HISTOIRE DE LA GAULE

TOME IV. — LE GOUVERNEMENT DE ROME.

CHAPITRE III. — DRUSUS, GERMANICUS, ARMINIUS[1].

 

 

I. — LA GAULE DANS L’EMPIRE ROMAIN.

Lyon ne fut pas seulement, pour l’État romain, la capitale d’une grande province. Il devint ce qu’on avait dit autrefois de Narbonne, le boulevard de son empire, d’où l’on surveilla les frontières de l’Occident, et d’où l’on partirait, le jour venu, pour de nouvelles guerres.

Des grands carrefours de la France, Lyon est le plus voisin de l’Italie. Les routes des Alpes s’y réunissent pour se greffer sur celles de l’intérieur[2]. Cette capitale de la Gaule se trouvait à portée de Rome, et les armées que les empereurs enverraient contre les Barbares de l’Ouest, pourraient s’y concentrer tout d’abord. On l’avait bien vu dès l’arrivée de César : les contingents celtiques s’y étaient rassemblés autour des légions amenées d’Italie, et c’est de Lyon que le proconsul s’élança à la découverte de l’Occident.

Mais Lyon se tient aussi très proche du Rhin. Il observe le seuil de Belfort, le sillon des lacs helvétiques, la tranchée de la Moselle, les plaines de la Champagne, toutes les terres par où l’on s’enfonce vers la Germanie. Entre les Alpes italiennes et le grand fleuve de la frontière, c’est par Lyon, ce n’est point par les vallées enchevêtrées de la Suisse, qu’était le passage naturel des armées impériales. Et il se plaçait à mi-chemin sur leur route, comme un merveilleux gîte d’étape[3].

Ce rôle de boulevard entre l’Italie romaine et la Barbarie occidentale, la Gaule entière le jouait aussi bien que sa capitale. Si les Romains avaient longtemps ignoré les bandes germa–niques, c’est que les Gaulois les avaient attardées ou supprimées. Et, disait César, si les légions vinrent en Gaule, ce fut pour éloigner des Alpes et arrêter sur le Rhin la poussée continue des Barbares. La conquête de la Gaule régla donc dans l’Empire la question de ses frontières occidentales : elles étaient dès lors assez reculées pour que le peuple romain pût jouir en sécurité de sa ville, de l’Italie et de son antique domaine sur la Méditerranée.

Mais cette conquête ne lui avait pas seulement donné de nouvelles frontières. Elle incorporait à ses États une immense contrée, plus vaste et plus fertile que chacune de ses autres provinces, que l’Italie, l’Espagne ou l’Afrique en Occident, que la Grèce, l’Asie, la Syrie ou l’Égypte en Orient. Par l’étendue et la valeur de ses terres, le nombre et les qualités de ses hommes, la Gaule apporte un appoint considérable à la puissance de cet Empire. Il en devient plus riche, plus robuste, plus varié. La Gaule lui fournit d’admirables soldats, qui lé défendront surfes frontières les plus lointaines, dans les déserts de l’Afrique ou de l’Orient : le défaut ordinaire des armées romaines, le manque de cavalerie, se trouva corrigé par l’aide permanente des escadrons celtiques[4]. Toutes sortes de produits nouveaux, lainages, poteries, conserves, affluèrent de Gaule dans les provinces. Comme les Gaulois étaient gens curieux et alertes, ils coururent les routes du Midi, ainsi qu’au temps de leurs chevauchées victorieuses. On rencontrait leurs marchands, leurs touristes, leurs soldats, à Alexandrie, à Antioche, à Carthage, à Delphes, à Jérusalem, dans ces lieux fameux de l’ancien monde, où leur jeunesse ardente infusait un peu de vie nouvelle.

La possession de la Gaule assurait à l’Empire romain plus d’équilibre et de solidité. Depuis que cette grande terre soudait en une masse compacte l’Italie et l’Espagne, la moitié occidentale de l’Empire se présentait en une énorme masse, ajustée et cohérente dans ses parties, pourvue de ses limites et de ses liaisons naturelles. Elle pouvait faire contrepoids aux forces de tout genre, qui, depuis les débuts de son ambition, attachaient Rome à l’Orient. Car, malgré l’Espagne et malgré l’Afrique, c’était toujours vers l’Orient que se tournaient la pensée ou le rêve des Romains. L’avènement de César et d’Auguste, descendants d’Énée le Troyen, le règne des empereurs, qui se disaient héritiers d’Alexandre, l’annexion de l’Égypte, que son commerce attirait vers la mer des Indes, venaient d’accroître encore l’antique prestige de l’hellénisme dans le monde gréco-romain ; et on prétendait, à tort ou à raison, que la capitale serait transférée à Troie ou à Alexandrie[5], pour qu’elle fût au foyer de toute civilisation, au centre religieux des grands empires. La conquête de la Gaule empêcha cette folie, s’il est vrai que des princes l’aient imaginée. Elle avait doublé en Occident le nombre de leurs sujets et l’étendue de leurs domaines ; elle les obligeait à entretenir sur la longue frontière du Rhin la plus puissante des armées de l’Empire. Il eût été d’une singulière imprudence que l’empereur se tint éloigné des Alpes et de Lyon, comme s’il s’agissait de peuples sans portée et de pays sans gloire.

L’horizon n’était point fermé du côté de l’Occident. Il offrait aux ambitieux des perspectives presque aussi lointaines que celles de l’Euphrate et de l’Indus. La Gaule fit connaître aux Romains les terres nouvelles de Bretagne et de Germanie, pleines d’hommes, de mystères et de périls. On racontait qu’elles avaient été visitées par Hercule, Ulysse, les Argonautes, les Dioscures et Pythéas[6] : ce qui mit dans l’âme des chefs aventureux des images aussi séduisantes qu’une entrée dans Babylone ou qu’un cortège dans les Indes. Si les caravanes d’Antioche ou les vaisseaux d’Alexandrie entraînaient les Romains vers les foires extrêmes de l’Asie[7], ils s’aperçurent aussi que Lyon ouvrait à leurs entreprises tous les marchés de l’Occident.

 

II. — LA CONQUÊTE DU DANUBE.

Auguste et Agrippa ne songèrent point à imiter César ou Alexandre. Ni l’Inde ni la Germanie ne les attiraient par leurs mirages. Entre l’Occident et l’Orient, ils virent qu’il y avait place pour une autre conquête, moins lointaine et moins glorieuse, mais plus utile, celle des pays du Danube.

Quand l’annexion de la Gaule eut renforcé l’Occident romain, il en résulta un danger imprévu pour l’unité de l’Empire. — Orient et Occident se valent maintenant : pour l’étendue, la force militaire, les richesses et la population, on ne peut dire laquelle de ces moitiés de la terre est supérieure à l’autre. Mais, si leurs ressources sont égales, leurs habitudes et leurs intérêts diffèrent. Chacune de ces deux régions a sa frontière et ses ennemis propres, ici les Germains et là les Parthes. Ce sont deux mondes dissemblables, celui-ci avec ses Celtes et ses Ibères, fils de Barbares nouveaux venus dans la vie universelle, celui-là avec ses villes antiques, ses royaumes divins ses traditions communes, que lui ont données les Phéniciens et les Hellènes. Il est à craindre, si le peuple romain ne peut maintenir son rôle de souverain et d’intermédiaire, que ces moitiés de son État ne se disputent et ne se disjoignent un jour. On venait de les voir s’entre-déchirer à Pharsale, à Philippes, à Actium surtout, la plus récente des grandes batailles, et celle où était le mieux apparue la lutte fatale entre l’Orient et l’Occident[8].

Entre ces domaines divergents, la Méditerranée demeurait, par la mer Ionienne, le seul trait d’union naturel. Mais au nord de cette mer Ionienne, tout séparait les deus mondes : l’Adriatique à demi déserte, ses rivages souvent inhospitaliers, les montagnes sauvages de l’arrière-pays. Depuis la colonie grecque de Dyrrachium, à l’origine des routes de la Macédoine[9], jusqu’à la colonie romaine d’Aquilée, au pied des cols des Alpes Juliennes, l’Empire romain se limitait à la côte, d’ailleurs mal surveillée et peu fréquentée[10]. Au delà, ce n’étaient que rudes peuplades, illyriennes et autres, ou débris des royaumes fondés par les Celtes de Ségovèse : Rètes et Vindélices du côté des Alpes, Noriques et Pannoniens dans l’angle du Danube, Dalmates et Mésiens du côté des Balkans, et, plus loin, en haut et en bas de la grande vallée, les empires naissants des Suèves et des Daces. Ces multitudes inconnues s’interposaient entre l’Orient et l’Occident de l’Empire ; elles obstruaient les routes qui menaient de Gaule et d’Italie en Macédoine et en Grèce[11] ; elles rendaient inutile à l’État romain et au monde civilisé la grande voie du Danube, pourtant aussi nécessaire à l’un et à l’autre que la Méditerranée elle-même. Ce qui est plus grave encore, c’est que tous ces Barbares se pressent à la frontière même de l’Italie, au pied des Alpes, à l’endroit où ces Alpes sont le plus basses, le plus faciles à franchir, où cette frontière est le plus vulnérable. Si César n’avait pas brisé l’élan des Suèves, si la mort de Burbista n’avait pas arrêté les progrès des Daces[12], Rome aurait pu voir leurs hordes descendre à Vérone par le Brenner ou à Aquilée par le col de Nauporte.

Voilà, cette vallée du Danube, la seule conquête qu’Auguste accepta d’abord, avec son sens très net des besoins présents de l’Empire. Elle l’occupa vingt-cinq ans (de 35[13] à 9 av. J.-C.[14]) ; il y consacra ses meilleures légions, ses meilleurs généraux, les princes même de sa maison, Agrippa, Tibère et Drusus[15]. Mais il ne voulut pas la pousser au delà du fleuve[16]. Quand elle fut terminée, il en résulta pour l’Empire plus de bénéfices encore que de la conquête de la Gaule par Domitius et César.

L’Italie cessa d’être un pays frontière[17] ; la lisière des terres barbares fut reculée pie cent lieues au delà des Alpes, et bordée par le large fossé du Danube. Daces et Suèves, maintenant séparés les uns des autres par les nouvelles provinces, rejetés ceux-là au sud et ceux-ci au nord, ne pourront pas s’entendre pour envelopper de menaces communes les terres latines de l’Ouest. Entre l’Occident et l’Orient, les provinces illyriennes (comme on les appela[18]) formèrent une vaste zone de raccord, unissant leurs terres en un seul domaine : ce que la Gaule avait fait pour l’Occident seulement de l’Empire. De belles voies furent construites, longeant le fleuve ou ses affluents, partant du Rhin pour finir au Bosphore, joignant par un même trait Lyon, Bâle, Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Byzance[19]. Le Danube redevint, comme au temps des Celtes, un grand chemin marchant à travers des peuples amis. Pour le défendre contre les Barbares, il fallut une armée nouvelle, aussi forte que celle du Rhin[20]. Rome la créa en partie à l’aide des éléments que le pays lui offrit, indigènes d’Illyrie[21] encore plus robustes et plus fidèles que des Gaulois[22]. Cette armée et la région sur laquelle elle s’appuyait, étant voisines de l’Italie, éloignées des grandes villes de l’Orient, ne pouvaient s’imprégner que d’habitudes latines[23]. L’une et l’autre augmenteront dans le monde la part des choses romaines ; elles obligeront l’Occident et l’Orient à se réunir et à s’entendre ; elles deviendront les forces les plus utiles à l’unité et à la grandeur de l’Empire.

 

III. — LA DÉFENSIVE SUR LE RHIN AU TEMPS D’AGRIPPA.

Sur le Rhin, tant que cette conquête parut incertaine[24], le peuple romain garda la défensive[25] Agrippa se borna à repousser les brigandages périodiques des nations de la frontière, Sicambres ou Suèves. Il traversa une fois le fleuve, le premier après César[26], mais pour effrayer ces peuplades tracassières, sans arrière-pensée de conquête (38 av. J.-C. ?). Sa tâche principale fut d’établir, entre la Gaule et la Germanie, une zone militaire, infranchissable aux invasions[27].

Quelques tribus, qui ne demandaient qu’à servir Rome, furent acceptées sur la rive gauche, où les terrains vacants ne manquaient pas, depuis des siècles que Gaulois et Transrhénans abîmaient le pays en se le disputant. Les Ubiens, alliés fidèles de César, furent installés dans la région de Cologne[28], admis à faire partie de l’Empire, et, les premiers de tous les Germains, ils entrèrent délibérément dans le monde classique, auquel les avaient depuis longtemps préparés d’amicales relations arec les Gaulois de leur voisinage. En avril, les successeurs d’Agrippa établirent des Sicambres[29]. En amont, César avait laissé les Triboques dans le pays de Strasbourg, les Vangions à Worms, les Némètes à Spire, derniers restes de l’armée suève d’Arioviste[30]. La rive gauche du fleuve, de Bâle au delta[31], fut donc confiée à des Germains, avec la tâche d’y faire la police contre leurs congénères qu’ils trahissaient[32]. Ce fut, pour les Gaulois, un souci de moins.

Le long du Rhin, les légions et leurs auxiliaires furent échelonnés dans des redoutes et des camps permanents[33]. Le principal de la défense fut dès lors filé sur trois points : à Mayence[34], contre les Suèves du Mein, à la sortie des routes qui arrivaient du Danube et des plateaux de la Haute Allemagne[35] ; à Bonn[36], face aux chemins qui venaient du Weser et de l’Elbe à travers les plaines et les forêts du Centre[37] ; à Vetera enfin, près de Xanten[38], non loin de la fourche du delta, à portée tout à la fois des peuples de la mer du Nord et des tribus des plaines les plus basses[39].

Au delà du Rhin et du Danube, les nations barbares mises en branle par Arioviste continuaient à s’agiter pour des destinées nouvelles. Repoussés des bords du fleuve par César et Agrippa, les Suèves avaient rebroussé chemin vers les montagnes hercyniennes. Une de leurs peuplades, celle des Marcomans[40], venait d’entrer en Bohême, d’y détruire l’ancien royaume celtique, d’y fonder un grand État, très supérieur à tout ce que la Germanie avait vu depuis un siècle. Son roi, Marbod, souple, intelligent, d’humeur pondérée, renonçant aux habitudes suèves des courses lointaines, ne songeait qu’à faire œuvre durable dans ce pays de Bohême, si riche, si bien protégé, que la nature avait en apparence disposé pour abriter un empire puissant et éternel. Il eut sa capitale, attira les marchands, vécut en bons termes avec les Romains[41]. Car ceux-ci devenaient ses voisins sur le Danube s.

La conquête de la Bohême par les Germains, celle de l’Autriche par les Romains, marquaient la fin définitive de ces grands empires celtiques que les neveux d’Ambigat le Biturige avaient jadis créés dans le monde, et qui s’étaient longtemps interposés, pour le bien de tous, entre la Barbarie du Nord et la culture gréco-latine. Ni sur le Rhin ni sur le Danube, il ne restait plus de Gaulois indépendants. Germains et Romains se trouvaient partout face à face.

 

IV. — DRUSUS ET LE PLUS GRAND EMPIRE.

L’offensive vint du peuple romain, lorsque, après la mort d’Agrippa (12 av. J.-C.), les affaires de l’Occident furent confiées par Auguste à son beau-fils Drusus[42].

Celui–ci ne rêvait que guerres, conquêtes, découvertes et aventures[43]. Jeune[44], ardent, épris de gloire[45], d’une extraordinaire activité, il rappelait les grands ambitieux des temps républicains, qui avaient donné à home l’empire de la terre. Mais l’ambition, chez Drusus, ne résultait pas d’un orgueil insatiable et d’une avidité sans scrupules ; elle tenait à un désir inné de belles choses et de vastes horizons : il faisait songer à Pompée dans sa jeunesse, et non pas à César vieillissant. Comme Pompée, il aimait les amitiés des hommes, et, comme lui, il fut en son temps le chef le plus populaire du monde entier[46] Dans cet entourage d’Auguste, plein de politiques calmes et vétilleux, prudents dans leurs desseins, modérés dans leurs désirs, au formalisme à la romaine et aux attitudes de vieillards. La jeunesse rayonnante de Drusus, ses allures aimables, franches et décidées, son amour des entreprises éclatantes, apparurent comme des dons à la fois plus humains et plus héroïques[47].

Il traitait les provinciaux, ainsi que tous les hommes, avec une exquise bonne grâce. Les Gaulois virent bien qu’ils étaient estimés de lui, et que sa bienveillance ne fut pas le simple dehors d’un esprit politique : ils eurent pour leur chef un culte de dévotion et de sentiment[48], qu’ils continuèrent sur son fila et sur tous les siens ; et la religion de la famille de Drusus, un des épisodes les plus extraordinaires de l’histoire romaine, fit autant que la sagesse d’Auguste pour assurer la fidélité des Gaules à Rome et de Rome à la monarchie. Drusus fut vraiment le prince qu’il fallait pour inaugurer l’assemblée du Confluent, ce chef-d’œuvre de l’accord entre Rome et la Gaule. Et, comme cette fondation réparait les mesures les plus vives d’Auguste à l’endroit des vaincus, on peut se demander si l’idée première n’en est point venue de l’âme noble et libérale de son fils.

Drusus résolut donc de reprendre les guerres occidentales de Jules César, là où le proconsul les avait arrêtées, et de constituer avec la Germanie un plus grand empire de Rome[49].

Auguste ne pourrait contenir toujours l’élan cinq fois séculaire qui portait le peuple romain vers la conquête de tout. Les guerres civiles n’avaient pas changé les pratiques invétérées de l’État et les pensées des citoyens. Une armée immobile à la frontière, avec une vie de garnison et des veilles aux remparts, était une chose dont on n’avait point l’habitude, et qui paraissait indigne de la majesté du peuple divin. Pendant longtemps, on occupa les troupes du côté du Danube : l’Illyrie soumise, d’autres expéditions s’imposaient pour que les légions gardassent leur raison d’être traditionnelle. Si le soldat avait besoin de la marche et de la guerre comme de ses métiers légitimes, le peuple romain désirait de la gloire, des nouvelles qui fissent sensation, les spectacles des grands triomphes : cela était devenu sa vie, autant que le pain de l’annone et les jeux du cirque. Beaucoup en voulaient à Auguste de cet amour de la paix, qui leur semblait un sentiment contre la nature romaine. Pour apaiser ces scrupules, on annonçait de temps à autre de grandes campagnes contre les Parthes ou l’île de Bretagne[50]. On les préparait ostensiblement ; mais elles ne se faisaient point[51]. — Cela, sans doute, prêtait à rire chez les voisins et les ennemis de l’Empire. L’immobilité des légions du Rhin ne faisait qu’enhardir les Germains : quand ces sortes de Barbares voient une armée qui n’avance pas, ils la bafouent et méprisent son peuple. En l’an 16[52], Sicambres, Usipètes et Tenctères massacrèrent les marchands italiens ou gaulois établis sur la rive droite, franchirent le fleuve, surprirent une légion, lui enlevèrent l’aigle et revinrent sans être inquiétés[53]. — Auguste laissa faire Drusus.

