I. — LES AQUITAINS[2]. Des forces énergiques s’opposaient à ces tendances vers l’unité. Certaines circonstances politiques, des diversités d’origines, la situation et la nature des territoires, avaient donné à chacun des peuples de la Gaule un caractère et des intérêts distincts. Il importe d’étudier à part les principaux de ces peuples, de rechercher leur rôle propre, de se demander dans quelle mesure ils pouvaient résister ou collaborer à une œuvre commune. C’était seulement dans la zone extérieure que se trouvaient des peuples étrangers au nom gaulois : les Ibères, les Ligures et les Germains. Depuis que les Celtes avaient occupé, sur les deux rives de la Garonne, les terres fertiles et les principaux carrefours, depuis qu’ils étaient à Bordeaux, à Agen et à Toulouse, les Ibères et les Ligures se trouvaient rejetés à quelques lieues au sud du grand fleuve : ils ne sortaient plus des forêts landaises, des collines d’Armagnac, des vallons pyrénéens. Les moins heureux des indigènes de cette contrée étaient ceux, d’origine ligure, qui habitaient les plaines monotones de la Gascogne, entre la Gironde, l’Océan, l’Adour et les coteaux de l’Albret. Leur triste domaine se composait surtout de landes, de forêts et de marécages : ridé çà et là par des monts et des croupes de sable, il ressemblait parfois à une mer de poussière, où, par les vents du sud[3], le voyageur craignait des naufrages[4]. La chasse dans les bois, la pèche sur les rivages étaient les principales ressources[5] : le sol trop maigre ne produisait que du millet, dont on tirait un pain de pauvre[6]. Ces tribus vivaient obscurément[7], enfermées dans leurs clairières, les unes autour d’un étang[8] ou d’un bassin maritime, les autres le long des rivières serpentant entre les bouquets d’arbres[9]. — Celles du nord, moins sauvages, voisinaient avec les Celtes et leur fleuve : les Médulles[10] d’abord, bloqués dans la presqu’île triangulaire du Médoc, mais baignés par l’Océan et la Gironde, touchant ainsi aux plus grandes routes de l’Occident ; puis les Boïates ou Boïens, qui formaient un vaste demi-cercle autour du bassin d’Arcachon, à la faune riche et variée ; les Basates enfin[11], dans la gracieuse petite vallée du Beuve limpide et gai : ces trois tribus se laisseront gagner par l’influence des Gaulois, accepteront sans doute leur langue[12], vivront dans le rayonnement de Bordeaux celtique, placé au milieu d’elles comme un foyer de richesse et de vie. — Mais les tribus du sud, celles des étangs et des Grandes Landes[13], ne seront longtemps qu’un assemblage de bûcherons et de paysans, une sorte d’humanité barbare faite à demi de faunes et de sylvains[14]. Ces plaines ingrates étaient encadrées, au levant par un vaste éventail de collines, au sud de l’Adour par les pentes des Pyrénées. — Dans ces deux régions de coteaux ou de montagnes, les rivières découpaient le terrain en replis nombreux, les cultures apparaissaient plus variées sur un sol plus gras[15], les entrailles de la terre renfermaient des métaux stimulants de progrès : l’or des gaves et des mines dans les Pyrénées occidentales[16], le fer de l’Albret, du Bigorre, de l’Armagnac et de la Chalosse[17]. Les hommes étaient par suite, en cette Gascogne d’en haut, plus actifs, plus adroits, plus intelligents. Assurément, ils tenaient d’un amour profond à leur coin de pays et aux dieux qu’ils y voyaient : ils bornaient volontiers leur amour et leur reconnaissance au Génie de leur endroit ou de leur tribu, à la source, à la montagne, au bosquet d’arbres ou au hêtre familier[18] ; ils s’élevaient moins souvent jusqu’à l’adoration de ces grands dieux invisibles qu’on aimait chez les Celtes. Mais enfin ils étaient propres à une existence plus sociable que leurs congénères d’en bas, que les indigènes de l’immense plaine boisée et sablonneuse[19]. Ils se donnèrent des villes bien fortifiées, telles que Sos dans l’Albret[20], avantageusement campées sur de grandes routes et près des terrains de culture ; leur habileté devint fort grande dans l’art de creuser des mines et de fouiller la terre pour en extraite ses richesse métallurgiques[21] : on exploitait déjà la vertu si merveilleuse de quelques-unes des eaux chaudes et divines du territoire : Dax, à la frontière de la Lande boisée et de la riche Chalosse, était un rendez-vous de malades, un centre de vie souffreteuse et d’espérances physiques[22]. — Enfin, ce qui amena surtout ces hommes et ces tribus à la civilisation, ce fut l’influence des Ibères. Les Ibères occupaient, à l’angle sud-est de la Gascogne, les régions d’Auch et de Tarbes[23] : et c’était, à tous égards, le meilleur lot de la contrée. Sur la route du Gers, les Ausques possédaient les terres fortes de l’Armagnac, riches en céréales : l’opulente ville-neuve d’Iliberris, Auch[24], bâtie sur une colline de hauteur médiocre, ressemblait moins à la citadelle d’un peuple en armes qu’à un vaste grenier où s’entassaient les récoltes, et s’annonçait déjà comme la capitale économique de la Gascogne. Dans la haute vallée de l’Adour, les Bigerrions du Bigorre[25] tenaient, autour de Tarbes, ces immenses pâturages où il s’engraissait une rare de bons chevaux de guerre[26]. De ces deux régions favorisées, l’influence ibérique descendait vers les plaines ou remontait les vallées. Elle était d’autant plus forte qu’elle pouvait se renouveler sans cesse par les grandes voies pyrénéennes, par les cols de Roncevaux et du Somport, qui menaient aux cités déjà anciennes du bassin de l’Èbre. Les relations étaient constantes entre les deux versants, et elles ne consistaient pas seulement en va-et-vient de bergers et de troupeaux sur les sentiers de transhumance. Les négociants du Sud arrivaient dans le Béarn avec leurs sacs garnis des pièces d’argent frappées chez les Ibères d’Espagne[27] ; les tribus de la Gascogne et celles de la côte cantabrique s’entre aidaient en temps de guerre[28] : les montagnes, loin de les séparer, semblaient les rendre solidaires[29]. De proche en proche, la langue et l’alphabet des Ibères, leurs coutumes, les dieux tutélaires qui leur étaient chers, avaient gagné tout le Sud-Ouest de la Gaule jusque dans la vallée de la Garonne, où les deux influences, espagnole et celtique, se rencontraient et se mêlaient. — C’est enfin grâce aux Ibères, je crois, que toutes les populations de la Gascogne connurent les premiers bienfaits de l’union et de l’unité. En temps ordinaire, elles répugnaient, semble-t-il, aux groupements permanents en cités ou peuplades : Boïates et Médulles n’étaient que des tribus. Sauf dans la vallée de l’Adour, où le nom de Tarbelles associait à demeure les hommes de la Chalosse et ceux du Labourd[30] on ne trouvait dia, au sud de la Garonne de ces vastes fédérations qu’étaient les peuples gaulois : l’horizon normal des tribus ne dépassait pas le cadre de leurs montagnes ou de leurs bois[31]. Mais elles surent cependant, sous la menace d’un ennemi étranger, se rapprocher et conjurer ensemble. On les sent très capables d’entente militaire, d’union sans réserve contre un danger commun. Par deux fois, elles chasseront le Romain de leurs terres[32] ; les légionnaires de César les verront toutes d’accord contre lui, et associant leurs étendards[33]. Les tribus d’entre Garonne et Pyrénées, quelle que fût leur origine, s’habituaient à l’alliance. Elles se donnèrent un nom collectif, celui d’Aquitains[34]. Ce nom appartenait sans nul doute à la langue des Ibères[35]. L’action de ces derniers achevait de rapprocher et de fusionner les populations de la Gascogne. Dans ce cadre naturel que forment l’Océan, la Garonne et les Pyrénées, une grande nation semblait poindre[36]. Des Ibères, elle ne recevait que des leçons d’intelligence et des coutumes de vaillance. Les Espagnols de l’Èbre avaient su fonder un grand empire et bâtir de vastes villes ; ils frappaient d’excellentes monnaies d’argent, et leur sidérurgie était la première du monde. Même ils l’emportaient sur les Celtes par la dignité du caractère : leurs amitiés étaient beaucoup plus solides, et le respect de la parole donnée était gardé jusque dans la mort. On les disait un peuple d’habitudes nobles et chevaleresques. Leur courage, plus froid, plus stable que la bravoure gauloise, était dépourvu de l’emphase déclamatoire qu’on reprochait à cette dernière. La plupart de ces qualités se retrouvaient chez les Aquitains : les officiers de César purent constater l’opiniâtreté de leur résistance, leur ardeur à se dévouer pour les chefs, le savoir-faire avec lequel ils combinaient les ruses de guerre et imitaient les pratiques militaires des Romains[37]. Nourricière d’hommes solides, braves, têtus, habiles et rusés, éclairée par les chaudes influences venues du Midi, l’Aquitaine offrait les gages certains d’une civilisation originale. II. — LES PYRÉNÉES DU CENTRE ET DE L’EST. A l’est du Somport, les Pyrénées se groupent en une masse granitique plus large et plus haute ; aucune grande route ne les traverse ; les sommets y sont plus élevés et plus redoutables, et les neiges ne les quittent pas. Mais malgré cela, elles n’étaient ni désertes ni improductives. Ce fut l’empire des bestiaux innombrables[38], le domaine d’une robuste population de pasteurs, pour qui le brigandage était presque une vertu[39], rebelle à toute culture, ignorante des villes, étrangère sans doute aux races de la plaine, usant d’un parler bizarre, aux dures consonances, aux sifflements répétés[40], vieil héritage d’habitudes laissées par des ancêtres toujours semblables. — Mais au pied de la masse montagneuse sourdaient une suite ininterrompue d’eaux chaudes, depuis Laruns jusqu’aux Escaldes, et près de ces rendez-vou4 de santé, les sauvages bergers d’en haut ne tarderont pas à prendre langue avec les civilisations d’en bas[41]. Après la descente de Puymorens, on retrouvait de basses montagnes, ouvertes par de longues et larges percées, habitées par des tribus à l’aspect plus humain et aux ressources plus variées. Celle de la vaste coupée que forment le Craillent et la Cerdagne, groupées sous le vocable commun de Cérétans, cultivaient de bonnes terres et des prairies Lien arrosées, et commençaient à se faire connaître par l’excellence de leurs conserves de porc. Elles acceptaient le nom et l’idiome : des Ibères[42]. L’un et l’autre dominaient également sur les vallées environnantes des Albères et des Pyrénées maritimes. Au temps des Ibères comme à l’époque des comtes de Barcelone ou des rois d’Aragon, l’Espagne enleva le Roussillon aux peupler du Languedoc : à plus d’un millénaire de distance, les mêmes phénomènes d’histoire se produisirent. Dans cette heureuse région roussillonnaise, de même que dans celle de l’Armagnac, la civilisation hispanique s’était marquée par des fondations de marchés et de villes : Collioure[43], peut-être Port-Vendres (l’ancienne Pyréné ?), et surtout la ville-neuve d’Elne, Iliberris[44], si gracieusement assise au centre des plus abondants vergers de France, qu’un Ancien eût pu la prendre pour le milieu du jardin des Hespérides ; aussi Hannibal et Hasdrubal y avaient-ils fait de longues haltes, entre les rudes combats d’Espagne et la terrible montée des Alpes’. Au delà de la Têt, les traditions ou l’influence des Ligures et des Ibères se faisaient toujours sentir en Languedoc et en Provence’. Mais ni les uns ni les autres ne s’y trouvaient plus en nom. Tout le rivage du golfe du Lion était celtique, et ce n’est qu’à l’endroit où il s’infléchit vers l’Italie et le golfe de Gènes que reparaissaient les tribus ligures. III. — LIGURES DU RIVAGE ET LIGURES DES ALPES. A l’est des îles d’Hyères, que couronnaient les tours des vigies marseillaises, sur les rivages escarpés et déchirés où les monts des Maures, l’Estérel et les Alpes ne permettent ni large port, ni baie profonde, ni vallée bien ouverte, la civilisation celtique était inconnue, et les colons grecs d’Antibes et de Nice n’étaient vraiment maîtres que de la place occupée par leurs vaisseaux, leurs magasins et leurs murailles. Les Gaulois n’avaient point pénétré en dehors du bassin du Rhône et de ses vallées annexes : même sur la voie si commode qui remonte la rivière de l’Arc, ils n’avaient pas dépassé les cols des Alpes provençales, et n’eurent pas la curiosité de descendre tiers la mer de Sardaigne par le cours de l’Argens. Partout, dans ces terres rocheuses du Sud-Est, les tribus ligures, fécondes en brigands et en pirates, s’étaient maintenues intactes et inabordables, suspectes[45] et soupçonneuses, partageant leur vie entre les labeurs pénibles des terrasses montagneuses et les rapides bordées sur la mer. Leurs villes étaient à peine plus que des citadelles, juchées sur des rocs en vue du rivage[46]. Çà et là, aux endroits plus découverts, à l’ombre de quelque cap ou près des embouchures de rivières, comme à Fréjus non loin de celle de l’Argens, s’ouvraient des lieux de marché, où l’on troquait sans doute plus d’objets volés que de produits récoltes[47]. Les Ligures ressemblaient aux régions qu’on leur avait laissées comme domaines. Celles-ci étaient, telles que leurs maîtres, des terres de production rare et d’aspect farouche. L’arrière pays montagneux, au nord du rivage d’entre Giens et Monaco, et très loin à l’intérieur, jusqu’à la descente vers le Léman, en un mot la masse énorme des Alpes principales leur appartenait presque entière. Ce n’était que le long des grandes routes de l’Italie que les Gaulois s’étaient enfoncés et fixés à demeure. Lorsque les soldats d’Hannibal pénétrèrent dans ces couloirs alpestres, pays et gens ne leur parurent plus avoir aspect d’humanité. Du bas de la vallée, on n’apercevait, au milieu des rocs et des forêts, que de misérables cabanes se détachant sur le flanc des monts ; les hommes étaient vêtus de peaux à longs poils, ils portaient une chevelure épaisse et longue comme la toison de leurs vêtements[48]. Ils avaient pris l’apparence des animaux de la montagne. Cependant, ils valaient mieux que des sauvages. On ne peut leur faire un crime d’avoir attaqué Hannibal et arrêté César[49] : c’était presque leur devoir que de maltraiter des généraux et des soldats porteurs de convoitises et de deuils. Mais ces Ligures des Alpes me paraissent moins réfractaires que ceux du rivage à des idées honnêtes et pacifiques : ils savaient tresser et tendre des palmes et des couronnes, gages d’amitié et d’hospitalité[50] ; leurs sentiers, redoutés des bandes de guerre, n’étaient point d’ordinaire dangereux pour les trafiquants[51]. Les tribus du Queyras[52], du bassin de Digne[53], de la vallée de Barcelonnette[54], du pays de Riez[55], du Briançonnais[56], de la Maurienne[57], de la Tarentaise[58], n’étaient point composées uniquement de crétins et de goitreux[59]. Elles renfermaient beaucoup de braves gens, courageux et nullement sots[60]. Chacune d’elles était une société politique, obéissant à ses anciens et à ses coutumes ; elle avait ses hameaux fortifiés où elle abritait ses réserves de vivres et de bestiaux, et où elle se réfugiait en cas de péril. Les indigènes savaient utiliser les moindres places de leur sol, et le cultiver au pied même des neiges éternelles. Si chaque groupe de familles vivait à part, enfermé comme dans un compartiment par des monts ou des gorges, les défilés qui le réunissaient au reste du monde n’étaient jamais impraticables ; des pistes muletières s’ingéniaient en lacets sur les plus mauvais pas. Au besoin, ces tribus s’entendaient entre elles et avec les tribus gauloises les plus hautes pour ouvrir leurs routes ou leurs vallées aux caravanes de marchands, et pour les fermer aux armées de conquérants. En 58, depuis le mont Blanc jusqu’au mont Viso, tous les montagnards s’unirent contre César[61]. Une vie commune circulait parfois le long de tous les torrents et de tous les sentiers des Alpes. Les usages des Celtes y monteront peu à peu[62]. Marseille même, par les calades et les chemins de son arrière-pays[63], envoyait ses marchands sur les terres de Riez et de Digne[64] ; elle s’était fait d’excellents amis de ces vigoureux bergers de la montagne[65], qui lui vendaient sans doute les laines de leurs troupeaux et les bonnes herbes de leurs forêts. Et à leur tour, quand la ville grecque avait besoin de leurs services, les Bas-Alpins descendaient vers la grande cité du rivage pour lui prêter leurs bras, leur force et leur courage[66]. IV. — LES GERMAINS LE LONG DU RHIN ET DANS LES ARDENNES. La vallée supérieure du Rhône, à l’est du lac Léman, est la plus large, la plus longue, la plus basse et la plus fertile des brèches que les rivières transversales ont faites dans