Non contente de le fumer pour le colorer ou le faire vieillir[228], elle y mêla des herbes ou de l’aloès pour en varier le goût[229], elle fit du vin doux avec des raisins secs[230], et elle arriva jusqu’à connaître le vin d’absinthe aux pernicieux effets[231]. Rien n’entrava plus le penchant à l’ivresse, auquel les Gaulois n’avaient jamais su résister : ils connurent toutes les formes du vice[232], jusqu’au délire de l’absinthisme[233].

La bière d’orge n’avait rien perdu de sa popularité dans le Nord, où les brasseurs de Metz et de Trèves réussissaient à faire concurrence aux vignobles de la Moselle[234], où les taverniers de Paris continuaient à débiter de la cervoise en vue des pampres de Suresnes et d’Argenteuil[235]. Mais malgré tout le vin restait le plus fort : les buveurs de bière étaient dans les cabarets moins nombreux que les amateurs de pur ou de piquette[236], et si la bière n’était pas exclue des banquets funéraires ou des cérémonies rituelles[237], il était bien certain que les morts et les dieux préféraient, à l’instar des vivants, se conformer aux usages de la Grèce et de Rome, et que le vin passait pour la boisson sainte par excellence.

Aucun texte ne nous parle d’hydromel ou de cidre. Nous ne pouvons croire cependant que la Gaule s’en soit tenue, pour sa boisson courante, au vin et à la bière. Elle recherchait, comme le lui reprochaient les Romains, toutes les manières de boire, et le pays était propice à la fois à l’élève des abeilles et à la culture du pommier. Remarquons que la pomme, au même titre que la grappe de raisin, est parvenue citez les Celtes au rang d’emblème religieux et familial : cela serait-il arrivé, si elle n’avait été qu’un fruit de dessert[238] ?

C’est en Provence et en Languedoc, et notamment autour d’Aix[239] et de Narbonne[240], que se concentrait la fabrication de l’huile. On la réussissait si bien, que les producteurs du Midi pouvaient supplanter même sur les marchés de Rome leurs rivaux d’Espagne et d’Italie[241] : il est possible que le fruit de France eût une saveur moins forte, plus fine. Mais d’autre part, la Gaule devait importer de l’huile plus encore qu’elle n’en expédiait : car depuis l’annexion à Rome, elle en faisait une consommation extraordinaire, pour la cuisine ou pour les jeux[242]. Grâce au patronage des maîtres du jour, le beurre reculait devant elle, de même que la bière devant le vin[243].

Voici encore qui est nouveau dans les Gaules : le trafic et le débit des viandes de boucherie y donnaient lieu, surtout dans les grandes villes, à un important mouvement d’affaires ; elles avaient leurs abattoirs[244], leurs marchés aux viandes[245], leurs bouchers en gros[246] et en détail[247]. Dès le temps de Tibère on aperçoit ces derniers groupés en confréries, glorieuses et importantes[248] ; et voilà qui annonce déjà un lointain avenir, la puissance des boucliers dans les cités médiévales.

Mais rien n’approchait, en fait d’affaires de viande, de la vogue que s’étaient acquise les porcheries gauloises. Jambons de Flandre. de Franche-Comté et des Pyrénées[249], charcuterie d’Alsace[250], jambons ou saucissons de Provence, d’Avignon ou de Tarascon[251], lard de Narbonne[252], et sans doute bien d’autres produits de même origine enrichissaient paysans et commissionnaires ; et les conserves qu’on en pouvait faire étaient aussi recherchées à Rome que les saumures d’Espagne. Car chaque province de l’Empire se présentait devant la Ville Éternelle avec les gloires Culinaires qui lui étaient propres[253].

Après le pain, le vin et les jambons, le dernier des produits alimentaires de la Gaule qui arriva à une célébrité mondiale, fut le fromage, j’ai déjà dit que l’on appréciait surtout celui des Alpes et celui de Lozère, lesquels paraissent les prototypes, celui-là du gruyère et celui-ci du cantal. Il n’est encore question ni du roquefort[254] ni des fromages de Brie ou de Normandie. Ne tirons pas de ce silence un argument contre leur antiquité. C’est le hasard[255] seul qui nous a fourni ces renseignements sur la richesse économique de l’ancienne Gaule, et tout ce que nous avons appris sur cette richesse nous y a fait retrouver les éléments de la nôtre.

 

VIII. — ÉPICERIE ET DROGUERIE.

A côté de la grande industrie alimentaire, l’épicerie et la droguerie se firent une place honorable dans le travail des Gallo-Romains. — Qu’on ne s’étonne pas de nous voir inscrire ici ces deux mots, qui paraissent détonner dans la vie antique : on constatera bientôt qu’aucune des denrées dont ils suggèrent la pensée ne fut ignorée de la Gaule, telle du moins que Rome la transforma.

Qui dit épices et drogues dit condiments de la nourriture ou préparations de pharmacie : nous avons déjà parlé du sel, de l’huile et du beurre, on ajoutera la graisse et le vinaigre, et, dans un ordre plus relevé, l’anis et le cumin, qui rivalisaient l’un avec l’autre pour relever la cuisine ou varier la pharmacopée[256] ; mais il faut insister sur le miel, un des produits les plus chers au monde antique, chez les Gréco-romains ainsi que chez les fils des Celto-Ligures[257].

Le miel était, pour les uns et les autres, le stimulant de toute friandise et un remède universel, comme le fut longtemps le sucre, qui hérita de lui. On le mêlait à l’eau pour avoir de l’hydromel, on en sucrait les entremets, on en faisait mille sortes de confitures[258]. En tant que panacée, il servait tantôt à l’usage interne, amalgamé avec les drogues les plus diverses, tantôt à l’usage externe, par exemple à l’état de collyre dans certaines maladies d’yeux[259].

Entre toutes les denrées végétales que vendaient pharmaciens et droguistes de l’Ancien Monde, l’une des plus populaires  venait précisément de la Gaule : c’était l’absinthe de Saintonge[260]. Les Celtes la révélèrent aux Romains, à titre de remède spécifique contre les vers intestinaux, ces vers auxquels les médecins d’autrefois et les empiriques d’aujourd’hui attribuent tant de méfaits clans l’organisme humain. Elle entra, pour n’en plus sortir, dans le codex traditionnel. Dioscoride, Galien et leurs disciples la préconisèrent comme le meilleur des vermifuges ; sa célébrité devint  universelle, et elle l’a retenue jusqu’à nos jours sous le nom inaltéré de santonine.

Il est probable qu’on finit par débiter, sous ce nom, bien d’autres absinthes que celle de Saintonge. Mais à l’époque romaine ce pays réussit à prendre le monopole de l’herbe vermifuge même sur les marchés de l’Orient : de là, une assez bonne source de richesses pour les jardiniers des Charentes. — Ce pays de Saintes, aux cultures si denses, au sol si varié, était pour les herboristes, les droguistes, les cueilleurs de simples, une vraie terre d’élection. Aucune région gauloise n’a livré de plus bizarres récipients, dont l’extérieur indique, en inscriptions aujourd’hui mystérieuses, les formules des drogues qu’ils renfermaient, liqueurs, remèdes ou parfums[261].

Dans l’effroyable pharmacopée qui sévissait alors sur la Gaule, — vestiges des temps celtiques et des siècles d’au delà, recettes apportées par les prêtres d’Orient ou par les devins de Campanie, préparations à peine plus sérieuses imaginées par les médecins grecs, — dans ce formulaire chaotique et extravagant, herbes, miel, graisse, sang, métaux, pierres ou cendres, les produits des trois règnes et jusqu’aux déchets de l’industrie humaine s’entremêlaient en dix mille combinaisons pour former autant de spécifiques[262]. Mais ces éléments, dont quelques-uns étaient des plantes très rares, des pierres précieuses, des produits presque introuvables, — il ne devait p’as être facile d’avoir de la graisse de léopard[263], — comment arrivait-on à les recueillir et à les préparer ? De telles recettes médicales supposent une industrie de droguerie bien organisée, ayant dans les divers pays du monde ses acheteurs, ses courtiers et ses placiers[264].

La parfumerie ne restait pas en arrière. Les Gréco-romains raffolaient d’essences et d’odeurs, et la Gaule se laissa prendre à ce raffinement. Elle vit s’ouvrir dans ses villes des boutiques accueillantes où des étagères alignaient leurs vases à parfums et leurs pots de cosmétiques[265] ; et à voir les images funéraires de certaines Gauloises, gardant à la main la fiole élégante à senteur subtile, on s’aperçoit de la place qu’elle avait occupée dans leur vie[266]. Cela, je pense, ne venait pas de la tradition celtique[267].

Ce qui en venait certainement, c’était l’usage du savon. Les Gaulois en connaissaient de longue date’ la fabrication, bien entendu à la potasse[268] et à la graisse : car je ne sais s’ils avaient déjà eu l’idée, à Marseille ou à Lyon, d’appliquer l’huile à cette industrie[269]. Elle n’en était pas moins fort populaire clans toute la contrée, l’Italie elle-même s’en fit la cliente, et des placiers en savon parcouraient le monde, offrant au choix du public, soit la fine pâte à laver et colorer, si précieuse pour la chevelure, soit les gros pains ronds recherchés des ménagères[270].

Enfin, la Gaule sut tirer également profit de la cire de ses abeilles et de la résine de ses arbres. — Car les arbres résineux du pays, pins des Landes ou sapins des montagnes, étaient en ces temps-là aussi exploités, aussi riches en revenus qu’ils le sont devenus de nos jours[271] : la résine fournissait la matière des torches[272] et de remèdes sans nombre[273] ; la poix servait elle aussi à la pharmacie[274] et, en outre, au calfatage des navires[275], à la fabrication de certaines couleurs[276], au nettoyage des amphores[277] et à la préparation des vins. — Et bien plus que de nos jours, la cire des ruchers gaulois s’offrait à tous les emplois : on en tirait des moules à poteries, des enduits de tablettes à écrire[278], des produits colorants, des figurines magiques[279], des empreintes de sceaux[280], des chandelles et des torches[281]. Tous ces effets, sauf les derniers, avaient été révélés à la Gaule par les conquérants gallo-romains. Mais la Gaule était alors assez riche en abeilles pour satisfaire à toutes les demandes[282]. — C’est toujours ainsi que la vie industrielle se présente sur ses terres : ou bien elle date d’avant la conquête, et les Romains l’ont rendue plus intense ; ou bien elle s’est formée par les leçons des maîtres du Midi, et elle s’est aussitôt alimentée au trésor de matières premières le plus abondant, le mieux choisi, que puisse offrir l’Occident.

 

IX. — TERRE CUITE : VASES ET VAISSELLE[283].

Cela fut vrai plus encore de l’industrie de la terre cuite, la plus importante et la plus variée, avec celle du bâtiment, qui ait grandi dans la Gaule romaine[284]. La passion de la céramique, autant que l’amour de la bâtisse, fut pour les Gaulois une manière de devenir latins, de s’imprégner de ces habitudes classiques où une si belle place était faite à la terre du potier et à l’art du modeleur. Jamais l’argile de France ne s’est adaptée à plus d’usages. — En voici les principaux.

1° Les grands récipients en terre cuite étaient depuis long temps connus du monde occidental : c’est par eux que la céramique avait débuté en Gaule dans les temps de la pierre polie, et, à la veille de la conquête romaine, c’est à ce genre d’ustensiles que se consacraient surtout les potiers belges ou celtes. A force d’application, quelques-uns étaient arrivés à d’excellents résultats, tels que ces grands vases à la taille svelte, aux flancs élancés et saillants comme des carènes de vaisseaux, aux teintes d’un noir uni et profond, ou parfois au contraire claires et bariolées, rouges, blanches ou violettes, trouvées peut-être en un effort d’emprunt au jeu de l’arc-en-ciel[285].

Ce mouvement qui entraînait les Gaulois, à la suite des Grecs[286], vers la grande poterie élégante et fine ou vers la céramique colorée, la domination romaine l’enraya assez vite. Ils conservèrent encore quelque temps le goût des vases à couleurs appliquées, à fond clair et blanc, portant de larges ornements rouges ou bruns[287]. Puis, partout, dès le milieu du premier siècle après notre ère[288], ces essais d’une céramique originale disparurent sous un effrayant déballage de produits commerciaux : — terrines, jattes, bassines ou bassins à demi plats et d’une épaisseur double[289] ; amphores allongées, à anses arquées ou anguleuses[290] ; vases pansus au col étroit[291] ; cruches, pots ou pichets à goulot ou à bec[292] ; jarres ou tonneaux au ventre énorme, à la taille monumentale, assez gros pour cacher un homme[293] ; — tout cela de matière à peu près pareille, en terre à teinte grise ou brune, à cuisson souvent médiocre, à pâte mal triée et parfois mêlée de gravier, sans couleur, sans ornement, d’ordinaire sans vernis, vases de cuisine, de cave ou de ménage fabriqués à la grosse par les industriels de Lyon, de Vienne ou du Hainaut[294], ou par les innombrables potiers de campagne qui s’installèrent alors chez tous les peuples de la Gaule[295].

2° La vaisselle de table[296], celle-ci toujours vernissée et souvent décorée, devint la grande affaire de la céramique des Gallo-romains, disons plus, de toute leur industrie, sans réserve d’aucune sorte. Ce qui fut fait alors chez nous en ce genre de travail est prodigieux et dépasse ce que la France a jamais vu en fait de manufacture, je parle de quantité et non de qualité. Le fond d’une ruine romaine en Gaule, c’est un amas de vaisselle. C’est à la pelle que dans le sous-sol de nos villes on ramasse les tessons d’assiettes et de bols antiques. Il faut de nombreux volumes pour en dresser l’inventaire, et, dans quelques dizaines d’années, le goût du détail aidant, l’histoire de la vaisselle gallo-romaine occupera l’étendue d’une bibliothèque[297]. Qu’on songe seulement à ceci : la plupart de ces débris portent des marques de fabriques, ces marques nous apprennent l’existence de plusieurs milliers d’ateliers[298], et il sera possible un jour, pour chacun de ces ateliers, de retrouver son origine, son local, ses destinées, le type de ses produits et l’extension de ses affaires.

La vaisselle de terre cuite supplanta donc partout et chez tous les gobelets et les assiettes de bois de l’ancien temps[299], de même que la faïence, il y a quelques générations, mit fin à la poterie d’étain et aux derniers efforts de la boissellerie rustique. Elle a régné dans les villes, elle a pénétré dans les campagnes les plus reculées ; forestiers, pêcheurs, bergers, s’en servirent pour leur usage courant[300]. La concurrence entre les grandes maisons, l’installation de moindres fabriques dans chaque cité, avilirent les prix[301] jusqu’à les rendre accessibles aux plus humbles des hommes.

Au début, la Gaule importa d’Italie, et en particulier de Toscane[302]. Il y avait à Arezzo de célèbres manufactures de vaisselle fine : très minces, très légères, à annoncer presque la porcelaine, enduites d’un beau vernis rouge à reflets mordorés et à glaçure inaltérable, relevées souvent par des figures et des scènes en très léger relief, de finesse et de grâce toute helléniques, les poteries arrétines firent fureur dans la Gaule des premiers empereurs[303]. Et nous pouvons nous représenter aisément les placiers italiens parcourant le pays d’une mer à l’autre, jusqu’au seuil de l’Armorique ou aux marécages bataves[304], et prenant dans chaque ville de fortes commandes[305].

Mais le terrain, bientôt, manqua devant eux. Tout naturellement les Gaulois, qui connaissaient la richesse de leur sol en argile plastique, se mirent à fabriquer de là vaisselle pour leur propre compte, et les marques indigènes se substituèrent sur les marchés aux firmes arrétines[306].

Du reste, les fabricants gaulois se gardèrent de heurter les habitudes prises par le pays. Il voulait de l’arrétin : on lui en donna en quantité. Les poteries de ce genre furent en imitation ou en contrefaçon des produits toscans : mêmes formes de bols ou de tasses[307], même recherche de l’amincisse  nient pour les parois, même surface d’un beau rouge foncé sous le lustre de son vernis, même usage de figures en relief connue motifs de décor. Mais ce n’est souvent que l’apparence. Il est très rare que la vaisselle gauloise atteigne à la finesse arrétine. Les reliefs d’ornement sont disposés sans art, en saillies trop uniformes ou trop marquées, en figures trop tassées, en contours trop péteux[308]. Quant au vernis italien, je doute que nos potiers en aient retrouvé l’exacte formule. Quelques Arvernes ont fait presque aussi bien, mais ce n’est jamais la mate chose. Peut-être les contemporains s’y sont-ils trompés. Le temps a remis la vérité à sa place : aujourd’hui, le vernis des vaisselles gauloises nous apparaît de ton souvent mat et terne, parfois au contraire dur et vitreux, la teinte rouge de la poterie fatigue à la longue par sa monotonie brutale et crue ; et la terre arrétine est demeurée imperturbable dans l’éclat élégant et mesuré de son vernis, dans le charme adouci de son coloris, aussi puissante et aussi mystérieuse à sa manière que le ciment romain[309].

Deux catégories principales d’objets étaient livrés par les manufactures gauloises dans le genre arrétin : — la vaisselle de table proprement dite, c’est-à-dire des assiettes et des plats[310], plus ou moins creux, à bords plus ou moins relevés, allant des plus petites aux plus larges dimensions, depuis la mignonne soucoupe de dessert jusqu’au plat monumental pour gibier, poisson ou volaille, et aussi des bols et des tasses, également avec d’innombrables variétés de tailles et de formes[311] ; — la vaisselle de buffet, ou, si l’on préfère, de décor et d’apparat, grands vases hauts et droits, imités des cistes de métal si chères aux Anciens[312], potiches ventrues à couvercles[313], urnes à anses[314], flacons à verser[315], majestueuses soupières surchargées d’ornements[316]. Et je passe, en fait de faux arrétins, quantité de types et d’espèces[317].

Cependant, malgré la diversité de ses produits, la céramique gallo-romaine ne fut que la médiocre copiste de l’industrie italo-grecque. En dépit de ses efforts. elle échoua ou recula devant les vraies difficultés. A ses collections de modèles, il manque d’ordinaire la coupe, au pied fragile et à la courbe élégante, ou la fiole au type de l’amphore, avec la sveltesse de son col et le galbe de sa taille[318]. On sent bien qu’elle travaillait pour le plus grand nombre, et que ceux-ci étaient fort indifférents aux délicatesses du potier hellénique.

La même conclusion s’impose quand on examine les figures moulées en relief sur les parois des plus grands vases. Les cistes ou les soupières dont nous venons de parler, et qui étaient sans doute disposées pour faire ornement sur les étagères des dressoirs ou les tables de repas, portaient à l’extérieur, pareilles en cela aux potiches ou aux jardinières de nos salons, des images de tout genre, rinceaux, arabesques, scènes de chasse, de mythologie ou de jeux, portraits de dieux, d’animaux ou de gladiateurs[319], de quoi retenir de temps à autre l’attention de visiteurs ou de convives désœuvrés. Or, je ne trouve rien, dans le monde gallo-romain, qui soit plus banal comme motif, plus faible comme dessin, plus médiocre comme facture : le relief, lourd, grumeleux, mal proportionné, suffit à indiquer que toutes ces figures se fabriquaient eu nombre, dans une production aussi régulière, aussi intense, aussi peu personnelle et aussi envahissante que de nos jours celle des bronzes de Vienne ou des pendules de la Forêt-Noire[320].

Cette grossièreté des figures s’explique en partie par la manière dont elles étaient obtenues. — Chacune était d’abord modelée à la main, isolément, par un sculpteur ornemaniste : et il est possible que cet homme ait été parfois un artiste de mérite, et que son dessin lui ait été bien payé par un patron de fabrique[321]. Ce modèle formait une sorte de poinçon en relief, d’ailleurs en terre cuite[322]. — Puis, on préparait, toujours avec de l’argile, le moule du vase à faire, ou du moins le moule de ses parois extérieures[323] : et sur ce moule, à l’aide des poinçons sculptés dont nous venons de parler, on imprimait, on estampait en creux les images à reproduire. — La forme ainsi prête, on l’appliquait sur la terre molle qui devait constituer le contour du vase[324] : et le vase sortait enfin de cette empreinte, avec ses parois achevées et ses dessins en relief. — Il avait donc fallu, pour le faire, une triple opération, compliquée encore par la cuisson de la terre ; et à chaque stade du travail, l’image perdait de sa finesse initiale. Mais ce que cette poterie perdait en valeur artistique, elle le gagnait en pouvoir commercial.

On voulut en fabriquer partout. Ainsi que dans les beaux temps de la faïencerie française, il se constitua entre le Rhin et les Pyrénées de véritables provinces ou écoles céramiques, ayant chacune ses formes et ses procédés préférés[325]. Les trois plus importantes de la Gaule Chevelue se trouvaient groupées autour du massif Central : l’école des Arvernes montrait ses anciennes fabriques de Lezoux, datant du temps gaulois, mais curieuses de toutes nouveautés, sachant s’adapter aux goûts du moment[326], et qui avaient fait du village la plus grande bourgade céramique de la Gaule[327] ; l’école des Rutènes au Rouergue, où travaillaient les manufactures de Montans[328] et de La Graufesenque[329], celles-là héritières de vieilles maisons celtiques, celles-ci actives et entreprenantes comme pas une dans le monde entier ; l’école des Gabales au Gévaudan, un instant célèbre par ses vases de Banassac[330]. En Narbonnaise, les Allobroges avaient su créer autant de poteries avec l’argile de leurs vallons que de bons crus avec les vignobles de leurs coteaux[331]. Sur les bords du Rhin, il n’y eut aucune céramique plus populaire que celle de Rheinzabern près de Spire, pourvoyeuse de la Gaule en fait de grands bols à reliefs[332]. — Mais n’insistons pas sur ce rapprochement avec la faïencerie du dix-huitième siècle. Cette dernière garda un caractère aristocratique qui manqua aux ateliers d’Auvergne ou de Germanie. Une maison de faïence, à Moustiers ou à Saint-Jean-du-Désert, était un asile de travail artistique, passionné et silencieux[333]. On ne trouvait rien de pareil dans ces immenses officines de Lezoux ou de La Graufesenque, où tout était sacrifié à la quantité et à la vente : et nous aurons bien mieux l’image des fabriques gauloises en regardant près de Marseille les villages céramiques de L’Estaque et de Saint-Henry, qui entassent tout ensemble leurs dépôts de glaise, leurs fours fumeux, leurs murailles de briques rouges, leurs multitudes d’ouvriers bruyants et indociles[334].

L’histoire de l’arrétin rouge soulève mi dernier problème, plus difficile encore que les autres, celui de sa rapide disparition. Après s’être montrée subitement, au lendemain de la conquête, après s’être imposée pendant deux siècles à toute la Gaule, cette poterie vernissée et moulée se fil oublier en quelques années[335], ne laissant derrière elle que les déchets innombrables de ses produits et quelques survivances industrielles, vestiges à peine sensibles d’une industrie qui avait gouverné le monde durant la paix des Césars et des Antonins[336]. A ce fait, je ne connais aucune explication suffisante. Supposera-t-on que l’État, dans le désir de protéger le commerce italien, aura prononcé contre les fabriques de la Gaule le même interdit que contre ses vignobles ? C’est fort douteux[337] : les poteries d’importation ne sont pas plus nombreuses au troisième siècle, tout au contraire. D’ailleurs, en Italie aussi, la fabrication des arrétins s’est également terminée[338]. Je croirais plutôt à quelque changement dans le goût du jour, à une préférence plus forte pour la verrerie ou pour les vases polychromes[339] ; et je croirais aussi à quelque lassitude industrielle, qui fit renoncer les fabricants aux multiples opérations exigées par le façonnage des vases moulés[340].

Même pendant les deux siècles de sa prospérité, la céramique rouge à façon arrétine eut à lutter, en Gaule comme ailleurs, contre la concurrence de la vaisselle sombre, en poterie à teinte noire, elle aussi monochrome et à glaçure fine et bien adhérente[341]. Encore que ce type ne fia pets chez nous d’origine nettement indigène. et qu’il y ait subi des influences italo-grecques[342], il s’est développé en Transalpine de meilleure heure que la poterie rouge, il y a pris plus d’indépendance, plus d’habitudes locales, il y a donné des produits de style plus personnel, et, somme toute, de facture plus délicate et mieux surveillée[343]. Toutefois, la poterie noire n’offrit jamais les mêmes variétés que sa rivale ; elle se borna à quelques types de vases, sobres et simples, elle évita les grands bols à images, massifs et compliqués. La fabrication en fut limitée à quelques maisons, installées surtout en Dauphiné[344] et en Belgique[345], maisons qu’on dirait soucieuses de très bien faire, et qui n’eurent sans doute pas les ambitions internationales des potiers de Lezoux et de La Graufesenque[346]. Du reste, cette poterie noire devait, elle aussi, ne durer qu’un temps[347] ; et dès le second siècle, les bonnes fabriques en ont disparu[348].

D’autres groupes de produits, moins répandus ou moins soignés, alimentèrent pendant un temps les magasins de certaines provinces. En Belgique, par exemple, on eut un genre de poterie à teinte claire, orange ou jaunâtre, qui m’a paru du reste d’assez mauvais effet[349] ; en Auvergne, des vases, de fabrication plus finie, à pâte blanche et à glaçure jaune[350]. Mais rien de cela ne réussit : le rouge monochrome des arrétins était encore le plus fort.

Quand il eut perdu sa vogue, au troisième siècle[351], la Belgique, toujours entreprenante en matière industrielle, mit en circulation de nouveaux vases à boire, ronds, pansus, à vernis noir, gris ou rouge, avec des ornements ou des inscriptions modelés en barbotine blanche[352]. Je ne crois pas que ces vases aient beaucoup réussi au sud de la Seine[353]. Mais au nord on ne s’en priva nulle part, et les morts comme les vivants ne voulurent point s’en passer[354].

L’avènement de cette poterie bigarrée était, dans une certaine mesure, le retour à la tradition gauloise, au goût pour les vases polychromes, moins monotones et pour ainsi dire plus vivants. Au cours du troisième siècle, il sembla que la Gaule se reprit de passion pour la variété, le jeu et l’éclat des couleurs[355].

 

X. — TERRE CUITE : BRIQUES, OBJETS DE MOBILIER, FIGURINES.

Les autres industries de la terre cuite n’eurent pas, en Gaule, l’importance et la variété de l’industrie vaisselière. Elles n’en occupèrent pas moins, dans toutes les cités du pays[356], fort grand nombre d’ouvriers, et quelques chefs de maisons leur durent certainement de sérieuses fortunes.

3° Des briqueteries ou des tuileries se fondèrent, dès l’heure de la conquête, sur tous les points du territoire[357] : car il est probable que la Gaule[358] reçut en cela ses meilleures leçons, non pas des industriels italiens, mais des légionnaires eux-mêmes, aussi experts à façonner des briques qu’à tailler des chars pentes.

Plus encore que la pierre, la brique[359] chassa le bois des constructions celtiques. On l’utilisa pour les planchers, les cloisons et les toitures des maisons[360], pour l’installation des cheminées, des conduites d’eau et de chaleur, des différents appareils nécessaires aux entreprises industrielles et agricoles[361]. Elle sut remplacer la pierre dans les colonnes des péristyles[362] et le métal dans les tuyaux de vidange[363]. Les pauvres purent, avec elle, se procurer des tombeaux à bon marché ; les propriétaires s’en servirent pour l’ornement des corniches ou des balustrades de leurs jardins ou de leurs villas[364].

Car la terre continuait à se prêter aux formes les plus diverses. Elle fournit la grosse dalle plate, lourde, compacte, pouvant atteindre jusqu’à une coudée de côté, trois à quatre doigts d’épaisseur, excellente pour les ouvrages de maçonnerie[365]. Elle fournit aussi la faîtière légère, en demi-cylindre, aussi utile pour rejeter l’eau que pour la conduire[366], ou encore les tuiles à rebords qui, emboîtées l’une dans l’autre, présentaient une surface de toit continu, imperméable au vent et à la pluie[367]. Voilà, pour les demeures, bien des éléments de solidité et de confortable que la Gaule avait ignorés, et que lui procura la brique d’argile, faite à la façon romaine.

Dans certains pays même, où la pierre était plus rare, on bâtit de terre cuite des maisons entières[368]. Toulouse était déjà la ville aux murs de briques[369], ce qui la faisait ressembler davantage à la plus vieille Rome[370]. Dès le milieu du second siècle, l’emploi monumental des dalles d’argile se généralisa partout : on n’éleva plus de grosses murailles, même pour les remparts des villes, sans intercaler entre les assises de petit appareil en pierre plusieurs couches de grandes briques posées à plat, qui coupaient la monotonie de la façade et qui servaient en même temps à tasser le blocage intérieur.

De ces tuiles ou de ces briques, il y en eut évidemment de toute facture. Au début de l’ère romaine, on en vit de bien mal faites[371] : les ouvriers du pays ne connurent point tout de suite les recettes ou le ‘tour de main des Italiens. Mais ils finirent par obtenir l’un et l’autre. Et on eut en Gaule des briques d’aussi bonne façon qu’en Italie, d’un grain très dur, un peu poreuses, mais légères et compactes[372].

Malgré tout, on évitera d’affirmer que les tuileries aient eu de ce côté des Alpes la même importance que sur les bords du Tibre ou en Campanie. Il s’en installa un grand nombre, mais leur commerce ne s’étendit pas très loin, et leur chiffre d’affaires ne fut pas considérable. C’étaient de bonnes maisons d’utilité municipale, et rien de plus. La brique n’a point pris chez nous la popularité que lui donna l’Italie romaine[373]. — J’excepte quelques régions du Midi, plus complètement acquises aux pratiques latines et où il y eut des manufactures assez considérées[374], et les pays de garnison, où les soldats romains continuaient à exercer leur traditionnel savoir-faire de briquetiers[375].

