I. — LA GAULE TRIOMPHE AVEC GALBA[2]. De toutes les contrées de l’Empire, la Gaule avait été la première à se soulever contre Néron. C’est chez elle que la vie provinciale, les pensées et les passions communes se trouvaient le plus fortes. Et cela résultait à la fois des œuvres de Rome, religion du Confluent ou routes d’Agrippa, et de l’héritage laissé dans les âmes par les siècles de l’indépendance ou les empires de Luern et de Vercingétorix. Il est vrai que les Gaulois ne menacèrent point Rome, mais Néron. Cependant, ils portèrent à la majesté de l’Empire un coup plus rude que s’ils avaient voulu la liberté, et non pas un nouveau prince. Ils firent apparaître pour la première fois le droit des provinces à choisir le maître du monde ; ils ravirent ce droit au sénat, au peuple et à l’armée, aux représentants de la cité souveraine ; ils ouvrirent la première brèche dans les murailles sacrées de la ville. Ce fut alors une stupeur, a dit un contemporain, que de voir divulgué le vice secret de l’Empire, que Rome ne serait plus seule à faire les empereurs[3]. On eut beau étouffer très vite la révolte : le mal était fait. Après les provinces, ce sont les armées qui entrent en scène. Celle d’Espagne, d’accord avec les indigènes, proclame à son tour Galba[4] ; la garnison de Rome l’accepte ; Néron disparaît[5]. Et le nouvel empereur traverse la Narbonnaise pour prendre possession de l’Empire[6]. Même vaincue devant Besançon, la Gaule l’emportait donc[7]. Galba lui était cher[8]. Il devait aux Celtes d’avoir lancé son nom dans le monde, au coq gaulois de l’avoir annoncé le premier, comme on eût dit à Rome en jouant sur le mot gallus[9]. Il ne fut point ingrat à leur endroit. Le chiffre du tribut fut diminué, le droit de cité largement distribué[10]. Des familles d’indigènes prirent le nom de Sulpicius[11], qui était celui de la gens impériale. Les Gaulois se crurent revenus aux temps de Claude et de Caligula, où ils avaient un empereur à leur dévotion. II. — L’ARMÉE DU RHIN PROCLAME VITELLIUS. Mais les faveurs accordées aux Gaulois irritèrent les autres peuples. Galba, vieux, rancunier, mal conseillé[12], fit tout pour attiser les jalousies. En Gaule, les cités du Nord-Est, Langres, Trèves, Lyon, s’étaient détournées de Vindex : voisines des garnisons, peuplées de retraités et de fournisseurs, attachées aux légions par mille liens d’intérêts et d’habitudes[13], elles avaient suivi leur parti et leur chef. Galba se vengea sottement en promulguant contre elles des édits outrageants[14], en leur enlevant une partie de leur territoire[15]. Ce fut au profit de peuples voisins, Éduens, Séquanes ou autres[16]. De là, entre les deux portions de la Gaule, des colères, des trahisons, le besoin d’en venir aux mains, toutes les vilaines choses du passé. Et Trévires et Lingons, comme les Éduens au temps de César, supplièrent les soldats de venger leurs injures[17]. Les légions de Germanie n’attendaient qu’une occasion pour se montrer dans l’intérieur de l’Empire. Depuis la mort de Claude, elles avaient perdu tout espoir de butin et de gloire à la frontière. La faiblesse de la Germanie était telle, qu’il ne restait plus rien à faire aux soldats romains. De mauvais choix d’officiers compromirent la discipline[18]. La révolte de Vindex avait attiré l’attention de l’armée sur la Gaule et ses richesses. Elle espéra, après sa victoire de Besançon, des pillages qu’on ne put lui accorder[19]. En revanche, c’était la Gaule vaincue[20] que Galba venait de récompenser. Quand on parla de vengeance aux légions, elles comprirent aussitôt. Les Lingons leur avaient envoyé à Mayence une députation solennelle, abritée sous les mains de bronze, emblème sacré de l’antique hospitalité qui unissait l’armée romaine et la nation celtique[21]. Répandus dans le camp, mêlés aux soldats, les Gaulois exhalaient leur colère[22]. Des Trévires et d’autres se joignirent à eux. Tous offraient des chevaux, des hommes, des armes et de l’argent[23]. Comme les soldats tirés de la Belgique étaient fort nombreux dans les troupes du Rhin, l’entente s’établit très vite entre compatriotes[24]. Le 2 janvier 69, six mois après la mort de Néron, Vitellius, légat consulaire de la Germanie Inférieure, fut proclamé empereur par l’armée de Cologne[25], puis reconnu par celle de Mayence, et acclamé à Trèves, à Langres, dans les cités voisines des troupes[26]. Rome, pendant ce temps, s’était débarrassé de Galba et pourvue d’un nouvel empereur, Othon (15 janvier 69)[27]. Celui-ci fut accepté surtout par ceux des Gaulois qui avaient été les amis de Vindex[28]. Les positions des partis, les rivalités des hommes demeuraient les mêmes au delà des Alpes : d’un côté les Celtes, de l’autre l’armée avec ses amis de la frontière. On racontait, au sujet de la Gaule, un fait assez grave. Othon députa à Vitellius les chefs des cités gauloises, ses amis[29]. Ils se trouvèrent tous réunis, sans doute aux abords du camp romain, et ils purent s’entretenir librement des évènements du jour. Il fut alors question, non pas seulement du présent de l’Empire, mais aussi du passé de la Gaule. Le mot de liberté fut prononcé, et l’on dit que les chefs, avant de se séparer, firent le serment de ne point manquer, le jour venu, à la cause de l’indépendance[30]. Puisqu’on avait pu créer un empereur, on pouvait essayer de recréer la Gaule. Mais devant l’armée du Rhin qui se mettait en mouvement, il n’y avait encore qu’à se soumettre. III. — L’ARMÉE DE VITELLIUS TRAVERSE LA GAULE. Vitellius divisa son armée[31] en deux corps : celui de Cécina, qui, de Mayence, remonterait le Rhin et gagnerait l’Italie par la Suisse et le Grand Saint-Bernard ; celui de Valens, qui, de Cologne, devait suivre les vallées de la Moselle, de la Saône, du Rhône, et traverser les Alpes au mont Genèvre. Lui-même resterait en arrière, avec la réserve[32]. La marche de ces troupes fut pour la Gaule une série de cauchemars. Rome lui fit revoir quelques-unes des horreurs de l’invasion cimbrique. Qu’ils fussent légionnaires ou non, auxiliaires belges ou germains, les soldats traitèrent en pays conquis la Gaule des grandes vallées, enrichie par cent années de paix continue. Le long des routes, au-devant des cohortes menaçantes, les magistrats accouraient humblement, les femmes et les enfants se prosternaient, de lamentables prières faisaient résonner les échos des campagnes[33]. Valens, sur la Moselle, put assurer le respect de Trèves, amie de Vitellius[34]. Mais à Metz, sans prétexte, quatre mille Gaulois furent massacrés[35]. On traversa Toul chez les Leuques, on arriva dans le pays de Langres, où les légionnaires et les Bataves faillirent s’entre-déchirer[36]. Lorsque l’armée approcha de la Saône, les Éduens épouvantés fournirent tout ce qu’elle voulut, armes et vivres[37]. A Lyon, elle reçut un accueil excellent, car la grande cité latine avait détesté Vindex , Galba, leurs Celtes et leurs Aquitains[38]. Mais en échange de ses bons offices, elle réclama qu’on l’aidât à se venger de Tienne, sa voisine et sa rivale, et les Lyonnais ne parlaient que de détruire ce repaire de Gaulois, ennemis héréditaires du peuple romain[39]. A entendre ces paroles extraordinaires, on se sent brusquement reporté cent cinquante ans en arrière, au temps où les premiers colons de Lyon furent chassés des bords du Rhône par les Allobroges révoltés. Tant de choses qui s’étaient passées depuis, n’avaient rien effacé de ces antiques souvenirs, et, dès que se relâchait la loi du silence imposée par Rome, les plus vieilles colères surgissaient en Gaule avec la même force qu’autrefois. Valens eut le bon sens de ne point satisfaire celle-là, et se borna à désarmer et rançonner les Viennois[40]. Il traversa ensuite les terres des Allobroges et des Voconces[41], les soldats brandissant des torches, prêts à faire flamber les villes qui ne se rachèteraient pas à prix d’or[42]. Enfin, la horde des forcenés disparut dans les Alpes. Cécina, le long du Rhin, ne rencontra d’obstacles que chez les Helvètes. Là, on se battit sérieusement. L’antique nation prit les armes et refusa le passage. Fière de sa gloire celtique, elle osa se la rappeler devant les Vitelliens, et se crut de nouveau capable d’arrêter une armée romaine[43]. Mais Cécina, tout en l’attaquant de front, attira sur ses derrières les milices de la Rétie danubienne[44] ; les Helvètes, d’ailleurs, avaient perdu la pratique des armes, et leurs remparts tombaient en ruine[45]. Leurs ennemis eurent beau jeu dans le pays, pillant les trésors, détruisant les villes qui s’étaient élevées dans les vallées, traquant les habitants jusque sur les montagnes, tuant des quantités d’hommes, en vendant autant comme esclaves[46]. Ils eussent volontiers exterminé la nation jusqu’à sa dernière tête[47]. Mais les Helvètes députèrent à Vitellius une ambassade et le plus éloquent de leurs orateurs[48]. Le pardon leur fut accordé ; et le fléau de l’armée romaine, épargnant ce qui restait de la malheureuse peuplade, quitta la Gaule pour s’abattre sur l’Italie (vers le 1er mars)[49]. Un instant, Othon pensa l’arrêter en essayant d’une diversion dans le Sud de la Gaule[50]. Il expédia sa flotte le long de la côte ligure, un corps de troupes fut débarqué (à Albenga ?), et marcha sur Fréjus, voulant, de là, gagner le Rhône[51]. Mais les colonies du Midi[52], hostiles sans doute à l’ami des Celtes, avertirent les Vitelliens de Valens avant que ceux-ci n’eussent franchi les Alpes. Leur général eut le temps de faire occuper Fréjus par un détachement de Tongres et de Trévires[53]. Les deux troupes en vinrent aux mains du côté d’Antibes : l’intervention de la flotte, qui prit les Vitelliens de flanc, assura la victoire aux soldats d’Othon[54]. Mais ce succès ne pouvait compter. Les batailles décisives se livraient en ce moment en Italie. C’est là que les légions du Rhin, victorieuses d’Othon, donnèrent pour quelques mois l’Empire à leur maître (milieu d’avril)[55]. IV. — VITELLIUS À LYON. Vitellius[56], pendant ce temps, s’avançait vers le sud. Il ne tardait pas à apprendre les victoires de son armée[57] Alors, comme rien ne pressait plus, il ralentit sa marche, et, pour s’épargner de la fatigue, s’embarqua sur la Saône[58]. Le gouverneur de la Celtique vint au-devant de lui, organisa ses services, monta son équipage. Et ce fut au milieu d’un cortège de souverain que le nouvel empereur fit son entrée dans Lyon[59] (fin d’avril). La ville de Plancus s’était rebâtie après l’incendie qui l’avait dévastée cinq ans auparavant. Elle put offrir à Vitellius un palais pour sa cour, une caserne pour ses soldats, un amphithéâtre pour ses jeux[60]. Il y tint ses assises, comme s’il était à Rome même[61]. De tous les points de la Gaule et de l’Italie, vainqueurs et vaincus accoururent le saluer ; Cécina et Valens lui apportèrent eux-mêmes les témoignages solennels de leurs triomphes[62]. Il y eut des cérémonies splendides, les deux généraux félicités par l’empereur et venant s’asseoir à ses côtés, Vitellius présentant son fils à l’armée, lui donnant les insignes impériaux et le retenant sur son cœur dans un moment d’émotion[63]. Ce furent ensuite de prodigieux festins, les plus extraordinaires débauches de la table[64] auxquelles l’Occident eût assisté depuis les banquets de Luern. De l’Océan à la Méditerranée, les routes retentissaient du fracas des voitures et du bruit des hommes qui se hâtaient vers Lyon[65]. L’unité de la Gaule et l’obéissance du monde, un instant brisées par la guerre civile, se refaisaient sur le plateau de Fourvières. V. — MARICC, PROPHÈTE DES GAULES. Au moment où la Gaule romaine se reconstituait dans sa capitale sous les yeux de son empereur, il se passa ce fait extraordinaire, qu’en face d’elle, près de Lyon et de Vitellius, on vit soudain apparaître, telle qu’un fantôme aspirant à la vie, la Gaule de Vercingétorix. Entre la Loire et l’Allier, du côté de Nevers et de