 

V. — LA MARCHE GERMANIQUE[54].

Ce fut en l’an 12, l’année de l’autel de Lyon, que la conquête de la Germanie commença. Il est possible que Drusus s’en soit entretenu avec les chefs gaulois[55]. Beaucoup le suivirent, et se signalèrent par leurs services et leur bravoure[56] L’armée de l’imperator se composait, par moitié, de légions romaines[57] et d’auxiliaires fournis par les Gaulois. Cette guerre serait le fait des Celtes aussi bien que des Italiens : gloire et butin, elle rapporterait aux uns autant qu’aux autres. Elle entraînait les Vaincus d’Alésia contre leur ennemi héréditaire d’outre-Rhin ; elle allait les occuper et les enrichir : c’était, pour le peuple romain, une nouvelle manière de distraire la Gaule de ses souvenirs et de ses regrets.

Drusus procéda d’abord lentement, par étapes rapprochées, sans s’éloigner trop de la base que lui offrait la frontière. — En 12, il se tourna vers la mer, s’embarqua sur le Rhin, le descendit jusqu’à l’Océan, occupa l’île des Bataves, longea la côte jusqu’à l’estuaire du Weser, laissa des garnisons chez les Frisons du littoral, et revint en Gaule[58]. — L’année suivante (11), il partit pour l’intérieur, remonta la vallée de la Lippe, passa au milieu des Sicambres, gagna les hautes terres westphaliennes des Chérusques, atteignit de nouveau le Weser, mais s’arrêta encore sur ses bords, et s’en retourna vers le Rhin par le sud, à travers les terres hessoises des Chattes[59], bâtissant des camps solides aux bons endroits[60]. Un vaste lambeau de pays germanique, du Rhin au Weser et de l’Océan au Taunus, parut devenir domaine du peuple romain. — Toutefois, il n’y avait là que le vestibule d’un empire Drusus s’était borné à s’assurer la rive droite du Rhin[61], une zone de protection au delà, quelques postes avancés sur les voies de pénétration[62], et la maîtrise des rivages sur la mer du Nord.

Il tenait fort à cette maîtrise, qui, après lui, hanta les premiers gouverneurs de la Germanie romaine. Flottes, canaux et ports les occuperont aussi bien que légions, routes et camps[63]. L’Océan septentrional les attirera autant que la terre d’Allemagne. Et ceci est à la gloire de ces généraux de l’Empire, qu’ils aient estimé à leur valeur souveraine les choses de la mer. — Drusus et ses héritiers ont-ils, comme Pythéas dont ils suivaient les traces, cherché les routes de l’ambre[64] et protégé les intérêts des marchands de Belgique ? Ont-ils voulu, en prenant les estuaires de l’Ems, du Weser et de l’Elbe, envahir par les fleuves la Germanie intérieure, faisant suivre aux vaisseaux chargés de légionnaires les chemins naturels que leur montraient les barques des trafiquants frisons et chauques ? Le rêve leur est-il venu, de transformer cette grande nier du Nord en une nouvelle Méditerranée latine, qui serait achevée le jour de la conquête de la Bretagne, conquête à laquelle, depuis César, aucun Romain n’avait renoncé ? — Toutes ces raisons ont dû ensemble suggérer à Drusus la première partie de l’œuvre qu’il projetait. Quand cette partie fut terminée, Rome possédait, sur les flancs de la Barbarie, une double marche militaire, l’une terrestre et l’autre maritime, d’où l’on pénétrerait enfin les mystères de la Germanie profonde : ce qui ressemblait de très près à la tâche accomplie jadis par Domitius, enserrant et menaçant par les terres soumises de la Narbonnaise l’immensité de la Gaule intérieure.

 

VI. — LA MORT DE DRUSUS.

Cela fait, Drusus aborda aussitôt la Germanie centrale, celle des montagnes et des forêts qu’on voyait arriver et finir sur le Rhin, de Bonn à Mayence (9 av. J.-C.)[65].

Il partit de cette ville, et une course victorieuse le conduisit, le long de la grande forêt Hercynienne, depuis le Hein jusqu’au Weser et depuis le Weser jusqu’à l’Elbe enfin, le fleuve le plus fameux de l’Allemagne. Mais la marche fut sans doute trop rapide pour entraîner une conquête. On explora des terres plutôt qu’on ne soumit des peuples. Les vraies campagnes d’annexion étaient réservées aux années suivantes. Drusus n’avait pas encore atteint sa trentième année, et c’est à quarante-trois ans seulement que César son devancier commença de conquérir les Gaules. Devant le jeune prince s’ouvrait une carrière de gloire aussi longue que celle d’un héros.

Mais il mourut à son retour de l’Elbe, en pleine Germanie. Son corps fut transporté à Rome : le cortège traversa la Gaule, salué par les pleurs des nations[66]. A Mayence, au point central de la frontière, en face de la Germanie qu’il avait pénétrée, on éleva à sa mémoire un somptueux cénotaphe ; et les cités de la Gaule et les armées du Rhin envoyèrent chaque année leurs députés devant le monument de Drusus, pour y prier en souvenir du plus cher de leurs fondateurs[67]. Le tombeau de Mayence devint, après l’autel de Lyon, le lieu le plus saint de la Gaule romaine. A mesure que se déroulait la vie de l’Empire, elle laissait partout des dieux et des sanctuaires : c’était une religion, plus encore qu’un État, qui grandissait, s’emparait des âmes, courbait les peuples.

 

VII. — LA GRANDE CAMPAGNE DE GERMANIE.

Au delà du Rhin, les rapides conquêtes de Drusus furent compromises par d’inévitables révoltes, que réprima Tibère, son frère et successeur (8-7 av. J.-C.). Puis, pendant dix ans, on ne fit pas autre chose que garder les lignes du Weser et celles de la mer[68]. Il est probable que telle fut alors la volonté d’Auguste.

Elle changea, bon gré mal gré, lorsqu’il eut conféré à Tibère le titre de fils et l’expectative du pouvoir impérial (4 ap. J.-C.)[69]. Alors, peut-être comme don d’avènement, il lui permit une belle guerre. — Orgueilleux, avide de pouvoir, jaloux de la gloire d’autrui[70], d’ailleurs général prudent et méthodique[71], Tibère ne souhaitait rien tant que de faire oublier Drusus en achevant son œuvre.

Une première campagne (en l’an 4) assura les positions des Romains entre la mer et le Weser[72]. Enfin (en l’an 5), eut lieu la grande expédition, la plus lointaine et la plus extraordinaire que les chefs d’autrefois aient conduite contre les peuples du Nord[73].

Deux armées partirent des bords du Rhin. L’une, portée par une flotte formidable, devait descendre vers la mer, contourner le rivage, remonter l’Elbe. L’autre, par terre, devait marcher droit vers l’orient, atteindre le fleuve par les pistes de l’intérieur. Toutes deux se rencontreraient sur l’Elbe même, au centre de son cours, au cœur de la Germanie.

Ni l’une ni l’autre ne manquèrent au rendez-vous. Tibère commandait l’armée de terre : aucune peuplade ne réussit à l’arrêter, Chauques et Lombards firent leur soumission, et ce fut, sur une route de quatre cents milles[74], une marche triomphale à la façon d’Alexandre. La course de la flotte fut plus prodigieuse encore. Elle entra, dans la mer du Nord, aperçut les îles de l’ambre[75], côtoya les rivages déserts d’où les Cimbres étaient partis, et les Romains admirèrent les vastes enclos bâtis par cette nation[76], qui aurait été leur plus redoutable ennemie. C’était bien maintenant la revanche suprême du Midi, que ce passage de la flotte latine au travers des terres imbriques, lorsqu’elle s’avança dans l’estuaire de l’Elbe à la découverte des nations inconnues. Devant elle, sur les deux rives, les peuples fuyaient ou se prosternaient[77].

Les deux armées se rejoignirent sur l’Elbe, près de l’embouchure de la Havel, à l’endroit fixé pour leur rencontre. On était chez les Semnons[78], la plus puissante des nations suèves, et qui possédait le sanctuaire le plus fameux de la Germanie[79]. Eux aussi, ils baissèrent la tête devant les Romains, et leurs vieillards se présentèrent sur les bords du fleuve pour adorer ce peuple de dieux qui étaient venus jusqu’à eux[80].

 

VIII. — ERREURS D’AUGUSTE EN GERMANIE.

Après ce coup d’éclat, c’en est fait des ambitions romaines dans le monde germanique. Il faudra attendre Charlemagne pour que ce monde se laisse abattre à nouveau par la force d’un grand empire. Jusque-là, entre l’Elbe et le Rhin, ce ne seront plus que misères et banalités.

Pour que la ligne de l’Elbe devînt une frontière durable, il fallait, au sud, la rattacher aux montagnes, comme, au nord, on l’avait déjà rattachée à la mer. Pour que la Germanie romaine d’entre Elbe et Rhin, Hanovre et Westphalie, ne fût pas une simple presqu’île en terre ennemie, il fallait, au midi, prendre encore la Haute Allemagne, Thuringe, Franconie et Souabe, et, de Magdebourg à Ratisbonne, par le seuil vital d’Eger, unir la nouvelle conquête aux terres latines du Danube. Que l’on enlevât ou que l’on concédât la Bohême à 1llarbod, il fallait, du nord comme du sud, appuyer l’Empire sur elle. C’est ce que dirent ceux qui, à la cour d’Auguste, réfléchissaient sur ces choses[81]. — L’empereur consentit d’abord à les écouter. Sur le Danube[82] et sur le Rhin[83], les deux grandes armées se mirent en branle, les premiers pas furent faits dans la direction de la Bohème, lorsque éclata, subitement, une révolte dans la Pannonie (6 ap. J.-C.). Cette fois, Auguste trouva un motif pour imposer sa volonté[84]. Et, dès ce jour, il interdit toute conquête[85].

Pour n’avoir fait l’œuvre qu’à moitié, on la gâta à tout jamais. Auguste eut beau inscrire orgueilleusement, dans les fastes de sa vie, qu’il avait soumis et pacifié toute la Germanie jusqu’à l’Elbe[86] : les Suèves du Hanovre, de la Saxe, du Brandebourg, oublièrent vite ces dieux qu’on ne revoyait plus ; et, Tibère reparti, la domination effective de Rome s’arrêta au Weser de Drusus.

De graves fautes la compromirent en Westphalie. Pour tenir ce vaste pays, où la nature n’a pas, comme clans la Gaule de Lyon, disposé un système convergent de routes faciles, il fallait multiplier les fortes garnisons, les relier sans cesse entre elles par des colonnes volantes. Or, on n’établit en Germanie qu’une faible armée de trois légions[87], et on la massa en un seul camp, sur le Weser[88], à demi isolée de sa ligne d’appui sur le Rhin[89]. Auguste et ses conseillers auraient dû s’apercevoir que la tâche romaine était beaucoup plus lourde dans les Germanies que dans les Gaules. De ce côté-ci du Rhin, mille habitudes facilitaient l’entrée des Celtes dans l’Empire : vieilles cités, partis politiques, grandes villes, alphabet, monnaies, agriculture, industrie, commerce, avaient aidé les légions à vaincre et les proconsuls à gouverner. Bien de cela n’existait en Germanie. Les légats du prince n’y trouvaient aucun de ces organes de la vie commune dont ils pussent se servir pour exercer leur pouvoir.

Une puérile ignorance des situations se montra dans la poli tique romaine au delà du Rhin. Comme si la Germanie était déjà convertie au culte de Rome et d’Auguste, on éleva à Cologne, sur le modèle de celui de Lyon, un autel aux divinités impériales ; les chefs des cités de l’Ems et du Weser furent conviés à son culte ; et on transforma en prêtres de l’État romain les fils des rois chérusques[90], tout imprégnés des dévotions de leurs forêts natales.

Beaucoup plus éloignés de la vie latine que les Gaulois, les Germains de Westphalie avaient peine à en comprendre les charmes. Il était difficile de leur faire perdre le goût de ces forêts, l’amour du plein air, la passion des combats. Si leur désir de la liberté tenait un peu de l’instinct de la bête fauve, s’il ne rappelait en rien le patriotisme subtil des cités gréco-romaines, il n’en était que plus incommode à leurs maîtres du jour.

Les Romains parlaient d’eux avec mépris : il n’y avait rien à craindre, disait-on, de ces demi-bêtes, à moitié nues, avec leurs boucliers de bois, leurs armes enfantines, leur inexpérience des méthodes de l’art militaire[91]. — Cela était vrai dans une bataille bien ordonnée, à la romaine, en rase campagne. Mais les Germains seraient peut-être un jour assez intelligents pour s’en tenir aux embuscades : à quoi leur pays était fort propice, avec ses fourrés, ses haies profondes, ses chemins creux, ses forêts inextricables, ses marécages pleins de traîtrises[92]. Et, pour savoir ce qui adviendrait alors, Auguste n’avait qu’à se souvenir d’Ambiorix.

Personne, autour de lui, ne pensait à ces choses. L’empereur vieillissait, et il semblait que sa vieillesse pesât sur tout son entourage[93]. Pour comble de maladresse, on conta la Germanie, non plus à un prince de la maison impériale, mais à un simple légat, Varus[94]. Et ce légat fut un homme médiocre, avide, orgueilleux, mou, crédule, imprudent, qui ne vit dans les Germains que des esclaves à exploiter ou des plaideurs à juger. Corvées vexatoires, traitements injurieux, procès sans fin, l’inhumaine ou sotte folie du civilisé chez le sauvage se donna libre carrière en Germanie[95].

 

IX. — ARMINIUS[96].

Ces fautes rendirent plus facile la tâche des patriotes germains et du principal d’entre eux, Arminius.

Arminius était un jeune[97] chef de la nation des Chérusques, laquelle occupait, sur les deux rives, la vallée moyenne du Weser. C’était alors la plus forte et la plus centrale de celles qui ne relevaient pas du nom suève[98] et de celles qui dépendaient du nom romain, et, comme les Arvernes chez les Gaulois, la plus capable de fomenter des ententes et de diriger une révolte générale[99].

Au regret de la liberté, Arminius unit sans doute le désir de grouper les Germains en un seul empire, qui serait celui de son peuple. Ce mot de Germains, qui venait de Gaule et de Rome, se répandait de plus en plus au delà du Rhin, chez les indigènes eux-mêmes, pour désigner les hommes de leur langue et de leur sang. Ils consentaient à l’accepter comme le nom national. Sous leur premier contact avec le peuple romain, par réaction contre l’ennemi qui envahit, sentiments et pensées communes prirent naissance ou reprirent vigueur parmi eux[100]. Arminius fit tout pour susciter ces ferments de concorde. Il eut la vision d’une patrie germanique[101], de même que Vercingétorix avait vécu dans le rêve de la patrie gauloise.

Fous le connaissons trop peu pour le bien juger : aucun contemporain n’a parlé de lui en détail[102], et sa vie ne nous a été racontée, à près ou plus de cent ans de distance, que par les petits-fils de ceux qu’il avait vaincus et outragés[103]. Aussi bien que le rival de César, il nous parait audacieux, actif, ardent, curieux de tous les moyens de vaincre, diplomate avisé, habile organisateur de guerre, soldat et orateur entraînant[104]. Si, à la différence de Vercingétorix, il ne réussit pas à bâtir autour de lui un corps d’empire, c’est que les matériaux n’étaient point prêts pour l’unité, tandis que la patrie gauloise était depuis des siècles une chose vivante. Mais si, plus heureux que l’Arverne, il a sauvé la liberté de la Germanie, c’est que ses dieux lui opposèrent, non pas Jules César, le plus tenace des conquérants, mais le fantoche qu’était Varus et le moribond qu’était Auguste.

On peut dire, en faveur du Gaulois, que son attitude d’ennemi et de chef eut une crânerie et une franchise qui manqueront au germain. Vercingétorix avait déclaré la guerre ouvertement à César, enseignes debout et peuples réunis : c’est par la ruse qu’Arminius va entrer en scène[105].

 

X. — LE DÉSASTRE DE VARUS[106].

Varus, qui ignorait le complot, tenait sa cour dans son camp, chez les Chérusques, près du Weser[107]. Arminius et les chefs conjurés ne le quittaient pas, l’entourant de démonstrations d’amitié, invités souvent à sa table, lui donnant de perfides conseils, ménageant avec soin les effets de la révolte[108].

C’est d’abord la nouvelle de quelques actes de brigandage, de convois de vivres menacés : Varus, malgré de sages avis, envoie des cohortes en reconnaissance, ce qui affaiblit d’autant les trois légions[109]. Puis, c’est un message qui annonce l’insurrection de peuplades lointaines, du côté du Rhin[110] : le légat donne aussitôt l’ordre de lever le camp, où il ne risquait rien[111]. Et l’armée commence la longue marche vers l’ouest. Arminius et ses amis l’accompagnaient : aucune précaution n’avait été prise contre eux. Dès qu’ils virent les troupes à bonne distance du camp, ils s’échappèrent pour aller chercher leurs hommes[112].

Déjà, les cohortes parties auparavant avaient été surprises et massacrées[113]. Enlever le gros des légions était une affaire plus compliquée. On ne les attaqua que lorsqu’elles furent arrivées dans des gorges boisées, où il semble qu’elles aient perdu leur chemin[114]. C’est au moment où elles se taillaient une route nouvelle, abattant des arbres, ouvrant la brousse, bâtissant des ponts, dispersées en escouades, embarrassées par leurs charges[115], c’est alors que les hommes d’Arminius se présentèrent. Tout d’abord ils se bornèrent, comme ceux d’Ambiorix, à tuer de loin à coups de flèches : c’était la tactique habituelle aux Germains, et elle réussissait toujours contre les légions. — Toutefois, celles de Varus étaient assez fortes pour durer longtemps encore. Elles parvinrent à se dégager, l’ennemi n’arrivait pas en nombre, les Romains purent dresser leur camp sur une hauteur boisée et se mettre en sûreté, eux et leurs bagages[116].

Le lendemain, Varus reprit sa marche, après s’être défait des bagages inutiles[117]. Ce jour-là, comme il allait en meilleur ordre, il ne fut point trop inquiété[118]. Et le soir, il put camper encore en belle place, sur un terrain découvert[119].

Mais le jour d’après, on rentra dans les forêts. Aussitôt, les attaques recommencèrent[120]. Pour comble de détresse, il fallut s’engager dans un défilé, où la malheureuse troupe faillit être investie[121]. — Elle réussit pourtant à échapper et à bâtir un nouveau camp[122]. Mais ce devait être le dernier de cette longue souffrance.

Quand on le quitta, le quatrième jour de la marche, ce ne fut que pour s’enfoncer aussitôt dans le marécage[123]. Et alors, incertains de leur route et du sol même, aveuglés par le vent et la pluie, les Romains n’eurent plus qu’à attendre leur destin. Enveloppés de partout, le chemin barré, la retraite vers le camp coupée[124], les premiers rangs tombant l’un après l’autre, Varus et son état-major perdirent courage, et, afin de ne pas être pris, se donnèrent la mort. Des soldats, les uns se tuèrent aussi, les autres furent massacrés ou réservés pour les dieux[125].

Sans perte de temps, les vainqueurs enlevèrent les forteresses impériales de Germanie. Une seule garnison put se soustraire à la défaite, mais ce fut pour regagner le Rhin[126]. Toutes les terres en deçà du fleuve étaient débarrassées des Romains[127] (fin d’août 9 ?[128]).