4° Divers objets ou pièces de mobilier étaient façonnés en terre cuite, par exemple les poids de tisserands[376] et les lampes d’intérieur. De ceux-là, on rencontre en Gaule une quantité inimaginable, lourds et insignifiants, tous, je crois, de fabrication locale. Les lampes, au contraire, sans être rares, bien loin de là, sont moins communes dans les Trois Gaules que dans certaines provinces de l’Empire, telles que l’Afrique ou l’Italie, peut-être parce que les Celtes, à la différence d’autres peuples, n’allumaient point de lumière à l’usage de leurs morts ou de leurs dieux[377].

Aussi la fabrication des lampes d’argile ne provoqua point chez eux une sérieuse activité : une seule maison notable s’y adonna, citez les Voconces de la Drôme[378]. Le monde romain possédait alors une manufacture fameuse de lampes en terre cuite, celle du potier Fortis près de Modène[379], dont la marque fut peut-être la marque industrielle la plus connue dans l’univers entier. Ce qu’elle a livré de petites lampes moulées, ornées de reliefs et signées de ce nom, confond notre imagination[380] : Fortis aurait suffi, s’il l’avait voulu, à la consommation de toute la Gaule[381]. La production indigène fut en partie étouffée par cette formidable concurrence[382]. Et cet exemple de Fortis, encombrant le monde de ses lampes toujours pareilles, banales d’ailleurs de forme et de décor, brisant sous leur nombre les initiatives locales, est peut-être le plus caractéristique de l’histoire économique de l’Empire. Une seule usine outillée pour la fabrication intensive d’un produit déterminé, le livrant à très bon marché, utilisant la paix romaine pour lancer sa marchandise dans tons les lieux de vente, réussit à enrayer ou à ruiner les maisons similaires, à tuer partout un peu de bon travail et d’effort indépendant. Car ce qui triomphait avec la lampe de Fortis, c’était la quantité et non la qualité, le type convenu répandu à des millions d’exemplaires, et non pas l’œuvre nouvelle d’un chercheur original. La copie l’emportait sur l’invention : c’était de la vie et de la beauté qui s’en allait dans cette victoire de l’impérialisme industriel.

5° Les figurines de terre cuite[383], en revanche, sont de fabrication uniquement indigène. Que les Celtes aient emprunté aux Gréco-romains, et seulement après la conquête, l’idée de modeler en argile des images de divinités[384], d’êtres humains[385], d’animaux[386] ou d’objets[387], et qu’ils aient le plus souvent copié pour ces figures des dessins classiques, la chose est fort vraisemblable[388] : mais, à la différence des lampes, les statuettes de glaise ne vinrent jamais du dehors[389]. Elles étaient fabriquées en Gaule, souvent par des industriels locaux[390], et en argile du terroir[391]. — Je me demande s’il n’y eut pas quelques motifs à cette habitude de rechercher des produits nationaux en ce genre d’articles. Peut-être, comme ces statuettes accompagnaient les défunts dans les tombes[392], et comme elles représentaient des divinités familières et domestiques, répugnait-on à se servir de terre étrangère et à les recevoir toutes faites du dehors[393]. Ou, encore, le bon marché fut tel, que la concurrence transalpine n’osa point se présenter.

Car ce sont, ces figurines, des objets à bon compte, ce qu’il y eut de plus populaire dans les boutiques des potiers. La pâte n’est point toujours très bonne ni très bien cuite ; et elles ne sont pas faites à la main, mais à l’aide de moules, qui en ont livré des douzaines de pareilles[394]. Le dessin primitif, fourni par quelque image italienne ou grecque[395], a pu être parfois au-dessus du médiocre : mais l’artiste indigène l’a vite défiguré, ainsi que les modeleurs de Provence ou de Piémont déforment les belles images de saints dont ils s’inspirent pour les figurines vendues aux foires de santons.

Ces santons  en terre, toujours chers aux Marseillais lors des fêtes de la Noël, ce sont après tout les derniers héritiers chrétiens des figurines gauloises. Celles-ci également, j’imagine, se donnaient en cadeau[396] dans le menu peuple, aux fêtes éternelles de décembre et de janvier, aux Saturnales et aux Étrennes[397]. De même que pour les santons encore, il s’en façonna d’abord un peu partout, dans les villes et les villages, là où quelque artiste improvisé se sentit la vocation de créer une image de dieu avec un peu de terre, sur un modèle fourni par une statue étrangère.

Mais, tout autant que notre époque, le monde romain se laissait entraîner à la concentration industrielle, à la production par grandes masses dans les lieux principaux. Les humbles ateliers de figurines ne purent lutter contre ces puissantes maisons qui se mirent à fabriquer par milliers les images populaires : Allusa à Bordeaux, connu pour ses Mères[398] ; l’Armoricain Rextugénos, pour ses Vénus à la rigidité hiératique[399] ; Sacrillos l’Arverne, de Toulon-sur-Allier, grand fournisseur de colombes[400] ; et surtout l’Eduen Pistillus, qui passa maître dans le genre familial, remplissant toute la Gaule de Mères pouponnières, d’enfants au berceau, de lits domestiques, de chiens gardiens du foyer[401]. — Qu’on ne se trompe pas d’ailleurs sur le mérite de Pistillus et de ses émules : ce sont de pauvres œuvres que leurs figurines, faites pour de pauvres ménages, et qui s’en allaient remplir les boutiques à quelques as ou qu’étalaient les colporteurs aux heures de marché.

L’exemple de Pistillus et des imagiers ses confrères nous montre à nouveau ce penchant des industriels romains pour les besognes spéciales. Un potier qui fabriquait des lampes s’interdisait de mouler des statuettes. Il ne s’est point créé, ni en Gaule ni ailleurs, d’immenses entreprises céramiques satisfaisant à toutes les tâches. Un tel effort fut impossible aux hommes de ce temps, qui voulaient le travail facile et rémunérateur, et qui le trouvaient dans l’exploitation à outrance d’une spécialité.

On vit cependant, à cet égard, une tentative curieuse, celle du maître potier arverne Nattus, qui voulut fabriquer des lampes comme Fortis de Modène, de la vaisselle comme les Toscans d’Arezzo, des figurines comme l’Éduen Pistillus[402]. Il était installé au centre de la Gaule, en Auvergne[403], sur ce sol le plus riche en glaise de toute la contrée celtique, chez ce peuple industrieux et entreprenant qui essaya sous l’Empire romain de compenser par la gloire du travail la perte de son principat politique[404]. — Mais la fabrique de Nattus ne dura pas, attaquée en même temps par la concurrence des potiers spécialistes de la Gaule et par l’importation des marchandises italiennes[405].

6° Une place à part doit être faite, à côté des figurines, aux antéfixes et aux médaillons.

Les antéfixes sont, à proprement parler, des tuiles faîtières, destinées à couronner le sommet ou les angles, les frontons ou les façades des édifices. S’agissait-il d’un riche monument, on le surmontait de sculptures sur pierre ou sur marbre, faites exprès pour lui. Visait-on à l’économie, on recourait à des tuiles toutes prêtes, fabriquées au moule par les maîtres briquetiers, et dont les reliefs reproduisaient les modèles consacrés en décoration monumentale, sphinx, mascarons ou palmettes[406].

C’étaient également des pièces de décoration que les médaillons en terre cuite qu’on suspendait aux murailles ou qu’on exposait dans les salons[407]. Par ces médaillons, le bas-relief à son tour entrait dans la céramique, comme la sculpture y était entrée par les figurines. On représentait[408] de cette manière des scènes de mythologie, des combats, des chasses, des sujets pareils à ceux qu’on voyait sur les vases ou les potiches, et aussi quelques scènes historiques, telles que la fondation de Lyon[409] ou les triomphes de Trajan[410]. C’étaient au reste les mêmes images qui revenaient, et que, le moule aidant, on tirait à des centaines d’exemplaires. Rappelons-nous les graveurs sur pierre ou sur cuivre qui ont popularisé chez nous, pendant près d’un siècle, les guerres de l’Empire ou les épisodes de Paul et Virginie, et (sujets mis à part) nous comprendrons le rôle du médaillon en terre cuite.

Cette terre cuite était donc l’auxiliaire ou, plutôt, la remplaçante de tous les arts et de toutes les industries : la brique suppléait à la pierre et à la charpente, la figurine et le médaillon à la sculpture et au bas-relief de bronze ou de marbre, la vaisselle arrétine à la poterie de bois et de métal[411]. Tous ces produits du potier, ce fut l’argile mettant à la portée du plus grand nombre les images de l’art et les modèles de l’industrie. De son premier à son dernier jour, la céramique gallo-romaine fit œuvre de vulgarisation. L’abus du moule tua en elle l’originalité. Ils sont infiniment rares, les objets d’argile qui ne sont point des copies, dont le dessin n’a été fait que pour eux, dont l’auteur a eu pour seul souci de laisser une belle rouvre. C’est en Gaule que nous apercevons le mieux la triste agonie du potier grec, la faillite morale de ses héritiers, tout il la fois enrichis et avilis par l’industrie romaine.

 

XI. — VERRERIE[412].

Les destinées de la verrerie en Gaule répètent celles de la céramique, avec moins de variété d’emplois, mais plus d’effort chez les industriels, moins de vulgarité dans les formes.

Les Gaulois n’ignoraient pas le verre, mais ils ne voyaient en lui qu’une matière d’ornement, pour perles ou bracelets[413] : et c’est des hommes du Midi[414] qu’ils apprirent à en tirer des objets d’usage courant, vases, urnes ou flacons, cubes de mosaïque, plaques pour miroirs[415] ou pour vitrages[416]. Grâce à lui, on put multiplier les petits récipients pour les matières délicates, auxquelles la terre cuite ne convenait point toujours, remèdes, conserves, parfums, drogues et liqueurs[417]. Et on put également étaler sur les tables luxueuses une série élégante et variée de verres à boire[418], de flacons à verser[419], de potiches d’ornement[420], de coupes à fleurs et à fruits[421].

Mais si diverses que furent ces formes d’objets — car le verre se prêta mieux encore que la céramique à toutes les souplesses du façonnage[422] —, la plupart ne furent point d’abord originales[423]. Avec lui également, la Gaule se hâta de copier. Le verre fut, dans nos pays, un tard-venu. Quand il s’y développa, l’art ornemental de l’Antiquité avait accompli une œuvre considérable dans cette industrie même, et aussi dans le métal ou la terre cuite. Il fut fort commode aux verriers transalpins de s’inspirer de leurs maîtres syriens ou même des potiers d’argile[424] et des ciseleurs d’argent ou de bronze[425]. Et ils ne s’en firent point faute dans le dessin de leurs vases, allant, tel fut grand leur besoin d’imiter, jusqu’à reproduire en verre des récipients en bois ou des corbeilles en osier[426].

Du moins, à défaut de la forme, ils apportèrent la couleur, faite des nuances du ciel ou des reflets du soleil : ils surent retrouver par le verre tous les tons de l’azur, du jaune, du blanc, du vert, du violet et du noir même ; au besoin, ils y mêlaient des couleurs adventices et parfois de la dorure[427]. C’étaient, pour la plupart, de bons coloristes, qui, en face de la monotonie de l’arrétin, rappelaient ou ravivaient les traditions polychromes de l’industrie gauloise.

A la fin même, en observant le spectacle de la vie nationale, les verriers de Gaule rencontrèrent une forme originale de récipient[428] : c’est celle du barillet, un vase de petites dimensions, reproduisant en image très réduite le tonneau si cher aux Gaulois et même à leurs dieux : et ramené à ces proportions exiguës, fait de verre brillant, le tonneau banal des vignerons perd de son apparence lourde et trapue, et prend un certain aspect d’élégance[429]. Faisant contraste avec le barillet, aux contours un peu ramassés, se voyaient les ampoules en forme de fuseau, d’une exiguïté et d’une longueur qui semblaient de véritables défis à la matière, droites et minces ainsi que des tiges de fleurs[430]. De celles-ci, on a dit qu’elles venaient de l’Orient[431], où étaient alors les ouvriers les plus subtils en l’art de la verrerie. Je crois plutôt que l’Orient n’a fait qu’envoyer les premiers objets et les modèles[432], et que, sur ce point, l’industrie gauloise a su égaler ses maîtres[433].

En fait de verrerie mille fantaisies pouvaient se donner carrière[434]. On eut, par le moyen du moule ou du soufflage, des bouteilles qui imitaient des grappes de raisin, des vases qui reçurent l’apparence de tête humaine, des flacons en forme de singe ou de coquille, toute la vulgarité des caprices populaires[435]. On eut aussi des essais de travail plus relevé, tels que ces plaques de verre où une line gravure représentait une ville avec ses rues et ses édifices[436]. Mais ce genre de production, y compris celui des barillets et des ampoules, fut d’abord assez limité : il ne se développa qu’à partir du troisième siècle[437], dans le temps même où déclinait la céramique à figures ; et sans doute le déclin du potier et l’effort de la verrerie s’expliquent l’un par l’autre[438].

Fioles, barillets, verroterie de tout genre, c’est surtout dans les nécropoles que nous les découvrons, tandis que la céramique se révèle surtout dans les ruines des maisons. On dirait que les morts ont aimé celte forme de vaisselle et de mobilier, destinée à leurs repas d’outre-tombe ou aux libations de leurs anniversaires[439]. Eux-mêmes d’ailleurs, je veux dire leurs cendres, recherchaient pour dernier asile l’urne de verre[440]. Et je ne sais si l’on ne plaça pas en cette matière, élégante, fragile et durable, quelque attribut particulièrement cher à la mort et à ses Dieux Mânes.

Tous ces produits, de même que ceux de la céramique, ont été d’ordinaire faits en nombre, avec l’inévitable emploi du moule, qui infligea tant de mal à l’esprit d’invention[441]. Mais les verriers, je le répète, réagissaient toujours plus que les potiers. Ils s’ingénièrent à produire des vases de luxe aux guirlandes délicatement modelées, aux découpures qui semblaient imitées de dentelles, aux nuances savamment dégradées qui reposaient l’œil à la manière d’une caresse. Comme on était loin, avec ces œuvres, de l’éclat rude et monotone du vase arrétin ! Il y avait chez le façonneur d’argile trop de besogne industrielle ; le verrier traitait déjà son art en gentilhomme. C’est un peu de la France moderne qu’annonce la verrerie d’art de la Gaule.

Ce qui est une nouvelle preuve de l’allure indigène prise par cette industrie charmante et vivante[442], c’est qu’elle a grandi assez loin du Rhône et de la frontière d’Italie[443], près des Vosges et de la Manche, chez ces peuples de la haute Moselle où la tradition gallo-romaine devait être reprise par Baccarat[444], chez ceux de Normandie[445], où nous trouvons le plus riche des maîtres verriers de là Gaule et peut-être de l’Empire, Frontin, spécialiste en barillets. De toutes les grandes manufactures transalpines, celle de Frontin fut la mieux organisée : outre sa maison mère, elle comprenait une douzaine de succursales ou d’ateliers, ayant chacun la signature[446]. Le plus grand nombre des verres achetés en Gaule portaient la marque frontinienne[447]. Quel regret pour l’historien de ne pouvoir retrouver le centre de ce travail et la suite de ses destinées ! Cela, vraiment, aurait plus d’intérêt pour lui, que ces découvertes de temples ou de théâtres toujours pareils, remplis des mêmes ex-voto inspirés par la plus banale des religions. La vie d’un Frontin, maître verrier en Gaule, a autant de prix pour la connaissance du passé qu’un sanctuaire de Mercure ou une campagne de César.

Tandis que la verrerie progresse, l’émaillerie végète. Il est douteux que les creusets de Bibracte aient été transférés à Autun[448]. Le goût des Romains les éloignait de cet art aux couleurs trop heurtées, qui sentait le Barbare. Devant les progrès de la ciselure sur métal on renonçait aux incrustations d’émail en armurerie. Les merveilles de coloris qu’obtenaient les verriers, la finesse du travail en pierres fines ou précieuses[449], discréditaient la vieille industrie celtique, aux effets jusqu’alors un peu simples et uniformes. Mais elle ne disparut pas, du moins en Bretagne[450] et dans le voisinage du Rhin[451], d’habiles artistes de Belgique y demeurèrent fort attachés[452], et elle devait connaître à nouveau des jours heureux, lorsque des influences différentes feront revivre dans la Gaule chrétienne d’anciennes tendances de l’Occident.

 

XII. — TABLETTERIE ET PAPETERIE.

On ne peut accorder, au contraire, qu’une courte attention aux industries de l’os, de la corne, de l’ivoire, du bois et du papier, qui occupaient fort peu d’ouvriers dans les Gaules et qui n’y déterminèrent aucune glorieuse initiative : car l’importation étrangère arrêtait à chaque instant les élans vers de nouvelles entreprises.

Les siècles romains ne furent point favorables, dans notre pays, à la tabletterie d’ivoire. C’était un travail de luxe, auquel suffirent les ateliers de Honte. Et si les grands seigneurs de la Gaule, les gouverneurs de provinces, les légats d’armées ne s’interdisaient pas, pour orner leurs villas ou leurs tentes mêmes, d’acquérir les ivoires les plus finement travaillés, œuvres de praticiens consommés[453], tout porte à croire qu’ils se les faisaient adresser de la capitale par leurs acheteurs attitrés.

En fait d’objets d’os ou de corne, ceux-ci communs en tant que matière et vulgaires en tant que forme. il va de soi que la Gaule n’avait point besoin de recourir à l’étranger. Elle fabriqua, en ce genre, les mêmes choses que notre temps. des peignes[454], des fuseaux[455], des styles[456] et des tablettes à écrire[457], des lamelles d’éventails[458], des dés[459] et des jetons[460], des flûtes rustiques[461], des manches de couteaux[462], des cadrans portatifs[463] et cent autres objets, bibelots dont le rôle n’est point toujours défini[464]. Je pense que tout cela venait de petits ateliers de faubourg ou de campagne, où quelque pauvre ouvrier, héritier de longues traditions, essayait de gagner sa vie avec un peu de matière première, quelques outils et l’effort de son ingéniosité[465].

C’est dans des ateliers de ce genre que travaillaient les boisseliers de la Gaule, derniers représentants d’une industrie qui semblait en train de s’effacer dans une vie médiocre[466]. Ils y fabriquaient les écuelles et les gobelets en bois destinés aux fermes ou aux ménages misérables[467], si du moins il se trouvait encore des tables et des cuisines où n’avait pas pénétré la céramique arrétine[468]. Mais on ne pouvait pas se passer d’eux pour le façonnage des outils de métier, maillets ou manches d’instruments[469].

Ingénieux de leur nature, les Gaulois, enfin, auraient imaginé mille jolies choses avec le parchemin et le papier[470], si l’industrie étrangère ne les avait pas accablés sous le poids des marchandises importées. Le papier venait d’Égypte[471], le parchemin d’Asie. On eût pu, évidemment, en fabriquer dans le pays, et avoir les produits à meilleur compte que ceux du dehors[472]. Mais on ne l’essaya point, peut-être parce que des édits impériaux confirmèrent contre toute rivalité la suprématie du papyrus d’Égypte ou des peaux de Pergame.

 

XIII. — MÉTAL.

Les industries du métal avaient été les plus vivantes de la Gaule libre. Elles furent profondément modifiées par la conquête, qui fit connaître à tous, fabricants et clientèle, les grands marchés internationaux de matières premières et de produits ouvragés.

L’orfèvrerie souffrit le plus, j’entends l’orfèvrerie d’or[473]. On a déjà vu jusqu’à quel point s’appauvrirent les gisements gaulois du métal précieux. Puis, un artiste indigène, qui jadis travaillait patiemment pour le compte d’un grand seigneur, pouvait-il lutter contre la hardiesse de ces puissants orfèvres de Rome, d’Alexandrie, d’Éphèse, de Smyrne, qui offraient un choix incomparable d’admirables pièces[474] ? Il arrivait en Gaule ce qui se passe chaque jour en Orient ou au Maroc, où les plus originales des industries indigènes disparaissent sous la poussée des articles de Vienne ou de Paris. Certes, les grands sanctuaires, les dressoirs des riches familles, tenaient à étaler de superbes morceaux d’orfèvrerie, tels que cette patère trouvée à Rennes, ornée de quarante figures au repoussé, sertie de seize médailles qu’encadrent des couronnes d’acanthe et de laurier[475] : et on se demande si le bouclier d’Achille lui-même a pu être aussi habilement historié par Vulcain que la patère romaine l’a été par son habile marteleur. Certes encore, les darnes montraient dans leurs écrins toutes les variétés possibles de bijoux, et l’on vit une riche Lyonnaise posséder trente pièces d’ornement, colliers, bracelets, pendants ou broches, dont l’or scintillait au milieu des rubis, des améthystes, des coraux, des grenats et des émeraudes[476]. Mais dans aucune de ces œuvres je ne peux reconnaître la main d’un artiste gaulois.

Peut-être les argentiers furent-ils plus heureux[477]. La tradition de leur art était bien établie en Gaule, le métal y demeura assez commun, et, à défaut des lingots d’or qu’on leur avait donnés au temps de la liberté, les dieux du pays se contentaient alors volontiers de la vaisselle d’argent[478]. On continua donc à en fabriquer en Gaule, sans grande originalité dans la forme et les dessins, sans progrès très nets dans le tour de main[479]. Quand les riches voulaient se payer de belles choses, des images bien finies, ils les demandaient aux gens d’Alexandrie. Rien n’est plus caractéristique, à cet égard, que le trésor de Mercure en son temple normand de Berthouville[480] : il renferme près de cent objets, de divers temps et de divers pays, mais tous également apportés là en offrande dans les deux premiers siècles de l’ère impériale. De ces pièces, quelques-unes sont admirables, parmi les plus belles qu’aient produites des argentiers antiques, telles ces deux aiguières oit apparaissent les images de héros de la guerre de Troie : ce sont les œuvres d’artistes grecs qui eurent leur jour de célébrité, et Mercure les a reçues d’un riche Gallo-Romain, dévot à son culte[481]. Et voici, à côté d’elles, des statuettes médiocres, qui décèlent la main d’un artiste du pays, présent fait au dieu par quelque pèlerin de Gaule[482]. — Mais quelle étrange force d’attraction chez ce Mercure gaulois, hier encore inconnu du monde, et qui aujourd’hui attire dans un de ses sanctuaires, perdu sous les brunies de la Normandie, les derniers chefs-d’œuvre de l’art hellénique !

En matière de bijouterie courante, le marché gaulois ne fut point trop envahi par les étrangers. La vaisselle ordinaire d’argent devait sortir de quelques ateliers de grandes villes[483] et il en était certainement de même des anneaux d’or, d’un usage fort répandu chez les Gallo-romains, assez finement travaillés, et suivant un modèle consacré par les habitudes indigènes[484].

Les bronziers[485] eurent aussi fort à faire dans cette lutte pour la vie. Mais ils tinrent bon, fidèles à leur gloire d’antan[486]. Comme cette industrie, plus que nulle autre, se spécialisa très vite pour produire davantage et à meilleur compte, une sorte d’entente, tacite ou organisée, se fit entre les différents fabricants[487]. La chaudronnerie, autrement dit le bronze de cuisine, fut laissée pendant longtemps, du moins dans la zone des armées, aux importateurs italiens, en particulier à ce grand manufacturier de Campanie, Polybe, qui ouvrit toutes les terres du Nord à ses poêles et à ses casseroles[488]. Mais les Gaulois restèrent les maîtres dans les petits bronzes de vestiaire[489], d’équipement[490], d’ameublement[491], ce que nous appellerions l’article de Paris[492] : quelques bonnes maisons du pays suffirent d’ailleurs à accaparer les marchés, telles que celle d’Aucissa le Belge pour les fibules ou épingles à crochet[493], ou celle de Gémellianus l’Helvète pour les fourreaux d’épées de gladiateurs[494]. Si, pour les belles statues ou figurines d’airain, pour les meubles ou les vases d’ornement, on continuait à s’adresser aux grandes villes d’Italie ou d’Orient[495], la Gaule était depuis longtemps trop riche en ateliers indigènes, modeleurs, mouleurs et fondeurs compris[496], pour ne pas répondre à toutes les demandes courantes, qu’il s’agit de dieux romains ou de divinités nationales : dans les trésors de temples, tels que celui de Neuvy chez les Carnutes, on distingue à première vue nombre de pièces fabriquées dans le pays, dont la rudesse naïve contraste avec l’élégance d’allure des images importées[497]. Mais chez les unes et les autres le bronze est de même qualité : ce qui pèche encore dans les Gaules, c’est l’éducation de l’artiste, et non pas l’expérience de l’industriel. L’État lui-même reconnaissait cette maîtrise technique des bronziers gaulois, plusieurs fois séculaire, lorsqu’il installait çà et là dans les villes ou les campagnes des fabriques d’armes pour les fournitures des troupes de Germanie[498].

Tous ces produits de bronze étaient objets portatifs, et connus en Gaule de temps immémorial. Rome révéla en outre aux artistes et aux manufacturiers du pays l’art d’employer le vieil alliage à des œuvres plus grandioses, de le faire servir aux constructions mêmes. On fit avec lui des toitures brillantes pour les édifices publics et pour les villas des riches ; on le fondit en statues colossales d’hommes et de dieux[499] : aucun effort ne fut inutile avec lui, et, sous l’impulsion des mœurs romaines, il paracheva dans les Gaules ses succès deux fois millénaires[500].

A la différence du bronze, le plomb, clans la Gaule latine, fut à demi une nouveauté. C’est la conquête qui en vulgarisa l’usage industriel, en provoquant partout thermes et aqueducs, auxquels le lourd métal fournit toutes les conduites nécessaires[501]. Comme moindres objets, il livra des sarcophages[502], des tablettes à écrire[503], des médaillons[504], des jetons, des marques de sceaux[505]. Mais cette fabrication empruntait trop de matière première à l’étranger pour accroître sensiblement la richesse du pays[506].

En revanche, l’industrie du fer devenait la grande métallurgie des Gaules[507]. Sa prospérité, ébauchée dans les derniers siècles de l’indépendance, s’affirma pour toujours. Tout un monde de travailleurs relevait d’elle, depuis les maîtres de forges puissants et riches[508] jusqu’aux humbles forgerons de campagne : marteaux et tenailles, ce sont peut-être les outils qui apparaissent le plus souvent sur les tombes[509]. Aucune industrie ne fit davantage pour la vie des Gaulois, leur vraie vie, celle des camps, de la terre, de l’atelier, du foyer. Elle procure aux paysans charrues, herses, faux, couteaux, haches et serpes[510] ; aux charpentiers ou aux maçons, marteaux, ciseaux, tenailles, scies, clous aux formes innombrables[511], écrous, clés à visser, limes, règles, compas et enclumes[512], et ces fameuses hachettes de fer, ou asciæ, si célèbres dans la symbolique funéraire des Celtes[513]. Les hommes de guerre reçurent d’elle leurs armes de tout genre, et notamment les épées, dont le commerce suffisait à faire vivre une maison de négoce[514] ; les chasseurs lui demandèrent des couteaux, des dards et des lances[515] ; et elle travailla aussi pour les gladiateurs[516], dont quelques-uns même portaient des cuirasses en lames de fer[517]. Dans la vie domestique, la serrurerie atteignit alors son apogée, avec ses fermetures, ses pênes, ses gâches, ses cadenas, ses clés à dents variées, aux dimensions parfois énormes, compliquées comme des machines et lourdes comme des armes[518].

D’aucun de ces objets et de ces outils de fer on ne peut dire que les Romains en aient révélé à la Gaule ou l’usage ou la forme. D’aucun il n’est probable qu’il soit d’importation étrangère. On pressent, à étudier la Ferronnerie de la Gaule romaine, qu’elle s’est développée normalement, suivant ses habitudes nationales, d’après des types et une technique auxquels il n’y eut presque rien à ajouter[519]. C’est peut-être la seule des industries à laquelle on soit tenté d’accorder ce mérite : et c’était celle qui s’adaptait le plus aux usages quotidiens de la vie laborieuse.

 

XIV. — ORGANISATION DE L’INDUSTRIE.

Cette rapide extension de toutes les industries est le fait le plus important que présente la vie économique de la Gaule à l’époque romaine. Jusque-là, se conformant aux lois les plus visibles de sa nature, elle avait été surtout une terre bien cultivée[520] : elle ajouta alors aux mérites et aux denrées de son sol le travail de ses ouvriers et les produits de ses manufactures[521]. Rome la transforma à la façon dont Colbert voulut transformer la France.

Mais il y eut, entre l’œuvre du grand ministre et celle de l’Empire romain, une différence fondamentale. Celle-là fut le résultat d’une autorité publique : Colbert exigeait que la France s’entendît et se consacrait au fait de la fabrique, et ce fut lui qui fonda, surveilla ou soutint les principaux ateliers. L’État romain, au contraire, négligea le plus souvent d’intervenir[522] ; les industries naquirent d’elles-mêmes, sous l’influence de faits naturels, la richesse de la contrée en matières premières, l’ouverture de relations internationales, l’invasion des habitudes gréco-romaines, la dextérité des travailleurs indigènes, l’installation de fabricants étrangers.

Car le rôle de l’étranger, dans ce renouveau industriel, fut aussi grand qu’au temps de Colbert, et il se manifesta par les mêmes manières. Tantôt c’étaient des ouvriers ou des manufacturiers qui venaient s’établir en Gaule, ce qui fut le cas pour les travaux d’art, sculpture, mosaïque ou architecture[523]. Tantôt c’étaient seulement des procédés et des modèles exotiques que les Gaulois faisaient venir, et qu’ils copiaient avec cette intelligence dans l’imitation dont s’était jadis émerveillé Jules César leur premier maître : c’est ainsi qu’ils devinrent verriers à la façon des Orientaux, céramistes suivant le type des Toscans, bronziers comme les Campaniens, briquetiers et cimentiers la manière romaine.