Moulins, habitait une tribu de Boïens, dépendant de la grande cité éduenne. Comme nombre, c’était fort peu de chose, quelques milliers de familles seulement. Mais aucune peuplade de la Gaule n’avait eu des destinées plus singulières. Elle venait de fort loin, des bords du Danube, où ses ancêtres s’étaient établis au temps des grands empires gaulois, et d’où elle était repartie, à l’époque de Jules César, pour se joindre aux Helvètes et revoir à leur suite la Gaule de l’ouest, berceau de sa race. C’était merveille que ces hommes eussent survécu à la victoire de César, qui, par pitié pour eux, les avait installés chez les Éduens. Derrière leur faiblesse présente se cachaient les plus glorieux vestiges du passé celtique. Ce nom boïen fut jadis fameux entre tous les noms de nations gauloises ; l’Italie et le Danube, Rome et la Grèce le redoutèrent également. Maintenant, dans le monde entier, il n’en reste plus que ce faible lambeau[66]. J’imagine que ces derniers des Boïens n’avaient point oublié leurs hauts faits et leurs misères d’autrefois. Ces souvenirs, cette miraculeuse conservation, ce périlleux retour au foyer national, étaient de nature à exalter leurs âmes, et ils pouvaient se dire la cité élue pour chasser l’étranger et restaurer la Gaule[67]. Surexcités par les souffrances et les colères des derniers mois, ils crurent venu le moment de la liberté, et rien n’arrêta plus leur pieuse fureur. Un prophète, Maricc, se leva parmi eux, qui se déclara le champion des Gaules, envoyé et inspiré par les dieux, et dieu lui-même[68]. La tribu tout entière l’accepta pour chef. Duit mille paysans se groupèrent en armes autour de lui ; et, au nom de l’indépendance de la Gaule, la folle troupe, délirante en sa foi, provoqua le peuple et les chefs de Rome[69]. Vitellius se trouvait à Lyon, et sans doute ce voisinage d’un empereur ne fit qu’accroître l’ardeur des Boïens et l’audace de leur prophète. Devant de tels hommes et de telles paroles, quelque misérable que fût la troupe, on pouvait tout craindre : qui sait si la folie ne gagnerait pas la Gaule entière, toujours pleine d’âmes généreuses et passionnées, vibrante encore sous le souvenir de Vindex ? Le mouvement se propagea très vite. Maricc et ses Boïens se dirigèrent hardiment vers l’est, menaçant Autun ou Lyon. Les premiers Éduens qu’ils rencontrèrent se joignirent à eux[70]. Et si la défection s’étendait à ce grand peuple, c’était l’empereur menacé dans Lyon par la Gaule révoltée. L’alerte dut être vive autour de Vitellius. Si peu aimé que fût le nouvel empereur, les Romains s’indignèrent à voir sa majesté provoquée par une bande de paysans. On détacha de Lyon quelques cohortes des troupes impériales, et on les envoya à la recherche de Maricc. Les chefs d’Autun, de leur côté, ne se hasardèrent pas à faire cause commune avec un énergumène, et donnèrent des armes à l’élite de leur jeunesse. Éduens et soldats de Vitellius se réunirent, marchèrent aux hommes du prophète, et n’eurent pas de peine à les disperser[71]. Ce qui se passa ensuite est encore plus étrange. Maricc fut pris, amené à Lyon, livré aux bêtes en présence du peuple et de l’empereur. Les bêtes se détournèrent de lui et refusèrent de le déchirer. Cela, loin d’irriter la populace comme à l’ordinaire, la fit déborder d’enthousiasme. Elle cria que Maricc était inviolable[72]. Il faut donc qu’elle aussi ait cru au dieu de la Gaule. Voyant ce nouveau délire, on donna l’ordre d’égorger le prophète[73]. Tous ces évènements avaient un sens profond. Ils s’enchaînaient avec une logique irrécusable. Les monstrueuses inepties de Néron dégoûtèrent la Gaule de l’empereur ; la révolte de Vindex lui rappela le sentiment de son unité nationale ; les horreurs des armées vitelliennes l’exaspérèrent contre le régime romain ; la ruine du pouvoir impérial fit se réveiller les passions locales et les traditions de la vie d’autrefois. Et les hommes cherchèrent le dieu qui rendrait la liberté à la Gaule. Maricc n’était qu’un paysan. Mais si Rome ne retrouve pas la force et la dignité, le prophète boïen aura son héritier parmi les chefs et les politiques[74]. VI. — L’ARMÉE DU RHIN EN ITALIE. Par malheur pour Rome, la frénésie gagnait de proche en proche. Au delà des Alpes, sur le sol sacré de l’Italie, l’armée de Vitellius se montra pire que dans les Gaules. Les légionnaires, pour la plupart, n’étaient romains que de nom. Ces mots de Rome, d’Italie, de patrie, leur semblaient de vaines paroles. Les auxiliaires qui les entouraient, venaient des peuplades de l’Occident, Gaulois, Lusitans, Bretons, Bataves et Transrhénans même : car les généraux de Vitellius, pour être plus sûrs de leurs troupes, avaient fait appel à tous les Germains, et des deux côtés de la frontière[75]. Les quelques Latins de leur armée se trouvaient perdus dans des flots de Barbares. Aussi, cette armée qui, sur la Moselle et sur le Rhône, avait traité les Gaulois comme si elle était une légion de César, traita les Italiens, sur le Pô et sur le Tibre, comme si elle était la horde de Bellovèse ou d’Arioviste[76]. Les plus fameux et les plus entreprenants en étaient les soldats des cohortes bataves, issus des terres les plus reculées de l’Empire[77]. Pour complaire à leurs hommes, les chefs se mettaient à l’unisson. Cécina s’habillait en Barbare, portant la tunique à manches et les larges pantalons des Gaulois, les épaules recouvertes de leur manteau aux couleurs bariolées : et c’était une honte que de le voir, lui, légat et bientôt consul, recevant en pareil costume les ambassadeurs du peuple romain, vêtus de la toge consacrée[78]. Enfin, Vitellius quitta Lyon, passa les Alpes[79] et prit la tête de son armée pour entrer dans Rome. Rien, pour les patriotes de l’Empire, ne fut plus poignant que les heures de cette entrée, lorsqu’ils virent défiler en vainqueurs, sur le Forum, devant les temples des dieux, les rangs des troupes gauloises et germaines, douze escadrons et trente-quatre cohortes de guerriers farouches, armés de lances énormes, couverts de peaux de bêtes, hurlant des chants de guerre en une langue inconnue[80]. Plus heureux que les Celtes de Bellovèse, Gaulois et Germains de Vitellius purent gravir le Capitole, conduits par leur empereur[81] (juillet 69). VII. — L’ANARCHIE ET L’INCENDIE DU CAPITOLE. Aussi, le triomphe de Vitellius, loin de rendre la dignité et l’unité à l’Empire, ne fit que donner une énergie plus grande aux forces qui travaillaient à le détruire. On essaya, autour de l’empereur, de remettre un peu d’ordre en Occident[82]. Les plus encombrants des Barbares furent renvoyés dans les camps du Rhin, par exemple les Bataves à Mayence[83] ; les soldats de fortune fournis par les cités gauloises durent rentrer dans leurs foyers[84]. — C’était une grosse faute[85]. Éloignés de l’Italie et des profits qu’ils escomptaient, ramenés tout d’un coup à la monotonie du camp ou de la maison, ces hommes ne songent plus qu’à fomenter de nouveaux troubles ; et, comme ils connaissent maintenant le faible de l’Empire, l’idée d’une insurrection nationale grandit parmi eux. Rome avait trop demandé à ses auxiliaires barbares pour pouvoir les écarter à sa guise : elle en était venue à l’alternative de subir ou leur loi ou leur révolte. D’ailleurs, après leur départ, et alors qu’ils étaient trop loin pour revenir à temps, Vitellius eut besoin d’eux contre un nouveau rival. Les légions d’Orient avaient proclamé Vespasien (juillet)[86]. Entre les deux armées, une troisième s’interposait, celle du Danube. Placée à mi-route de l’une et de l’autre, au centre de l’Empire, à la frontière de l’Italie, c’était de son attitude que dépendraient les destinées de Rome. Mais chez elle, les éléments italiens dominaient. Les Barbares de Vitellius lui firent horreur[87]. Elle accepta Vespasien, et, prenant les devants, elle entra en Cisalpine par le col de Nauporte (août)[88]. — C’est alors qu’apparut pour la première fois le bienfait que fut pour l’Empire la conquête du Danube. Sans la présence de cette armée centrale, il eût risqué de se partager en deux pour longtemps, entre Vitellius et Vespasien, ainsi qu’autrefois entre Octave et Antoine. Mais, avant que l’armée d’Illyrie ne réussît à rétablir l’unité de l’Empire, il devait s’approcher encore de la chute suprême. Il y eut, entre les deux armées, une première bataille en Cisalpine. Les Illyriens furent vainqueurs (octobre)[89]. Il leur restait à traverser l’Italie et à prendre Rome. Pendant le temps que dura cette campagne, l’Occident demeura dans l’attente et l’anarchie. Dans les provinces du Rhin, les troupes auxiliaires et les quelques cohortes légionnaires qui restaient, hésitaient entre une révolte et le retour près de Vitellius[90]. Des recrues parcouraient la Gaule pour rejoindre leur empereur[91] ; de vieilles troupes regagnaient la frontière. Sur le passage de ces bandes, les villes épouvantées fermaient leurs portes, et la riche cité de Vienne craignait toujours d’être pillée par la soldatesque. Les gouverneurs n’osaient pas encore se prononcer pour Vespasien, qui, d’ailleurs, plaisait à leurs sentiments romains[92]. Seule, la Narbonnaise, de plus en plus patriote à la façon latine, se déclara hardiment pour le nouveau prince, et des intendants occupèrent en son nom Fréjus et les Alpes Maritimes[93]. Au milieu de ce désarroi, de ces craintes et de ces actions mesquines, un dessein d’une horreur grandiose faillit lancer l’Occident dans la plus prodigieuse des aventures. Valens, le plus audacieux des généraux vitelliens ; débarqua à Monaco pour se frayer un passage à travers la Narbonnaise. Il voulait, coûte que coûte, rentrer en Gaule, assembler là tout ce qu’il pourrait d’hommes, soldats ou non, Celtes ou Germains, sujets ou ennemis de l’Empire, et ensuite, nouvel Hasdrubal, convier ces multitudes barbares à la défense de Vitellius et à la curée de l’Italie[94]. — Mais, arrêté dès le début[95], il se rembarqua, fut rejeté par le vent sur les îles de Marseille[96] et capturé par les amis de Vespasien[97]. L’Occident resta sans chef et sans volonté. A la fin, c’est la frontière elle-même qui craque et s’entrouvre. Sous prétexte de prendre fait et cause pour Vespasien, un chef batave, Civilis, soulève ses tribus et les mène à l’assaut d’un camp légionnaire[98]. Les Germains secouent leur torpeur et recommencent leurs brigandages[99]. On parle aussi, ce qui est plus grave, de la mise en mouvement de la nation dace[100]. Bientôt, une nouvelle plus sinistre encore courut par tout l’Empire. Les soldats d’Illyrie, entrés dans Rome, durent la conquérir rue par rue. Au cours de la dernière bataille, le feu fut mis au Capitole, et le temple de Jupiter, le dieu conservateur et propagateur de l’Empire romain, s’abîma dans les flammes. Pour ces hommes d’autrefois, dévots, crédules, imaginatifs, interprétant les moindres choses comme les marques visibles de volontés divines, l’incendie du Capitole ne fut pas un accident, mais un symbole. C’était le signe que le Destin avait condamné le peuple romain et son empire. Depuis Néron, quatre empereurs avaient succombé en un an : mais ce n’étaient que morts de chefs ou fins de rois, la ruine du prestige des hommes souverains. Des deux puissances qui commandaient au monde, Rome et Auguste, Rome, du moins, la plus ancienne et la plus vénérée, avait gardé jusque-là sa grandeur et sa divinité autour du Capitole intact. Maintenant qu’il a disparu, les nations sont libres, et la terre est ouverte à de nouveaux empires[101] (19 décembre 69). VIII. — LE COMPLOT NATIONAL EN GAULE. C’est en Gaule que l’incendie du Capitole fut salué avec le plus de joie. Le jour espéré et prévu par les amis de Vindex et par le prophète Maricc était enfin arrivé. Les prêtres et les devins des campagnes, derniers héritiers de l’église druidique[102] prédirent aussitôt la chute de Rome et la ruine de l’Empire : le feu du temple romain