A juste titre, Arminius fut salué comme un libérateur et chanté comme un héros par les hommes de la Germanie. Sur son nom et sa gloire, l’enthousiasme et la légende grandirent chez tous les peuples[129]. Une telle victoire pouvait être décisive pour leurs destinées : non point seulement parce qu’elle écartait de leur sol l’ennemi, ruais encore parce qu’elle mettait, par-dessus un amas incohérent de tribus, la force souveraine d’une joie commune et d’un rêve universel. Autour de faits de ce genre et de vainqueurs de cette allure, il peut, quand les âmes sont prêtes, se former pour de longs siècles une patrie nouvelle.

Ce qui venait d’arriver était pour Auguste pis que la défaite et que la honte : c’était le danger de voir, sur le Weser, se constituer un État chérusque, et de voir cet Etat, par delà la forêt Hercynienne, donner la main au royaume bohémien de Marbod le Suève. Sur ses deux frontières d’Europe, Rhin et Danube, la menace de deux grands empires s’élevait contre l’État latin, et, s’ils parvenaient à s’entendre, c’était, plus redoutable encore, la formation, contre Rome et César, de la patrie germanique.

 

XI. — ARMINIUS S’ARRÊTE AU RHIN.

Mais la victoire d’Arminius n’eut point d’autres résultats que de refouler les Italiens jusqu’au Rhin. Il ne put rien entreprendre de plus contre Rome, ni rien fonder en Germanie.

A la première résistance que lui opposèrent des remparts romains, à Aliso (Haltern) près de la rive droite du Rhin, le Chérusque dut s’arrêter, comme Hannibal devant les colonies du Latium[130], comme les Celtes de Bellovèse devant les cités de l’Italie. Le même obstacle infranchissable se dressait toujours contre les plus heureux des Barbares du lord : les murailles des camps et des villes du Midi. Or, le long du Rhin, depuis la mer du Nord jusqu’au lac de Constance, Arminius se heurtait à la ligne ininterrompue des places fortes élevées depuis Plancus : pas une seule fois il ne réussit à la franchir[131]. Au delà du fleuve, tous les peuples de l’Empire, et les Gaulois comme les autres, demeuraient tranquilles et soumis aucun contrecoup ne s’y fit sentir du désastre de Varus[132]. Il n’intéressa que la Germanie.

En Germanie, l’ivresse de la victoire tombée, peuplades, tribus et familles revinrent à leurs habitudes d’avant la conquête, dont la principale était la discorde. Marbod, ennemi des aventures et comblé de faveurs par Auguste, refusa de s’entendre avec Arminius[133], et préféra se tailler un empire au détriment des Germains de l’Oder et de la Vistule[134] plutôt qu’au prix de batailles contre les légionnaires. Le Chérusque ne reçut aucun appui des Suèves de la Bohême ou de ceux de la Haute Allemagne : le divorce entre les deux moitiés du monde germanique faisait déjà sentir ses funestes conséquences.

Même entre l’Elbe et le Rhin, Arminius ne fut jamais regardé que comme un chef de guerre, qu’on suivait au moment des batailles, qu’on oubliait ensuite. L’empire des Chérusques n’était point accepté des autres nations. Quelques-unes, celles de la mer, les Frisons et les Bataves, demeurèrent fidèles aux Romains. Un chef des Chattes offrit au sénat d’empoisonner leur ennemi, commun[135]. Dans son peuple même et dans sa propre maison, Arminius rencontra les éternelles querelles de familles, pires que des rivalités de peuples : son beau-père et d’autres de ses parents machinaient contre lui au profit de l’empereur[136]. La Germanie d’Arminius, pareille à la Gaule de Vercingétorix, offrit ce spectacle, banal dans le monde antique, de nations en qui les jalousies de voisinage demeurent plus fortes que les devoirs collectifs.

Les temps n’étaient donc point venus ni de la défaite pour l’Empire romain ni de l’unité pour la Germanie. La seule chose que celle-ci eût reconquise dans ses marécages, c’était le droit de vivre à sa guise, en demi-sauvage et au bruit des disputes.

Auguste, au contraire, tira du désastre une dernière leçon de sagesse. Son empire en sûreté derrière le Rhin et le Danube, jugeant sans doute que les dieux avaient marqué ces frontières et condamné toute nouvelle conquête, le vieil empereur défendit à ses légats de les franchir[137] ; et le suprême conseil qu’il laissa à son successeur avant de mourir, fut celui de ne plus agrandir l’Empire (14)[138].

 

XII. — GERMANICUS.

Il fallait cependant venger Varus et ses trois légions. Il le fallait par devoir religieux : car les Romains morts dans les marécages de la Germanie demandaient à leurs frères vivants une juste sépulture. Et il le fallait par intérêt : si l’Empire devait s’arrêter au Rhin, que ce fût de plein gré, et non pas contraint par la défaite ; si la Germanie devait être libre, que cette liberté fût incertaine, entourée de menaces et déchirée de discordes.

Au surplus, il y avait un double danger pour un empereur à rester sous le coup d’une défaite. Les peuples l’en estimeraient moins, surtout les Gaulois, qui avaient assisté de près au désastre, et dont Arminius touchait la frontière. Et les légions du Rhin, humiliées par le voisinage d’un vainqueur, encore peu habituées à la besogne de la défensive, reprocheraient au prince d’ignorer son devoir d’imperator.

On s’aperçut de ce dernier danger aussitôt après la mort d’Auguste. Les légions du Rhin et du Danube se révoltèrent, inoccupées dans leurs camps, réclamant une tâche plus glorieuse et plus lucrative que la garde de la frontière[139]. Pour les calmer, Tibère, le nouvel empereur, envoya sur le Danube son fils Drusus le jeune, et, sur le Rhin, recourut aux bons offices de son neveu Germanicus, fils du grand Drusus, depuis quatre ans légat proconsulaire dans les Gaules[140].

Germanicus avait hérité de toutes les qualités de son père : il lui ressemblait par son courage, son besoin d’agir, son intelligence large et curieuse, sa sympathie pour les hommes. Il avait en plus une douceur charmante et naturelle, qui éveillait chez tous une reconnaissance attendrie[141]. Quel contraste entre cet être aimable et bon, et la cour de Tibère, intrigants de cœurs fermés et de corps viciés ! A ces âmes et à ces vies contre nature, Germanicus opposait le spectacle d’une jeunesse digne et généreuse, de la faucille qui grandissait joyeusement autour de lui et où s’épanouissaient les forces fécondes de l’humanité. La maison du fils de Drusus, avec sa femme Agrippine, ses neuf enfants[142], un groupe d’amis bien choisis, donnait aux peuples l’impression d’une chose divine, pleine d’une éternelle santé[143].

Comme toutes les autres nations, les Gaulois aimèrent et adorèrent cette maison[144]. Elle était issue de Drusus, le meilleur de leurs maîtres ; elle s’accroissait sur leur sol, où chaque année voyait naître un nouvel enfant à Germanicus[145] ; elle vivait dans leurs villes ou leurs camps, et des monuments y marquaient les principaux épisodes de sa gloire[146]. C’étaient autant de souvenirs sacrés qui unissaient ces peuples à la lignée impériale. Les incidents de la crise de succession les trouvaient indifférents : la famille de Drusus servait de lien permanent entre eux et le peuple romain.

Quand Auguste mourut, les cités gauloises n’hésitèrent pas à prêter serment, entre les mains de Germanicus, à Tibère empereur[147]. Quand les soldats se révoltèrent, elles ne songèrent pas à les imiter ; et leur fidélité aida le jeune prince à rétablir l’ordre : devant les troupes menaçantes, il éloigna de Cologne sa femme et son fils, et il remit leur sûreté aux Gaulois de Trèves. Rien rie fit plus que cet acte de confiance pour rappeler leur devoir aux légions : elles se résignèrent à obéir, ne voulant pas qu’il fût dit que la Gaule eût sauvé leur chef et l’Empire[148].

 

XIII. — CAMPAGNES DE REVANCHE SOUS GERMANICUS.

C’est à Germanicus que Tibère abandonna la tâche de venger Varus.

Il avait pris pour quartier général Vetera, sur le Rhin inférieur, à portée de la mer. De là[149], durant trois ans, à chaque printemps et à chaque été, il partait pour l’intérieur de la Germanie, soutenu d’ordinaire par la flotte, qui contournait la Frise et remontait les estuaires. Toutes les vallées et toutes les tribus de l’Ouest, entre le Weser et le Mein, le virent passer tour à tour en justicier impitoyable. Rien ne ressembla moins aux marches faciles et conquérantes de Drusus et de Tibère. Les Barbares résistaient, Arminius défendait le sol pas à pas, la tempête maltraitait souvent les vaisseaux. Les Romains brûlaient les villages, massacraient les hommes, détruisaient le plus possible, mais ne gardaient pas la terre, et se hâtaient de revenir. Il y eut de nombreuses escarmouches, où ils souffrirent beaucoup, et quelques grandes batailles, qu’Arminius dut accepter et où on eut peine à le vaincre[150]. Au cours d’une expédition, Germanicus arriva jusqu’aux camps de Varus, au lieu du massacre, aux autels triomphaux des Barbares, encombrés de squelettes, de cendres et d’armes (15). Au milieu de la stupeur et du deuil de l’armée, le fils de Drusus donna la sépulture à ces tristes débris[151] ; puis, il éleva sur le Weser le trophée de ses victoires (16)[152], et regagna la frontière, après avoir enfin assuré la paix aux Mânes des soldats romains et la vengeance aux dieux de l’Empire.

Il ne tarda pas, sur l’ordre de Tibère, à s’éloigner même de la Gaule (16), et il dut rejeter l’espérance, qui grandissait en lui, de rétablir en Germanie l’œuvre de Drusus[153].

 

XIV. — LES PROVINCES ROMAINES DE GERMANIE.

Cette œuvre, du reste, ne fut pas délaissée tout entière, et Tibère ne, s’en tint pas strictement à la rive gauche du Rhin.

En aval de Xanten, on garda les îles du fleuve, dont la plus grande, entre le Rhin, le Wahal et la Meuse, appartenait à la forte tribu des Bataves[154], et ceux-ci envoyaient aux légions les meilleurs de leurs auxiliaires[155]. Sur la rive droite, le long de, la mer du Nord, les Frisons étaient considérés comme des sujets du peuple romain, auquel ils payaient un tribut de peaux de bœufs[156] Au delà encore, jusqu’au débouché du Weser, les Chauques ne refusaient pas de fournir des mercenaires[157]. Il était visible que les empereurs voulaient demeurer les maîtres sur l’Océan, ne fût-ce que pour en écarter les pirates[158], et pour installer sur les côtes de fructueuses entreprises de salines et de pêcheries[159].

Ce n’est qu’aux abords de Xanten que la frontière se rapprochait du Rhin[160] ; mais la rive droite ne fut cependant pas livrée par les Romains à leurs ennemis. Germanicus avait relevé quelques-uns des postes avancés bâtis par son père, et ses successeurs les conservèrent[161]. Le camp d’Aliso (Haltern), célèbre par sa résistance à Arminius, ouvrait toujours, sur la Lippe, la voie d’accès vers les Sicambres, les Bructères et le pays plus lointain des Chérusques[162]. Aucun des ponts ne fut supprimé, ni à Xanten, ni à Bonn, ni à Mayence[163]. En amont (à Friedberg ?), une forteresse flanquait le Taunus, couvrant et doublant Mayence, surveillant avec elle les routes des plateaux germaniques[164]. L’Empire gardait pieusement les lieux qui avaient été jadis les premiers relais sur les chemins de la conquête.

Au sud du Mein, la frontière était moins protégée. Jusqu’à Bâle et peut-être jusqu’au lac de Constance, il n’y avait de camps et de forteresses que sur la rive gauche, à Strasbourg[165], à Augst, à Windisch[166]. L’autre rive appartenait toute aux Barbares, qui étaient des Suèves de l’ancien empire d’Arioviste[167].

Ces Suèves, qui occupaient le pays de Bade, la Franconie et la Souabe, venaient s’insérer comme un coin dans la frontière romaine, couper la ligne du Rhin d’avec celle du Danube, s’interposant, de Mayence à Bâle et de Bâle à Ratisbonne, entre les provinces de Gaule et celles d’Illyrie. Et comme, face à cet angle de Bâle, c’est, en France, la trouée de Belfort, il peut y avoir là, le jour où les Barbares auront de l’audace ou de la chance, le pire des dangers sur la frontière germanique. Mais ni Auguste ni Tibère ne semblent s’en être inquiétés[168].

Au dedans de ces limites, le peuple romain montrait en première ligne, comme terres d’Empire, les territoires des peuplades germaniques soumises à ses lois. Sauf les Trévires, qui descendaient la Moselle jusqu’au confluent de Coblentz[169], il n’y avait point de nation gauloise qui fût en bordure sur l’ennemi. On n’eut jamais à se plaindre de ces Germains de la rive gauche[170], autrefois transplantés du bord ultérieur ; d’ailleurs, les garnisons étaient toutes sur leur territoire. Aucune ne fut imposée à la Gaule[171] : ce qui dut lui paraître une preuve de liberté. La présence des légions n’incombait qu’à des terres de Germanie.

De ces peuplades riveraines, la plus considérée demeurait celle des Ubiens. Son rôle avait singulièrement grandi depuis un demi-siècle qu’elle était entrée dans l’Empire. Les gloires et les misères de la frontière lui apportèrent également du profit. Au temps où la Germanie romaine s’étendit jusqu’au Weser, la ville principale de ce peuple, la future Cologne, fut désignée pour être la cité sainte de la province et en recevoir l’autel[172]. Quand la frontière eut reculé jusqu’au Rhin, un grand camp légionnaire y fut bâti à côté de l’autel[173], et Germanicus aima ce séjour[174]. Que ce fût comme sanctuaire de Barbares ou comme résidence de légats consulaires, Cologne ne cessait de croître, et devenait sur le Rhin la cité souveraine[175].

Ces peuplades qui bordaient le fleuve, les territoires militaires qui s’enchevêtraient au milieu d’elles, ne firent point partie des provinces de Gaule. On les laissa groupées en deux gouvernements distincts, la Germanie Supérieure avec Mayence pour chef-lieu, et la Germanie Inférieure avec Cologne[176].

Ce nom de Germanie qu’on leur donna, cet autel de Cologne avec ses assemblées de prêtres germains, faisaient croire au monde que la Germanie demeurait captive. Mais ce sont là de ces beaux titres officiels qui dissimulent les défaites, de ces formules politiques et de ces cadres religieux qui, dans le monde d’autrefois, continuaient les réalités disparues. La province romaine de Germanie n’est plus qu’une orgueilleuse façade survivant à un édifice écroulé.

 

XV. — LES ARMÉES ROMAINES DU RHIN[177].

La population indigène comptait pour peu dans ces deux gouvernements de Germanie. Ce qui leur donna une physionomie propre, ce fut l’élément militaire. Huit légions[178], soit près de cinquante mille hommes[179], un nombre égal de soldats auxiliaires[180], un nombre égal d’esclaves ou de valets au service des officiers et de la troupe[181], un nombre égal encore de marchands, de vivandiers, de colporteurs, de femmes et d’enfants installés près des garnisons[182], au-dessus, un nombre important d’officiers et de fonctionnaires[183], en tout, au moins deux cent mille hommes échelonnés le long du Rhin, maîtrisant ou exploitant le pays, tous tenant de l’armée leurs moyens de vivre ou leur raison d’être : voila ce qu’est surtout la Germanie romaine.

Cette armée n’est point, loin de là, composée entièrement d’Italiens et de Romains. Les cinquante mille auxiliaires sont en très grande majorité des provinciaux[184], parmi lesquels des hommes des contrées lointaines[185], beaucoup de Germains[186] et plus encore de Gaulois[187]. Des corps de Germains, le plus célèbre et le plus nombreux était celui que formait l’ensemble des huit cohortes bataves. Parmi ceux des Gaulois, on citait les escadrons des cavaliers trévires et les cohortes des fantassins nerviens. Car, comme autrefois, c’était la Belgique qui produisait les meilleurs soldats.

A côté de ces auxiliaires, l’armée légionnaire, quoique composée seulement de citoyens romains, n’était pas assez homogène pour faire contrepoids aux troupes indigènes. Depuis longtemps, Rome et l’Italie ne suffisaient plus à fournir de soldats les vingt-cinq légions qui gardaient l’Empire, et ce qu’elles leur donnaient en hommes baissait peu à peu de valeur[188]. Pour remplir les cadres, on recourait chaque jour davantage aux recrues des provinces : César avait fait souvent appel aux Gaulois de la Narbonnaise ; Tibère s’adressa aussi aux Belges et aux Celtes de la Gaule Chevelue, et quelques-uns d’entre eux vinrent servir dans les vieilles légions à côté des Romains d’Italie[189].

Un désir fréquent des États modernes est d’éloigner le soldat de son pays d’origine. La chose fut, d’abord, indifférente à l’Empire. Il trouva plus avantageux de verser les conscrits gaulois dans les légions du Rhin, auprès desquelles ils retrouvaient leurs compatriotes des troupes auxiliaires[190]. Du jour où les empereurs renoncèrent aux grandes conquêtes, où ils fixèrent leurs troupes sur les bords du fleuve, ils furent amenés à renforcer les éléments transalpins de l’armée occidentale. Celle-ci, par son origine, son rôle, sa situation, va penser à la Gaule plus naturellement qu’à l’Italie et qu’à Rome.

On devine le danger qui peut en résulter pour l’Empire. Que la Gaule se révolte : les soldats de la frontière seront tentés de faire cause commune avec leurs frères de l’intérieur, et c’est l’armée impériale du Rhin qui procurera peut-être aux peuples insurgés les premiers éléments d’une force nationale. Après avoir protégé l’Empire contre les Gaulois, elle pourra, le jour venu, se retourner contre lui au nom des Gaulois eux-mêmes.

Les chefs de l’État romain ont bien vu ce danger. Afin de l’éviter, ils ont multiplié dans la vie des armées les formules et les actes qui les rattachaient directement à César. Le prince, comme imperator, était leur chef unique, souverain et perpétuel. Son image fut dressée dans les sanctuaires des camps, à côté des aigles, des enseignes et des dieux[191]. Il était, pour un soldat, celui auquel on se dévoue. A l’avènement de Tibère ou de tout nouvel empereur, les troupes prêtèrent serment sur son nom, et ce serment était ensuite renouvelé à chaque occasion solennelle[192]. L’armée et l’imperator paraissaient unis de façon indissoluble, et former une seule cité, en armes, avec des dieux au milieu d’elle[193].

Cette cité s’imprégnait sans cesse de vie commune, qui était d’allure romaine. La langue officielle et exclusive y fut le latin[194]. C’étaient les dieux de Rome qui présidaient à ses actes[195]. Les chefs, même petits-fils de rois celtes ou germains, portaient toujours le titre de citoyens romains ; et les soldats, après les années de service, recevaient ce même titre, comme les légionnaires l’avaient reçu avant d’entrer dans les rangs. Le passage par l’armée, sous quelque nom que ce fût, suffisait à rendre digne du droit de cité, à faire perdre le nom gaulois.