De même que l’industrie s’appliqua à toutes les matières ouvrables du sol, elle s’accommoda de toutes les formes sociales de la vie commune. La forme monarchique fut représentée par la grande manufacture, dirigée ou possédée par un seul elle occupant des centaines d’ouvriers ou d’agents, possédant ses succursales et ses ateliers distincts, dont chacun avait son contremaître, esclave ou affranchi du patron, parfois contresignant sa marque : telle fut la fabrique du maître verrier Frontin[524]. Quelques-unes de ces grandes maisons appartenaient à des associés, en nom ou en commandite, frères, parents ou simplement confrères[525] Mais cette aristocratie de manufacturiers n’empêcha point, du moins sous le Haut Empire, la formation d’une bonne, voire d’une petite bourgeoisie industrielle, et même d’une plèbe de tout petits producteurs[526]. Il y a quantité de marques de potiers ou de bronziers qui ne sont représentées que par un seul objet : on pressent qu’il sort de quelque humble boutique oit un travailleur libre gagnait sa vie devant son atelier, aidé par un seul esclave ou un jeune apprenti[527]. Au reste, cette bourgeoisie et cette démocratie artisanes, qui furent, dans les meilleurs temps de l’Empire, la force pacifique et laborieuse de la société, avaient le droit de former des corps de métiers : et ces corporations, syndicats professionnels de patrons, gros et petits, avaient, à leur tour, le droit de défendre les intérêts du métier en face des pouvoirs publics, empereurs ou municipes. L’industriel, même le plus pauvre, était d’ordinaire moins isolé, moins exposé que le petit propriétaire[528]

N’opposons pas cependant outre mesure l’industrie et la propriété. Elles se confondirent ou s’aidèrent souvent à cette époque. Toute villa possédait ses ouvriers et ses ateliers, je ne dis pas seulement pour faire le pain, préparer la laine ou confectionner des habits, mais encore pour façonner outils, briques ou pots nécessaires à la vie courante[529] Une exploitation rurale se doublait toujours de tâches industrielles. Et dans les plus grands domaines, parfois, c’étaient de véritables manufactures qui s’installaient pour des travaux de forge ou de fonte, de céramique ou de verrerie. Un riche propriétaire était aussi patron d’usine, il avait ses équipes de potiers comme ses troupes de vendangeurs, il vendait ses faux arrétins ou sa chaudronnerie comme ses laines ou ses blés aux grands brasseurs d’affaires qui circulaient dans l’Empire[530].

Je n’ai parlé jusqu’ici que du patron. L’ouvrier, c’est en règle générale un esclave[531].

Cela ne veut point dire qu’il n’y eut à craindre, dans les industries, ni coalition, ni grève, ni sabotage. Ces choses sont de tout temps. Mais ou les appelait séditions ou guerres serviles, et c’était bien alors des mouvements sociaux, d’une classe contre une autre. Au reste, les causes étaient pareilles à celles qui agitent nos ouvriers libres, rémunération insuffisante, mauvais traitements, travail excessif[532].

Comment formait-on ces ouvriers ? En Gaule, nous ne savons rien à ce sujet. Mais disons-nous bien qu’on savait les former : sans quoi, céramiques arvernes et verreries normandes n’auraient pas duré pendant plusieurs générations. Je ne crois pas à des écoles techniques, analogues à celles que nous multiplions aujourd’hui, sans voir le vice de ce système. Je crois plutôt, comme pour l’ancienne France, à des leçons données, dans l’atelier même, par le bon ouvrier qui travaille à l’apprenti attentif qui le remplacera un jour[533] : ce qui est la meilleure manière d’apprendre, par l’exemple et par la tâche même, et à l’endroit précis où les choses doivent être faites. Pour un artisan, l’école professionnelle, même la meilleure, est un peu une expatriation, un renoncement à l’ambiance qui forme plus encore que la parole. L’apprenti, près de l’ouvrier à la besogne, remuant le mortier pendant que le maçon ajuste la pierre ou cimente la muraille[534], regardant faire, comprenant par la vue et par quelques conseils donnés au bon moment, associé plus tard à l’œuvre de l’aîné et signant parfois avec lui[535] : voilà sans doute le spectacle qu’offraient les fabriques d’autrefois, où l’on faisait produits si durables, et où une tradition se continuait.

En face de ces entreprises privées se dressaient les manufactures des cités[536] et celles de l’État, que nous sommes souvent tentés d’oublier. Celles-ci se rattachaient presque toutes à la vie militaire, qu’il s’agit de carrières, de briqueteries ou de métallurgies[537] : les ouvriers y étaient, soit des soldats détachés de leurs corps[538], soit des civils sous les ordres de contremaîtres officiers[539], et les produits en étaient destinés aux camps[540]. Les fabriques municipales servaient, les unes à approvisionner les services publics en objets nécessaires, les autres à accroître les revenus de la commune par des ventes au dehors. Si ces fabriques officielles ont donné lieu à des inquiétudes de la part des commerçants libres, c’est ce que nous ignorons.

Les fabriques d’État se bâtirent d’abord en dehors des villes[541]. De même, de grands usiniers tenaient à s’installer à la campagne, loin des chertés et des dangers de la vie citadine. Leurs fabriques finissaient par créer de vrais villages, et si tant de bourgades françaises s’appellent aujourd’hui Félines, c’est qu’elles doivent souvent leur naissance à des poteries, figlinæ, de l’époque romaine. Cela n’empêche qu’il y avait un certain nombre de constructions industrielles dans les faubourgs des grandes cités, et, dans les ruelles de l’intérieur, beaucoup d’ateliers ou d’échoppes où retentissait l’enclume du forgeron[542], où grinçait le tour du potier. Somme toute, la vue du monde actuel nous aidera à comprendre celui de ce temps.

Je dis la vue, je ne dis pas la loi. Au point de vue législatif, il nie semble qu’il y a opposition absolue entre les deux époques. La nôtre a l’habitude, presque la manie, de légiférer en matière industrielle : elle enregistre les modèles, protège les marques, fixe les appellations, surveille l’origine, et, s’il y a lieu, vérifie les prix et les produits. L’État romain laissa faire le plus souvent, du moins dans les trois premiers siècles de l’Empire : il est vrai que nulle concurrence de produits étrangers ne pouvait gêner les manufactures de ses habitants.

Il semble bien que les industriels gallo-romains marquaient leurs produits, et de façon à les faire aussitôt reconnaître[543]. Cette marque, c’était du reste simplement leur nom, tracé au stylet, ou moulé à même l’objet, ou empreint à l’aide d’un timbre. Chacun avait sa signature préférée : l’un écrivait volontiers son nom en toutes lettres[544], l’autre le figurait souvent par des initiales[545]. Mais rien n’était plus facile à imiter. Et je ne sache pas que les empereurs se soient jamais armés afin de combattre ce genre de fraudes. Après tout, la fabrication des faux arrétins d’Auvergne et de Rouergue n’est à son origine qu’une vaste entreprise de contrefaçon[546]. L’État et les industriels s’en remettaient au public du soin de reconnaître les marques authentiques et les produits originaux. Enfin, à partir des Sévères, on abandonna peu à peu l’usage des marques industrielles : nous ignorons si ce fut à la suite d’édits impériaux.

Ne croyons pas cependant à une tolérance systématique de l’État en matière industrielle[547]. Quand il le jugeait bon, il intervenait, vivement et violemment, plutôt par à-coup[548] qu’en vertu d’une politique suivie. Il enraya en Gaule la production du vin, il restreignit en Bretagne l’exploitation du plomb[549], il régla, dans un temps de crise, la consommation du papier[550]. Mais ce sont mesures d’exception. Le plus souvent il laissait faire, moins par politique de libéralisme que par absence de politique.

C’est grâce à cette liberté que les industries de la Gaule purent devenir à la fois très riches de produits et très pauvres d’idées[551]. — Leur production fut énorme : car elles purent, sans scrupule et sans gêne, imiter ou contrefaire tous les modèles des fabriques gréco-romaines ; de ces modèles, grâce à l’usage du moule, elles tirèrent à bon compte d’innombrables répliques ; le travail était d’autant moins coûteux, les quantités produites d’autant plus considérables, que l’industriel tendait à ne plus façonner qu’un seul objet, celui-ci des lampes et celui-là des fibules ; et enfin, ce stock de marchandises, si grand fût-il, rien n’était plus facile que de l’écouler à vil prix, dans les garnisons, les villes neuves, les marchés, lés campagnes, par toutes les routes de l’Occident, maintenant largement ouvertes. — Mais par là même cette production était de plus en plus mécanique. Depuis l’image empruntée à la Grèce et qui servait de modèle, jusqu’aux millions d’objets sortis du moule, aucune place n’était faite à l’esprit d’invention. Désirait-on un travail fini et original, une chose qui Mt unique ou nouvelle, c’était aux marchands d’Italie ou d’Orient qu’on s’adressait, et souvent d’ailleurs ils livraient des bibelots ou des chefs-d’œuvre transmis par les anciens temps et vendus par quelque propriétaire besogneux. La Gaule, elle, sacrifiait l’effort à la mode, l’initiative de chacun aux commodités de tous, l’art à la camelote : du jour où elle échangea sa vie nationale pour entrer dans un grand Empire, son industrie fut emportée par des ambitions mondiales vers les marchés accueillants où l’on s’enrichit, loin des sentiers difficiles qui mènent à la découverte ou à la beauté. Elle oublia les écoles où avaient peiné ses ancêtres, ses poteries polychromes, ses émaux, ses tapis, ses vêtements de couleur, pour suivre, en imitatrice docile, adroite et intéressée, les voies les plus banales du inonde gréco-romain.

 

 

 



[1] Comme bibliographie générale : Blümner, Technologie und Terminologie der Gewerbe und Künste bei Griechen und Rœmern, 1re éd., 4 v., 1875-87 ; 2e éd., I, 1912 ; Cagnat et Chapot, Manuel d’archéologie romaine, I, 1917.

[2] Choisy, L’Art de bâtir chez les Romains, 1873 ; le même, Vitruve, I, 1909 ; Léger, Les travaux publics... aux temps des Romains, 1875 ; d’utiles renseignements techniques chez Grangent. Durand et Durant, Descr. des monuments antiques du Midi, 1819 [limitée au département du Gard].

[3] On disait structores pour les ouvriers de la construction. — Sur les outils, Héron de Villefosse, Outils d’artisans romains, dans les Mémoires des Antiquaires de France, de 1901 et 1902, LXII et LXIII ; en outre, Esp., n° 730, 781,1501, 1509, 1612, 1615, 1881, 5226, 5227, etc. Je ne crois cependant pas que les représentations funéraires d’outils de maçons (triangle ou niveau, équerre, règle, ciseau, etc.) se rapportent nécessairement à la profession du défunt ; ils peuvent se rattacher, comme l’ascia, à quelque rite relatif à la construction du tombeau.

[4] Employés en particulier pour les pavés dans les rues de Fréjus romain (Texier, 3e mém., p. 240).

[5] Voyez, au chapitre précédent, les enquêtes de Texier et de Harold de Fontenay, enquêtes qui sont des modèles.

[6] Il y a cependant trace d’essais successifs en matière de pierre à sculpter.

[7] Le porphyre qui a servi à Fréjus et dont on a retrouvé les carrières romaines (à mi-côte de la montagne du Grand Défens), était exploité par banquettes et à la trace ; on remarque, dans le roc taillé à pic, les rainures pratiquées pour enlever le bloc. Elles se traçaient à la masse et au poinçon, suivant une pente de 50 degrés ; lorsque l’ouvrier était arrivé au bas de la roche, il reprenait dans un sens opposé, ce qui formait sur la pierre de grandes hachures en épi ; Texier, 3e mém., p. 205. — On a supposé (Bazin d’après Aurès, Nîmes, p. 104) que les gros blocs des Arènes avaient été taillés sur place et non pas amenés tout taillés de la carrière. Je ne crois pas cependant que ce fut l’habitude des Romains ; cf. l’inscription des marbriers de Saint-Béat, les remarques très précises d’Ardaillon, Dict. des Ant., VI, p. 1801, les constatations de Texier (l. c.), qui a reconnu aux carrières des blocs paraissant avoir été préparés pour des fins de colonnes.

[8] À l’aide, pour les pierres dures, d’une scie linéaire, longue tige de métal sans dents, qui jouait sur du sable humide (Pline, XXXVI, 51 ; von Cohausen et Wierner, Rœm. Steinbrüche auf dem Felsberg, Darmstadt, 1876, p. 31, fig. 11-16). Ausone rapporte que, pour tailler les marbres sur l’Erubris (Ruwer, affluent de la Moselle), on faisait actionner la scie par les eaux de la rivière, stridensque trahens per levia marmora serras (Mos., 363). — Les pierres très tendres de la Belgique étaient débitées par la même serra qua lignant (Pline, XXXVI, 150 ; cf. Vitruve, II, 7, 1).

[9] A Fréjus, la dureté des matériaux n’a pas empêché les constructeurs de former un appareil très régulier ; Texier, 1er mém., p. 181.

[10] A Autun, dans les constructions du temps d’Auguste, les joints des blocs de calcaire sont tellement serrés que la plupart sont presque invisibles au premier abord ; de Fontenay, p. 38. On arrivait à ce procédé en introduisant dans un trou de la pierre un levier, et, à l’aide de ce levier, en imprimant à la pierre un mouvement qui usait sa surface d’appui et resserrait les joints. — On a remarqué, aux Arènes de aimes, que les Romains apportaient tous leurs soins dans la taille des lits, tandis qu’ils négligeaient un peu celle des parements (Grangent, p. 65). — Les blocs pouvaient être en outre reliés par des clés de mortier introduites dans des vides ménagés au centre. Quant aux différentes agrafes de scellement en métal, ou même en bois ou en marbre, voir Choisy, Art de bâtir, p. 115-6.

[11] Au moins au Ier siècle. — On a relevé des malfaçons dans les joints verticaux des Arènes de Nîmes, qui laissent souvent des jours entre eux (Aurès ap. Bazin, p. 104) ; mais je ne sais ai ces jours existaient à l’époque romaine. Négligences dans les surfaces des parements, n. précédente. — Il ne faut pas cependant nier qu’il ait pu y avoir des édifices mal construits et qui n’ont pas eu la vie très longue. D’assez nombreuses inscriptions mentionnent des ædificia vetustate conlapsa (en bien moins de deux siècles, XIII, 939 ; 7566 a, etc.).

[12] Espérandieu, n° 2779 ? (Sens) ; Vitruve, X, 2 (trocleæ) ; cf. Choisy, Art de bâtir, p. 117-8 ; Germain de Montauzan, Essai sur la science et l’art de l’ingénieur aux premiers siècles de l’Empire, 1908, p. 82 et s.

[13] En particulier des échafaudages volants, portés en surplomb sur des corbeaux, et se déplaçant à mesure que la construction s’élève ; Choisy, p. 118 (Pont-du-Gard).

[14] L’ensemble de la maçonnerie prend l’aspect d’une seule masse ; de Fontenay, p. 38 (porte d’Arroux à Autun).

[15] En cas, bien entendu, de posement des blocs à plat. — Mais dans le petit appareil dit réticulé ou en filet (opus reticulatum), où les cubes de pierre sont posés sur l’arête, la recherche esthétique est plus grande encore, puisque l’ensemble forme un réseau complet de, losanges réguliers. Le type le plus parfait, en Gaule, de cet appareil réticulé est l’aqueduc du Gier à Lyon, où le caractère déjà un peu mièvre du parement en réseau est encore complété par l’alternance des deux couleurs, blanc et gris bleuté (grès calcaire et gneiss). Comme ce parement offrait moins de garanties de stabilité que le parement à plat, il est assez rare en Gaule. Cf. les excellentes remarques de Germain de Montauzan (Aqueducs, p. 236-241), qui croit cet aqueduc contemporain d’Hadrien.

[16] Le gros appareil comporte généralement, pour un bloc, deux pieds en hauteur d’assise, autant et bien davantage en longueur de parement. Le moyen appareil ne dépassait pas un pied par dimension de bloc. Les deux farinent également ce qu’on appelle l’opus quadratum.

[17] Je ne parle que de la Gaule.

[18] Les cubes de pierre du petit appareil maçonné sont de dimensions assez variables, d’abord plus ou moins carrés sur la face visible, puis plus ou moins allongés. A Fréjus, sous Auguste, ils ont, sur tous les édifices, les méfies dimensions, de 150 millimètres sur les deux côtés de la face, 300 en profondeur (c’est bien de l’isodomum) ; Texier, 1er mém., p. 181. La régularité disparaît d’ailleurs peu à peu avec le temps, et les cubes tendent à s’allonger : au Palais Galien de Bordeaux, Brutails me signale le fait avec grande netteté (cf. pseudisodomum). On dirait parfois que le petit appareil de pierre tend à se rapprocher de l’opus en briques : aux murs de Bayonne (IVe siècle), les dalles de brique ont été parfois remplacées par les dalles de pierre de Bidache de mêmes dimensions (Revue des Ét. anc., 1905, p. 153). — Ces petits appareils se rattachent à l’opus cæmenticium, et mériteraient une étude spéciale de mensuration.

[19] Voyez les remparts bâtis à partir d’Aurélien, où les parties supérieures, en petit appareil, offrent des assises de blocs parfois très régulièrement disposées, au lieu que les soubassements, faits de gros blocs empruntés à d’anciens édifices, sont au contraire de disposition informe.

[20] Voyez par exemple les monuments de Champlieu et les Arènes de Senlis, en petit appareil à demi régulier (pseudisodomum).

[21] C’est ce que semble dire Vitruve à propos du petit appareil régulier (Græcorum structura, II, 8, 5, isodomum), quoiqu’il ne parle ici que de la solidité.

[22] Il reste possible que cette recherche de la symétrie vienne, même pour ces temps de l’indépendance, de l’influence grecque.

[23] Voûtes en berceau, d’arête, sur plan circulaire ; le plus souvent maçonnées ; cf. Choisy, Art de bâtir, p. 31 et s. — Voyez surtout, pour le second type, la grande salle de Cluny, où la voûte a 0 m. 65 d’épaisseur à la clé, et était assez solide pour porter un jardin (de Pachtère, p. 87).

[24] Cf. Choisy, Art de bâtir, p. 143 et s. — Les variétés dépendent de l’inclinaison et des matériaux de couverture. La domination romaine relégua aux habitations populaires les chaumes, roseaux ou bardeaux, qui permettent plus d’inclinaison, s’accommodent des toits en cône ou en pyramide.

[25] Sans tenir toujours compte des différences de climat : La faible inclinaison des toits, en usage en Italie, fut appliquée dans nos contrées du Nord pour lesquelles elle n’était point faite.... On en vint à couvrir les salles non voûtées... de Cluny comme on aurait couvert un temple ou une basilique à Naples ; Choisy, p. 151.

[26] Les marches, d’ordinaire plus hautes et parfois plus étroites et moins profondes que de notre temps. — Communication de Mazauric : à la maison Carrée de Nîmes, les marches antiques devaient être de 0 m. 24 de hauteur, alors qu’on a donné aux marches modernes de l’escalier restauré 0 m. 21 ; la profondeur antique devait être inférieure de 2 à 3 centimètres à celle, 0 m. 32, qu’on a donnée aux marches actuelles, et serait par conséquent d’environ un pied romain.

[27] Ou par conduites à l’intérieur de la muraille. Je pense ici aux thermes publics ou aux villas les plus riches : cf. Cagnat et Chapot, p. 298-9, 219 et s., et (toujours à consulter) Morin, Note sur les appareils de chauffage, etc., dans les Mém. présentés par divers savants à l’Académie des Inscr., 1re s., VIII, 1869, IIe p.

[28] On a cru constater qu’elles ont été plus répandues en Gaule qu’en Italie. Voyez en particulier les sous-sols des habitations d’Alésia, bétonnés, avec escalier et soupirail. On en a signalé de semblables en Belgique et ailleurs. Les plus remarquables peut-être de la Gaule sont les soixante caves découvertes dans la forêt de Compiègne : elles devaient être recouvertes d’un plancher établi en maçonnerie supporté par de fortes solives en bois ; parfois, le sol est bétonné et des trous circulaires sont ménagés dans le béton de manière à recevoir des amphores (Cauchemé, Descr. des fouilles archéologiques exécutées dans la forêt de Compiègne, IIe p., 1902).

[29] Sidoine, Epist., II, 2, 11 (la villa d’Avitacum en Auvergne) ; Sidoine, Carmina, 22, 189 et s. (dans la villa de Bourg sur Dordogne) ; Julien, Mis., p. 341, Sp. (dans son palais de Paris). Il s’agit dans ces trois cas de pièces.

[30] Les textes qui nous le font connaître sont du Bas Empire, et il est possible que ce vieux système de chauffage ait disparu presque partout chez les riches (comme de notre temps) devant le chauffage central. — On sait les innombrables discussions que la question des cheminées a provoquées chez les archéologues de tous les temps.

[31] Voyez les remarques de Choisy (p. 151), et celles de Grenier, Habitations, p. 87-8 : Le plan général est conforme à celui de la villa classique. L’atrium avec ses galeries ouvertes, par exemple, qui était un véritable contresens sous le climat rigoureux de la Belgique, y fut adopté, ce qui révèle une application sans critique et routinière du plan traditionnel en Italie. Ceci est très juste.

[32] Longueur de la salle, 21 m. 24 ; largeur, 11 m. 64 ; hauteur, 14 m. 52 (environ 50 pieds).

[33] A Nîmes, 21 m. 41, d’après Mazauric (environ 72 pieds).

[34] 200 pieds, 66 mètres.

[35] Sans doute le plus long pont-aqueduc de la Gaule, sur la Moselle, environ 1120 mètres de longueur, 118 arches (on a dit aussi 114). Voyez sur lui les judicieuses remarques de de Montfaucon, Suppl., IV, p. 105 et s.

[36] Au niveau de la cimaise du second étage ; Mazauric donne 273 m. en tout.

[37] 48 m. 77, soit 20 m. 12 pour chacun des deux premiers étages, 8 m. 53 pour le troisième.

[38] Le grand arc mesure 24 m. 52, et, pour comble de hardiesse, l’épaisseur des piles (4 m. 80) parait inférieure à l’épaisseur que les architectes jugeraient aujourd’hui nécessaire (5 m. 25). Cette ouverture d’arche ne parait pas avoir été dépassée en Gaule. Cf. Léger, p. 338 (tableau), 570-1.

[39] Ajoutez l’épaisseur des murailles. Au temple de Vassogalate, que je crois à Clermont, la muraille était de 30 pieds, à l’extérieur de grand ou moyen appareil (quadris sculptis), à l’intérieur de petit appareil (minuto lapide) : ce qui me parait annoncer une construction en mur double fort curieuse, antérieure à Marc-Aurèle, et des beaux temps de l’Empire (Grégoire de Tours, H. Fr., I, 32).

[40] Sur les cimentiers, en dernier lieu : Choisy, Vitruve, I, 1909, p. 12 et s. ; Germain de Montauzan, Aqueducs, p. 256 et s. (particulièrement utile).

[41] Je dis moindres parce qu’en principe il y avait antinomie entre l’emploi du mortier et celui des pierres de taille (grand et moyen appareil) : lors même que les pierres de taille devaient se liaisonner avec des massifs maçonnés, elles étaient toujours posées à sec ; le mortier n’avait qu’une fonction essentielle,  celle d’une gangue plastique propre à réunir des cailloux en une agglomération artificielle ; Choisy, Art de bâtir, p. 115. — Mais il est d’autre part à bien remarquer, que l’usage du ciment, qui évite les frais et les soins de l’appareillage, ne cessa de croître avec la décadence de l’Empire. Par exemple, dans les lignes de briques, le lit de ciment formant liaison est, au Ier siècle, extrêmement mince, et arrive, au IIIe, à avoir l’épaisseur de la brique même. On a même essayé, ce que je crois prématuré, d’établir une chronologie des édifices maçonnés suivant le degré d’épaisseur des lits de ciment (en dernier lieu Esther Boise Van Deman, American Journal of Archæology, XVI, 1012, p. 387 et s.).

[42] Je n’ai jamais entendu parler de l’emploi de mortier par les Gaulois. A la rigueur, l’argile battue leur en tenait lieu.

[43] Mortarium en latin. Cæmentum, materies cæmenticia, etc., signifie la maçonnerie proprement dite, faite de matériaux autres que la pierre de taille, d’éclats de rochers, déchets de carrières, cailloux, pierrailles et caillasses de tout genre, agglutinés en une sorte de béton par un bain de mortier [j’emploie l’expression de béton, tout en remarquant qu’il ne s’agit pas, dans ces sortes de murailles, de béton préparé d’avance, comme le nôtre]. Les Romains, de ce bétonnage, firent un emploi extraordinairement fréquent, et qui n’est comparable qu’à ce que les temps actuels ont imaginé en ciment ou en béton armé. Ils sont employé : 1° par compression ou pilonnage, au sous-sol des routes, des édifices, au remplissage des fondations (cf. Vitruve, VIII, 6, 14), au noyau intérieur des murs à parements de pierres de taille ; 2° sans compression, à la construction de murs entiers, avec, le plus souvent, un revêtement de briques ou de moellons de petit appareil.

Ces murs de mortier, à revêtement de petites pierres ou de briques, ont été employés, non seulement pour les maisons, mais aussi pour les plus grands édifices, comme les remparts de Fréjus, l’édifice parisien de Cluny, la presque totalité des arcades d’aqueducs. Et cela, je le répète, est la merveille de la maçonnerie romaine, et’ peut-être celle de tous les temps ; et c’est de l’excellence du mortier qu’elle résulte. Le revêtement, qui nous frappe surtout aujourd’hui, n’a qu’une importance secondaire dans la construction, qui tient sans lui ; tout au plus peut-il la protéger contre la pluie (Choisy, Art de bâtir, p. 21). Mais il sert surtout à l’effet décoratif. — C’est d’après l’apparence de ce revêtement qu’on distinguait les différents systèmes d’opera : 1° en filet, opus reticulatum ; 2° le même avec intercalation de lignes de briques ; 3° l’appareil en moellons disposés à plat, de beaucoup prépondérant en Gaule ; 4° le même, avec intercalation de lignes de briques (constant depuis Hadrien ?) ; 5° appareil en assises de briques seulement ; 6° opus incertain, revêtement en pierres irrégulières sans aucun dispositif artistique, mais où l’emboîtement des pierres rend le parement plus solide.

Les lignes de briques dont nous avons parlé ne formaient pas seulement décor, Elles servaient aussi, et surtout, à assujettir au blocage les pierres de revêtement, à les relier entre elles, à maintenir les différentes couches du mortier intérieur, à y éviter des poussées ou des déplacements ; elles sont les analogues de ces parpaings en bois que recommande Vitruve pour les murs des villes (I, 5, 3) ; cf. Choisy, Art, p. 26-7. Car, en principe, ces lignes traversaient tout le massif du blocage intérieur, formant des espèces de planchers d’une face à l’autre. Tout cela était fort bien compris.

[44] Il est possible qu’on choisît de la brique très cuite.

[45] Il y a, depuis un demi-siècle, une tendance à rabaisser la réputation du ciment romain, à railler les expressions enthousiastes qu’il a provoquées chez nos devanciers (ciment dur connue le fer, on reconnoît le siècle des Romains, de La Sauvagere, Recueil, p. 169). J’ai peur qu’on aille trop loin dans cette réaction. On a dit que le mauvais ciment romain a disparu, que le bon est resté : usais il faut avouer qu’il en est resté du bon en quantité considérable, et dans les moindres endroits. On a dit que le temps a contribué surtout à celte dureté : mais est-il sûr que les Romains n’aient point prévu cet accroissement graduel de solidité ? Le ciment romain a trop frappé les observateurs, dès le Moyen Age, pour que sa gloire soit simplement le résultat d’un engouement. Et voyez la note suivante.

[46] Des précieuses expériences provoquées par Germain de Montauzan il résulte que non seulement les mortiers romains atteignaient à de très hautes résistances [110 et 120 kilogrammes par centimètre carré], mais encore qu’on ne descendait pas au-dessous de résistances bien plus que moyennes ; la résistance moyenne de nos meilleurs mortiers ordinaires est de 30 à 35 kilogrammes (Debauve, Procédés et Matériaux de construction, III, 1894, p. 356).

[47] On le répète du moins : Choisy, Vitruve, I, p. 14, dit peut-être ; Germain de Montauzan, p. 208, sans doute.

[48] A Bordeaux dans la muraille du Bas Empire, cf. Inscr. rom. de Bord., II, p. 286. A Fréjus, les murailles d’Auguste ayant perdu leur parement de moellons, le mortier demeure intact et présente des alvéoles aux rebords aussi fermes que le roc (Texier, 1er mém., p. 181-2). On a même pu prononcer le mot de sorte de monolithe. De même, le béton des routes.

[49] Ils durent exceller dans le choix de la matière première et dans l’étude des proportions des mélanges (Vitruve, VIII, 6, 14), et réduire l’emploi de l’eau au strict nécessaire : voyez là-dessus les excellentes remarques de Chanoine, Bull. de la Soc. arch. de Sens, 1851. p. 1 et s., et de Courau, Soc. arch. de Bord., I, 1874, p. 49-53.

[50] Ce qui ne manque que trop souvent à nos maçons, c’est de savoir bien faire  (Germain de Montauzan, p. 258).

[51] Artifices tectores ; voyez aussi gypsarius, plâtrier, à Narbonne (XII, 4479). Opus tectorium, C., XII, 2391-2. Bas-relief de Sens représentant le manœuvre préparant l’enduit, le stucateur l’appliquant et le polissant à l’aidé de la taloche, le peintre palette et pinceau en mains (Esp., n° 2767).

[52] Sauf la valeur artistique qu’on put demander aux peintures ou aux moulages.