était, chantaient-ils, le flambeau allumé par les dieux pour servir de présage à la gloire d’un empire nouveau, celui des Gaules[103]. Il y avait cent vingt ans, depuis que Vercingétorix s’était rendu à César, que ce mot d’empire gaulois n’avait plus été prononcé. Mais ni le temps de ce long siècle ni les ouvrages des empereurs n’avaient suffi pour l’effacer de la mémoire des hommes. L’histoire de Maricc venait de révéler que les humbles des campagnes croyaient toujours à la vertu magique de ce mot. Ces chants et ces prophéties de prêtres montraient que les dieux et les héros de la Gaule avaient encore leurs dévots. Le groupement des chefs autour de Vindex, de Galba et d’Othon, leurs mystérieux serments en face de Vitellius, prouvaient que les cités celtiques n’avaient renoncé à aucun de leurs rêves d’entente et de liberté. Le complot s’ébaucha partout, pendant que les armées du Rhin et du Danube se disputaient l’Italie et Rome (décembre). Mais les résolutions générales furent discutées à Cologne[104], et arrêtées par les chefs qui commandaient les troupes auxiliaires. Les trois principaux furent Sabinus, de la cité des Lingons[105], le Trévire Tutor, officier dans l’armée du Rhin[106], et Classicus, trévire lui aussi, chef d’un escadron de son peuple[107]. Lingons et Trévires s’étaient récemment battus contre les Celtes de Vindex. Mais on voulut ne plus se souvenir de cette lutte fratricide, et ne songer qu’à l’union des Gaules. De Cologne, des messages furent expédiés à toutes les cités. On les supplia de courir aux armes, de se lever pour la défense de la liberté[108]. En attendant leurs résolutions, les conjurés tâchèrent de prendre les devants et de rendre inévitable la rupture avec l’Empire. IX. —LA RÉVOLTE DE CIVILIS ET DES BATAVES. Durant ces pourparlers, la brèche que le Batave Civilis avait faite à la frontière, s’était singulièrement élargie, et il apparaissait sur le Rhin comme un nouveau maître, avec lequel devraient compter et les légats romains[109] et les défenseurs de la liberté gauloise. Car, lorsqu’il avait attaqué les légionnaires au nom de Vespasien, il ne cherchait qu’un prétexte pour dissimuler une insurrection de ses Bataves. C’étaient, on l’a vu, les plus célèbres, les plus braves et les plus turbulents d’entre les auxiliaires germains de l’Empire. Civilis, qui commandait parmi eux, appartenait à la maison de leurs anciens rois[110]. De longue date, il songeait à les soulever contre Rome[111]. Pour s’en débarrasser, Vitellius l’avait renvoyé en garnison sur les bords du Rhin[112]. A peine arrivé, il s’échappa du camp[113], gagna l’île des Bataves, réunit ses compatriotes dans un bois sacré[114], se fit acclamer comme chef, et tous, en secret, à la manière germanique, jurèrent la guerre au peuple romain[115]. Le mouvement se propagea vite dans ces terres de Hollande et de Frise, qui, depuis deux ans, voyaient s’écarter d’elles les légions romaines. Un combat suffit pour dégager le rivage[116] un autre, pour délivrer l’île[117], un troisième, pour repousser les officiers italiens qui accouraient d’amont[118]. De la mer à Xanten, le Rhin fut rendu aux Barbares. Civilis se disait toujours partisan de Vespasien, et n’en vouloir qu’aux légions de Vitellius. Personne d’ailleurs ne s’y trompait, et les Germains savaient bien que les dieux- venaient de leur envoyer un champion[119]. A la même date, les uns près des autres, les Gaulois rêvaient de l’empire de Vercingétorix, et les Germains de la gloire d’Arminius[120]. X. — RESTAURATION DE L’EMPIRE ROMAIN. Mais, aux uns comme aux autres, la victoire fut lente à venir. Si l’Empire romain était disloqué, les morceaux tenaient bon. Lorsque Civilis voulut remonter le Rhin, la frontière, plus solide, résista. Il dut s’arrêter, près de Xanten, devant le camp de Vetera, et se résigner à un long siège[121]. Pendant ce temps, le légat Vocula[122], bon officier, massait les légionnaires romains en aval de Colonne, et il arrivait au secours de la forteresse du bas Rhin, dernier boulevard de Rome dans le Nord[123]. En vain Civilis essaya de diversions[124]. Il expédia des messages aux Germains de l’intérieur, et ceux de la Hesse et du Nassau, Chattes et Mattiaques, se lancèrent contre Mayence, alors dégarnie de troupes[125]. Vocula eut le temps de courir au secours de la forteresse, de la délivrer[126], et il reprit ensuite le chemin de Vetera[127]. Cette campagne du Batave ne ressemblait guère à la victoire d’Arminius, rapide comme un ouragan. Civilis pouvait espérer au moins que la lutte s’éterniserait en Italie entre les deux empereurs. Or, elle venait de prendre fin : Vitellius était mort, et Vespasien, reconnu de Rome, de tout l’Empire, de toutes les troupes du Rhin, latines et autres. Le monde n’avait plus qu’un seul empereur[128]. C’est alors que le Germain Civilis et les conjurés gaulois s’entendirent[129]. Il n’y avait, pour les uns et les autres, que ce moyen d’arriver à quelque résultat[130]. Encore serait-il sans doute trop tard. Les choses changeaient vite d’aspect dans cet Empire débordant d’hommes et de passions. Il avait recouvré l’unité grâce à l’armée du Danube. Sa frontière avait résisté malgré les brèches. Rome se préparait à poser la première pierre d’un nouveau Capitole[131]. Les dieux d’alors ne voulaient pas qu’on transformât le monde[132] (janvier 70). XI. — LA PROCLAMATION DE L’EMPIRE DES GAULES. Civilis et les conjurés gaulois n’en persistèrent pas moins dans leurs rêves désormais stériles[133]. — A l’autre extrémité de la terre, en ce moment, le petit peuple juif luttait dans Jérusalem pour un rêve semblable[134]. Mais Germains et Gaulois firent piètre figure à côté d’Israël, et n’eurent ni son audace ou son courage ni sa foi dans le passé ni son espérance dans l’avenir. L’accord une fois conclu avec le Batave, les trois chefs gaulois brusquèrent les choses[135]. Vocula et ses légions, revenant de Mayence, descendaient le Rhin afin d’en finir avec Civilis. On était presque en vue de Vetera, lorsque les Gaulois auxiliaires quittèrent subitement l’armée, et allèrent camper en face d’elle, enseignes contre enseignes, camp contre camp[136]. C’était la révolte. Il eût été possible à Vocula d’en avoir raison. Mais il eût fallu, pour cela, tenir en main les légions. Or celles-ci, en ce moment, lui échappaient. Ces légions, la Ire et la XVIe, tenaient garnison sur le Rhin depuis les temps d’Auguste[137]. Elles ne l’avaient jamais quitté. Mille liens d’amitié les unissaient aux auxiliaires gaulois et aux indigènes des environs, surtout aux Trévires. Beaucoup d’entre leurs soldats étaient d’origine belge. Le titre de citoyens romains, qu’ils portent tous, n’est, pour le plus grand nombre, qu’une apparence. De naissance, de séjour, d’esprit et de mœurs, les deux légions sont devenues à demi gauloises[138], dans le même temps que les Trévires et les peuples de la frontière, au contact de l’armée, sont devenus à demi latins. Entre les uns et les autres, contrastes et distances ont disparu. Il ne fut point difficile de gagner les légions à la cause des Gaules. Vocula, qui essaya de les retenir dans le devoir, fut massacré avec les officiers et les centurions demeurés fidèles[139]. Alors, Classicus agissant en maître, eut lieu l’étrange scène de la proclamation de l’indépendance. Le chef trévire, portant le manteau de pourpre d’un imperator romain[140], entra dans le camp des légions, monta sur l’estrade du légat, et, les troupes réunies autour de lui, il lut la formule du serment que tous devaient prêter à l’Empire des Gaules. Les soldats jurèrent après lui[141], et le nouvel Empire prit naissance. Que pensaient donc tous ces hommes ? que voulait Classicus ? et que signifiait ce mot d’Empire des Gaules ? L’historien latin qui nous a raconté cet évènement, Tacite, a négligé de nous le dire. Cela, pourtant, nous intéresserait plus que les détails fastidieux des marches et des sièges. La seule chose qu’il nous laisse entrevoir, c’est que cet Empire s’inspira d’abord des usages romains. Il est né dans un camp de légionnaires et non pas dans une assemblée de délégués de cités gauloises. Classicus l’a proclamé sous le manteau de l’imperator ; le chef trévire a maintenu les cadres des légions, promouvant les centurions suivant les règles ordinaires[142]. Ces légions conservent leurs aigles[143], et on peut affirmer que c’est en latin que le serment a été prononcé par elles[144]. Il est possible que Classicus n’ait point songé à se faire acclamer empereur et Auguste, comme le voudra plus tard Charlemagne. Mais l’Empire des Gaules, sous les formules latines dont on le recouvrait, ressemblait plus à l’Empire romain d’un César qu’à la dictature fédérale d’un Vercingétorix. — Militaire et à demi romain, il risquait de déplaire aux peuplades gauloises, Éduens, Arvernes ou Rèmes, dont la réponse n’était point arrivée. XII. — L’EMPIRE GERMAIN DE CIVILIS. Tout autre était l’œuvre du Batave Civilis, franche d’aspect et nette d’allure. Lui, il n’agissait que pour le nom germanique, et c’est d’Arminius qu’il se réclamait[145]. L’Empire gaulois lui fut antipathique ou indifférent[146]. Toute son attention, en vue de l’avenir, se porta du côté des peuples de l’Ems et du Weser. Il y avait chez les Bructères, la grande peuplade de l’Ems, une vierge-prêtresse, nommée Velléda, à la fois reine et prophétesse dans sa nation[147]. Car les Germains, ainsi que les Bretons[148], ne répugnaient pas aux lois d’une femme[149]. Elle était devenue célèbre dans l’Allemagne entière, et sa gloire et son influence[150], comme autrefois les noies d’Arioviste et d’Arminius, pouvaient rendre un peu d’union à la malheureuse Germanie. Civilis se tint en relation avec elle, lui offrit en victimes quelques officiers romains, lui attribua le mérite de ses victoires, et ne fit rien sans la consulter[151]. A l’est comme à l’ouest du Rhin, l’habile Batave essayait de grouper autour de lui toutes les forces germaniques. Du côté de la Gaule, il pénétra jusqu’à la Meuse, soumit ou battit les Tongres de la Hesbaye et les Nerviens du Hainaut[152], qui se targuaient d’une origine transrhénane. Sur la rive droite, il chercha ou conclut des alliances avec les tribus de la Hesse, du Nassau et du Hanovre[153]. Il prit comme soldats des Bructères de la Westphalie[154]. Quand les Ubiens de Cologne se virent contraints de céder au mouvement et d’abandonner Rome, comme ils étaient germains d’origine, on eut soin de les éloigner de Classicus et de ses Trévires, et on les mit en rapport avec Velléda[155]. Une fois de plus, des hommes de sang germanique tentaient de donner un corps à leur nom et une plus grande patrie à leurs nations[156]. XIII. — L’ASSEMBLÉE DE REIMS. C’est alors qu’entre l’empire militaire de Classicus et le corps grandissant de la Germanie, la Gaule véritable intervint, pour manifester clairement sa volonté. Au lieu d’envoyer des délégués à Trèves chargés de reconnaître l’empire de Classicus, les cités gauloises résolurent de délibérer loin des armées, dans le calme et la liberté, à l’abri des menaces ou des suggestions des premiers révoltés. Les magistrats de Reims prirent l’initiative d’une assemblée solennelle : ils écrivirent à tous les peuples de désigner des députés, et ils leur donnèrent rendez-vous dans leur ville même[157]. — Reims était alors, avec Trèves, la plus grande cité du Nord. Peut-être existait-il entre elles querelles et jalousies. Les Trévires avaient toujours bataillé contre Rome, les Rèmes lui étaient demeurés obstinément fidèles, exemple unique de religieux esclavage. C’est à Reims que résidait le gouverneur de la Belgique[158]. Que cette nation ait eu le désir d’une pareille réunion, que les Gaulois se soient rendus à son appel, c’était déjà un indice que le pari de la paix romaine serait le plus fort. L’assemblée, cependant, semble n’avoir subi ni la présence ni la pression d’un fonctionnaire romain[159]. Elle