Mais si les soldats indigènes arrivaient ainsi, plus ou moins vite, à oublier leur patrie de naissance, un autre danger, plus grave que celui d’une révolte nationale, grandissait aussitôt dans l’armée du Rhin : c’est qu’elle oubliât ensuite Rome et l’Empire pour ne songer qu’à elle-même. Un soldat romain ne, connaissait que de nom Rome et le prince. Il restait au service vingt ans et davantage, pendant lesquels il ignorait tout du monde civil. Au sortir du camp, il irait peut-être dans une colonie, très loin de son pays d’origine[196]. Le foyer de la cité n’existait plus pour lui, ni celui de Rome, ni celui de sa ville natale. Ses intérêts étaient« les gains que lui offrait la vie militaire, solde, gratifications, récompenses, butin et pillage ; ses affections, celles de la tente ou du faubourg, camaraderies et concubinages ; les dieux qu’il adorait, ceux de la légion ou de la cohorte, et les Génies des lieux où il campait. Pour tous ces hommes, la vraie patrie est l’armée, la vraie ville est le camp, et non pas Rome ou la Gaule[197]. Et, comme cette armée est la principale force matérielle de l’Empire, en face de provinces sans milices, de cités sans remparts, de bourgeois sans armes, comme ces soldats sont nombreux, vivent ensemble, se sentent les coudes, mettent en commun leurs rêves et leurs colères, ils sauront, le jour venu, parler en maîtres[198].

Mais l’armée du Rhin n’est pas la seule de l’Empire. Il y a aussi l’armée du Danube, celle de l’Euphrate, la garnison de Rome, les armées moindres de l’Égypte, de l’Afrique et de l’Espagne. Chacune a ses habitudes, ses intérêts, ses ambitions. Si l’une d’elles veut commander, c’est la guerre entre toutes. Et les batailles entre les armées de l’Empire remplaceront celles où, avant les victoires de Rome, se combattaient les rois et les peuples.

De quelque manière qu’on envisageât l’avenir, ces grandes armées permanentes étaient un formidable danger pour ce monde gréco-romain qu’elles avaient la mission de protéger contre les Barbares. Après tout, le meilleur moyen d’écarter leurs menaces, c’était celui qu’avaient employé César et Drusus, les éloigner de la Gaule et les occuper en Germanie. Les Romains, comme tous les conquérants, semblaient n’avoir le choix qu’entre deux solutions : souffrir de leurs armées ainsi que d’un mal intérieur, ou imposer ce mal à leurs voisins.

Tibère en choisit cependant une autre, et c’est merveille qu’elle ait réussi, et sous son règne, et souvent encore après lui. Il fit ce miracle, que les meilleurs empereurs continuèrent, d’entretenir sur le Rhin une armée obéissante et forte, et de ne point l’affecter à des conquêtes. On obtenait ce résultat en rendant la vie de garnison fort absorbante : beaucoup d’exercices, marches et petites guerres[199], et surtout des besognes de tout genre, qui fatiguaient le corps et disciplinaient l’âme. Car le métier de soldat ne lut pas seulement de porter des armes et de garder des remparts. Les légions étaient employées à l’exécution de grands travaux, construction de villes, d’édifices, de routes, de murailles, de ponts et de canaux[200]. C’est l’armée de Germanie qui a creusé le canal de Drusus, entre le Rhin et le Zuiderzée[201], et le canal de Corbulon, entre les embouchures du Rhin et de la Meuse[202]. On projetait de lui en faire tracer un autre, plus grandiose encore, entre la Saône et la Moselle[203]. Les routes qui bordaient la rive gauche du Rhin, celles qu’Agrippa fit partir de Lyon, furent sans doute des ouvrages de soldats. Des postes militaires étaient chargés de la police intérieure. Beaucoup de sous-officiers entraient dans les bureaux ou recevaient des missions de confiance, dans l’Empire ou chez les Barbares même. Pour éviter le danger des agglomérations militaires, on multiplia les camps et les redoutes sur la frontière : ce qui permit de la mieux surveiller, et, dans chacun d’eux, de donner plus à faire aux hommes. Si les Barbares devenaient trop pressants ou les hommes trop désœuvrés, les chefs décidaient quelque coup de force au delà du fleuve, razzia plutôt que campagne, et les troupes revenaient avec leur charge de butin et leur convoi d’esclaves. Ces grandes armées permanentes, dans le long intervalle des conquêtes devenues trop rares, étaient d’immenses réservoirs d’hommes, où l’Empire puisait les ouvriers de toutes les tâches publiques, des terrassiers un jour, un autre des gens de police. Peu importait que les soldats se sentissent parfois humiliés par ces besognes, comme le disaient leurs orateurs de chambrées. L’essentiel était qu’ils ne connussent point l’oisiveté, cause de tous les maux[204].

 

XVI. — LA DISLOCATION DE LA GERMANIE INDÉPENDANTE.

Ce qui permettait à Rome de transformer ses soldats en ouvriers à tout faire, c’est qu’elle n’avait plus de gros soucis du côté des Germains. L’indifférence qu’elle leur témoignait leur faisait plus de mal que ne leur en avaient fait les menaces de Drusus et de Germanicus[205]. Livrés à eux-mêmes, ils ont perdu les nobles sentiments qu’a suscités la haine du conquérant. Les derniers jours d’Arminius se consumaient dans des luttes avilissantes contre les chefs de son entourage et de sa parenté, excités par des intrigues romaines[206]. Il finit par mourir sous leurs coups, à moins de quarante ans (19 ap. J.-C.)[207]. Et l’histoire de la Germanie, pendant les siècles qui vont suivre, ressemblera à la fin de son héros.

Le mouvement qui rapprochait les tribus et les groupait en nation, s’est arrêté partout. Chauques, Chattes, Bructères, Hermundures ou Chérusques, demeurent toujours comme noms de peuplades, mais à chaque génération ces noms représentent des réalités moins fortes. Celui des Sicambres, si glorieux au temps de César, vient de disparaître de la rive droite[208]. Les Suèves de Franconie et de Souabe ont perdu l’allure conquérante qu’ils avaient eue au temps d’Arioviste, et ne savent tirer aucun profit des négligences commises par les empereurs sur la frontière qui leur fait face. Marbod lui-même, après des velléités d’un grand empire sur l’Elbe et l’Oder, fut à la fin rejeté en Bohême, et, trahi alors par ceux qui l’entouraient, il fut réduit à implorer de Tibère un asile dans l’Empire romain, l’année même où mourut Arminius[209].

Ces querelles s’accompagnaient de prodigieux carnages. Une fois, ce sont les Bructères de l’Ems qui succombent sous la coalition de leurs voisins, et soixante mille d’entre eux périssent dans le massacre[210]. Une autre fois, ce sont les Chérusques du Weser que déciment les Chattes de la Hesse[211] ; ou, encore, ce sont ces mêmes Chattes que vouent à la mort les Hermundures de la Thuringe[212]. Voilà où aboutissait la vie de ces vaillantes nations, dont Arminius avait voulu faire une seule patrie.

 

XVII. — RAPPORTS DE ROME AVEC LA GERMANIE.

Les Romains, témoins émerveillés de ces colossales batailles, applaudissaient comme aux combats de l’amphithéâtre, et se réjouissaient des discordes insensées où se perdait, sans danger pour eux, le meilleur du sang germanique. Plaise aux dieux, s’écriait Tacite, que cette démence continue ! elle est la meilleure garantie de nos frontières[213]. — Je ne sais si Tacite et les Romains voyaient juste. Après chacune de ces querelles, c’étaient des foules fugitives qui se pressaient aux bords du Rhin, exaspérées par la faim et la peur, souvent plus dangereuses qu’une troupe de soldats réguliers, et il fallait courir sus à ces bandes de désespérés, qui se glissaient par les intervalles de la frontière et ravageaient tout. Avec elles, aucune entente n’était possible, aucune protection n’était suffisante[214]. Si Rome avait eu pour voisin un État homogène, des relations auraient pu s’établir entre elle et lui, des règles se fixer pour résoudre les litiges de frontière. Mais ce monde instable de peuplades, de tribus et de bandes ne se prêtait à aucune politique générale et suivie[215]. Les légats impériaux devaient négocier à part avec chacun de ces groupes, et, à tout moment, un caprice imprévu des Barbares amenait sur un point la rupture.

Le meilleur moyen que Rome trouva pour garder la paix ; ce fut de se créer des amis dans chaque peuplade. On a vu, par l’histoire d’Arminius, que cela lui fut fort facile. A ses clients, elle envoyait des cadeaux de toute sorte[216], elle donnait le titre de citoyens[217], elle payait le voyage de Rome, d’oie les Barbares revenaient éblouis pour le reste de leur vie[218]. Elle faisait parfois davantage, et fournissait aux tribus des chefs pour les commander, et à ceux-ci des centurions pour instruire leurs troupes, des gardes pour les maintenir au pouvoir[219]. Et, moins d’un demi-siècle après Varus, l’on vit un jour les Chérusques eux-mêmes, la propre nation d’Arminius, députer à l’empereur pour qu’il consentit à leur expédier un roi (en 47)[220].

Il y eut ainsi, au delà du Rhin et du Danube, une zone de peuplades germaniques dont les empereurs escomptaient l’amitié intermittente. Cela permettait aux trafiquants installés à Trèves ou près des camps, d’organiser des caravanes qui partaient pour les marchés de l’Europe barbare[221]. Quelques-unes allaient vers les rives de la Baltique, entraînées par cette convoitise de l’ambre qui depuis plus de dix siècles mettait en mouvement tous les marchands de la terre[222].

Mais l’incertitude des lendemains germaniques, la prudence dont Tibère fit la loi de l’Empire, rendirent assez rares ces aventures, et Rome ne les poussa jamais très loin. Elle eût pu faire bien plus que d’atteindre le golfe de Dantzig. D’humbles Grecs de l’Ionie y étaient déjà arrivés, plus de six siècles ayant Tibère[223]. Le Marseillais Pythéas, avec un seul navire et quelques hommes d’équipage, avait accompli des traites autrement longues que celles des trafiquants italiens ; et sa course maritime de deux mille lieues, du golfe du Lion au cercle Polaire, passait de beaucoup les petites équipées de la flotte romaine entre le Rhin et l’Elbe. Quand on compare ces choses, on a l’impression que l’Empire romain, malgré sa majesté et sa force, représente un monde finissant, à court de souffle et d’audace.

De ces deux faits, une Nome timorée et une Barbarie anarchique, il résulta ceci d’extraordinaire, que la Germanie, en contact sur quatre cents lieues avec l’énorme Empire, fut moins influencée par lui que la Gaule de Bituit ne l’avait été par la seule ville de Marseille. Les monnaies impériales se répandirent jusque sur les bords de la Baltique[224] : mais les Germains ne frappèrent point de pièces sur ces modèles[225]. Ils ne changèrent point la forme de leurs armes[226], ils ne copièrent point les images des dieux du Midi[227], et ils s’obstinèrent à ignorer l’écriture[228]. Leurs forêts et leurs mines demeuraient vierges[229], aucune capitale germanique ne se bâtissait[230] sur les vestiges des cités qu’avaient jadis construites les Gaulois de Ségovèse. Un siècle et demi après le passage du Rhin par César, l’historien Tacite admirait encore dans la Germanie un chaos de peuples et de terres sauvages[231].

Peut-être, de ces deux mondes, est-ce le monde romain qui se laisse déjà le plus pénétrer par l’autre. Un soldat légionnaire ou un trafiquant italien n’avaient pas la distinction native, la souplesse élégante d’un Ulysse ou d’un Pythéas : rudes, avides, ne voyant que la force et le gain, demeurés les mêmes depuis les temps de Marius et de Sylla, ils se mirent assez vite à l’unisson avec les Barbares de la frontière. Les mœurs et les pratiques de ces derniers gagnèrent peu à peu les camps et les marchés du Rhin : on y emprunte des expressions aux parlers indigènes[232] ; des coutumes militaires venues de Germanie sont acceptées des légionnaires[233]. A Cologne ou à Mayence, les Bataves, qui forment la moindre partie des auxiliaires, sont les plus remuants de tous et donnent le ton dans les heures de tumulte[234]. Comme, d’ailleurs, ils se battent fort bien[235], on préfère déjà leurs services à ceux des Gaulois. Les empereurs n’admettent pas encore en qualité de soldats les Germains des terres indépendantes : mais ils enrôlent tous ceux qu’ils peuvent des Germains soumis à l’Empire[236]. César avait donné l’exemple, et tous ses héritiers s’y conforment. Auguste, Germanicus, Tibère et les princes qui suivent, eurent pour gardes du corps, à Rome même et dans leur palais, des esclaves tirés des peuplades germaniques de la rive gauche. Choisis sans doute parmi les hommes les plus beaux et les plus robustes, farouches et simples, aveuglément fidèles comme des chiens de garde, ces serviteurs entouraient l’empereur d’une muraille vivante et infranchissable, derrière laquelle il pouvait braver les fureurs de la plèbe et les séditions des prétoriens[237]. C’est aux Germains que le prince confiait son salut, en attendant le jour où il leur confiera le salut de l’Empire.

 

XVIII. — CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE D’ABSTENTION.

Ainsi, Tibère imposait à l’Empire, vis-à-vis de la Germanie, une politique d’abstention, presque de dépression[238] Elle répondait à l’attitude qu’il avait prise comme empereur. Je dis empereur : car, au titre de prince héritier, il s’était montré sur le Rhin et le Danube aussi ambitieux que n’importe qui. Mais une fois maître du monde, trop vieux pour conduire les armées, inquiet du renom que pourraient acquérir ses généraux, passionné d’ailleurs pour les détails des choses administratives, ayant le goût de tout ce qui est périodique et régulier[239], Tibère ne vit dans les guerres et les conquêtes qu’un danger pour la monarchie et un ennui pour lui. Arrêtant par ses mains fermes et habiles le monde romain, emporté depuis un demi-millénaire vers une gloire toujours plus grande, il le fit se retourner peu à peu vers l’idéal nouveau de la paix, et se plier aux habitudes monotones de la vie courante.

Assurément, le conseil suprême d’Auguste et la volonté persistante de Tibère ne firent point toujours loi pour les empereurs : à chaque nouvelle génération, nous verrons des princes, fous ou héroïques, reprendre les projets de Jules César dictateur. Mais c’est l’au-delà du Danube ou de l’Euphrate qui les attirera surtout, et rarement les grandes plaines et les forêts de la Germanie. Depuis le Taunus jusqu’à la mer du Nord, la frontière va rester immuable, et Cologne ne cessera plus d’avoir des Barbares en face d’elle. Ces ponts du Rhin, d’où les conquérants des premiers temps de l’Empire, César, Drusus, Tibère, Germanicus, étaient partis pour leurs plus lointaines ambitions, devinrent des fins de terre romaine, fermées aux espérances de gloire. Y a-t-il eu, pour cette partie de la frontière, des décisions solennelles, prises par Auguste et Tibère, et engageant tous leurs héritiers ? Le désastre de Varus fut-il regardé comme un signe de la volonté des dieux ? Les empereurs jugent-ils, maintenant qu’ils la connaissent, que la Germanie ne vaut pas la peine d’être prise ? Je ne sais : mais, jusqu’à la mort du dernier empereur, une sorte d’interdit pèsera sur elle.

Je ne crois pas cependant que la conquête en fût impossible. Le désastre de Varus, ainsi que la victoire d’Ambiorix, était un accident qu’expliquaient les circonstances du moment : il n’avait pas la portée générale de la défaite de Crassus chez les Parthes, qui, celle-là, montra bien le danger éternel des guerres orientales. Dans ces tribus de la Germanie, si nombreuses et toujours en discorde, Rome eût trouvé sans peine des alliés pour faire la moitié de sa besogne. Arminius, même victorieux, n’avait rien pu fonder contre elle. Qu’on ne dise pas que la possession de la Basse Allemagne eût entraîné et comme allongé l’Empire latin loin de ses centres d’équilibre et de force, Rome, l’Italie et la Méditerranée. Regardez sur la carte la grande voie de la conquête, par Cologne, Hanovre et Berlin : elle s’éloigne du Rhin, mais elle reste parallèle au Danube, qui, depuis Auguste, est bordé de garnisons impériales ; si les Romains avaient voulu prendre la Germanie, ils auraient pu l’attaquer sur trois points à la fois, par la mer et les deux fleuves, mouvement enveloppant qui ne leur a été possible ni contre la Gaule ni contre l’Espagne. Ne parlons pas davantage de distances : il y a le même intervalle entre Berlin et Tienne qu’entre Berlin et Cologne, et, depuis Auguste encore, Vienne est devenue une des places fortes de la frontière romaine. On va de home aussi vite à Berlin qu’à Paris : Tibère, entre deux campagnes sur le Weser ou l’Elbe, allait passer au Palatin les fêtes de l’hiver[240] ; et il ne fut pas plus difficile à Othon qu’à Charlemagne de se faire couronner empereur. De même, rien n’empêchait le peuple romain de s’installer à Berlin et à Hambourg, comme il l’avait fait à Paris et à Cologne. S’il y a renoncé, ne croyons pas qu’il a dû céder à quelque loi irrésistible de la nature : en cette affaire, tout est venu de la décision des hommes et du hasard des circonstances.

On peut regretter pour le peuple romain qu’il n’ait point fait cette conquête. Il aurait eu dans la Germanie ces ressources en soldats qu’il fut bien obligé d’y chercher plus tard ; et il les aurait prises à sa guise, je veux dire sans ces exigences qui feront un jour des empereurs les ministres de leurs auxiliaires barbares. Appuyé dès le début sur des troupes germaniques, l’Empire eût été plus fort à toutes ses frontières. La poussée des invasions, réduite aux Slaves et aux Huns, eût été moins redoutable ; et Rome se fût assuré de plus nombreux siècles de grandeur.

On peut le regretter aussi pour l’Allemagne. Elle fit un fort médiocre emploi de la liberté que sa victoire lui rendit. Si la conquête romaine aurait coûté beaucoup de sang, je doute que les discordes et les brigandages d’après Arminius n’en aient point fait verser davantage. Devenue latine, la Germanie aurait pris dès lors, comme la Gaule autour de Lyon, les habitudes d’unité et de cohésion qui ne lui viendront que dans un millénaire ; elle se serait convertie plus tôt à cette culture gréco-romaine, dont elle est devenue de nos jours l’admirable gardienne ; elle aurait pu, contre les Barbares des grandes plaines de l’Est, servir de boulevard au monde civilisé. Si la bordure de ce monde avait été de Vienne à Berlin, et non pas de Bâle à Cologne, le rôle souverain, dans l’histoire de l’Occident romain et chrétien, n’aurait jamais cessé d’appartenir à l’Allemagne.

C’est la Gaule qui va jouer ce rôle, sous les empereurs, sous Clovis, sous Charlemagne, et qui le reprendra ensuite sous saint Louis et Philippe le Bel. Et s’il en sera ainsi, c’est, en fin de compte, parce que César et ses premiers héritiers ont fait d’elle, tout à la fois, un pays romain et un pays frontière. Ils ont accumulé sur cette terre toutes les fondations intérieures, routes et villes, qui unissent les intérêts des hommes, leur donnent des idées communes, les préparent à former un grand peuple. Mais en laissant à la lisière de cette terre la crainte permanente de l’ennemi, ils ont entretenu chez ces hommes le besoin de l’entente, le sentiment de l’unité, les pensées qui stimulent la vie, les énergies qui réagissent contre le dehors. Lorsqu’ils ont arrêté au grand fleuve la limite de l’Empire, Auguste et son successeur ont fixé les destinées de la Gaule. Elle s’occupera tout autant de lutter à ses frontières contre les Germains, que de s’instruire des choses latines sur le coteau de Fourvières et à l’autel du Confluent. C’est sur le Rhin, au temps de Tibère, que s’achève l’édifice de la Gaule romaine commencé à Lyon par César et Plancus.

