I. — LES ROUTES LES PLUS PASSAGÈRES. Une vie intense s’agita sur les routes de la Gaule pendant toute la durée de l’Empire, plus forte, plus variée qu’à nul autre moment de leur histoire. Outre l’activité propre au pays, une grande part du mouvement général du monde les utilisait sans relâche. De Rome en Bretagne, du centre de l’Empire à sa plus lointaine province, il fallait passer par la Gaule, soit qu’on débarquât à Marseille pour remonter la vallée du Rhône, soit qu’on franchît les Alpes au Grand ou au Petit Saint-Bernard pour gagner Langres par Besançon, Genève ou Lyon : ce qui faisait de la route champenoise, de Langres à Boulogne par le pont de Châlons, l’une des voies les plus bruyantes de la Gaule et de la terre romaine ; là sont passés les grandes niasses d’hommes et les chefs souverains, circulant entre l’Italie et l’Angleterre, les uns pour conquérir de nouvelles provinces, les autres pour enlever Rome à leurs concurrents[1]. C’était également par la Gaule que les armées .de Germanie et les prétendants choisis par elles communiquaient avec le reste de l’Empire. Pour gagner l’Italie et l’Orient au départ du Rhin, on pouvait à la rigueur se passer de la Celtique en rejoignant le Danube[2] ou en gravissant le Brenner. Mais les soldats et leurs chefs évitaient d’ordinaire ces routes longues et fastidieuses, ils préféraient l’agréable cheminement le long de la Moselle, du Doubs ou des lacs d’Helvétie, la rapide montée par les Alpes de Suisse ou de Savoie : et ce sont les routes que prirent Vitellius et ses généraux, et bien d’autres avant et après eux[3]. 1)e Germanie et de Bretagne encore, pour se rendre en Espagne, on devait couper la Gaule : soit par l’ouest, de Cologne à Paris. Bordeaux et le col de Roncevaux[4] ; soit par le levant, de Mayence à Trèves, Lyon, Narbonne et le col du Pertus[5]. C’était presque toujours cette dernière voie que l’on prenait, plus aimable, plus chaude, plus proche de l’Italie et parée de plus belles villes[6] ; l’autre demeurait plus froide, trop voisine de l’Océan, encore d’apparence à demi barbare : il faudra, pour la doter de gloire, de bruit et de poésie, les rois francs, les Sarrasins, Charlemagne, Roland et saint Jacques[7]. Entre l’Italie enfin et cette même Espagne, la Gaule du Midi conservait son rôle millénaire, de servir de route aux héros[8]. Il était bien rare qu’on préférât la traversée de la mer à l’antique et glorieux chemin qui de la Corniche menait à Narbonne et au Pertus ; de Rome à Tarragone et à Cadix la route, le long du rivage gaulois, était si gaie, si facile, si pleine de richesses et de souvenirs ! les seuls ennuis qu’on y rencontrât étaient, comme au temps d’Hercule, le Mistral de la Crau et le passage du Rhône à Tarascon. C’était grâce à ces routes que notre pays servait de trait d’union entre le Nord et le Midi, le Centre et l’Occident du monde européen. Elles étaient les marches, aplanies et embellies, du seuil que la Gaule formait entre toutes les provinces de l’Empire occidental. Au croisement des plus populaires de ces voies, surgissait toujours Lyon. Il n’était donc pas seulement la capitale des Gaules, mais le lieu de rencontre des hommes de nom latin ; et c’est pour cela que tous les prétendants à l’Empire ont voulu, après Rome, tenir Lyon[9]. II. — CIRCULATION DES HOMMES. Sur toutes ces voies, qu’elles fussent d’intérêt impérial ou provincial, leur rattachement à l’Empire provoquait un extraordinaire va-et-vient de gens et de choses[10]. Gaule ouverte à tous les hommes du monde, Africains. Espagnols, Bretons, Italiens, Grecs et Orientaux purent s’y mouvoir avec la même aisance que dans leur propre patrie. On aima beaucoup les voyages au temps des empereurs. Ce que l’homme ne possédait point dans sa demeure originelle, joie, santé, richesse oui repos, il le chercha dans un des mille recoins de l’immense patrie à laquelle il appartenait. Il arriva pour l’Empire romain ce que nous constatons dans la France d’aujourd’hui[11] : on désira, hors de chez soi, une meilleure manière de vivres et on crut la trouver dans le mouvement du corps ou la diversité des spectacles. Moins que jamais, on ne sut mettre le bonheur dans le charme des habitudes et la stabilité des jouissances. Être errant, signifie presque une manière de vivre pour des hommes de ce temps[12]. C’est le désir du gain qui entraîne peut-être le plus de gens sur les routes : nous avons déjà parlé et nous reparlerons souvent encore des marchands, des artistes, des ouvriers de tout pays et de tout rang qui sillonnent les chemins gaulois, en quête d’une affaire, d’une place ou d’une besogne[13]. C’est la religion, ensuite, qui occupe le plus ces chemins. Voici les aruspices d’Italie[14], interprètes de songes ou d’augures, les prêtres ou les dévots des cultes d’Orient, porteurs d’étranges idoles ou d’oracles réconfortants[15]. Voici la foule bruyante des pèlerins du terroir, qui se dirigent vers les sanctuaires traditionnels des sources ou des montagnes[16]. Et voici enfin, perdus au milieu des passants, les humbles disciples du Christ, qui s’acheminent de ville en ville, messagers de la bonne nouvelle. D’autres explorent le pays dans l’espérance de recouvrer la santé, de la demander à ces eaux chaudes que les dieux prévoyants y faisaient sourdre de toutes parts. Auguste a donné l’exemple en venant se soigner à Dax, et ses sujets l’imiteront aussitôt : les soldats en congé se rendront à Vichy[17], et les riches Gallo-romains monteront à Luchon par les fraîches routes des Pyrénées[18]. La curiosité, celle du touriste ou du savant, attirait en Gaule quelques voyageurs, beaucoup moins, évidemment, qu’en Égypte, le centre préféré des grandes excursions. Mais on pouvait admirer les routes périlleuses des Alpes[19], les hauts sommets divins du puy de Dôme[20] ou du Donon, les eaux miraculeuses de Gréoulx[21] ou de Vif[22], les marées formidables de l’Océan et les mascarets de ses grands estuaires[23], les champs de pierre de la Crau, témoins des mémorables combats d’Hercule[24], les étangs du Languedoc aux pèches extraordinaires[25], et surtout les forêts alpestres ou les Ardennes de Belgique, où s’arrêtaient les chasseurs passionnés de gibiers monstrueux et d’oiseaux superbes. D’autres curieux traversaient la Gaule pour assister aux prodiges de l’Armorique[26] ou de l’île de Bretagne, comme ce Démétrius de Tarse qui voulut retrouver les îles mystérieuses où dormaient les âmes des héros[27]. Les morts eux-mêmes ne reculaient pas devant de longs voyages. On ramenait dans leurs patries d’origine les dépouilles de ceux qui mouraient au loin[28]. Aux abords des villes, les théories funèbres remplissaient les routes[29]. Le corps de Drusus, mort en Germanie, le corps de Septime Sévère, mort en Bretagne, traversèrent toute la Gaule, reçus le long des chemins par les foules en deuil. D’autres cortèges, ceux-ci vulgaires ou bizarres, se rencontraient avec ces processions solennelles. Les marchands de volailles d’Italie faisaient venir leurs oies de Flandre, à pied par la grande route[30] ; et ces lents troupeaux de bêtes paisibles se laissaient dépasser par les soldats qui regagnaient leurs corps[31] ou les courriers qui galopaient vers les villes[32]. Quelle diversité et par endroits quelle cohue de passants ! Par ces mêmes chemins montaient vers l’Italie les courtisans ou les fonctionnaires qui se rendaient aux seuils sacrés de Rome : on les reconnaissait aisément à leur escorte, car il fallait être bien misérable, trimardeur ou déserteur, pour voyager seul, sans esclave. Lorsque Musicus, affranchi de Tibère, caissier du Trésor en Lyonnaise, quitta la Gaule et revint à Rome, il se fit suivre d’un cortège de seize serviteurs[33]. Quand passait un empereur[34], c’était alors comme une ville qui s’étalait, s’allongeait sur la route. Autour d’Hadrien en voyage s’avançaient les cohortes de la garde, les services du Palais, les amis du prince et leurs esclaves, et des centaines d’ouvriers prêts à travailler sur l’ordre du souverain. Sous les pas d’un tel maître, qui visitait toutes choses en curieux, qui développait en tout lieu la vie d’affaires, qui inspectait toutes les frontières et toutes les administrations, la route romaine s’animait d’une vie extraordinaire, pour satisfaire à la fois à tous les besoins des hommes et à toutes les volontés du souverain[35]. Ces jours-là, elle semblait porter, s’agitant fiévreusement sur elle, l’âme même du grand Empire. III. — VOYAGEURS DE GAULE. Les Gaulois firent comme les autres : au temps de la liberté ils avaient été coureurs d’aventures[36] ; au temps de la paix romaine ils devinrent grands voyageurs, surtout voyageurs de commerce. Nous les trouverons donc partout, eux ou leurs marchandises, en Espagne[37], en Afrique[38], en Bretagne[39], en Italie[40], dans les pays du Danube[41], dans le monde oriental[42], dans le monde barbare, jusqu’au pied du Caucase jusqu’au voisinage de la Baltique. Ils avaient jadis parcouru ces mêmes lieux en qualité de conquérants ou de mercenaires[43] : au lieu de placer leurs bras, ils placent maintenant leurs fibules, leurs poteries, leurs jambons, leurs