la masse alpestre. Elle forme en outre, grâce au col du Grand Saint-Bernard qui y prend naissance, la route la plus courte entre le Nord et le Midi gaulois, entre les Belges du Rhin et les Celtes de la Lombardie[67]. Aussi trois ou quatre tribus gauloises s’y étaient installées[68], encadrées par les indigènes ligures des plus hautes montagnes. Mais ces tribus du Valais ne ressemblaient que d’assez loin à celles de la France centrale. Éloignées des vastes peuplades actives et laborieuses, elles avaient peu progressé depuis qu’elles étaient là. On retrouvait chez elles de vieux usages : les grands villages ouverts[69], les redoutes de montagnes[70], la longue pique javelot des guerriers d’autrefois[71]. D’origine belge ou rhénane, descendant de ces sauvages Gésates dont la haute stature, la nudité et la folle audace avaient stupéfait les Italiens, ces Gaulois du Rhône supérieur annonçaient déjà le monde germanique[72], que nous allons voir toucher et presser de toutes parts la frontière de l’Est. Le bas-fond de la Suisse occidentale, les plaines d’Alsace et du Palatinat, le Rhin depuis Schaffouse jusqu’à Mayence, appartiennent sans doute encore aux Gaulois : grâce aux Helvètes, maîtres de la Souabe et de la Franconie, les Celtes conservent des relations suivies avec leurs grandes colonies de Bohême, de Bavière et de Norique. Sur ce point, ils s’avancent toujours impérieusement au delà du fleuve (vers 150). Mais dans moins de trois générations, la poussée victorieuse des Germains rompra à tout jamais, le long de ses rives, la continuité trois fois séculaire des nations gauloises[73]. Et, en aval de Mayence, dès ce moment, ces Germains ont commencé à se répandre sur la rive gauche. Ce coude de Mayence marquait vraiment la fin d’un monde et le commencement d’un nouveau. Il y avait là quelques-uns de ces accidents du sol ou de ces spectacles de la terre qui étonnent et retardent les peuples, et qui s’imposent comme frontières à leur imagination et à leurs ressources[74] : une plaine qui s’arrête brusquement, un grand fleuve qui jusqu’ici coulait, large et épanoui, à travers de vastes terres ouvertes, et qui maintenant se resserre pour s’insinuer au fond d’une gorge bordée de rochers, les montagnes dures et noires du Taunus, une immense écharpe de forêts venue de l’Est, qui se drape par-dessus î’horizon et qui l’obscurcit en entier[75]. Au sud finit donc le domaine des Gaulois ; au nord, commença celui des Germains. Ceux-ci, comme les Gaulois d’en amont, tendaient à occuper ‘les deux rives’. Leurs progrès vers l’Occident se faisaient surtout sentir le long des voies fluviales, Moselle et Meuse, qui des fjords du Rhin menaient vers l’intérieur. Ils se sont manifestés, soit par des infiltrations d’hommes, soit par des migrations de tribus. Sur les deux rives de la Moselle, les Trévires affectaient une origine germanique[76]. Je doute fort qu’ils soient venus d’Allemagne, en foule ou en corps de nation, séparément des Belges et longtemps après eux, car ils se montrèrent toujours trop franchement gaulois, et de nom et d’attitude[77]. Mais ils devaient avoir donné asile ou droit de cité à de nombreux émigrants, remontant sans relâche l’attirante vallée de la rivière. Par la Meuse, au contraire, ce furent des tribus entières qui s’insinuèrent dans le monde gaulois, entre les deux cités des Nerviens et des Trévires. De Maëstricht à Mézières, la. Meuse et ses affluents enlaçaient en tous sens le plateau boisé des Ardennes, confusion sauvage de marais, de rochers et d’arbres, riche en bêtes et pauvre en hommes. On n’empêcha pas les tribus germaniques d’y prendre une place définitive. Elles s’échelonnèrent dans les couloirs de culture qui longeaient les rivières, Herve, Hesbaye, Condroz, Famenne, Hautes Fagnes[78]. La plus puissante, celle des Éburons, s’établit dans le pays le plus riche et le plus passager, sur les deux rives de la Meuse, autour de Tongres et de Verviers[79]. Et il restait encore des recoins pour de nouveaux-venus, puisque, sur la même route, les Cimbres et les Teutons laisseront une de leurs bandes à demeure (les Aduatiques autour de Namur)[80]. — Plus au sud-est, le long de la Sambre, les Nerviens se vantaient, comme les Trévires, de leur sang germanique. Mais le gros de la nation, là encore, semble gaulois : c’est tout au plus si quelques familles transrhénanes, avant-garde d’invasion sur la route de Paris, s’étaient glissées parmi ces Belges au Hainaut[81]. La vie des Éburons et de leurs congénères rappelait parfois celle des sangliers dont ils avaient pris peut-être le nom[82], et qui partageaient avec eux l’empire des Ardennes. Leurs demeures étaient de grandes fermes dans le voisinage des bois[83] ; ils n’avaient pas de villes : à peine, de loin en loin, quelques hameaux fortifiés[84] leur servaient de retraites, encore que les meilleurs refuges fussent les fourrés de leurs sylves[85]. Les tribus s’isolaient l’une de l’autre, vivant d’une organisation assez rudimentaire[86]. Il n’y avait pas une différence sensible entre ces sociétés germaniques et les sociétés ligures des mauvaises terres du Midi. Elles ne renonçaient pas à se servir d’armes de jet pendant les batailles[87] ; leur solide infanterie, leur habitude des stratagèmes, leur dextérité dans les escarmouches, en firent pour les Romains des adversaires tout autrement redoutables que les Celtes[88]. Les Eburons furent les seuls qui purent se vanter d’avoir, comme plus tard les vainqueurs de Varus, anéanti toute une armée de Rome, et laissé un vide éternel parmi les numéros des légions de César[89]. Mais en prenant des champs sur ce sol, les Germains prirent aussi quelques nouvelles habitudes. Dans cette rencontre entre les deux groupes d’hommes, ce fut la civilisation gauloise qui l’emporta. Elle s’imposa aux nouveaux-venus. Éburons et autres durent accepter le patronage des États voisins, surtout des Trévires : ils se dirent leurs clients, ce qui du reste ne les empêcha pas d’agir souvent à leur guise[90]. Si les Germains cisrhénans ont fait appel à ceux d’au delà contre César, ils les combattaient d’ordinaire[91]. Les intérêts des deux rives étaient trop contraires pour que les émigrants de la Moselle et de la Meuse tinssent compte de l’origine qu’ils se donnaient. Les chefs des Éburons portaient des noms gaulois[92]. Il n’est pas dit par César que leur langue fût différente de celle des Belges. Tous ces sangliers germains se sont levés pour l’indépendance de la Gaule comme des enseignes de cités celtiques. Ambiorix, roi des Éburons, nouera des relations avec le Centre et l’Ouest, et jouera, avant Vercingétorix, le rôle de champion de la liberté générale[93]. Au delà même du Rhin, l’influence gauloise se fera bientôt sentir. Le vaste bassin de Cologne avait donné naissance à l’État germanique des Ubiens. C’était, après l’Alsace, la région rhénane la plus favorisée ; le pays était ouvert et fertile[94], de longues routes y aboutissaient de toutes parts, descendues de Gaule ou des plaines allemandes : c’est d’ordinaire parce coin que la civilisation commence son œuvre transrhénane. Les Ubiens étaient devenus une grande nation, riche, florissante, pacifique. Elle accueillait les marchands gaulois, leur achetait beaucoup. Ses hommes s’humanisaient à leur contact, adoptaient les mœurs et les usages de l’autre rive[95]. La contrée de Cologne était, en Germanie, un premier foyer de travail et de culture. Si les peuples d’au delà demeurent tranquilles, il peut se former, dans les grands massifs ardennais et dans la Prusse rhénane, une Germanie sédentaire, intelligente, active et avisée, modelée sur la Gaule. Celle-ci regagnera par son influence le terrain qu’elle a perdu parles armes. Ainsi, les populations des trois contrées voisines débordaient sur la Gaule, les Ibères au nord des Pyrénées, les Ligures à l’ouest des Alpes, les Germains par-dessus le Rhin. Les seuls qui pussent devenir agressifs et dangereux étaient les Germains, qui s’appuyaient sur d’immenses réserves d’hommes. Ibères et Ligures n’étaient plus que les vestiges de puissances disparues. — Il est vrai que derrière eux, en Espagne et en Italie, se tenaient les Romains. En revanche, la civilisation gauloise avait une vertu d’expansion qui ne lui faisait rien redouter de ces contacts étrangers. Elle gagnait les Ligures ; elle pénétrait en Germanie. La culture ibérique ne lui faisait concurrence que dans les lointaines vallées au sud de la Garonne. Et cette civilisation régnait en souveraine sur la masse compacte des terres et des cités maritimes et intérieures. V. — LES BELGES. Depuis le Rhin jusqu’aux approches de la Seine, les peuples gaulois prenaient le nom de Belges, et ce nom était même passé à leur pays, qu’on appelait parfois le Belgium[96]. Les Belges ne formaient pas un État ; ils n’avaient point, du moins à l’époque où nous les connaissons, d’institutions permanentes, de chefs réguliers. Lorsque César s’approcha d’eux (en 57), ils se liguèrent contre lui, mais la ligue n’embrassa pas tous leurs peuples[97]. Ils ne cédèrent jamais unanimement à une seule autorité. On se souvint longtemps qu’ils descendaient d’origines diverses, et nous venons de nommer les Germains qu’ils renfermaient[98]. L’étendue même de leur nom n’est pas très précise : les peuplades de la Moselle ne paraissent l’avoir pris que par intermittence[99]. Ce mot de Belges était sans doute quelque vocable de guerre qu’une ancienne société de tribus avait adopté et propagé autour d’elle, et qui servait de mot de ralliement dans les jours de conjurations militaires[100]. Il y avait cependant entre tous les Belges des ressemblances qui leur donnaient un air de parenté, et qui en faisaient bien une seule famille, distincte de la famille celtique. Venus en Gaule plus tard que cette dernière, en rapports continus avec les Germains, accrus périodiquement par des immigrations transrhénanes, ils gardèrent plus longtemps les mœurs sauvages, les habitudes brutales, l’esprit militaire des anciennes tribus gauloises[101]. Ils étaient plus grands, plus robustes, plus belliqueux que leurs voisins du sud[102]. Sur le champ de bataille, ils luttaient avec le dernier acharnement. C’est sur leurs terres que César livrera les plus rudes combats, que les fuites ont été le plus rares, et les morts devant l’ennemi le plus fréquentes[103]. Les Belges seront les seuls à lutter sans relâche pour l’indépendance : ils se lèveront les premiers, en 57, ils céderont les derniers, en 51, et encore quelques-uns d’entre eux réussiront-ils à demeurer libres, soit en vivant hors la loi dans la forêt des Ardennes ou les marécages de Flandre, soit en cherchant asile de l’autre côté du détroit[104]. Dans ces pays du nord, froids, humides, hérissés de bois et tachés de vastes palus[105], la civilisation avait crû plus lentement. On y voyait moins souvent venir les marchands, porteurs de denrées et d’objets de luxe, avant-gardes des peuples efféminés[106]. La religion gauloise y conservait des formes ailleurs disparues et voisines de celles que conservaient les Germains : en Belgique, le dieu national ressemblait plus à un Mars qu’à un Mercure, les cultes et les mythes solaires ou astraux gardaient encore toute leur puissance, les divinités maternelles des sources étaient plus nombreuses et plus adorées[107]. Plus on s’éloignait vers le nord, plus la vie municipale se faisait rare. Nulle part on ne rencontrait de villes très grandes ou très célèbres, comme le furent Besançon, Bourges, Alésia, Gergovie et Bibracte. La principale forme de groupement humain était le village et surtout la ferme[108]. Çà et là s’élevaient des redoutes (castella), analogues à celles des peuples de montagnes[109]. Les tribus ne se rapprochaient point partout en peuplades, ce qui était la règle en Celtique. Il est possible que les populations prégauloises ou ligures fussent demeurées en Belgique plus nombreuses et plus vivaces que dans la Gaule centrale. Ce fut là seulement que César eut à combattre une excellente infanterie[110], de bons tireurs de javelots et de frondes : on s’y servait d’espèces d’armes ailleurs démodées ; l’usage du char de guerre n’y fut abandonné que longtemps après sa disparition des contrées centrales. Mais tous les Belges n’avaient pas le même degré de 1jarbarie, ou, plutôt, le même éloignement pour la culture. Si ceux du nord semblaient s’enfoncer dans le brouillard et la tourbe[111], ceux du midi occupaient les avenues de la Seine, rivière de gaieté, de vie et de chaleur[112]. Les Belges touchaient ce fleuve par les falaises du pays de Caux[113] ; ils s’en approchaient de très près autour de Paris, descendant l’Oise jusqu’aux bois de L’Isle-Adam[114], la Marne jusqu’à ceux de Pomponne[115]. Ils gardaient donc pour eux tous les affluents de la rive droite, et, en plus, la Somme, l’Escaut, la Meuse et la Moselle. Mais dans cette immense contrée qui portait leur nom, il y avait quatre régions de valeur fort différente, auxquelles correspondaient quatre groupes de peuples d’aptitudes opposées. VI. -BELGES DE HAINAUT ET DE FLANDRE[116]. De la région et des populations à demi germaniques des Ardennes et de la basse Meuse, nous venons de parler à propos des frontières de la Gaule. — A gauche et à droite de cette vallée meusienne se trouvaient deux groupes de trois peuplades, qui ne différaient pas fort sensiblement des Éburons et autres tribus forestières. A gauche, c’est-à-dire à l’angle nord-ouest de la Gaule, étaient les Nerviens, les Morins, les Ménapes, couvrant l’immense plaine qui descend des coteaux de la Sambre et de la Meuse jusqu’aux rivages de l’Océan du Nord. De ces trois nations, les Nerviens[117] avaient la part la meilleure. Maîtres de la haute vallée de l’Escaut et du cours presque entier de la Sambre, souverains du Hainaut et du Cambraisis, ils tenaient ainsi la porte qui sépare la Gaule de la Germanie : au beau milieu de leur domaine passait la route vitale de l’Europe du nord, celle qui va de Cologne à Paris, et qui longe la Meuse et la Sambre pour gravir ensuite le seuil de Vermandois et redescendre vers l’Oise ou vers la Somme[118] ; le carrefour de Bavai, le nœud principal des chemins de la Belgique, à égale distance de Boulogne, Beauvais, Soissons, Reims et Tongres, appartenait donc aux Nerviens[119]. Le pays était moins mauvais qu’il ne semblait au premier abord : c’étaient surtout des plateaux limoneux, très propres aux cultures faciles, et qui pouvaient nourrir sans peine une population assez drue[120]. Aussi, en 57, levèrent-ils contre César soixante mille hommes, qui périrent moins cinq cents, et purent-ils encore, en 52, en envoyer cinq mille au secours d’Alésia[121]. Ils avaient habilement utilisé, pour la défense, les épaisses forêts de leur territoire : par endroits, ils laissaient les arbres pousser tout en largeur, s’entrelacer aux ronces et aux broussailles, et ces haies basses, compactes, à peine visibles, étaient un abri aussi efficace d’une muraille de pierre et de terre[122]. Intermédiaires entre la plaine et la région des Ardennes, ils jouissaient à la fois des bienfaits agricoles de l’une et des avantages militaires de l’autre : ils trouvaient chez eux des moyens suffisants pour vivre et se protéger. On leur fit par suite, dans toute la Belgique, un renom particulier d’esprit d’indépendance, de courage et de barbarie[123]. Les marchands ne devaient point pénétrer sur leurs terres : ce qui privait ce peuple des excellents bénéfices que ses routes, auraient pu lui procurer[124]. Ils s’interdisaient le vin et toute chose de mollesse et de luxe[125]. Même ils ne voulaient et ne savaient point combattre à cheval : et, seuls de tous les Gaulois, ils ne valaient que comme fantassins, d’ailleurs de tout premier ordre[126]. Et s’ils fermaient aux trafiquants la route de la Sambre, ils la barraient aussi aux Germains. Les Morins[127], qui occupaient les collines du Boulonnais et les bas-fonds marécageux du Calaisis, n’étaient qu’un nom sans réalité publique. Leurs tribus n’avaient entre elles qu’un lien assez lâche, et en les trouve rarement d’accord sous un chef commun[128]. La vie politique y rappelait le pays, aux contours indécis, aux terres flottantes et sans cohésion. Malgré cela, le sol ne manquait pas de ressources, ni les hommes d’expédients. On récoltait du lin, on élevait des troupeaux, on engraissait des volailles[129]. Et, à la différence des Nerviens, qui fermaient leurs routes, les Morins ne craignaient pas de voir passer des hommes et des marchandises. Leur port Itius (Boulogne) fut un lieu d’embarquement pour l’Angleterre, dont ils pouvaient voir, de