 

 

 



[1] Nous ne donnerons pas la bibliographie complète du sujet. D’abord, elle n’intéresse la Gaule qu’indirectement. Puis, ce sujet étant le plus discuté de l’histoire ancienne, ayant donné lieu à plus de dissertations même que le passage des Alpes par Hannibal (t. I) et que la question d’Alésia (t. III), la bibliographie prendrait les proportions d’un volume. — On en trouvera les éléments dans ce qui suit : Pohler, Bibliotheca historico-militaris, I, 1887, p. 59-63 (sans critique) ; von Rohden, art. Arminius ap. Wissowa, R.-E., 1896 ; Gardthausen, Augustus und seine Zeit, III, 1901, notes des ch. 10 et 12 ; Anthes, dans le Korrespondenzblatt des Gesamtvereins der deutschen Geschichts- und Altertumsvereine, 1910, p. 394 et s. (publications provoquées en 1909 par le jubilé de la victoire d’Arminius), et ibidem, les années suivantes ; Dahlmann-Waitz, Quellenkunde, 8e éd., 1912, p. 251-7 ; Rœmisch-Germanisches Korrespondenzblatt, I, 1908, et la suite ; VI. Bericht der Rœm.-Germ. Kommission, 1910-1 (1913), et ce qui précède ; Bonner Jahrbücher, CXX, 1911, et années précédentes. — Dans ces dernières années : Sadée, Rœmer und Germanen, II, 1911 (bon récit de vulgarisation) ; Dragendorff, Westdeutschland zur Rœmerzeit, Leipzig, 1912 (excellent) ; Koepp, Die Rœmer in Deutschland, 2e éd., 1912 (admirablement au courant). Pour les questions géographiques, en dernier lieu L. Schmidt, Gesch. der deutschen Stämme, II, 1911 et 1913. Le livre de Riese, Das Rheinische Germanien in der ant. Litteratur, 1892, est un utile répertoire de textes. Du même genre, Kunze, Die Germanen in der antiken Literatur, 1906-7.

[2] Strabon, IV, 6, 11.

[3] C’est ce qui explique les séjours d’Auguste à Lyon au cours des grandes campagnes germaniques.

[4] Bien entendu, en tenant compte des progrès que la discipline romaine fit faire à cette arme (cf. Tacite, Ann., III, 42).

[5] Suétone, César, 79, 4 ; Horace, Odes, III, 3, 57 et s. On a dit également que, chez Tite-Live, le discours de Camille sur le site de Rome est une réponse à ce projet. Cf. Gardthausen, I, p. 546 et 830.

[6] Hercule et Ulysse en Germanie, Tacite, Germanie, 3 ; en Bretagne, Solin, XXII, 1.

[7] Strabon, XVI, 4, 24 ; II, 5, 12 ; etc.

[8] Plutarque, Antoine, 61.

[9] La fameuse via Egnatia (R.-Enc., V, c. 1988-93).

[10] Voyez les évènements qui s’y sont passés avant Auguste ; Zippel, Die rœm. Herrschaft in Illyrien, 1877 ; Patsch, R.-E. Wissowa, au mot Delmatæ, c. 2448 et s.

[11] L’invasion des Cimbres, la fuite de Décimus, les projets de Pompée, avaient dû attirer l’attention des Romains sur les grandes routes de montagnes au nord des Alpes, entre Gaule et Germanie d’un côté, Illyrie et Balkans de l’autre. La principale fut celle de l’Arlberg (ibid.).

[12] Vers le temps de la mort de César, qui songeait à l’attaquer (Strabon, VII, 3, 5 et 11).

[13] Première guerre dalmate.

[14] Date du triomphe de Tibère sur les Pannoniens (Dion, LV, 2, 4).

[15] Sur ces guerres, outre Zippel : Gardthausen, Auguste, ch. 4, § 4 ; ch. 7, § 4 ; ch. 10, § 3. Elles furent facilitées par la dislocation de l’empire des Daces, sans doute aussi par l’abandon de leurs conquêtes au sud du fleuve ; leurs domaines furent alors limités aux terres transdanubiennes (Strabon, VII, 3, 11 ; Res gestæ, p. 128-132 ; cf. Real-Enc., IV, c. 1960-5).

[16] Res gestæ, p. 128 : Fines Illyrici ad ripas fluminis Danui.

[17] Très bien montré par Mommsen, R. G., V, p. 7 et s.

[18] Illyricum.

[19] Ou, en donnant les noms anciens de ces villes ou des villes correspondantes Lugdunum (celtique), Augusta Raurica (celtique), Reginum (peut-être celtique), Vindobona (celtique), Singidunum (celtique), Byzantium (grec). Sur ces routes, C. I. L., III. Voyez comme elles répondent à la ligne des cités gauloises de Ségovèse.

[20] Pfitzner, Geschichte der rœmischen kaiserlegionen, 1881, p. 137 et s. (mauvais livre, d’ailleurs).

[21] Il manque un bon travail d’ensemble sur les Illyriens.

[22] Cela me parait résulter de leur histoire sous l’Empire.

[23] Jung, Die romanischen Landschaften, 1881, p. 362 et s. ; le même, Rœmer und Romanen in den Donauländern, 2e éd., 1887, Innsbruck ; Pichler, Austria Romana, 1902 (lexique) ; Franzitz, Bayern zur Rœmerzeit, 1905. Cf. Arch.-epigr. Mittheilungen aus Œsterreich, 1877 et suiv. ; Arch.-epigr. Untersuchungen zur Geschichte der rœm. Provinz Dalmatien, 1896 et suiv. ; Schriften der Balkankommission, Vienne, depuis 1900. Etc.

[24] Au moins jusqu’après la grande expédition rétique de Drusus et Tibère en 15 av. J.-C. (Dion, LIV, 22) et le voyage d’Agrippa en Pannonie en 13 (LIV, 28, 1-2).

[25] Voici les principaux évènements militaires de cette période. — En 39 ou 38 : Agrippa chasse des Germains sur l’autre rive et les y poursuit (Dion, XLVIII, 49, 2-3). Il s’agit peut-être de gens de la Basse Germanie, autour de Cologne. C’est alors sans doute qu’il installe les Ubiens à Cologne. — En 30 ou 29 : Carrinas rejette les Suèves au delà du Rhin (Dion, LI, 21, 6). Vers le même temps, entente de Germains [des Suèves ?] avec les Trévires révoltés (LI, 20, 5). Ce nom de Suèves signifie les débris d’Arioviste et suppose une campagne dans la Haute Germanie, autour ou en amont de Mayence. — En 25 : je doute que la campagne de Marcus Vinicius pour venger le massacre de marchands italiens établis chez les Germains, se soit passée du côté du Rhin ; je crois, plutôt, vers la Rétie (Dion, LIII, 26, 4). — En 19 avait Agrippa dut sans doute encore chasser des bandes (Dion, LIV, 11, 2).

[26] Δεύτερος δή 'Ρωμαίων, Dion, XLVIII, 49, 3. A Bonn ?

[27] La plupart des détails de cette organisation ne peuvent être attribués à Agrippa qu’hypothétiquement.

[28] En 38 ? ; Strabon, IV, 3, 4 ; Tacite, Germanie, 28 ; Ann., XII, 27. — Le territoire qui leur fut concédé a dû être pris sur des clients des Trévires, et correspondre primitivement au seul pays de Cologne, entre le coude de Wesseling et Gelduba ou Gellep ; le pays et le pont de Bonn restent aux Trévires (Strabon, IV 3, 4). — Je crois que les Ubiens se sont trouvés établis simple ment en face du territoire qu’ils avaient autrefois occupé. Leur nouvelle capitale (oppidum Ubiorum, Cologne), dont nous ignorons le nom primitif, s’éleva sans doute en face de l’endroit où avait été autrefois leur chef-lieu.

[29] En 8 av. J.-C., plutôt qu’en 16-15 ; Suétone, Auguste, 21, 1 ; Tibère, 9, 2. — Ce sont peut-être des Sicambres que les tribus suivantes, mentionnées par Pline : Sunuci (cf. Tacite, Hist., IV, 66 : en avant des Ubiens vers la Gaule ; pays de Juliers ?) ; Bætasi (cf. Tacite, Hist., IV, 56 et 66 : en 70, pays de Maëstricht ? ; C. I. L., VI, 31140 : sous Trajan, pays de Xanten ?) ; Guberni, Cugerni (cf. Tacite, Hist., IV, 26 ; V, 16 et 18 : sur le Rhin, pays de Abers, de Gellep à Rheinberg ?). Les Frisiavones, si Pline parle de tribus transportées de Frise, ont pu être établis alors dans la même région (sur le Rhin, de Rheinberg à Clèves, pagus Dubla ou pays de Xanten, alors enlevé aux Ménapes ?). — Sur les rapports supposés de ces peuplades avec les pagi médiévaux, cf. les tables de Bœttger, Diœcesan- und Gau-Grenzen Norddeutschlands, IV, 1876, p. 421 et suiv.

[30] Toutefois, il serait possible que, dans cette région, à l’amont de Bonn ou de Mayence, Auguste ait transplanté d’autres Suèves (Suétone, Auguste, 21, 1) : peut-être les Cæracates.

[31] Au delà étaient les Bataves.

[32] Collocati ut arcerent non ut custodirentur ; Tacite, Germanie, 28.

[33] On ne saurait le prouver pour le temps d’Agrippa. Mais à voir l’insistance avec laquelle, jusqu’en l’an 12 av. J.-C., les Romains ne quittent pas cette rive gauche et la protègent, vu les nombreux périls qu’ils y ont courus et l’évidente nécessité d’y faire bonne garde, je ne puis croire qu’ils n’y eussent point déjà tracé les lignes générales de la Germanie frontière et militaire, telles que nous les trouverons sous Drusus et après Varus. — Opinion contraire chez Ritterling, p. 65, n. 7, et chez les érudits allemands, qui placent cette œuvre de frontière seulement après l’affaire de Lollius et au temps de Drusus (en dernier lieu, Dragendorff, p. 9-10). — Le nombre et le nom des légions, pour ce temps, sont encore choses fort incertaines. On a supposé 4 légions seulement, les VIIIe, XIVe, XVe et Ve. Je doute fort qu’il n’y en ait pas eu davantage.

[34] La première mention de Mayence, Mogontiacum, est en 9 av. J.-C., à propos de la mort de Drusus (Eutrope, VII, 13 ; cf. C. I. L., XIII, II, p. 297).

[35] Mayence maîtrisait à la fois les routes vers les Suèves du Mein et les Chattes de la Hesse.

[36] L’importance de Bonn, Bonna, comme point de départ des premières guerres de Germanie, me parait méconnue des érudits allemands d’aujourd’hui. Exception faite pour Pohl, Verona und Cæsoriacum (progr. de Bonn), 1886, p. 13-17, et von Veith, dans Das rœm. Lager im Bonn, 1888 (Festschrift zu Winckelm. Geb., etc.), p. 25-27. — 1° C’est à Bonn, sans aucun doute, que Drusus construisit le premier pont du Rhin et installa peut-être la première flotte ; Florus, II, 30, 26 : Bormam [Bonnam] et Cæsoriacum [castellum de la rire droite ? Vilich ? ou, plutôt, Schwarzrheindorf ?] pontibus junxit classibusque firmavit. A la rigueur, Cæsoriacum peut désigner Gesoriacum, Boulogne, et il peut s’agir d’une flotte à Boulogne et d’une route de Bonn à Boulogne. J’en doute fort cependant. En tout cas, il s’agit ici aussi de Bonn et de son pont. On doit écarter absolument l’hypothèse de Kornemann (Klio, II, 1909, p. 435), d’une route le long du rivage de l’Océan, depuis Boulogne jusqu’à une localité Borma. — 2° C’est ce pont de Bonn que désigne explicitement Strabon, puisqu’il parle des Trévires, et non des Ubiens, à propos du pont par lequel passent les expéditions de son temps contre les Germains (IV, 3, 4). — 3° La plus vieille route de Trèves au Rhin, suite de la route de Langres à Trèves, route datant d’Agrippa (Strabon, IV, 6, 11), semble avoir pour objectif, non Cologne, mais Bonn ; elle a dû passer par Billig, Belgica : ce mot de Belgica indiquerait l’endroit où fut marquée plus tard la frontière lors de la séparation entre les provinces de Belgique et de Germanie (C. I. L., XIII, I, p. 587 ; von Veith, Bonner Jahrb., LXXVIII, 1884, p. 7 et s., LXXXII, 1886, p. 35 et s., dans un sens un peu différent du nôtre). — 4° C’est à Bonn, je crois, que César passa le Rhin la seconde fois. — Mais je dois ajouter qu’il ne résulte nullement de tout cela qu’il y ait eu à Bonn, sous Auguste, un camp légionnaire permanent : il n’apparaîtra que plus tard. J’incline à croire qu’à Bonn furent d’abord le camp naval et le port d’attache de la flotte.

[37] En face, les vallées de la Sieg et de la Wupper ont dû être, après le départ des Ubiens, occupées par les Tenctères reconstitués. En outre, les Usipi de la Wisper.

[38] Vetera castra, sur la hauteur entre Fürstenberg et Birten, à un mille au sud de Xanten. Tacite (Hist., IV, 23) rapporte sa création à Auguste : ce qui semble exclure Drusus. — Il est possible que Vetera soit un nom indigène, comme on l’admet généralement. Je ne vois cependant pas pourquoi l’expression n’aurait pas désigné l’ancien camp, par rapport à un camp nouveau, par exemple celui d’Aliso.

[39] Bataves et Sicambres. Le passage de Xanten est sans doute ancien. En face, outre les Sicambres de la Ruhr et de la Lippe, on avait les Usipètes reconstitués, qui ont pu remplacer les Cuberni et autres entre la Lippe et l’Yssel. Au delà, les Bructères de l’Ems.

[40] On discute sur les questions suivantes : si les Marcomans ont conquis la Bohême en venant de la Thuringe et de la Saxe, leur domicile primitif, et cela, à la suite de la campagne de Drusus en 9 ? ou si cette conquête est l’œuvre d’une bande issue de l’armée suève d’Arioviste, et refoulée loin du Danube bavarois par les campagnes de Drusus et de Tibère en 15-9 ? ou encore si cette bande vient de la même armée, mais par le Neckar et le Mein ? La première hypothèse peut s’appuyer sur Velleius, II, 108 ; également, à la rigueur, la troisième ; la seconde, sur le Breviarium, 8, de Festus : mais il faut avouer que ces textes signifient peu de chose. Quoi qu’il en soit, la migration date de 15-9, et a dû être provoquée par l’approche des Romains.

[41] Velleius, II, 108-9 ; Strabon, VII, 1, 3 ; Tacite, Ann., II, 62-3 ; etc. Sur la civilisation, Pié et Déchelette, Le Hradischt de Sradonitz en Bohème, 1906 : je crois les objets, en grande majorité, des temps celtiques et non suèves (cf. Rev. des Ét. anc., 1906, p. 112-4).

[42] Auguste l’installa en Gaule en 14-13, dans le cours de son 3e voyage (Dion, LIV, 25, 1).

[43] Cf. Tacite, Germanie, 34 ; Florus, II, 30, 27-28.

[44] Il était né en 33 av. J.-C. ; cf. Prosopographia imperii Romani, I, p. 366-8.

[45] Suétone, Claude, 1, 4.

[46] Sénèque, Ad Marciam, 3, 1. Voyez, par exemple, les innombrables mentions auxquelles sa mort a donné lieu chez les écrivains anciens ; Stein ap. Wissowa, R.-E., III, c. 2714-9. Sénèque, Ad Marciam, 3, 1. Voyez, par exemple, les innombrables mentions auxquelles sa mort a donné lieu chez les écrivains anciens ; Stein ap. Wissowa, R.-E., III, c. 2714-9.

[47] Cf. Tacite, Ann., IV, 72 ; Sénèque, Ad Marc., 3, 1 : Non minus gloriosi quam civilis animi ; Suétone, Claude, 4.

[48] Discours de Claude, C. I. L., XIII, 1668 ; Sénèque, Ad Marc., 3, 1 ; Suétone, Claude, 1, 3.

[49] Florus, II, 30, 27 ; Sénèque, Ad Marciam, 3, 1.

[50] Cf. Horace, Odes, I, 21, 15 ; 35, 29-30 ; III, 5, 3-4 ; 4, 33 ; etc.

[51] Auguste annonça en 35-34 (Dion, XLIX, 38, 2) et en 27-25 (LIII, 22, 5 ; 25, 2) la guerre de Bretagne, et dit venir en Gaule à cet effet. Il se borna à accueillir des rois bretons (Res g., 6, 2, 2e éd., p. 138-140 ; cf. Hübner, R.-E. Wissowa, III, c. 867). Strabon déclarait que la Bretagne rapportait plus par les droits de douane qu’elle ne rapporterait par la conquête (IV, 5, 3) : il ne fait peut-être qu’exprimer l’avis d’Auguste.

[52] C’est le désastre, fameux sous l’Empire, dit de Lollius, alors légat dans les Gaules. La date de 17 est également possible (Julius Obsequens, 71).

[53] Dion, LIV, 20, 4-6 ; Velleius, II, 97, 1 ; Strabon, VII, 1, 4 (qui nomme à ce propos le chef de la bande, le Sicambre Melon) ; Suétone, Auguste, 23, 1 ; Tacite, Ann., I, 10. Les chroniqueurs du Bas Empire semblent avoir interverti les faits, à moins que Lollius n’ait réussi à prendre une sérieuse revanche (Jérôme, a. d’Abraham 2000 ; Eusèbe, a. 1998 [1999], II, p. 142, Schœne ; le Syncelle, I, p. 594, Bonn). — L’ennemi dut passer non loin de Xanten. La légion surprise fut la Ve (on a dit la Ve Gallica plutôt que la Ve Alaudæ), peut-être campée à Vetera. Elle dut être dissoute à la suite de ce désastre et remplacée par une autre Ve (Alaudæ : on a, il est vrai, supposé aussi que ces deux noms désignent la même troupe). — C’est à la suite de cet évènement qu’Auguste vint en Gaule et y installa Tibère, en 16-15. Et c’est peut-être alors, au cours de la chasse aux envahisseurs (Suétone, Tibère, 9, 2), que Tibère établit 40.000 Sicambres sur la rive gauche.

[54] Sur les campagnes de Drusus, en dernier lieu Kropatscheck, Der Drususfeldzug, etc., Bonner Jahrb., CXX, 1911.

[55] Cf. Dion, LIV, 32, 1.

[56] Tite-Live, Ép., 139 : Bellum adversus Transrhenanas gentes a Druso gestum refertur, in quo inter primores pugnaverunt Senectius et Anecticus tribuni ex civitate Nerviorum. Il faut qu’ils aient fait de bien belles choses, pour que l’auteur de l’Épitomé ait mentionné leurs noms.