s’inspirait, non pas du conseil provincial qui se réunissait devant l’autel de Rome et d’Auguste, mais des grandes assises de la Gaule indépendante ; elle rappelait cette convention nationale qui avait jadis confié à Vercingétorix le pouvoir suprême. Et cela donnait à l’assemblée une autorité plus grande et vraiment souveraine, une majesté presque divine. C’était la Gaule d’autrefois, ressuscitée en ces jours, qui parlerait aux peuples et réglerait leurs destinées. Le spectacle qu’elle offrit fut unique et grandiose. On ne trouve rien, dans l’histoire du monde antique, qui soit semblable à ce peuple, reprenant vie après un siècle de servitude, et, de lui-même et tout d’un coup, se recréant suivant les formes nationales de son passé, délibérant ensuite gravement sur les leçons de ce passé et sur les devoirs de l’avenir. Car la question fut nettement posée par les Rèmes, entre la paix et la liberté, c’est-à-dire entre la fidélité et la révolte[160]. Tour à tour, des orateurs parièrent pour défendre le parti choisi par leurs peuples ou préféré par eux-mêmes. Le délégué des Trévires, Tullius Valentinus, plaida avec audace la cause de l’indépendance[161]. Un Rème, Julius Auspex, se fit l’avocat de Rome[162]. On ne se borna pas à examiner la situation présenté : on fut assez sage pour étudier l’histoire de la Gaule et prévoir son avenir de très loin. Si elle redevenait libre, comment l’organiserait-on ? Il faudrait un pouvoir central, une cité directrice : quelle serait cette cité ? Et l’on songea alors à toutes les rivalités d’autrefois, dont aucune n’avait disparu[163]. Elles étaient si vivaces, qu’elles jaillirent à l’instant. Chaque cité fit valoir ses droits au principat. Les Éduens rappelèrent leur alliance deux fois séculaire avec Rome[164] : ce qui était un singulier titre de gloire pour le jour de l’indépendance. D’autres invoquèrent l’antiquité de leurs noms et peut-être le souvenir d’Ambigat et de ses neveux[165]. Aux Trévires et aux Lingons, les fondateurs du nouvel Empire des Gaules, on reprocha leur prise d’armes contre les Celtes de Vindex, leur irrémédiable complicité avec l’armée de Vitellius[166]. Des querelles éclatèrent dans l’assemblée, prélude de celles qui déchireraient la Gaule indépendante[167]. Cela fit aussitôt réfléchir les députés. L’image d’une Gaule revenue aux discordes du temps de Celtill, les épouvanta. D’ailleurs, Classicus, ses légions et son Empire, ne pouvaient leur inspirer qu’une médiocre sympathie : cet Empire avait pris naissance dans les camps, il serait à la merci d’une soldatesque ; et l’assemblée de Reims, composée d’hommes pacifiques, issue des bourgeoisies municipales, hésita sans doute à confier les destinées de leurs villes à ces généraux d’occasion. Enfin, derrière Classicus, il y avait Civilis et ses Bataves : qui sait s’il ne faudrait pas, de guerre lasse, se remettre tous entre ses mains, comme jadis entre celles d’Arioviste ? Discordes, tyrannies, et les Germains à la fin, toutes les misères du passé, voilà ce qui attendait la Gaule. Comme on était plus heureux sous le double abri de Rome et de César ! L’opinion presque unanime fut donc de s’abstenir. On applaudit vigoureusement les belles paroles du Trévire Valentinus. Mais, au vote, on suivit le conseil d’Auspex, l’orateur des Rèmes[168]. La décision prise fut écrite aux cités insurgées. On leur enjoignit d’obéir à Rome, et l’ordre qu’on leur envoya fut signifié au nom des Gaules[169] (mai 70). XIV. — LA FIN DE L’EMPIRE DES GAULES. Les opérations militaires, sur ces entrefaites, justifièrent la sagesse des Rèmes. Au début, tout avait marché à souhait pour les chefs alliés, germains et gaulois. Classicus, à l’extrême nord, s’occupait du camp de Vetera : ce qui y restait de légionnaires finit par se rendre à lui et fut impitoyablement massacré, et la glorieuse citadelle des armées latines disparut dans les flammes[170]. En arrière du chef gaulois, Civilis franchissait la Meuse et pénétrait jusqu’à la Sambre[171]. Au centre de la frontière, Cologne s’entendait avec les Germains, d’ailleurs sans empressement[172], et les deux légions de l’Empire gaulois prenaient possession de Trèves et de la Moselle[173]. Au sud, enfin, Sabinus soulevait les Lingons[174], Tutor occupait Mayence et s’assurait le concours des peuplades et des garnisons du Rhin supérieur, jusqu’au lac de Constance et aux portes de l’Italie[175]. Toute la Germanie romaine, des Alpes à la mer, appartenait aux insurgés. Partout sur les bords du fleuve flambaient et s’écroulaient les camps et les forteresses de l’Empire[176]. Puis, l’élan s’arrêta. Civilis, tenu en échec par un officier romain[177], fut immobilisé sur la Sambre[178]. Sabinus voulut attaquer les Séquanes de la Franche-Comté, ennemis jurés des Lingons ; battu par eux, il se réfugia dans une caverne, et l’on n’entendit plus parler de lui[179]. Pas une peuplade de l’intérieur ne bougea : aucune cité gauloise ne désobéit à l’ordre de l’assemblée de Reims[180]. Du côté de l’Italie, Tutor ne put fermer les passages des Alpes aux légions de Vespasien[181]. Quand elles approchèrent, ce fut la débâcle[182]. Elles étaient commandées par un des meilleurs légats du nouvel empereur, Cérialis, général prudent, beau parleur, politique avisé. Il mena de front les batailles, les négociations et les discours[183]. Devant lui, Tutor recule, abandonne Mayence[184], se laisse battre sur la route de Trèves[185], et découvre la grande cité. Trèves était la ville de Classicus. Les deus légions insurgées y tenaient garnison. Elle avait applaudi à l’Empire des Gaules. Ses sénateurs et sa noblesse l’acceptaient avec enthousiasme[186]. Son délégué à Reims, Valentinus, s’était fait l’orateur de la liberté[187]. Pendant ces quelques semaines, elle parut la capitale de cet Empire : ce qui fut sans doute son ambition secrète[188]. Au voisinage de Cérialis, les espoirs se dissipèrent. Il ne resta plus à Trèves que de la honte et de la crainte. Les deux légions parjures à Rome s’épouvantèrent les premières, à la pensée de tant de serments prêtés et violés depuis trois ans : elles proclamèrent Vespasien à la hâte, et s’enfuirent ensuite à Metz, afin de se tenir à l’écart des batailles civiles[189]. Cérialis ne rencontra devant lui que Valentinus, qui défendit vaillamment, avec quelques Trévires, les approches de la ville rebelle (à Riol)[190]. Cet obstacle écarté, plus rien n’arrêta le légat jusqu’à Trèves, où il entra sans bruit et sans massacre, comme un gouverneur qui prend possession de sa cité[191]. Quelques heures après son entrée, on vit revenir de Metz les deux légions repenties. Cérialis les aborda sans colère, consolant les hommes de son mieux, rejetant leur faute sur le destin, défendant à tous de faire allusion au passé[192]. Une grande paix descendait peu à peu sur les âmes[193]. On pouvait maintenant parler raison aux Gaulois[194]. Le légat réunit en une vaste assemblée ceux qui étaient restés dans la ville, Trévires et Lingons, parjures ou fidèles ; et il prononça devant cette multitude, désormais reconquise à Rome, un discours plein d’éloquence, de sagesse et de douceur. Cérialis était un Romain de l’ancienne trempe, à la Drusus ou à la Germanicus, qui savait commander et plaire. Il montra aux révoltés, sans cri d’injure, sans mot de reproche, leur ingratitude envers Rome, leur imprudence envers la Gaule. Ce n’était pas à la liberté qu’ils seraient allés, mais à la tyrannie d’un nouvel Arioviste, avide de leurs richesses. Depuis César, Rome n’avait cessé de les aimer chaque jour davantage : ils étaient devenus citoyens chez elle, ils y trouvaient leurs dieux et leur foyer. Et, comme dernière marque d’amour de la grande patrie, Cérialis leur accordait le pardon. Quelques Trévires, qui n’avaient point cru à ce pardon, s’étaient réfugiés dans le camp de Civilis, où se trouvaient aussi Classicus et Tutor[195]. Ces chefs ne seront plus que d’humbles auxiliaires à la suite du Batave. L’Empire des Gaules, inauguré dans un camp romain, se termine dans un camp germain. Il ne fut qu’un rêve incohérent, éclos dans une imagination d’officier, mélange discordant de fantaisies celtiques et de discipline romaine. Ce qui achève de marquer son caractère, c’est que, à l’approche de Cérialis, Classicus et Civilis offrirent cet Empire des Gaules au légat de Vespasien[196] : et cette offre bizarre est la dernière mention que nous en trouvions dans l’histoire. XV. — LA PAIX AVEC LA GERMANIE. Cérialis ne répondit rien à cette sottise, et fit ses préparatifs de défense[197]. Car Civilis, Classicus et tous leurs alliés vinrent bientôt l’attaquer à Trèves même[198]. Ce fut la plus grande bataille de la guerre[199]. Contre lui, le légat trouva des hommes de toutes les Germanies, des Ubiens de Cologne, pour la plupart citoyens romains, des Bataves, anciens auxiliaires de l’Empire, des Bructères de Velléda, des Tenctères, petits-fils de ceux qu’avait massacrés César. La Gaule n’était représentée, dans l’armée de Civilis, que par quelques Lingons et la troupe des Trévires[200]. Elle eut cependant le beau rôle dans la journée : les Bataves, écrivit-on, se sont battus pour la gloire, les autres Germains pour le butin, les Gaulois seuls pour la liberté[201]. Les Romains occupaient les deux rives de la Moselle, réunies par un pont ; la ville était sur la rive droite, le camp, sur la rive gauche[202]. C’est de ce dernier côté qu’arrivèrent les ennemis[203], avec une telle impétuosité, qu’ils forcèrent le camp et faillirent enlever le pont. Mais ils perdirent leur temps à se quereller pour le pillage, et le gros de l’armée romaine, bien conduit par Cérialis, put rétablir les affaires et chasser très loin l’ennemi[204]. La grande guerre était finie. Les Ubiens se soumirent avec joie[205], et Cérialis entra dans Cologne[206]. On reprit la ligne de la Sambre[207] ; on descendit le Rhin jusqu’à l’île des Bataves, berceau de la révolte. Civilis essaya d’arrêter son ennemi : il fut vaincu dans une dernière bataille[208]. Alors, ce furent chez lui d’audacieux efforts pour ne pas être investi[209]. Il chercha des secours dans les plus lointaines tribus du littoral[210], il eut la hardiesse d’équiper une flotte sous les yeux mêmes des Romains[211], il ne laissa aucun répit à son adversaire, et il réussit un jour à lui enlever sa galère amirale, qu’il expédia à Velléda la prophétesse[212]. Mais les charmes de la Germaine n’étaient plus de secours en ces circonstances : Civilis se trouva enfin enfermé dans l’île, lui, ses Bataves, Tutor, Classicus et cent treize sénateurs trévires[213]. A tous, il manqua le courage des résistances désespérées. Les négociations commencèrent[214]. Cérialis les conduisit avec son habileté ordinaire, et les étendit, semble-t-il, jusqu’aux Bructères de Velléda et aux peuples de la Germanie indépendante[215]. Il ne voulait pas seulement la soumission des révoltés, mais la paix du côté barbare. Une entrevue avec Civilis, sur un pont du Rhin[216], régla les derniers détails. Les Bataves et les Frisons reconnurent à nouveau la majesté du peuple romain ou rentrèrent sous la loi de la province. Les peuplades indépendantes, Chauques, Tenctères, Bructères et autres, promirent sans doute de respecter la frontière[217]. Après l’Empire des Gaules, c’était l’Empire de Germanie qui disparaissait à son tour. XVI. — CAUSES DU TRIOMPHE DE L’EMPIRE ROMAIN. L’Empire romain l’emportait une nouvelle fois sur la Gaule, sur la Germanie, on peut dire sur le monde entier[218], qui, depuis vingt mois, s’était acharné contre lui. L’unité humaine, la double souveraineté de Rome et de César[219], restaient victorieuses de toutes les causes de destruction qui les avaient combattues : revanches nationales, jalousies d’armées, haines entre les cités, ambitions des hommes, convoitises des Barbares d’à côté. Il suffit de relire le récit des faits pour comprendre les causes qui ont