leur cap, les blanches falaises[130]. Ils avaient une flottille, de pêche ou de transport[131]. C’était une population assez dense, d’hommes actifs, hardis, belliqueux, bons marins et bons soldats[132], auxquels l’abri des marécages et des forêts[133] donnait toute confiance contre l’ennemi[134]. Les Morins passaient pour les plus éloignés des hommes, extremi hominum : Virgile les appellera ainsi, et l’épithète leur restera accolée dans la littérature latine[135]. Mais, à vrai dire, ils la méritaient moins que leurs voisins du nord, les Ménapes[136]. — Ceux-ci étaient les indigènes de la vaste plaine, Flandre, pays de Waës, Campine et Peel ; ils allaient jusqu’à la Meuse et au Rhin, et, au delà même du fleuve, occupaient les terres basses de la Gueldre[137] : seule, la région du delta et des îles appartenait à de purs Germains, les Bataves[138]. Cet immense pays était peu riche en hommes et en biens : moins de dix taille soldats et peut-être quelques vaisseaux, il ne put fournir davantage à la guerre de l’indépendance[139]. Ses principales ressources ne seront pendant longtemps que celles des populations arriérées, l’élevage des porcs et des moutons, la laine et les jambons[140]. Il faudra les efforts continus de trente générations et d’heureuses circonstances politiques, pour conquérir le rivage et le sol, et pour fonder des villes. Dans aucune région de l’Occident, la terre et les hommes ne changeront davantage d’aspect et de caractère. En ce moment, il n’y a là que des hameaux et des fermes, pas une seule grande place forte[141], peut-être seulement des redoutes assises sur les buttes qui jalonnent de loin en loin la plaine éternelle[142]. Les marécages, de profondes forêts aux petits arbres serrés et épineux, le brouillard et la pluie suffisent à défendre les hommes contre une invasion[143]. C’est la région de la barbarie palustre, la plus triste et la plus stérile de toutes, celle de ces misérables qui ramassent la tourbe, la font sécher au vent, et réchauffent à des feux de boue leur nourriture et leurs membres raidis par le froid du Nord[144]. VII. — LES TROIS PEUPLES DE LA MOSELLE[145]. Au sud des Ardennes et de la Flandre, Belgique des forêts, des marécages et de la brume, s’épanouissait la Belgique des plateaux lorrains, riante, ensoleillée, accueillante, à travers laquelle la vallée de la Moselle traçait le sillon continu de ses eaux et de ses cultures. Une vie plus riche circulait sur cette route ; des sociétés politiques fortes et stables s’y étaient constituées, groupant en États compacts les populations des deux rives. Trois villes dirigent aujourd’hui l’œuvre matérielle et politique de la vallée de la Moselle : Nancy, Metz et Trèves. Elles ne sont que les héritières des trois États qui, jadis, s’étaient formés sur ses bords. Le plus méridional était celui des Leuques, qui, partant des plus hauts sommets des grandes Vosges[146], descendait, le long des vallées convergentes du bassin de la haute Moselle, jusqu’au vaste carrefour que commandent Toul[147] et Nancy. Ce fut la peuplade la moins bruyante de la Gaule, et peut-être une des plus villageoises[148] : elle adorait dévotement les divinités de ses hauts lieux, comme le dieu de ce Donon qui dominait presque toutes ses terres[149], et elle récoltait paisiblement les belles moissons qui sortaient de leurs sillons[150]. Au delà des défilés de Pagny, éternelle limite entre des tribus[151], commençait le domaine des Médiomatriques[152]. Plus vaste, il s’étendait cependant sur un terrain moins accidenté : à gauche de la Moselle, le plateau de Woëvre ; à droite, celui de la Lorraine propre ; entre les deux, le large bassin de Metz ; plus à droite, le col de Saverne ; plus loin encore Vers le levant, — la meilleure partie des plaines d’Alsace[153] : — c’était là un fort bel empire, plein d’excellents lieux de culture, riche en mines de sel[154], traversé par quelques routes stratégiques de la Gaule[155]. Mais la puissance des Trévires le reléguait à l’arrière-plan[156]. On atteignait les Trévires[157] lorsque, continuant à descendre la Moselle, on abordait l’étroit passage de Sierck, là où fut pendant si longtemps la frontière de la France[158]. Au delà, la vallée du fleuve forme un bassin étendu, dont toutes les eaux, venues des plus lointaines profondeurs des Vosges ou des Ardennes, se rejoignent aux abords de Trèves : dans le nord de la Gaule, c’est le seul carrefour fluvial qu’on puisse, mais de très loin, comparer à celui de Paris ; et c’est, sur la route de la Moselle, l’équivalent de Bavai sur celle de Sambre-et-Meuse. Il fit la fortune des Trévires, comme Bavai eût pu faire cage des Nerviens. Les eaux de la Moselle et de ses affluents inférieurs leur appartenaient toutes. Mais leur domaine s’allongeait aussi au levant, le long du Rhin[159] ; et, au couchant, les tribus germaniques des Ardennes se réclamaient de leur patronage[160]. C’était l’État le plus considérable et le plus compact de la Belgique[161]. Il possédait la meilleure cavalerie qu’on pût voir en Gaule[162]. Si les Trévires prétendaient être issus des Germains, en réalité ils étaient leurs plus redoutables ennemis[163]. Vivant presque sans repos sur le pied de guerre[164], ils ignoraient les douceurs de la vie municipale[165], et leurs terres, capables d’ailleurs d’admirables moissons[166], n’avaient pas encore reçu les cultures et le travail qui en montreront la richesse et la variété[167]. En revanche, les forces militaires des Trévires, leur courage et leur opiniâtreté, l’accord relatif de leurs tribus et de leurs chefs, tirent d’eux le rempart de la Gaule contre les invasions transrhénanes[168]. Aussi verra-t-on plus tard les Germains, arrêtés par eux, se rejeter des deux côtés de la Moselle, dans les terres de Flandre[169] ou dans celles d’Alsace[170]. L’Alsace[171] et la plaine du Rhin n’étaient point parvenues, dans leur vie incertaine de lieux de passage, à donner naissance à une nation propre. Pour le moment, la colonie avancée des Celtes Helvètes, qui tient le Mein, protège ces basses terres et les assure au nom gaulois : les Séquanes s’y étaient déversés par la trouée de Belfort[172], les Médiomatriques par le col de Saverne[173], les Trévires en remontant le Rhin ou la Sarre[174]. Trois domination différentes coupaient la plaine en assises parallèles, séparées l’une de l’autre par les lignes de forêts ou de marécages qui s’en allaient rejoindre le Rhin. Les peuples gaulois ne se montraient donc en Alsace que par les extrémités de leurs domaines : leurs provinces rhénanes furent pour eux des possessions secondaires. Ce qui isolait encore ces terres du centre de leurs empires, de Trèves, de Metz ou de Besançon, c’était l’immense forêt qui noircissait le Haardt et les Vosges, et qui, par delà Belfort, rejoignait les croupes du Jura, forêt aux bêtes étranges et énormes, survivances d’époques disparues. L’Alsace comptait à peine dans la vie des populations gauloises : elle était sacrifiée d’avance aux convoitises germaniques[175]. VIII. — BELGES DU BASSIN DE PARIS. Le quatrième groupe de Belges était celui des hommes de la Picardie, de l’Ile-de-France, de la Champagne : leurs peuples et leurs tribus habitaient les coteaux aux profils harmonieux, les vallons ondulés, les plateaux couverts de blés, les bois de grands arbres, les routes innombrables, toutes ces terres aimables et humaines qu’enveloppent en demi-cercle les marais flamands et les forêts meusiennes, et qui descendent lentement vers la Seine en regardant sur Paris[176]. C’est dans cette région si artistement découpée que le mot de Belges avait pris, sinon naissance, du moins vigueur. Du fait de leur pays, ces peuples étaient les plus riches, les plus populeux et les plus actifs de la Belgique entière, les plus mêlés aux affaires générales de la Gaule. Mais, comme on l’a vu, la Belgique se tenait presque partout à quelque distance de la Seine. Elle ne touchait ni Sens, ni Melun, ni Paris, ni sans doute Rouen. Ces Belges du bassin parisien étaient exclus de leur centre naturel : on eût dit des lamelles d’éventail séparées de la virole qui les groupe. Aussi y avait-il contradiction entre la nature du pays et son état politique. Par le réseau de ses routes et par les agréments de ses cultures, il était fait pour une vie laborieuse sous une direction commune. Il se débattait, au contraire, dans l’incertitude d’une souveraineté, et ses tribus, rivales les unes des autres, ne savaient où prendre le lien qui les unît. Trois peuples avoisinaient l’Océan, et formaient comme une marche entre le bassin de la Seine et les bas-fonds flamands : les Atrébates[177], groupés autour d’Arras[178], le long de la Scarpe et des ruisselets qui découlent de l’hémicycle des collines artésiennes ; les Ambiens[179], qui descendaient la Somme depuis Bray, et dont la principale ville, Amiens ou Samarobriva[180], devait son nom et son existence au pont qui croisait la rivière, leur route maîtresse et l’axe de leur domaine[181] ; les Calètes[182], dispersés sur les falaises ou autour des criques du pays de Caux. Mais aucun de ces peuples, d’étendue et de force médiocres, ne faisait encore parler de lui[183]. Comm l’Atrébate fut, au temps de César, le plus intelligent, le plus têtu et un des plus braves d’entre tous les chefs gaulois[184], mais je ne conclurai pas de son humeur à celle de sa nation, et je ne dirai pas qu’il y eut en lui une très forte dose de picard. — Chose étonnante ! dans ces pays qui louchent à la mer, César ne mentionne point de matelots et de navires[185] : la vie maritime semble s’interrompre au sud de la Canche pour ne reprendre qu’après l’embouchure du Havre[186]. Les nations remuantes et ambitieuses n’apparaissaient que sur les routes qui s’inclinaient vers la Seine. A défaut de ce fleuve, c’était autour de ses affluents de droite que se constituaient les grandes puissances de la Belgique. La plus redoutée de toutes fut celle des Bellovaques[187], installée dans le dernier des bassins de l’Oise, souveraine depuis Formerie jusqu’à la forêt de Compiègne et aux bois de L’Isle-Adam, maîtresse par là du débouché de la grande route qui venait du nord-est[188]. Ces bords de l’Oise et du Thérain nourrissaient une population très dense : elle pouvait fournir cent mille soldats, dont soixante mille excellents[189]. Son principal lieu de refuge, Bratuspantium (près de Beauvais), était cependant assez vaste pour abriter tout le peuple, son armée et ses biens[190] : à mesure que nous avançons vers le sud, les enclos urbains apparaissent. Cette nation bellovaque fut une force de guerre énorme : très belliqueux, plus orgueilleux, si possible, que tous les Gaulois, les hommes du Beauvaisis et du puys de Bray avaient le renom d’être les plus vaillants d’entre Rhin et Pyrénées[191], et leur vocable même (bello-, guerre) parait la sanction de leur gloire militaire. Ils étaient tellement férus de cet amour-propre, qu’on les verra refuser de combattre sous d’autres que des chefs de leur nom, et n’accepter d’entrer dans une ligue qu’à la condition d’y commander[192]. Mais à l’est de cette même route de l’Oise, de l’autre côté de la rivière et de la forêt de Compiègne, se dressait contre les Bellovaques la puissance rivale des Suessions[193] ou du Soissonnais. Les hommes du Beauvaisis, sans doute, étaient plus pros de la Seine et de l’Océan[194] ; mais ceux de Soissons dominaient le cours rectiligne de l’Aisne, depuis l’aval de Berry-au-Bac[195] jusqu’au confluent avec l’Oise[196], et l’Aisne est le dernier secteur de la plus grande route de l’orient gaulois, celle de Reims, Valmy, Verdun, Metz, Saverne et Strasbourg[197]. Si les Bellovaques étaient plus fiers et plus braves, les Suessions eurent un des rois les plus justes et les plus sages de la Gaule[198]. Enfin, si le Soissonnais produisait moins de soldats[199], il possédait les plus riches domaines à céréales, les plus gras pâturages que l’un pût voir alors dans toute la Belgique[200] ; et de son plateau élevé (quelque mont près de Soissons), Noviodunum[201], leur principale forteresse, dominait et protégeait les moissons, les prés et les belles terres franches qui s’allongeaient dans la large et droite vallée. Autour de ces deux puissances qui, chacune de son côté, guettaient le chemin de l’Oise, se groupaient, suivant leurs intérêts ou leurs craintes du moment, les moindres peuplades ou les tribus du voisinage. Au temps de César, les cités proches de l’Océan, Calètes, Atrébates et Ambiens, étaient surtout sous l’influence bellovaque[202]. Dans la génération précédente, les Suessions avaient eu plus d’autorité[203]. D’eux dépendaient d’ordinaire les tribus environnantes, d’ailleurs à demi parquées au milieu des bois par lesquels l’Ardenne se prolonge jusqu’aux portes de Paris : dans la haute vallée de la Somme, les Viromandues du Vermandois, nombreux et braves, qui faisaient suite aux Nerviens sur le seuil de Bavai et du Cambraisis[204] ; la tribu du bassin de Noyon, qui venait après eux sur la rivière de l’Oise[205] ; les Silvanectes, enserrés par les hautes futaies qui environnent Senlis, ce que leur nom même indiquait[206] ; leurs voisins du N’alois, qui leur ressemblaient fort[207] ; les Meldes enfin, plus heureux flue tous, possesseurs de plateaux sur la Brie, de chantiers pour construire les navires, d’un port sur une boucle de la Marne[208]. En remontant vers l’est la route de l’Aisne, les Suessions rencontraient un autre peuple rival, celui des Rèmes. Sous ce nom[209], César désigne les hommes des terres champenoises, depuis la Marne jusqu’à la source de l’Oise, depuis les coteaux boisés du Tardenois jusqu’aux montées des Argonnes et à la Meuse des Ardennes[210]. La vallée de l’Aisne, que continuaient les défilés de Valmy à Verdun, formait la diagonale de leur empire, en faisait la force et la raison d’être. A l’endroit où cette rivière quittait leur pays pour entrer chez les Suessions, leur forteresse de Bibrax (Beaurieux ??) gardait la route contre ces puissants voisins[211]. La bourgade principale des Rèmes, Durocortorum[212], Reims, n’était pas très loin de là, plus prés de la frontière que ne le sont d’ordinaire les villes importantes, des peuples gaulois : mais elle marquait le centre de rayonnement des vallées de la Champagne ; elle s’asseyait à mi-chemin entre l’Aisne et la Marne, dans le vallon le plus plein de ressources agricoles que possédât tout cet empire. De ce peuple des Rèmes, les tombes nous ont révélé la richesse en or, l’activité industrielle, les goûts artistiques, la population de guerriers monteurs de chars, et César nous dira l’ambition, l’intelligence, la prudence habile, et aussi cette incurable jalousie à l’endroit des Suessions, qui les fera se jeter dans l’alliance de Rome[213]. Il est vrai qu’une fois amis du proconsul, ils le serviront avec une fidélité de très belle allure[214]. Leur ambition fut justifiée par leur position centrale, au milieu des quatre groupes de peuples belges : ils touchaient celui de l’Oise par la route de l’Aisne[215] ; ils communiquaient avec ceux de Flandre et des Ardennes par la Thiérache, qui fut à eux, toute proche du seuil de Bavai[216] ; ils rencontraient ceux de la Moselle dans les défilés des Argonnes[217]. De plus, ils formaient le principal trait d’union entre la Belgique et les Celtes, l’Océan et la Méditerranée. C’était par excellence une nation médiatrice[218]. Grâce aux unions que ces voisinages provoquaient, ils pouvaient se dire les parents et les alliés de tous les peuples du Nord[219]. Eux seuls auraient donné au nom belge une durable unité[220]. Ainsi, Beauvais, Soissons et Reims, que la nature a faites pour être les boulevards de Paris, s’essayaient, dans le silence de cette dernière, au rôle de capitale[221]. Mais, plus proches des civilisations du Midi, les Rèmes avaient plus d’occasions de richesse et de grandeur[222]. IX. — L’ARMORIQUE[223] ET LES AULERQUES[224]. Le nom celtique commençait à quelques lieues au nord de la Seine ou au sud de la Marne, et finissait à quelques lieues au delà de la Garonne, de l’Aude et de la Durance. Il avait pour villes extrêmes Paris, Bordeaux, Narbonne et Arles. Parmi les peuples qui se réclamaient de lui[225], ceux de la Normandie[226] et de la Bretagne se groupaient ou s’associaient sous le nom de cités armoricaines, civitates Armoricæ[227]. Presqu’îles à demi détachées du noyau de la Gaule, bassins tributaires de massifs indépendants, golfes et vallées s’ouvrant sur une mer distincte, il s’était formé là une civilisation propre, originale dans le monde gaulois. Ce mot d’Armorique signifiait le long de la