[53] Il serait bon de rechercher si l’on retrouve dans les restes de stuc gallo-romain les prescriptions de Vitruve (VII, 3, 5-7) : une couche de mortier fin, trois couches de poussière de marbre, chacune plus fine que l’autre (graneum, marmor graneum). Les excellentes recherches de Bulard sur les stucs de Délos (Fondation Piot, XIV, 1908) ont montré l’origine grecque de ces procédés.

[54] Blanchet, Étude sur la décoration des édifices de la Gaule romaine, 1913, p. 14-5, 52 et s. Voyez dans ce livre, p. 57-60, le résumé des discussions auxquelles ont donné lieu les manières d’appliquer la peinture, fresque (plus probable, udo tectorio, Vitruve, VII, 3. 7) ou encaustique. — Exceptionnellement, on fabriquait des tuyaux en chaux et sable (C. I. L., XIII, 3097).

[55] Les marmorarii (Agen, XIII, 915) sont sans doute souvent des entrepositaires et travailleurs plutôt que des extracteurs.

[56] Même dans les édifices à destination vulgaire, comme l’amphithéâtre de Fréjus, on constate au podium un revêtement de marbre en dalle de 15 centimètres (Texier, 3e mém., p. 253).

[57] Exactor operi basilicæ marmorari et lapidari, XII, 3070 : basilique de Plotine ? Cf. ad marmorandum balneum, XIII, 5416 : temple marmore variatum, Grégoire, Hist. Fr., I, 32.

[58] Bulletin monumental, IIe s., XII, 1836, p. 337.

[59] Blanchet, p. 10 et s. Cf. Sidoine, Carmina, 22, 136-141.

[60] Sans parler des grandes dalles, épaisses parfois de 15 centimètres, plus de 3 pouces, qui servaient surtout aux édifices publics.

[61] Ou parfois de mosaïque ; Grégoire de Tours, Hist. Fr., I, 32.

[62] Les éléments y sont les mêmes.

[63] Pavimentum ædis marmore stratum, Grégoire de Tours, H. Fr., I, 32 ; Blanchet, p. 72-3. Je ne trouve aucune trace de pavage en bois, et je laisse de côte le sol en terre battue des maisons rustiques.

[64] Cf. Blanchet, p. 73.

[65] Supposé presque à coup sûr pour la Gaule ; marmore variatum (Grégoire de Tours, H. Fr., I, 32).

[66] Sur la composition des cubes de mosaïque, Blanchet, p. 134 et s. — Il faut accorder une attention particulière au plafond de la villa de Carnac (salle de bain).

[67] Je songe surtout aux antéfixes ; cf. les pænulæ, C. I. L., XII, 2301-2. J’hésite à voir des ornements faîtiers dans les carpusculi, XII, 1904.

[68] Au temple arverne de Vassogalate, Grégoire de Tours, H. Fr., I, 32 (plumbo tectum).

[69] Tegulæ æneæ auratæ, XII, 1904. Même dans les villas (Sidoine, Carmina, 22, 146-9).

[70] Cf. le petit échafaudage des maçons de Sens. Scieurs de long, Espérandieu, n° 3695.

[71] Voir surtout les études de Choisy, Art de bâtir, p. 40 et s., p. 128 et s. (remarques particulières sur les charpentes du Pont-du-Gard, des Arènes de Nîmes et d’Arles, du Temple de Diane à Nîmes) : les Romains sont parvenus, croit-il, à économiser le plancher cintré de la charpente par l’emploi de fermes déliaisonnées, ce que permit l’excellence de la pierre employée, aux blocs puissants et homogènes. Dans ces cas, les progrès du carrier ont simplifié la tache du charpentier.

[72] C’est en cela que la charpente mettait sa plus grande part dans les constructions destinées à durer, et en particulier les temples ; Choisy, p. 143 et s. Ce qu’il dit de l’importance des avant-toits (cf. Vitruve, IV, 7, 5) peut, je crois, être généralisé pour toutes les Gaules (t. VI, ch. III), et il serait bon d’en tenir compte en particulier dans la reconstitution des lieux de culte gallo-romains.

[73] Pour les étages supérieurs des maisons ; cf. Vitruve, VII, 3, 1 et s.

[74] Sans doute exceptionnellement, la règle étant parietes omnes calce et cæmentis (Caton, De agri cultura, 14).

[75] Caton, De agri cultura, 14.

[76] Remarque de Vitruve, II, 8, 17 : Purielibus exmenticiis altitudines exstructæ et contignationibus crebris coaxatæ (dans les maisons).

[77] Caton, De agri cultura, 14.

[78] Dans beaucoup de théâtres, certains éléments de la construction restèrent toujours en bois : cf. t. VI, ch. III.

[79] Cf. t. VI, ch. IV. — Ajoutez les ponts en bois, toujours très fréquents, les pilotis pour construction de routes, ou de caves.

[80] Gaulois et Grecs compris.

[81] Cœlius, architectus navalis à Arles (XII, 723), et importance des fabri navales.

[82] Mais on y fabriquait peut-être des barques dès les temps celtiques.

[83] La présence de chantiers à Narbonne peut être tirée du rôle très important qu’y jouent les navicularii et du très grand nombre de monuments funéraires qui y représentent des navires : aucune ville de la Gaule, à beaucoup près, ne peut être comparée à Narbonne à cet égard ; Esp., n° 678. 6S3, 685-7, 690, etc.

[84] Negotiator artis ratiariæ (XIII, 2035) ; ratis peut signifier ou radeau ou barque.

[85] Aucune trace des anciens chantiers de Saintonge et de Vendée.

[86] Je laisse de côté les ateliers de construction pour la flotte militaire du Rhin, en particulier à Mayence (naupegus à Mayence. Riese, 2148) et à Nimègue. C’est aux ateliers de construction de Boulogne que Pline a pu constater l’usage de calfater les navires avec des panouilles de roseaux (XVI, 158).

[87] A cause des besoins du passage.

[88] A cause de la présence des nautes et du culte de Vulcain (XIII, 3105-7). — Peut-être aussi à Metz, Trèves, Chalon.

[89] Aucune trace appréciable de ces navires dans ces deux ports, sauf : 1° à Fréjus, la mention de liburnicæ (Tacite, Hist., IV, 43) : c’étaient, en principe, des vaisseaux de guerre très légers, effilés à la poupe et à la proue, des sortes de croiseurs (cf. Tacite, Ann., II, 6, sur le Rhin) ; 2° à Boulogne, l’ex-voto de la triremis Radians (XIII, 3564 = Esp., n° 3964) : le tonnage d’une trirème est évalué à 75 tonnes.

[90] Entre 200 et 300 tonnes ? Les gabares n’ont guère que le tiers de ce tonnage. Lepaute de la mosaïque d’Althiburus, avec sa barque à la filière, son grand mât, son mât de misaine, son gréement complet de voiles et de cordages, me rappelle bien nos transports de rivières. Ce doit être aussi le type des navires de charge figurés à Narbonne et sur la mosaïque des Narbonenses à Ostie.

[91] Cuparii, mentionnés en Vivarais et à Nantes (C., 5111, 3104). Un cuparius, à Trèves, est en même temps saccarius (C., XIII, 3700), fabricant de sacs à filtrer le vin (sacci vinarii) : c’est ainsi que nos tonneliers vendent toutes sortes de fournitures pour l’entretien des caves.

[92] Je crois qu’on peut reconnaître ces quatre espèces de récipients. Nombreux bas-reliefs ; Esp., n° 1112, 1621, 1813, 1882, 3232 (foudre, à Langres), 3253, 4072, 4080, 4161, 4221, 4327, 5184, 5193, 5198, etc.

[93] Il faut ajouter les différentes espèces de cuves, cuviers, baquets, boisseaux, pour les manipulations des liquides ou des grains ; cf. Esp., n° 2215 (divinité de métier), 2852, 4125, 4892-3 (la déesse des savonniers).

[94] Cf. le tonneau du Musée de Mayence, Billiard, p. 481 ; je sais qu’on en a découvert un certain nombre d’autres sur le Rhin inférieur. Il y eut des fers à marquer les tonneaux.

[95] Pline, XVI, 75. Je ne sais rien sur l’usage de cercles en métal.

[96] On retrouve (Esp., n° 1112 ; cf. n° 1882 ?) le tablier de cuir et l’essette des tonneliers. Autres instruments de tonnellerie ? n° 4221.

[97] Une étude approfondie est encore à désirer pour ces formes de tonneaux antiques. Quelques-uns m’ont paru plus allongés que les barriques bordelaises de nos jours (la futaille métrique officielle, d’ailleurs assez peu observée, comporte 21 parties en longueur, 16 en diamètre de fond, 18 en diamètre au bouge), plus voisines des anciennes barriques bordelaises (au XVIIIe s., 0 m. 9271 de longueur, 0 m. 6046 de diamètre de fond, 0 m. 6918 de diamètre au bouge : Brutails). Beaucoup ont, semble-t-il, les douves plus étroites et les cercles plus rapprochés. Il faudrait aussi examiner à ce point de vue les barillets de verre de Frontin, qui m’ont paru reproduire assez fidèlement, en miniature, les types réels (j’ai pris les mesures, par exemple, de 0 m. 123, 0 m. 07, 0 m. 085, pour les trois dimensions réglementaires du tonneau). Dans l’ensemble, l’impression est celle d’excellent ouvrage, et les ressemblances avec les futailles courantes de France sont infiniment plus nombreuses que les différences.

[98] Choisy (Vitruve, I, p. 56-7) remarque le peu d’importance des menuiseries dans l’ouvrage de l’auteur.

[99] Et cela explique la position accroupie qu’ils ont si souvent donnée à leurs dieux (t. VI, ch. I) et qu’ils affectionnaient pour eux-mêmes.

[100] Il est à remarquer que nous avons assez peu d’inscriptions ou de bas-reliefs funéraires qui les représentent : armariarius ?, C. I. L., XII, 4463 ; clavarius materiarius ?, 4467 ; materiarius ?, Riese, 3622 : ces deux derniers noms pouvant désigner des charpentiers. Il ne faut pas oublier que dans l’Antiquité comme de nos jours (cf. luthier, ébéniste, cordonnier, bonnetier, tapissier, etc.), le nom d’un métier n’est jamais resté absolument conforme au travail effectué.

[101] Cf. t. VI, ch. I.

[102] La majorité des représentations de repas funéraires sur les tombes de Belgique (chez les Trévires, Esp., n° 4962, 4063, 4097, 4104, 4184, 5146, 5154, 5155, etc.). Les personnages couchés sont plus rares, et parfois ils sont associés, autour de la même table, à des personnages assis (n° 4156, 4158 : le personnage couché représentant le mort ?). Le testament du Lingon (C. I. L., XIII, 5708) prévoit sa statue assise (statua sedens) et, pour les repas funéraires, une litière (lectica), peut-être pour son image, et, des deux côtés, des bancs de marbre (subsellia), avec couvertures et coussins, pour les autres convives.

[103] Cf. Marquardt, Privatleben, p. 291-2.

[104] De pierre ou de bois.

[105] Pour la forme, il y a des tabourets ou des escabeaux ronds ou carrés ; pour l’emploi, les uns servent à s’asseoir, et les autres à appuyer les pieds. Esp., n° 4097, 4101, 4295, et VI, p. 323, 329, 363, etc. Escabeaux rustiques à trois pieds, appelés en Gaule tripecciæ (Sulpice Sévère, Dial., I[II], 1, 4).

[106] Il est assez rare de trouver des chaises à dossiers analogues aux nôtres (Esp., n° 5156). Les vraies chaises (par exemple celles des magistrats municipaux ; Esp., n° 119, 680) sont eu réalité de hauts tabourets, mais à pieds croisés et ornés, et avec coussins.

[107] Esp., n° 4095.

[108] C’est le type de siège le plus répandu. Le modèle en bois comporte, tantôt un dossier droit et des bras ajourés (Esp., VI, p. 446), tantôt, à ce qu’il semble, un dossier plein et recourbé faisant corps avec des accoudoirs de même nature (n° 4062-3, 4098, 5155, 5150) : il y a du reste bien d’autres combinaisons. — Sella gestatoria, C. I. L., XIII, 5708. — On trouve des cercueils en bois, en particulier de noyer.

[109] Esp., n° 2788-9 et VI, p. 323 (les détails du tressage montrent une absolue similitude avec les fauteuils d’osier actuels), 331, etc. ; Blanchet, Figurines, p. 117.

[110] Viminarius à Narbonne (XII, 4522).

[111] Remarquez des paniers d’osier pour récipients de verre (Esp., VI, p. 360) ; autres objets, paniers, corbeilles, etc., n° 2778, 2852, etc. Petites voitures ou charrettes avec caisses en osier. Utilisation de la vannerie pour la fabrication de petites barques ; cf. navem liburnam ex scirpo [?], XIII, 5708.

[112] Deux catégories principales : coffres d’appartement et coffrets ou cassettes à main : Esp., n° 2789, 2798, 2817, 2852, etc. Les principales différences venaient des sculptures et surtout de l’ornementation en métal. — Une espèce à part, très répandue, et à laquelle on attachait peut-être un sens solennel ou mystique, était le coffre cylindrique, haut et profond, cista ou capsa, où l’on déposait rouleaux, livres ou documents : cf. Espérandieu, n° 1084, 1095, etc. C’était sans doute ce qui tenait lieu de meuble d’archives à une famille.

[113] C’est, au moins dans le Nord-Est, le type consacré pour les repas sacrés ou funéraires : elles sont à trois pieds, souvent réunis par des traverses ou des barreaux de bois ; Esp., n° 4062-3, 4097, 5156, etc. ; et je crois bien qu’elles rappellent le type gréco-romain de la delphica, imitée du trépied de Delphes.

[114] Esp., n° 5154. — Mais les tables de pierre continuaient à leur faire concurrence ; voyez la table de pierre trouvée à Alésia. De même ? Esp., n° 1547. Et les tables des marchés étaient souvent en pierre.

[115] Esp., n° 2778 ? Les panneaux semblent présenter parfois des motifs de décoration en saillie tris prononcée (rosaces surtout ?).

[116] Pour ces accessoires de magasins et de boutiques, Espérandieu, 2780-11, 2790, 3007, 360S, 4098, 4161, 4295, etc. — Cages à oiseaux, Esp., n° 2775.

[117] Du moins dans l’état actuel de nos connaissances.

[118] Cf. t. VI, ch. III, les instruments de musique.

[119] Nous avons indiqué des figurations de véhicules. A noter en particulier (Espérandieu, n° 203) le char (funéraire ? religieux ?) avec des panneaux de bois sculptés. — Ajoutez les instruments aratoires, et notamment les charrues ; Esp., n° 4092, etc.

[120] Les textes où Pline parle des tapis de la Gaule (VIII, 191 et 196), semblent montrer que l’industrie n’en souffrit pas tout d’abord de la conquête. Il me parait cependant nécessaire que l’usage des mosaïques ait restreint celui des tapis ; en outre, inscriptions et sculptures ne mentionnent jamais ces derniers. Voyez les remarques de Besnier. Dict. des Ant.. IX, p. 46.

[121] La tapisserie à couleurs, dessins et images, pour murailles ou tentures, exista toujours dans la Gaule romaine ; mais nous n’arrivons pas à démêler si c’est par une survivance celtique ou sous une influence orientale. Elle devait en tout cas, je crois, se développer particulièrement à partir du IIIe siècle, et alors, sans doute, par l’effet des Syriens ; cf. Sidoine, Carmina, 22, 192 et s.

[122] Voyez la tunique à couleur marron foncé trouvée dans la nécropole de Martres-de-Veyre (au Musée de Clermont).

[123] Peut-être sont-ce des saies que les habits de Bigorre, Bigerrica vestis, brevis atque hispida (Sulpice Sévère, Dial., I[II], 1, 8), minora Aquitanica pallia (Grégoire le Grand, Epist., VII, 15, 40, P. L., c. 900). — Tout différents sont les abottæ ou manteaux de cérémonie (peut-être de lin) en usage dans les repas funéraires (XIII, 5708).

[124] Pellio, fourreur ?, à Narbonne ; XII, 4500.

[125] Je traduis par là la tunica ordinaire et la stola de cérémonie. Le court manteau qui encapuchonne la tête des femmes gauloises sur certains monuments (surtout à Paris ? Esp., n° 3176, 3179), est évidemment l’équivalent féminin de la cagoule : mais il se rencontre aussi chez les Grecs. Ce n’est qu’exceptionnellement que les femmes portent un manteau long à collet (n° 2818) ou à capuchon (n° 2837 ?).

[126] Cf. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 218 et s. Voyez le rêve de Claude, omnes Gallos togatos videre.

[127] Exemples, sur les tombes, de citoyens romains habillés à la gauloise ; Esp., n° 1129, 1134.

[128] Cf. l’exemple du légat Cécina ; celui peut-être des Tetricus.

[129] Ou de draps pour les faire.

[130] L’expression, à radical celtique, de sagarius (avec vestiarius pour synonyme : il serait possible qu’en principe vestiarius désignât le fabricant ou vendeur de tuniques), l’expression de sagarius finit par s’étendre dans tout l’Empire à tous les marchands d’étoffes de laine ou d’habits de dessus (cf. notre mot drapier), par opposition au lintearius, marchand d’étoffes de lin ou de dessous (cf. notre mot chemisier) ; Digeste, XIV, 3, 5, 4 : I, 5, 15.

[131] Sagarii à Lyon (XII, 1898 ; XIII, 2005, d’origine rémoise) ; chez les Viennois (XII, 1925, 1930, 2619) ; à Narbonne (XII, 4509) ; negotiator sagarius d’origine carnute établi à Lvon (XIII. 2010) : vestiarius Italicus, Nîmois importateur d’habits en Italie (XII, 3202) ; Viennois, sagarius Romanensis, importateur d’habits à Rome (XII, 1925) : vestiarius médiomatrique (XIII, 4561) : sagarius rnédiomatrique à Milan (V, 5929) ; Genio negotiatorum pannariorum à Mayence, XIII, 6714 (ceux-ci ne vendaient que des pièces de drap). Tous ces gens, je pense, sont des marchands en gros et non des fabricants.

[132] Martial, VI, 11, 7 : Me pinguis Gallia restit.

[133] Les sagarii, sauf la réserve sur le sens général que le mot de sagarius a pu prendre. Negotiator pænularius. XIII, 6360.

[134] Espérandieu, n° 2751. — Remarquez qu’on ne parle pas de marchands particulier, pour les tuniques et les braies : elles n’entraient sans doute pas dans la confection toute faite. Les bracarii ou braccarii des textes sont des tailleurs sur mesure, qui d’ailleurs peuvent faire toutes sortes de vêtements et de réparations.

[135] Atrabatica saga (Hist. Aug., Gall., 6, 6) ; birri ab Atrabatis petiti (Car., 20, 6) ; édit de Dioclétien, 25. 9. Blümner : Jérôme, Adv. Jovinianum, II, 21. Migne, P. L., XXIII, c. 315 : Atrebatum ac Laodiceæ indumentis [on fabriquait d’ailleurs à Laodicée des imitations de lainages belges, édit. 19, 27]. Lydus, De magistr., I, 17 ; Suidas, au mot Βιρρος Νερβικός.

[136] Βιρρος Νερβικός (édit de Diocl., 19. 27 et 32 : 22, 21) : un Nervien établi à Saintes, manupretiarius burrarius (C., XIII, 1056), plutôt vendeur au détail que fabricant. — Draps atrébates et nerviens correspondent à nos draps de Flandre.

[137] Cf. les deux notes précédentes.

[138] Saies à capuchons, sans doute de longueur très variable : Martial, XIV, 125 : Santonico bardocucullo : Juvénal, VIII, 145.

[139] Même remarque. Martial, I, 53, 1-5 : Lingonicus bardocucullus interpositus villo uncto [allusion à la préparation des cagoules de bure : il semble, si on leur applique le texte de Pline, VIII, 192, qu’on y ajoutait une préparation au vinaigre, ce qui les rendait aussi imperméables que du feutre : à moins qu’il ne s’agisse dans ce texte du feutre même]. Le pays fournissait sans doute toute espèce de saies : Leuconicis [à corriger, je crois, en Lingonicis] sagis, Martial, XIV, 139, 2. — C’est une variété de manteau grossier que l’endromis [le mot est grec] de Franche-Comté (Sequanica textrix, Martial, IV, 19).

[140] Je n’arrive pas à comprendre bardocucullus (Hist. Aug., Cl., 17, 6) ; bardo- me parait cependant désigner moins les bardes ou poètes gaulois de jadis qu’une teinte, peut-être le roux, barrus, habituel à ces sortes d’étoffes, ou encore une préparation spéciale des poils, car je ne crois pas que les bardorticulles fussent à drap entièrement rasé : il est probable qu’on ne les soumettait qu’à une seule tonte.

[141] Un Rème, sagarius, à Lyon (XIII, 2008) ; vestiarius à Reims, XIII, 3263.

[142] Peut-être aussi Chartres ou Orléans, Vienne, Narbonne (sagarius et vestiarius, XII, 4509, 4520-1), Évreux.

[143] Moins, je crois, pour la draperie que pour la chemiserie, la rouennerie primitive.

[144] Pour ces deux localités, voyez l’édit de Dioclétien, 19, 60. — Les ateliers de confections militaires sous le Bas Empire sont à Arles, Lyon, Reims, Tournai, Trèves, Autun (celui-ci, supprimé plus tard), Metz (Not. dignit., Occ., II). Et cela correspond assez bien à l’état antérieur. — Inexplicables sont les vêtements de laine que l’édit de Dioclétien (19, 45, 46, 45) appelle βάνατα Γαλλική, βέδοξ Γαλλικός, σινγιλίων Γαλλικός.

[145] Voyez les innombrables poids de tisserands trouvés dans les ruines des maisons particulières. — Quelques observations techniques sur le tissage ont été faites, à l’aide de tissus gallo-romains, par Coyon, Trav. de l’Ac. de Reims, CXIII, 1902-3, p. 19S et s., et par von Cohausen, Annalen des Vereins ür Nassanische Alterthumskunde, XV, 1879, p. 23 et s.

[146] Servi textores et sarcinatores. — La confection, la préparation de vêtements tout faits, parmi lesquels choisissait le client, fut cependant beaucoup plus développée qu’on ne croit. Dans les villes, des boutiques vendaient des cagoules ou des vestes toutes prèles (Esp., n° 2781 ; Sulpice Sévère, Dial., 11, 8) : il est vrai que c’était la pièce du vestiaire qui exigeait le moins de mesures préalables. Marchand de tuniques ? n° 2786. Les marchands drapiers vendaient, le plus souvent, les pièces de drap (Esp., n° 1342, 3755, 4043, 5176 ; pannarii), dont on faisait confectionner les habits, soit chez soi, soit chez un tailleur de boutique. — Mais d’autre part, les inscriptions mentionnent si souvent des commissionnaires en vêtements (vestiarii, sagarii), qu’on se demande s’ils n’exportaient pas en nombre des habits tout faits, préparés, soit dans de grands ateliers de coupe, soit dans des lingeries familiales (servi sarcinatores). Toutefois, il est bon de ne pas se fier absolument, dans les choses de métier, au sens apparent des titres.

[147] Il faut sans doute comprendre, sous le nom de foulons, également les laineurs ou pareurs, chargés de brosser le drap sorti de la cuve, et les tondeurs ou coupeurs, chargés d’égaliser le tissu, peut-être aussi les teinturiers. Cf., sur ces procédés au Moyen Age (qui doivent rappeler les temps anciens), en dernier lieu Geneviève Aclocque, Les Corporations à Chartres, 1917, p. 115-116.

[148] Quelques-unes en avaient cependant (servi fullones ; Digeste, XIV, 4, 1, 1 ; XXXIV, 5, 28) : mais il s’agit de domaines qui devaient comporter de véritables exploitations industrielles.

[149] Cf. Varron, Res r., I, 16, 4, où l’opposition entre les deux systèmes est très nette : Potius anniversarios habent vicinos, follones, etc., quam in villa suos habeant.

[150] Des métiers de la draperie, les représentations de foulons paraissent parmi les plus nombreuses (Espérandieu, n° 2768, 4136). A Évreux, qui n’est qu’une petite ville, il y a une société de fullones (C. I. L., XIII, 3202, concession d’une piscina à leur usage). Magister artis fulloniæ à Cologne (XIII, 8345). — Le foulon était sans doute aussi chargé de la tonte du drap, opération assez souvent figurée dans ces bas-reliefs.

[151] Cf., par exemple, Sainte-Marie de Fullonibus, Notre-Dame de Fouilhous dans Montmaur, Aude (Histoire générale de Languedoc, n. éd., V. c. 1577) ; forum Fullonichas, fluvium Fullonicas, Saint-Martin-de-Fenouilla près du Boulon (id., II, Preuves, c. 380, 348).

[152] Note précédente.

[153] Cf. Varron, Res. r., I, 16, 4.

[154] En repassant sans doute souvent par le domaine qui le vendait out apprêté : esclaves chargés de la vente des draps dans les grands domaines, servi venaliciarii (Digeste, XIV, 4, 1, 1).

[155] Les lanarii de Narbonne (XII, 4480-1) sont peut-être des cardeurs de laine, brosseurs ou laineurs, ou encore des matelassiers, plutôt que des tisserands, tailleurs ou confectionneurs. De même, le coactiliarius de Luxeuil (XIII, 5414) peut être un matelassier (Luxeuil est voisin des Lingons, célèbres par leurs matelas ; cf. Pline, VIII, 191-2) ; mais on interprète d’ordinaire l’expression ou celle de lanarius coactiliarius par feutrier.

[156] Tapis de planchers, de tables (Esp., n° 1547 ?, bordé de lambrequins), tapisseries pour tentures ou ornements.

[157] Couvertures de lits ou lodices (C. I. L., XIII, 5708 ; je ne crois pas qu’on doive traduire le mot par draps de lits).

[158] Esp., n° 5123, 4031.

[159] Cf. Coyon, Travaux de l’Acad. de Reims, CXIII, 1902-3, p. 199 : il semble qu’on ait trouvé près de Reims l’équivalent de nos réticules ou sacs à main, avec face étoilée de filé d’or laminé appliqué sur les fils de chaîne.

[160] Soit de coussins d’appui, cervicalia cenatoria, longs coussins d’appui pour bancs de tables à repas (XIII, 5708), soit de coussins de sièges (car il ne faut pas oublier que, si le corps des sièges était en bois, il portait d’ordinaire des coussins ; Esp., n° 5156, etc.), soit de coussins comme appuis de pieds.

[161] Esp., n° 1146, 3127 ; cf. Revue des Ét. anc., 1908, p. 76-7. — Peut-être aussi des tricots, ou tout au moins des manches (n° 1128), ou même des mitaines. — Sans doute aussi des écharpes ou des ceintures, et même des bas (nécropole de Martres-de-Veyre). — Les housses ou écharpes à franges que portent sur l’épaule certains cochers (n° 1149, 1141), doivent être des récompenses de cirque.

[162] Ars lintiaria à Lyon, XIII, 1995 ; lintearius ou lintiarius à Nîmes, XII, 3340 ; à Narbonne, 4484 ; lintiarius ex civitate Veliocassium (Rouen) à Lyon, XIII, 1998 ; linarius à Bordeaux, XIII, 639 ; plus tard, linificium (ou linyfium) d’État à Vienne, Not. dign., Occ., 11, 62.

[163] Camisia, chemise (la seconde tunique qui apparaît dans les images masculines ou féminines pourrait parfois être la chemise). Femorales ou feminatio, caleçons d’hommes ou pantalons de femmes (le plus souvent, au début, sous forme de fasciæ enroulées) ; cf. Jérôme, Epist., LXIV, 10, P. L., XXII, c. 613.

[164] Ils peuvent, sur les représentations funéraires, se confondre avec les manteaux qui enveloppent la tête ; cf. Esp., n° 1489, etc. — Ajoutez les bonnets ou coiffes de femmes.

[165] En tout cas aux enveloppes de matelas.

[166] Hypothétique (les objets pourraient être des tapis de laine pour tables) : Esp. N° 5151.

[167] Jusqu’à quel point les draps ou serviettes de la Gaule étaient célèbres dans l’Empire, c’est ce que montre la mention dans l’édit de Dioclétien de sabana Gallica (28, 57), linges spéciaux utilisés sans doute surtout pour les bains. Et il est possible qu’il y eût un lien entre ce linge de bain propre aux Gaulois et leur savon (p. 262-263). — Linteum, mantele ou mappa dans les textes classiques. Figures chez Esp., n° 3951, 3696, etc. je suppose qu’il s’agit, dans ces représentations, qui sont funéraires, d’un linge à main, à caractère rituel, dont le mort était censé se servir dans la vie d’outre-tombe, par exemple lors des repas ou libations d’anniversaires. — Du même genre, je crois, en tout cas à sens funéraire ou cultuel, les draps frangés, Esp., n° 1510, 1879, 5123.

[168] Note précédente.

[169] Aucun renseignement précis pour la Gaule romaine ; mais de nombreuses figurations de cordages, soit sur des navires, soit autour de ballots (Esp. N° 4131).

[170] Manticularii negociatores, marchands de besaces ou musettes pour voyageurs ou soldats, et peut-être de sacs et bourses en tout genre (C. I. L., XIII, 6797, 7222 : Riese, 2146). Sacs à filtrer le vin.

[171] Je crois que ces objets entrent dans la catégorie des cerdanes, qui ont servi à qualifier les confréries des centonarii. Tout cela se faisait sans doute aussi en cuir.

[172] Surtout avec le chanvre.

[173] Peut-être à Marseille.

[174] Le bleu de pastel, en tout cas, a été trop populaire en France dès le début du Moyen Age, pour que l’idée s’en soit absolument perdue : mais il est curieux que nous n’eu trouvions d’autre trace à l’époque romaine que la mention du glastum de Gaule chez Pline (XXII, 2). Beynier (p. 319) rappelle, à propos du pastel de la Gaule, la falsification de l’indigo indien à l’aide de cette plante (cf. Vitruve, VII, 14, 2 ; Pline, XXXV, 46).