[57] On peut supposer, en admettant qu’il y ait eu sous Drusus huit légions sur le Rhin, les lésions suivantes, entre 15 av. et 9 ap. J.-C. : en Germanie Supérieure : les XIIIe, XIVe, XVe, XVIe ; en Germanie Inférieure : les Ve, XVIIe, XVIIIe, XIX,e(ces trois dernières furent massacrées avec Varus). Mais il y a eu sans doute bien des va-et-vient. — Cf. Mommsen, Res gestæ, 2e éd., p. 69 et s. ; Patsch, Westd. Zeitschrift, IX, 1900, p. 332-340 ; Ritterling, Bonner Jahrbücher, CXIV-V, 1906, p. 181 (qui n’accepte que 6 légions) ; von Domaszewski, id., CXVII, 1907, p. 176-7.

[58] Le point de départ parait Vetera. — Il attaque d’abord les Usipètes (vers la Lippe ?), remonte chez les Sicambres (par la Ruhr ?), redescend chez les Bataves, dont la soumission définitive se rapporte peut-être à ce temps. Au cours du reste de la campagne, il y eut une victoire navale sur les Bructères dans les eaux de l’Ems. C’est peut-être alors que des Frisons ou Frisiavons furent admis sur la rive gauche. Dion, LIV, 32, 1-3 ; Tacite, Ann., 11, 8 ; IV, 72 ; Germ., 34 ; Suétone, Claude, 1, 2 ; Strabon, VII, 1, 3 ; Florus, II, 30, 23 ; Orose, VI, 21, 15. — Sur la situation des Frisons dans l’Empire, en dernier lieu L. Schmidt, Geschichte der deutschen Stämme, II, 1911, p. 74 et suiv.

[59] Départ probable de Vetera, la Lippe remontée par la rive nord (Usipètes), franchie ensuite (à Haltern ? à Oberaden ?), traversée du pays des Sicambres (Bochum, Dortmund, Soest ?), de celui des Chérusques jusqu’au Weser (depuis Lippspringe jusqu’en face de Hameln ?) ; puis, passage à travers les Chattes (vers la trouée de la Hesse, Marbourg, Friedberg ?), retour à travers les Tenctères (par Giessen et la Sieg ?) ; retour à Bonn ?. Dion, LIV, 33, 1-4 ; Tite-Live, Ép., 138 ; Florus, II, 30, 24 ; Orose, VI, 21, 15 ; Pline, XI, 55. — La troisième campagne, en 10, fut uniquement consacrée à des expéditions de répression contre Chattes et sans doute Tenctères (par la route Bonn, la Sieg, Friedberg ?). Dion, LIV, 36, 3 ; peut-être Florus, II, 30, 23 ; Tite-Live, Ép., 139.

[60] Les principaux sont les suivants. — Aliso, je crois Haltern, sur la Lippe, à 50 kilomètres ou une très forte journée de Vetera. Haltern est le camp romain transrhénan le mieux conservé. Dion, LIV, 33, 4 ; Tacite, Ann., II, 7 ; Velleius, II, 120, 4. En dernier lieu Aliso, 5° éd., excellent guide publié par Schuchhardt et Kœpp, 1913, Haltern. — Oberaden, à 35 kilomètres de là, toujours sur la ligne de la Lippe, au sud de la rivière. Cf. Rœm.-Germ, korrespondenzblatz, II, 1909, p. 1 et s., et ensuite. — A 50 kil. de là, peut-être Kneblinghausen près de Rüthen, au croisement de la route de la Lippe avec celle qui mène du Weser par Lippspringe vers la trouée de la Hesse. — Un camp chez les Chattes, sur le Taunus, près du Rhin. Dion, ibid. ; Tacite, I, 56 ; Ptolémée, II, 11, 14 (Άρκαταυνον pour Aretaunumante Taunum). Friedberg à l’entrée de la trouée de la Hesse ? C. I. L., XIII, II, p. 440. — Peut-être Amisia (Ptolémée, II, 11, 13) : à Rheine au passage de l’Ems ? — Cf. en dernier lieu Kropatscheck, Das Alisoproblem (Deutsche Geschichtsblätter, octobre 1910).

[61] Il est certain que, malgré ses efforts pour atteindre la ligne du Weser, Drusus apporta ses principaux soins à fortifier la ligne de la Meuse inférieure et du Rhin, et c’est à lui que les Anciens ont rapporté le grand travail de la mise en état de celte frontière : In Rheni quidem ripa quinquaginta amplius castella direxit, Florus, II, 30, 26.

[62] Par la Lippe avec Aliso et Oberaden, par la ligne de Xanten à Rheine sur l’Ems, par Bonn et la vallée de la Sieg, par la trouée de la Hesse avec Friedberg.

[63] Il n’est pas impossible qu’il y ait eu dès le temps de Drusus une station navale à Boulogne ; mais en tout cas la classis Germanica lui doit bien l’existence.

[64] Drusus aurait voulu, en l’an 12, contourner le Jutland (Tacite, Germ., 34). Cette préoccupation, de donner aux Romains la vieille route de l’ambre, celle de Pythéas, de Cadix à l’Elbe, n’est peut-être pas étrangère à la pompeuse déclaration d’auguste dans ses Res gestæ, 3, 10-12 : Gallias et Hispanias provincias et Germaniam quo includit Oceanus a Gadibus ad ostium Albis fluminis pacavi.

[65] Dion, LV, 1 ; Florus, I1, 30, 23, 21-25 ? et 26 ; Orose, V1, 21, 15-16 ; Eutrope, VII, 9 : Strabon, VII, 1, 3 ; Tite-Live, Ép., 140 ; Suétone, Claude, 1. Après bien des hésitations, je propose l’itinéraire suivant. — Mayence ; une incursion chez les Suèves du Mein ; Friedherg et la trouée de la Hesse, où il combat les Chattes ; descente vers le Weser par la route de la seconde campagne, faite en sens inverse ; le Weser traversé à Hameln ; courses chez les Chérusques, du Weser à l’Elbe par Hildesheim ; arrivée sur l’Elbe à Magdebourg. Au retour, il remonte l’Elbe et la Saale, où il combat les Marcomans ; son intention est de revenir à Mayence par Eisenach et la Fulda. C’est sur la Saale qu’a lieu l’accident dont il mourut. Sa mort se place entre la Saale et le Rhin, à des castra æstiva voisins de la frontière, appelés Scelerata (Suétone, Claude, 1, 3). — Le nom de Sicambri, dont il est question à propos de cette campagne, doit dissimuler celui de quelque peuplade de l’Elbe. — Mêmes hésitations au sujet du voyage de 200 milles fait par Tibère, à travers les pays barbares, pour rejoindre son frère (Pline, VII, 84 ; Valère Maxime, V, 5, 3). Si on les compte depuis Mayence, cela nous ramène à la Saale.

[66] Sénèque, Ad Marcium, 3, 1 ; Suétone, Claude, 1, 3.

[67] Suétone, Claude, 1, qui n’indique pas l’endroit. On conclut à Mayence en rapportant à ce cénotaphe le texte d’Eutrope (VII, 13) : Drusi, qui apud Mogontiacum monumentum habet ; Dion, LV, 2, 3 ; cf. C. I. L., XIII, II, p. 297-8. Dès le Xe siècle, on regardait comme un reste de ce cénotaphe les ruines dites Trüsilén (Steinmeyer et Sievers, Die Althochd. Glossen, II, p. 359), plus tard et aujourd’hui l’Eichelstein ou Eigelstein. — Toutes les questions relatives à Drusus ont donné et donnent lieu à d’interminables discussions.

[68] Principaux évènements dans cette période. — En l’an 8 av. J.-C. : Auguste fit alors son dernier voyage en Gaule, Tibère parcourut la Germanie transrhénane ; les Sicambres. Mélon en tête, se soumirent définitivement, et c’est sans doute alors que 40.000 furent transportés sur la rive gauche. Suétone, Auguste, 21 ; Tibère, 9, 2 ; Dion, LV, G, 1-3 ; Velleius, II, 97 et 105 ; Res gestæ, 2e éd., Mommsen, p. 140 ; Orose, VI, 21, 24 ; Eutrope, VII, 9 ; Tacite, Ann., II, 26 ; XII, 39 ; Strabon, VII, 1, 4 ; Aurelius Victor, Epit., 1, 7. — Il y eut peut-être alors une réglementation de la Germanie, division en exercitus superior à Mayence, inferior à Vetera, séparation de la Germanie romaine, cisrhénane et transrhénane, d’avec la Belgique et les districts gaulois, etc. — En l’an 7 av. J.-C. ?, se place l’énigmatique expédition de L. Domitius Ahenobarbus, alors légat en Illyrie. Parti du Danube (de Ratisbonne ?), il établit en Thuringe, dans le pays récemment évacué par les Marcomans, les Hermundures fugitifs du nord de l’Allemagne, passe l’Elbe (à Wittenberg ? à Magdebourg ?), traite avec les indigènes (les Semnons ?), élève un autel à Auguste. Dion, LV, 10 a, 2 ; Suétone, Néron, 4 ; Tacite, Ann., IV, 44 ; cf. R.-E. Wissowa, V, c. 1344-5. C’est le chef romain qui s’est le plus approché de Berlin et du centre sacré de la Germanie. — Au plus tard vers l’an 1 ap. J.-C., nous retrouvons ce même Domitius, légat en Germanie, et guerroyant contre les Chérusques (Dion, LV, 10 a, 3). C’est lui qui construisit les longi pontes, je crois sur la route directe entre Rhin et Ems, au delà de Borken vers Rheine (Tacite, Ann., I, 63). — Vers 2 ap. J.-C. ? Marcus Vinicius, qui le remplace, guerroie en Germanie (Velleius, II, 104, 2).

[69] Tiberius Claudius Nero, depuis son adoption Tiberius Julius Cæsar, empereur sous le nom de Tiberius Cæsar Augustus. Cf. Prosopographia, II, p. 183.

[70] Cf. Tacite, Ann., II, 26 ; Suétone, Tibère, 68, 3.

[71] Suétone, Tibère, 18.

[72] De Vetera à Amisia (Rheine ?) par les Longs Ponts ; soumission, sur cette route, des Chamavi (texte de Velleius corrigé : Hamaland, vallée de l’Aa), des Attuarii (vallée de la Berkel), des Bructères. De là, arrivée sur le Weser (par Melle et Osnabrück ?) et soumission des Chérusques. Jusqu’ici, route de Domitius ? — Le Weser franchi (à Rehme ?) ; retour sur Rehme. Traversée du Teutoburgerwald (de Rehme à Lippspringe par Lage et la Dœrenschlucht ?). — Installation d’un camp à Caput Lupiæ [?], (Ptolémée, II, 11, 13) : Lippspringe ?, au carrefour des routes : 1° vers le Weser par la Dœrenschlucht, Lage et Rehme ; 2° vers le Weser par Horn et Hameln ; 3° vers la Hesse et Friedberg par Kneblinghausen ; 4° vers le Rhin par l’Ems, Münster et les Bructères ; 5° vers le Rhin par la Lippe, Aliso et les Usipètes ; 6° vers le Rhin par Soest et les Sicambres. Paderborn fut l’héritière de ce point, dont Tibère a bien compris l’importance. Elle frappera également Charlemagne, qui résidera souvent à Lippspringe ; Bœhmer et Mühlhacher, I, 2e éd., p. 86, 95-6, 103-4. — Aucun détail sur le retour. — Tout cela, supposé d’après Velleius, II, 105.

[73] Quo neque terra neque mari quisquam Romanus ; Auguste, Res g., 5, 15.

[74] Chiffre donné par Velleius, II, 106. Étant donné ce chiffre et la mention des Chauques et des Lombards à propos de l’armée de terre, je crois qu’elle a dû faire un grand détour par le nord (cf. Strabon, VII, 1, 4), pour ne pas trop s’éloigner de la flotte. Je suppose, comme itinéraire, de Vetera à Rheine sur l’Ems, à Brème sur le Weser, à Tangermünde sur l’Elbe.

[75] Pline, IV, 97.

[76] Tacite, Germanie, 37. — Auguste et Pline semblent dire qu’elle doubla le cap Skagen, Cimbrorum promunturium (II, 167 ; cf. Res gestæ, 5, 15), ce qui est contraire à Tacite (Germ., 34) : peut-être songent-ils ici à la pointe de Cuxhaven ; peut-être, plutôt, envoya-t-on un navire reconnaître le cap, ce qu’avait vainement tenté Drusus ; cf. Mareks, Bonner Jahrb., XCV, 1894, p. 45-8. — C’est alors que les Cimbres durent envoyer une ambassade à Rome, chargée d’offrir à Auguste le chaudron ou vase sacré de la nation (Strabon, VII, 2, 1). C'est à ce voyage, je suppose, qu’est due la confection, peut-être du chaudron d’argent de Gundestrup, en tout cas d’un vase similaire dont il serait la copie, vase qu’Auguste aura pu donner aux Cimbres en échange de leur chaudron (cf. Rev. des Ét. anc., 1908, p. 71-75).

[77] Velleius, II, 106, 3 ; Auguste, Res gestæ, 5, 14-8, 2e éd., p. 105.

[78] Velleius, II, 106, 2-3 ; Res g., p. 105. Auguste nomme aussi les Charydes (les Harudes ?).

[79] Il n’est guère douteux que ce pays des Semnons, caput Sueborum, n’ait exercé un réel attrait sur les généraux romains.

[80] Hodie vidi deos, Velleius, II, 107. La scène se passe sans aucun doute chez les Semnons, après la jonction des deux armées.

[81] Voyez, là-dessus, l’excellent résumé de Velleius, II, 109.

[82] Expédition projetée de Tibère, par Carnunium (Petronell) et la Morava ? (Velleius, II, 109, 5 ; 110, 1).

[83] Expédition de Caïus Sentius Saturninus, par Bonn ou Mayence et la vallée du Mein ? (Velleius, II, 109, 5 ; 110, 2). Sentius a dû remplacer Tibère en Germanie en 6 (Dion, LV, 28, 6), après lui avoir servi de légat en 4-5 (Velleius, II, 105, 1).

[84] Velleius, II, 110.

[85] Strabon, VII, 1, 4.

[86] Res gestæ, 5, 11, p. 103.

[87] Les XVIIe, XVIIIe, XIXe.

[88] En face de Hameln ?

[89] Et même, sur le Rhin, n’y a-t-il peut-être plus que les deux légions de Mayence (Velleius, II, 120, 3). — En admettant même, ce qui n’est pas impossible, trois légions d’arrière-garde, à Vetera, Strasbourg, Windisch, les Romains eurent, pour tenir toute la Germanie entre le Rhin et l’Elbe, juste autant d’hommes que plus tard pour la seule frontière du Rhin. Cf. Ritterling, Bonner Jahrbücher, CXIV-V, 1906, p. 181. — Ajoutez que l’occupation du grand camp cesse pendant l’hiver. Tibère seul, très sagement, laissa ses légions l’hiver en Germanie : à Lippspringe ? (Velleius, II, 105, 3). Il y a eu, de la part d’Auguste, de véritables aberrations militaires. — Enfin, il parait certain que, dès ce temps-là, la Germanie était séparée de la Gaule (Dion, LV, 28, 6 ; LVI, 18, 3), et celle-ci, peut-être abandonnée à ses trois légats ce qui comportait la suppression du grand commandement militaire de l’Occident, au moment où il était le plus nécessaire.

[90] Tacite, Ann., I, 57.

[91] Velleius, II, 120 ; Florus. II, 30, 31 ; Tacite, Ann., II, 14.

[92] Velleius, II, 119, 2 ; Tacite, Ann., II, 5, 11, 16, etc.

[93] Auguste, en 9 ap. J.-C., avait 71-72 ans.

[94] P. Quinctilius Varus. Il semble toutefois qu’il ait dû cette situation à sa qualité de petit-neveu d’Auguste par alliance ; cf. Prosopographia imperii Romani, III, p. 118-120. Il a peut-être été précédé, en 7-8, par L. Ælius Lamia (Velleius, II, 116, 3).

[95] Velleius, II, 117 et 119 ; Florus, II, 30, 31 ; Dion, LVI, 18, 3.

[96] Excellent résumé, par von Rohden, R.-E. Wissowa, II, c. 1190 et s.

[97] Il est mort vers 19, à 37 ans (Tacite, Ann., II, 88) : il a donc, en l’an 9, 27 ans.

[98] Le complot d’Arminius ne parait s’être étendu qu’aux Istévons voisins du Rhin, et aux Hermions non suèves.

[99] Les Chérusques pouvaient former le lien entre Suèves de l’Elbe. Istévons du Rhin, Ingyévons de la mer, Chattes de la montagne.

[100] Tacite, Germanie, 2 ; Ann., II, 88 ; II, 45. La lutte entre Marbod et Arminius (Tacite, Ann., II, 45-46) est une lutte pour l’empire de la Germanie, et Tacite ne les eût pas montrés invoquant Germanorum gloriam, si ce mot n’eût pas signifié quelque chose pour eux.

[101] Tacite, Ann., II, 88 ; I, 59 ; II, 10.

[102] Velleius Paterculus (II, 118) se borne à de vagues indications.

[103] Surtout Tacite, Ann., I et II.

[104] Velleius, II, 118, 2 ; Tacite, Ann., I, 55-68 ; II, 45-46 ; 89.

[105] Natum mendacio genus, Velleius, II, 118, 1 ; 119, 2 ; Tacite, Ann., I, 55 et 38 ; II, 46 ; Strabon, VII, 1, 4 ; Manilius, Astr., I, 898.

[106] Pour la bibliographie, en dernier lieu : Wilisch, Der Kampf, etc., Neue Jahrbücher für das klass. Altertum, XII, 1909, p. 322 et s. ; Gailly de Taurines, Les Légions de Varus, 1911. — Je crois qu’un bon moyen, pour voir plus clair et voir du nouveau sur cette question, est d’étudier de plus près les routes carolingiennes et hanséatiques ; cf. Dünzelmann, Die bremischen Handelswege und die Varusschlacht, dans Fest-Schrift, 45. Versanimlung deutscher Philologen, Brême, 1899. Le travail de J. Schneider, Die ältesten Wege. zw. Rhein und Elbe (Dusseldorf, 1890), est à refaire. Il y a des remarques utiles sur ces routes chez Langewiesche, Germ. Siedelungen, programme de Bünde, 1910.

[107] Dion, LVI, 18, 5 : Πρός τόν Ούίσουργον. Sans aucun doute à un lieu de passage, à un carrefour. Et c’est le premier problème, et le plus important, à résoudre dans la délicate étude qu’est la topographie de cette campagne. — Sur les hauteurs en face de Hameln ? Et ce point est, dans le système que je propose ici, celui qui, je le reconnais, est le plus discutable : la topographie du pays de Hameln comporte mal un camp romain, il est vrai que l’importance du lieu est capitale au point de vue des routes et passages (cf. Meinardus, Urkundenbuch des Stiftes und der Stadt Hameln, 1887, p. II, et le début des histoires de Hameln, Springer et von Reitzenstein, G. der St. H., 1861 ; Karwiese, Alt-Hameln, [1910]).

[108] Dion, 18, 5 ; Velleius, II, 118 ; Tacite, Ann., I, 58.

[109] Dion, 19, 1. — vers Lippspringe ?

[110] 19, 3-4. Seconde, en date et en importance, des questions topographiques à résoudre. — Sans doute les peuplades les plus lointaines, par suite sur les bords du Rhin, puisque varus évacue le camp pour toute la saison, quoiqu’on ne soit qu’en août. — Les Usipètes d’en face Vetera ?