mer[228], et le but de cette ligue était la coalition des forces maritimes en cas de danger commun : car elle disposait d’assez mauvaises troupes de pied ou de cheval[229]. Dans cette région sans profondeur, où les rivages découpent et entament la terre de toutes parts, où l’Océan offre plus de ressources et plus de routes que le sol, où une épaisse forêt longe, bloque et domine la lisière maritime, la mer était le principal lien, le seul élément d’unité[230]. Les populations anciennes, je crois, demeuraient nombreuses et vivaces en Armorique[231] ; le nom d’une de leurs peuplades, les Osismiens du Finistère, remontait à des temps bien antérieurs à la conquête, et Himilcon le Carthaginois l’avait entendu[232]. De très vieux sanctuaires d’îles enserraient la Bretagne d’une chaîne de mystères redoutables. Les Celtes y étaient arrivés tardivement, et seulement, semble-t-il, par petits groupes montant de l’intérieur. Les Belges y vinrent plus nombreux peut-être, suivant les côtes, attirés par ces baies tout autrement profondes et sûres que leurs estuaires flamands et picards. Aussi des alliances durables s’étaient-elles nouées entre les Armoricains et les Morins ou les Ménapes[233] ; et les Calètes du pays de Caux se sont même agrégés à leur ligue[234], tout comme ils devaient plus tard faire partie de la Normandie. Tribus de la mer, vivant d’elle, unies par elle, les hommes de la Manche et du Morbihan regardaient plus volontiers du côté de l’Angleterre et de l’Irlande que vers les forêts de l’intérieur. Les relations maritimes qu’Himilcon et Pythéas avaient provoquées ou constatées entre les deux rives opposées, ne s’étaient jamais interrompues. Rencontres de pêches, trafic de denrées, commerce de l’étain, circulation des négociants grecs, tout invitait les Armoricains à considérer les Bretons comme leurs véritables voisins. Les Celtes n’étaient pour eux que des demi-frères[235]. Presque toutes les nations armoricaines avaient donc vue sur l’Océan. En Normandie, elles descendaient le long des vallées humides et fertiles qui mènent de la chaîne intérieure jusqu’aux estuaires du rivage ; et les habitants de cette région, par un avantage assez rare, unissaient les richesses de la mer aux terres fertiles[236] et aux gras pâturages. Chaque rivière possédait son petit État : la Touques était le domaine des Lexoviens (Lieuvin)[237] ; les Viducasses[238] et les Ésuviens[239] se partageaient la vallée de l’Orne, féconde en céréales[240], ceux-là prenant le cours inférieur (campagne de Caen), ceux-ci le bassin d’en haut (Houlme et pays de Séez) ; aux Baïocasses du Bessin[241] appartenaient l’Aure et son val. Puis venaient les Unelles[242] dans le Cotentin, les Abrincatues[243] dans les deux vallées jumelles du pays d’Avranches. C’étaient là des nations d’étendue médiocre, peut-être de simples tribus[244] : mais le pays, très riche et de culture facile, nettement découpé par ces vallées parallèles que séparaient des croupes Moisées, se prêtait à la formation de sociétés politiques nombreuses et rapprochées. Au delà du mont Saint-Michel, dont les hautes mers bloquaient déjà la masse solitaire, la région côtière était moins riche, moins régulièrement morcelée ; en revanche, les golfes étaient beaucoup plus profonds, et formaient de petites mers intérieures. Aussi les nations gauloises, moins nombreuses et plus vastes, s’étaient-elles constituées non pas dans le cadre d’une vallée, mais autour des plus puissantes échancrures du rivage. Seule, celle des Redons (Rennes)[245], plus continentale que maritime, ne touchait à la mer que par la baie du mont Saint-Michel, et s’occupait surtout à exploiter la haute vallée de la Vilaine. Mais les autres devaient leur unité à ce qu’elles bordaient chacune des rives et des presqu’îles qui se tenaient ou se faisaient face : les Coriosolites[246] entouraient le grand golfe du nord, celui de Saint-Brieuc ; les Osismiens[247] s’étageaient à la fin des terres armoricaines, enveloppant la mer de l’Occident et sa triple baie, Brest, Audierne et Douarnenez[248] ; les Vénètes dominaient les anses profondes de la Bretagne du midi, et abritaient sous leur puissance les replis du Morbihan[249]. Enfin, les Namnètes[250] s’étaient réservé la double courbe de la Loire maritime, depuis Ancenis jusqu’à l’embouchure. Grâce à l’accès que la Loire donnait dans le continent, les Namnètes étaient les seuls Armoricains à posséder un grand port de transit, Nantes ou Corbilo, visité des négociants de Marseille et domicile permanent de riches trafiquants indigènes. Les autres peuples n’avaient que des ports de cabotage[251] et des lieux fortifiés. Ceux-ci étaient situés d’ordinaire dans les îles ou les presqu’îles dont la marée basse découvre les abords et dont la haute mer baigne les flancs : ce qui permettait d’éviter à la fuis l’assaut prolongé des soldats et l’étroit blocus par les navires[252]. Au surplus, les vrais refuges de ces hommes étaient leurs actes et robustes navires, aux carènes de chêne, aux flancs énormes, aux rebords élevés comme des parapets de citadelles[253]. De ces peuples d’Armorique, les Vénètes étaient de beaucoup le plus puissant au temps de César[254], et je crois que leur prééminence sur les mers du nord datait de fort loin. Leur rivage renfermait les estuaires les plus pénétrants de toute la Bretagne ; c’était chez eux que débouchaient les plus longues rivières de la péninsule, le Blavet et la Vilaine ; ils avaient, comme îles d’avant-garde, Groix et Belle-Isle, comme promontoire de vigie, Quiberon et sa longue flèche, et, comme citadelle en arrière, le Morbihan avec ses invisibles retraites. Sur aucun point de l’Océan gaulois, la côte n’abondait davantage en cachettes, gages de sécurité et de confiance pour des ambitions maritimes. Les matelots du Morbihan passaient dès lors pour les plus habiles de ces parages, les mieux rompus aux exercices de la mer[255]. Ce qui valait aux Vénètes la flotte de guerre la plus redoutable de la ligue armoricaine, la seule escadre celtique ou belge dont César eut peur[256]. Sous sa protection, leur flottille de commerce s’était assuré le monopole du trafic entre le Nord-Ouest et la Grande-Bretagne[257]. S’ils firent contre César une guerre acharnée, c’est qu’ils voulaient lui fermer les ports et l’accès de l’île, et c’est qu’ils soupçonnaient, derrière les légions romaines, les trafiquants italiens à l’affût des marchés du Nord[258]. Presque tous les peuples de la région maritime payaient une taxe aux Vénètes, sans doute en échange de la police qu’ils faisaient dans la haute mer[259]. Il est bien probable que le port de Corbilo et les Namnètes avaient dû se résigner à leur patronage[260]. N’oublions pas, pour comprendre le caractère de cette thalassocratie, qu’il y avait là le produit le plus demandé de tout l’Occident, objet d’un trafic continu, l’étain de Cornouailles. Cela rendit les Vénètes très riches, et de très bonne heure : déjà avant le nom gaulois, c’est dans les dolmens du Morbihan que nous avons trouvé les plus belles haches de pierre, les plus grosses perles de callaïs. Cette antique prospérité, dont l’origine se perd dans la nuit de la préhistoire, se conservait intacte ou s’était renouvelée au moment où les Romains s’approchèrent. Un empire de la mer existait donc à leur profit, de la Loire à la Seine, de l’île de Wight aux îles Sorlingues. Cependant ce monde armoricain, né de la mer, demeurait attaché par des liens puissants à la Celtique de terre. A l’encontre des éléments d’unité maritime exploités par les Vénètes, des forces continentales pouvaient grouper les Gaulois de Bretagne et de Normandie autour d’un État intérieur. Déjà la nation intermédiaire entre ces deux contrées, celle des Redons, est presque toute entière une nation de vallées, de lignes de rapprochement : par le lit du Couesnon, on le touche aux hauteurs d’arrière de la Normandie[261] ; par la descente de la Vilaine, elle mène au Morbihan ; par celle de l’Oudon, dont la source confine à son territoire[262], elle s’ouvre sur la Loire angevine. Elle est, sur terre, le nœud où tous les peuples armoricains s’unissent entre eux et s’unissent à la Gaule[263] : il y a chez les Bedons une tribu d’origine carnute. — Mais ce rôle d’État central appartenait, plus naturellement encore, aux Aulerques. Le nom aulerque[264] s’étendait, au nord de l’Anjou, sur les rivières en éventail qui convergent pour former la haine. Presque toutes les collines de la Normandie lui étaient soumises ; il touchait à la Seine, à laquelle il arrivait par l’Avre et par l’Eure ; la Vilaine prenait sa source chez lui ou prés de lui. On trouvait donc ce pays aulerque en arrière des terres armoricaines, bretonnes et normandes : et non pas comme une bande sans profondeur, mais comme une région très compacte, sillonnée par de grandes rivières, Mayenne, Sarthe et Loir, adossée au profond massif des montagnes du nord, et regardants à la fois vers les deux fleuves de la vieille Celtique, la Seine et la Loire. Ces Aulerques étaient, en outre, un peuple fort ancien, du premier ban des envahisseurs, et qui avait jadis essaimé très loin, vers Lyon et vers l’Italie[265]. Ils avaient de grasses terres[266], de rudes combattants[267] ; la guerre de l’indépendance recevra d’eux un de ses meilleurs capitaines, Camulogène, qui fut un des bons collaborateurs militaires de Vercingétorix[268]. Un empire du Nord-Ouest[269] pouvait naître sous leur nom. Le malheur fut que les Aulerques se divisèrent pour former trois nations distinctes[270] : les Diablintes, dans le bassin de la Mayenne ; les Cénomans, la plus riche et la plus puissante, dans le bassin de la Sarthe ; les Éburoviques, plus au nord, le long des derniers affluents de gauche du bassin séquanien[271]. Ces peuples vécurent dés lors dispersés et impuissants, tels que César les trouvera, attirés tantôt vers les hommes de la mer[272], tantôt vers les Celtes de la Seine[273] ou vers ceux de la Loire[274]. C’est ainsi que douze siècles plus tard, Anjou et Normandie devaient se disputer ces même terres, et s’en partager les lambeaux. X. — LES TROIS PEUPLES D’ENTRE LOIRE ET GARONNE. Avec l’Armorique nous achevons l’examen des terres extrêmes de la Gaule. Arrivons enfin à la masse intérieure, vaste cercle bombé dont la Seine, la Garonne et le Rhône dessinent le circuit, dont les Puys couronnent le sommet, dont la Loire fait la diagonale. C’est ce qu’on peut appeler la grande Celtique, celle des larges vallées et des longs fleuves, des peuples étendus, des vieilles villes, des souvenirs glorieux, des sanctuaires célèbres, des richesses en moissons et en métaux, des industries florissantes. Suivons-en d’abord le pourtour. Trois nations se partageaient les hautes rivières et les bas-fonds marécageux qui séparent les plaines inférieures de la Loire et de la Garonne[275]. — Les Lémoviques[276] étaient les moins bien partagés : adossés à la forêt de la Gaule centrale[277], ils étendaient leur territoire arrondi sur le plateau et les terrasses granitiques du Limousin ; la Vienne, jusqu’après son coude[278], le traversait par le milieu. Plus favorisés qu’eux, les Pictons[279] et les Santons[280] exploitaient les bonnes terres et les riants allons qui descendent des montagnes limousines, et qui se prolongent sans obstacle jusqu’à l’Océan et aux rives mêmes des deux estuaires : les Pictons allaient vers le nord-ouest, le Inn-, de la Vienne, du Clain et des deux Sèvres, pour finir aux dunes vendéennes des Sables-d’Olonne et aux marécages qui font face à Noirmoutiers ; les Santons s’inclinaient vers le sud-ouest, revendiquant pour eux le bassin de la Charente à peu près dans son entier, ne s’arrêtant qu’au port de Royan et aux îlots tourmentés de la Gironde, face à l’îlot de Cordouan[281] : sur quinze lieues, les marais de la Sèvre Niortaise séparaient les unes des autres tribus de Saintonge et tribus de Poitou. — Chacune de ces trois régions communiquait à son peuple une physionomie propre, qu’on devine à travers les sèches narrations de César. Le Limousin n’avait pas encore de centres urbains[282] ; la vie forestière, paysanne et montagnarde faisait de ses hommes des combattants énergiques, épris de leur liberté : les Romains en verront sortir de vaillants adversaires[283]. Ils trouveront au contraire des amis, et très fidèles, chez les gens d’en bas, agriculteurs émérites, de vie et d’humeur plus pacifiques, habitués à une existence facile sur des terres plus molles[284] : ce sont leurs tribus maritimes, Vendéens du Poitou et Aunisiens de Saintonge, qui fourniront à César les vaisseaux et les marins capables de lutter contre les coalisés de l’Armor vénète[285] ; et c’est un Poitevin plus tard qui, seul dans la Celtique insurgée, défendra les intérêts de Rome[286]. De ces trois peuples, les Santons étaient incontestablement les plus riches. Leur sol de plaine valait bien mieux que la triste Vendée : les rivières y sont plus sinueuses, les eaux plus vives, les massifs de beaux arbres plus nombreux. Si les marais abondent en Saintonge, c’est surtout près de la mer et à la lisière du pays : ils protégeaient plus qu’ils n’entravaient les pays de culture. Les bonnes terres y étaient, disait-on, si abondantes, elles pouvaient nourrir tellement d’hommes, que les Helvètes quittèrent la Suisse pour émigrer vers la Charente[287]. On récoltait dans les champs ou sur les lais du rivage une absinthe qui fut plus tard vantée par les écales médicales gréco-romaines : c’était un peu le domaine des herboristes, dragueurs et sorciers à la fois. A la vie agricole se joignait l’activité industrielle : les Santons fabriquaient ces cuculles ou manteaux de laine à capuchons que la conquête latine devait répandre dans le monde entier. Et cette conquête ouvrit à leurs produits trop de débouchés pour qu’en hommes d’affaires avisés ils n’aient pas aidé à l’œuvre de César. — Enfin, un rivage plus découlé, de très profonds estuaires, deux grandes îles qui gardent et abritent les ports, îles semblables à des levées immenses dressées vers la haute mer, tout faisait de l’Océan de Saintonge le bassin naturel d’un empire maritime : c’était, près de la Gironde, l’équivalent du Morbihan près de la Loire. Je suppose qu’ils ne devaient point aimer les Vénètes, ce qui explique l’assistance donnée au proconsul romain dans sa guerre maritime[288]. Les Santons devinrent donc un peuple de la mer ; les ports étaient leur demeure autant que les villes du dedans[289] ; et le golfe de Gascogne, parcouru et peut-être domine par eux, finit par prendre leur nom[290]. Ces trois États, Limousin, Poitou et Saintonge, avaient ce caractère commun qu’ils étaient également des pays de grand passage. Chacun d’eux était coupé par l’une des trois voies naturelles qui joignent la Loire et la Garonne : et ce fut Pur ces voies que se formèrent leurs métropoles. La route de l’intérieur, à la lisière des grandes montagnes, traversait la Vienne au gué de Limoges[291]. Celle des coteaux, la plus fréquentée de toutes, suivait ce seuil de Poitou qui, dans l’histoire de l’Ouest, vit passer autant d’armées et d’émigrants que le seuil de Vermandois dans l’histoire du Nord : la plate-forme de Poitiers est la principale redoute qui surveille cette voie, à l’endroit où elle se resserre et devient le plus étroite, pour s’insinuer dans les gorges du Clain : et, dès le temps de César, les Pictons occupaient la colline et sa terrasse par une très solide place forte (Limonum)[292]. Enfin, c’est sur la route voisine de la mer et de la Charente que les Santons ont établi le milieu de leur cité, leur marché central de Mediolanum[293], Saintes, qui devait devenir leur ville maîtresse[294]. XI. — LE BASSIN DE LA GARONNE. Entre le noyau des montagnes et forêts centrales et les plaines ou bois de l’Aquitaine landaise s’étageaient deux groupes parallèles de peuples : celui des terrasses qui descendaient du massif arverne, celui de la large vallée que fécondaient les limons de la Garonne. Les terrasses du Périgord, découpées par le triple réseau de la Dronne, de l’Isle et de la Dordogne[295], étaient habitées par quatre tribus réunies sous le nom significatif de Petrocorii[296], les Quatre Etendards ou les Quatre Peuples : la colline centrale d’Écornebeuf, qui domine l’Isle sur la rive opposée à Périgueux, fut peut-être leur lieu de refuge national[297]. Malgré le voisinage des confluents girondins, le Périgord demeurait en dehors du grand trafic qu’ils provoquaient : les landes mouillées de la Double, sorte d’Ardenne méridionale, semblaient les reléguer loin du Sud[298]. En revanche, ils travaillaient bien. On