huiles, leurs vins et leurs lainages. Le Celte et le Belge, au dehors aussi bien que chez lui, a laissé prendre une tournure pacifique à son besoin d’agir, de parler, de gesticuler : mais il n’a pas encore réprimé cette faculté essentielle de sa nature. D’autres partaient de leurs foyers comme avaient fait leurs pères, pour guerroyer au loin. Beaucoup servirent dans les armées du Danube, d’Afrique, d’Orient, surtout de Bretagne. Mais je ne puis dire s’ils avaient choisi eux-mêmes ces garnisons lointaines ou si les légats ne les y envoyaient point d’office. Ils y faisaient leur métier en conscience[44], exposant leurs corps sur les champs de bataille du désert, ce qui ne les empêchait sans doute pas de s’amuser follement dans les faubourgs d’Antioche. Il me semble pourtant que peu à peu le Gaulois se soit lassé de ces longs voyages si chers à ses ancêtres. Certainement, il ne s’expatriait pas, ouvrier ou commerçant, avec la même désinvolture qu’un Italien, un Grec ou un Syrien. Entre toutes les populations de l’Empire, on dirait que c’est celle qui a fini par résister le plus à la contagion de la route, par préférer son chez soi au spectacle des cieux étrangers. La sensation du repos, du loisir familial, était une chose assez nouvelle en Gaule : les hommes s’y abandonnèrent et leurs femmes plus encore. Un jour, un empereur réclama des soldats de Gaule pour guerroyer contre les l’erses : ils refusèrent de quitter leur sol et leurs habitudes pour ces batailles de l’Orient[45]. Au temps de César ou d’Ambigat, quelle joie c’eût été pour eux ! Dès la fin du premier siècle, les princes se résignèrent à ne point arracher les soldats gaulois à leurs quartiers de Germanie[46]. Parmi ces peuples, les plus entreprenants, les moins casaniers, sont ceux du Nord-Est, ces Belges qu’on appelait autrefois les Galates, et qui envoyèrent jadis leurs colonies au fond de l’Orient et au milieu de la Grande-Bretagne[47]. Médiomatriques[48], Trévires[49], Ambiens[50], Rèmes[51] et Séquanes[52], gens de Lorraine, de Picardie, de Champagne, de Franche-Comté, de Flandre, de Brabant et de Hainaut[53], sont prêts à partir pour aller trafiquer hors de chez eux, courir les foires, fonder des comptoirs, acheter, vendre et revendre. A Bordeaux et à Lyon, ce sont les Trévires de la Moselle qui forment la plus importante des colonies étrangères ; sur le Rhin, les bonnes places pour le commerce sont prises par les Nerviens du Hainaut ou par les Tongres de la Hesbaye[54]. A cet égard, la Gaule d’alors ne ressemblait pas exactement à la France. Dans celle-ci, peut-être dès le onzième siècle, le mouvement sur les routes venait beaucoup des hommes du Midi, Gascons ou Provençaux, toujours en train de conquérir la Gaule. On ne voit rien de pareil sous les Césars. Les Grecs de Marseille eux-mêmes ont perdu l’habitude de monter vers le Nord ; Aquitains de Bordeaux, Landais de Dax, Romains de Narbonne ou Latins de Nîmes ne se risquent pas à chercher fortune dans les villes celtiques, et le Pays Basque n’envoie pas encore ses émigrants sur les routes du monde[55]. IV. — LA FOULE DES JOURS DE FOIRES. La circulation grandissait sur les routes à mesure qu’on approchait des grandes villes ou des lieux de foires ; et aux abords, à de certains jours, des foules énormes les encombraient. C’étaient les jours où les jeux se tenaient dans les amphithéâtres, jours qui correspondaient à des temps de fêtes ou de marchés. A Lyon, les principaux spectacles se donnaient au mois d’août, à l’époque solennelle des sacrifices devant l’autel d’Auguste, et à la même date on conviait à une foire immense les peuples de la Gaule[56]. Pareille chose devait se produire dans les autres métropoles ou cités populeuses, comme Narbonne ou Nîmes[57], dans les bourgades saintes de la Gaule transformées en sanctuaires classiques, comme Die ou Lectoure[58], ou enfin dans ces champs sacrés des frontières municipales, comme Champlieu ou Yzeures[59], où le culte de vieilles divinités locales se confondait avec celui de l’empereur[60] et où de mystérieuses cérémonies s’entremêlaient des jeux du théâtre ou de l’arène[61]. Plaisirs des jeux et des sens, attrait du gain, nécessité d’emplettes, pratiques de dévots, flagornerie pour les empereurs, curiosités vulgaires, continuation d’habitudes familiales, besoin instinctif de se voir, de s’entendre et de faire nombre, tous les sentiments humains se mettaient en branle pour pousser et entasser les foules, aux jours de frairies, sur les routes des villes et dans les champs de foires. Car une fête ou des jeux n’allaient Pas sans un appel aux cités voisines. Les jours de beaux spectacles, la Gaule entière était en mouvement et en liesse. A Nîmes, aux Arènes, on réservait des places pour les membres des grandes corporations lyonnaises, pour les bateliers du Rhône, pour les camionneurs du Vivarais[62] : tout le Midi, à l’heure fixée, déferlait en flots bruyants vers les soixante arceaux du grand amphithéâtre. Lors des fêtes d’août, à Lyon, on accourait de fort loin, peut-être de delà les Alpes[63], et une cohue bigarrée s’entassait sur les gradins des édifices ou les esplanades des foirails, Romains, Gaulois. Grecs, Syriens, Juifs, sénateurs, chevaliers, soldats, paysans, esclaves, baladins et prophètes[64]. Nous aurons beau regarder autour de nous, nous ne trouverons rien de pareil. Il y a, dans cette foule, trop de marchands, d’acheteurs, de dévots et de prêtres, elle a des passions ou des besoins trop immédiats et trop précis, pour ressembler aux multitudes de nos fêtes nationales ou des expositions universelles, lesquelles s’amusent plus franchement, sans arrière-pensée de lucre ou de dévotion. Seules, celles des grandes foires du Moyen Age feront comprendre la populace d’une fête romaine, ces foires si turbulentes et si pittoresques où se brassaient tant d’affaires et tant de plaisirs, avec leur peuple de boutiquiers, de changeurs, de pèlerins, de moines et de bateleurs. Encore leur manquait-il, pour que la comparaison soit juste, cette concentration de tous, pendant quelques heures, sur les pierres de l’amphithéâtre romain, cette communion de milliers d’hommes en un spectacle unique. La foule, dans les anciennes foires de Champagne ou de Beaucaire, était plus disséminée, morcelée autour de distractions plus nombreuses, en bandes plus indépendantes : l’Empire avait su porter à son plus haut degré ce besoin de former groupe, cet instinct de la réunion en masse, auquel les hommes n’échappent point, et que les Gaulois connaissaient plus que tout autre peuple[65]. Ce n’était point sans danger pour les mœurs, le bon ordre et la paix publique. Il suffisait de peu de chose pour déterminer dans cette mer humaine des vagues de tempête. La plupart des mouvements contre les Chrétiens ont dû naître en ces jours de jeux et de foires. Il est du reste possible que les fidèles aient souvent provoqué la colère de la multitude par d’imprudentes prédications : de pareilles réunions d’hommes étaient si séduisantes pour un apôtre, désireux de lancer le bon grain dans les larges sillons de la foule ! les prédicateurs populaires, de tout temps, ont raffolé des heures de marché. Ces heures attiraient sans doute aussi les fauteurs d’émeutes : car ne doutons pas que la Gaule romaine n’ait eu les siens, et plus souvent que ne le laisse entendre la formule de la paix romaine. A Rome, les princes eurent toujours peur de la foule des grands jeux, et ils n’évitaient ses colères qu’en cédant à ses caprices. En Gaule, on peut croire qu’elle fut tout aussi gênante pour les magistrats des grandes villes ou les gouverneurs des métropoles. Bien des troubles qui ont désolé les cités ont pu commencer dans les amphithéâtres[66] ; et de la multitude tassée sur les champs de foires est parfois sorti l’élan qui a mis les armées en marche sur les grandes routes de l’Empire[67]. V. — LE CHARROI. La route portait encore plus de marchandises que d’hommes. Je ne sais si le charroi fut jamais aussi actif en Gaule que dans les temps des premiers empereurs. Qu’on songe aux convois de lourds matériaux qui se dirigeaient vers les villes à construire. Pierres à bâtir, dont certains blocs, comme aux Arènes de Mmes, pèsent jusqu’à huit tonnes[68] ; énormes bois de charpente, pour tenir les échafaudages[69] ; masses de marbres bruts, destinées au débit sur chantier ; chargements de briques, de moellons, de chaux et de sable ; bronzes pour la fonte des statues, saumons de plomb pour les conduites d’eau : on comprend que pour supporter de tels poids, il ait fallu d’abord des routes dures et solides comme le rocher[70]. Puis ce fut, pour ne jamais s’arrêter sous l’Empire, le passage des messageries du commerce : charrettes chargées de tonneaux ou d’amphores, de sacs de blé, de ballots de draps, de caisses de conserves, de céramique, de quincaillerie ou de droguerie, de paniers de fruits ou de légumes, voitures closes pleines d’objets précieux[71], un roulage incessant circulait sur le robuste pavé des routes romaines. Pour beaucoup d’habitants de la Gaule, ce charroi était l’origine de leurs richesses ou de leurs plaisirs ; par lui venait l’objet