[175] Purpurarius à Narbonne, C. I. L., XII, 4507-8. A Toulon ? Sous le Bas Empire, teintureries d’État à Toulon et à Narbonne (Not. Occ., II, 72-3).

[176] J’ai déjà dit que les Romains reprochaient aux teintures gauloises de ne pas tenir à l’usage (Pline, XXII, 4, culpant ablui usu), mais que je croyais plutôt que la recette des fixatifs s’était perdue. — Offector, teinturier, XIII, 7553.

[177] Pour les tuniques, Esp., n° 2824, 2833, etc. ; pour les nappes ou couvertures de tables, n° 5151 ; pour les serviettes ou mouchoirs, n° 5123 ; écharpe trouvée à la nécropole de Martres-de-Veyre (Musée de Clermont).

[178] Je ne sais rien au sujet de la dentelle.

[179] C’est ainsi que j’interprète le negotiator artis prossariæ (à Lyon, VIII, 2023 ; d’origine séquane), lequel est en tout cas un peigneur ou brasseur d’étoffes de luxe.

[180] D’après ce que nous savons pour le reste de l’Empire.

[181] A Lyon, un Oriental, homo artis barbaricariæ, XIII, 1945. Ateliers officiels, sous le Bas Empire, à Arles, Trèves, Reims (barbaricarii sive argentarii ; Not. Occ., II).

[182] Les Gaulois ont pu du reste avoir d’eux-mêmes l’idée du tréfilage de l’or. L’usage des brocarts était tout aussi bien germanique qu’oriental ; Hérodien, IV, 7, 3.

[183] Encore que la soie ait pu entrer dans ces tissus de luxe, il n’en est point question jusqu’ici à propos de la Gaule.

[184] Cf. Hérodien, IV, 7, 3, qui attribue aux Germains cette passion des couleurs voyantes qu’on remarquait jadis chez les Celtes ; allusion chez Tacite aux sagula versicolora des Bataves (Hist., V, 23).

[185] Je songe aux cagoules et aux saies des Nerviens et des Atrébates. Ces dernières étaient dites xerampetina, c’est-à-dire couleur de vigne sèche (Suidas, au mot Άτραβατεκάς). Je doute que cela signifie noir ; il s’agit plutôt de quelque nuance de roux ou de brun, celle que gardait la laine non blanchie : Vestitur Gallia rufis, et placet hic pueris militibusque color (Martial, XIV, 129), où il faut voir une allusion aux cagoules.

[186] Voyez la description d’une fête chez Calpurnius (VII, 2G-9), la plèbe est pulla, sordida veste, et les chefs sont en blanc, nivei tribuni.

[187] C’est ainsi qu’à Saintes (XIII, 1052) les lorarii auraient été assez importants pour avoir leur place réservée à l’amphithéâtre. Je crois que lorarii signifie, non pas spécialement les fabricants et vendeurs de courroies, selliers ou bourreliers, mais, dans le même sens que corarii, les corroyeurs et les tanneurs. Une autre preuve de l’importance de cette industrie en Gaule est dans le fait rapporté par Pline, d’un chargement de cuirs de Gaule [du Dauphiné ?] ayant fait naufrage près d’Ostie, tergorurn advectorum e Gallia (IX, 14). — Je ne sais si l’on n’a pas trouve en Gaule trace de tanneries gallo-romaines, aux abords des ruisseaux de villes.

[188] Sauf parfois des têtes de femmes, voilées ou encapuchonnées.

[189] Il est cependant à remarquer que, même figuré en tenue d’atelier, le Gaulois est tête nue : peut-être était-ce de rigueur dans une sculpture funéraire. Et je crois que, coïncidence à noter, les tombes ont livré beaucoup plus de débris de chaussures que de coiffures.

[190] Cf. Dict. des Ant., VI, fig. 4850 ; Bonner Jahrb., LXXXIII, 1897, p. 38, 45, pl. 2-3. Je dois dire que cette interprétation n’est pas généralement admise, et qu’on a songé à un turban, à un diadème, même à une auréole, et l’on peut également songer à un large bonnet relevé, en toile apprêtée, comme les coiffures de religieuses ou de paysannes endimanchées. Car il semble bien lue les femmes de Gaule aient porté dés lors des e ‘Mures de toile analogues à celles de nos paysannes, et sans doute avec quantité de variétés locales ; cf. le bonnet de femme de Virecourt, à larges plis ou godrons relevés (Espérandieu, n° 4701, j’incline vers l’authenticité du monument). Voyez aussi Blanchet. Fig., planches, n° 13 ; Saint-Germain, Cat. somm., p. 116. — Ces chapeaux, si mon interprétation est juste, seraient l’équivalent celtique du pétale ou de la causia des peuples du Midi.

[191] Autres formes de coiffures (sans bords) chez les Gallo-romains : bonnet pour Immune en forme de turban, d’origine celtique (Esp., n° 3132) ; bonnet cylindrique ou pointu de l’affranchissement, pileus (n° 469, 682), ou de la prêtrise (culte de la Mère ; n° 1071, 1207), d’origine romaine ou orientale ; bonnet ou coiffe de femme, d’origine indigène (n. précédente) ; bourrelets pour enfants (Esp., 110 1127). — Rappelons ici le commerce des cheveux, pour tresses ou chignons de femmes, et même pour perruques d’hommes, achetés surtout en Germanie afin d’avoir la couleur blonde ou rousse (Martial, XIV, 26 ; Hérodien, IV, 7, 3).

[192] On trouve calcearius dans les épitaphes. Figuration d’un cordonnier ? Esp., n° 1878. — Voyez, par exemple, les variétés de chaussures trouvées à Martres-de-Veyre (Musée de Clermont : Audollent, Ac. des Inscr., C. r., 1912, p. 79).

[193] La gallica des textes, mais le mot a pu passer aux sandales classiques. Trois espèces dans l’édit de Dioclétien (9, 12-4), gallicæ viriles monosoles, viriles rusticanæ bisoles, curs triæ. Il devait du reste s’en trouver avec des semelles en bois. — La caliga est, en principe, la sandale du soldat, à semelles à clous de fer.

[194] Sabotier au travail, avec tous ses outils : Esp., n° 2783, 3685.

[195] Esp., n° 5156 (à lacets).

[196] Ou en feutre. C’est, je crois, le genre de chaussure que l’imagerie gallo-romaine assigne aux dieux indigènes (j’ignore pourquoi), et qui me parait correspondre aux udones et pedocuculti des textes.

[197] Esp., n° 2811. En particulier le calceus d’apparat des sénateurs.

[198] Durand, Fouilles de Vésone, C. r. de 1910-1911, planche 6. Peut-être Musée de Saint-Germain, Cat., p. 196 =  Esp., n° 3517. C’est le calceus repandus, dont les Anciens faisaient un des insignes de Juno Sospila. — Ornements de souliers.

[199] Perones (mot qui désigne peut-être aussi les souliers de fatigue), ocreæ, etc.

[200] Très nombreuses figurations sur les tombes.

[201] Même remarque ; cf. notamment Esp., I, p. 191 (selle en cuir gaufré et à pommeaux saillants), n° 2771. Le sapistearius (C., XII, 4166), en principe fabricant de harnais de tête, est l’équivalent de notre sellier-bourrelier. Voyez le harnachement des chevaux attelés, et en particulier celui du char (funéraire ?). Espérandieu, n° 293.

[202] Voir un peu partout dans le Recueil d’Espérandieu. — Ajoutez de grands portefeuilles analogues aux nôtres (n° 2778).

[203] Dans la mesure où ce dernier usage s’est conservé. — Je rappelle que les utricularii, quoique conservant une outre comme arme parlante (Dict. des Ant., fig. 7241), n’ont sans doute plus rien à voir avec le commerce ou l’usage des outres ; Chapot, Dict. des Ant., IX, aux mots Uter et Utricularii, 1914. — On devait fabriquer aussi des barques d’osier, recouvertes de peaux cousues, sur l’Océan du côté de la Bretagne (Pline, VII, 200, vitiles corio circumsutæ).

[204] Le moulin à vent est d’invention beaucoup plus récente.

[205] Sauf exceptions. Car le moulin à eau fut connu des Anciens. Ausone en signale (de même que des scieries mécaniques de pierre) sur la Ruwer, affluent de la Moselle (Mos., 362) : Præcipiti torquens cercalia saxo rotatu ; de même, Venance Fortunat, également sur le Moselle, Carm., III, 12. 37-8 : Ducitur inriguis sinuosa canalibus unda, ex qua fert populo hic mola rapta cibum. Je doute que ce fût autre chose que des meules ordinaires, actionnées par l’eau, et à l’usage des propriétaires riverains ou des boulangers de la grande ville voisine. Cf. Blümner, I, 2e éd., p. 47-8.

[206] Cela explique la très grande quantité de meules (molæ) découvertes en Gaule, partout où subsistent des vestiges d’habitations antiques : quelques-unes, au reste, sont parmi les plus intéressantes du monde antique (celle, au Musée de Nantes, en grés vert, Dict. des Ant., VI, Mola, f. 5103 ; ailleurs, en lave du Cantal) ; le principe de ces meules est le même qu’en Italie ; mais il y a moins de connexité entre les deux parties des meules gallo-romaines, la partie supérieure et mobile ou catillus ayant sa cavité d’en bas moins profonde, la partie inférieure et fixe ou meta ayant une saillie moins prononcée ; A. Baudrillart, l. c. ; cf. Déchelette, II, p. 1389. — Je ne peux me prononcer sur les meules tournant sur galets, ni sur leur tige ni sur leur destination.

[207] C’est sans doute le cas des boulangers figurés sur le mausolée d’Igel (Esp., VI, p. 442).

[208] Nervien établi à Nimègue comme negotiator framentarius, XIII, 8725. Un autre négociant de ce genre à Aix-la-Chapelle, XIII, 7836.

[209] Autre Nervien établi à Cologne comme negotiator pistorius, XIII, 8338.

[210] Collegium pisstricorum, XIII, 8255 (à Cologne). Il est toutefois à remarquer que les représentations funéraires de boulangers sont fort rares.

[211] Pistor candidarius (à Narbonne, XII, 4502) peut signifier boulanger en pains fins et gâteaux. On interprète pistor Romaniensis (à Narbonne, XII, 1503), boulanger en pains façon romaine : ce n’est pas absolument certain.

[212] Voyez les représentations, en particulier Esp., n° 1553 ; le dessus du pain est découpé en quatre segments latéraux et un carre central à l’aide d’un losange formé sans doute de saillies de croûte. Autres dessins sur miches rondes, Esp., VI, p. 442. Cf. Hœfler, Gebildbrote aus Gallo-Rœmischer Zeit, dans Archiv für Anthropologie, n. s., XI, 1912.

[213] Pline, XVIII, 83 : comparez la fouace du Dauphiné et les croissants d’Avignon.

[214] Cela résulte du texte même de Pline.

[215] Cf. Esp., n° 4295 ? Si les moules de La Guerche sont authentiques, ce que je crois (Saint-Germain, salle XV, Cat. somm., p. 128), ne peuvent être (hypothèse de S. Reinach) des moules à pâtisseries : je ne sais cependant si dans ce cas ils auraient cette forme. Moule en pierre pour petit pain ? (Esp., n° 3585). Sur ces pains moulés ou à forme particulière, voyez les curieuses recherches de Kleine Schriften, I, 1837 (écrit en 1793) p. 349 et s., et de Lobock, Agloaphamus, II, 1829, p. 1060 et s. Beaucoup de ces pâtisseries avaient du reste primitivement une destination religieuse et un sens mystique : le pain en forme de croissant, par exemple, dont l’usage parait très ancien, doit se rattacher au culte lunaire ; etc.

[216] Sacs à filtrer le vin : on sait l’importance du filtrage et la variété de filtres dans la vinification antique (Curtel, p. 150-7).

[217] A cela près qu’un ne trouve pas le champagne (j’entends, bien entendu, le champagne naturel, non mousseux) et qu’on trouve le marseillais ; en outre : Béziers (sans doute servant à désigner tout le Languedoc), Helviens (en Vivarais), Vienne ou Allobroges (sans doute surtout la région à l’ouest du Rhône), Voconces (Drôme), Beaune, Dijon, Moselle, Limagne, Bordeaux, Paris. — Il est probable qu’on mélangeait ou coupait ces différentes espèces. Le pays de Marseille produisait deux espèces de vins, dont l’une, plus grasse, plus épaisse, la variété liquoreuse, sucosum, servait condiendis aliis (Pline, XIV, 68) : je pense qu’il s’agit du coupage de vins d’autres pays ; mais il peut s’agir aussi du coupage entre les deux qualités marseillaises, commune et supérieure, qui s’est pratiqué de tout temps dans cette ville pour ses vins d’exportation (A. Jullien. p. 252).— Les trois principaux vins d’exportation, en particulier  pour Rome, étaient ceux de Vienne (Plutarque, Qu. c., V, 3, I), Béziers et Marseille. — Ne nous étonnons pas qu’on exportât du vin de Marseille ; des deux espèces du terroir marseillais, encore au début du XIXe siècle, on exportait et des vins rouges, très colorés, corsés, spiritueux, solides, et des vins blancs, surtout les vins célèbres de Cassis, liquoreux, corsés et spiritueux (cf. A. Jullien, Topographie de tous les vignobles, p. 251-3).

[218] Un texte de Pline semble indiquer trois crus allobroges de premier rang.

[219] Sur des amphores trouvées à Rome : Sum vetus V Bæterrense L. Marti Satulli, vin de cinq ans ; C. I. L., XV, 4512 ; 4543 : Bæterrense album. Il y avait donc du béziers blanc et du béziers rouge.

[220] Billiard, p. 505.

[221] Cantarelli suppose l’importation des vins gaulois à Rome postérieure au Ier siècle (Bull. della Commissione, 1915, XLIII, p. 41-6, Il Monte Testaccio e la Gallia) : on peut dans ce cas accepter la traduction du texte de Pline par la réputation du vin de Béziers reste fixée, consistit, à la Gaule. J’avoue pencher cependant pour la traduction : la réputation de Béziers parmi les Gaules [dans le sens de parmi les vins de Gaule ; cf. Pline, XI, 241] se maintient.

[222] Elle est décrite par Columelle, XII, 23, I. Et il est possible qu’elle se soit développée d’abord en Dauphiné, non pas sous l’influence des viticulteurs italiens, qui ne paraissent pas l’avoir pratiquée à l’origine, mais sous celle des Grecs de Marseille. Plutarque remarque qu’elle est en usage, outre les Grecs, surtout chez les Italiens du Pô, descendants de Gaulois. II y a donc là une pratique devenue spécifiquement celtique.

[223] Pix corticata appellatur, qua utuntur ad condituras Allobroges (Col., ibid.) ; picata Viennensia ou Allobrogica, Pline, XIV, 57 et 26 ; Martial, XIII, 107 ; Plutarque, Qu. conc., V, 3, 1 (la poix vieillirait le vin et le corserait en lui enlevant les éléments humides ; Dioscoride, V, 43. XXV, p. 720, Kühn attribue le fait à ce que, le raisin ne pouvant mûrir dans ces pays froids, le vin s’aigrirait sans l’emploi de la résine [?]).

[224] Plutarque (Qu. conc., V, 3, 1) parait bien croire qu’on en sentait le goût, lorsqu’il dit que la préparation ajoutait au vin odeur et saveur agréables.

[225] Cf. Curtel, p. 173. — Dans l’ensemble, on dirait que le poissage des vins était considéré, suivant les cas, comme un procédé de chauffage, de conservation des moûts, ou comme une manière de nuancer le goût du vin.

[226] Voyez l’inscription si curieuse, qui ne parait pas antérieure au IIIe siècle : Parce picatum, da Amineum (XIII, 10015, 135).

[227] L’Aminæum qu’on réclamait était sans doute du vin gaulois, façon aminéenne ; et je crois que le goût s’en rapprochait du bourgogne. Remarquez que les Allobroges eux-mêmes s’arrangeaient, sans doute pour leurs grands vins, ne gustus picati vini possit intelligi (Col., XII, 23, 2).

[228] Le vin fumé était une spécialité de Marseille (Martial, X, 36). Mais on en faisait sans doute ailleurs dans la Narbonnaise (Pline, XIV, 68). — En principe d’ailleurs, le fumage n’était qu’une variété de chauffage, et ce procédé était nécessaire pour conserver les vins des Anciens (Curtel, p. 161). Nous sommes trop tentés de disqualifier leur vinification.

[229] Cela est reproché nettement aux négociants du Midi de la Gaule, qui avaient obtenu une fâcheuse réputation à cet égard (Pline, XIV, 68). Remarquez que, dans les inscriptions bachiques, les buveurs réclament tantôt du vin pur, merum, tantôt du vin aromatisé, conditum (XIII, 10018, 7, 17, 131, 157).

[230] Par exemple chez les Voconces (Pline, XIV, 53-4), dont Pline décrit longuement les pratiques à cet égard, le raisin étant séché, tantôt sur pied, tantôt sur des claies de paille, tantôt même dans des étuves, etc. Le nom que l’on donnait à l’un de ces vins de liqueur, diachyton, optimi odoris saporisque, et le fait qu’il provenait d’ordinaire de cépages helvennaques prouvent sans doute que les Gaulois en ont pris l’idée aux Grecs de Marseille.

[231] Il ne me parait pas y avoir de doute à ce sujet, d’autant plus que l’absinthe de Gaule était fort célèbre. La préparation du vin d’absinthe (Col., XII, 35) comportait, comme le remarque Curtel (p. 170), d’assez fortes proportions d’absinthe (une livre [327 gr. 45] dans 4 setiers de mout [2 l. 188], cuit jusqu’à réduction d’un quart, le tout versé dans une urne [13 l. 13] de moût d’aminéen). — Cf., sur les ingrédients mêlés au vin, Capitan, Ac. des Inscr., C. r., 1916, p. 77-83.

[232] Ceci apparaît très nettement chez Ammien (XV, 12, 4), qui parle moins de l’ivresse du vin que de celle des préparations végétales. Remarquez la similitude des expressions chez Pline (XIV, 140).

[233] Comme le remarque justement Curtel (p. 170), Pline (XIV, 142) décrit, non pas l’ivresse du vin, mais celle de l’absinthe, l’intoxication par les essences végétales. — Pour tous ces détails, Curtel (p. 177-8) conclut justement qu’en matière de vinification ainsi que de viticulture les pratiques des Anciens ne différaient pas sensiblement des nôtres.

[234] Cervesarius à Metz (XIII, 597*, authentique), et à Trèves (Rœm.-Germ. Korr., 1913. p. 74). Il a pu du reste y avoir des cervesarii un peu partout (XIII, 10012, 7, ici dans le sens de buveurs de bière) ; on a signalé traces de fabrication de bière dans la villa d’Anthée (Soc. arch. de Namur, XV, p. 36), une brasserie de villa à Ronchinne (id., XXI, p. 198 et s.), etc. ; à Cologne. Mais le nombre des cervesarii n’approche pas à beaucoup près de celui des vinarii, et la brasserie est un des métiers les moins figurés sur les tombes.

[235] Inscription de la gourde de Paris (XIII, 10018, 7, ospila reple lagona cervesa) : inscription sur peson de fuseau (curmi da ; Loth, Ac. des Inscr., C. r., 1916, p. 169) inscriptions isolées au milieu de beaucoup d’inscriptions bachiques, acclamant merum ou conditum.

[236] Note précédente.

[237] Hypothèse. On signale, sans certitude, des distributions de bière au peuple à Riez (XII, 372).

[238] On a cru reconnaître des appareils pour la fabrication du cidre dans un bas-relief de Sens (Esp., n° 2852). Tonneliers pour cidre à Nantes ?

[239] Épitaphe à Rome d’un olearius d’Aix, VI, 9711 (cf. Clerc, Ann. de la Société d’Etudes provençales, 1906, p. 283 et s.).

[240] XII, 4199 ; Esp., n° 621 ; marques de négociants narbonnais relevées à Rome au mont Testaccio (Héron de Villefosse, Deux armateurs, etc., Mém. des Antiquaires, LXXIV, 1915, p. 172 et s.).

[241] Cf. les deux notes précédentes.

[242] Distribution d’huile au populaire à Riez (XII, 3721, dans le Comtat (XII, 1236), à Cimiez (V, 7905, 7920 ; Pais, 1046), sans doute d’huile du pays.

[243] Sur le conflit entre la bière et le vin, cf. l’épigramme de Julien (είς οΐνον άπό κριθής, p. 611, Hertlein).

[244] En tout cas leurs lieux d’abatage, car je présume que les bouchers n’abattaient pas chacun en sa boutique.

[245] Macella, où l’on pouvait sans doute vendre aussi volailles, gibier et poisson.

[246] Negotiator artis macellariæ, civis Tribocus, à Lyon : il a pu trafiquer de la charcuterie de Strasbourg (XIII, 2018).

[247] Laniones de Périgueux, élevant un monument à Tibère, XIII, 941 ; à Dijon, Esp., n° 3454 ; à Narbonne, lanius, XII, 4482 ; etc.

[248] Note précédente.

[249] Ménapes, Séquanes, Cérétans de Cerdagne. L’édit de Dioclétien (4, 8) mentionne encore, mais mentionne seulement pernæ optimæ sine petasonis Menapicæ et Cerritanæ : c’est tout à fait à tort qu’on assimile ces derniers jambons à ceux de Bayonne.

[250] Hypothétique ; d’après XIII, 2018.

[251] Comanes (terroir de Marseille) et Cavares.

[252] Lardarius à Narbonne, XII, 4483 ; L’Année épigr., 1912, 25 ; peut-être à Bordeaux, XIII, 851 ; à Cologne, XIII, 8390. Le lard de la Gaule Cisalpine, taxea de son nom celtique, était renommé dès les temps de la République (cf. Isidore, XX, 2, 24). — Dans un monument de Thil-Châtel (Esp., n° 3608) on a cru voir une boutique de charcutier, avec étalage de boudins, têtes de porcs, quartiers de lard, baquet de saindoux ; dans un autre, de Dijon (n° 3169), jambon suspendu.

[253] C’est le mot de Pline à propos des fromages (XI, 240) : Laus casco Romæ, ubi omnium gentium bona comminus judicantur.

[254] Il serait cependant possible que Pline fit allusion au roquefort et à son persillage en parlant d’un fromage (de chèvre ?) gaulois à goût de médicament (Galliarum sapo medicamenti vim optinet, XI, 241). Reynier (p. 497) songe plutôt, à propos de ce texte, à la préparation du schapziguer dans le canton de Glaris [en Rétie] ; il s’agit du schapzieger ou fromage d’herbes, que les gens de Glaris peuvent exporter assez loin.

[255] C’est en particulier une affaire de hasard si Martial nous parle du fromage de Toulouse, du reste comme d’une nourriture vulgaire (nec quadra decrat casei Tolosatis, XII, 32, 18) : et ce ne doit être que quelque fromage commun du pays, peut-être le fromage sec, de vache, genre hollande, qu’on fabrique dans le haut pays et qui se conserve assez longtemps.

[256] Omnibus desideratum, dit Pline de l’anis (XII, 185), et de même du cumin, condimentarum amicissimum (XIX, 160).

[257] XIII, 10008, 43 (Saintes) ; 44 (Trèves) ; Pline, XI, 33 (il vit en Germanie, sans doute sur la rive gauche du Rhin inférieur, un rayon parvenu à la longueur de huit pieds). On ne comprendra l’importance des abeilles et du miel dans la Gaule qu’en songeant au rôle actuel du sucre. N’oublions pas l’étendue de l’apiculture dans l’ancienne France, rôle si malheureusement réduit de nos jours (le nombre de ruches a baissé de 2 millions et demi en 1862 rapportant 25 millions de francs à 1.600.000 en 1897 rapportant 14 millions).

[258] Audollent a cru retrouver traces de confitures dans la nécropole de Martres-de-Veyre.

[259] Pline, XXII, 107 et s. ; C. I. L., XIII, III, p. 606.

[260] Pour tout ce qui suit, les textes de Marcellus, XV, 86 (absinthium Gallicum), XXVIII, 31 et 35 (absinthium Santonicum), XXVIII, 2 (Santonica herba).

[261] C., XIII, 10008, 3, 4, 6, 16, 17, 22, 33, 37, 39, 40, 43, 44, 45 (ebulum recens, racine d’hièble fraîche [cf. Marcellus, XXIII, 35 ; XXVI, 15]), 49, 50, 52, 50, 72, 79.

[262] Voyez en particulier les remèdes d’oculistes, connus par leurs cachets, C. I. L., XIII, III, p. 604 et s., et les recettes de Marcellus Empiricus, à la table de l’édition Niedermann, p. 320 et s. (index specierum).

[263] Marcellus Empiricus, XXXVI, 5.

[264] C’est ici qu’intervenaient sans doute les seplasiarii ou droguistes proprement dits (à Narbonne, XII, 5074 ; à Cologne, XIII, 8354 ; dans le pays de Reims, L’Année épigraphique, 1910, 57).

[265] Unguentarius, XIII, 2002, à Lyon sans doute ; unguentarius Lugdunensis, VI, 9098 ; unguentaria, XII, 1594, à Die ; voyez les inscriptions des vasa unguentaria, XIII, 10025, 15-31. Turarius à Narbonne (XII, 4518).

[266] Très nombreuses représentations dans le Recueil d’Espérandieu.

[267] Pour les couleurs de teinture, voir plus haut. — Pour la peinture, on a reconnu surtout des couleurs à base minérale (poudre de craie pour le blanc ; ocre ou mélange d’argile et de protoxyde de fer pour le jaune, le rouge et le brun ; silicate de fer et de magnésie pour le vert ; bleu égyptien), et, en proportions bien moindres, à base végétale (cendres de matières résineuses pour le noir) ou animale (cire et pourpre pour l’écarlate ?) ; Henry de Fontenay, Note sur les couleurs antiques trouvées à Autun, Soc. Ed., n. s., III, 1874 (très utile). Huybrigts, Tongres et ses environs, 1901, p. 45 et s., signale la découverte, dans une villa, d’une centaine de briquettes et tablettes de couleurs et d’une vingtaine de godets avec couleurs Mais peut-être la plus curieuse découverte, en cet ordre de choses, est-elle celle de Saint-Médard en Vendée, d’une boite à couleurs, d’une palette en basalte, etc., avec quantité de couleurs, bleu égyptien, terre de Vérone, vert-de-gris, protoxyde de fer, poudre d’or mélangée avec une substance gommeuse, résine, cire et matières grasses pour vernis (analyses de Chevreul ; Fillon et de Rochebrune, Poitou et Vendée, I, 1861-4, Fontenay-le-Comte, p. 128 et s.).

[268] Je ne peux pas exclure l’hypothèse de la connaissance, par les Gaulois, de la fabrication de la soude à l’aide des varechs. Il faudrait analyser, au point de vue de cette fabrication et de celle de la potasse, les cendres de Vendée.

[269] Cela est d’autant plus possible que Dioscoride signale des mélanges de cendres avec l’huile aussi bien qu’avec la graisse (De mat. med., V, 131, 132, 134, XXV, p. 799-861).

[270] Negotiator artis saponariæ à Lyon, XIII, 2030 ; le bas-relief d’Épinal (Espérandieu, n° 4892), très curieuse représentation de la déesse patronne du métier, figurée au milieu de cuves et autres appareils. — Le mot sapo, qui est d’origine celtique, s’appliquait : 1° à une pommade plus ou moins liquide pour teindre les cheveux en blond, pommade qui se fabriquait peut-être à l’origine en Germanie, plus particulièrement chez les Chattes de Nassau et leurs descendants les Bataves, spuma Chattica ou Batava (Martial, XIV, 26 ; VIII, 33, 20) ; 2° une matière de même origine et de même destination, mais fabriquée en pains ronds, Mattiacæ pilæ (Martial, XIV, 27) : l’une et l’autre espèces forment le sapo primitif des Gaulois et des Germains dont parle Pline, constitué avec du suif et de la potasse ; voyez aussi les gros pains ronds du bas-relief d’Épinal ; 3° une matière à laver le linge et le corps, préparée également en boules (Arétée de Cappadoce, De cur. morb., II, 13 = XXIV, p. 343-4, Kühn ; Galien, De morb. san., VIII, 4 = X, p. 569, Kühn ; Sérénus Sammonicus, XI, vers 155) ; 4° un onguent médical dit également savon gaulois (Marcellus, VII, 1 ; etc.) ; 5° un onguent à parfumer. — Il est possible que les Gallo-romains connussent aussi une sorte d’empois pour apprêter le linge ou les bonnets.

[271] Ou tout au moins tels qu’ils l’étaient avant les derniers progrès faits par l’utilisation industrielle des résines.

[272] Ausone, Epist., 4, 7 (Médoc) ; Paulin de Nole, Carm., X, 211 (pays de Buch).

[273] Nombreux exemples chez Pline et Marcellus Empiricus.

[274] Même remarque.

[275] Pline, XVI, 158. Il est possible qu’on s’en servit aussi dans certains pays pour calfeutrer les murailles et les toits des maisons (Pline, XXXVI, 166).

[276] Pline, XXXV, 41.

[277] Pline, XIV, 127.

[278] De là le nom de ceræ, tabulæ ceratæ pour ces tablettes ; C. I. L., XIII, 10033, 7-9.

[279] Probablement aussi des figurines et bas-reliefs de toutes sortes, images de défunts, etc. La connaissance exacte de l’archéologie de la cire a, cela va sans dire, considérablement souffert de la nature périssable de la matière.

[280] Voyez les innombrables sceaux trouvés en Gaule, XIII, 10022-24, etc. ; XII, 5690, 5693.