trouvait dans leur pays d’abondantes mines de fer[299] ; les superbes vallées d’en bas compensaient la tristesse malsaine des plateaux ; les routes étaient fréquentées par les voyageurs sortant du seuil de Poitou ou descendant de Limoges : les Périgourdins devaient entrer de bonne heure dans la vie civilisée et les habitudes municipales[300]. Sur les terrasses voisines du Quercy, plus proches du Midi, plus éloignées par endroits des grandes forêts, traversées à la fin par le large et fertile couloir du Lot, les Cadurques[301] avaient pris rang parmi les plus habiles agriculteurs et tisserands de la Gaule : leurs linières et leurs toiles devinrent célèbres. Au nord, sur un rude promontoire que baigne la Dordogne, la place forte d’Uxellodunum (puy d’Issolu ?) les gardait contre les envahisseurs venus d’en haut : c’est là que se fera la dernière résistance à l’invasion romaine, descendue par Poitiers et Limoges de la Gaule centrale déjà soumise[302]. Car les Cadurques furent les plus braves et les plus tenaces des Celtes du Midi. Le seul compagnon que Vercingétorix rencontrera digne de lui, fut Lucter le Cadurque, le plus audacieux des hommes et le plus obstiné des lutteurs, qui reçut le premier ses ordres et sa confiance, et qui mourut avec lui dans les prisons de Rome[303]. Contraste saisissant de roches et de prés, sauvage et doux tout à la fois, le Quercy offrait à ses habitants des eaux très claires, des champs très drus, des retraites inexpugnables, grottes ou escarpements : ils le sentaient partout enveloppant et secourable, et c’est pour cela qu’il fut dans l’ancienne France, le pays peut-être le plus aimé des siens. Avec les plateaux rutènes[304] (Rouergue et Albigeois) nous retrouvons quelques-uns des caractères physiques du Périgord : un triple réseau fluvial, Lot, Aveyron et Tarn ; l’absence de cette unité que donne une seule grande rivière ; le contact de très épaisses forêts, pleines de loups et de bêtes fantastiques ; d’abondantes richesses métalliques, minerais de fer et surtout galènes argentifères. Mais les Rutènes ou les Blonds[305] sont une population plus agreste, plus rude, sans doute plus arriérée que les Périgourdins : leur pays n’a pas assez de grandes et bonnes routes, les cultures y sont maigres ; et le talent particulier des hommes consiste à tirer de l’arc, conséquence de cette vie de chasseurs à laquelle la forêt les condamne[306]. Que de fois, aussi, furent-ils tentés d’échapper à leurs montagnes et à leurs bois ! Précisément, tout près d’eux, du rebord des Causses et des signaux du Larzac, ils pouvaient apercevoir les plaines et les flots du Midi, vers lesquels dévalaient très vite d’antiques sentiers d’hommes et de troupeaux[307]. Quand les circonstances seront favorables, ils descendront en peuple de conquérants[308]. Ces approches du Languedoc, qui adhère au talus de leurs plateaux, assureront un jour aux Butènes une place privilégiée parmi les peuples de l’intérieur : les voisinages de leur pays compensent ses misères. En contrebas vers l’Océan, s’étalait la vallée de la Garonne, aplanie et fécondée à la fois pour les cultures intenses et pour les rencontres commerciales[309]. Le commerce avait son lieu d’élection dans les carrefours bordelais. Burdigala l’ibéro-ligure restait aux mains lies Celtes ; et si la colonie biturige des Vivisques était une tribu peu importante, concentrée sur les bonnes terres des coteaux et des alluvions d’entre Blaye, Coutras, Bordeaux et Langon, elle tenait, avec le port de la Lune[310], l’emporium souverain du Sud-Ouest[311]. — Mais peut-être, au temps de l’indépendance, l’activité des Santons nuisait à Bordeaux, le laissait dans l’ombre, comme, sur la Loire, Nantes s’effaçait derrière les Vénètes. Pour que ces deux grands ports d’estuaire pussent épandre leur vie et jouir de leurs routes, il fallait des années pacifiques : Bordeaux et Nantes, positions militaires médiocres, petits points de terre ferme entre des marécages et une mer toujours pleine, à la merci d’une entreprise hardie, ne pourront grandir que lorsqu’une domination souveraine protégera les routes, garantira la mer, et leur fera à toutes deux une vie sûre et facile. Aux époques troublées, on la richesse ne va qu’avec la puissance, les Vénètes, invulnérables dans leur Morbihan, les Santons, abrités derrière leurs trois pertuis, travaillaient à leur guise les mers et les routes. Faute de la vigne, les champs bordelais n’avaient point encore, lotir parure et leur physionomie propres. La vie agricole se développait, je crois, en amont de la Garonne maritime, lorsque, passé les défilés de La Réole[312], on entrait dans l’admirable bassin de l’Agenais, le plus beau verger et la plus vaste emblavure de tout le Sud-Ouest. Il appartenait aux Nitiobroges[313] : c’était un peuple celte, que les routes du Gers et de la Baïse mettaient en rapports constants avec les Ibères de l’Armagnac. — En remontant le fleuve vers l’est, au delà du passage d’Auvillar, on entrait dans une autre merveille agricole[314], la plaine toulousaine. Mais on se trouvait dors sur le territoire d’un nouveau peuple, qui s’intéressait davantage aux choses méditerranéennes, celui des Volques[315]. XII. — LES VOLQUES[316]. Le nom de Volques[317] embrassait les tribus du Languedoc, depuis le confluent du Tarn jusqu’aux bords de la Tét, depuis les Corbières et les Pyrénées ariégeoises jusqu’à la Montagne Noire, aux Causses et aux bois de l’Ardèche, depuis les coteaux de la Lomagne jusqu’à la Méditerranée et jusqu’au delta du Rhône[318]. Il s’étendait même, au temps d’Hannibal, sur les deux rives de ce fleuve : les Volques étaient alors les maîtres uniques du passage entre Beaucaire et Tarascon[319] C’est, dans toute la Gaule, le plus vaste espace qui relève d’une seule société politique. C’est encore le seul où l’on trouve une telle variété de terres et de manières de vivre : — de hauts plateaux avec leurs bergers sauvages et leurs troupeaux aux dix mille têtes, que les draio ou sentiers des Cévennes ramènent chaque hiver dans les terres sèches d’en bas ; le Toulousain verdoyant, ses blés et ses fleurs ; les monts pierreux des Garrigues poudreuses et grisâtres, toutes prêtes pour recevoir des bois d’oliviers ; les collines odorantes du Narbonnais, fréquentées par les abeilles ; les gorges boisées et redoutables de l’Aude supérieure ; la plaine de poussière du Languedoc d’en bas, parsemée de tristes arbustes toujours courbés vers le sud, comme sous le joug d’un Mistral éternel ; la terre biterroise, qui sera plus tard si bonne aux vignobles[320] ; les champs de pastel du Lauraguais ; les torrents du sud ou du nord, charriant leur sable d’or[321] ; les étangs poissonneux du rivage ; le mont d’Agde, avec les colons grecs établis à sa base ; et, le bien le plus précieux de la contrée, son admirable réseau de routes planes et droites, qui y faisaient converger toutes les marchandises de l’Occident, l’étain breton, l’argent d’Espagne, les poteries et les légendes grecques. — C’était ce réseau de routes qui donnait l’unité au pays volque : il était la vraie raison que ses tribus avaient de vivre d’accord et sous un seul nom. De Toulouse à Agen et à Luchon par la Garonne, de Toulouse à Narbonne par le seuil de Lauraguais, de Narbonne au Pertus et à Arles par la voie herculéenne de la plaine, de Narbonne aux plateaux du nord par les sentiers de transhumance ou les brèches des rivières torrentueuses[322], ce pays volque était un canevas de chemins, dont Narbonne, voisine de la mer, tenait les fils essentiels. Comment se fait-il cependant que Narbonne, malgré son importance commerciale[323], ne devint jamais, dans les temps celtiques, le centre puissant et reconnu d’un Empire volque[324], ainsi que Bibracte le fut de l’Empire éduen ? comment se fait-il que yeti Volques n’apparaissent jamais que semblables à une masse flottante, toujours prête à se disloquer ? Volques Arécomiques au nord-est de Narbonne, autour de Nîmes, Volques Tectosages à l’ouest, autour de Toulouse, formaient au dernier siècle de l’indépendance deux noms différents[325]. Et à l’intérieur de chacune de ces peuplades, on sent que les tribus vivent d’une vie très particulière, celles de la montagne auprès de quelque marché de vallon[326], celles de la plaine à l’abri des murailles d’une solide place forte[327]. Cette impuissance à se centraliser tenait à deux causes. Une cause est interne, la structure du pays. Le Languedoc est formé par deux zones parallèles et qui se pénètrent mal, l’une de plaines, l’autre de montagnes. — Or, les groupes humains qui se formaient sur les routes d’en bas n’y étaient point protégés par la nature, trop plane, trop ouverte : ils ne trouvaient quelque sécurité qu’en bâtissant des villes fortes aux angles ou aux promontoires les plus avantageux, aux lieux de carrefours, sur les plates-formes qui dominent des terres de culture : Toulouse[328], Carcassonne[329], Narbonne[330], Béziers[331], Agde[332] et Nîmes[333]. Ailleurs en Gaule, dans l’Auvergne ou le Morvan par exemple, la ville ne faisait que compléter une défense naturelle, îlot montagneux ou palustre. Dans le Languedoc, la ville était, par ses remparts mêmes, la protection unique et souveraine. C’est elle qui commande et qui défend : elle est la vraie mère de la contrée. Et, comme ces villes s’échelonnaient régulièrement sur la même route, en gîtes d’étapes, places de trafic et lieux de garantie[334], elles devinrent toutes des centres de petits États, lus foyers des habitudes et des sentiments nés dans leur horizon. Elles ne différaient que par le degré de richesse qu’établissait leur situation commerciale. Aucune ne pouvait prétendre à des ambitions souveraines, si elle n’était appuyée par des forces étrangères. Qu’importait Narbonne à Toulouse et à Nîmes ? chacune valait sa voisine. — Quant aux montagnards d’en haut, intangibles dans leurs grottes et leurs bois, ils ne devaient reconnaître que par intermittence la souveraineté des murailles de la plaine[335]. — Aussi, dès les temps celtiques et sans doute plus tôt encore, le Languedoc était-il devenu une terre à la fois die vie municipale et d’étroit cantonnement. L’autre cause de son absence d’unité est que, de toutes les régions françaises, celle-ci touche le plus à des frontières : j’excepte la Flandre, qui, du fait de sa structure physique et de sa situation d’angle et de carrefour, produira plus tard des phénomènes sociaux et politiques semblables à ceux du Languedoc gaulois[336]. Celui-ci était, dans l’Antiquité, la marche du dehors : si toutes ses routes finissaient à Narbonne, elles s’amorçaient aux routes d’Espagne, d’Aquitaine, d’Italie, et, par la mer, à celles de Carthage et de Grèce. Par ces voies, des actions lointaines et différentes se faisaient sentir, achevant de séparer les intérêts et de désagréger les peuples. Les Volques pouvaient passer pour les plus désunis, les plus malléables, les plus civilisés aussi de tous les Gaulois. Peut-on même affirmer qu’ils étaient de vrais Celtes ? Plus d’une de leurs tribus de montagnes n’avait dû recevoir des Volques qu’un nom nouveau. Dans la plaine, le sang était aussi mêlé que la terre était morcelée[337]. Les hommes habitaient des villes très anciennes, fondées par des peuples depuis longtemps disparus, et dont ils n’étaient que les arrière-héritiers. Narbonne, Béziers, Toulouse, Agde, Cette, Maguelonne, avaient existé bien avant les Celtes, avant même les Ibères et les Grecs ; elles avaient en des rois, des remparts et des richesses. Des marchands hellènes étaient venus ensuite, puis des colons ibères, faisant souche partout de nouveaux habitants. Les souvenirs et les restes d’un passé demi-millénaire, étranger aux Gaulois, pesaient sur les Volques : ils étaient des intrus, comme le furent plus tard, sur cette même terre si foulée par les hommes, Wisigoths, Arabes et Francs. Ils purent à peine réagir pour faire triompher leurs dieux ou leur langue. Les influences étrangères les serraient de toutes parts : les rapports avec les Ibères dans la plaine d’Elne, avec les Étrusques par la mer, avec les Grecs d’Agde et de Marseille, étaient au moins aussi naturels et aussi commodes qu’avec les Gaulois des montagnes et du Rhône, et ces relations offrirent l’attrait particulier de civilisations étrangères. Hannibal et Hasdrubal ne séjournèrent pas à Elne et ne traversèrent pas le pays des Volques sans y laisser de durables souvenirs. Enfin, la vie municipale facilitait à cette culture du dehors les approches et la domination du pays. Ces voisinages, très variés, différaient en partie de ceux qui agissaient sur le reste de la Gaule. Ce n’étaient pas seulement les Grecs de Marseille qui exploitaient le Languedoc : ceux de Rosas et d’Ampurias envoyaient par le sud leurs monnaies et leurs marchands. Les Ibères, autrefois maîtres de la terre, continuaient à infiltrer leurs habitudes dans la vie des hommes. Malgré les grands dieux du panthéon gaulois, les habitants de Nîmes n’adoraient avec passion que leur Fontaine, Nemausus, Génie éponyme des habitants et Tutelle de leur ville[338]. On a vu que les Volques copièrent les monnaies à la rose des Grecs de Rosas. D’autres, à Narbonne ou ailleurs, marquaient leurs pièces de légendes en lettres hispaniques. Le buste du guerrier de Grézan (près de Nîmes) rappelle les traditions de l’art ibérique d’Elche et du Cerro de los Santos. Dans cette plaine languedocienne où les avant-postes du monde celtique sont venus se croiser avec les peuples méditerranéens, où les hommes aimaient déjà à se rapprocher dans des villes, où le soleil et le climat invitent à la gaieté et aux bons accueils, une civilisation nouvelle, sortie des contacts méridionaux, germait çà et là chez les Volques : à défaut de société politique, elle pouvait faire l’unité de leur nation. XIII. — PEUPLES RHODANIENS. Aucune nation souveraine ne dominait tout le cours du Rhône. Depuis Genève, d’où le fleuve se dirige enfin vers le Midi, jusqu’au port des Saintes-Maries (Ratis), où les pêcheurs, enveloppés par les fougères et les bois du delta, adoraient les sources les plus méridionales de la vallée[339], trois grandes peuplades se succédaient sur ses rives : Allobroges, Cavares et Salyens. Pour ces trois peuples, le Rhône n’était que la garniture occidentale de leur empire. En maint endroit, sans doute, ils en possédaient les deux rives : mais sur la droite, ils n’avaient qu’une longue et étroite bande de terrain, juste suffisante pour protéger les abords et assurer les passages. Le noyau résistant de leur territoire était formé par les plaines de la rive gauche et les montagnes qui flanquaient les Alpes. En Provence, les Salyens remontaient l’Arc jusque vers sa source, la Durance jusqu’au confluent du Verdon ; les Cavares du Comtat s’élevaient jusqu’aux sommets de Vaucluse, de Lure et de Ventoux[340] : les Allobroges du Dauphiné allaient, sur le Rhône, de Genève aux abords de Valence, et, dans le haut pays, suivaient l’Isère jusqu’à l’entrée de la Maurienne et de la Tarentaise, maîtres d’ailleurs de tous les massifs et de toutes les cimes qui séparent les deux cours d’eau[341]. De là, dans l’existence de chacun de ces peuples, des contrastes étonnants. En bas, c’est la circulation incessante des barques et des marchands, la sensation continue du voisinage maritime et de l’approche de la Grèce marseillaise ; ce sont les bourgades ou les villes qui grandissent aux carrefours et aux lieux de traversée : Arles[342] chez les Salyens, Cavaillon[343], Avignon[344] et à Orange[345] chez les Cavares, Vienne[346], Grenoble[347] et Genève[348] chez les Allobroges. Et ces villes, à l’origine simples rendez-vous de commerce, attirent à elles peu à peu les plus riches des indigènes, par les charmes de leur horizon, la Douceur de leur climat, le mouvement de leurs berges. Elles tendent à devenir des centres politiques, les souveraines des hommes d’en haut[349]. Ceux-là partagent leur vie entra les vallons qu’ils cultivent et les hauteurs où ils se réfugient. Leurs bourgades sont comme de vastes tours perchées sur ales sommets, d’où ils guettent l’ennemi et surveillent les sentiers[350]. C’est, sous des noms gaulois, une existence de Ligures alpins. Aussi bien n’a-t-on jamais délogé de leurs montagnes les antiques tribus ligures : les Celtes ont trouvé plus avantageux de s’entendre avec elles[351]. Pas plus que les Volques, et pour des motifs à peu près semblables, les États rhodaniens n’arrivèrent à une forte unit, politique. Ni Arles, ni Avignon, ni Vienne, abaissées à la lisière de leurs territoires, ne pouvaient prétendre à une domination