souhaité ou le bénéfice attendu. Les espérances que tant d’hommes ont mises autrefois dans le voilier parti vers les Indes occidentales, les Gaulois de l’époque romaine les mettaient sur les longues files de colliers qui s’acheminaient lentement vers leurs granges ou leurs magasins. Aussi, que de fois les marchands d’alors ont fait sculpter sur leurs tombeaux la charrette et son chargement, souvenir à demi symbolique de leur laborieuse fortune[72] ! Au milieu de ces lourds convois couraient les voitures plus légères des voyageurs, à cabriolet à deux roues pour les courses rapides[73], la vulgaire jardinière à capote de toile, inséparable du paysan aux jours de marchés[74], la voiture de voyage ou de poste à deux[75] ou à quatre roues[76] avec ses innombrables variétés d’attelage. Les Gaulois connaissaient d’ailleurs tous ces types de véhicules, ils n’apprirent rien des Romains en fait de carrosserie. Cela venait d’un très lointain passé et ira jusqu’à nos jours. Puis, c’étaient toutes les espèces de bêtes de course ou de somme, plus nombreuses qu’elles ne furent jamais : chevaux de courriers[77] voyageant en poste ou de soldats ménageant les étapes, mulets chargés de sacs tombant de l’échine, ânes portant leurs deux paniers en équilibre. Ceux-ci, ânes et mulets, ne sont point toujours isolés : on les voit parfois groupés en longues files, qui s’allongent sur les sentiers des montagnes[78]. Le charretier, le muletier sont, en temps ordinaire, les vrais maîtres de la route[79]. Ajoutez enfin des transports d’objets extraordinaires ou formidables : les camions de victuailles destinées aux repas de Vitellius ; le service de table de l’empereur Galba ; les meubles que Caligula fait venir de Rome ou la trirème qu’il y expédie de Boulogne[80] ; et, dans leurs cages, les bêtes, ours, sangliers ou taureaux, destinées aux amphithéâtres. La route subvenait et participait à toutes les folies de l’Empire, princières et populaires ; elle était le monstrueux couloir qui les laissait passer. VI. — DES CONDITIONS DES VOYAGES : SÉCURITÉ ET VITESSE. Les empereurs n’ont point fait de très grands frais pour assurer la police de ces routes : il leur importait d’abord qu’elles fussent ouvertes à leurs soldats, et contre voleurs ou brigands les soldats se défendaient eux-mêmes. Ils ne pensèrent jamais à les doter d’une garde spéciale, analogue à l’ancienne maréchaussée ou à la gendarmerie actuelle : les seules troupes de ce genre que nous trouvions en Gaule sont des corps de police rurale entretenus par les municipalités avec l’assentiment de l’État. Quand elles ne suffisaient pas à la protection des routes, celui-ci recourait à ses troupes de ligne, et établissait des camps ou des postes aux principaux carrefours[81]. Dans l’ensemble, les routes de la Gaule étaient plus sûres que celles du reste de l’Empire. Il y avait bien de temps en temps, et plus souvent que nous ne pensons[82], des coups d’audace, des attaques à main armée, des convois enlevés, des voyageurs laissés morts sur la place[83]. Mais la Gaule romaine ne nous offre point de ces sinistres récits de brigands ou de chauffeurs[84] analogues à ceux de la France d’autrefois. Remarquez qu’ils ne sont point rares dans l’Empire, en Afrique, en Grèce, en Italie même : la littérature d’imagination, romans et nouvelles, vivait alors en partie d’histoires de voleurs ou de bandits, filles enlevées ou voyageurs détroussés[85], et, dans la réalité, des bandes opéraient parfois jusqu’aux portes de Rome, tenant tête aux prétoriens eux-mêmes[86]. L’Empire était un corps à la fois très puissant contre les ennemis du dehors et très faible contre ceux du dedans ; à côté d’une organisation très savante, il présentait d’extraordinaires négligences d’entretien. Ses armées commandaient au monde, et les bandits infestaient ses routes. La Gaule, du moins à notre connaissance, demeura plus souvent indemne de ce fléau. Ce fut d’ailleurs le mérite du pays plutôt que du prince : la misère y était moins grande, les mœurs plus douces, le sol mieux cultivé, l’activité plus régulière que dans les autres provinces : les routes se garantissaient elles-mêmes par leur propre mouvement[87]. D’anciennes entraves habituelles en disparurent sous le nouveau régime. On ne payait de droit de douane qu’aux frontières du pays, aux Alpes, aux Pyrénées ou dans les ports. A l’intérieur, sauf quelques péages inévitables, on ne rencontrait plus que les octrois municipaux, exigés aux limites des cités : mais, étant donné que ces cités avaient de très vastes territoires, d’ordinaire égaux ou supérieurs à nos départements, la perception de ces droits locaux n’arrêtait le voyageur qu’à de longs intervalles, une ou deux journées de marche[88]. Faites de pierre et de mortier, les routes ignoraient les fondrières et les cassures imprévues ; bâties presque toujours sur haut terrain, l’inondation ne les atteignait pas, et si la poussière y devait être fort gênante[89], elle n’était pas de nature, comme la boue, à alourdir la marche[90]. Le principal retard y venait, on l’a vu, du passage des grands fleuves. Mais d’autres avantages compensaient ce retard et excitaient à la vitesse, et surtout l’avantage de la direction en droite ligne. Sans doute, pour maintenir la ligne droite, les côtes étaient souvent fort pénibles, la pente atteignait parfois et dépassait même dix pour cent[91]. Mais les hommes et les bêtes de ce temps n’avaient pas encore perdu l’habitude des plus rudes montées ; et grâce à ces ascensions franches des chemins de crête, aux rapides descentes qui s’ensuivaient, la voie romaine rachetait un peu plus d’effort par un bon gain de temps. L’hiver n’empêchait pas les voyages, pas même par les cols des plus hautes Alpes : c’est en janvier ou février que l’armée de Vitellius traversa le mont Genèvre et le Grand Saint-Bernard[92]. Il est vrai que tout était préparé, dans le voisinage des sommets, pour aider les voyageurs : temples qui servaient d’abris[93], guides du pays[94], attelages de renfort[95], et, le long des chemins, de hauts poteaux qui, émergeant de la neige, marquaient la direction à suivre[96]. De là, en dépit de tous les ennuis, des voyages d’une extrême rapidité, je parle de voyages à cheval, avec changements de monture à de nombreux relais. En 68, un courrier impérial mit sept jours pour aller de Rome à Clunia en Espagne, soit deux cent cinquante à trois cents kilomètres par vingt-quatre heures, plus de dix kilomètres à l’heure en vitesse commerciale. Et cet exemple et d’autres montrent que les routes romaines avaient été faites pour permettre à l’être vivant d’y développer son maximum de force et d’énergie : car, au delà de ces chiffres, rien n’est possible à l’homme ni à la bête. Il faut cependant ajouter que ces chiffres furent près d’être atteints, sur ces mêmes routes, dès l’époque gauloise : César ou ses messagers y circulèrent presque aussi vite que les courriers des empereurs[97]. Tout en admirant l’œuvre romaine, n’oublions pas que la Gaule libre l’avait, par son travail, plus qu’à demi préparée. VII. — LA NAVIGATION FLUVIALE. On allait moins vite sur les voies fluviales, mais la sécurité était plus grande, et les transports moins coûteux. Aussi, en dépit de la concurrence des grandes routes, elles demeuraient fort recherchées par les messagers du commerce ; et les empereurs eux-mêmes ne les dédaignaient point dans les circonstances solennelles : car, autant qu’un chemin de terre, une rivière large et majestueuse se prêtait au déploiement des cortèges triomphaux[98]. Comme sur les chaussées, c’était sur les rivières de l’Est que la vie était le plus active. Celles qui passaient par Lyon, la Saône et le Rhône, détenaient peut-être à elles seules la moitié du trafic fluvial de la Gaule entière[99]. La domination romaine ne leur avait rien fait perdre de leurs hôtes, de leurs passagers et de leurs habitudes. Lourds chalands chargés de marchandises[100] que de vigoureux haleurs remorquaient en chantant[101], vaisseaux à voiles que le vent secouait comme sur une mer[102], barques énormes que manœuvraient de fortes équipes de matelots[103], pirogues creusées dans des troncs d’arbres[104], convois de transports remplis de troupes[105], canots légers et rapides qui filaient à toute allure pour les estafettes[106] ou les amateurs de sports[107], bateaux[108] ou bacs[109] de passage où s’entassaient voyageurs, bêtes et véhicules, nageurs appuyés sur des outres qui traversaient à meilleur compte, trains de radeaux à lenteurs éternelles[110], navires de plaisance aux tentes de pourpre destinés aux voyageurs de distinction[111], un monde toujours étrange d’êtres et de choses se mouvait sur ces eaux : c’était, entre Arles et Chalon, le plus pittoresque et le plus bruyant des chemins fluviaux de l’Occident, et sans doute, dans le monde entier, n’y avait-il rien qui lui fût alors comparable, sauf le Nil au-dessous des cataractes. Encore n’était-ce point à son fleuve que l’Égypte devait sa capitale d’Alexandrie, tandis que la métropole de la Gaule romaine, Lyon, trônait au milieu même du chemin de ses rivières. Des deux côtés de cette voie maîtresse, la