[281] Ausone (Ep., 4, 19 et s.) écrit à un ami du Bas Médoc qui achète, pour revendre, albentis sevi globulos [suif pour éclairage] et pinguia ceræ pondera Naryciamque picem [il ne peut s’agir que de la poix du pays, à laquelle Ausone, selon son habitude, aura appliqué un vocable fameux ; cf. Virg., Géorg., II, 438] scissamque papyram [mèches à chandelles faites avec des filaments, non de papyrus, mais de quelque plante du Médoc, sans doute le jonc des chaisiers, scirpus lacustris], fumantesque olidum paganica lumina tædas : le correspondant d’Ausone est un courtier, acheteur et vendeur de produits pour éclairage.

[282] Jusqu’à quel point on consommait de la cire dans l’Empire, c’est ce que montre le tribut de 200.000 livres de cette matière imposé à la Corse, pays grand éleveur d’abeilles (Tite-Live, XLII, 7).

[283] Pour la partie technique des § 9 et 10, Brongniart, Traité des arts céramiques, 3e édit., 1877 [l’ouvrage a paru en 1844].

[284] Ars cretaria. Il est à remarquer que le potier, figulus, fietor, qui est l’ouvrier ayant peut-être le plus produit en Gaule, est celui qui est le moins représenté en épigraphie et sculpture funéraires ou autres (C. I. L., XII, 4478 ?, à Narbonne magister figulorum du côté de Nimègue, XIII, 5729 ; fictiliarius à Metz, XIII, 590*, authentique). En revanche, de tous les commerces, celui qui a fourni le plus d’inscriptions, est celui de la terre cuite : negotiatores artis cretariæ ou cretarius (XIII, 1906, 2033, Lyon ; 4336, Metz ; 6366, 6524, 7588, Germanie transrhénane ; 8224, 8350, Cologne ; 7228, Mayence ; etc.). Cela tient sans nul doute à l’organisation du travail en vastes ateliers, qui devaient être souvent des ateliers de domaines, et à celle de la vente, qui devait être concentrée entre les mains de gros dépositaires et commissionnaires, les negotiatores en question, achetant dans ces domaines. Mais on ne peut généraliser ces conclusions.

[285] Déchelette, Manuel, II, p. 1458 et s.

[286] L’imitation des produits grecs est de plus en plus probable. Mais le prototype des vases celtiques doit toujours être cherché dans des espèces grecques archaïques. — Il n’en est pas moins à rappeler que la Gaule a dû être portée d’elle-même, par ses propres goûts vers la céramique polychrome.

[287] Déchelette, Manuel, II, p. 1488 et s. : un centre du fabrication à Roanne ou environs (chez les Sergusiaves ; à Saint-Marcel de Félines [de Figlinis] ?) ; peut-être à Lezoux chez les Arvernes (variété à fond jaune naturel recouvert de peintures blanches ou de ton de terre d’ombre) ; peut-être à Montans (Butènes d’Albi). Il faut du reste, en étudiant les teintes et engobes de ces vases, tenir compte de l’action du temps et des éléments, plus forte sur les vases gaulois que sur la poterie genre arrétin.

[288] Cf. Déchelette, id., p. 1493. La date de leur disparition complète est reculée jusqu’au siècle par Marteaux, Boutæ, p. 414-419.

[289] Pelves. Marques, C., XIII, 10006 ; XII, 5685. Principales fabriques à exportation internationale : les Atisii, allobroges plutôt que lyonnais (j’ai autrefois identifié cette fabrique avec la Lugdunensis), exportant, non seulement dans toute la Gaule, mais peut-être jusqu’à Herculanum (X, 8048, 2) ; la fabrique dite lyonnaise, exportant en Bretagne (VII, 1334, 1 et 14).

[290] Amphoræ, XII, 5683 ; XIII, 10002-4. Il y en a deux catégories, reconnaissables aux marques imprimées dans la pale : l’une, de fabrication étrangère, importées avec l’huile ou le vin qu’elles renfermaient, venant surtout d’Italie et d’Espagne ; l’autre, de fabrication locale. Une étude approfondie de toutes ces marques s’impose : il ne faudrait pas croire, en effet, que celles qui se retrouvent en Gaule et à !tome (C. I. L., XV, p. 491 et s.) ne puissent pas être d’origine gauloise ; beaucoup de ces amphores ont pu être importées en Italie avec l’huile du Midi ou les vins de Marseille, Vienne et Béziers (p. 257 et 253-4 ; C. I. L., XII, p. 700). La présence de noms gaulois (remarquez Bituriæ, XIII, 10002, 129), indique par exemple une origine celtique. A la différence des pelves (n. précédente), les amphores, en dehors de leurs contenus, ne sont pas un objet d’exportation ou de commerce.

[291] Urcei. Hauts d’un pied en moyenne, flanqués d’ordinaire de deux petites anses ; en particulier pour garder le miel, XIII, 10008, 43 et 41.

[292] Lagonæ, à peu près de même dimension, mais à une seule anse : c’est la cruche à verser. Nombreuses figurations sur les tombeaux, oit elles sont placées dans la main du mort. XIII, 10008, 4 et 6. — Variété en forme de gourde, à deux anses, mais en terre rouge vernissée, pas antérieure au IIIe siècle : XIII, 10018, 7 (c’est la fameuse gourde de Paris) ; cf. Esp., n° 4211, représentation de gourde dans un repas funéraire.

[293] Dolia. Il y en a de plus de 2 mètres de haut : c’étaient des récipients à garder le vin, l’huile, les fruits secs, etc. XII, 5684 ; XIII, 10605. Les deux beaux dolia du Musée de Mmes, fabriqués sans doute dans le pays, cubent 14 et 18 hectolitres (Mazauric). Dans une villa gallo-romaine des environs de Gap, on découvrit en 1838 quatorze jarres de plus de 2 m. 30, dont quelques-unes étaient raccommodées avec des liens de plomb (Brongniart, I, p. 408). — Ces récipients, jarres, Puons ou amphores, pouvaient servir de tombeaux.

[294] Brariatus et son fils, peut-être de Bavai (XIII, 10006, 18 et 95 : jattes ; 10003, 25 : tonneaux).

[295] Figlinæ indiquées par les inscriptions (à Aix-en-Savoie chez les Allobroges, XII, 2461, par les textes (Figlinæ entre Vienne et Tain chez les Allobroges, Table de Peutinger), par la toponymie (localités dites Félines, etc.), par les ruines et débris. — Il arrivait souvent que les grands propriétaires (de vignes, d’oliviers) fissent fabriquer les amphores destinées à recevoir et à exporter leurs produits, et sans doute les fissent marquer à leur nom : si figlinas haberet, in quibus ea vasa fierent, quibus fructus ejus fundi exportarentur (Digeste, VIII, 3, 6).

[296] Déchelette, Les Vases céramiques ornés de la Gaule romaine, 1904 (capital). Avant lui, surtout Dragendorff, Terra sigillata, dans les Bonner Jahrbücher, XCVI-VII (sobre et judicieux), 1895 : cf. XCIX, 1896 ; en outre, Kœnen, Gefüsskunde, Bonn, 1895, et Hœlder, Die Formen der Rœm. Thongefüsse, Stuttgart, 1897 ; après lui, surtout les monographies d’ateliers et de musées notées plus loin.

[297] Il y a deux catégories parmi ces publications : celles qui sont des inventaires de marques conservées dans des collections par exemple Watters, Cat. of the Roman Pottery, British Museum, 1908), ou trouvées dans un lieu déterminé (par exemple celles de Knorr, Die verzierten Terra-Sigillata Gefässe von Cannslatt, 1905, von Rottweit, 1907, von Rottenburg, 1910, Südgallische T.-S. G. von Rottweit, 1012 ; etc.) ; celles qui étudient des ateliers déterminés.

[298] Aux anciens recueils de Frœhner (1858) et de Schuermans (1867), qui n’ont plus qu’une valeur de curiosité, au livre de Habert, La Poterie antique parlante (1893), il faut substituer aujourd’hui les relevés du Corpus, notamment XII, 5686 (où l’on a malheureusement mêlé les signatures des arrétins, des potiers de Gallica rouges et noirs), 5111, 10009 (Arretina trouvés dans les Trois Gaules), 10010 (Gallica, par malheur de toute espèce mêlés, noirs et rouges par exemple ; environ 3.000 noms semblant se référer à 3.000 figuli distincts). Ces relevés du Corpus ne peuvent du reste être que provisoires, ne fût-ce que parce que la transcription typographique ne permet pas de distinguer suffisamment les différentes marques.

[299] Moins complètement, cependant, qu’on peut être tenté de le croire.

[300] Cela résulte des lieux où il a été découvert de ces poteries.

[301] Les prix de détail devaient être très bas, puisque les lampes ordinaires d’argile pouvaient se vendre à un as la pièce, ab asse venales (VIII, 10478, 1).

[302] Outre les arrétins, on signale quelques vases de Pouzzoles, en particulier à Neuss et dans le Midi (Déchelette, I, p. 15), par exemple ceux de la maison Nævia (XIII, III, 10009, 171-4) ; et les vases à teinte claire du potier Aco, qu’on croit de la Cisalpine (Déchelette, I, p. 31 et s.).

[303] C. I. L., XIII, III, p. 91 et s. ; Déchelette, Vases, I, p. 9 et s.

[304] Je songe aux trouvailles faites à Nantes et à Vechten. — Voyez notamment la zone d’extension des produits de la maison (toscane ? d’Arezzo ?) Cn. Ateius (contemporaine d’Auguste ?), avec ses potiers Crestus, Euryales, Euhodus, Hilarus, Mahes, Narcissus, Salvus, Xanthus, Zoilus, maison qui, comme exportation, ne peut guère se comparer qu’au fabricant de lampes Fortis. Sur ce Cn. Atéius, Oxé, Bonner Jahrb., CI, 1897. — Sur les arrétins en général, C. I. L., XI, II, p. 1081 et s. ; Ihm, Bonner Jahrbücher, CII, 1898, Die Arr. Töpfereien ; en dernier lieu Chase, Cat. of Arretin. ; Pottery, Museum of Fine Arts, Boston, 1916.

[305] J’ai cependant l’impression que la diffusion des vaisselles arrétines ne s’est point faite très avant dans les campagnes, à la différence de leurs concurrentes gauloises.

[306] Sans doute vers le milieu du Ve siècle (Déchelette, I, p. 63 et s., p. 93 et s.), sous ce règne de Caligula et surtout sous celui de Claude qui amenèrent, peut-être en partie grâce à l’initiative des intendants du prince, le véritable éveil industriel de la Gaule. — Pareil fait de substitution, en matière de céramique, avait dû se produire sous la République chez les Gallo-romains de la Cisalpine : il n’y a pas été étudié, à ma connaissance.

[307] En apparence, il y a souvent divergence entre les formes d’Arezzo et celles de la Gaule. Mais Déchelette (Vases, I, p. 68) a bien montré que la différenciation ne s’est produite qu’avec le temps, et qu’il a dû y avoir une période de transition où les potiers gaulois ont imité les formes italiennes comme le reste.

[308] Déchelette, Vases, I, p. 240-1.

[309] Cf. Déchelette, Vases, I, p. 12 et 17 ; il ne peut s’agir, bien entendu, que de l’arrétin de bonne époque. — Il faut du reste ajouter que la confection de la céramique gallo-romaine, elle aussi, est encore aujourd’hui à peu près impossible à réaliser. Analyses et remarques de Brongniart, I, p. 420 et s. : La ressemblance... de ces poteries est une sorte d’énigme. On a supposé que les Anciens, choisissant des argiles presque sans couleur, et propres à fournir une pâte fine et dense, leur donnaient la couleur rouge par des proportions appropriées d’ocre rouge introduite dans la pâte. L’application du vernis est également un problème : aucune trace du pinceau ; peut-être par immersion dans un liquide qui tenait le vernis en suspension. — Voyez aussi Keller, Die roth Rœm. Töpfer-Waare mit bes. Rücksicht auf ihre Glasur, Heidelberg, 1876.

[310] Patera, patina, patella, s’entendant surtout des assiettes ; patella, également de grands plats à servir : paropsis, surtout des grands plats (le parasidus des inscriptions, Déchelette, I, p. 57) ; catinus, catillus (C. I. L., XII, 10017, 46, 48, 49, 50), des plats plus creux, se rapprochant des tasses ou des soupières (0 l. 09 et 0 l. 41 de contenance, suppose Déchelette).

[311] Le plus petit est l’acetabulum (contenance, 0 l. 0684 ; XIII, 10017, 45 ; le nanus doit en être voisin), et on allait ainsi en passant par le vinarium ou bol à vin (sextarrius, tenant un setier, 0 l. 517 ; bisextialis, deux setiers, équivalent de notre litre ; senarius doit être le vase, ou de 6 setiers, ou, plutôt, de 6 quarts de setiers, soit 0 l. 82 ; rostratus, espèce à bec, Déchelette, I, p. 86), jusqu’à la penna (XIII, 10017, 47) ou au mortarius (Déchelette, I, p. 88, qui les évalue assez justement à 4 setiers, 2 l. 18), qui peuvent être aussi des marmites de cuisine ou de dressoir. — Il n’y a pas à insister sur les espèces plus rares, telles que les passoires et les soi-disant biberons ou vases à petites tubulures latérales.

[312] Canna ? (XIII, 10017, 45-6) : type 30.

[313] Otta (mais il s’agit ici d’une urne noire : XIII, 10017, 51).

[314] Types 56 et 59.

[315] Types 60, 61, 62.

[316] Types 29 et 37 ; voyez en particulier les vases à acclamations, de Banassac (forme 37). Nous avons noté dans la collection Plicque un fragment d’une capacité tout à fait anormale, dont le diamètre à la panse supérieure atteint 0 m. 45, tandis que d’ordinaire il ne dépasse guère 0 m. 20 ; Déchelette, I, p. 150.

[317] Une classe tout à fait particulière de vases est celle des vases [rituels ?], en terre d’un brun rougeâtre, dont les parois figurent en relief les sept dieux planétaires (cf. t. VI, ch. I) : ces vases n’out guère été fabriqués qu’eu Belgique, chez les Nerviens ou les Tongres, et qu’a la fin du IIe siècle au plus tôt ; jusqu’ici on n’en connaît qu’un très petit nombre (cf. Revue des Ét. anc., 1908).

[318] Sauf quelques exceptions.

[319] Il y a, au point de vue de la fabrication, deux systèmes d’ornementation. Ou bien les ornements étaient préparés eu creux, par empreintes, sur le moule de l’ensemble du vase, et, par suite, moulés avec le vase même. Ou bien, le vase étant d’abord achevé, les ornements étaient préparés en relief à l’aide de moules distincts, et ensuite appliqués sur le vase à l’aide de barbotine. Le premier système caractérise surtout la poterie antérieure aux Sévères (vases à reliefs provenant de moules estampés) ; le second, surtout la poterie postérieure à Marc-Aurèle (vases à reliefs d’applique). Cette seconde catégorie, d’ailleurs, renferme moins de la vaisselle d’usage domestique que des vases d’ornement, et beaucoup d’images de cette catégorie devaient commémorer quelque fête, où le vase était acheté comme Souvenir. Cf. Déchelette, Vases, surtout II, p.167 et s.

[320] Cf. Déchelette, I, p. 240-1.

[321] Je crois d’ailleurs qu’il se bornait à copier des sujets de l’imagerie courante. L’effort d’invention parait très rare. — Les signatures qui, dans la fabrication des vases moulés, accompagnaient les pointons (XIII, 10011, 1-25), et qui par suite se retrouvent sur les moules estampés (id., 26-139) et ensuite sur les reliefs des vases (id., 140 et s.), ces signatures paraissent la plupart du temps des signatures commerciales, c’est-à-dire celles du fabricant du vase et non du modeleur de l’image. Mais il y a encore bien des problèmes à résoudre au sujet de ces signatures (Corpus, XIII, III, p. 433). — Dans les vases à reliefs d’applique, au contraire, l’artiste signait parfois son œuvre, soit à la pointe sur les moules d’argile (en Auvergne ; Déchelette, II, p. 173 ; C., XIII, 10014), soit en relief sur la maquette de cire (dans la vallée du Rhône, Allobroges ?, cera d’un tel, Déchelette, II, p. 213 ; XII, 5687).

[322] Ou en cire pour les reliefs d’applique de la vallée du Rhône (n. précédente).

[323] Ou, dans le cas des reliefs d’applique, la plaque de terre destinée à mouler le relief.

[324] Ou, en cas de relief d’applique, on moulait ce relief avant de le fixer sur un vase.

[325] J’ai déjà dit que la comparaison des marques, formes, vernis, que l’étude de la zone d’extension des produits, permettront de retrouver le lieu d’origine des différents potiers, et les caractéristiques de leurs spécialités. Par exemple, Bordeaux fut la cliente de C. C. O. = Calas Cornelius O... (XIII, 10010, 643), Fam. (881), Nepos (1416), aux produits très faciles à distinguer : si les fabriques ne sont pas locales, elles sont de Montans.

[326] Lezoux (Ledosus) a fabriqué dès l’époque celtique des vases peints à engobe blanche ou autre : le travail romain n’a donc fait qu’y continuer une tradition indigène. Et ceci est une remarque très importante. — C’est Lezoux qui, dans la Gaule Chevelue, a la principale spécialité des grands produits de vases moulés, puis des vases à reliefs d’applique, mais on y fabriqua aussi des vases unis, barbotines, incisés, et bien d’autres choses en argile cuite. Le plus important et le plus distingué des nombreux céramistes de Lezoux est Libertus, qui parait contemporain de Trajan. A près lui, en date et en importance, vient Paternus. — Voyez les travaux de Plicque (fouilles et écrits de 1879 à 1894) ; cf. Déchelette, Vases, I, p. 138 et s., II, p. 169 et s.

[327] Plicque releva les substructions de 160 fours (Congrès arch. de 1885, Montbrison, p. 283). D’autres fours ont été retrouvés depuis.

[328] Près de Gaillac dans le Tarn, cité des Butènes d’Albi. Là encore la fabrication des faux arrétins a succédé à une industrie indigène (cruches à couverte blanche avec dessins géométriques noirs et rouges). — Montans était sans doute le grand fournisseur de vaisselle de table en Aquitaine. Je crois que les ateliers du Sud-Ouest se sont inspirés de lui. — Fouilles et travaux de Rossignol (Bulletin monumental, 1859, 1861, 1862) ; cf. Déchelette, I, p. 129 et s.

[329] Près de Millau, à 2 k. à l’est, dans la cité des Rutènes de Rodez ; peut-être le Condatomagus des itinéraires. C’est là qu’a travaillé le potier Mommo, le plus actif du pays et peut-être de la Gaule, dont nous retrouvons le nom dans des bordereaux de vente ou de fabrication : sur un de ces bordereaux (Déchelette, I, p. 87) il est inscrit pour 9.000 pièces : il fabriquait surtout des catilli et des parasidi. — Fouilles et travaux de Cérès (cf. Vialettes, Mémoires de la Soc. des Lettres de l’Aveyron, 1891-99, XV) ; cf. Déchelette, I, p. 64 et s.

[330] La fabrication et surtout le relief sont ici plus médiocres. Mais la spécialité de Banassac est dans de très grands bols ornés d’inscriptions en relief, saluts à des habitants de cités (Lingonis, Remis, Sequanis, Gabulibus, à des groupes de buveurs, cercesariis, etc., feliciter), appels aux buveurs (bibe, feliciter, etc.) ; XIII, 10012 J’hésite à placer la plupart de ces vases avant le second siècle (contra, Déchelette, I, p. 124).

[331] Outre les vases noirs, sans doute les vases rouges à reliefs d’applique. Ces derniers sont sans nom de fabricant, souvent avec le nom du mouleur en cire, et à inscriptions explicatives (par exemple, XII, 5637, 4, image d’Hercule avec la devise virtus nusquam terreri potest).

[332] Tabernæ chez les Némètes ; cf. C. I. L., XIII, II, p. 161. Cerialis, Cobnertus [nom gaulois], Comitiatis, parmi les principaux potiers. Voyez Ludowici, quatre recueils parus sous différents titres, Stempel-Namen, Stempel-Rilder, Urnen-Grüber, Rœm. Ziegel-Grüber, Munich, de 1901 à 1912 ; aussi Günther Reubel, Rœm. Töpfer in Rheinzabern, Spire, 1912. — Les rapports entre la céramique des vases moulés de Rheinzabern et celle des produits similaires de Lezoux sont assez nets, et il peut se faire que les fabriques némètes doivent leur origine à des potiers arvernes. — Dans la dépendance de Rheinzabern peuvent être les potiers triboques d’Alsace (Heiligenberg-Dinsheim Ittenweiler) ; Forrer, Die Rœm. Terrasigillala-Töpfereien... im Elsass, Stuttgart, 1911. — Mlle Fœlzer (Die Bilderschüsseln der Ostgallischen Sigillata-Manufakturen, Bonn, 1913) a étudié les fabriques de la Moselle : Luxeuil, La Madeleine (dans Laneuveville près de Saint-Nicolas-du-Port ou de Nancy), Lavoye (Meuse ; cf. Meunier, Bull. arch., 1005 et 1908), et surtout Trèves ; mais il reste bien des incertitudes. — Au IIIe siècle, on a fabriqué des vases à reliefs d’applique, avec inscriptions descriptives, à Cologne et à Trèves (XIII, 10013, 1-3, dans le style de ceux du Rhône).

[333] Cf. Requin, Hist. de la faïence de Moustiers, I, 1903, p. 219 et s. ; Arnaud d’Agnel, La Faïence et la Porcelaine de Marseille, [1911], p. 453 et s. L’organisation et la filiation respectives des faïenceries offrent d’ailleurs des problèmes et des faits que nous retrouvons dans les poteries gallo-romaines.

[334] L’organisation de ces ateliers céramiques est encore très mystérieuse. J’ai peine à croire que Mommo et les autres potiers dont les noms figurent sur les bordereaux, fussent des patrons : je crois plutôt à des esclaves, affranchis ou employés d’une grande maison dont la raison sociale nous échappe, absolument comme le Mascuricus allobroge est un esclave de la gens Furia, le Nanthus des poteries arrétines est un affranchi des Cn. Ateii (10009, 317 et 54), chacun de ces signataires, Mommo par exemple ou Nanthus, devant être regardé comme un chef d’atelier ayant la signature commerciale, tout ainsi que les directeurs des verreries de Frontin. — Il y a trace, d’autre part, de dynasties de potiers : Arverbus, puis Belsa, Arverni filius, 10010, 175 et 287. — Trace aussi de potiers associés (XIII, III, p. 120). — Il y avait des figlinæ faisant partie des biens d’une commune. — Il a pu y avoir des potiers libres réunis en corporation : magister figulorum sur le terroir de Nimègue, XIII, 8729. — Tous les genres d’organisation ont pu se rencontrer : mais je crois cependant à la prédominance de l’organisation familiale, domaniale, esclaves et affranchis pour le compte d’un chef de maison, genre des Cn. Ateii déjà nommés. — On a émis l’hypothèse de fabricants de moules, et même de poinçons, distincts des fabricants de vases, et encore l’hypothèse de potiers ambulants transportant avec eux leurs moules et façonnant des vases sur place. Les dernières recherches me paraissent, au contraire, montrer la solidarité de fabrication des poinçons, des moules et des vases, la concentration du travail dans quelques grands centres (au moins pour les vases vernissés, car il devait se fabriquer partout de la vaisselle commune mate). Il est même de plus en plus vraisemblable qu’il n’y a pas eu un très grand nombre de potiers homonymes. Et la multiplicité extraordinaire des débris signés d’un même nom s’explique en dernière analyse par l’incroyable intensité de production d’un même atelier dans un espace de temps assez limité (voyez les 9.000 pièces de Mommo). On peut presque dire qu’une seule génération de potiers suffit à recouvrir la Gaule de faux arrétins. Tout cela a été bien mis en lumière par Déchelette, Vases, I, p. 75, 105-7, etc. — Le plus grosse difficulté provient de la présence, dans des ateliers céramiques très éloignés, de marques du même potier : par exemple l’atelier du Pont-des-Rèmes à Florent (Marne) a livré plus de 40 vases de Censoriaux, d’où l’on doit conclure qu’il y a travaillé ; et ce mime Censorinus est signalé à Lezoux, à Rheinzahern, et ailleurs (Chenet, L’Atelier... du Pont des Rèmes, Reims, 1913 ; Mlle Fœlzer, au contraire, croit à quatre ou cinq homonymes, p. 66-7). On a supposé qu’il avait quitté Lezoux pour porter successivement son métier en Champagne et sur le Rhin. Mais d’autre part, ce même atelier de Florent a livré des produits de potiers de Lezoux et de La Graufesenque tout ensemble : je ne me représente pas les fabricants de ces deux endroits allant travailler ensemble, ou envoyer leurs chefs d’ateliers travailler ensemble au Pont-des-Rèmes. Il y a dans cette histoire de la poterie parlante une série d’énigmes que je ne m’explique pas.

[335] Après le temps de Marc-Aurèle et de Commode ?

[336] Étant donné que les éléments constitutifs du faux arrétin ou de la terra sigillata, comme on dit, sont, 1° le vernis rouge, 2° l’emploi du poinçon modelé pour les moules et du moule pour les reliefs d’ornement, 3° la signature du potier, voici les survivances ou les disparitions que je constate pour ce genre de poteries : 1° la signature disparaît la première, et, à ma connaissance, avant le IIIe siècle ; 2° l’usage du relief se maintient, avec poinçon et moule, mais au vase moulé par ensemble se substitue le relief appliqué par la barbotine ; 3° mais en même temps se développe l’usage de façonner sur le vase le bas-relief, sans poinçon ni moule, par un modelage de barbotine à la main ; 4° l’usage du poinçon (avec lettres ou images) subsiste, et jusqu’à l’époque barbare, mais pour imprimer en creux sur les vases mêmes. Comme on le voit, il y a persistance mais décomposition des divers éléments de l’arrétin. — Les vases à reliefs barbotinés sont répandus surtout en Belgique et en Germanie Supérieure. Voyez notamment les vases gris ou jaunes à scènes de chasses ou de combats, dits de Castor (localité du comté de Northampton), autrefois Durobrimi en Bretagne, où l’on croit qu’était le centre de fabrication : ils me paraissent du IIIe siècle. — Les vases à décors imprimés directement sont plus grossiers. Ils représentent, je crois, des céramiques locales, fabriquées et utilisées sur place. Ils ont commencé au moins à la fin du second siècle, et par tout l’Empire (surtout encore en terre rouge), pour se continuer jusqu’à l’époque mérovingienne (surtout en terre noire et grise). Voyez en dernier lieu Haverfield, Archœologia Cambrensis, 1910, p. 228 et s. ; il faut écarter à leur sujet les conclusions de Déchelette, II, p. 327 et s.

[337] Toutefois, il ne faudrait pas nier la possibilité d’une politique industrielle des empereurs. Outre les mesures contre la vigne, voyez celles pour limiter la production des mines, peut-être pour assurer le monopole du papyrus. — Il est eu outre possible que, sous les Sévères, il y ait eu des règlements sur les marques de fabriques qui aient gêné l’industrie gauloise : la législation de ces marques est d’ailleurs ce que nous ignorons le plus dans l’histoire de l’industrie romaine.

[338] Cf. Déchelette, I, p. 105.

[339] Il est certain que l’avènement de Septime Sévère et de la dynastie syrienne, correspondant avec les progrès des cultes orientaux, a dû changer les habitudes industrielles et les goûts artistiques de l’Empire.

[340] Les désastres du temps de Marc-Aurèle ont dû également raréfier la main-d’œuvre.

[341] Le noir doit être en partie le résultat d’une fumigation.

[342] Campanienne ? étrusque ? Il est cependant probable que des éléments ou, si l’on préfère, des habitudes indigènes s’y sont mêlés ; voyez les vases noirs de Champagne.

[343] Voyez les observations de Dragendorff, Terra sigillata, p. 88 et s. ; du même, Westdeutschland zur Rœmerzeit, p. 62 ; celles de Marteaux et Le Roux, Boutæ, p. 435 : vases à côtes faits au tour, si bien faits qu’à première vue on les croit moulés.

[344] Chez les Allobroges, et l’on a pu conjecturer que l’industrie a été acclimatée en Belgique par des potiers venus de là (Dragendorff, T. s., p. 94). Principales maisons : Martinus, Priscus, Seveo, Mascuricus (esclave de Q. Verrius Achillæus, XII, 5686, n° 562 et 924). Leurs produits s’exportent d’ailleurs très peu hors du pays viennois. Ces vases ont été bien étudiés dans Marteaux et Le Roux, Boutæ, p. 431 et s. — De nature très différente, beaucoup plus grossière, sont les vases noirs en particulier des Éduens (10010, 93, 775, 1209, etc.) : mais ils étaient d’usage purement local, et se rattachent à la céramique commune des récipients de cuisine.

[345] Surtout à Trèves (on en a douté), peut-être aussi à Tongres, Bavai, Reims. Les principales fabriques paraissent celles de Lossa, de Meddicus, de Vocara ou Vocarus et fils (10010, 1155, 1322-3, 2075-6, 1030), dont la zone d’extension parait être dans la Belgique du Rhin et en Germanie.

[346] Cf. les deux notes précédentes.

[347] Sauf peut-être chez les Allobroges.

[348] Il semble bien, en rapprochant les dates, que la poterie noire a reculé, vers la fin du Ier siècle, devant le faux arrétin.

[349] Il semble bien qu’il y ait des liens de forme, de temps et de lieu entre ces produits et ceux de la céramique noire. Mais ils sont plus grossiers, et je me demande si ce ne sont pas des tentatives locales et maladroites pour imiter l’arrétin. Je crois qu’un en trouverait de semblables en dehors de la Belgique.