absolue sur les habitants des hautes terres. Elles ne réussiront pas à se maintenir capitales d’empires : Vienne ne gardera ce titre que sous la protection des lois romaines, et encore Grenoble et Genève finiront par se détacher d’elle et conquérir une situation pareille. Aucun de ces trois vastes territoires n’avait son centre naturel, maître à la fois de la vallée du Rhône et ries vallées de montagnes. Voyez chez les Allobroges : entre le Grésivaudan, que commande Grenoble, et le Rhône de Genève, il y a l’impénétrable massif de la Grande-Chartreuse et les chaînons parallèles des Bauges. Les principales villes salyennes, Arles sur le Rhône et Entremont[352] près d’Aix, étaient séparées par la Crau ; Toulon, qui appartient à ce même peuple, est isolé du reste par les monts des Maures et de la Sainte-Baume. Une entière disparité d’existence distinguait, chez les Cavares, les agriculteurs de la Sorgues et les bûcherons du Lubéron. Aussi, par ce nom de Cavares[353], comme par ceux de Salyens et d’Allobroges, faut-il entendre moins un État déjà constitué qu’une ligue de tribus, d’une extension variable, aux liens lâches et intermittents. Qu’on se rappelle le passage d’Hannibal chez les Allobroges : tous les groupes dauphinois portaient ce même nom, ni fis chacun d’eux vivait et guerroyait à sa manière, et si celui du confluent de l’Isère paraissait leur maître, son pouvoir était fort précaire. Chacun de ces trois peuples avait ses ressources et son caractère propres. Les Salyens[354] se trouvaient les plus mal lotis en fait de plaines : la Camargue n’était bonne que pour les chevaux, et la Crau pour les bêtes à laine ; moustiques et Mistral les rendaient insupportables à d’autres qu’à des chasseurs et des bergers. En revanche, leurs montagnes étaient moins âpres, plus familières, comme celles des Maures, de la Sainte-Baume et de Sainte-Victoire, hautes collines baignées de soleil, parfumées de thym et de lavande. Leurs places fortes de l’intérieur offraient des pentes plus accessibles : près de la principale, Entremont sur la vallée de l’Arc, sourdaient les plus célèbres des eaux chaudes du Midi, celles d’Aix-en-Provence[355]. Enfin, ils touchaient à la grande route du Languedoc, à la mer et à Marseille. Les mêmes influences méridionales qui agissaient sur les Volques, pouvaient amener les Salyens, plus tôt que d’autres Gaulois, à la vie civilisée. Déjà au temps de Marius ou de César, nous verrons chez eux les rudes et puissantes ébauches d’une sculpture originale[356]. Partout, les tribus reçoivent et imitent les monnaies marseillaises[357]. Les négociants grecs sont accueillis en amis de tout instant ; et s’il le faut, les Salyens mettent au service de leurs voisins hellènes les soldats de leur nation. — Pourtant, ils ne sont devenus ni aussi riches ni aussi cultivés qu’on l’attendrait de leurs alliances et de leur situation. Le carrefour d’Arles n’arriva jamais, avant la domination romaine, au rôle commercial que lui offrait la nature : il manquait, du reste, d’une bonne assiette militaire. Ce furent de médiocres navigateurs que les Salyens : je ne suis pas sûr qu’ils n’aient pas laissé aux Marseillais toutes les pêcheries de l’étang de Berre. Comme sur les estuaires de la Loire et de la Garonne, l’empire du bas fleuve passa à la nation maritime d’à côté. Marseille, derrière ses longues îles, surveillait l’entrée et la sortie du delta, et reléguait les Gaulois dans les affaires terrestres[358]. La ville grecque séparait dès lors son existence de celle de l’arrière-pays auquel elle s’adossait : de même qu’au Moyen Âge sa république opposera fièrement ses droits, ses richesses, sa maîtrise de la mer, au comte de Provence, seigneur besogneux de la Crau et des montagnes. Au nord des Alpines commençaient les Cavares ou les Grands[359] : ils représentaient, dans le bassin rhodanien, surtout la vie agricole. Des trois peuples, ils ont le moins de montagnes et le plus de plaines. Et ces plaines, grasses, chaudes, toujours arrosées, sont les plus fécondes du Midi. Depuis Valence jusqu’à Tarascon, c’est comme une Limagne ensoleillée, bruyante et lumineuse, où les sillons, les prairies, les vergers et les potagers s’entremêlent et s’associent pour une fertilité continue[360]. Le territoire des Cavares, unité purement nominale, embrassait une dizaine de sociétés rurales, ayant chacune son nom, son vallon de culture, sa ville déjà peuplée, et sans doute aussi sa physionomie propre, qui n’a point dû trop changer depuis deux millénaires : les gens de Glanum exploitaient au nord des Alpines les eaux vives du bassin de Saint-Remy[361] ; les Mémines se groupaient sur les terres de Carpentras aux innombrables rivières[362] ; Apt commandait aux Vulgientes[363] dans le val encaissé que les montagnes couronnent de toutes parts, et dont la source de Vaucluse annonce l’entrée. Les Cavares proprement dits se réunissaient au pied du rocher d’Avignon, qui dominait le Rhône près du confluent de la Durance, ou à l’entour de la colline d’Orange, d’où coulait la source vivante, déesse de la ville. Plus au nord, c’étaient les Tricastins[364], dans les vallées qui descendent de Grignan vers les passages de Viviers et de Pont-Saint-Esprit, les Ségovellaunes, la silencieuse peuplade du Valentinois[365] et d’autres encore[366]. Tous étaient, semble-t-il, de bons agriculteurs, les plus pacifiques des Celtes, et peut-être trop soucieux de leurs intérêts matériels pour songer aux grandes causes. Hannibal, qui se battit à Tarascon et au delà de Valence, traversa en quatre jours le pays cavare, et ce furent les étripes les moins troublées de sa marche entre Carthagène et Turin[367]. Plus tard, pas une seule fois le nom de ces peuples ne sera prononcé dans l’histoire des guerres contre Rome. Avec les Allobroges[368] au contraire, Hannibal et les Romains virent un peuple de batailleurs. Celui-là dut intervenir dans leurs guerres civiles dès son entrée chez eux, et demeura sur le qui-vive jusqu’à la sortie de leur territoire. Les montagnes, qui couvraient presque tout le pays, les avaient élevés dans le courage, l’audace et l’amour de l’indépendance : ils étaient habitués à mépriser les avalanches et à repousser les maîtres étrangers. C’est le seul nom du Midi que redouteront les Romains, et qui leur fera une guerre sérieuse[369]. Jusqu’au temps de Vercingétorix, les partisans de la nation gauloise escompteront leur patriotisme[370]. Mais on dirait qu’ils unissent à cet amour de la liberté un besoin de loyauté qui est assez rare chez les peuples barbares : ils se soulevaient, ils ne trahissaient pas[371]. Comme manière de vivre, ils sont du reste déjà loin de l’antique sauvagerie des tribus montagnardes. La possession tranquille de plaines riantes, encadrées et protégées par de hauts pays, telles que la Valloire, le val de Chambéry, le Royans et le Grésivaudan, coupant les massifs neigeux d’une tranchée de verdure[372], celle des ports de Vienne et de Genève, qui ouvraient à leurs pensées de plus larges horizons et à leurs marchandises des débouchés lointains, enfin les ressources agricoles et métalliques de leur pays[373], avaient surexcité chez eux le goût de la culture et du travail industriel. Hannibal s’y approvisionna d’armes et de vêtements. La terre noire et d’un grain très fin, entassée dans les vallons par les ruines du glacier du Rhône, Pur permettra de produire des poteries légères et solides, fort recherchées de leurs voisins. On remarquera qu’entre l’Isère allobroge et les sommets du Ventoux et de Lure, il reste une large étendue de bois, de vallons et de montagnes : Vercors[374], Diois et Baronnies, hautes vallées de la Drôme, de l’Aygues et de l’Ouvèze ; et c’était l’arrière-pays naturel des Cavares ou des Tricastins. Cependant, il n’appartenait pas à ces peuples, du moins à l’époque où nous pouvons les connaître. Une nation particulière, celle des Voconces[375], s’y était développée, le long de la route directe qui, par la Drôme et le col de Cabre, mène du Rhône à la haute Durance et au mont Genèvre. Cette nation, sans avoir l’importance des trois autres, n’en était pas moins forte et riche, grâce aux nombreux recoins de terres arables que dissimulaient ses trois vallées principales[376], et à la nature énergique de ses hommes. Là encore, point de capitale naturelle, mais des bourgades à mi-coteau, lieux de rendez-vous, de fêtes et de marchés : Die, Vaison, Luc[377], qui doivent leurs noms à ces sanctuaires ou ces divinités rustiques auxquels les Voconces, à demi ligures, restèrent profondément attachés[378]. A l’est et à l’ouest des quatre États principaux du bassin rhodanien, de moindres peuplades gauloises s’enfonçaient dans les vallées les plus hautes, mais toujours le long des routes qui menaient aux cols des montagnes. — Sur la rive droite du Rhône, celle des Helviens[379] occupait, dès le confluent de Pont-Saint-Esprit, le bassin de l’Ardèche et ses nids de culture[380], et surveillait la route capitale des Cévennes, par la Fontolière et le cul du Pal[381]. — Nous avons déjà parlé des tribus à demi germaniques qui tiennent, dans le Valais, la montée du Grand Saint-Bernard. — A chacun des étages du bassin de la Durance, on trouvait une peuplade différente. Passé les Cavares et les Salyens, c’étaient, sur la vieille route d’Hercule : les gens de Sisteron, qui en gardent le plus étroit défilé et le plus dangereux mau-passage[382] ; les Tricores de Gap[383], au carrefour des chemins de montagnes descendant de chez les Voconces et les Allobroges[384] ; les Caturiges[385] de Chorges et Embrun, dernière étape avant les plus hautes Alpes. Ainsi, s’avançant par les grandes routes qui menaient au dehors, le monde gaulois s’allongeait à travers les masses montagneuses demeurées ligures, tout comme plus tard la langue et les colonies latines, dans l’autre versant, devaient s’échelonner en long ruban sur les voies militaires qui montaient vers les Alpes. De ces routes alpestres, c’étaient les Allobroges qui tenaient les principaux débouchés, avec Genève, Grenoble et le confluent de l’Isère. Ils occupaient la moitié, ou davantage, du lit du Rhône : un large sentier naturel traversait leur empire d’une extrémité à l’autre, de Valence à Genève ou du Rhône à l’Isère par le détroit de Chambéry[386]. En face de Vienne, qui leur appartenait, s’ouvraient la brèche du Jarez et le chemin de la Loire. Du confluent de la Saône, dont ils furent ou les maîtres ou les très proches voisins, partaient toutes les autres routes du nord. Leur territoire était plus vaste, plus facile à défendre que ceux des autres États rhodaniens. Nul doute qu’ils n’aient fini par exercer sur eux une sorte de tutelle. On verra leurs chefs protéger ceux des Salyens[387]. Vercingétorix, avec une vue très claire de leur situation, leur offrira le principat de tout le Midi[388]. Ils avaient aussi des intérêts dans le Nord, puisqu’ils possédaient des terres sur la rive droite, du côté des Dombes ou du Bugey[389] : à cause d’elles, ils entreront en lutte avec les Éduens[390]. S’ils parviennent à prendre et à garder le carrefour de Lyon, leur influence pourra rayonner en tous sens dans la Gaule. Dès le temps d’Hannibal, ils y passaient déjà pour une des nations essentielles[391]. XIV. — DES DEUX COTÉS DU JURA. Au nord du Rhône et des deux côtés du Jura s’ouvraient, comme de larges avenues, la Suisse d’en bas et les terres de Bourgogne. C’était la double porte, mal fermée par la nature, qui offrait la Gaule aux invasions de l’Europe centrale. Les deux seuils étaient encore, au second siècle, fort bien gardés par les hommes. D’abord, les Helvètes du Mein et du Neckar, les Volques Tectosages du haut Danube, en interdisaient les abords aux nations germaniques[392]. Puis, en seconde ligne, derrière le Rhin, d’autres tribus gauloises occupaient plaines et sommets, depuis les pentes des Alpes Bernoises jusqu’aux sapins du Ballon d’Alsace[393]. Nous ignorons le nom de celles qui habitaient la Suisse, entre les lacs de Constance et de Genève[394]. Ce pays sera, dans quelques années, profondément troublé par l’invasion germanique et les migrations qu’elle entraînera. Les Helvètes, expulsés de leurs domaines rhénans, essaieront, pendant deux gi1nérations, de s’y créer une nouvelle patrie[395]. Mais il m’est impossible de dire quels étaient, avant ces temps, les possesseurs gaulois des lacs et de la vallée de l’Aar. Les Helvètes avaient-ils déjà des domaines au sud du Rhin ? ou les Allobroges prolongeaient-ils leur empire jusqu’en Thurgovie, ou les Séquanes leur nom à l’est du Jura ? Ou plutôt, n’y avait-il point là d’autres tribus gauloises, dont celles du Valais seraient un vestige ? ces Gésates, toujours prêts à louer leurs armes et leur courage, qui ne cessèrent, avant et après Hannibal, de descendre dans les vallées italiennes pour secourir Insubres et Boïens, ne seraient-ils pas les précurseurs des Helvètes dans les terres de Suisse[396] ? Et si cela était, et rien ne s’oppose à cette dernière hypothèse, voilà déjà commencée, trois siècles avant l’ère chrétienne, cet exode de Suisses mercenaires, qui devait être pendant si longtemps la ressource des batailles italiennes. La vie politique et matérielle de la Suisse nous est également inconnue. Plus tard, les Helvètes y vivront divisés en quatre tribus, unies par un lien fédéral assez lâche[397] ; ils auront douze oppida, quatre cents villages, la plupart sans cloute d’origine antérieure[398] ; leur principale ville, Avenches[399], fut située exactement au centre de leur route principale, celle que forme le sillon lacustre de Constance à Genève aux deux extrémités de cette route, Noviodunum[400] ou Nyon, Vitodurum[401] ou Winterthur, fermaient, à l’entrée des défilés, les portes de leur domaine. Malgré cela, l’unité politique du pays ne sera jamais très grande ; et il est permis de croire que les choses étaient pareilles avant le temps des Helvètes. Au contraire, les Séquanes[402] de la Bourgogne eurent de très bonne heure une ville souveraine, Besançon[403]. Elle était merveilleusement choisie, au milieu géométrique de leur cité et sur le défilé central de la grande route traditionnelle du Rhin au Rhône. Perchée sur un contrefort qui domine le Doubs, la rivière l’enfermait presque dans une de ses boucles ; elle s’adossait à un vaste rocher qui formait la citadelle, et que les Gaulois avaient enclos d’une autre muraille. C’était, dit César, une base stratégique incomparable[404] ; les Séquanes y accumulèrent les vivres et les armes, tous les matériaux de la guerre[405]. — Voici maintenant, dans cette description de la Gaule, la première que nous rencontrions de ces citadelles maîtresses qui font la force, l’unité et la confiance des grands États de la Celtique propre, Séquanes, Bituriges, Arvernes ou Éduens. Mais, à la différence des autres, l’État séquane ne pouvait durer longtemps. Il se présentait sous une forme trop allongée, allant des bords de la Seille jusqu’à ceux de l’Ill, de Louhans à Colmar[406]. Ses meilleures terres, celles d’Alsace et de Bourgogne, d’ailleurs incomparables[407], se trouvaient aux extrémités de sa voie diagonale, et en contrebas, très faciles à ravager du voisinage[408]. De plus, Besançon était séparé de la Bourgogne par les forêts de Chaux et de la Serre ; et entre la puissante forteresse et la Haute Alsace s’étendait la grande forêt de la Gaule orientale, qui, par-dessus le seuil de Belfort, réunissait les Vosges et le Jura. Si l’on voulait rejoindre le Rhin sur une route mains sombre et plus ouverte, il fallait faire un long détour par la percée de Villersexel[409], et se résigner à une marche de plus d’une semaine[410]. Aussi les Séquanes avaient-ils besoin, pour maîtriser ou compléter leur Empire, d’un nouveau point d’appui. Ils l’ont cherché avec raison, non pas en Alsace, mais en Bourgogne : est ils ont bataillé avec les Gaulois du Morvan pour leur enlever les deux rives de la Saune, pour s’asseoir sur les derniers coteaux charolais du bord de l’Ouest, et occuper ainsi à demeure le nœud de routes productives qui se noue à Chalon. La principale cause des grandes luttes intérieures de la Gaule tient la possession des terres fertiles et des carrefours de la Bourgogne[411]. Par ces voies qui descendaient vers elle de tous les côtés, trop d’ambitions s’approchèrent de la vallée de la Saône pour quelle pût former, en outre de son unité économique, un même grand État. Elle fut la plus disparate des vallées de la taule. Au sud, Allobroges et Éduens se heurtaient près du confluent de Lyon, et, par leurs querelles, le réduisaient à n’être qu’une stérile rencontre