vie gagnait les moindres affluents. A la différence d’aujourd’hui, la Durance, que ses riverains ne captaient pas encore, avait ses bateliers et ses passeurs. On naviguait ou on faisait flotter sur l’Isère, sur l’Ardèche et peut-être sur l’Ouvèze même, la rivière de Vaison. Genève possédait, sur le lac, sa flottille de bateaux et de radeaux[112]. Le mouvement devait être aussi très intense sur le Rhin, bordé de villes et de camps[113]. Mais je ne crois pas qu’il eût la variété pittoresque du trafic rhodanien : tout, sur cette voie frontière, se subordonnait aux règlements militaires, et les escadrilles de guerre qui stationnaient à Mayence[114], à Andernach[115], à Cologne[116] et à Nimègue[117], surveillaient et entravaient le va-et-vient d’une ville ou d’une rive à l’autre. Mais sur la Moselle, de Coblentz à Metz, la vie civile reprenait ses droits, stimulée plutôt que gênée par l’approche des garnisons : le long de ses eaux claires, au pied des coteaux verdoyants qui se miraient en elles, s’affairaient sans relâche les gabares chargées de tonneaux, les barques de pêche, les canots de la jeunesse désœuvrée[118]. Il semblait que la nature aurait voulu, par delà les Faucilles, continuer en Moselle la route vivante de la Saône et du Rhône, et faire sur toutes ces eaux une même ligne de travail et de gaieté, depuis Arles filleule de la Méditerranée jusqu’à Trèves voisine du Rhin. Comme l’on comprend qu’un audacieux légat ait rêvé un jour de réunir toutes ces rivières, pour ouvrir avec elles, au milieu même de la Gaule, la plus belle route du monde entier ! Sur les trois grands fleuves de l’Atlantique, au contraire, nous n’avons pas la même impression d’énergies qui s’activent et de marchandises qui se pressent. On s’explique aisément pourquoi. La voie de terre, de ce côté, a été victorieuse de la rivière. Seine, Loire et Garonne servaient jadis aux transports vers le nord ou vers le sud, entre la Gaule et la Bretagne a ceux-ci prennent maintenant la route de Boulogne, directe et rapide. Quant au commerce dans la direction de l’est ou de l’ouest, entre l’Espagne, la Gaule et l’armée du Rhin, il n’a pas le moindre besoin des fleuves. Ils se trouvèrent donc réduits à un service intérieur, et encore les courbes allongeaient tellement les distances et les temps, qu’on ne résistait pas à la tentation, entre Roanne et Nantes, Sens et Rouen, et même Toulouse et Bordeaux, de prendre la route de terre : il en allait autrement entre Arles et Chalon, sur le Rhône et la Saône, ligne aussi droite que celle d’une voie romaine. De ces trois fleuves océaniques, c’est encore la Seine qui résista le plus à la concurrence, sans doute à cause de la forme régulière de son bassin, des chemins convergents et rapprochés qu’étaient tous ses cours d’eaux. Entre eux, Paris et les abris de son île se présentaient comme un centre et un refuge naturels. Aussi la cité garda-t-elle sous les empereurs ses nautes ou marchands de l’eau, corporation hardie dont les membres demeurèrent pendant longtemps armés et équipés à la gauloise ; et dans la plus belle ruine qu’elle nous a laissée de ce temps, la grande salle de l’édifice mystérieux de Cluny, on peut voir encore, sculpté en la forme d’une console, un avant de navire chargé d’armes, symbole peut-être de la puissance que la nature assignait à Paris[119]. Ni sur la Loire[120] ni sur la Garonne nous n’avons remarqué jusqu’ici rien de pareil. Il y a un port à Nantes[121] et à Bordeaux, et il fallait en ces deux villes un nombre imposant de barques et de gabares pour la traversée des fleuves et le transport des pierres ou des barriques[122]. Mais le trafic fluvial nous paraît limité aux besoins immédiats de la cité. A Bordeaux, les commerçants forment une partie notable de la population : tout porte à croire que leurs marchandises allaient par les routes de terre, surtout par celles du Centre et du Nord. De son activité d’alors, il nous reste des images innombrables : aucune ne rappelle la vie de son fleuve[123]. VIII. — LA NAVIGATION MARITIME. Sur la mer, c’est trop souvent une demi-solitude. Dès qu’on approche des rivages de l’Océan, inscriptions, tombes et sculptures se font plus rares. Alors qu’en Saintonge tant de bourgades intérieures montrent leurs thermes, leurs mosaïques ou leurs théâtres, nous cherchons vainement où sont les ports de la province. Le long de l’Océan gascon, ni à Port-d’Albret, ni à Capbreton, ni à Bayonne, et nulle part sur la côte basque, on ne perçoit un indice précurseur de la vie profonde qui ‘agita ces rivages dans les temps féodaux[124]. Certes, les ruines ne manquent pas sur les côtes d’Armorique : mais elles ressemblent à celles de l’intérieur, elles font songer moins souvent à des travailleurs de la mer qu’à des exploitations rurales, forestières ou industrielles, à de riches propriétaires de villas maritimes, épris de bains de mer, de parties de pêche, de beaux coups d’œil et de vastes horizons[125] : rien ne rappelle la puissance de la marine vénète ou des bâtisseurs de mégalithes, aucune inscription n’est consacrée aux divinités de l’Océan[126], et nous connaissons mieux les pêcheurs à la ligne de la Moselle que les mariniers de l’Armor. On dirait que César, après avoir détruit les vaisseaux des hommes du Morbihan, leur a interdit d’en construire de nouveaux et de s’approcher de la nier : c’est la punition que d’autres proconsuls avaient infligée aux Dalmates de l’Adriatique et aux Ligures de Provence. L’Empire a dû lever ces défenses : niais le mal était fait, et les peuples avaient pris d’autres habitudes. Sur la Manche, la circulation est plus forte à mesure qu’on approche du Canal. Entre Boulogne et Douvres[127] elle atteint son maximum d’intensité. Ici c’est alors, comme sur terre entre Lyon et Langres ou entre Rome et Pouzzoles, ou sur la mer Intérieure entre Antioche et Alexandrie, c’est la pleine frénésie du mouvement mondial ; et l’on voit passer lés services publics, les soldats, la poste, les empereurs, et toutes les marchandises et toutes les troupes d’hommes que les chefs et les armées de l’Empire entraînent à leur suite ; le commerce libre suit à son tour les mêmes sillages, pour profiter des avantages de mille sortes que l’État a ménagés sur son chemin favori. Il est même possible que les empereurs aient invité ou parfois obligé les voyageurs ou les transports à passer par Boulogne : il était assez dans leur pratique de concentrer le mouvement sur quelques points, pour le protéger ou le contrôler davantage[128]. Sur la Méditerranée occidentale, les temps ont bien changé depuis les luttes entre Carthage et Marseille. La paix romaine amena sur ses rives et sur ses eaux plus de silence que de travail. Arles et Narbonne centralisaient tout le trafic maritime, Fréjus fut un port de guerre, à l’existence d’ailleurs médiocre et courte. Quant à la colonie de Phocée, César lui a fait subir le même châtiment qu’aux cités d’Armorique, et la mer, sans lui être fermée, lui est devenue indifférente[129]. Si l’on veut mesurer exactement ce que Rome a donné et ce qu’elle a enlevé au monde ou à la Gaule, qu’on regarde, sur le golfe du Lion, Marseille inutile comme port, et c’était le plus merveilleux de l’Occident[130], et toute la vie maritime drainée vers les sites médiocres ou les bassins insuffisants d’Arles et de Narbonne[131]. Peu à peu, la Méditerranée oubliait les rapides élans et les glorieuses aventures des marines anciennes. D’Italie en Gaule et en Espagne, des voyageurs préfèrent maintenant les routes de terre ; il est rare que les empereurs prennent la mer pour venir au delà des Alpes : Claude l’a fait, mais il ne faisait rien comme les autres. La route de la Corniche et du Portus était devenue si commode qu’il fallait beaucoup de courage pour affronter le Mistral et le mal de mer. On laissait l’usage de la Méditerranée aux transports de marchandises, surtout à celles qui étaient destinées à Rome et pour lesquelles on n’exigeait aucune vitesse[132]. Car les habitudes de cabotage reprenaient, avec d’insupportables arrêts[133]. Certaines navigations se faisaient en une lenteur extraordinaire. Saint Paul, d’Asie à Rome, mit quatre mois au voyage, dont trois mois d’escale forcée dans l’île de Malte[134] : c’était le temps qu’il avait fallu jadis au Grec Pythéas pour se rendre de Marseille en Norvège[135]. IX. — DES TRANSPORTS EN COMMUN. L’Empire romain, en dépit de ses habitudes administratives, et peut-être précisément à cause d’elles, ignora l’art d’expédier les affaires. Les régions diverses du monde méditerranéen avaient beau ne plus former qu’un seul État : le cours de la vie générale et le règlement des intérêts naturels souffraient de lenteurs incroyables, qu’aurait aisément évitées une autorité plus réfléchie, moins routinière, moins encombrée de bureaux, moins absorbée en la jouissance de ses propres droits. Ce qui manquait à ces routes de mer, de rivière et de terre, c’était un système de transports en commun, pour les hommes et pour les marchandises, avec départs périodiques et prix convenus. Une pareille chose nous paraît fort simple[136], et on a le droit de s’étonner que