rendu la paix à la terre. La principale est la force et le prestige que gardèrent toujours les éléments centraux de l’Empire. L’union matérielle des provinces fut rétablie à la fin par l’armée du Danube, campée au beau milieu du monde. L’union morale ne fut jamais rompue. A travers les pires discordes, les hommes de l’Empire ne cessaient pas d’aspirer à son éternité[220]. Rome en fut toujours l’unique et divine capitale : la première pensée de Vindex, de Galba, de Vitellius, de Vespasien, s’est dirigée vers la ville impériale ; et à la seule approche des légions qui en venaient, l’Empire des Gaules s’est évanoui[221]. Les armées ont beau s’entre-déchirer : c’est au nom de Rome qu’elles combattent toutes, et c’est moins pour avoir leur empereur que pour l’imposer à Rome et à la terre[222]. Étudiez ce que font ces trois hommes, Classicus, Tutor, Sabinus, lorsqu’ils imaginent l’Empire des Gaules. Alors même qu’ils s’éloignent de Rome, ils gardent son empreinte comme des esclaves fugitifs. Manteau de pourpre, serment militaire, ceps de centurions, titre d’Empire et langue latine, c’est de la défroque romaine qu’ils affublent leur création. Sabinus le Lingon se croyait né de quelque enfant naturel que Jules César aurait eu dans la Gaule ; et, au moment même où il brisait les tables de l’alliance entre son peuple et Rome, il se faisait, dit-on, saluer de ce nom de César[223]. Regardez-les eux-mêmes et regardez aussi les magistrats et les chefs civils qui se réunissent à Reims. Aucun de ceux que nous connaissons ne porte un nom gaulois : Valentinus, Tutor, Sabinus, Classicus, sont des noms venus d’Italie. Tous, sans exception, sont citoyens romains, et, comme tels, appartiennent à quelque gens de Rome. Le premier est un Tullius[224], et un de ses ancêtres doit sans doute le droit de bourgeoisie à l’amitié de Quintus Tullius Cicéron, le frère de l’orateur, qui fut légat de César en Gaule[225]. Les trois autres sont des Julii, et c’est un bienfait de César ou d’Auguste qui les a fait entrer dans la cité romaine. Rome, César et Auguste déterminent, chez ces hommes, leurs sensations les plus fortes. A Trèves où paradent les, uns, à Reims où s’assemblent les autres, il n’y a pas un seul monument qui ne date de l’ère impériale. Portes, tours et remparts, arcs, temples, thermes et amphithéâtres font de leurs villes des images neuves de la Fille Éternelle. Dédicaces de sanctuaires, inscriptions d’autels, épitaphes de tombeaux, ce qui dure et ce qu’on voit y parle la langue latine. Comme magistrats de leurs peuples, ces Gaulois s’appellent duumvirs ou édiles ; comme officiers de leurs troupes, préfets ou centurions ; comme prêtres de leurs dieux, sacerdotes ou flamines. Ils sont vêtus de la toge et de la tunique latines. Leurs divinités ont pris pareillement lés insignes, les costumes et les noms des vainqueurs, et nul ne reconnaît plus Teutatès ou Ésus sous le manteau de Mercure ou le casque de Mars. Même si la Gaule avait recouvré l’indépendance, elle n’aurait pu se dégager de la forme et de la foi romaines. Je sais bien qu’il ne s’agit là que des chefs, des grandes villes, des dieux principaux. Le bas peuple, la foule des paysans gardaient leurs vieux Génies, leurs sorciers, le parler national, le culte de leurs traditions : les vrais cris de liberté, dans les temps dont nous racontons l’histoire, ont été poussés par les campagnards de la Loire et la populace de Lyon. Mais ce n’étaient point ces hommes qui avaient à gouverner leur pays et à diriger ses destinées : l’aristocratie aurait eu honte de les suivre, et les bourgeois d’Autun aidèrent les cohortes romaines à briser l’élan du prophète Maricc. Puis, qu’importaient le plus sou–vent au vulgaire ou l’Empire romain ou l’Empire des Gaules ? Ce qu’il fallait aux paysans, c’était la joie de la terre, les routes bonnes et sûres, les moissons engrangées, et les Génies du sol joyeux dans leurs niches : on avait tout cela, mieux que jamais, sous le règne des empereurs. Ce qu’il fallait aux prolétaires, c’était du travail à l’atelier et des jeux dans les villes : et jamais, de mémoire d’homme, on n’avait rien vu en Gaule de, plus actif qu’une colonie romaine, de plus passionnant qu’une fête d’amphithéâtre. Ces besoins de paix, de labeur, de plaisir, la bourgeoisie et la noblesse des Gaules y furent aussi sensibles que les pauvres des villes et des campagnes. La noblesse connaissait le chemin de Rome et de la cour, et elle redouta sans doute de se le voir fermé par une révolte[226]. La bourgeoisie municipale tenait à l’Empire par des liens plus solides encore. Depuis un siècle, elle avait fait d’énormes progrès : c’était elle qui profitait le plus de la transformation matérielle du pays, terres défrichées, routes ouvertes, villes bâties, fondation de fabriques, organisation de sociétés financières, d’entreprises de transport, de syndicats commerciaux. Entre la noblesse d’épée ou de cour, et les humbles travailleurs esclaves de leur pain, elle était devenue la force efficace et puissante, celle qui produit et qui décide. Or, elle aussi voulait de Rome, dont elle recevait le meilleur de ses biens. A l’assemblée de Reims, ces députés qui votent tous la soumission, sont des délégués de cités, les porte-parole de la bourgeoisie[227]. Gardons-nous pourtant, à propos de pareils sentiments, de, n’y relever qu’égoïsme et appétits matériels. L’humanité, tout compte fait, y avait son avantage. Au prix de quelles batailles la Gaule fût devenue libre ! que de guerres civiles aurait entraînées l’indépendance[228] ! que de ruines et de meurtres à craindre des Germains, une fois les légions parties et la frontière ouverte[229] ! La chute de Rome, c’était une nouvelle ère de sang pour le monde. Il s’épouvanta à cette pensée[230]. D’ailleurs, ainsi que le disait Cérialis aux Trévires, il n’y avait point de lâcheté à obéir à home. Était-ce même une obéissance ? Ne parlons pas, comme on le faisait au temps de Pompée, de peuples soumis et d’une cité souveraine, de vainqueurs et de vaincus, de Gaulois et de Romains. Cette distinction n’est plus que propos d’historien ou formule de jurisconsulte[231]. Entre ces deux sortes d’hommes, il n’y a pas de barrières, le Romain n’a plus de privilèges, le Gaulois n’a plus de servitudes[232]. L’Empire n’est point le domaine d’un peuple, mais le territoire d’une seule ville, éternelle et pacifique[233]. Voilà ce que disait aux Gaulois le légat de l’empereur, et ce qu’eux-mêmes avaient proclamé à l’assemblée de Reims. Désormais, la crainte, la gloire et les bienfaits de Rome seront plus forts sur les âmes que les regrets et les traditions du passé. Il n’y aura plus en Gaule une seule révolte qui se rattache à un souvenir gaulois. L’échec rapide de la dernière marque la victoire définitive de l’Empire : la Gaule ne vivra que comme une province, suivant les lois politiques que Rome lui a données. — C’est donc maintenant qu’il convient d’étudier ces lois[234]. |
[1] Dederich, Geschichte der Rœmer und der Deutschen am Niederrhein, 1854, p. 114-134 (pour la période finale) ; Dahn, Urgeschichte der germ. und rom. Völker, II, 1881, p. 121 et s. ; Nissen, Der batavische Krieg, Bonner Jahrbücher, CXI-CXII, 1904 (Novæsium). — La source principale est Tacite, qui parait s’inspirer uniquement de Pline l’Ancien, auteur d’Histoires de son temps, faisant suite à celles d’Aufidius Bassus, et d’un grand ouvrage sur les bella Germanica (cf. Fabia, Les Sources de Tacite, p. 184 et s.).
[2] Sergius (Servius) Sulpicius Galba, et, comme empereur, Ser. Galba imp. Cæsar Augustus.
[3] Evulgato imperii arcano, posse principem alibi quam Romæ fieri ; Tacite, Hist., I, 4.
[4] Plutarque, Galba, 4-5.
[5] Id., 7 ; etc. L’affranchi qui apporta cette nouvelle à Galba, ne mit que sept jours pour venir de Rome à Clunia (id.), soit environ 175 à 200 milles par jour. Je suppose qu’il fit la route par terre, Friedlænder arrive au même résultat en le faisant débarquer à Tarragone (8e éd., II, p. 23).
[6] Plutarque, Galba, 11. C’est à Narbonne qu’il rencontra les députés du sénat ; il avait déjà reçu la domesticité et la vaisselle impériales, qui firent dès lors partie de son train de voyage (id.) : détail qui montre quel extraordinaire équipage accompagnait la marche d’un empereur.
[7] Cf. Tacite, Hist., I, 8, 65.
[8] C’était l’arrière-petit-fils d’un légat de César (Suétone, Galba, 3).
[9] Cf. Suétone, Néron, 45.
[10] Galliæ obligatæ recenti dono civitatis Romanæ et in posterum tributi levamento (Tacite, Hist., I, 8) ; la diminution fut d’un quart (I, 51). Tacite exagère : la double faveur ne fut sans doute accordée ni à tous les Gaulois ni à toutes les cités (Plutarque, Galba, 18). Faveurs particulières accordées aux Viennois (Tacite, Hist., I, 65).
[11] En particulier à Bordeaux (XIII, 858-863).
[12] Tacite, Hist., I, 6 ; etc.
[13] Cf. Tacite, Hist., I, 53 ; I, 54 ; cf. C. I. L., XIII, I, 1828 et s. (Lyon), p. 583-4 (Trèves) ; R.-Enc., IV, c. 308-310 (Lingons). N’oublions pas que les Lingons font partie de la Germanie et que Lyon se dit partem exercitus (Tacite, Hist., I, 65).
[14] Atrocibus edictis, I, 53.
[15] Finibus ademptis ; I, 53 et 8. Mais il est à croire qu’on la leur rendit plus tard. — Confiscation (in fiscum) de revenus, reditus, de Lyon (Hist., I, 65 : sans doute de domaines). — Il y eut aggravation du tribut pour certaines cités (Suétone, Galba, 12). — Et même, pour quelques-unes (le pluriel pour le singulier ? Langres ?) destructio murorum (id.).
[16] Commoda aliena, Tacite, Hist., I, 8.
[17] Tacite, Hist., I, 53-4.
[18] En Germanie Supérieure, Galba remplace Verginius Rufus par Hordéonius Flaccus (Tacite, Hist., I, 8 et 9). En Germanie Inférieure, assassinat de Fontéius Capito, remplacé, après un assez long intervalle, par Vitellius (Hist., I, 7 et 9).
[19] Suétone, Galba, 16 ; Tacite, Hist., I, 51 Plutarque, Galba, 22.
[20] Nec socios, ut olim, sed hostes et victos ; Tacite, Hist., I, 51.
[21] Vetere instituto (I, 54). Depuis César ? ou, plutôt, depuis l’incorporation de la cité à la Germanie Supérieure ?
[22] I, 53-54.
[23] I, 53 et 57.
[24] I, 53-4.
[25] Je l’appelle ainsi, parce que Vitellius séjournait comme légat à Cologne et que c’est là qu’eut lieu sa proclamation ; Tacite, Hist., I, 56-57.
[26] I, 56-7 (du 2 au 3 janvier). Les légions de Mayence dans l’armée supérieure avaient, le 1er janvier, commencé par refuser le serment à Galba et par jurer sur les noms senatus populique Romani (Tacite, Hist., I, 55 et 57). Les principes coloniarum doivent être les décurions ou magistrats de Cologne, Trèves, peut-être Lyon, peut-être Langres. — Tous ces événements furent connus à Rome moins de dix jours après, par des lettres de l’intendant de la Belgique (I, 14, 12 et 18).
[27] M. Salvius Otho, ou imp. M. Otho Cæsar Augustus ; cf. Tillemont, Galba, art. 8 et 9.
[28] Tacite, Hist., IV, 54 ; I, 59, 64 ; I, 76 ; les gouverneurs de la Belgique et de la Lyonnaise sont pour Vitellius, ceux de l’Aquitaine et de la Narbonnaise d’abord pour Othon.
[29] Primores Galliarum : peut-être les sénateurs romains d’origine gauloise ; IV, 54 ; cf. I, 74.
[30] Pepigisse ne deessent libertati, IV, 54.
[31] Répartition en janvier (I, 59, 55, 64). — Chez les Lingons, les 8 cohortes bataves, auxiliaires de la XIVe [celle-ci étant en Italie ou en Illyrie] ; à Lyon, la Ire Italica [celle-ci envoyée sans doute en Germanie pour y remplacer la IIe de Strasbourg] et son auxiliaire l’ala Tauriana (I Flavia Gallorum). — En Germanie Inférieure : la Ve (Alaudæ) et la IVe (Primigenia) à Vetera, la XVIe à Neuss, la Ire à Bonn. — En Germanie Supérieure, la IVe (Macedonica) et la XXIIe (Primigenia) à Mayence, la XXIe, alors la plus célèbre des légions du Rhin (Rapaces ; I, 61 ; III, 22), à Windisch. — A Lyon, en ce moment et sans doute depuis quelque temps (solitis hibernis), la cohorte urbaine de garnison est maintenant la XVIIIe (Tacite, Hist., I, 64).