[111] 19, 4 ; 20, 2. C’est une évacuation complète du camp, femmes, enfants, bagages. Il est donc probable qu’on alla vers les révoltés et le Rhin par la route la plus courte. — D’en face Hameln à Bielefeld, Beckum, Oberaden, Aliso, Vetera, par la route de la Lippe ? — La route que nous faisons suivre à varus, de Hameln à Bielefeld et Beckum, parait ancienne ; Langewiesche, p. 10-12.

[112] 19. 4. — Ils ont pu lâcher l’armée vers Gross-Berkel, où la route de Bielefeld se détache de celle de Lippspringe ?

[113] 19, 5. — Sur la route de Lippspringe ?

[114] 19, 5 ; 20. Il semble donc qu’elles aient pris, et pas loin du camp du Weser, une route peu connue. Et en effet, celle que nous proposons ici n’apparaît pas dans les précédentes campagnes. — La forêt entre Gross-Berkel et Bœsingfeld ?

[115] Dion, 20, 4. — Les Barbares, partis par la route de Lippspringe, ont dû revenir par les sentiers qui, de cette route, rejoignent à travers bois, en se dirigeant vers le nord-ouest, la route de Bielefeld.

[116] 21, 1. Ici finit la première étape. — Près d’Asmissen, à l’ouest de Bœsingfeld, à environ 20 kil. du Weser ?

[117] 21, 1.

[118] 21, 1. — Il le fut cependant. Au passage des hauteurs à Sternberg ? le Στερεόντιον de Ptolémée (II, 11, 13) ? ; cf. Langewiesche, p. 10.

[119] 21, 1. Ici finit la seconde étape. — Au nord et près de Lage, à un peu plus de 20 kil. d’Asmissen ? — C’est ce camp qu’a vu d’abord Germanicus (Tacite, Ann., I, 61). Vers Lage, en effet, la route de Hameln à Bielefeld coupe la route de Lippspringe à Rehme par la Dœrenschlucht [plutôt que par Detmold ?] ; et c’est par cette route qu’a dû monter Germanicus, venant de caput Lupiæ ou Lippspringe et ayant traversé le Teutoburgerwald.

[120] 21, 2. — Le long des bois qui descendent de la longue chaîne de l’Ossning ?

[121] 21, 2. — Défilé de Bielefeld, par où les Romains sortent du Teutoburgerwald ?

[122] 21, 2-3 : je suppose un nouveau camp. Fin de la troisième étape, également encore 20 kil. — Sur la hauteur à l’ouest de Gadderbaum, à la sortie du défilé de Bielefeld, à environ 20 kil. du camp de Lage ? — C’est ce camp qu’a visité Germanicus, venant du précédent (Ann., I, 61), refaisant ainsi, sur ce secteur, la route de Varus. — Gadderbaum serait-il le Βογαδιον de Ptolémée (II, 11, 13) ? Langewiesche, p. 11.

[123] Dion, 21, 3-4 ; Florus, II, 30, 34-9 ; Tacite, Ann., I, 61 et 65 ; Velleius, II, 119, 2. L’attaque eut lieu tout près du camp. — Dans la plaine marécageuse au sud-ouest du défilé, direction de Gütersloh ?

[124] Je crois possible, cependant, que quelques-uns aient pu se réfugier dans le camp, pour y être ensuite assiégés et pris (Tacite, Ann., I, 61).

[125] Dion, 21 et 22 ; Velleius, II, 119.

[126] Dion, LVI, 22, 2 a et b, Boissevain ; Velleius, II, 120, 4 ; Frontin, III, 15, 4 ; IV, 7, 8. — Haltern ou Aliso.

[127] Liberator haud dubie Germaniæ ; Tacite, Ann., II, 88.

[128] L’époque précise est assez incertaine ; cf. von Rohden, c. 1194, etc.

[129] Tacite, Ann., II, 88.

[130] Tite-Live, XXII, 9, 2.

[131] En 9, les mesures de précaution furent prises par le légat [en sous-ordre, sub Varo] de l’armée supérieure de Germanie, L. Nonius Asprenas, qui devait être resté à Mayence avec deux légions (Dion, LVI, 22, 4 ; Velleius, II, 120, 3. — En 10, arrivée de Tibère et mise en défense du Rhin (Velleius, II, 121, 1 ; Dion, LVI, 23, 3 ; 24, 1 et 6). — Les XVII-XIXe légions massacrées furent alors remplacées en Germanie Inférieure par la Ie, la XXe et la XXIe et la XVe en Germanie Supérieure fut aussi remplacée par la IIe.

[132] Toutefois, Velleius (II, 120, 3) parle de gentes cisrhénanes vacillantes : peut-être Bataves, Sicambres et autres. Il parle aussi, aux dates de 9-12, d’émeutes dans la plèbe de Vienne (II, 121, 1), apaisées par Tibère : rien ne prouve cependant leur rapport avec les affaires de Germanie. Dion parle de l’expulsion de Gaulois séjournant à Rome (LVI, 23, 4) : ce qui serait fort étonnant.

[133] Velleius, II, 119, 5.

[134] L’empire de Marbod, entre 9 et 17, parait s’être étendu sur les Semnons et les Lombards de l’Elbe (cf. Tacite, Ann., II, 43) et sur des nations de l’Oder et de la Fistule même, Lygiens et autres ; Tacite, Ann., II, 62 ; Strabon, VII, 1, 3. Il a donc pu, à la fin, aller du Danube à la Baltique. Son existence a été évidemment très courte et fort précaire : mais c’est le plus bel empire germanique connu avant celui d’Hermanaric. — Un instant, en 17, Semnons et Lombards se rapprochèrent d’Arminius, qui put espérer dominer entre le. Rhin et l’Oder ; et il y eut alors un formidable combat entre les deux chefs (Tacite, Ann., II, 43-46). Puis, presque aussitôt, en 17-19, les deux empires se disloquent ensemble (Tacite, II, 62-3, 88).

[135] En 19 : Tacite, Ann., II, 88.

[136] Au moins dès 15 : Tacite, Ann., I, 55.

[137] Cf. Suétone, Tibère, 19, 1. Sauf les exceptions suivantes. — Tibère, en l’an 11, remonte la Lippe chez les Bructères, sans doute jusqu’à Aliso ou Haltern et au delà (Suétone, Tibère, 18-9 ; Velleius, II, 120, 1-2 ; Dion, LVI, 25, 2-31. C’est à cette occasion qu’il dut dresser, sur cette route, entre Aliso et le Rhin, près du Dæmmerwald, une ligne de défense militaire parallèle ou oblique au fleuve et couvrant ses approches, limes Tiberii (Velleius, II, 120, 2 ; Tacite, Ann., I, 50) ; cf., sur le limes Tiberii, dans des sens différents : Oxé, Bonner Jahrb., CXIV-V, 1906, p. 122 et s. ; Gebert, id., CXIX, p. 185 et s. ; surtout l’excellente étude de von Veith, Bonner Jahrb., LXXXIV, 1887, p. 1 et s. — Peut-être, en 12, nouvelle incursion des Romains en Germanie ; Dion, LVI, 26, 2.

[138] Consilium coercendi intra terminos imperii ; Tacite, Ann., I, 11.

[139] Il n’est question, il est vrai, que d’avantages matériels dans leurs revendications (Tacite, Ann., I, 17, 31, 35). Mais rien n’était plus avantageux qu’une chasse à l’ennemi ; cf. sterilem pacem, I, 17.

[140] Tacite, Ann., I, 24 et s. Il y vint avec Tibère en l’an 11 ; Dion Cassius, LVI, 25, 2. Il parait être resté à Rome en 12 et n’être revenu en Germanie qu’en 13 ; mais cela n’est point hors de doute. Suétone, Caligula, 8, 3 ; Dion, LVI, 26-7.

[141] Tacite, Ann., I, 33 ; II, 72 et 82 ; etc. ; Suétone, Caligula, 3.

[142] Suétone, Caligula, 7.

[143] Tacite, Ann., I, 41.

[144] Tacite, Ann., I, 34, 41, 43.

[145] Caligula, né sans doute le 31 août 12, et, disait-on, in Treveris vico Ambitarvio supra Confluentes (Suétone, Caligula, 8 ; Tacite, Ann., I, 41 ; Sénèque, Ad Serenum [Dial., II], 18, 4). Une opinion contraire le faisait naître près de Rome (Suétone, id.). — Agrippine, née à Colonne, le 6 novembre, peut-être en 14 (Tacite, Ann., XII, 27 ; I, 44, et Dion, LVII, 5, 7 : mention de grossesse ; C. I. L., I, 2e éd., p. 219 ; Suétone, Caligula, 8, 3). — Drusilla, née in ea regione en 16 ou 15 (Suétone, ibid.). — Il y a, du reste, pour ces naissances, d’insurmontables difficultés dans les textes, les Anciens eux-mêmes n’en savaient rien de certain, et les conclusions que nous apportons sont loin d’être acceptées ; cf. Mommsen, Ges. Schr., IV, p. 271 et s., et bien d’autres.

[146] Tacite, Ann., I, 41 ; II, 7 ; Suétone, Caligula, 8 ; ici, n. précédente. La localité dite Prætorium Agrippinæ, prés de Leyde (Table de Peutinger, Rev. des Ét. anc., 1912, pl. 1-2 ; Roomburg ? ou plutôt Arentsburg prés de Voorburg ?) rappelle peut-être un séjour fait là par Agrippine, peut-être pendant les campagnes navales de son mari.

[147] Tacite, Ann., I, 34, 43, 47.

[148] Tacite, Ann., 1, 40-4.

[149] Sauf la première campagne de 15, qui part de Mayence.

[150] Première campagne, 14, automne. Contre les Marses de la haute Ruhr, nouveau nom des Sicambres ? Par la silva Cæsia (Dæmmerwald ?), le limes Tiberii, Aliso ou Haltern, sans doute alors réoccupé (cf. Ann., II, 7). De là à Soest, 50 milles, par le détour de Bochum et Dortmund (vici Marsorum ?), et la forêt d’Arnsberg (templum Tanfanæ ?). Retour direct par Oberaden et la Lippe ? Tacite, Ann., I, 50-1. — Deuxième campagne, printemps 15, double. 1° Cécina au nord, de Vetera contre les Marses, par Haltern, Oberaden, Soest ; peut-être au delà chez les Chérusques par Lippspringe. 2° Germanicus au sud, de Mayence contre les Chattes, par Friedberg, jusqu’à l’Eder et Mattium (Altenburg au nord de Fritzlar ?) ; retour par Marbourg et la Sieg ? Tacite, I, 56. — Troisième, été 15. Contre les Bructères. Trois routes suivies au départ : 1° Germanicus et la flotte par la mer et l’Ems ; 2° Cécina par Vetera, les Longs Ponts, Rheine ? ; 3° la cavalerie par la Frise, près du rivage. De Rheine dans le pays entre Ems et Lippe, puis aux camps de Varus par Lippspringe, la Dœrenschlucht, Lage, Bielefeld ? Retour à l’Ems par la ligne Herford, Melle et Rheine. De Rheine à Vetera par les trois routes de l’aller, avec arrêt de la flotte à l’estuaire de l’Unsingis [lire ainsi], la Hunze de Groningue. Ann., I, 60-70 ; cf. Pédo Albinovanus ap. Sénèque, Suas., I, 15. — Quatrième et plus grande campagne de la guerre, en 16. Par eau jusqu’à l’Ems. De là à Rehme sur le Weser par la route de Rheine et Melle, reconnue l’année précédente ; passage du Weser à Rehme. Bataille d’Idistavisus, en amont, sur la rive droite, dans la direction de Hameln : c’est, selon toute vraisemblance, la plaine du Twisbach près d’Eisbergen. Retour en aval par la même rive. Nouvelle bataille, près de la chaussée qui séparait les Angrivariens et les Chérusques : à la sortie de la porte de Westphalie, en amont de Minden, le long de la rive droite du Weser. Retour par Rehme à Rheine, et de là par terre et par eau. Tacite, Ann., II, 6-25. — Petites campagnes de cette année 16. Avant celle-ci, de Vetera à Aliso, par Germanicus ; II, 7. Pendant et après, par C. Silius contre les Chattes ; II, 7. Après, par Germanicus contre les Marses, sur la route de la deuxième campagne ; II, 25.

[151] Tacite, Ann., I, 61-2.

[152] Tacite, Ann., II, 22.

[153] Ann., II, 26.

[154] C’est la longue île où est aujourd’hui le pays de Betuwe (Pline, IV, 101). Ils débordaient sur la rive gauche entre Wahal et Meuse (Tacite, Hist., V, 19 ; IV, 12). — Ajoutez les Canninéfates, à l’extrémité maritime ou occidentale de cette même île, les Sturii, les Marsacii, peut-être des Frisii et Frisiavones, et peut-être même des Chauques et d’autres, dans toute la région d’îles et de rivages entre le Leck, la mer, l’Yssel et le Zuiderzée (Pline, IV, 101 ; C. I. L., XIII, II, p. 618-9). Il est possible qu’on arrive un jour, à l’aide des textes médiévaux, à délimiter plus exactement l’emplacement de chacune de ces peuplades.

[155] Surtout comme cavaliers et nageurs ; Tacite, Hist., IV. 12 ; etc. On ne leur demandait pas de tributs, mais viros armaque, Tacite, id.

[156] Tacite, Ann., IV, 72 : Tacite semble indiquer, à la date de 28, qu’ils étaient gouvernés directement par un centurion ; Pline, XXV, 20-1.

[157] Tacite, Ann., I, 60 ; II, 17. J’ai peine à croire qu’on ait laissé des garnisons chez eux (lire Chattis ? Tacite, Ann., I, 38).

[158] Les pirateries des Chauques, ancêtres et précurseurs des Saxons, paraissent avoir toujours été redoutées sur les rivages de la mer du Nord ; Tacite, Ann., XI, 18.

[159] Cf. C. I. L., XIII, 8830 ; XI, 390 et 391.

[160] Cf. Tacite, Ann., XIII, 51 : Agios vacuos et militum usui sepositos, qui désigne des terres de la rive droite, dans le Salland, sans doute aussi le Hamaland et la Twenthe.

[161] Aliso et Friedberg.

[162] Tacite, Ann., II, 7.

[163] Pour le premier et le dernier, cela résulte de la présence de camps au delà de l’autre rive : ce devaient être alors des ponts de bateaux (Tacite, Ann., I, 69) ; il est cependant possible qu’un pont fixe ait été construit à Mayence entre Auguste et Claude (C. I. L., XIII, II, p. 302), peut-être sous Caligula. Rien de certain encore à Cologne. Cf. Kœpp, 2° éd., p. 139-142.

[164] Tacite, Ann., I, 56 ; peut-être I, 38 (lire Chattis ?).

[165] Argentorate : en supposant que la Ile légion y ait eu son camp dès Tibère. On peut supposer que la IIe a été précédée à Strasbourg par l’ala Petriana (Année épigr., 1907, n° 77 ; Forrer, Anzeiger d’Alsace, 1913-4 [à paraître]). — Le choix de Strasbourg s’explique parce que c’est là que la route du col de Saverne débouche sur le Rhin, et que, sur l’autre rive, commence la route par la Kinzih vers le Danube.

[166] Vindonissa : en supposant que la XIIIe y ait eu son camp dès Tibère. — Le choix de Windisch s’explique parce que là convergent vers l’Aar toutes les routes des lacs suisses, et parce que, de l’autre côté du Rhin, part la route du Danube par la Wutach. II est possible que, dès ce temps, cette route ait été amorcée par les Romains, le nom de Juliomagus, au delà du Rhin, indiquant peut-être une fondation des premiers Césars.

[167] Tacite, Ann., I, 44. Leur centre le plus voisin du Rhin parait avoir été Lopodunum, Ladenburg, sur le bas Neckar, entre Heidelberg et Mannheim (C. I. L., VIII, II, p. 230-1).

[168] Je crois que c’est pour les deux motifs suivants : ces Suèves étaient alors peu redoutables ; le Rhin, de Bâle à Mannheim, est, par ses méandres et ses marécages, un obstacle fort difficile à franchir.

[169] Encore je crois que l’on finit par détacher des Trévires (après Auguste ; cf. Strabon, IV, 3, 4) la bande de terre (futurs pays de Bonn, Mayen et Boppard) qui allait 1° du Rhin à Belgica, Billig, sur la route de Bonn, 2° du Rhin à Belginum, Stumpfer Thurm ?, sur la route de Mayence (C. I. L., XIII, II, p. 300), si bien que 3° sur la Moselle leur territoire s’arrêtait en aval de Neumagen (Ausone, Moselle, 10).

[170] Au moins jusqu’en 69.

[171] Peut-être est-ce pour cela que, malgré son importance, Bonn, qui dépendait primitivement des Trévires, ne reçut point d’abord de garnison. — Il faut excepter Windisch chez les Helvètes, mais peut-être seulement après Auguste.

[172] D’où le nom de Ara Ubiorum, que prit alors l’agglomération (Tacite, Ann., I, 57).

[173] Tacite, Ann., I, 37, 39.

[174] Tacite, Ann., I, 39-44. Pour la topographie, cf. Düntzer, Die Ara Ubiorum, dans la Festschrift zum fünfzigjähr. Jubil. des Vereins von Alterthumsfreunden im Rheinlande, Bonn, 1891, p. 35-61 ; Colonia Agrippinensis, dans les Bonner Jahrb., XCVIII, 1895.

[175] Tacite, Hist., IV, 63-6.

[176] Ici se pose le problème, si souvent discuté, de l’origine des deux provinces de Germanie. — Il n’est point douteux, à mon avis, qu’Auguste, peut-être dès Drusus, au plus tard après l’expédition de Tibère, n’ait constitué en province, distincte de la Belgique et de la Gaule Chevelue, la Germanie jusqu’à l’Elbe (Res g., 5, 11-2, p. 103). Et il me paraît aussi impossible, vu que cette Germanie relevait de l’autel des Ubiens sur la rive gauche (Tacite, Ann., I, 57), que les Germains de cette rive gauche n’aient pas été incorporés à la province. Après le désastre de Varus, il est bien difficile que ces Germains cisrhénans aient fait retour à la Belgique. Il est plus vraisemblable qu’ils en demeurèrent séparés, appartenant toujours à ce que l’on continua d’appeler la province de Germanie : mais il n’y eut plus, après Germanicus, de gouverneur ou légat général de province pour la Germanie (regimen summæ rei), et on laissa l’administration de ce district aux légats d’armée, conservant leur titre ancien de legatus exercitus superioris et inferioris Germaniæ (Tacite, Ann., I, 31, 36 ; VI, 30). Il est d’ailleurs probable que, pour certaines affaires administratives, ces deux Germanies ont dépendu des fonctionnaires de la Belgique. — A la suite de cette mutilation de la Germanie on attribua définitivement à cette dernière Séquanes, Rauraques, Helvètes et Lingons (Tacite, Ann., I, 34 ; III, 45 ; Pline, IV, 106). Cette incorporation s’expliquait d’autant mieux qu’après le désastre de Varus ou a dû mettre en état de défense les routes stratégiques de la Suisse, du Rhin à Lyon, de la Moselle à Langres (cf. Tacite, Hist., I, 54). Du reste, ces quatre cités n’en demeurèrent pas moins du ressort religieux de l’autel du Confluent. — Voyez, sur les origines des provinces de Germanie, entre autres : Fechter, Helvetien in der vorkonstantinischen Provinzialeintheilung Galliens, 1839 (Schweizerisches Museum, III) ; Roulez, Bulletins de l’Ac. ... de Belgique, XXIII, I, 1856, p. 763-772 ; Hirschfeld, Comment. phil. in hon. Th. Mommseni, 1877, p. 433-447 (Die Verwaltung der Rheingrenze) ; Riese, Forsch. zur Geschichte der Rheinlande, Francfort, 1889 (progr.) ; Koepp, 2° éd., p. 69.