la pensée n’en ait point surgi dans cet immense Empire, où les besoins et les richesses des hommes dépendaient à demi de voyages et de trafics, où un réseau de routes parfaites, contrôlées par une loi unique et souveraine, se prêtait à merveille à des mouvements réguliers d’échanges et de correspondances. Les empereurs installèrent bien une poste à chevaux, avec cavalerie de relais, bêtes de renfort, voitures, postillons et courriers. Ce fut une administration fort compliquée, avant bureaux centraux dans les métropoles de provinces, et partout chefs de services et employés de tout rang. Mais l’usage de cette poste était réservé aux fonctionnaires et aux messagers du prince[137]. Les particuliers n’attendaient rien, sur les routes, que de leur initiative ou d’un hasard heureux. Il arrivait souvent que l’État devait faire comme eux, guetter une occasion pour transporter ses hommes : quand il s’agit d’envoyer à Rome saint Paul, qui en avait appelé au tribunal de l’empereur, on profita du passage d’un navire alexandrin pour l’embarquer, lui et quelques codétenus, sous la garde d’un centurion[138]. Chacun s’ingéniait de son mieux pour organiser un voyage. Les plus riches trouvaient sans peine au départ voitures et chevaux, et des entreprises privées leur fournissaient en cours de route les relais utiles[139]. Les plus pauvres allaient à pied ou étaient pris en surcharge par un voiturier obligeant[140]. Beaucoup s’entendaient et louaient en commun les véhicules nécessaires[141]. Pour les marchandises, on procédait par groupages sur charrettes ou sur navires[142]. Pour les lettres, on s’en remettait à des complaisances, à moins qu’on ne pût se payer le luxe de messagers spéciaux ce qui était le cas des cités importantes, qui avaient leurs équipes de courriers[143]. L’existence de grandes confréries marchandes, de corporations de bateliers et de camionneurs, de puissantes maisons d’armement, remédiait dans une forte mesure au manque de services publics[144]. A Arles, les collèges des nautes de la mer[145] organisaient les échanges sur la Méditerranée ; à Lyon, ceux des nautes de la Saône et du Rhône se partageaient les transports sur les deux rivières ; les nautes parisiens de Lutèce s’occupaient de la Seine et sans doute aussi de ses affluents Car ces différentes sociétés s’étaient réparti entre elles les grandes routes de la Gaule, routes de terre comme de rivières, de, façon à ne point se faire concurrence et à assurer plus rapidement, d’une province à l’autre, le transit des marchandises. Ce vocable de nautes n’indique en réalité qu’une partie de leur activité. Les nautes se chargeaient, le cas échéant, des transports par terre : ceux de la Saône, par exemple, avaient dans leurs attributions un service de charroi ou de portage par les seuils de la Bourgogne, entre les ports de la rivière et ceux de la Loire ou de la Seine. Très riches, possédant des immeubles, des navires et des entrepôts, composées de noms connus et estimés, ces sociétés ou ces maisons offraient au commerce les garanties désirables d’exactitude et de sûreté. L’État et les villes leur accordaient certains privilèges. En échange, les administrations s’adressaient à elles pour le transport des matériaux ou des marchandises destinés aux services publics. Les nautes, à Lyon et à Arles, sont de vraies puissances, à peine inférieures aux corps municipaux, ce qui est aujourd’hui la situation des chambres de commerce à Lyon, à Bordeaux ou à Marseille ; et l’empereur Tibère lui-même ne dédaigna pas d’admettre un jour en sa présence les délégués des nautes de Paris[146]. Les routes de la Gaule avaient en eux, au-dessous de l’empereur, leurs maîtres locaux ; et telle fut l’importance de ces routes, l’activité de leur vie, que ces maîtres, patrons de rouliers ou armateurs de navires, devinrent, dans les villes et les campagnes, des manières de grands seigneurs. On leur dressait des statues, ils distribuaient des présents au peuple[147]. Ils étaient, en Occident, les images réduites de ces riches citoyens de Palmyre, chefs de caravanes au désert, qui firent en Orient figure et fonction de rois[148]. |
[1] Caligula ; Claude ; le retour des soldats de Bretagne en 69 ; Hadrien ; Albinus ; Septime Sévère ; Tetricus et Aurélien ; etc. — De là, l’importance que prit sur cette route le pont de Châlons sur la Marne, à mi-chemin entre les Alpes et l’Océan. — Il ne faut d’ailleurs pas oublier que cette route fut une de celles que prenaient jadis les caravanes de l’étain et des marchands italiens ou marseillais. — Ajoutez le trajet de Germanie en Bretagne et inversement par Cologne et Bavai ou par Mayence, Trèves et Reims.
[2] Cf. la route de Septime Sévère.
[3] Sans doute Agrippa, Drusus, etc., et tous les empereurs qui ont séjourné à Lyon.
[4] Ou le Somport. Je suppose le passage d’Auguste par Roncevaux en 24 ou 25 av. J.-C., à cause des affaires des Cantabres.
[5] Hadrien ; sans doute Auguste.
[6] Ajoutez l’attraction de Tarragone, la grande ville impériale de l’Espagne. — Quand on regarde sur la carte le réseau des routes italiennes, on s’aperçoit aussitôt des motifs qui ont fait construire par Auguste, en 13-12 av. J.-C., la fameuse via Julia Augusta, de Plaisance à Nice par le col de Cadibone (C. I. L., V, p. 953 et s.) : cette route, qui continuait une route venant de Vérone, servait aux communications rapides entre le Danube (soit par la voie d’Aquilée, soit par celle de Trente), la Gaule du Midi et l’Espagne.
[7] Tome VI, ch. VI.
[8] Outre les proconsuls, Pollion en 43, Galba et ses courriers, et sans doute Auguste et Hadrien.
[9] Voyez les séjours à Lyon d’empereurs ou de prétendants à l’Empire. — Lyon comme carrefour d’Empire était doublé : 1° par Chalon, où la route de Lyon à Langres vers Boulogne d’un côté et vers le Rhin inférieur de l’autre se détachait de la route directe de Lyon vers le Rhin supérieur par Besançon, sans parler de la route de la Seine par Autun, laquelle servait aussi à la direction de Boulogne ; ajoutez la lin habituelle de la navigation sur la Saône ; 2° par Langres, où se croisaient cinq très bonnes voies : celle venant de Lyon, celle partant pour Boulogne, celle partant pour Cologne et le Rhin, celle du Grand Saint-Bernard par Besançon, celle du Petit Saint-Bernard par Genève.
[10] Cf. Dion Cassius, XLIV, 42, 3-5. Voir ici tout le ch. VII.
[11] Écrit avant août 1914.
[12] Vagus in orbe, assidue toto circu[mferor orbe], dit un Gallo-Romain de Bordeaux ; C. I. L., XIII, 581.
[13] Cf. Strabon, IV, 1, 5 ; 2, 1 et 3 ; Dion, XLIV, 42, 3-5 ; C. I. L., XIII, 38, 1550 ; etc.
[14] XIII, 1131 (Poitiers), 1821 (Lyon).
[15] Monument élevé à Vaison en vertu d’un oracle de Bélus à Apamée de Syrie (peut-être l’oracle en faveur de Septime Sévère, Dion, LXXVIII, 8, 6), C. I. L., XII, 1277 ; vires excepit et a Vaticano transtulit, dédicace taurobolique à Lyon, XIII, 1751 ; voyez inversement, à Bordeaux, un habitant du pays qui s’en va consulter la sibylle de Tibur (XIII, 581).
[16] XIII, 1522 : groupe de pèlerins au puy de Dôme. Il y aurait une étude à faire sur les chemins de pèlerinages, par exemple au Donon ou au Puy-de-Dôme. — Dans le même ordre d’idées, rappelons les voyages des délégués et des dévots aux autels provinciaux de Rome et d’Auguste, voyages qui devaient entraîner d’assez grands déplacements d’hommes, vu les fêtes qui s’y donnaient, les dépenses qui s’y faisaient.
[17] XIII, 1499 ; 1498 (un Arlésien). La presque totalité des inscriptions et monuments de Vichy (XIII, 1495-1502) doivent venir de baigneurs.
[18] XIII, 352 (un Ségusiave), 356 (un Butène).
[19] Ammien, XV, 10, 3-6. Et déjà les gens du pays racontaient d’étranges histoires aux voyageurs. Ainsi, à propos du culte d’une Matrona à la source de la Durance, au mont Genèvre, on dit à Ammien que c’était une noble matrone romaine morte là par accident. On devait également montrer des pas d’Hannibal, des pas d’Hercule, des camps de César (Sidoine Apollinaire, Epist., II, 14, I). —Sur les voyages d’étudiants à Marseille et à Autun, t. VI, ch. II, V et VI.
[20] Cf. Pline, XXXIV, 45.
[21] Monument élevé Nymphis Griselicis par la femme du consulaire Vitrasius Pollion (XII, 361).
[22] Monument élevé Ignibus Æternis par un préfet du prétoire entre 269 et 273 (XII, 1551). — Dans les Alpes Cottiennes, on montrait des sources d’eau mortelle, item Alpibus ira Co[tti]i regno est aqua ex qua qui gustant statim concidunt (Vitruve, VIII, 3, 17) : ce qui d’ailleurs, comme me l’indique M. Ferrand, ne doit être que propos et divagations de guides.
[23] Mela, III, 22. C’est sans doute à cet effet que Sabinus, l’interlocuteur de Lucien (Apol., 15), est allé en Gaule.
[24] Mela, II, 78.
[25] Mela, II, 82-3 ; Pline, LX, 29 et s.
[26] On a dû certainement chercher aux caps ou baies du Finistère le lieu où Ulysse évoqua les morts (Odyssée, XI, 11 et s.) : Est locus, extremum pandit qua Gallia littus Oceani prætentus aquis, ubi fertur Ulysses, etc. (Claudien, In Ruf., I, 123-4). Et c’est sans aucun doute aux mêmes sites que fait allusion Procope, lorsqu’il parle des nautoniers des âmes sur le rivage de l’Armorique ; De Bello Gothico, IV, 20.