[32] Tacite, Hist., I, 61. — On laissa en Germanie Supérieure la IVe, en Inférieure les Ire, IVe, XVIe, toutes fort diminuées, mais conservant sans doute leurs aigles, et des éléments des autres légions ; Ritterling, De legione Romanorum X Gemina, p. 66.
[33] I, 63.
[34] I, 63.
[35] I, 63. Il est cependant probable que les gens de Metz, peut-être par jalousie de voisinage à l’endroit de Trèves, avaient été hostiles à Vitellius et favorables à Vindex (cf. I, 63 ; IV, 70, 71, 72).
[36] I, 64. On les avait rejointes là.
[37] I, 64. Il est probable que, de Langres, elles ont gagné Lyon par la route directe, Thil-Châtel, Dijon, Chalon, Mâcon.
[38] Tacite, Histoires, I, 64.
[39] I, 65.
[40] Publice armis multati (I, 66). Cela signifie qu’on les désarma publiquement ils avaient en effet pris les armes et même organisé des [?] légions pour la défense de Galba, peut-être une legio Allobrogica. — Ajoutez une formidable amende. — Cf. Fabia, La Querelle des Lyonnais et des Viennois, dans la Revue d’Hist. de Lyon, I, 1902, p. 106-118.
[41] Par la route de Valence, Die, Luc, le col de Cabre et Gap.
[42] On traversa ainsi Luc. Partout, extorsions, stupra et adulteria, I, 66.
[43] Memoria nominis clara, I, 67.
[44] Cécina part de Windisch, détruit, tout à côté, Baden, Aquæ Helvetiorum ; on livre bataille près de là (en aval d’Aarau ?), où les Helvètes sont pris, d’un côté par les soldats venus de Windisch, et de l’autre par les troupes de Rétie ; ils se réfugient in montem Vocetium (Gislifluh ?), sont délogés, et leur capitale Avenches se rend (I, 67-8). D’Avenches, il a dû gagner le Grand Saint-Bernard par la route de Vevey. — On pense d’ordinaire, pour le Vocetius, à l’ensemble du Bœtzberg ; cf. Viollier, Rev. des Ét. anc., 1913, p. 278-280.
[45] Dilapsis vetustate mœnibus. Il doit s’agir d’anciens oppida, et peut-être d’un seul, près du lieu de combat.
[46] Tacite, I, 68.
[47] I, 69.
[48] Claudius Cossus, I, 68-69.
[49] Hibernis adhuc Alpibus, I, 70.
[50] I, 87.
[51] Marius Maturus, intendant des Alpes Maritimes, essaie de l’arrêter à sa frontière (vers La Turbie ?), à la tête de la jeunesse du pays ; il est battu (II, 12).
[52] La Narbonnaise avait, sur ces entrefaites, accepté Vitellius (I, 76 ; II, 14).
[53] La troupe rejoignit la cohors Ligurum, qui tenait garnison à Cimiez dans les Alpes Maritimes ; Tacite, Hist., II, 14.
[54] Tacite, Hist., II, 14-15. Sans doute près du lieu de garnison de la cohorte, qui était Cimiez. Je suppose la bataille entre Nice et le Var, sur le rivage, à l’embouchure du Magnan, les Othoniens à droite de la rivière, à Sainte-Hélène (quantum inter colles ac litus æqui loci) et à la colline du Montet (in colles mari propinquos), les Vitelliens plus à l’ouest, vers le Var. — On a placé le combat entre Antibes et le Loup, et on a rattaché à son souvenir les ruines du monument dit de Biot (cf. Bull.... des Antiquaires, 1901, p. 172-8 ; Revue des Ét. anc., 1907, p. 48-68) : l’un et l’autre ne sont pas impossibles. On a aussi parlé des environs de Cagnes, ce qui est également possible (Sardou, Ann. de la Soc. des Sc.... des Alpes-Maritimes, 1875, p. 283).
[55] Tacite, Hist., II, 30-50.
[56] Aulus Vitellius. — Fabia, Vitellius à Lyon, dans la Revue d’Hist. de Lyon, II, 1903, p. 89-105.
[57] Tacite, Hist., II, 57.
[58] Hist., II, 59 (à Chalon ?). Son armée vint par terre à Lyon (II, 59).
[59] Junius Blæsus circumdaret principi ministeria (II, 59). Cette question d’équipage avait une très grande importance.
[60] Cf. Tacite, Hist., II, 59, 61, 62.
[61] II, 60.
[62] Tacite, Histoires, II, 59.
[63] II, 59.
[64] II, 62. Tacite ajoute que, pour organiser ces fêtes, on ruina principes civitatum, on dévasta civitates. Et il s’agit évidemment de la Gaule.
[65] Strepentibus ab utroque mari itineribus, II, 62.
[66] L’Empire boïen de Bohême avait été détruit par les Suèves, et les Boïens du pays de Buch étaient la plus insignifiante tribu de la Gaule.
[67] Il parait certain qu’ils étaient directement représentés à l’autel du Confluent.
[68] Mariccus quidam, e plebe Boiorum,... adsertor Calliarum et deus... simulatione numinum ; II, 61.
[69] Provocare arma Romana ausus est ; II, 61. Il est possible qu’il ait envoyé un message de défi à Vitellius.
[70] Proximos Æduorum pagos ; II, 61. Sur la route de Nevers ou Decize à Autun ?
[71] Tout cela, d’après Tacite, II, 61.
[72] Stolidum vulgus inviolabilem credebat ; II, 61.
[73] Spectante Vitellio interfectus est ; II, 61.
[74] Cet épisode de Maricc est à coup sûr plus curieux, plus intéressant, que les batailles entre Othon et Vitellius. Or Tacite, et ceci nous montre mieux que tout le profond contraste entre les historiens d’autrefois et ceux de nos jours, Tacite a honte de parler de ce misérable à côté des grands chefs (II, 61) : Inter magnorum virorum discrimina pudendum dictu. Et cela est à retenir pour comprendre le mépris dont les Romains de cette allure ont accablé les Chrétiens.
[75] Germanorum auxilia, I, 61 ; Transrhenanos, II, 17 ; II, 32 et 35 ; I, 70. C’est peut-être ce qui explique le calme de la Germanie pendant cette guerre.
[76] Peregrinum et externum ; Tacite, II, 21.
[77] Tacite, II, 27 ; Plutarque, Othon, 12.
[78] Versicolori sagulo, Tacite, Hist., II, 20 ; Plutarque, Othon, 6.
[79] Il s’arrêta à Vienne, où il rendit la justice (Suétone, Vit., 9), et dut passer par Luc et le Genèvre, pour arriver à Turin ; Tacite, Hist., II, 66.
[80] C’est ainsi que j’interprète ut species armorum forent (II, 89) ; cf. II, 74 et 88.
[81] Tacite, Hist., II, 87-9.
[82] Retour en Bretagne de la XIVe, à laquelle, pour lui faire éviter Vienne, on fit prendre un chemin détourné (flexu itineris), par Turin, les Alpes Grées ou le Petit Saint-Bernard, Conflans, et, de la, sans doute Annecy et Genève : c’est à Conflans, je pense, que les plus hardis voulurent prendre un instant la route de Vienne (II, 66).
[83] II, 69 ; IV, 15.
[84] II, 69.
[85] Ce que note Tacite, II, 69 : Principium, etc.
[86] Tacite, Hist., II, 74 et s.
[87] Omnes exercitus flammaverat arrogantia venientium a Vitellio militum, quod truces corpore, horridi sermone, etc. ; II, 74.
[88] Tacite, Hist., II, 85-6 ; III, 1 et s. — Le chef de la guerre était le Toulousain M. Antonius Primus, surnommé Becco, le bec en gaulois ; Suétone, Vitellius, 13 ; Martial, IX, 99, 3.
[89] Tacite, Hist., III, 21 et s.
[90] Tacite, Hist., II, 97 ; III, 46 ; IV, 19, 54.
[91] Tacite, Hist., II, 97.
[92] Tacite, Hist., II, 97 ; III, 41 et 44.
[93] III, 42-3. Le vrai maître du Midi, en ce moment, était un ami de Vespasien, l’intendant de la Narbonnaise, Valerius Paulinus, originaire de Fréjus ; il fit de Fréjus, où il y avait encore la flotte, le centre de la défense contre les Vitelliens.
[94] Ut... Gallias et exercitus et Germaniæ gentes... cieret ; III, 41 et 62 ; IV, 13 ; V, 26.
[95] A Monaco (portum Herculis Monœci), où il débarqua, venant de Pise, pour rejoindre Maturus, le gouverneur des Alpes Maritimes, demeure fidèle à Vitellius ; III, 42.
[96] Stœchadas Massiliensium, III, 43. Ce nom désigne ici les lies du Frioul, Pomègue et Ratonneau, et non les îles d’Hyères.
[97] III, 43. Une flottille de liburnicæ, envoyée de Fréjus, alla opérer sa capture.
[98] Tacite, Hist., III, 46 ; IV, 13-15.
[99] III, 46 ; IV, 21.
[100] III, 46 ; IV, 54.
[101] Voyez tout le développement de Tacite, III, 71-2 : Id facinus post conditam Urbem luctuosissimum, etc. Cf. Arrien, Entretiens d’Épictète, I, 7.
[102] Druidæ canebant, IV, 54. — Il est possible qu’il y ait quelque rapport entre cette réapparition des druides et les mesures prises par Vitellius contre les astrologues (Tacite, Hist., II, 62 ; Suétone, Vit., 14, 4 ; Dion, LXV, 1, 4).
[103] Fatali nunc igne signum cælestis iræ datum, et possessionem rerum humanarum Transalpinis gentibus portendi ; IV, 54. Il devait y avoir chez les Gaulois la croyance que l’incendie était un signe céleste.
[104] Tacite, Hist., IV, 55.
[105] Julius Sabinus, πρώτος τών Λιγγόνων (Tacite, IV, 55 ; Dion, LXVI, 3, 1). Sa qualité de préfet d’une cohors Lingonum est probable, non prouvée. Les cohortes ordinaires de Lingons faisaient partie de l’armée de Bretagne. Mais on a dû en former d’autres pour Vitellius (I, 57).
[106] Julius Tutor... Trevir... ripæ Rheni a Vitellio præfectus (Tacite, IV, 55). Peut-être chef de tous les détachements auxiliaires restant alors sur le territoire de Cologne ; peut-être seulement préfet de la flotte ; cf. Marquardt, Staatsverwaltung, II, p. 538 ; von Domaszewski, Die Rangordnung (B. Jahrb., CXVII), p. 136.
[107] Classicus (il s’appelait Julius, II, 14), præfectus alæ Treverorum (Tacite, IV, 551. II avait combattu les Othoniens près d’Antibes et avait dû être renvoyé sur le Rhin à la fin de 69.
[108] Missi per Callias concitores belli ; IV, 56.
[109] L’armée romaine comprend alors, outre les auxiliaires : les légions Ire à Bonn, XVe et Ve (sans l’aigle) à Vetera, XVIe à Neuss, en Germanie Inférieure ; IVe et XXIIe à Mayence en Germanie Supérieure (la XXIe est partie presque entière, et toute la Ire Italica). Il est certain que ce n’étaient que de très faibles détachements de l’armée primitive ; mais les vides laissés en janvier 69 par le départ de Cécina et de Valens avaient été en partie comblés par des levées faites per Gallias. Même remarque pour les auxiliaires. Toutes ces troupes ne formaient qu’une armée, sous les ordres du légat consulaire de Mayence, Hordéonius Flaccus. Tacite, Hist., I, 61 ; II, 57 ; IV, 15, 18, 19, 24, 25, 35.
[110] Julius Civilis. Regia stirps, IV, 13 ; I, 59. Il parait avoir été chef d’une cohorte (IV, 16).
[111] IV, 13.
[112] A Mayence ?
[113] Je le suppose : le récit de Tacite (IV, 13) manque totalement de clarté.
[114] Sacrum in nemus, la nuit, specie epularum (IV, 14). Il s’agit d’une fête au moment sans doute de la pleine lune.
[115] IV, 14-15 (patrio ritu et patriis exsecrationibus).
[116] Soulèvement des Canninéfates, à l’ouest de l’île des Bataves, et des Frisons ; prise d’un ou deux camps importants, sans doute voisins de la mer (Arentsburg ? Vechten ? Il est probable que d’autres castella (des bords du Wahal ?) furent ensuite abandonnés et que la Frise fut alors évacuée. Tacite, Hist., IV, 15.