d’eaux courantes. Au nord, les Séquanes arrivaient par le Doubs, les Éduens par la trouée de la Dheune[412], les Lingons par les dix rivières qui descendaient de leur plateau[413]. Chacun de ces peuples voulut sa part de la plaine de Bourgogne ; et, dans un siècle, les Germains d’Arioviste y réclameront la leur[414]. XV. — LA VALLÉE DE LA SEINE. Le bassin de la Seine n’eut pas, sous la domination gauloise, l’importance à laquelle le destinaient sa forme, sa situation et a richesse. Divisé entre les Celtes et les Belges, il ne dépendait pus d’un grand État homogène. Les premiers avaient gardé pour eux le cours même du fleuve, son centre parisien, les affluents et les routes de la rive gauche ; mais les Belges avaient réussi à prendre les vallées septentrionales, qui étaient les plus longues et les plus riches’. Hommes du Nord et hommes du Centre se partageaient donc entre eux l’exploitation des voies commerciales, qui, à travers le bassin, unissaient la Méditerranée et l’Océan. La haute Seine appartenait aux Lingons[415], depuis les sources, cachées entre les arbres, où les dévots adoraient la limpide déesse du fleuve, jusqu’à Bar, où viennent expirer les forêts qui enceignent le bassin de Troyes[416]. De la Seine, ce peuple celtique n’avait aucune portion du cours navigable : mais il ajoutait à sa vallée les hautes terres de l’Aube et de la darne, le Bassigny et une partie des Faucilles[417], et, ce qui valait mieux encore, la Côte d’Or et la plaine dijonnaise[418]. Les Lingons occupaient donc quelques-uns des passages les plus utiles au commerce gaulois : ceux du plateau de Langres, par où se faisaient les portages entre le Midi et le Nord[419], et ce facile seuil de Lorraine où les affluents de la Saône, méditerranéenne semblent se confondre avec la Meuse rhénane[420]. Aussi la bourgade principale des Lingons, Langres[421] fut-elle sur le plateau stratégique, triste et décharné, qui commande toutes ces routes : elle y montait sa faction solitaire entre Champagne, Bourgogne et Lorraine[422]. Mais malgré leur apparence de bons soldats[423], les Lingons n’étaient point en ce temps-là un peuple de combats : ils entourèrent les Romains de mille prévenances, tout comme leurs voisins les Leuques et les Rèmes[424]. Ce coin de la Gaule a été celui des hommes qui n’ont demandé qu’à se soumettre. Le passage des marchands avait habitué les Lingons aux gens du Midi et aux choses pratiques. Bons agriculteurs, célèbres par leurs manufactures de drap[425], ayant jadis joué un certain rôle dans les guerres d’extension, ils paraissent, au temps de César, n’avoir plus que le désir de vivre tranquilles ou de s’enrichir[426]. Le rôle prépondérant sur le bassin de la Seine propre appartenait aux Sénons, les Anciens[427] : et ils méritaient bien leur nom, s’il était vrai qu’ils avaient envoyé en Italie les vainqueurs de l’Allia. Les Sénons de la Celtique avaient à peu près réussi à tirer bon parti de la vallée séquanaise et de ses heureuses dispositions. Au sud, ils s’adossaient au Morvan : leur territoire d’Auxerre servait de lien aux routes qui amènent à l’Yonne les eaux et les bois du massif Central[428] ; le cours inférieur de l’Armançon leur permettait d’offrir aux marchands un vestibule direct vers la Saône[429]. C’est sur l’Yonne, le véritable prolongement de la Seine commerciale en amont de Paris, que se bâtit la principale bourgade ses Sénons, Agedincum[430] ou Sens, à l’horizon de ces moissons qui étaient une de leurs richesses[431]. Au delà de Sens, le confluent de la Seine et du Loing leur apportait deux nouveaux faisceaux de routes, celui de la Loire[432] et celui de la Champagne. Plus bas encore, la petite ville de Melun (Mellosedum), bâtie dans une île, était une escale importante de leur batellerie[433]. Leur territoire ne s’arrêtait que vers Corbeil, dans les marais de l’Essonne[434]. Si les Sénons ne possédaient point le carrefour de Paris, ils en avaient, après tout, l’équivalent[435]. Au reste, les Parisiens vivaient plus ou moins sous la dépendance des Sénons. A l’époque de César, on disait que dans la génération précédente, les uns et les autres n’avaient formé qu’un seul État : cela signifiait sans doute que les Parisiens furent d’abord une ou deux des tribus associées sous le vocable sénon, et qu’elles s’en séparèrent ensuite[436]. Les Parisiens[437], par eux-mêmes, valaient peu de chose. Leur territoire finissait aux marais de Corbeil, à la forêt de Rambouillet, au défilé de la Seine devant Melun, aux bois de Chantilly, Luzarches, Bondy, Pomponne, Armainvilliers et Sénart. Leur île et place forte de Lutèce[438], bloquée déjà par le fleuve[439], l’était encore par les marais qui le prolongeaient au nord, par les collines boisées qui le bordaient au midi[440], par les sinuosités sans fin et les longs îlots de son cours, qui renient les guets-apens si faciles[441] et la navigation si lente. Dans ce petit territoire, quelques champs de blé et beaucoup de bois : il est, à vrai dire, le dernier essart de la forêt des Ardennes. Aussi les Parisiens, serrés de près par les Bellovaques, les Carnutes et les Sénons, comptaient surtout comme étape de la batellerie fluviale, et rendez-vous de concentration militaire[442]. Mais il y avait, sur ce coin de terre déjà prédestiné, tant de conditions favorables à la vie matérielle et aux rapprochements entre les hommes, que la population y était devenue fort dense[443], et qu’il s’y forment une confrérie de marchands de l’eau, les mariniers parisiens[444]. On peut parler flans les mêmes termes de la dernière peuplade celtique de la Seine, celle des Véliocasses[445] ou du Vexin, entre l’Oise et Caudebec : Rouen, Ratumagus, était ou allait être leur marché et leur ville principale. Mais à l’époque gauloise, elles se mouvaient dans l’orbite des Bellovaques[446], comme Lutèce et les Parisiens dans celui des Sénons. C’était alors la destinée commune de toutes les bourgades sises aux plus grands carrefours gaulois, Nantes, Bordeaux, Arles, Lyon et Paris, que de jouer un rôle secondaire. Ces lieux où les fleuves et les routes convergent, sont naturellement des bas-fonds marécageux qui n’offrent pas les aires planes et hautes où le Gaulois plantait ses villes souveraines. La défense militaire en était malaisée ; ils n’offrent pas d’arrière-pays sur quoi ils puissant s’appuyer. Au lieu d’être, comme Bibracte ou Besançon. La Forteresse qui commande, ils sont une terre déprimée à la merci du plus fort. Ce n’est pas à dire que leurs mérites commerciaux et militaires demeurent inutiles. Mais ils sont détournés à son profit par quelque nation voisine. Éduens et Allobroges bénéficiaient du confluent de Lyon ; les carrefours de Paris tournaient à l’avantage des Bellovaques, des Sénons, et, comme on va le voir, des Carnutes eux-mêmes. Avec ceux-ci, nous touchons enfin à la Loire. XVI. — LE BASSIN DE LA LOIRE. Les bassins de la Loire et de la Seine ne sont séparés ni par l’obstacle des distances ni par celui des montagnes. Un seul Bite peut suffire, et deux journées de marche, pour aller de l’un à l’autre fleuves. A quinze lieues seulement de chacun d’eux, Chartres domine la vallée qui conduit à Mantes et la plaine de moissons qui finit à Orléans ; Montargis, dans une situation semblable, est également à une ou deux étapes d’Orléans et de Gien, de Sens et de Melun ; de Nevers à l’Yonne, enfin, la Nièvre trace une route rectiligne de même longueur[447]. Aussi, les grands États riverains d’un de ces deux fleuves ne résistèrent jamais à la tentation de rejoindre l’autre. Les Sénons, avaient cherché la Loire par les routes de Montargis et de Gien, et l’atteignaient sans doute de Briare à La Charité. Inversement, les Carnutes de la Loire se sont installés sur la Seine, de Médan à Vernon, et les Éduens débordent de toutes parts dans les vallées supérieures, à Clamecy, à Avallon, à Alise-Sainte-Reine[448]. Et ces derniers États, l’Eduen menaçant les Sénons par les terres hautes de l’Auxois et du Morvan, le Carnute les bloquant par son port de Mantes, réduisaient ainsi l’importance du seul grand empire celtique qui ait pu se constituer dans le bassin parisien. C’est donc enfin à la Loire que nous devrons les vrais États souverains de la Gaule celtique, et de toute la Gaule même. La vallée de la Loire, en effet, était la seule à réunir toutes les conditions de puissance requises en ce temps. Son fleuve figurait la ligne médiane de la Gaule : il naissait près du Rhône, coulait le long de la Saône, rejoignait presque la Seine entre Gien et Orléans, et enfin, près de son embouchure, se rapprochait de la Garonne. Même la terre extrême de l’Armorique tenait à la contrée ligérine par le seuil qui unit Nantes à la Vilaine, ou par le chapelet d’îles qui du Croisic à Quiberon encadre la mer Vénète. Il n’y avait aucune région sur laquelle un Etat de la Loire ne pût mettre la main ou faire passer ses marchands et son influence. Les ressources intérieures du bassin assuraient son indépendance. Nulle part, le sol et le sous-sol de la France n’étaient exploités avec une telle énergie : là s’étalaient les plus vastes étendues de terres arables dont elle pût s’enorgueillir, Limagne et Beauce ; là s’entassaient les richesses métalliques des montagnes, or, argent et fer, et peut-être même l’étain et le cuivre, si rares ailleurs. De Bourges à Alésia par Bibracte, c’était alors comme la grande route de l’industrie gauloise. Enfin, maîtres des forêts et des montagnes centrales, souverains incontestés des plus hauts lieux, les États de la Loire dominaient la Gaule comme d’une formidable citadelle. Ce n’est point sur la Loire, assurément, que s’est formé le nom celtique, venu des rivages lointains de l’océan Septentrional. Mais c’est dans ses terres que ce nom a poussé de nouvelles racines, c’est grâce à elles qu’il s’est rajeuni pour une vie puissante, comme le nom franc devait se retremper et grandir dans le bassin de la Seine, et le nom normand sur les rivages du Calvados. Aussi la vallée de la Loire nous offre les souvenirs les plus anciens et les traditions les plus fortes du monde gaulois Le premier roi celtique dont des récits aient conservé le nom était un Biturige, et de Bourges les Celtes sont partis pour conquérir l’univers. C’est sur les hauteurs qui dominent ses rivières, sur les ports qu’abrite le fleuve, que se trouvent les villes les plus fortes, les plus belles, les plus laborieuses. Des États de la Loire dépendent ces lieux de grand pèlerinage, ces assemblées de prêtres et de dévots, ces groupements de foules venues de partout pour se courber sous l’espérance ou la crainte, toutes ces panégyries spontanées qui sont les revanches de l’humanité en désir d’union sur les morcellements misérables des sociétés politiques. Cette contrée, qui présentait l’équivalent celtique de Delphes ou de Saint-Jacques, de La Mecque ou de Lourdes, était bien le milieu moral de toute la Gaule. Enfin, quoique le plus faste de tous les bassins, il était le moins divisé, et n’appartenait qu’il un petit nombre d’États, solidement organisés. Nous avons déjà indiqué ceux qui en détenaient les abords inférieurs, Aulerques et Namnètes au nord, Lémoviques et Pictons au sud[449]. Des Andes, maîtres en Anjou, des Turons, maîtres en Touraine, nous ne savons que très peu de chose[450] : ils occupaient les excellents carrefours stratégiques et commerciaux que sont d’un côté les confluents de la Maine, de l’autre les rencontres du Cher, de l’Indre et de la Vienne[451] ; mais ce furent de petites nations, les moindres de la Loire ; la terre y paraissait alors moins fertile qu’elle n’était[452] ; elle manquait peut-être de grosses bourgades et de bons refuges militaires[453], et si la cause de l’indépendance en vit sortir quelques-uns de ses champions, le pays lui-même se laissa prendre sans coup férir[454]. Andes et Turons ne pouvaient encore tirer qu’un médiocre parti de leur situation : leur malchance ressemblait à celle des gens de Rouen et de Paris. Les forces agissantes du bassin de la Loire, matérielles et morales, se répartissaient entre les quatre États d’amont. XVII. — LES QUATRE NATIONS CENTRALES. L’État carnute, de Blois à Sully sur la Loire, de Mantes sur la Seine aux étangs de la Sologne[455], recevait sa force des dieux, des prêtres, des routes, du blé et des forêts. Délégation sacrée de tous les peuples, les druides y tenaient leurs assises en y invoquant solennellement les dieux communs du nom celtique. Sur son domaine était le milieu de toute la Gaule : et peut-être, soit dans ces forêts du Perche où l’Eure et les rivières du Maine mêlent presque leurs sources[456], soit plutôt dans celle d’Orléans où les premières eaux de l’Essonne parisienne semblent sortir de la Loire elle-même, les Carnutes montraient-ils quelque lieu sacré, étang, bosquet ou fontaine, qu’ils célébraient comme l’ombilic du domaine gaulois. Voilà pourquoi ce fut de ce pays, au temps de la guerre de l’indépendance, que partirent les décisions générales, les appels à la guerre sainte[457]. Ces hommes étaient, pour ainsi dire, les hérauts sacrés[458] de la Gaule, criant la bataille à l’entrée de toutes ses routes. — Car ils campaient au centre des voies principales de la Celtique : la Seine leur amenait les marchandises du bassin de Paris ; la Loire, celles des hautes terres ; et par l’une et l’autre arrivaient les produits du Rhône et de la mer ; en aval, l’Armorique communiquait sans peine avec eux[459]. Pour aller de Lutèce à Bordeaux, de Germanie en Aquitaine, il faut passer par Orléans[460]. Cela faisait des Carnutes les commissionnaires ou les transitaires obligés des grandes opérations commerciales. Orléans (Genabum[461]) pont et port sur la Loire, à égale distance de Bourges, de Sens et de Paris, était désigné pour devenir une plane commerciale de premier ordre : aussi loin qu’on le trouve nommé, il paraît un rendez-vous de marchands et de fournisseurs d’armées[462]. — Derrière lui, s’étendent les champs de la Beauce, sur les dix ou quinze lieues de routes qui mènent à Chartres ou à Pithiviers, et tout cela, avec ces deux bourgades, est aux Carnutes. Pour se protéger, ils n’ont pas seulement leur prestige sacré et les médiocres hauteurs du Perche : à l’est et à l’ouest de la Beauce, de vastes et profondes forêts, allant de la Seine à la Loire, enveloppent la plaine de céréales ; l’ennemi peut détruire les moissons, il ne mettra pas la main sur les hommes, dispersés et introuvables[463]. — Il est vrai que, manquant de hauts lieux et de larges places fortes, habitués à la vie de ferme et de village et nullement à la vie citadine et militaire[464], les Carnutes peuvent moins prétendre à la domination qu’à une farouche indépendance. Les Bituriges[465], au second et au premier siècle, vivaient surtout de richesses, de travail et de souvenirs. Ils avaient été, disait-on, les maîtres de la Celtique[466]. Leur place forte d’Avaricum (Bourges), très bien campée sur un cap d’entre marécages, avait le renom d’être presque la plus belle des villes gauloises[467] : sans doute, ses citoyens s’étaient complu à l’orner des dépouilles des guerres lointaines. Petite[468], mais couverte de bâtisses et peuplée de partout[469], située sous un climat fort doux, sur un coteau de médiocre hauteur, non loin de terres très fertiles et d’admirables pâturages, encadrée de vingt bourgades qui semblaient ses filleules[470], Bourges l’emportait en charme et en attraits sur ces immenses foirails qu’étaient Bibracte et Gergovie : seule de toutes les forteresses du Centre, elle avait l’air citadin des villes méditerranéennes. — Car les Bituriges étaient des gens actifs et industrieux, ils possédaient de très riches mines de fer, savaient les exploiter, travailler et combiner les métaux[471]. Lorsque César assiégera leur ville, il sera étonné de leurs ressources en moyens d’attaque et de défense[472]. Devant Gergovie il céda à la force, à Alésia il l’emporta par l’opiniâtreté ; à Avaricum, le siège fut une affaire de science et d’habileté, et c’est la seule ville gauloise qui ait résisté à la façon de Marseille la Grecque[473]. — Bourges formait la clé de voûte de la puissance militaire des Bituriges[474]. Cette puissance était, par là, un peu artificielle, construite surtout de main d’homme. A coup sûr, leur État embrassait une région vaste[475], bien délimitée par les brandes et les étangs de ses frontières, homogène et d’entente facile, le Berry : mais il se tenait un peu à l’écart de la Loire et des principales routes de la Gaule[476] ; il n’avait pas assez de domaines en montagnes et en forêts pour se faire craindre[477] ; les