[27] Plutarque, De def. or., 18.
[28] C. I. L., XII, 155, à Saint-Maurice en Valais : Rome defuncti... pater infelix corpus ejus deportatum hic condidit ; XII, 118 ; XIII. 2181, à Lyon : Corpus ab Urbe [Rome] adferri curaverunt. Char funéraire ?
[29] Cela résulte de la présence des tombes le long des chemins. — C’est une question, si Arles, Saint-Gilles, Bordeaux, etc., n’ont pas eu dès l’époque païenne des cimetières particulièrement vénérés où l’on désirât se faire ensevelir.
[30] Mirum in hac alite a Morinis usque Romam [par la route de Bretagne] pedibus venire ; Pline, X, 53 : Pline est un témoin oculaire.
[31] Voyez à Amiens le monument élevé par des soldats de l’armée de Germanie euntes [ad] expedi[tionem] Britanicam (XIII, 3496).
[32] Courriers d’État (XII, 4449) ; provinciaux (aucun texte) ; municipaux.
[33] C. I. L., VI, 5197.
[34] Voyages d’Auguste, de Caligula, de Claude, de Galba, de Vitellius, de Domitien, de Trajan, d’Hadrien, d’Albinus, de Septime et de Caracalla, d’Alexandre et de Maximin, de Gallien, des empereurs gallo-romains, d’Aurélien, de Probus. On voit donc que, sauf de 122 à 197 (Antonin, Marc-Aurèle, Commode), à peu près chaque génération a vu au moins un voyage d’empereur. Je laisse de côté les séjours des princes, Agrippa, Drusus, Germanicus, etc.
[35] Je pense à l’expression de Tacite à propos du passage de Vitellius à Lyon (Hist., II, 62), strepentibus ab utroque mari itineribus, où il s’agit surtout de la route de Bretagne à Rome par Lyon.
[36] Tome I, ch. VIII.
[37] Venant surtout de Lyon ; C. I. L., II, 6254, 26 [?] ; 2912.
[38] Bull. arch., 1916, p. 87 (épitaphe d’une Viennoise, morte à Volubilis en Maroc, où elle a accompagné son mari, officier, sans doute aussi d’origine viennoise). — Voyage de Narbonne en Afrique. — C’est en Afrique, à la différence des temps actuels, que les gens de Gaule paraissent avoir le moins été.
[39] De Lyon (?), VII, 1334, I et 14 ; de Trèves, XIII, 634 ; VII, 36 ; de Metz, VII, 55 ; Carnute, Eph. épigr., IX, 995. Mercatores Gallicani, sans doute surtout à Londres.
[40] A Rome : Dion, LVI, 23, 4 (en général) ; avocats gallo-romains à Rome ; C. I. L., XII, 155 (de Saint-Maurice) ; VI, 29688 (Viennois) ; 29718 (Nîmois) ; 29709 et 20722 (Lyonnais) ; VI, 11090 (Morvinnicus, Æduus) ; VI, 3302 (Helvète) ; 15493 (Ambien) ; 29692 (Morin). A Bologne, XI, 716 (Carnute). En Cisalpine, XIII, 2029 (Trévire) ; à Milan, et Médiomatrique negociator sagarius (V, 5929). En route, au Grand Saint-Bernard : V, 6887 (tabellarius coloniæ Sequanorum) ; Notizie degli Scavi, 1889, p. 234 (Mediomatricus ?) ; V, 6885 (Ambien), Rome et la Cisalpine paraissent les deux centres de colons gaulois.
[41] Trévires : III, 5797, 5901, 4153. 4400, 5014 ; Ambien : 7415 ; Gabale : 9752. Et voyez l’installation de Gaulois dans les Champs Décumates, t. IV.
[42] Inscription de Mothana en Syrien datée de 342 : Γάλλιξ... 'Ρατομάγου (Rouen) ; Waddington, 2036.
[43] Tome I, ch. VIII, en particulier § 10.
[44] Sauf exceptions : voyez chez Ammien (XVIII, 6, 10, à la date de 359) l’histoire de ce cavalier, originaire de Paris, qui déserta en Perse et s’y maria.
[45] En 360 (Ammien, XX, 4, 10) : Nos quidem ad orbis terrarum extrema ut noxii pellimur et damnati, cantates vero nostræ Alamannis denuo servient.
[46] Quoniam dulcedo vos patriæ retinet, et insueta peregrinaque metuitis loca ; Ammien, XX, 4, 16.
[47] Ce sont d’ailleurs les Belges qui fournissent aussi le plus de soldats.
[48] A Bordeaux (XIII, 623), faber ; un médecin à Autun (XIII, 2674) ; à Sens (XIII, 2954) ; à Trèves (XIII, 3656) ; chez les Lingons (XIII, 5919 ? ?) ; dans les régions du Rhin (XIII, 6394, 6460, 7007, 7369). Un sagarius de Metz à Milan (V, 5929).
[49] A Saint-Bertrand-de-Comminges (XIII, 233) ; à Eauze (XIII, 542), vestiarius ; Bordeaux (XIII, 633 ; 634, negotiator Britannicianus ; 635) ; à Lyon (XIII, 1911, 1949, 1988, 2012, 2027, 2029 ; 2032, negotiator corporis Cisalpinorum et Transalpinorum ; 2033, negotiator vinarius et artis cretariæ) : à Autun et dans le pays éduen (XIII, 2669, 2S39) ; à Sens (XIII, 2956, copo) ; en Germanie (XIII, 7412) ; en Bretagne ; dans les régions du Danube.
[50] A Bordeaux (XIII, 607) ; en Italie. Bellovaques à Bordeaux (XIII, 611) ; à Vienne (XII, 1922). Gens du Vermandois à Lyon (XII, 1688) ; en Auvergne (XIII, 1465) ; à Cologne (XIII, 8341-2).
[51] A Bordeaux (XIII, 628) ; à Saintes (XIII, 1035, 1091) ; à Lyon (XIII, 2008, sagarius) ; à Bonn (XIII, 8104, argentarius) ; à Rindern les Rèmes forment sous Néron une colonie assez importante pour avoir son temple à Mars Camulus (cives Remi qui templum constituerunt, XIII, 8701).
[52] A Bordeaux (XIII, 631) ; à Lyon (XIII, 1990, 1991, 1983 ; 2023, negotiator artis prossariæ).
[53] Pour ces trois groupes : Morins à Nimègue (XIII, 8727) et à Rome ; Nerviens à Cologne (XIII, 8338, negotiator pistorius ; 8339, 8340), à Nimègue (XIII, 8725, negotiator frumentarius), à Saintes (XIII, 1056, manupretiarius barrarius ?) : Tongres en nombre à Vechten (XIII, 8815) ; Ménapes à Bordeaux (XIII, 624).
[54] Les déplacements de Gaulois en Gaule, autres que ceux de Belgique, ne sont que des faits isolés. Ils se produisent surtout vers les deux villes de commerce de Lyon et de Bordeaux.
[55] Je néglige les Viennois établis à Lyon (XIII, 1988) ou à Bordeaux (XIII, 636-7) : ce sont eux d’ailleurs, semble-t-il, qui, en Narbonnaise, ont le plus de tendance à se déplacer.
[56] Cf. tome VI, ch. VII.
[57] Cf. tome VI, ch. V.
[58] Cf. tome VI, ch. I.
[59] Note suivante.
[60] Nuntinibus Augustorum et deæ Minervæ, Esp., n° 2996 ; le sanctuaire frontière d’Yzeures est sans aucun doute un vieux sanctuaire local.
[61] Tome VI, ch. IV.
[62] Peut-être aussi pour les armateurs d’Arles, en tout cas pour des gens de cette ville : C. I. L., XII, 1316-8. — Tessères d’invitation à des jeux locaux ? XIII, III, 10029, p. 768 et s.
[63] Eusèbe, V, 1, 47.
[64] Tome VI, ch. VII.
[65] Cf. César, De b. G., IV, 5.
[66] Tacite, Annales, XIV, 17. Ou dans les théâtres, Suétone, Tibère, 37. De là, probablement, la surveillance exercée par l’État sur ces sortes d’édifices (Digeste, L, 10, 3).
[67] Cf. à Paris en 360, Ammien, XX, 9, 6-7 ; à Autun en 350, Zosime, II, 42, 6-7.
[68] 8000 kilogr. ; Bazin, Nîmes gallo-romain, p. 102 ; les pierres de 2 à 3 mètres cubes y sont communément employées (Grangent, Descr., p. 65).
[69] Voyez à Bordeaux le bas-relief dit des dendrophores (Esp., n° 1096).
[70] Ne nutent sola, dit Stace, IV, 3, 45.
[71] Carpenta, Ammien, XV, 10, 4 ; etc. Très nombreuses figurations sur les monuments funéraires, et peut-être même est-ce la scène de la vie courante qui est le plus. représentée (Espérandieu, n° 4, tombe d’un mulio, 618, 857, 3175, 3232, 3521, 3522 ; VI, p. 419, monument d’Igel ; etc.) : ce sont d’ordinaire des chars de transport à quatre roues, attelés de deux chevaux, mulets ou même bœufs, le conducteur tantôt debout à côté, tantôt assis sur le devant. — Comme type particulier, chariot de vendange à forme évasée (Esp., n° 1766).
[72] Cf. note précédente.