[117] In superiorem insulæ partem, près du Rhin, en face de Nimègue ? Tacite, Hist., IV, 15-16.
[118] Entre Nimègue et Xanten, dans la plaine en avant de cette ville ? IV, 18.
[119] IV, 13, 21, 17.
[120] Tacite, Hist., IV, 17.
[121] Il y a là deux légions (Hist., IV, 18 et 21), la Ve et la XVe. Civilis a été rejoint par les cohortes des Bataves et des Canninéfates, venues de Mayence, après un sanglant combat contre la garnison de Bonn, la Ire ; IV, 19-20.
[122] Légat de la XXIIe, auquel Hordéonius confie la guerre (Hist., IV, 24-5).
[123] Cohortes des IVe et XXIIe, qui forment la garnison de Mayence ; la Ire, prise à Bonn ; la XVIe, à Neuss. Vocula campe à Gelduba, Gellep. Tacite, IV, 24-6. — Comme incidents qui suivent : combat à Asciburgium, Asberg, et levée du siège (IV, 33-35) ; puis, recul de Vocula jusqu’à Neuss et reprise du siège (35-6) ; meurtre d’Hordéonius dans une sédition (36). Le récit de Tacite est assez incohérent.
[124] Incursions (des Canninéfates ?) sur le littoral contre Ménapes et Morins. Incursions (des Tenctères ?) contre Ubiens et Trévires ; les Ubiens battus à Marcodurum (Düren ?) ; mais les Trévires construisent un retranchement avec palissade le long de leur frontière du côté du Rhin. Tacite, Hist., IV, 28 et 37.
[125] Hist., IV, 37. Les Usipi, dont parle aussi Tacite, ne doivent pas être ici confondus avec les Usipètes de la Lippe : c’est, je crois, une petite peuplade du Nassau (vallée de la Wisper ?), débris des anciens Usipètes.
[126] Tacite, IV, 37.
[127] Tacite, IV, 56-7.
[128] Tacite, Hist., III, 85 ; IV, 3, 39 ; etc.
[129] Commeavere nuncii, IV, 55 ; Josèphe, De b. J., VII, 4, 2.
[130] Audita mors Vitellii duplicaverat bellum ; IV, 54 et 55.
[131] Tacite, Hist., IV, 53.
[132] Nolle deos mutari æterem formam, disait-on à propos du nouveau Capitole (Tacite, IV, 53). Superesse fortunam imperii ; IV, 57.
[133] Tacite, Hist., IV, 55 et s. ; Josèphe, De b. J., VII, 4, 2.
[134] Famosæ urbis supremum diem ; V, 2.
[135] IV, 55-7.
[136] IV, 57. D’abord, près d’Asberg (Asciburgium), où a lieu sans doute la défection ; ensuite, près de Neuss, où Vocula retourne après la défection.
[137] Pour la Ire, Pfitzner, p. 214 et suiv. La XVIe (la plus stable des légions) est celle de Neuss, la Ire, de Bonn.
[138] Remarquez que, depuis le départ de Vitellius, ces légions s’étaient sans cesse augmentées de recrues prises en Gaule (festinatis per Gallias dilectibus ut remanentium legionum nomina supplerentur ; II, 57). Quelques centurions et tribuns, même, étaient geniti in Gallia (IV, 61).
[139] IV, 57-9.
[140] Sumptis Romani imperii insignibus ; IV, 59.
[141] Ut sacramentum recitaret ; juravere qui aderant pro imperio Galliarum ; IV, 59.
[142] Tacite, Hist., IV, 59.
[143] Cela me parait résulter de inhonora signa ; on n’arracha que les images impériales. Il est vrai qu’à côté des enseignes légionnaires l’historien parle fulgentibus Gallorum signis (Gaulois auxiliaires). Tacite, IV. 62.
[144] La monnaie Gallia fides étant de date fort incertaine, on ne peut en tirer aucune conclusion pour ces évènements.
[145] Tacite, Hist., IV, 17.
[146] Neque se neque quemquam Batavum in verba Galliarum adegit ; IV, 61.
[147] Ea virgo nationis Bructeræ late imperitabat ; IV, 61. Elle n’a dû être reine, si elle l’a été de nom ou de fait, que dans une tribu de Bructères.
[148] Tacite, Ann., XIV, 35 ; Germ., 8 ; Dion, LXVII, 5, 3, p. 180, Boissevain.
[149] Cf. Germ., 8 ; Hist., IV, 61.
[150] Cf. Germ., 8 ; Hist., IV, 61.
[151] Hist., IV, 61, 65 ; V, 22, 24.
[152] Tacite, Hist., IV, 66.
[153] Tacite, Hist., IV, 21, 23, 37 ; V, 19.
[154] IV, 21, 28 ; V, 13.
[155] IV, 63-5.
[156] Voyez les paroles des Tenctères aux Ubiens (IV, 64) : Redisse vos in corpus nomenque Germaniæ. — Il semble qu’on ait eu l’idée de faire de Cologne la capitale de cette Germanie (IV, 63) : Promiscua ea sedes omnibus Germanis foret. Et en cela, évidemment, les Germains subissaient l’influence de l’œuvre romaine à Cologne mais ils cherchaient aussi à donner à leur nom un centre religieux et politique. — Il ne semble pas impossible qu’il y ait eu un lien entre Velléda et le sanctuaire central des Semnons ; cf. Dion, LXVII, 5, 3, p. 130, Boissevain.
[157] Remis, qui per Gallias edixere, ut missis legatis in commune consultarent ; IV, 67.
[158] Strabon, IV, 3, 5.
[159] Je ne peux cependant l’affirmer.
[160] Libertas an pax placeret ; IV, 67.
[161] IV, 63.
[162] Julius Auspex, e primoribus Remorum ; IV, 69.
[163] Quod bello caput ? unde jus auspiciumque peteretur ? quam, si cuncta promissent, sedem imperio legerent ?
[164] Aliis fœdera jactantibus : ce ne peuvent être que les Éduens, ou, à la rigueur, les Lingons (cf. IV, 67).
[165] Vetusiatem originis (Bituriges ?, ou même Arvernes à cause du mythe troyen) ; opes viresque [viros ?] (Arvernes ? Séquanes ?).
[166] IV, 69.
[167] Nondum victoria, jam discordia.
[168] IV, 69.
[169] Epistolæ nomine Galliarum.
[170] IV, 60. C’est la fin de la Ve (Alaudæ) et de la XVe (Primigenia).
[171] IV, 66 : occupation des Sunuci ; victoire sur les Bætasii, les Nerviens et les Tongres à mons Mosæ, Maëstricht ? ; soumission de ces peuples. Cela, sur la grande route du Nord, de Cologne à Cambrai.
[172] IV, 64-5. Elle refusa nettement tout massacre des Romains. Les affaires de Cologne furent dirigées par un sénat (concilium), qui se montra d’une très grande sagesse politique.
[173] IV, 62. L’entrée dans Trèves des deux légions déshonorées, silens agmen et velut longæ exsequiæ, est un des plus beaux passages de Tacite.
[174] Tacite, IV, 67. Il commence projectis fœderis Romani monumentis : les tables de bronze portant le fœdus des Lingons avec Rome, plutôt que le problématique autel de Drusus.
[175] Il fait jurer sur l’Empire des Gaules aux débris de la IVe et de la XXIIe à Mayence ; IV, 59 et 70.
[176] On ne conserva que Mayence et Windisch (IV, 61).
[177] Claudius Labeo, lequel est du reste un Batave, jaloux de Civilis (IV, 18).
[178] IV, 70.
[179] IV, 67 ; Dion, LXVI, 3. Aucune indication topographique.
[180] C’est ce qui résulte de Tacite, IV, 69.
[181] Hist., IV, 70.
[182] En avant, la XXIe, la fameuse Rapax, l’ancienne légion de Windisch, par le Grand Saint-Bernard ?, et de là par son ancien camp, qu’elle réoccupe. Puis, la VIIIe, la XIe, la IIe, par le Petit Saint-Bernard et le Genèvre. D’autre part, la XIVe revient de Bretagne, la VIe et la Xe viennent d’Espagne. Tacite, Hist., IV, 68. A ce moment ou peu après, la Ire (Adjutrix) vint également d’Espagne. On croit aussi à une autre légion (la XIIIe ? la VIIe ?), amenée d’Italie. Cf. Ritterling, De legione Romanorum X Gemina, 1885, Leipzig, p. 37 et 67, et Westd. Zeitschrift, XII, 1893, p. 105 et s., et bien d’autres.
[183] Q. Petillius Cerialis Cæsius Rufus. Tacite, IV, 71-74.
[184] IV, 70-71. Tutor a dû aller directement de Worms à Bingen, abandonnant Mayence aux anciens légionnaires de la IVe et de la XXIIe, rentrés dans le devoir. — A ce propos, Tacite parle de l’appui, d’ailleurs momentané et instable, qu’il reçut des Triboques, des Vangions et d’une autre cité qu’il appelle Cæracates et qui doit être le Nahagowe ou pagus de la Nahe dans le futur diocèse de Mayence. Les Némètes de Spire ont dû rester fidèles.
[185] Par la XXIe ou son avant-garde. A Bingen, sur un gué de la Nava (la Nahe) : le premier gué en amont du pont de Drusus actuel, vers Munster ? (IV, 70). — Voyez, sur cette route, Bonner Jahrb., XXXI, 1861, p.1197-205.
[186] V, 19 ; IV, 71. Il semble bien que Classicus y ait tenu une sorte de cour, et qu’il ait été le chef de cet Empire (Classicus velut parto imperio fruebatur, IV, 70).
[187] Il fut pris dans un combat (IV, 71), condamné à mort par l’empereur ?), et sut mourir bravement, disant qu’il regrettait moins la vie haïssant sa patrie captive (IV, 85).
[188] Cf. Tacite, Hist., IV, 70.
[189] IV, 70.
[190] Rigodulum, troisième campement sur la route de Mayence à Trèves, IV, 71 ; Valentinus campait sur une hauteur bordée par la Moselle (à Riol même), hauteur que Cérialis enleva, après l’avoir bloquée par sa cavalerie, massée sur les sommets environnants (le cirque qui encadre Riol). Valentinus fut pris.
[191] Tacite, Hist., IV, 72.
[192] IV, 72.
[193] Mulceret animos ; IV, 72.
[194] Pour ce qui suit, IV, 73-74.
[195] V, 19 ; IV, 76.
[196] Si Cerialis imperium Galliarum velit (IV, 75). Cela rappelle l’offre d’Arioviste à César.
[197] Tacite, Hist., IV, 75.
[198] Tacite, Hist., IV, 75-6. Il n’a encore avec lui que la XXIe, les débris de l’ancienne armée du Rhin supérieur, et les légions repenties ; IV, 76-78.
[199] Dion Cassius (LXVI, 3, 3) pense sans doute à cette bataille, lorsqu’il parle d’une rivière obstruée par les cadavres.
[200] Tacite, IV, 77.
[201] Gallos pro libertate, IV, 78.
[202] Sur la rive gauche et l’emplacement du faubourg actuel ? (IV, 77). De même, Peter, Rœm. Geschichte, III, 11, p. 59. — On a supposé le camp sur la rive droite, adossé à Trèves même (Asbach, Westd. Z., XVI, 1897, p. 193-9).
[203] Venant de Cologne par trois côtés : 1° par les collines (Mariensäule ?) ; 2° par la route (Rœmerstrasse ? ; cf., pour le tracé, von Veitb, Bonner Jahrb., LXXVIII, 1884, p. 11-12) ; 3° par les terres basses entre la route et la rivière, IV, 77.
[204] IV, 77-78. Cérialis part de Trèves, marche au pont, le dégage, l’occupe solidement, et, la rivière traversée, arrive au camp romain (IV, 77), où sont déjà les ennemis. Ceux-ci sont alors attaqués à la fois par le pont et par les hauteurs d’amont, summis jugis, patentiore spatio, où la XXIe s’est reformée (Markusberg ?). — Ils s’échappent pour se réfugier dans leur camp, qui est pris le jour même. — Civilis se dirige alors vers Tolbiacum (Zulpich, chez les Ubiens), où se trouvait sa réserve (IV, 79).
[205] Après avoir massacré la réserve de Civilis (n. précédente) ; IV, 79. — Celui-ci, alors, de Zulpich, se retire à Neuss (IV, 79), puis à Vetera (V, 14).
[206] IV, 79.