[350] Ici, la tendance vers l’arrétin est plus visible. Ateliers de Vichy, Gannat, Saint-Rémy-en-Rollat (Déchelette, I, p. 41 et s.). Les vases sont presque toujours anépigraphes. Ce type a dû disparaître avant la fin du Ier siècle.

[351] On a supposé seulement à partir de Probus. Je doute qu’il ne faille pas remonter plus haut.

[352] Et sur les vases plus grossiers et plus récents, tracés au pinceau. — Sur ces inscriptions, t. VI, ch. II.

[353] Peut-être seulement parce que le commerce, après les désastres du temps de Marc-Aurèle, fut moins entreprenant.

[354] C. I. L., XIII, III, 10018. Comme centres de fabrication, sans doute surtout Trèves et Cologne.

[355] Il ne faut pas croire, cependant, que les yeux des Gaulois et soient absolument résignés, en matière de poterie, à l’uniformité du rouge arrétin. Outre les essais des premiers temps, on trouve trace de vases vernissés, à teinte grise, jaune, marron ou verte assez éclatante, vases à parfums ou à liqueurs, affectant parfois des formes bizarres, de tête humaine ou d’animal par exemple, et qui font songer aux fantaisies de nos fabricants d’apéritifs ; cf. Déchelette, II, p. 322-5 ; Musée de Saint-Germain, salle XIV, 1 A et B, Cat., p. 114. Des formes similaires se retrouvent en verrerie. Mais cela n’a pu être qu’une industrie d’occasion, comme chez nous.

[356] C’est à dessein que je dis toutes les cités.

[357] Il y en eut d’autant plus que, outre les briqueteries industrielles, bon nombre de propriétaires tirent fabriquer chez eux les briques nécessaires à la construction de leurs villas, tegulæ ad villam ædificandam (Digeste, VIII, 3, 6). Certaines marques de briques peuvent donc donner les noms de propriétaires de domaines.

[358] On place d’ordinaire à l’époque gauloise les briquetages de la Seille (briquettes carrées et cylindriques) : ce sont d’ailleurs des appareils fort primitifs. Il me parait au surplus difficile que les Gaulois n’aient pas connu au moins l’usage des briques séchées à l’air. Ceux du Midi, d’autre part, n’ont pu rester insensibles à l’influence des briquetiers grecs d’Agde ou de Marseille.

[359] Je parle de la brique cuite, testa.

[360] Vitruve, II, 8, 16 et s.

[361] Déchelette, II, p. 340.

[362] Briques plates en forme de cercles ou de secteurs de cercles.

[363] Briques creuses, cubiques ou cylindriques.

[364] Blanchet, Décoration, p. 15-21.

[365] Later. La coudée, ou le pied et demi, fait 0 m, 4436 (il s’agit ici de la brique sesquipedalis, qui est carrée ; c’est le type officiel, leges publicæ non patiuntue majores crassitudines quam sesquipedales constitui, Vitruve, II, 8, 17) ; 3 à 5 doigts font de 55 à 73 millimètres. On pouvait aller jusqu’à 2 pieds de côté avec la brique bipedalis. Il y en avait un très grand nombre de variétés, suivant la nature du mur à bâtir.

[366] Imbrex. Elle servait à recouvrir les arêtes de toits, à former des rigoles.

[367] Tegula. Voyez les remarques de Vitruve, II, 8, 18-20.

[368] C. I. L., XIII, 6054, attegia tegulicia, élevée à Mercure en Alsace. — La construction, toute en briques, la plus originale de la Gaule est la pile de Cinq-Mars près de Tours : briques larges de 0 m. 225 à 0 m. 24, longues de 0 m. 33 à 0 m. 34, épaisses de 0 m. 035 à 0 m. 04. Ce qu’il y a de plus remarquable, ce sont les douze compartiments de mosaïques qui ornent les parties supérieures, exécutées avec des petits morceaux de terre cuite rouge incrustés dans le mortier, et figurant des carrés, des losanges, des chevrons brisés, des triangles, des quatre-feuilles, des imbrications, etc. Je ne crois pas la construction antérieure au IIIe siècle.

[369] Ausone, Urbes, 99 : Tolosam, coctilibus munis quam circuit ambitus ingens.

[370] Cf. Cicéron, De divinatione, II, 47, 99.

[371] D’après les observations que j’ai pu faire dans certaines ruines du début de l’Empire, où j’ai trouvé des briques moins fermes, moins compactes. Mêmes tâtonnements dans l’arrétin.

[372] Propter levitatem habent firmitatem (Vitruve, II, 3, 1) : voyez chez Vitruve les extraordinaires précautions pour avoir de la bonne brique.

[373] La quantité de briques n’est jamais, là où j’ai pu le constater, comparable à celle des poteries. A Lyon, le Musée renferme bien peu de briques d’origine locale. A Bordeaux, les deux principaux briquetiers qui desservent la construction sont C. Octavius Catulus, dont on n’a rencontré les briques jusqu’ici que dans la ville, et Merula, fils de Toutissa, Cubus, dont les briques se rencontrent aussi en Saintonge et en Poitou ; ce dernier doit être biturige de Bourges, mais peut-être installé à Bordeaux ; Inscr. rom. de Bord., I, p. 445 et s. — Remarquez que l’on a importé, au moins dans le Midi, des briques d’Italie (C., XII, p. 684, n° 3678).

[374] Chez les Viennois, officina Clariana Auli Decii Alpini (XII, 5579, 19-26), dont les produits sont répandus dans une bonne partie de la Narbonnaise. Les autres fabriques limitent leurs débouchés, soit strictement à la cité, soit aux cités voisines.

[375] Surtout, bien entendu, dans les deux Germanies, mais aussi assez loin dans l’intérieur, jusqu’à Viviers et Néris. Les briques étaient marquées à l’estampille des corps, légions, troupes auxiliaires, flottes, détachements mixtes. Voyez, à titre d’exemple, le travail de Hamy, Les Sigles figulins de la Flotte de Bretagne, 1907 (Bull. de la Soc. Acad.) : il s’agit de la classis Britannica de Boulogne.

[376] Ou de filets ; cf. C. I. L., XIII, 10019. Il faut toujours consulter à ce sujet le célèbre mémoire de Ritschl, Ueber antike Gewichtsteine, écrit en 1866, Opuscula, IV. — Ajoutez de menus objets domestiques, pipes, tirelires, etc.

[377] Il ne faudrait cependant point généraliser : de Gérin-Ricard a trouvé, il est vrai en Narbonnaise, 15.000 lampes de toute origine au châtelard de Lardiers (Basses-Alpes) ; Bull. arch., 1913, p. 196.

[378] L. Hos(idius ?) Cri(spus ?) ; XII, 5682, 57 ; XIII, 10001, 55. Je la crois d’origine postérieure à celle de Fortis ; le style est moins sobre. C’est une des très rares maisons de céramique (avec Fortis et très peu d’autres) qui ait établi dans ses produits des séries, marquées par des lettres et par des signes. — Toutefois, l’exportation des lampes de cette maison, si intense que fût sa production, demeura très faible hors de la Narbonnaise : et ceci est à noter.

[379] L’origine modenaise de Fortis, Communis, Strobilus, est très probable, plutôt que certaine. On place leur activité, sans preuve décisive, pendant tout le siècle, C. I. L., XV, II, p. 783. La forme des lettres, la sobriété du dessin des objets me font penser, pour Fortis, à des produits faits suivant un type voisin du temps d’Auguste.

[380] Voyez (C. I. L., XIII, 10001. 136, et XII, 5682, 50) la liste des localités qui ont fourni des lampes signées Fortis. Ce que nous disons de Fortis peut se dire, dans des proportions moindres, de quelques autres grandes fabriques modenaises ou italiennes, Strobilus, Communis, C. Oppius Restitutus, dont les produits accompagnent ceux de Fortis dans la Gaule (cf. n. précédente).

[381] Notez les 9000 pièces indiquées sur un bordereau du potier Mommo.

[382] Remarquez, à la différence de ce que nous constatons pour la vaisselle et les figurines, l’extraordinaire rareté de noms gaulois chez les potiers de lampes.

[383] Tudot, Collection de figurines en argile, 1860 (toujours important) ; Blanchet, Étude sur les figurines, etc., 1891 (Mém. des Antiquaires, LI) ; id., Suppl., 1901 (id. LX) ; Coutil, Les Figurines en terre cuite des Éburovices, etc., Évreux, 1899 ; C. I. L., XIII, 10015 ; XII, 5689 : Musée de Saint-Germain, salle XIV, Cat. sommaire, p. 114 et s. (S. Reinach).

[384] C’est leur principal emploi, et, parmi ces divinités, Vénus et les Mères sont de beaucoup les plus répandues, sans doute parce que ces poteries servaient surtout à des cadeaux de naissance ou de mariage.

[385] Surtout des enfants, en pied ou en buste (pour le motif indiqué n. 2) ; mais aussi quelques caricatures.

[386] Surtout des colombes et des coqs (cf. le motif indiqué n. 2).

[387] Surtout des œufs et des fruits.

[388] Blanchet, Suppl., p. 9 et s.

[389] Le contraste entre ces deux catégories d’objets est absolu.

[390] La majorité des noms de grands fabricants sont celtiques, Pistillus, Rextugenos, Sacrillos. Nous avons quelquefois les adresses des fabricants : à Cologne, Vindex, Elius Manlianus et Lucius, tous trois ad Gantunas (Cantunas) Novus (qui parait avoir été le quartier des modeleurs), Servandus, ad Forum Hordiarium (XIII, 10915, 115, 98, 103, 108 : cf. Klinkenberg. p. 250 et s.

[391] Surtout l’argile blanche (de là, l’extraordinaire production des ateliers de l’Allier, Toulon et autres), et il doit y avoir à ce choix, soit un motif coutumier ou religieux, soit un motif technique, peut-être la facilité d’appliquer des peintures (Blanchet, p. 16), et c’est cette facilité qui explique aujourd’hui encore le choix de l’argile blanche pour la fabrication des santons dans le Midi.

[392] Blanchet, Étude, p. 79 et s., en particulier p. 82 et s., p. 84 et s.

[393] Qu’on songe au culte général de la terre du pays et aux nombreuses pratiques que ce culte a déterminées.

[394] On a même supposé un commerce de moules : mais le relevé des moules signés (XIII, 10013, 1-63) n’apporte pas une confirmation décisive à cette hypothèse.

[395] Sauf, bien entendu, le cas de la figuration d’un type indigène, divin ou populaire : car, plus que lampes et vaisselle, celles-là entièrement tributaires de l’imagerie classique, la figurine fait une certaine part aux motifs tirés de la vie indigène. En particulier, elle accepte, ce que la vaisselle ne fait pas, de représenter les dieux indigènes (la Mère celtique ; autre variante, je crois, dans la déesse accroupie à l’oiseau, dite figurine de Quilly, Blanchet, Suppl., p. 63 ; le dieu au maillet, id., p. 61-62).

[396] Le choix des sujets indique des cadeaux, sans doute en particulier pour les jours ou anniversaires de naissance ou de mariage. Mais il devait y avoir aussi dans ces terres cuites des poupées ou des pièces de jeux d’enfants.

[397] Rappelons-nous la fête romaine des Sigillaria, incorporée aux Saturnales.

[398] XIII, 10015, 77.

[399] XIII, 10015, 85 : Rextugenos Sullias. Ce dernier mot désigne peut-être le [ad] Salim de la Table de Peutinger, qui est une localité des Vénètes (Castennec) : Sulis devait être un sanctuaire de la grande divinité féminine des Celles (dont on a fait une Minerve, t. VI, ch. I), et il serait possible que ce sanctuaire ait eu des potiers attachés à lui, fournissant de figurines le public dévot. Tout indique un des plus anciens ateliers de la Gaule, la signature en celtique (avvot = fecit), le type de la Vénus, avec ornements inspirés de la symbolique gauloise : c’est, je crois, le principal effort fait par ce genre d’artistes pour adapter la plastique de l’argile à la religion indigène : voyez la figurine du Musée de Rouen (= Saint-Germain, n° 17402 : Blanchet, Ét., pl. l. 3). qui parait appartenir à cet atelier, figurine où la Déesse Mère est représentée avec une taille surhumaine, flanquée d’un couple humain plus petit, et d’un enfant plus petit encore, ce qui n’est pas sans analogie avec les figures du chaudron de Gundestrup. Mais il ne semble pas que l’atelier ait eu la vie très longue.

[400] XIII, 10013, 38 : Sacrillos Carati (servus ?). Il y a eu à Toulon (comme ailleurs pour le faux arrétin) un véritable village de potiers en figurine blanche : la moitié des moules signés en proviennent. — Une autre localité à fabriques de ce genre était, près de là, Saint-Pourcain-sur-Besbre. — L’une et l’autre localités étaient chez les Arvernes, mais à la frontière des Éduens ; voyez la carte de Bruel, Mélanges historiques, IV.

[401] XIII, 10015, 84 et 34 : tous les moules signés de ce nom ont été trouvés à Autun. Toutefois, on a objecté que la terre n’est pas du pays : est-ce bien certain ?

[402] Nattus Avernus ; C. I. L., XIII, 10001, 220 ; 10010, 1411 ; 10015, 32 et 82.

[403] Peut-être à Saint-Pourçain-sur-Besbre chez les Arvernes, aux frontières des pays arverne et éduen.

[404] Cf. t. VI, ch. VI.

[405] De même (Déchelette, I, p. 41 et s.), il faut constater le peu de durée (sous les premiers empereurs) de la fabrique de Saint Rémy (également chez les Arvernes), qui produisait des figurines, des vases, des médaillons. Sextus (10015, 13) a signé des Vénus, des bustes, des boucliers ou médaillons avec scènes mythologiques : on a supposé (Déchelette, I, p. 41) que c’était un modeleur vendant ses dessins aux fabricants de Toulon, Saint-Rémy et Saint-Pourçain : mais il est possible que ces trois fabriques aient dépendu d’un seul grand manufacturier arverne.

[406] C. I. L., XII, p. 690 ; en particulier la fabrique du Viennois Secandus Rufi filius (XII, 580). Sur ce sujet, en dernier lieu Blanchet, Décoration, p. 18-20.

[407] XIII, 10013 (où on a mêlé, semble-t-il, les boucliers et les reliefs d’applique). Et d’ailleurs la différence entre les uns et les autres est assez faible.

[408] Pour les sujets de clipei aussi bien que de reliefs d’applique, cf. Déchelette, II, p. 167 et s.

[409] Déchelette, II, p. 270 et s. ; XIII, 10013, 17 (reliefs d’applique). Je ne serais pas étonné que ces fameux reliefs, avec l’inscription Genio amantissimo coloniæ, habeas propitium Cæsarem, fussent vendus en souvenir des fêtes et sacrifices anniversaires de la fondation de Lyon, peut-être de fêtes à l’occasion de son second centenaire vers 157.

[410] Déchelette, II, p. 215-7 ; XIII, 10013, 19 (reliefs d’applique). Cette importance particulière de Trajan dans ces bas-reliefs de céramique s’explique peut-être par des fêtes données en l’honneur de ses victoires ou, lors du voyage d’Hadrien en Gaule, en l’honneur des évènements de son règne et de son apothéose. Je rappelle que ce genre de relief, pour vase ou médaillon, devait, comme l’a indiqué Déchelette, être vendu en souvenir de fêtes et de jeux ainsi que, par exemple, les médailles commémoratives de nos concours d’orphéons.

[411] Cette substitution de la céramique au métal a amené la confection en terre cuite de certains ornements de vaisselle particulièrement délicats (Déchelette, II, p. 310 et s. ; C. I. L., XIII, 10014), tels que manches de patères, anses de cruches, oreilles de plateaux, déversoirs de vases, ornements que l’on fit en forme de figures humaines ou autres : tout cela, façonné à l’aide de moules, où l’on copia des modèles créés par les argentiers ou les bronziers gréco-romains. — De cette même catégorie on rapprochera, pour leur faire une place à part, les têtes de chenets en argile (Déchelette, Le Bélier consacré, etc., Rev. arch., 1898, II). — Ornements de balustrades trouvés à Lezoux (Esp., n° 1604 et 1610). — Ces sortes d’objets, et en particulier les chenets, pouvaient être dorés.

[412] Morin-Jean, La Verrerie en Gaule sous l’Empire romain, 1913 (capital) ; cf. aussi Frœhner, La Verrerie antique, Le Pecq, 1879, et Kisa, Das Glas im Altertume, 1908.

[413] Cf. Déchelette, Manuel, II, p. 1314-27.

[414] Surtout de Syrie, ou d’Afrique (verrier de Carthage établi a Lyon). Vases de Sidon importés à Lillebonne et à Cologne (XIII, 10025, 1). C’est à cette éducation récente des verriers de la Gaule que fait allusion Pline (XXXVI, 194) : Jam vero et per Gallias Hispaniasque simili modo harena temperatur.

[415] Surtout à Reims ; ils sont petits (simple capsule de 5 à 6 centimètres de diamètre recouverte d’une couche de plomb fondu), et d’assez basse époque ; cf. Cat. du Musée arch. Habert à Reims, Troyes, 1901, n° 4848-63 ; Michon, Bull. arch., 1909, p. 244 et s. ; 1911, p. 203 et s.

[416] On en aurait trouvé dans la grande villa de Carnac ; Miln, Fouilles faites à Carnac, 1877, p. 120 (voyez la restitution de la fenêtre, dont on a retrouvé une barre de fer garnie de crochets en plomb, ainsi que le ciment qui fixait les bords de la vitre) ; on en a aussi rencontré à Alésia, au Vieil-Évreux, même dans la petite bourgade de Boutæ (Marteaux et Le Roux, p. 406-7), un peu partout en Belgique, etc. Ceux de la haute époque ont de 3 à 6 millimètres d’épaisseur ; ils sont en verre bleuâtre, verdâtre ou tirant sur le brun. Ceux du ni’ siècle se rapprochent de nos vitres. A Alésia, les fragments sont aussi transparents et aussi bien faits que ceux de nos vitres. Morin-Jean, Dict. des Ant., IX, p. 947.

[417] Fioles ou halsamaires à long col, Morin-Jean, p. 75 et s. ; flacons et bocaux prismatiques, p. 59 et s. ; vases à type d’amphore, de gourde, de ballonnet, p. 82 et s. ; carafes ou bouteilles, ansées ou non, à goulots plus ou moins étroits, p. 52 et s.

[418] Morin-Jean, p. 139 et s., p. 132 et s. (tasses ou urnes à anses).

[419] Flacons à une seule anse, imités des œnochoés ou aiguières de métal, p. 100 et s., p. III et s. ; les mêmes avec tubulures latérales, p. 107 et s. ; autres, inspirés des lécythes d’argile, p. 119 et s.

[420] Le fameux vase à reliefs priapiques, au Musée de Besançon, type d’œnochoé, datant du Ier siècle, mais très probablement importé.

[421] Morin-Jean, p. 122 et s.

[422] Morin-Jean reproduit 139 types.

[423] Je parle de celles que connut la Gaule.

[424] Toutes les formes signalées dans la poterie arrétine ont tenté le verrier (Morin-Jean, Dict., IX, p. 943).

[425] Les canthares de verre rappellent jusque dans les détails les plus infimes de leur structure les vases d’argent (Morin-Jean, l. c.).

[426] Cf. Morin-Jean, p. 178-9.

[427] Cf. Morin-Jean, p. 23 et s., 249 et s. les artistes... connaissaient à fond toutes les ressources de leur métier (p. 24). — Le bol de Nîmes (au Louvre), en vert émeraude, avec la figuration des pygmées et des grues, parait importé ; de même, le vase et fragments de Fraillicourt (Ardennes) au Musée de Reims [détruits par le bombardement en 1914], verre blanc avec peintures d’oiseaux. — Il devait cependant y avoir des ateliers pour ce genre de travail à Cologne ou non loin des bords du Rhin au IIIe et au IVe.

[428] C’est d’ailleurs la conséquence de leur désir d’imiter récipients de bois ou d’osier.

[429] Morin-Jean, p. 170 et s. Le barillet frontinien est fréquent surtout dans les régions rhénanes, en Normandie et dans les pays intermédiaires. Étant donné que la forme du tonneau (avec toutes ses variétés) est scrupuleusement observée, et que ces barillets se rencontrent surtout dans les tombes, il a dû y avoir à ce mode de récipient, d’abord un motif symbolique, et ensuite une survivance funéraire, peut-être quelque rapport avec le rôle rituel du vin chez les morts.

[430] Forme 32 de Morin-Jean. Il y en a de 60 centimètres de long.

[431] Morin-Jean, p. 81-2.

[432] Ces fioles, recueillies surtout dans les tombes d’après Constantin, contenaient certainement du vin (cf. Courteault, Revue des Ét. anc., 1911, p. 331-6), enfermé avant la soudure de l’objet. A moins de supposer que l’on ait importé de Syrie le récipient tout prêt, vin compris : et la délicatesse de ces sortes d’objets rend cette hypothèse bien peu plausible.

[433] Remarquez d’ailleurs que l’usage funéraire des ampoules fusiformes a pu continuer en Gaule l’emploi similaire des pesons de fuseaux.

[434] Cf. Morin-Jean, p. 145-251 : soufflage dans des moules ornés, ce qui permit des verres ornés de bas-reliefs se présentant en ronde-bosse ; verres décorés par dépression ; par étirage et application à chaud de fils de verre (ornements vermiculaires et serpentiformes d’une variété infinie) ; vases avec barbotine de verre ; cabochons de verre appliqués à chaud ; vases ciselés ; vases à gravures incisées ; vases et coupes enfermés dans des résilles de verre taillées à jour (ce sont les célèbres calices diatreti des textes ; voyez ceux de Strasbourg et de Cologne, C. I. L., XIII, 10025, 160, 200 et 267) ; etc.

[435] Morin-Jean, p. 148 et s., p. 168. En ceci la concordance est absolue avec la céramique.

[436] C. I. L., XIII, 10025, 173 (trouvé à Cologne). Sans parler de représentations mythologiques, comme le combat d’Atalante sur un bol de Reims (Musée Habert, n° 2281).

[437] Peut-être les progrès des religions orientales (cf. t. VI, ch. I) ont-ils une relation avec ceux de la verrerie indication de Morin-Jean, Dict. des Ant., IX, p. 938. De même, l’avènement des Syriens avec Septime Sévère. Tout se tient en matière d’histoire et d’archéologie.

[438] Je suis convaincu qu’on ne comprendra l’histoire de la poterie et celle de la verrerie qu’en les étudiant ensemble. — Les figures des vases de verre et des récipients de terre cuite ont entre elles des analogies absolues : mêmes images de gladiateurs et de cochers, mêmes commémorations de souvenirs, mêmes acclamations bachiques (XIII, 10025, 169-249). On remarquera seulement le nombre relativement restreint de représentations mythologiques sur les vases, sans doute parce que la vogue de ces verres est postérieure à Commode et contemporaine du déclin de la mythologie classique (cf. n. précédente).

[439] Voyez les relevés chez Morin-Jean, p. 252 et s.

[440] Il est possible que l’industrie du verre, en Gaule, ait commencé surtout par là : les ollæ cinerariæ constituaient, surtout au second siècle, les récipients normaux des incinérations de la classe aisée (id., p. 43). L’urne est souvent dans un caisson de pierre, avec couvercle creusé pour s’y emboîter.

[441] Ainsi qu’à la finesse d’exécution.

[442] Bien vu par Morin-Jean, p. 277.

[443] La principale verrerie méridionale que nous connaissions est celle de la forêt de Mervent en Vendée (cf. Fillon, L’Art de terre chez les Poitevins, Niort, 1864, p. 187). Remarquez la découverte, près des dépôts de cendres de Nalliers, d’un fragment de verre signé de la marque connue Cn. A. Ingu. A. V. M. (artifex vitrarius ? et manu ?), avec lettres de séries (XIII, 10025, 6) : si bien que je me demande si ces dépôts ne se rattacheraient pas à des fabrications de potasse destinée à la fois à des ateliers de verreries et à des fabriques de savon. La verrerie, en tout cas, a été plus importante qu’on ne le croit en Vendée ou en Poitou, c’est-à-dire chez les Pictons.

[444] XIII, 10025, 130 (signature d’un verrier leuque) ; id., 140 (Borvonicus, peut-être de Bourbonne-les-Bains) : marques parmi les plus anciennes. Il est possible qu’il s’agisse d’ateliers précurseurs des ateliers médiévaux de Darney. Je crois aussi à l’existence de verriers chez les Médiomatriques, précurseurs de ceux de Cirey, Saint-Quirin, Baccarat et Plaine-de-Walsch.

[445] En Seine-Inférieure, chez les Calètes ? on a supposé aussi chez les Ambiens de Picardie ; en tout cas d’une région avoisinant la Manche, entre Rouen et Boulogne. Je crois Frontin du temps des Sévères.

[446] Officina Frontiniana (10025) ; chefs d’ateliers : Bassilianus, Sextinus, S. C., Protis, Prometheus, Pax, Divixtus, Eque...., Asiaticus, et d’autres sans doute.

[447] Ses affaires ne paraissent pas s’étendre en dehors des Trois Gaules, et même, dans les Trois Gaules, se limitant à la Belgique, à la Germanie Inférieure, à la vallée inférieure, de la Seine. — Cologne et Trèves durent aussi avoir d’importantes verreries. — Peut-être aussi Reims.

[448] Déchelette, Man., II, p. 1547-57. On a cependant signalé à Autun des briques émaillées de bleu et de blanc (Artaud, Hist. abrégée de la peinture en mosaïque, 1835, p. 114). Mais, si le renseignement est exact, le fait, jusqu’à nouvel ordre, est exceptionnel.

[449] Voyez les inscriptions, XIII, 10074 (où malheureusement on a mêlé inscriptions sur pierres et sur anneaux). Comme pierres fines alors citées aux abords de la Gaule (je me place au point de vue des Anciens) : le corail des rivages méditerranéens ; le cristal de roche des Alpes (voyez les objets sculptés découverts dans les villas de Belgique, notamment un lézard, Cumont, p. 32 : chevalière du Musée Habert à Reims, Cat., p. 69) ; la catochilis de Corse (Pline, XXXVII, 152) ; le mormorion qu’on trouve sub Alpibus (Xénocrate [d’Athènes, IIIe-s. av. J.-C.] ap. Pline, id., 173) et qui doit être une variété du grenat des Marseillais, grenat qu’on devait recueillir en particulier dans les monts des Maures (A. Michel-Lévy, Revue des Ét. anc., 1907, p. 187) ; sans aucun doute l’albâtre (recherches à faire). Je crois bien que la récolte était alors plus abondante en Gaule que ne le montre Pline. — Il y aurait à examiner à ce point de vue les gemmes et intailles trouvées en Gaule. Toutefois, l’extrême rareté de noms gaulois sur ces pierres fines permet de conclure, non seulement qu’elles sont importées, mais encore qu’elles ont été taillées hors de Gaule. — En dernier lieu, comme objets importés : la coupe d’onyx du Pouzin, Ardèche (Michon, Bull. arch., 1915, p. 79) ; l’urne, en albâtre égyptien, de Metz ; la coupe d’ambre, de Cortil-Noirmont au Musée du Cinquantenaire ; etc. — Les inscriptions ne nous fournissent aucune trace de tailleurs en pierres précieuses. Seulement, étant donné que le grenat, la plus connue et la plus répandue des pierres fines en Gaule, s’appelait alabandicus (d’où nous avons formé grenat almandin), il serait possible que les lapidarii Almanticenses ou Almanicenses d’Arles et de Cimiez (XII, 732 ; V, 7869) fussent les ouvriers en grenat des Alpes, et, par extension, en pierres précieuses.

[450] British Museum... Early Iron Age, p. 87 et s. On a supposé que les objets émaillés dont nous allons parler venaient de Bretagne.

[451] Atelier d’émaillerie à Anthée chez les Tongres (non loin de Dinant), qui peut avoir été le centre de production (Annales de la Soc. arch. de Namur, XXIV, 1900-4, p. 262 et s., travail très important de Bequet) ; inscription sur boucle, lettres gravées remplies d’émail rouge, séparées par des losanges de bleu et de vert, XIII, 10027, 235 à (trouvée à Amiens ; Musée de Péronne) ; Reims, Cat. du Musée arch., p. 56 : etc. — Voyez, au sujet de ces fibules émaillées et de la question si discutée de l’émaillerie en général : Labarte, Recherches sur la peinture en émail, 1856, en particulier p. 92-6 ; Pinay, Rev. arch., 1505. p. 232 et s. (favorable à la thèse belge) ; Morin-Jean, Les Fibules de la Gaule romaine, dans le Congrès préhistorique de France, 1910, Tours. La découverte au Caucase de fibules identiques aux fibules belges a fait croire à une origine orientale pour celles-ci, soit importation d’objets, soit influences industrielles ou artistiques : cf. Chantre, Recherches anthropologiques dans le Caucase, III, 1387, p. 101 et s. Mais n’a-t-on pas trouvé au Caucase des fibules de bronze du fabricant belge Aucissa ?

[452] Ici se place, à titre d’exception au moins apparente. le vase de bronze à ornements d’émail trouvé à La Guierce (dans Pressignac) en Limousin, vase qu’on dit de la fin du IIIe siècle (Monnier, Hist. gén. des arts appliqués, IV, p. 31), que battit on attribue à une origine orientale, tantôt ou regarde comme une œuvre locale, formant transition entre l’antique émaillerie celtique et l’émaillerie limousine du Moyen Age. J’inclinerai à y voir une œuvre gallo-romaine de Belgique, peut-être de l’atelier d’Anthée ; de même, je pense, le vase d’Ambleteuse au British Museum, l’émail de Famars au Louvre, le vase de La Plante au Musée de Namur, la patère de Pyrmont, etc. Il n’en est pas moins curieux de rencontrer ce vase, le plus intéressant produit de l’émaillerie gallo-romaine, en plein pays limousin. Tous ces objets sont à revoir de près. En dernier lieu, Morin-Jean, Dict., IX, p. 949.