[73] Peut-être Esp., n° 4043, 4044, 4083, 4157, 4207 ; id., VI, p. 451 (Igel) ; etc. : toutes celles-ci, d’ordinaire à deux chevaux ; quelques-unes aux coffres paraissant en osier tressé, rappellent nos paniers. Ce sont des variétés de cisium (cf. les deux notes suivantes). — La plupart de ces représentations doivent s’expliquer par une allusion à la vie du défunt, fermier ou petit propriétaire faisant ses courses.
[74] Voyez les voitures de transport légères à deux roues et un cheval, n° 4031, 4041, 4321, 2770 (celle-ci avec double capote) ; lit aussi on trouve la forme du panier.
[75] Autre variété de cisium : n° 4102, deux roues et quatre chevaux ; cisio trijugi, à trois chevaux (Ausone, Ép., 8, 6).
[76] Petorritum traîné par des mules rapides ; Ausone, Ép., 8, 5 : 14, 15-6. Cf. la reda des temps celtiques.
[77] Vel colaramn mannurn vel raptum tonga versadum (Ausone, Ép., 8, 7).
[78] Ce qui précède est supposé d’après l’ensemble des renseignements sur l’Empire ; cf. Dict. des Ant., Malus, p. 2020-1.
[79] On trouve la réplique du fait sur les tombes.
[80] L’obélisque d’Arles, 15 m. 26 de hauteur, a dû être transporté d’Égypte par eau.
[81] Encore avons-nous remarqué que ces postes n’ont pas été permanents, et qu’il n’est pas prouvé qu’ils aient réellement fait fonction de police ou de gendarmerie ; le texte de Suétone, Tibère, 37, rend cependant la chose vraisemblable.
[82] Voyez les brigandages sous Commode, et peut-être aussi sous Marc-Aurèle et sous Antonin.
[83] Inscription de Lyon (XIII, 2282) : a latronibus interfecto ; autres morts de ce genre, XIII, 3689, 6129 ; même un soldat (Autun, XIII, 2667).
[84] Sauf sous Commode, et sans parler des temps troublés du IIIe siècle.
[85] Cf. Marquardt, Privatleben, p. 165.
[86] Dion Cassius, LXXVI, 10 ; Suétone, Tibère, 37.
[87] Je répète que tout cela a changé depuis Marc-Aurèle.
[88] Sauf exceptions, la diagonale des territoires municipaux dépasse 25 milles, et de beaucoup. Je ne peux croire un seul instant que la question des droits à payer ait pu entraver la circulation. Dans certains cas, l’État permettait sans doute de ne dédouaner qu’au lieu de destination (à Lyon).
[89] Sidoine, Ép., VIII, 12, 1 (sur la route de Bazas à Bordeaux, lorsque soufflait le vent du sud, Bigerriens turbo).
[90] Ajoutez, pour protéger la route, les précautions extrêmement nombreuses prises par l’État contre les empiétements des particuliers, les dégradations du fait des riverains, etc. ; Digeste, XLIII, 7 et 3.
[91] Constatations faites sur la route du col de Roncevaux (Colas, p. 18-9) et ailleurs.
[92] Voyez le voyage de Sidoine (Ép., 1, 5) : facilis ascensus.... cavatis in callem nivibus. Traversée des Alpes en mars. Ennodius, Vita Epiphani, p. 369, Hartel.
[93] Au Grand Saint-Bernard, le temple de Jupiter Pœninus, C. I. L., V, 6863 et s. ; cf. en dernier lieu l’article Pœninus dans le Lexikon de Roscher (Ihm). Au Petit Saint-Bernard, Pétrone, Sat., 122, 146. Il est vrai qu’il n’est pas dit nettement que ces lieux sacrés pouvaient servir d’hôtels ou d’abris : mais cela me parait aller de soi ; il fallait bien remiser les attelages et abriter les cantonniers chargés d’ouvrir les chemins de neige.
[94] Ammien, XV, 10, 5, locorum callidi.
[95] Attelages de bœufs pour ralentir la descente : pleraque vechicula vastis funibus inligata pone cohibente virorum vel boum nisa valido (Ammien, XV, 10, 4).
[96] Eminentes ligneos stilos per cautiora loca defigunt (Ammien, XV, 10, 4).
[97] Et peut-être même plus vite. Je parle des courriers à cheval, et non des crieurs de messages, qui envoyaient d’ailleurs les nouvelles à une vitesse, soit de 13 à 14 kil, par heure, soit même de près de 20 kil.
[98] Claude en 43, d’Arles à Chalon ? ; Vitellius en 69, de Chalon à Lyon.
[99] Dion Cassius en rappelle l’importance, XLIV, 42, 4.
[100] Sans doute à fond plat (cf. note suivante). C’est à eux que je rapporte les stlattæ d’Ausone sur la Garonne et le Tarn (Epist., 22, 31) et de la mosaïque d’Althiburus, et les pontonia d’Isidore (Orig., XIX, I, 24) ; peut-être aussi les planæ carinis de Germanicus sur le Rhin (Tacite, Ann., II, 6).
[101] Helciarii, sur la Seine à Lyon (Sidoine, Epist., II, 10, 4) : sur la Moselle, Ausone, Mos., 41-2, où je laisse malorum au lieu de la correction mulorum (si on l’acceptait, ce serait le halage par bêtes de somme, et non à bras d’hommes, ce qui était du reste aussi en usage : Horace, Sat., I, 5, 19) ; monument de Cabrières-d’Aigues, halage sur la Durance vers Cavaillon (Bonnard, p. 241) ; monument d’Igel, sur la Moselle (Esp., VI, p. 455) ; autre, sur la Moselle (Esp., VI, p. 340 : voyez l’attache de la corde au mât). — Ausone (Mos., 47) semble parler de chemins de halage pavés.
[102] Ce sont les pontones de César (De b. c., III, 29, 3), quod est genus navum Gallicarum ; César les appelle ailleurs naves onerariæ (id., 40, 5). C’est également à ce genre que la mosaïque d’Althihurus applique le mot de ponto, dont le sens s’est déplacé plus tard. Cf. aussi les grands navires de transport pour hommes, chevaux et vivres, navires pontés, construits par Germanicus sur le Rhin, et, de même, les naves angustæ pappi proraque et lato utero, les uns et les autres destinés à naviguer aussi sur la mer (du Nord, Tacite, Ann., II, 6), comme, je crois, ceux du Rhône dont parle Ammien. Sur le Rhône, grandissimas naves, ventorum difflata jactati sæpius adsuetas, Ammien, XV, II, 18. Espérandieu, n° 5261 (sur la Moselle ?).
[103] Monument de Blussus à Mayence, sur le Rhin (Bonnard, p. 147 ; C. I. L., XIII, 7067) ; barques de Neumagen, chargées de barriques, sur la Moselle (Esp., n° 5184, 5193, 519S) ; etc. Il ne serait pas impossible qu’elles eussent un mât et pussent aller aussi à la voile. C’est à ce groupe qu’Ausone semble appliquer (en Garonne) le mot acatus (var. acatia, acatium ; Epist., 21, 31).
[104] Lembus caudiceus, Ausone, Mos., 197 ; cf. Tite-Live, XXI, 20, 9 (sur le bas Rhône). Peut-être le bateau à pagaie, Bonnard, p. 143 ; Déchelette, Manuel, I, p. 542-3 (beaucoup de pirogues citées peuvent être romaines).
[105] Il est certain qu’on embarquait souvent des troupes à Chalon, par exemple lors de l’expédition de Constantin coutre Maximien en 308 : l’armée se rend du Rhin à Chalon, et s’y embarque pour Arles (Panégyrique de Constantin, Pan. Lat., VII (VI), 18). Cf., sur le Rhin, les vaisseaux de transport, sans doute de troupes, à deux gouvernails ; Tacite, Ann., II, 6. — Les phaseli d’Ausone doivent être de légers vaisseaux de transport pour marchandises (Epist., 22, 31).
[106] Cursoria au féminin ; Sidoine, Ép., I, 5 (sur le Pô) ; Ausone, Ép., 2, 5-10 (sur la Moselle). Cf. les vegetiæ (mot rectifié : Aulu-Gelle, X. 25, 5 ; mosaïque d’Althiburus) ; vegetorum, genus fluvialium navium aput Gallos, C. gl. L., IV. p. 191 ; V, p. 518, 613.
[107] Exercices de canotage sur la Moselle, Ausone, Mos., 200 et s. (lembi remipedes).
[108] Les listres sont des barques ordinaires servant aux transports à petite distance, ou aux passages ; Ausone, Ép., 22, 31 (Garonne) ; César, De b. G., VII, 60, 4 (Paris) ; I, 12, 1 (Mâcon).
[109] Je me demande si le mot geseoreta chez Aulu-Gelle (X, 25, 5) n’est pas le nom gaulois d’un bateau de passage, le radical de ce mot se retrouvant dans les noms de deux ports de la Gaule, Gesoriacum, Boulogne, et Gesocribate.
[110] Ratis, sur la Garonne et le Tarn ; Ausone, Ép., 22, 31.
[111] Cf. Sidoine, Ép., VIII, 12, 5. Il faut rappeler à ce propos le goût des Gallo-romains pour les villas riveraines des cours d’eau.
[112] Ratis peut d’ailleurs signifier aussi un bac ou bateau plat à rames pour eaux très peu profondes.
[113] Cf. le monument de Blussus. — La batellerie remontait l’Aar et les lacs suisses.
[114] C., XIII, 6712, 6714 (navalia). — Il y a peut-être une flottille sur le lac de Constance avant 300. — Le port et la station militaires d’Altripp près de Spire ne sont mentionnés que sous le Bas Empire (C. I. L., XIII, II, p. 175 ; Bœcking, Not., p. 966).