[207] Arrivée de la XIVe par la route de Boulogne, Bavai, Tongres. Mais la flotte de Bretagne est battue par les Canninéfates à l’entrée de la Meuse, et il y eut aussi une victoire de ces derniers sur les milices nerviennes (descendues de Tongres vers Bois-le-Duc ?). Tacite, IV, 79. Cérialis avait voulu attaquer par tous les côtés l’île des Bataves.
[208] Après une défaite de son avant-garde en avant de Neuss (IV, 79), Cérialis, ayant reçu, outre la XIVe (n. précédente), la IIe d’Italie et la VIe d’Espagne (V, 14), marche contre Civilis : celui-ci l’attaque sans succès dans la plaine inondée en avant de Vetera (de Rheinberg à Birten). V, 14-18. — Après la bataille, la XIVe est envoyée en Germanie Supérieure, et la Xe, venue d’Espagne, la remplace (V, 19).
[209] Civilis incendie sur la rive gauche oppidum Batavorum (Nimègue ?), rompt la digue de Drusus (à la pointe de Schenkenschanz, où se formait le Wahal ?), rétablit par là le cours normal du fleuve au sud, autrement dit le Wahal, et s’enferme ainsi dans l’île des Bataves, où il est en sûreté. Cérialis établit au sud de l’île des postes d’investissement, à Arenacum [Arenatium ?] (Rindern ?), Batavodurum (Nimègue ?), Grinnes (Druten ?), Vada (en aval de Dreumel ? Rossum ?). Efforts de Civilis pour enlever ces postes. Tacite, V, 19-21.
[210] Les Chauques, V, 19 ; IV, 79.
[211] V, 23. Elle fut construite quo Mosæ fluminis os Rhenum [le Wahal plutôt que le Leck ?] Oceano affundit (vers Gorcum plutôt que vers Vlaardingen ?).
[212] Il s’en empara par surprise pendant la nuit, et, semble-t-il, alors qu’elle était à l’ancre (près de Xanten, à Wesel ?). Tacite, Hist., V, 22
[213] V, 23 et 19.
[214] Elles furent sans doute précipitées par une descente de Cérialis dans l’île, où il prit soin surtout de ravager les terres, et d’épargner celles de Civilis (V, 23).
[215] Tacite, Hist., V, 24-25.
[216] La tradition manuscrite donne Nabaliæ fluminis pons (V, 26). L’ensemble des faits indique le pont de Nimègue, reconstruit et coupé au milieu à l’occasion de cette entrevue (c’était, croit-on, un usage germanique ; cf. Ruodlieb, Carmina, éd. Seiler, 5, 22). On peut donc supposer Vahalis. Toutefois, Ptolémée cite une localité du nom de Navalia (II, 11, 13) : mais cela peut être une mauvaise lecture de Tacite. De toutes manières, je crois que le pont était à Batavodurum ou Nimègue (cf. Tacite, V, 20). Dans un autre sens, Dederich, Monatsschrift de Pick, IV, 1878, p. 213-9.
[217] Le récit de Tacite s’arrête aux négociations. Les conclusions que nous leur donnons, résultent, presque à coup sûr, de l’état de choses ultérieur. Pour les Bataves, Tacite, Germ., 29. Du reste, tous les Pays-Bas à l’ouest du Zuiderzee et peut-être de l’Yssel demeurèrent fortement occupés : Vechten près d’Utrecht, Arentsburg dans Voorburg près de la Haye, Roomburg près de Leyde, Katwyk sur la mer, Egmond plus au nord encore (C. I. L., XIII, 8807-29), pagus Vellaus, le pays de Veluwe ? (C. I. L., VII, 1072) ; cf., avec des réserves pour certaines de ces stations, Holwerda, Die Rœmer in Holland (dans IV. Bericht der Rœm.-G. Kommission de 1908, p. 81 et s.). — La situation des Frisons est plus incertaine : Tacite ne dit pas qu’ils fissent partie de l’Empire (Germ., 34) ; toutefois, il y a encore des Frisii dans l’armée romaine (Bang, p. 100), mais originaires peut-être de l’ouest du Zuiderzée ? ; j’ai cependant peine à croire que la rive droite de l’Yssel et du Zuiderzée n’ait pas été replacée sous la surveillance de Rome. — Un centurion de la VIe parait avoir été charge de rétablir l’ordre sur les rivages des Morins et des Ménapes (C. I. L., XIV, 390-1). — Le règlement définitif parait avoir été soumis à Domitien, envoyé dès la révolte des Gaulois à Lyon avec Mucien, mais que la rapide victoire de Civilis empêcha de pousser jusqu’à la frontière (Josèphe, De b. J., VII, 4, 2 ; Suétone, Dom., 2 ; Tacite, Hist., IV, 68, 85-6 ; Frontin, IV, 3, 14). Cf. Fabia, Domitien à Lyon, dans la Revue d’Histoire de Lyon, IV, 1905, p. 5-20.
[218] C’est le mot des Bataves (V, 25) : Totius orbis servitium.
[219] Ch. I, § 2 et 3.
[220] Voyez, à la fin de la guerre de Civilis, les paroles d’admiration, chez les Bataves, à l’endroit de l’Empire (V, 25).
[221] Venientis exercitus fama ; IV, 68.
[222] Voyez le discours de Vocula aux légions révoltées (IV, 58).
[223] La phrase de Tacite est admirable, encore qu’il ne soit pas sûr que l’historien ait voulu l’effet produit sur nous par le contraste : Projectis fœderis Romani monumentis Cæsarern se salutari jubet ; IV, 67 ; Dion, LXVI, 3, 1.
[224] Tullius Valentinus. Le gentilice est donné IV, 68, sous la forme Tulius. J’hésite beaucoup à corriger en Julius, comme on fait toujours.
[225] Et qui campa chez les Nerviens et les Éburons.
[226] Que les chefs de la révolte soient des nobles et des nobles riches, cela résulte de tous les textes ; ils sont de grands propriétaires : agros villasque Civilis (V, 23), villa de Sabinus (IV, 67), Classicus nobilitate opibusque ante alios (IV, 55), nobilissimos Belgarum (IV, 71), et cela explique en partie pourquoi cette révolte dure si peu et s’imprègne si peu d’éléments indigènes.
[227] Ils n’ont pu être élus que par les sénats municipaux.
[228] Tacite, Hist., IV, 74 et 69.
[229] Tacite, Hist., IV, 74.
[230] Pulsis Romanis, quid aliud quam bella omnium inter se gentium existent ? IV, 74.
[231] Victi victoresque eodem jure ; IV, 74.
[232] Cetera in communi sita sunt. Ipsi plerumque legionibus nostris præsidetis ; ipsi has [les Gaules] aliasque provincias regitis. Nihil separatum clausumve, IV, 74.
[233] Pacem et Urbem (IV, 74).
[234] Nous donnons ici la liste chronologique des gouverneurs connus des provinces transalpines jusqu’en 70.
I. Proconsuls de la Narbonnaise. — Sous Auguste. Cn. Pullius Pollio (Dessau, n° 916). — Fin d’Auguste ou sous Tibère. Titedius Labeo (Pline, XXXV, 20). — T. Mussidius Pollianus (C. I. L., VI, 1466). — Sous Tibère, au début. Manius Vibius Balbinus (C. I. L., IX, 5645). — Vers 30 ? Torquatus Novellius Atticus, de Milan, leg, a]d cens. accip. et dilect. et [proco]s. provinciæ Narbon., prétorien (C. I. L., XIV, 3602, Foro Julii decessit). — ? (C. I. L., VI, 1550). — Sous Claude ou Néron. T. Vinius Rufinus (Tacite, Hist., I, 48, Gallium Narbonensem severe integreque rexit). — Sous Néron ? C. Seius Calpurnius Quadratus Sittianus (C. I. L., XIV, 2831).
II. Légats de la Lyonnaise. — En 21. Aviola. — En 61, chacun pour une des Trois Gaules, et comme chargés du census, les trois consulaires Q. Volusius Saturninus, T. Sextius Africanus, M. Trebellius Maximus (Tacite, Ann., XIV, 46). — En 68. Vindex. — En 68-9. Junius Blæsus (Tacite, Hist., I, 59).
III. Légats de l’Aquitaine. — En 31 ? 33 ? Galba (Suétone, Galba, 6). — Sous Claude ? Manilius Cornutus (Pline, XXVI, 4). — En 54 ? 55 ? L. Duvius (ou Dubius) Avitus (Pline, XXXIV, 47 ; C. I. L., XII, 1354 ; originaire de Vaison ?). — En 68. Inconnu (Suétone, Galba, 9, 2). — En 68-69. Q. Julius Cordus (Tacite, Hist., I, 76).
IV. Légats de la Belgique. — En 58. Ælius Gracilis (Tacite, Ann., VIII, 53). — ?... Priscus ? (C. I. L., X, 1705). — En 68. Peut-être Betuus Chilo [Cilo ?] (Tacite, II, I, 37). — En 68-69. D. Valerius Asiaticus, Viennois d’origine (Tacite, Hist., I, 59).
V. Légats en Germanie Supérieure. — De 14 à 21. C. Silius Aulus Cæcina Largus (Tacite, Ann., I, 31 ; IV, 18-9 ; etc.). — De 29 à 39. Getulicus. — De 39 à 41. Galba (Dion, LX, 8, 7). — En 43-45. C. Vibius Rufinus (C. I. L., VIII, 6797 ; Dessau, n° 2283). — En 47. Curtius Rufus (Tacite, Ann., XI, 20). — En 50 et 51. Pomponius Secundus (C. I. L., XIII, 5200-1). — En 55 ? -58 ? L. Antistius Vetus (Tacite, Ann., XIII, 53). — En 56-58 ? a dû succéder au précédent. T. Curtilius Mancia (Tacite, Ann., XIII, 56 ; Phlégon de Tralles, De miraculis, 56, Didot, Fr. hist. Gr., III, p. 623). — En 67 et longtemps avant. L. Sulpicius Scribonius Proculus (Dion, LXIII, 17, 2-3 ; Année épigr., 1906, n° 53). — En 68. L. Verginius Rufus, peut-être de Milan. — Remplacé à la fin de 68, jusqu’en 70, par Hordeonius Flaccus (Tacite, Hist., I, 9 ; Plutarque, Galba, 10).
VI. Légats en Germanie Inférieure. — En 14-16. Aulus Cæcina Severus (Tacite, Ann., I, 31 ; II, 6). — En 21. C. Visellius Varro. — En 28-34 ? L. Apronius (Tacite, Ann., IV, 73 ; VI, 30). — En 41. P. Gabinius Secundus (Dion, LX, 8, 7). — En 46-7. Q. Sanquinius Maximus (Tacite, Ann., XI, 18). — En 47. Corbulon. — En 58 et avant, Pompeius Paulinus (Tacite, Ann., VIII, 53 ; Pline, XXXIII, 143, fils d’un eques Arelatensis et petit-fils de quelque comatus, indigène ou Barbare, pellitus, dit Pline). — En 58 et ensuite, Duvius Avitus (cf. plus haut ; Tacite, Ann., VIII, 54). — En 67 et longtemps avant. [Sulpicius ?] Scribonius Rufus (Dion, LXIII, 17, 2-3). = En 68. Fonteius Capito (Tacite, II, 1, 7). — En 68-9. Vitellius.
VII. Alpes Cottiennes. — D’Auguste à Néron. Donnus et les deux Cottius.
VIII. Alpes Maritimes. — C. Bæbius Atticus, præf. civitat. in Alpibus Maritumis sous Caligula ou Claude (C. I. L., V, 1835). — Marius Maturus en 69 (Tacite, Hist., II, 12 ; III, 42-43).
IX. Alpes Grées ou Pennines. — Q. Octavius Sagitta, proc. Cæsaris Augusti in Vindalicis et Rætis et in valle Pœnina per annos IIII (Not. degli Scavi, 1902, p. 124). — Sextus Pedius Lusianus Hirrutus, præfectus Rætis, Vindolicis, vallis Pœninæ et levis armataræ sous Tibère (IX, 3044). — De la même époque, et non sous Marc-Aurèle ? (cf. Hirschfeld, Verw., 2e éd., p. 390). Q. Caicilius Cisiacus Septicius Pica Caicilianus, procurator Augustorum et pro legato provincial Raitiai et Vindelic. et vallis Pœnin. : mais j’ai encore bien des doutes sur la date. — Lucilius Junior sous Claude ?, per Pœninum Graiumve montem (Sénèque, Lettres, 31 [IV, 2], 9).
Dans une province alpestre incertaine. — Egnatius Calvinus, præfectus Alpium (Pline, Hist. nat., X, 134). — T. Statilius Optatus sous Claude ou Neron, p[ræf. et] proc. Auguste A[lpium ? (C. I. L., VI, 31863).