[453] En dernier lieu, Michon, Bull. arch., 1915. p. 77 et s., à propos du coffret à bijoux trouvé au Pouzin (Ardèche).

[454] A l’époque gauloise il y en eut en bronze ; Déchelette, II, p, 1285.

[455] Il dut y en avoir en bronze à l’époque gauloise, comme du reste à l’époque romaine ; les pesons de fuseaux ou fusaïoles sont d’ordinaire, à l’une et à l’autre époques, en pierre ou en argile, quelquefois en schiste. Quelques-unes de ces fusaïoles présentent, au IIIe ou IVe siècle, de curieuses inscriptions et, chose étrange ! de nature fort grossière (Héron de Villefosse, Bull. arch., 1915, p. 213 et s. ; Loth, Ac. des Inscr., C. r., 1916, p.168 et s.) : on eut l’usage, et dès les temps celtiques, de les enfermer dans les tombes, à je ne sais quel titre cultuel ou symbolique (cf. Déchelette, Man., II, p. 1395).

[456] C. I. L., XIII, 10032, 15.

[457] Assez souvent figurées dans les bas-reliefs funéraires. Il devait s’en faire aussi en bois (cf. C. I. L., XIII, 10033, 7-10).

[458] Espérandieu, n° 1880.

[459] XIII, 10032, 40-2. Dès l’époque celtique, et ainsi, en ce temps-là et plus tard, en pierre, en métal, en bois (10033, 6), en schiste (10035, 24).

[460] XIII, 10032, 28 et s. ; voyez au Musée Habert de Reims (Cat., n° 4961-90) la curieuse série de dés et jetons. Mêmes remarques. Pièces de jeux en marbre, avec inscriptions, XIII, 10035, 13-22.

[461] C. I. L., XIII, 10032. 21. La flûte de Pan d’Alésia est en bois.

[462] XIII, 10032, 22, 25 et 20. Manches en corne dès l’époque gauloise, si bien que les couteaux de ce temps diffèrent à peine de nos couteaux actuels (Déchelette, II, p. 1366).

[463] C. I. L., XIII, 10032, 27.

[464] En particulier, les orbiculi ou rondelles, et les cylindres ou tubes d’os ou d’ivoire. Les premières (10032, 20) pouvaient être des amulettes ou des ex-voto (cf. C. I. L., XIII, 10026, 20). Les autres (cf. Saint-Germain, salle XVI, vitrine 4 I et J ; C. I. L., 10032, 17) ont été regardés, tantôt comme des charnières [cela me semble impossible], tantôt comme des sifflets : de toutes manières, je crois à des objets qu’on donnait en cadeau, et ayant pu servir, comme les précédents, d’amulettes.

[465] J’ai rappelé à dessein, dans les notes précédentes, les nombreux contacts de l’archéologie gallo-romaine avec l’archéologie celtique. — Il y a cependant quelques objets très fins en os sculpté, peut-être importés.

[466] Elle devait, je crois, reprendre au IVe siècle, et peut-être dès le IIIe.

[467] Supellex lignea. — Ajoutez les sabots, qui ont conservé toute leur vogue.

[468] Ajoutez quelques figurines en bois de divinités, surtout indigènes (Epona à Saintes, Revue des Et. anc., 1905, p. 235 ; Mercure gravé sur un disque en bois, trouvé vers Pierre-Seize à Lyon, Bull. des Antiquaires, 1865. p. 147 ; figurines de Luxeuil). Encore que la statuaire de bois, fréquente dans les derniers temps celtiques, eût beaucoup moins disparu que les constatations archéologiques ne le feraient croire, il parait indubitable que la vogue des figurines de terre cuite l’a à peu près complètement discréditée.

[469] Maillet en buis de chêne avec l’inscription d’un légionnaire de la XIVe, trouvé dans les ruines du pont de Mayence : C., XIII, 10033, 1 ; les maillets du dieu celtique (t. VI. ch. I). Autres instruments à manches. Esp., n° 1878 (marteau, emporte-pièce), 1881 (scie, truelle), etc. Ici, la tradition celtique se suit sans solution de continuité.

[470] Les monuments funéraires représentent souvent des rouleaux ou des livres ou tablettes qui peuvent signifier le diplôme d’affranchissement ou de doutas, mais parfois rappeler le métier du mort : professeur, libraire, écrivain, copiste (Esp., n° 2801, 1584, 2806, etc.). — On fabriquait sans doute des éventails en papier (n° 1880).

[471] Une coïncidence fait que le seul marchand de papier connu en Gaule (XII, 3284, cartarius) est à Nîmes, la ville la plus pleine de vestiges égyptiens. — Les rapports directs de l’Égypte avec Narbonne s’expliquent peut-être en partie par cette fourniture.

[472] En particulier avec le jonc des chaisiers.

[473] C’est à Narbonne que le titre de aurifex apparaît le plus souvent (XII, 4391, 1464, 4465) : rien n’exclut une origine étrangère chez ceux qui le prennent.

[474] Aurifices lydiens, père et fils, chez les Helvètes, XIII, 5154. Un orfèvre de Narbonne semble avoir pour affranchi un Ephesus (XII, 4391).

[475] Découverte à Rennes, à six pieds de profondeur, aujourd’hui au Cabinet des Médailles ; scènes empruntées à la vie de Bacchus. Le travail, qui est fait au marteau, doit dater de Septime Sévère. La pièce a 0 m. 25 de diamètre, et pèse 1 k. 315.

[476] Comarmond, Description de l’écrin d’une dame romaine, 1844.

[477] On peut le conclure, soit des textes (Tacite, Germ., 5) ; soit des inscriptions : argentarius (fabricant ou négociant de vases d’argent plutôt que banquier) à Die (XII, 1597) ; surtout à Narbonne, centre très important à cet égard (XII, 4457-62, 4474, où il y a faber argentarius) ; negotiator argentarius vascularius à Lyon (XIII, 1948) ; argentarius pannonien en Germanie (XIII, 7247) ; argentarius rème à Bonn (ici peut-être un banquier, à cause de la mensa figurée, XIII, 8104) ; artis argentaria exclussor à Lyon, peut-être un artiste au repoussé ou, d’une manière générale, en vases ornés (XIII, 2024).

[478] Trésor de Mercure Canetonnensis, autrement dit de Berthouville chez les Lexoviens, non loin de leur frontière avec les Véliocasses et les Éburoviques ; trésor de Notre-Dame-d’Allencon (Andes ou Angevins), près la frontière des Pictons (XIII, 3100) ; trésor de Limoges, aujourd’hui détruit (XIII, 10026, 19). Cf. Thédenat et Héron de Villefosse, Les Trésors de vaisselle d’argent trouvés en Gaule (Gaz. arch., IX-X, 1881-5). Voyez l’abondance d’inscriptions que nous possédons sur de la vaisselle d’argent, C. I. L., XIII, 10020, 15 et s.

[479] Le tramail au repoussé est peut-être plus fréquent que la ciselure chez les artistes indigènes.

[480] Pour ce qui suit, la grande publication de Babelon, Le Trésor d’argenterie de Berthouville, 1916 (capitale pour l’argenterie en Gaule).

[481] Il est difficile qu’elles soient postérieures à Auguste. Données à Mercure par Q. Domitius Tutus, qui est le donateur des principales belles pièces (XIII, 3183, 10-16).

[482] C’est aussi le cas des pièces de Notre-Dame-d’Allençon.

[483] Trésor de Trèves, consistant en 228 livres de vases d’argent, XIII, 10026, 40-2. — On n’arrive pas à savoir ce qu’est l’enchiridium argenteum offert à l’Esculape de Riez (XII, 351) : on a supposé un instrument de chirurgie, mais ce peut être un objet importé.

[484] Parmi les plus travaillés : C. I. L., XIII, 10024, 37, 55, 63, 91 (= Henkel, n° 93), 193 (= H., n° 92), 202 : je ne mentionne que ceux dont le type parait gallo-romain, ce sont des bagues dont le chaton est accompagné d’une tablette présentant des ornements en métal ajouré. — Il y a aussi des anneaux d’argent. — Anularius près de Mayence, XIII, 7249. — Sur les anneaux, voyez l’ouvrage, à la fois trop restreint comme zone d’étude et trop étendu comme documentation, de Henkel, Die Rœm. Fingerringe der Rheinlande, 1913.

[485] Mowat, Marques de bronziers, Bull. épigr., III et IV, 1833-4 ; et l’important travail de Bequet, La Bijouterie chez les Belges, Soc. de Namur, XXIV, 1900-4. — L’expression de faber ærarius, ærarius, est assez rare (XII, 3333, Nîmes ; 4173, Narbonne : ærarii, collège à Entrains, XIII, 2901 ; etc.). Mais les bronziers ou chaudronniers sont évidemment compris sous l’appellation de fabri, faber, employé isolément. Et jusqu’à quel point ces appellations de métiers peuvent être trompeuses, c’est ce que montre le cas de cet Arlésien (XII, 722) qui est inscrit parmi les fabri tignuarii et qui est surtout un fabricant de tuyaux de bronze ou d’ormes hydrauliques : cui samma fuit fabricæ studium, organa qui nosset facere aquarum aut ducere cursum.

[486] L’argenture sur bronze, imaginée par les Celtes, se continua. Je doute cependant que la cassolette argentée trouvée à Bois-et-Borsu (Cumont, Belgique, p. 58) ne soit pas d’importation. La dorure sur bronze fut également pratiquée, même pour des travaux industriels (tegulæ æneæ auratæ, XII, 1901 ; aurea tecta, Sidoine, Carm., 22, 146-7). — Il faut encore noter la découverte du laiton (cuivre et zinc, cuivre jaune, dinanderie) chez les Tongres ou près de chez eux ; ornements en laiton. — L’importance des Tongres et des Nerviens dans les industries du cuivre est une chose très remarquable, qui fait prévoir l’activité du pays au Moyen Age, comme du reste l’ensemble de leurs travaux de fabrique.

[487] Sans l’accepter encore, je ne puis cependant exclure l’hypothèse d’une intervention éventuelle de l’État romain, dont nous connaissons si mal la politique économique.

[488] P. Cipius Polybus, XIII, 10027, 17 (il appartient à une vieille famille de bronziers de Capoue). Ses produits allèrent jusque sur la Baltique (10036, 37, 50, 74 ; Willers, Die Rem. Bronzecimer von Hemmoor, 1901, p. 214-5). Mais il est à remarquer que l’on n’en trouve pas en Gaule en dehors des provinces rhénanes. Peut-être lui réservait-on la zone des armées. — Il est d’ailleurs probable que la concurrence gauloise arrêta au second siècle, même dans ces régions, la chaudronnerie campanienne, et l’écarta peut-être bien avant dans les Trois Gaules et en Narbonnaise (voyez par exemple les marmites de Draccius, XIII, 10027, 22 ; XII, 5693, 5, et de Carugenus, XIII, 10027, 14, qui sont certainement gaulois) ; cf. Willers, Neue Unters., p. 79 et s., qui du reste constate avec raison que les bronziers gallo-romains ne firent qu’imiter les casseroles campaniennes.

[489] Par exemple les fibules. La Gaule est le pays de l’Empire, semble-t-il, qui a livré le plus de fibules, et la presque totalité des noms de bronziers sont celtiques ; ils appartiennent d’ailleurs, sauf exceptions, au Ier siècle ; cf. XIII, p. 609 et s.

[490] Par exemple les petits disques en bronze, sans doute pièces de harnachement, fabriqués par Ratina (XIII, 10027, 190), et qui s’exportaient même en Italie (X, 8072, 11 ; XV, 7100) et dans les régions du Danube (III, 6017, 8). Voyez aussi les ornements, curieux et variés, en cuir incrusté de fils de laiton, pour souliers de femmes ou d’enfants ; Reims, Musée Hubert, n° 2635-56.

[491] Par exemple poignées de coffrets ou de commodes, fabriquées au moule, sans doute à Bavai ou dans le pays nervien (Reinach, Bronzes, p. 334-5 ; Cumont, p. 75) ; pas avant Marc-Aurèle ?

[492] Il est possible, en revanche, qu’on fit venir de l’étranger (Italie surtout) les instruments de chirurgie (Saint-Germain, Cat., p. 200 et 129, la trousse de Reims ; cf. lice. arch., 1832, I) et certains accessoires de toilette, par exemple les strigiles de bain, pour lesquels je ne trouve aucun nom celtique de fabricant (XIII, 10027, 171-187) ; le charmant strigile de Viccius, trouvé à Bibracte (Saint-Germain, n° 16231), doit venir d’Italie. Les balances (C. I. L., XIII, 10031) sont peut-être également importées. Les instruments de musique (t. VI) doivent l’être également en partie, mais il y avait en Gaule des fabricants d’orgues hydrauliques (à Arles, XII, 722). — Je laisse de cela bien d’autres objets de moindre importance, comme les fameux dodécaèdres perlés, qui sont certainement des instruments de jeu.

[493] Ses produits (milieu ou première partie du Ier siècle) se sont trouvés un peu partout en Italie, en Angleterre, dans les pays danubiens, en Asie Mineure, jusqu’au Caucase, où on en a découvert deux exemplaires (10027, 107 ; Haverfield, The Arch. Journal, LX, 1903, p. 236 et s., LXII, 1905, p. 205 et s.).

[494] Sa fabrique était en Suisse, à Baden, Aquæ Helvelicæ (10027, 204).

[495] Reinach, Bronzes figurés de la Gaule romaine, [1894] : le Jupiter d’Évreux (p. 29 = Esp., n° 3064), l’Apollon d’Évreux (Esp., n°3063), le Bacchus de Vertault (n° 3371), la tête de centaure du Musée de Spire (Reinach, p. 115), l’hermaphrodite de la montagne de Sion au Musée d’Épinal (p. 117 = Esp., n° 3S02), le laraire de Mandeure (R., p. 134, Musée de Montbéliard), l’aiguière de Naix (R., p. 323, Musée de Bar-le-Duc), le lampadaire de la rue Gay-Lussac (R., p. 350-1, au British Museum), celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Musée de Saint-Germain, Cat. sommaire, p. 202), le vase des philosophes trouvé à Héristal (Cumont, p. 92), etc. — On a supposé que sur des vases de bronze plus communs, originaires du pays, les parties ornées (anses ou manches) avaient été fondues à l’aide de moules importés, ou directement importées elles-mêmes de l’étranger (Reinach, Br., p. 307).

[496] Déchelette, Manuel, II, p. 1544 et s.

[497] Reinach, Bronzes, p. 241 et s. — L’origine gallo-romaine de quelques-uns de nos bons bronzes religieux (l’Apollon de Troyes, par exemple, Esp., n° 3215) ne me parait pas encore prouvée. — Voyez le mélange de statuettes de bronze importées et indigènes dans le laraire d’Avenches (Pro Aventico, n° 13, 1917). — Sont évidemment de facture gauloise les innombrables ex-voto de bronze trouvés dans les sanctuaires (yeux par exemple).

[498] Peut-être pas avant les Sévères ; à Brèves chez les Éduens, près de Clamecy, XIII, 2828 (opifices loricari) ; toutefois, les restes que l’on constate aujourd’hui à Brèves (au lieu Sardy-les-Forges) sont ceux d’exploitation de fer.

[499] Cf. t. VI, ch. I et III.

[500] Tous les procédés anciens se retrouvent, mais le moulage est devenu peut-être prédominant, comme en céramique et en verrerie. C’est une question, si l’on pouvait fabriquer en Gaule le fameux bronze des tables publiques, æs tabulari.

[501] Il faut distinguer, parmi les marques des tuyaux de plomb : 1° celles qui portent les noms des empereurs (par exemple 20 à 30, à Lyon, au nom de Claude ; 5111, 10029, 3), et qu’on croit indiquer les eaux destinées au service impérial ; 2° celles qui portent des indications d’esclaves de villes (à Nîmes, XII, 5701, 58), peut-être pour le service des eaux municipales (à quoi on peut objecter que les tuyaux ont été découverts bien loin de Nîmes) ; 3° celles qui portent des signatures de plombiers ordinaires (cf. Germain de Montauzan, p. 330 et s.). — Sur le mode de soudure de ces tuyaux, voyez les remarques topiques de ce dernier, p. 200 et s. Je trouve chez Jacquemin (Guide du voyageur dans Arles, 1835, p. 210) que, pour la soudure des tuyaux d’Arles, sur 144 grains d’alliage il y en a 84 de plomb et 60 d’étain, ce qui est une soudure maigre, ou une soudure au tiers. — On sait que ces tuyaux permettaient aux eaux de traverser même les fleuves, par exemple à Arles (XII, 5701, 2). Voyez l’étude de Germain de Montauzan sur les siphons, p. 176 et s. — Dans quelles énormes proportions ce tuyautage de plomb était employé, c’est ce qu’on verra encore chez ce dernier (p. 204-5) : les siphons des aqueducs de Lyon ont nécessité de dix à quinze mille tonnes (la production actuelle du plomb en France n’atteint pas 30.000 tonnes).

[502] Beaucoup plus habituels qu’on ne croit, surtout depuis le second siècle, sous les influences des religions orientales : mais je ne crois pas que les sarcophages en plomb soient uniquement des tombes d’Asiatiques (cf. Esp., n° 3036, 3969, 4383, etc.). Peut-être sont-ils importés pour partie.

[503] Par exemple les tablettes trouvées dans un puits à Rom dans les Deux-Sèvres (Mém. des Antiquaires, t. VIII, 1899, p. 133) ; tablettes des inscriptions magiques (Audollent, Defixionum tabellæ, 1904. p. XLVII-IX).

[504] Comme celui qui représente le passage du Rhin à Mayence sous Dioclétien (Cabinet des Médailles ; Koepp, fig. 112), et qui peut être le modèle ou la réplique d’un médaillon en or.

[505] Cf. Dissard, Collection Récamier, Catalogue des plombs antiques, 1905 ; C. I. L., XIII, III, p. 719 et s. ; etc.

[506] Voyez les remarques de Germain de Montauzan. Il va de soi que le gros travail de plomb était fait sur place par des ouvriers locaux achetant des lingots de plomb aux agents des mines (XII, 5700, 1). Mais il est possible que certains éléments ou ornements des sarcophages aient été importés de quelques grandes fabriques, gauloises ou autres.

[507] Je laisse de côté certains essais artistiques sans conséquence, comme la tête de soldat en fonte creuse trouvée dans le pays de Namur (Ann. Soc. arch., XXIV, 1000-4, p. 189). Mais ils n’en témoignent pas moins de l’esprit d’initiative métallurgique des populations de ce pays.

[508] Artis fabricæ ferrariæ, C. I. L., XIII, 2036.

[509] Voyez le Recueil d’Espérandieu. Fabri ferrarii à Dijon (XIII, 5474).

[510] Musée de Saint-Germain ; voyez Champion, Outils en fer du Musée de Saint-Germain (Rev. arch., 1916, I), pour ceci et pour ce qui suit.

[511] Toutes les variétés modernes de têtes et de pointes se retrouvent.

[512] Remarque semblable pour ces objets. — Cf. limarius, faber limarius, à Narbonne, XII, 4475-6 : il est probable que ces limarii vendaient bien d’autres outils que des limes. — Le (negatiator) artis c(h)aracterariæ de Lyon (XIII, 1932) est interprété d’ordinaire par graveur d’inscriptions ; je crois plutôt à un fabricant de sceaux ou règles de fer ou de bronze.

[513] Tome VI, ch. I (Talismans).

[514] Negotiator gladiarius à Mayence, XIII, 6677. Sous le Bas Empire, il y a des fabriques d’armes de tout genre à Argenton (fers du Berry), d’armes spéciales à Mâcon, Autun, Soissons, Reims, Trèves et Amiens (Not. dignitatum, Occ., 9).

[515] Testament du Lingon, XIII, 5708 ; et aussi des épées de chasse.

[516] Voyez plus haut l’importance que prit à elle seule la fabrication des fourreaux d’épées de gladiateurs.

[517] Continuum ferri tegimen, Tacite, Ann., III, 43.

[518] Deux systèmes de clés : 1° à ancre ou en T ; 2° à soulèvement ; cf. de Vesly, Revue des Ét. anc., 1915, p. 209-210. — Les objets en fer sont plus rares dans la cuisine et l’équipement (hipposandales, Saint-Germain, Cat. somm., p. 86, salle XXVI ; cf. Espérandieu, n° 4611 ; représentation de fer à cheval, Esp., n°293). Les plus curieux sont les pipes en fer (par exemple au Musée d’Avenches).

[519] Cf. Déchelette, II, p. 1353 et s. Beaucoup de ces objets [gaulois] se retrouveront à l’époque impériale romaine avec des formes à peu près identiques et passeront sans modifications essentielles dans l’outillage moderne, leur type ayant été constitué définitivement dans ces temps reculés.

[520] Je dis surtout et non pas uniquement, parce qu’il faut tenir compte de l’importance que la vie industrielle avait déjà chez les Celtes.

[521] Remarquez que Pline, qui se sert beaucoup de sources datant des premiers empereurs, fait de la Gaule l’égale de l’Espagne et presque de l’Italie pour sa production agricole (à la fin de son Histoire naturelle, XXXVII, 203) ; mais il rappelle que l’Espagne lui est supérieure laborum excitatione, servorum exercitio, autrement dit par l’activité industrielle.

[522] Ceci ne peut avoir rien d’absolu : car l’État eut ses manufactures, et sa qualité de propriétaire de carrières, de mines, de fabriques, l’empêchait d’être indifférent aux choses de la fabrication. De plus, nous verrons qu’il protégea ou enraya à certains moments certaines industries. Enfin, rappelons les primes et encouragements (hortari adjuvare publice) donnés à la construction par certains gouverneurs (Tacite, Agr., 21).

[523] Tome VI, ch. III.

[524] Ou plutôt de la fabrique qui porte son nom. Il est possible que nous ayons le vicus industriel dépendant d’un de ces grands chefs de maisons dans le village gallo-romain de forgerons à Morville (près d’Anthée chez les Tongres) avec ses 13 ateliers et habitations, ses 6 bas fourneaux, son magasin ou sa halle de 700 mètres carrés (Annales de la Société arch. de Namur, XV, 1881, p. 220 et s. ; Revue universelle des Mines, XXI, 1887, p. 295). Autre de ce genre à Vodecée (id., XXIV, 1900-4, p. 454, travail de Bequet, Habitations de métallurgistes). Tout ce pays de Tongres (entre Sambre-et-Meuse) devait consister surtout en domaines de maîtres de ferrariæ et de forges, et aussi de bronziers.

[525] Societat(is) S(exti) T(iti) Lucreti(orum) (XIII, 10029, 26) pour la plomberie : association de deux frères ou gentiles. Association de Mem. et Trib., pour les faux arrétins, deux associés pour une très petite maison (10010, 1338). Toutefois, l’association industrielle parait assez rare en Gaule, et il serait possible que, dans le second cas et d’autres semblables, il s’agisse de deux ouvriers dirigeant un seul atelier pour le compte d’un patron. — Je ne serais pas éloigné de croire que certaines manufactures ou exploitations industrielles fissent partie d’un domaine religieux.

[526] Voyez les justes remarques de Ciccotti, Le Déclin de l’esclavage antique, trad. Platon, 1910, p. 417 et s.

[527] A moins de supposer que tous les noms de potiers inscrits sur les vases (comme nous l’avons supposé pour Mommo) soient des noms d’esclaves ou d’affranchis de grandes maisons demeurées anonymes. Et, de même, les ateliers ou boutiques figurés sur les bas reliefs funéraires peuvent être à la rigueur ceux d’esclaves de ces grandes maisons, préposés à la vente au détail. Tout est incertitude en matière de ce genre. Il me semble cependant que le caractère servile de ces noms, de ces figures, l’existence exclusive de grandes maisons industrielles se marqueraient mieux dans les faits épigraphiques et archéologiques, si c’était la réalité. — Qu’on n’allègue pas en faveur de celte thèse domaniale les inscriptions de Dijon (chez les Lingons, XIII, 5474-5) où lapidarii et fabri ferrarii du pays se disent clientes d’un riche patron : ce patronage peut être la suite d’un accord plutôt que d’une origine servile. Et toutefois, je suis très frappé de l’analogie que présente cette clientèle ouvrière d’un riche Lingon avec la clientèle rurale et militaire d’un noble gaulois à l’époque de l’indépendance.

[528] Pour tout ceci, t. IV, ch. X.

[529] Cf. Varron, Res r., I, 16, 4.

[530] Tout ce qui précède, d’après les explorations archéologiques des grands domaines, notamment en Belgique. Tout ce régime doit être antérieur à la conquête.

[531] Voyez comme Pline (XXXVII, 203) définit l’activité industrielle d’un pays par le travail de ses esclaves.

[532] Supposé pour la Gaule.

[533] Librarius in tabulario majori (employé d’un service public), âgé de 15 ans, XIII, 1823. Je suis du reste frappé de l’extrême jeunesse de quelques-uns des ouvriers ou industriels mentionnés en épigraphie (lintiarius de 20 ans, XIII, 1994 ; ferrarius de 19 ans, 20313 ; etc.) : il s’agit, soit d’apprentis, soit plutôt de fils d’industriels destinés à continuer le métier du père, ce qui se produisait, je crois, souvent dans l’Antiquité (cf. XIII, 5154).

[534] D’après un bas-relief, Espérandieu, n° 2767.

[535] Mosaïque de Lillebonne (XIII, 3225) : T. Sen. Felix, c(ivis) Puteolanus fec(it), et Amor c. K. discipulus [Kaletus ? dans ce cas, apprenti recruté sur place, ou Karthaginiensis ?].

[536] Beaucoup plus nombreuses qu’on ne croit : figlinæ, plumbariæ, ferrariæ.

[537] Outre les ateliers de bronze dont nous allons parler, les mines de fer, d’argent, les tuileries militaires, les carrières. — Je n’ai pas à parler des ouvriers qui travaillaient dans les camps.

[538] Dans les carrières et les tuileries. Les mines sont organisées en exploitations serviles sous la direction des intendants du prince.

[539] Nous connaissons très peu ce genre d’organisation pour la période antérieure au IVe siècle, et peut-être parce que le système de manufacture d’État était encore assez restreint. Les deux mentions capitales sont dans le pays éduen et aux abords : ærari sub cura Leonis et Marciani à Entrains dans la cité d’Auxerre (le caractère militaire est plutôt probable que certain ; XIII, 2901) ; monument, trouvé à Monceaux-le-Comte, élevé à un centurion par les opifices loricari de Briva Sugnutia (Brèves chez les Éduens), qui sont sub cura ejus (XIII, 2828). Ces deux monuments ne sont pas antérieurs aux Sévères. — Aucun renseignement sur les fabriques de vêtements militaires avant le IVe siècle.

[540] Et sans doute aussi aux édifices publics dont le prince voulait faire les frais ; voyez les voyages d’Hadrien, qui nous révèlent également l’existence d’équipes d’ouvriers à la suite de l’empereur.

[541] Au moins avant les invasions du IIIe siècle. Car, au IVe, les choses ont changé, et je crois, par exemple, que les loricarii de Brèves ont été transférés à Autun (Not. digit., Occ., 9, 33).

[542] Bas-reliefs dans le Recueil d’Espérandieu.

[543] Il est bon de ne pas généraliser. Les usages, en matière de signature, n’étaient pas impérieux : le potier Primus, de La Graufesenque (en supposant qu’il n’y en ait eu qu’un de ce nom), a signé de 60 manières différentes (XIII, 10010, 1569).

[544] Par exemple 10010, 887, Felicio.

[545] Fam. ou C. C. O., par exemple, 10010, 643 et 881.

[546] On peut même se demander si, lorsque la signature Crestus (CRESTI) se retrouve, et sur des vases authentiquement arrétins (10009, 98) et sur des vases similaires gaulois (10010, 698), s’il n’y a pas contrefaçon de la marque mime. — La chaudronnerie gallo-romaine parait également une imitation plus ou moins fidèle de la chaudronnerie campanienne (Willers, Neue Unters., p. 80).

[547] Il est vrai, pas en même temps sur toutes les espèces de produits ; d’abord, semble-t-il, sur les fibules de bronze, où les pièces signées sont certainement les plus anciennes, puis sur les faux arrétins, plus tard dans la verrerie.

[548] Outre les faits que nous allons rappeler, il a dû y en avoir bien d’autres, qui expliqueraient les fluctuations subies en Gaule par certaines industries. Voici par exemple Tibère, qui, lui, sans aucun doute, a eu l’idée d’édits de protectionnisme industriel : un édit (le bruit en avait couru, la chose n’était point certaine) pour supprimer ou détruire une manufacture de verre flexible afin de ne pas avilir le prix des objets de métal (Pline, XXXVI, 195) ; un autre, pour interdire l’usage des vêtements de soie et de la vaisselle toute d’or (Tacite, Ann., II, 33). Bien des hommages rendus aux princes par des corporations, notamment encore sous Tibère, s’expliquent peut-être par des remerciements pour des règlements protecteurs. Le malheur est que nous sommes trop mal renseignés pour pouvoir suivre les nombreuses variations par lesquelles sont certainement passés les bureaux de l’Empire en matière économique.

[549] Pline, XXXIV, 164 : In Britannia .... ut lex ultro dicatur, ne plus certo modo fiat. L’intéressant serait, comme pour l’édit sur les vignobles, de connaître les considérants.

[550] Pline, XIII, 89 (également sous Tibère).

[551] Voyez les remarques de Grenier en matière de construction. Remarques de même genre chez Déchelette à propos des céramistes (Vases céramiques, I, p. 241) : Apprécier défavorablement les aptitudes artistiques.... décor de remplissage... aucun ordre logique ; en revanche leurs fours, sans cesse en pleine activité, ne cessaient de produire, aux conditions les plus économiques et par énormes quantités.