[115] Point certain (XIII, II, 7681 ; cf. ibid., p. 489). — On a tort de placer une station à Brohl : les soldats de la flotte n’y sont venus que pour y travailler aux carrières.
[116] A Alteburg près de Cologne : c’est, je crois, le vrai centre de la classis Germanica (XIII, II, p. 506). — Il n’est pas sûr que le camp naval de Bonn ait été maintenu.
[117] Douteux ; cependant l’importance des constructions (navalia ?) donne le droit de supposer une station navale à Nimègue. — Stations terminales vers la mer : à Voorburg près de La Haye, sur le canal de Corbulon (XIII, II, p. 637), à Katwyk sur la mer, port du Vieux Rhin (XIII, II, p. 641), au grand port commercial de Vechten.
[118] Nautæ Mosallici à Metz, XIII, 4335.
[119] C. I. L., XIII, 3026.
[120] Il n’est pas inutile de rappeler que César signale des embarcations sur la Loire à Nevers (VII, 55, 8).
[121] Le port, vicus Portus (C. I. L., XIII, 3105-7), me parait être le quartier du port, en aval de la ligne du Canal (Mattre, Géogr.... de la Loire-Inf., 1893, p. 381, préfère en amont, au port Maillard ou à Richebourg), la ville de Nantes proprement dite restant bâtie sur la partie haute, là où s’élèvera la ville murée du Bas Empire, au confluent de l’Erdre, et sous le nom de Condeviens = vicus du confluent (Ptolémée, II, 8, 8). Portu(s) Naamnetu(m), Table, 1, 2, désigne Nantes.
[122] A Nantes, nautæ Ligerici, associés au vicus du port dans une dédicace religieuse (XIII, 3103).
[123] Les scènes où interviennent des embarcations paraissent purement mythologiques (Esp., n° 1103, 1100), très différentes des représentations réalistes que nous avons trouvées en si grand nombre sur la Moselle.
[124] Port-d’Albret est aujourd’hui Vieux-Boucau.
[125] Cf. de La Borderie, Histoire de Bretagne, I, p. 84 et s., p. 150 et s.
[126] Voyez la pauvreté de l’Armorique, de la Normandie, et en général de tout le rivage de l’Océan, en sculptures, ex-voto, dédicaces religieuses, etc. (Espérandieu, IV, p. 153 et s.).
[127] Je dis Douvres (Dubra au pluriel), mais le grand port militaire et sans doute commercial de la Bretagne fut longtemps Rutapiæ, l’ancêtre de Sandwich. Les itinéraires disent a Gessorieco... Ritupis, et comptent assez exactement 430 stades (56 milles 1/4, soit un peu plus de 84 kilomètres). L’importance de ce port était telle que tout ce rivage breton porta le nom de littora Rutupina (Lucain, VI, 67 ; Juvénal, IV, 141). Le port de Rutupiæ servait aussi aux voyageurs d’Espagne : Excipit ex Gallia vel Hispaniis navigantes (Comm. Bern., p. 193, Usener) : ce qui montre que Sandwich a dû être fixé comme Boulogne pour port de débarquement. Le port de Sandwich a dû être préféré comme plus à proximité des ports du Rhin.
[128] Du moins dans certaines circonstances, ce qu’on peut supposer à la rigueur d’après Ammien, XX, 9, 9 (à Boulogne, ne quisquam fretum transire permitteretur).
[129] Claude, cependant, a débarqué à Marseille.
[130] L’Itinéraire maritime, parti de Rome, aboutit à Arles et non à Marseille (p. 507, W.). Un navire de charge, parti d’Alexandrie à destination de Narbonne, fait escale à Marseille où il arrive après 30 jours ; Sulpice Sévère, Dial., I, 1, 3.
[131] A nous en tenir aux textes relatifs à la navigation, on dirait qu’Arles concentrait surtout le fret avec l’Italie, en particulier celui qui résultait de l’annone, tandis que Narbonne avait des relations plus étendues avec l’Afrique, l’Égypte, la Sicile, également du reste avec l’Italie (on vient de découvrir à Ostie la mosaïque de la schola (?) des Narbonenses, sans aucun doute les navicularii ; Notizie degli scavi, 1916, p. 327). Il est d’ailleurs possible qu’il n’y ait là qu’une apparence. Les textes du Bas Empire décrivent dans les mêmes termes le commerce maritime universel de Narbonne (Afrique, Sicile, Espagne et Orient ; Ausone, Urbes, 123-6) et d’Arles (Orient, Assyrie, Arabie, Afrique, Espagne ; constitution de 418, Corpus legum, Hænel, p. 238 ; Expositio, dans les Geogr. Lat. minores, p. 122, Riese ; Lettres du pape Léon, 65, 3, Migne, P. L., LIV, c. 882). Mais pour Narbonne comme pour Arles, ce sont alors des développements tout faits.
[132] Les blés ou huiles embarqués à Arles ou à Narbonne.
[133] Voyez les Actes (note suivante), en particulier 28, 12 et s. : remarquez qu’il s’agit d’un transport à demi public, de 276 personnes, avec cargaison de blé et prisonniers d’Etat sous la garde d’un centurion (27, 1 ; 28, 16). Il faut 30 jours d’Alexandrie à Narbonne. De Narbonne, un navire de commerce va en 4 ou 5 jours droit en Afrique [il ne s’agit pas de Carthage, mais probablement de Bizerte, Hippo Diarrhytus, ou même de Bône, Hippo Regius], mais s’y arrête, semble-t-il, 15 jours, et repart pour arriver à Alexandrie après avoir mis 7 jours depuis la Cyrénaïque (Sulpice Sévère, Dial., 1, 3, 1). Cette lenteur fait comprendre que l’Itinéraire maritime, de Rome à Arles, compte les distances entre les plus petits ports, au total 59 traites, dont quelques-unes n’ont pas 4 milles (p. 503 et s., W.). — Toutefois, oit savait, le cas échéant, accomplir à la voile de très rapides traversées, et rappelant les prouesses maritimes des anciens Grecs, par exemple aller en 3 jours d’Ostie en Provence, 4 d’Ostie en Espagne, 2 d’Ostie en Afrique (Pline, XIX, 4). Encore au IVe siècle, on ne parle que de 4 à 5 jours de Narbonne en Tunisie, il est vrai adeo prospera navigatio. Tous ces chiffres représentent une vitesse de 123 à 150 milles, 1000 à 1200 stades, par 24 heures, laquelle correspond à la vitesse des anciennes navigations helléniques.
[134] On ne navigue pas pendant l’hiver et on cherche un bon port pour y passer la mauvaise saison, Actes, 27-28, en particulier 27, 12 ; 28, 11.
[135] Y compris le périple de la Bretagne.
[136] Songeons que les Marseillais la connurent au temps des Croisades et qu’ils avaient imaginé de véritables paquebots à transporter les pèlerins en Terre Sainte, avec prix fixes et quatre classes de passagers (de La Roncière, Hist. de la marine française, 2e éd., I, 1909, p. 276 et s.).
[137] Peut-être aussi, sur autorisation, à des délégués des conseils provinciaux ou des sénats de cités.
[138] Actes, 27, 6 ; 28, 11. C’est surtout la flotte commerciale d’Alexandrie qui rendait ces services. Il devait y avoir un droit de réquisition de l’État.
[139] Cf. Marquardt, Privatleben, p. 148 ; Friedlænder, II, p. 36 et s.
[140] Supposé d’après ce qui s’est toujours fait.
[141] Supposé d’après les usages de l’ancienne France.
[142] Le groupage semble résulter de l’existence d’un collège lyonnais dit de negotiatores Cisalpini et Transalpini, lesquels devaient réunir des marchandises de toutes sortes pour divers clients ; C. I. L., XIII, 2029, V, 5911.
[143] Tabellarius coloniæ Sequanorum, C. I. L., V, 6887 ; tabellarius à Narbonne, XII, 4512 ; à Lyon, XIII, 1989 ; à Metz, XIII, 4313. II est possible que les plus riches familles aient eu leurs tabellarii : Labienus avait les siens pendant les campagnes des Gaules (Cicéron, Ad Quintum, III, 8). S. Cf. Hirschfeld, Verw., 2e éd., p. 200 et s.
[144] A Narbonne, il n’y a pas trace, jusqu’ici, de sociétés de navicularii maritimes, ce qui n’empêche pas les navicularii de Narbonne, Narbonenses, d’avoir en fait à Ostie leur lieu de réunion ou leur local d’affaires. De toutes manières, un navicularius de Narbonne n’en est pas moins un très grand personnage. Héron de Villefosse a montré (Deux armateurs, etc., dans Mém. Ant. Fr., 1914, LXXIV) que les Narbonnais P. Olitius Apollonius, navicularius (XII, 4400), et Sex. Fadius Secundus (XII, 4393), auxquels on élève des monuments, expédiaient à Rome des amphores d’huile marquées à leurs noms (XV, 3974-5, 3863-73), huile sans doute achetée par eux chez le producteur. Ils étaient donc à la fois négociants, expéditionnaires et armateurs. — Autres possibles, de Villefosse, ibid., p. 176 et s.
[145] Bien que la langue officielle réservât l’expression de nautæ pour les armateurs et patrons fluviaux, de navicularii pour les armateurs maritimes, je ne crois pas à la moindre différence de rang ou de condition entre les uns et les autres.
[146] Monument des nautæ Parisiaci, XIII, 3026.
[147] C. I. L., XIII, 1954, 1911 ; XII, 4406, 4393.
[148] Cf. Mommsen, Rœm. G., V, p. 428-9 et 434.