[177] Pour ce qui est du service militaire comme obligation politique, ch. VII, § 8.

[178] Ces légions étaient, à la mort d’Auguste (Tacite, Ann., I, 37, 45, 51) : — Germanie Supérieure : IIe (Augusta), peut-être dès lors à Strasbourg (C. I. L., XIII, 5975-8), XIIIe (Gemina), peut-être dès lors à Windisch (C. I. L., XIII, 5206), la XVIe et la XIVe (Gemina Martia Victrix), toutes deux à Mayence ; — Germanie Inférieure : la Ie et la XXe (Valeria Victrix) à Cologne, la Ve (Alaudæ) et la XXIe (Rapax) à Vetera.

[179] On donne pour l’effectif d’une légion des chiffres variant entre 5000 et 6000 (cf. Marquardt, Staatsverwaltung, 2e éd., II, p. 455). Mais il faut rapprocher des légionnaires les vexilla veteranorum (Tacite, Ann., I, 39 et 44).

[180] Alæ ou escadrons de cavalerie, à l’effectif normal d’environ 500 hommes, ou (pour les miliariæ) de 1000. Cohortes, également de 500 ou de 1000 ; la majeure partie est d’infanterie ; pour les equitatæ, il y a un quart de cavaliers. — Nous donnons plus bas la liste de tous ceux de ces corps dont la présence est signalée, à un certain moment, sur le Rhin. Elle n’est certes pas complète : beaucoup d’ailes et de cohortes qu’on trouvera en Bretagne depuis Claude, doivent venir de Germanie. D’autre part, plusieurs de celles que nous mentionnons ne sont pas restées longtemps sur le Rhin. Le nombre de ces corps a donc pu varier entre 60 et 80, 40 et 60.000 hommes. Ce qui double l’effectif des légions. — Ce doublement est d’ailleurs la règle. En 14, Germanicus part avec 12.000 légionnaires tirés de 4 légions, 26 cohortes, 8 ailes, soit 34 corps auxiliaires, qui devaient bien faire également 12.000 hommes (Tacite, Ann., I, 49 ; cf. 56 et 59 ; IV, 5 ; Hist., II, 89 ; Suétone, Tibère, 16, 1 ; etc.). — D’ordinaire, chaque légion avait ses cohortes auxiliaires attitrées : par exemple, la XIVe était flanquée des 8 cohortes bataves (Tacite, Hist., I, 59). Les ailes étaient plus indépendantes. — Sur les plus anciens des corps auxiliaires du Rhin, Ritterling, Bonner Jahrb., CXIV-V, 1906, p. 182 et s. ; Nissen, ibid., CXI-XII, 1904, p. 62. Sur chacun d’eux, Cichorius ap. Wissowa, R.-E., I, c. 1228 et s., IV, c. 237 et s.

[181] Tacite, Hist., II, 87 (qui dit même calonum numerus amplior) ; IV, 15 ; etc. Le chiffre a dû varier suivant les règlements du légat.

[182] Dion, LVI, 20, 2 ; Tacite, Hist., IV, 15.

[183] Ajoutez la maison et la cour de ces officiers ; Tacite, Ann., I, 40-1 ; Hist., II, 59, 87.

[184] La seule troupe auxiliaire formée d’Italiens est l’ala Picentina en 70 (Tacite, Hist., IV, 62). — Il devait y avoir des Italiens, mais aussi des provinciaux, dans les suivantes. — Ailes : I Prætoria Civium Romanorum ; I Flavia Singularium Civium Romanorum (Tacite, Hist., IV, 70 ; constituée dès le début avec même des Germains) ; Sulpicia Civium Romanorum. — Cohortes : I, II Civium Romanorum (surtout des affranchis ? ; cf. Suétone, Auguste, 25, 2) ; VI Ingenuorum Civium Romanorum ; XV, XXI ?, XXIV, XXV, XXVI, XXX, XXXII Voluntariorum.

[185] Surtout d’Espagne, au moins parmi les cohortes. — Ala I Hispanorum. — Cohortes : I, II, V Asturum, Asturum et Callæcorum ; V Bracaraugustanorum ; II et V Hispanorum ; I Ligurum et Hispanorum ; I Lucensium Hispanorum ; III Lusitanorum equitata ? — Cohortes Vasconum amenées en 69 (Tacite, Hist., IV, 33).

En aussi grand nombre, troupes d’Illyriens. — Ailes : Noricorum ; Scubulorum [?] ; Silav[.]nensium [?] ; I Thracum ? — Cohortes : VI ?, VIII Breucorum ; III, IV, V Delmatarum ; Latabiensium [?] ; I Pannoniorum ; II Rætorum Civium Romanorum, VI, VII Rætorum, Rætorum et Vindelicorum (Tacite, Ann., II, 17) ; IV Vindelicorum ; I Thracum, I Thracum Civium Romanorum Germanica, IV Thracum (cf. Tacite, Hist., I, 68), VI Thracum.

En bien moins grand nombre, des Orientaux. — Ala Parthorum Veterana ? — Cohortes : I Flavia Damascenorum miliaria equitata Sagittariorum, en Germanie Supérieure ; peut-être de même genre, I Sagittariorum, en Germanie Supérieure ; I Ituræorum (Sagittariorum), en Germanie Supérieure.

Très peu d’Africains. — Ala Afrorum, en Germanie Inférieure. — Cohors II Augusta Cyrenaica, en Germanie Supérieure.

La présence de ces archers orientaux s’explique par le désir d’avoir des hommes de trait à opposer à ceux des Germains. Et je crois bien que des considérations d’ordre militaire ont dicte la plupart de ces choix.

[186] Ailes : ala Batavorum (Tacite, Hist., IV, 17-8) ; I Canninefatium (cf. Tacite, Ann., IV, 73). — Les huit cohortes Batavorum (equitatæ), formées sans doute par Drusus (Tacite, Ann., II, 8 ; Hist., IV, 12). — Autres cohortes : cohortes Nemetum (cf. Tacite, Ann., XII, 27). Ubiorum (cf. Tacite, Hist., IV, 28) ; Vangionum (cf. Tacite. Ann., XII, 27) ; Canninefatium ? (Tacite, Hist., IV, 19) ; cohors II Varcianorum ??. — Cohortes I Germanica, I Germanorum Civium Romanorum (celle-ci composée d’affranchis ?).

[187] I. Gaulois de Belgique. — Ala Treverorum (Tacite, Ann., III, 42 ; Hist., II, 14, 28 : IV, 18) ; une autre aile primitivement de Trévires est peut-être l’ala Gallorum Indiana (Tacite, Ann., III, 42, 46). — Cohortes : I Helvetiorum ; I Sequanorum et Rauracorum equitata ; Treverorum equitata ; cohortes Nerviorum (Tacite, Hist., IV, 3 :3) ; cohortes duæ Tungrorum (Tacite, Hist., II, 14 ; cf. IV, I6). — On remarquera qu’il n’y a là que des Belges voisins de la frontière. — Les cohortes Belgarum, sans nom spécial de cité, qui paraissent mentionnées ailleurs (cf. Tacite, Hist., IV, 17 ; c. Septimia Belgarum ?, C. I. L., XIII, 6687), sont peut-être formées des autres cités de la Belgique, qui, après tout, étaient seules vraiment belges. — Il est bien probable que les cohortes Lingonum, Nerviorum, Morinorum, qu’on trouvera ensuite en Bretagne, ont d’abord servi sur le Rhin.

II. Gaulois de Lyonnaise. — Peut-être les alæ suivantes : Augusta Gallorum Petriana (cf. Tacite, Hist., I, 70 ; l’inscription de Strasbourg, A. ép., 1907, n° 77, peut faire supposer aussi une origine trévire) ; II Gallorum Sebosiana (Tacite, Hist., III, 6) ; Flavia Gallorum Tauriana (cf. Tacite, Hist., I, 59 et 64). — Peut-être cohors III Gallorum. — Il est possible que ces cohortes Gallorum correspondent à celles que souleva Sacrovir (Tacite, Ann., III, 43) ; cf. encore cohortes Gallicæ (Tacite, Ann., II, 17), Gallorum (Hist., I, 70).

III. Gaulois d’Aquitaine. — Cohortes : I Aquitanorum Veterana, II Aquitanorum, III Aquitanorum, IV Aquitanorum Civium Romanoram ; I Aquitanorum Biturigum, I et II Biturigum (se rattachent peut-être à la précédente). — Les Aquitains seuls désignent sans doute les Aquitains proprement dits ou gens de la Novempopulanie, les Bituriges et Aquitains Bituriges peuvent désigner les Aquitains d’origine gauloise, parmi lesquels les Bituriges étaient des plus importants.

IV. Gaulois de Narbonnaise. — Ala Augusta Vocontiorum.

V. Peuples des Alpes. — Ala Vallensium.

Troupes d’origine inconnue et dénommées d’après leur fondateur, leur bienfaiteur ou leur histoire : je les crois surtout d’origine gauloise, et point toujours organisées à la romaine. Ce sont surtout des ailes. — Ailes : II Flavia Agrippiana (Agrippa d’abord) ; Claudia Nova (Claude) ; Fida Vindex ? ; I et II Flavia Gemina (Vespasien) ; Longiniana (certainement gauloise, et peut-être d’Aquitains à l’origine, avec une tête de taureau à trois cornes pour enseigne : Lehner, Bonner Jahrb., CXVII, 1908, p. 279-286 ; C. I. L., XIII, 8092-6) ; Pomponiani ; Rusonis. — Cohors I Flavia.

[188] Après le désastre de Varus, on recourut sans doute, pour les légions de Germanie Inférieure, à des recrues tirées de la plèbe romaine, et cela fut cause en partie de la révolte de 14 (Tacite, Ann., I, 31 ; Dion, LVI, 23, 3 ; LVII, 5, 4).

[189] Tacite, Ann., I, 71 (en l’an 15). Pour l’époque des premiers empereurs (Claude, Néron), voyez le recrutement de la IVe de Mayence (surtout des gens de la Cisalpine et de la Narbonnaise), Eph. ep., V, p. 212-3.

[190] Cf., sous Tibère, Tacite, Ann., I, 71 ; III, 40 ; et, pour l’époque voisine de Néron, Agricola, 32 (?) ; Hist., II, 57 ; I, 84 ; II, 21, 93, 94. Remarquez que la Ve, composée à l’origine de Transalpins, est peut-être la plus vieille légion rhénane connue. — On verra plus loin les motifs probables de cette pratique. — Dans un sens moins affirmatif pour la période d’avant Vespasien, Mommsen, Conscriptionsordnung, 1884. (Ges. Schr., VI, p. 37 et s.). Il ne faut pas, en cette affaire, se fier trop aux statistiques d’inscriptions : d’abord, elles offrent une large place au hasard ; ensuite, il est probable que les légionnaires d’origine celtique avaient beaucoup moins l’habitude des inscriptions que leurs camarades italiens.

[191] Tacite, Ann., IV, 2 ; XV, 24, 29 ; etc.

[192] Tacite, Ann., I, 37. Cf. Mommsen, Staatsrecht, II, 2e éd., p. 768-9.

[193] Tacite (Ann., I, 38) suppose la présence morale de l’empereur au milieu de ses troupes.

[194] C’est pour cela que l’Empire militaire des Gaules n’a d’abord sans doute songé qu’à des expressions latines.

[195] Tacite, Ann., II, 22 ; XV, 29 ; etc.

[196] Tacite, Ann., I, 17.

[197] Patria altera est militaris hæc sedes, vallumque pro mœnibus, et tentorium suum cuique militi domus ac penates sunt ; Tite-Live, XLIV, 39, 5.

[198] Sua in manu sitam rem Romanam ; Tacite, Ann., I, 31. Voyez les scènes de sauvagerie à l’armée de Germanie Inférieure en 14 (Tacite, Ann., I, 32, 39, 42).

[199] Végèce, I, 27 (règlements d’Auguste et d’Hadrien).

[200] Digeste, I, 16, 7, 1 ; Tacite, Ann., XI, 20 ; XIII, 53 ; etc.

[201] Tacite, Ann., II, 3 ; Suétone, Claude, 1, 2. — La fossa Drusi correspond, je crois, à l’Yssel supérieur, qui part du Rhin près d’Arnhem et rejoint l’Yssel proprement dit à Doesburg. Pour en régulariser les eaux, Drusus commença une digue ou barrage, moles, qui fut achevée seulement en 58 (Tacite, Ann., XIII, 53) cette digue, je suppose, arrêtait vers Schenkenschanz, à la pointe du Wahal d’alors (de Oude Waal), les eaux qui formaient ce dernier cours d’eau, et les rejetait dans le Rhin, la fossa Drusi et l’Yssel : ce qui atténuait au sud l’isolement de l’île des Bataves (Tacite, Hist., V, 19). — Beaucoup d’autres solutions ont été proposées ; la dernière, la plus séduisante et aujourd’hui la plus en vogue, est celle qui assimile la fossa à la Vecht ; je donne celle qui, après examen, m’a paru préférable. J’hésite beaucoup à accepter de très profondes modifications dans l’emplacement des lits de ces fleuves. — Cf. en dernier lieu Norlind, Die geogr. Entwicklung des Rheindeltas, Lund, 1912, p. 37-133 (bibliographie complète).

[202] En 47 : Tacite, Ann., XI, 20 ; Dion, LX, 30, 6. — Canal de 23 milles, de Vlaardingen (ou Maassluis ?) à Leyde : autrement dit la Vliet, selon l’opinion courante, qui parait juste. Cf. Clüverius, Cerm. astiqua, p. 463 (toujours précieux).

[203] En 58 ? : Tacite, Ann., XIII, 53. — Sans doute par le seuil de Lorraine. — Ce qui fit échouer le canal, c’est l’opposition que l’auteur du projet, Antistius Vétus, légat de la Germanie Supérieure, trouva chez le légat de la Belgique. L’initiative du légat de la Germanie Supérieure en cette affaire s’explique parce qu’il gouvernait les Lingons et les Séquanes, d’où le canal devait partir vers les Leuques de la Belgique.

[204] Ne segnem militera attinerent ; Tacite, Ann., XIII, 53.

[205] Discessu Romanorum ac vacui externo metu gentis adsuetudine... arma in se verterunt ; Tacite, Ann., II, 44 ; ce qu’avait prédit Tibère, internis discordiis relinqui, II, 26.

[206] Tacite, Ann., I, 55-60.

[207] Tacite, Ann., II, 88.

[208] A leur place, en 14, les Marses ?

[209] Tacite, Ann., II, 88 ; II, 44-5, 62-3. Tibère lui assigna Fréjus pour résidence (Ann., II, 63).

[210] Après 69, au plus tard en 97 ? Tacite, Germ., 33 ; Pline, Ép., II, 7, 2.

[211] En 90 ? Tacite, Germ., 36 ; Dion, LXVII, 5, 1, p. 176, Boissevain.

[212] En 58 ; Tacite, Ann., VIII, 57.

[213] Tacite, Germ., 33.

[214] Cf. Tacite, Ann., XI, 18 ; XII, 27 ; XIII, 54-6 ; Suétone, Tibère, 41.

[215] Cf. Fustel de Coulanges, Invasion (Institutions, II), p. 327-8.

[216] Tacite, Germ., 5.

[217] Tacite, Ann., XIII, 54.

[218] Tacite, Ann., XIII, 54 ; Suétone, Claude, 25, 4.

[219] Tacite, Ann., XI, 16 ; Dion, LXVII, 5, 1 ; Pline, Ép., II, 7, 2.

[220] Tacite, Ann., XI, 16.

[221] Tacite, Germ., 5 ; C. I. L., XIII, 111, p. 762. Nous reviendrons là-dessus t. V.

[222] Par exemple, l’expédition, sous Néron, d’un chevalier allant de Carnuntum ou Petronell sur le Danube au Samland, 600 milles ; Pline, XXXVII, 45. Au Samland, l’ambre était livré par les Estes. — C’est la route de la Morava et sans doute celle des offrandes hyperboréennes.

[223] Aristée de Proconnèse ou ceux dont il s’est servi, par la voie du Dniester et de la Vistule ; Hérodote, IV, 13.

[224] Cela résulte de Tacite, Germ., 5, et des relevés des trouvailles de monnaies antiques. Surtout des monnaies d’argent : en 1900, on avait, par exemple, signalé en Scandinavie 124 trouvailles comptant 5915 deniers et se rapportant aux deux premiers siècles (Hauberg, Congrès internat. de num., Paris, 1900, p. 335-6). Voyez aussi les relevés de Regling, Rœm. Denarfund von Frœndenberg, 1912, p. 52 et s. (extrait de la Z. f. N. de Berlin, XXIX).

[225] Cf. Tacite, Germ., 5.

[226] Cf. Tacite, Germ., 6 ; Ann., II, 14.

[227] Tacite, Germ., 9.

[228] Au moins dans une très forte mesure ; Tacite, Germ., 19.

[229] Tacite, Germ., 5.

[230] Nullas Germanorum populis urbes ; Tacite, Germ., 16.

[231] Cf. Tacite, Germ., 5, 16, 17 ; etc.

[232] Par exemple, le mot burgus dans le sens de castellum (R.-Enc, de Wissowa, s. v.). On a récemment nié l’origine germanique de ce mot, et on l’a rapproché du grec πύργος ; Brüch, Der Einfluss der german. Sprachen auf das Vulgärlatein, 1913, p. 151-3. Voyez du reste ce livre au sujet d’autres emprunts, p. 14 et s.

[233] Par exemple, le cri de guerre, barditus ou barritus (R. Enc., s. v.).

[234] Tacite, Hist., I, 59, 64 ; II, 27, 66, 69 ; IV, 13-4 ; etc.

[235] Tacite, Hist., II, 16 ; Ann., II, 8 ; Agricola, 36 ; Sénèque, Dial., III [De ira], 11, 3 ; Lettres, 36 [IV, 7], 7 ; cf. n. précédente.

[236] Tacite, Ann., I, 56 ; IV, 73 ; XII, 27 ; Hist., II, 69, 97 ; IV, 12, 14, 15 ; Agricola, 32 ; etc. — Tous les documents ont été bien réunis par Bang, Die Germanen im römischen Dienst, 1906.

[237] Tacite, Ann., I, 24 ; XV, 58 ; Suétone, Auguste, 49, 1 ; Caligula, 45, 1 ; Galba, 12, 2 ; etc. ; C. I. L., VI, 4337-45, 8802-12, etc. = Dessau, n° 1717-1732. — Mommsen, Die germ. Leibwächter, 1883 (Ges. Schr., VI), et bien d’autres ; en dernier lieu Bang, p. 63 et s.

[238] Tacite, Ann., IV, 74 ; Suétone, Tibère, 41 ; il semble bien qu’il y eut sous son règne quelque incursion de Germains sur le côté gaulois du Rhin, puisque, au dire de Suétone, Gallias a Germanis vastari neglexerit.

[239] Suétone, Tibère, 33-4.

[240] Velleius, II, 105, 3.