marchands pouvaient se passer de lui. Sa souveraineté ne dura pas. Au temps de César, il était le client des Éduens, ses voisins aux approches de la Loire[478]. Les raisons de la fortune des Éduens[479] étaient surtout militaires et commerciales. Au centre de leur État s’élevait l’énorme redoute que forme le massif du Morvan[480], compacte, sombre et mystérieuse, hérissée de taillis, pleine d’invisibles recoins. Au dessus de cette citadelle même, tel qu’une tour sur un donjon, se dresse le mont Beuvray, à plus de 810 mètres de hauteur. Et ce mont, d’une part, présentait un plateau assez large pour recevoir une ville et un peuple, de l’autre, se trouvait campé sur le rebord même du massif, dominant les vallées les plus ouvertes, les champs les plus gais, les routes les plus passagères de la région. De cette plate-forme de Bibracte, les Éduens voyaient et menaçaient tout un monde ; et réfugiés là, à l’ombre des remparts de la cité, derrière les hêtraies pleines de vipères qui couvrent les Harles escarpés de la montagne, ils n’avaient rien à redouter des plus braves. Bibracte, j’en suis sûr, fut le point de départ et le plus sûr garant de leur puissance[481]. — Autour du Beuvray et du Morvan marchaient et circulaient de très bonnes routes, unissant les trois plus grands bassins de France : entre la Saône et lit Loire, celle de la Bourbince et de la Dheune[482], et, visible du plateau même de Bibracte, celle de l’Ouche et de l’Arroux[483] ; entre la Seine et la Loire, la Nièvre, dont la vallée rejoignait celle de l’Yonne ; et, plus loin et plus bas, la Saône et la Loire elles-mêmes, complétant le chemin de ronde qui court au pied du Morvan. Là où les chemins traversaient ou longeaient le haut pays, les Éduens avaient multiplié les places fortes : tout promontoire saillant, tout mont isolé était devenu dans leur empire un lieu de garde ou de menace[484]. Sur les routes et les croisées d’en bas, au contraire, ils eurent des ponts, des passages, des ports, avec les douanes et les entrepôts nécessaires, à Nevers[485] et Decize[486] sur la Loire, à Chalon[487] et Mâcon[488], sur la Saône : et ces lieux de traversée et de rencontre se transformèrent en bourgades utiles, où s’arrêtaient les négociants[489]. De Marseille en Bretagne, le commerce devait passer sous les péages des Éduens, du moins quand il voulait éviter les froids et les montées des cols arvernes ou les longueurs des portages lingons. — Au delà enfin de ces fleuves et de ces routes, de proche en proche, l’empire du Beuvray était descendu très loin de Bibracte, amorçant de nouvelles routes sur celles qu’il possédait déjà. A l’ouest, il arriva, le long de la Loire et de l’Allier, jusqu’à Moulins[490], comme s’il voulait fermer aux Arvernes les chemins du Nord et de l’Océan. Au sud, il rangea sous sa clientèle les Ségusiaves, tribus du Forez et des montagnes beaujolaises et lyonnaises[491] : ce qui lui donna la mainmise sur le port de Roanne, sur la montée de Tarare, sur l’avenue du Jarez et le confluent même de Fourvières[492]. A l’est, il rejeta les Séquanes loin des bords de la Saône[493], et il se donna des frères politiques, les Ambarres, dans les plaines de la Dombes et les coteaux du Bugey[494] : que ces Ambarres fussent une colonie des Éduens, ou simplement leurs intimes alliés, leur territoire n’en formait pas moins le prolongement du grand empire, qui s’en allait ainsi, jusqu’au Jura, provoquer à la fois les Helvètes, les Séquanes et les Allobroges. Au nord enfin, l’amitié ou la clientèle de la tribu de l’Auxois, les Mandubiens[495], leur assura de nouveaux passages entre les deux versants[496]. — A ce patronage sur l’Auxois les Éduens gagnèrent autre chose, cette place forte d’Alésia, merveilleusement placée pour garder le seuil[497] de leurs domaines, et de plus, vieille cité sainte dont les Gaulois avaient fait la mère de leur nation : protecteurs du foyer de la Celtique, leur empire recevait une sorte de consécration religieuse. — Routes et citadelles les faisaient donc très forts, très riches, très célèbres[498]. Au reste, ils étaient des gens entendus et appliqués en toutes choses. Bibracte, à l’aspect farouche, devenait une ville industrielle, pleine d’ouvriers en fer, en bronze, en or et en émail ; Alésia l’aidait ou lui faisait concurrence dans le travail des métaux. Les chefs du pays paraissent actifs, intelligents, instruits. Peut-être les prêtres éduens tenaient-ils l’école la plus fréquentée par la noblesse gauloise[499]. Ce fut un homme d’une rare valeur intellectuelle, habile et souple, que leur druide Diviciac[500]. Et dans l’histoire de la guerre de l’indépendance, les seuls faits de ruse ou de malice gauloises nous viennent de son peuple[501]. — Ambitieux comme nulle autre nation, mais d’une ambition étroite, tenace, sourde et sournoise, les Éduens joueront, durant cette guerre, le plus piteux des rôles. Traîtres à la Gaule, traîtres à Rome, jaloux de leurs amis et de leurs ennemis, hôtes récalcitrants, alliés soupçonneux et soldats maladroits ou lâches, incapables de penser noblement et de tenir pied sur le champ de bataille, ils ne réussiront à garder leur puissance que grâce à l’inextricable réseau de roueries dont ils enveloppaient à la fois leurs adversaires et leurs complices[502]. — Aussi bien avaient-ils besoin, pour maintenir leur empire, de ruse intelligente autant que de force[503]. Cet empire était fait de pays disparates, et qui parfois s’ignoraient l’un l’autre : le Morvan et ses bois, l’Auxois et ses étroites vallées, les pâturages du Nivernais, les coteaux du Beaujolais et du Charolais, les riches terres de la Bourgogne et la voie populeuse de la Saône, et, plus loin, la Bresse opulente, les marais des Dombes, la haute plaine du Forez, vaste poche entre deux hautes chaînes, la triste Sologne bourbonnaise : que de contrastes entre les terres, que de divergences d’habitudes et d’intérêts s’y ajoutent à la distance ! Il faut, pour que Bibracte les garde unies autour d’elle, une ambition qui ne se démente pas, une défiance de tout instant, beaucoup d’adresse et très peu de scrupules. L’Empire éduen présentait quelques-uns des caractères de la puissance bourguignonne, qui le refera à la fin du Moyen Age. L’Empire arverne[504] avait sur lui l’incomparable avantage de l’unité. A son pourtour, c’est, non pas la route, mais la muraille[505], c’est une chaîne de hautes montagnes, courbée en la forure d’un fer à cheval, puissante, continue, la moins accessible de la Gaule : sur les côtés, les Puys, le mont Dore, le Cantal, les monts du Livradois et de la Madeleine, qui étaient aux Arvernes proprement dits ; dans le fond, l’Aubrac, le mont Lozère et les Causses, qui étaient aux Gabales du Gévaudan, leurs constants alliés[506], les monts du Velay, aux Vellaves, leurs sujets[507] ; sur ces montagnes, tantôt des pâturages aux vaches célèbres par leur lait, tantôt des mines d’argent et, plus souvent encore, des forêts sans fin, noires parfois comme des rebords de l’enfer, dévastées par des bêtes fauves ou des monstres de légendes Mais au milieu d’elles, c’est la plaine de la Limagne, immense et uniforme, qu’on dirait préparée par le rouleau pour le travail des hommes. Ces montagnes, refuges impénétrables ; cette plaine, la féconde créatrice de blés, de fruits, de terre céramique. Puis, à la lisière qui sépare la Limagne et les monts, au centre nonce du cercle montagneux, quelques puys isolés, aux flancs de basalte rebelles à l’escalade, mais aux sommets aplanis en terrasse, prêts pour recevoir des villes : Gergovie, Corent, où le peuple peut en quelques heures mettre en sûreté ses hommes et ses récoltes. Sur cette lisière encore, les eaux chaudes les plus efficaces rentre les misères du corps, Royat, Vichy, à croire que la nature avait voulu accumuler sur ce même point tout ce qui nourrit, protège et guérit. Enfin, dominant les monts eux-mêmes et la plaine, les villes et les sources, le puy de Dôme, trapu ainsi qu’une épaule de géant, solitaire et impérieux, le plus haut et le plus solide autel qu’un dieu national puisse souhaiter. Unité, force matérielle, richesse agricole, grandeur sacrée, les Arvernes avaient tous ces éléments de puissance, et plus complètement qu’aucune autre nation, et comme ajustés et fondus en un édifice splendide. — Replaçons maintenant ce sol arverne dans la Gaule entière. Il est l’acropole de la vallée de la Loire, axe de la nation[508]. Une grande rivière traverse la Limagne, sert de diamètre au cercle montagneux, et c’est l’Allier, c’est-à-dire la vraie Loire. Elle se dirige vers le nord : à Moulins, où finit la terre des Arvernes, on n’est qu’à trois ou quatre jours d’Auxerre, où commence le bassin parisien[509]. Mais ce même Allier débute très loin dans le sud, en face des cols de l’Ardèche, dont les premières montées appartiennent encore aux Arvernes[510], et de là, en quelques heures de marche, on sent les approches du Rhône et de la mer, on descend vers l’un et l’autre par une pente entraînante, et on voit, sous un ciel très bleu, l’étrange feuillage des oliviers. De tout ce Midi, les Éduens et les autres peuples de la Loire étaient par trop éloignés[511]. — Enfin, du haut de leurs montagnes, en se laissant guider par les gorges des rivières, les Arvernes gagnaient sans peine les extrémités du monde celtique. Il coulait, dans presque tous les fleuves gaulois, des eaux venues de leurs fontaines. Le Lot et le Tarn descendaient du Lozère[512], la Dordogne du mont Dore[513], le Cher du puy de Lascourt, l’Allier, la Loire et l’Ardèche des Cévennes qui avoisinent le Velay[514]. Ils n’étaient pas plus loin de Bordeaux que de Narbonne, d’Avenches l’Helvétique que de Paris à demi belge. Ce peuple, qui avait une si parfaite unité, que la nature avait fait très riche et très fort, occupait le centre de la Gaule. |
[1] On fera la bibliographie à l’aide des recueils suivants : 1° Ruelle, Bibliographie générale des Gaules, 1882-6 : 2° Bibliothèque impériale, Catalogue de l’hist. de France, VIII, 1863 ; id., Supplément (autographié), 1880 ; 3° Bibliographie générale des travaux hist. et arch. publiés par les sociétés savantes de la France, 4 vol., par de Lasteyrie, Lefèvre-Pontalis, Vidier, 1882-1904 : suppléments : V, 1er livr., 1905 ; 2e, 1906 ; 1901-2 ; 1902-3 ; 4° Hirschfeld, C. I. L., XII (Narbonnaise, 1888 ; XIII, I, Ier fasc. (Aquitaine et Lyonnaise), 1890 ; 2e fasc. (Belgique), 1904 ; Zangemeister, XIII, II, 1er fasc. (Germanie Supérieure), 1905 ; [von] Domaszewski, XIII, II, 2e fasc. (Germanie Inférieure), 1907 ; 5° Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen Age, Topobibliographie, I, 1894-9, II, 1903.
[2] De Marca, Histoire de Béarn, 1640, p. 1 et s. ; Alteserra, Rerum Aquatanicarum. libri, Toulouse, I, 1648, p. 72 et s. ; Du Mège, Archéologie pyrénéenne, 3 V., 1858-62 ; Cenac Moncaut, Hist. des peuples et des États pyrénéens, I, 1860, p. 23 et s. ; Sacaze, Inscr. ant. des Pyrénées, Toulouse ; 1892 ; Bladé, Géographie historique de l’Aquitaine autonome, dans les Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux, 1893 : Hirschfeld, L’Aquitaine sous les Romains, Rev. épigr., III, 1896, p. 420, 452, 467, trad. du travail allemand paru dans les Sitzungsberichte de l’Acad. de Berlin.
[3] Bigerricus turbo, tourbillon du vent de Bigorre, Sidoine, Lettres, VIII, 12, 1.
[4] Sidoine, Lettres, VIII, 12, 1 ; Ausone, Lettres, 4, 4.
[5] Ausone, Lettres, 4, 28-62 ; 7, 2, 1-2 ; 9, 18-20.
[6] Strabon, IV, 2, 1.
[7] Strabon, IV, 2, 1.
[8] Boïates ou Boii, correspondant au pays de Buch, autour du bassin d’Arcachon : César, III, 27, 1 (Vocates) ; Pline, IV, 108 (Basa[tes] Bocates, var. -boiates) ; Itinéraire Antonin, p. 456, 4, W. (Boii) ; Paulin, Carmina, X, 241 (Boii).
[9] Basates, dans la vallée du Beuve, Pline, IV, 108 ; Belendi (Pline, IV, 108), sur la Leyre autour de Belin ? ; Tarosates, la région de Tartas le long de la Midouze ? (César, III, 27, 1).
[10] Medulli, C. Licinius Mucianus apud Pline, XXXII, 62 ; Meduli et Medullinus, Ausone, Lettres, 4, 2 et 16 ; 5, 28 ; 7, (2)1 ; 9, 18 ; Medulicus ou Medullicus, Sidoine Apollinaire, Lettres, VIII, 12, 7.
[11] Peut-être jusqu’au nord de la Garonne.
[12] Noviomagus chez les Médulles, nom d’origine gauloise, Ptolémée, II, 7, 7 ; prédominance postérieure de l’expression Boii sur Boiates.
[13] Il faut chercher chez eux les Cocosates (var. Cossates, César, III, 27, 1). Pline (IV, 108) les appelle Cocosates Sexsignani, sans doute par suite du groupement (postérieur à César ?) de six tribus sous ce nom ; cf. Coequosa (Itinéraire Antonin, p. 456, W.) dans la région de Morcenx. Je crois qu’il faut chercher les Bercorcates de Pline (var. Bercordates, IV, 108) dans le pays de Born.
[14] Cf. l’épigramme de Crinagoras, Anthologie palatine, IX, M.
[15] Strabon, IV, 2, 1 ; III, 4, 18.
[16] Strabon, IV, 2, 1.
[17] César, III, 21, 3. C. I. L., XIII, 384 (?).
[18] C. I. L., XIII, 411, 439, 440, 159, 412, 129, 132, 175 ; inscription de Lourdes, Revue des Hautes-Pyrénées, 1907, p. 60.
[19] On peut identifier seulement quelques tribus, outre celles déjà nommées note 8, et plus loin : Sybillates (Pline, IV, 108) ou Sibuzates (var. Sibulates, César, III, 27, 1), la Soule ; Garumai ou Garunni, haute vallée de la Garonne ? (César, III, 27, 1) ; Monesi (Onesii ?), vallée de Luchon ? (Pline, IV, 108 ; Strabon, IV, 2, 1) ; Campo[n]i (Pline, IV, 108), vallée de Campan ? Venami (Pline, IV, 108) = Benarni ? Lescar et Béarn ; les Oscidates montani et campestres de Pline (IV, 108) se retrouvent dans les Notæ Tironianæ (Obsedatus montani et campester, Zangemeister, Neue Heidelberger Jahrbücher, II, 1892, p. 10) et peut-être chez Ptolémée (Δάτιοι, II, 7, 11) : il est possible que ce soit le pays d’Oloron et, par suite, ils peuvent être ibériques.
[20] César, III, 21, 22 : Oppidum Sotialium, Sotiates, avec les var. Sontiates et Sontiatum ; Sotiota au nom. sing., sur les monnaies (Cab. des Méd., 3604-13). Si je ne me trompe sur cet emplacement, Sos devait son importance à sa situation à mi-chemin sur la route de la Garonne à l’Adour, d’Agen ou Port-Sainte-Marie à Sos, et de là à Aire ou à Tartas, Dax et Bayonne (César, III, 20, 2 ; 23, 1). — Autres oppida dès lors probables : Lectoure, Lactora (cf. Camoreyt, La Ville des Sotiates, Auch, 1897, p. 125 et s.) ; Éauze (Elusates, César, III, 27, 1 ; Pline, IV, 108) ; Lescar (Benearnum, itinéraire Antonin, p. 452, 6, W.) ; Oloron (Iluro).
[21] César, III, 21, 3.
[22] Crinagoras, Anthologie palatine, IX, 419, d'où il résulte qu'Auguste a séjourné à Dax : et s'il y a été, c'est que l'endroit était connu : cf. Geist, Krinagorus, Giessen, 1849, p. 4 ; C. I. L., XIII, p. 53
[23] Il es possible aussi qu'Iluro, Oloron, dont le nom paraît ibérique, est une de leurs fondations : aussi bien le pays est juste au débouché du Somport. L'arc Oloron-Tarbes-Auch (par Nay et Trie) indique pour moi la domination ibérique en Aquitaine et, avec celle de Sos, la route la plus fréquentée du pays.
[24] Ausci, César, III, 27, 1 ; Strabon, IV, 2, 1 ; Mela III, 2, 20. Il est possible que le nom d'Aquitains soit né chez eux.
[25] Bigerriones, César, III, 27, 1 ; Begerri, Pline, IV, 108.
[26] Allusion à ces chevaux, ce semble, chez César, III, 20, 3 ; VII, 31, 5. — Les Bigerrions fabriquaient peut-être déjà ces manteaux courts en laine à longs poils qui devinrent célèbres dans le monde romain sous le nom de biggerricæ. Sulpice Sévère, Dialogues, 1 (2), 1, 8, etc.
[27] Trésor de Barcus.
[28] César, III, 23, 2-3 ; 26, 6.
[29] César, III, 23, 3-5.
[30] Les Tarbelli sont mentionnés par César (III, 27, 1), Pline (Tarbelli Quattuorsemani, IV, 108), Tibulle (I, 7, 9), Lucain (I, 421), et par ces trois derniers comme une grande peuplade : mais ou peut se demander si cette peuplade n’était pas une société de tribus groupées par l’Empire romain après la conquête. — Même remarque pour les Cocosates Sexsignani, dans les Grandes Landes, qui du reste ne sont ainsi appelés que chez Pline. — Je ne suis pas non plus convaincu que les Ausci et les Bigerriones aient été de vraies nations avant la conquête. — Le propre de l’administration romaine a été de créer de ces agglomérats de tribus.
[31] Pline et César nous font connaître 31 noms pour 6 ou 7 départements, et si on défalque les Tarbelles, 30 noms pour la valeur de moins de 6 départements : or, les peuplades gauloises sont d’ordinaire plus grandes qu’un département. Outre les noms cités plus haut, ils donnent les suivants, qu’on ne peut identifier : César (III, 27, 1) : Ptianii (var. Sani, Pacianii, Phtiani), Gates (var. Gaules) ; Pline (IV, 108) : Sediboviates (pour sed hi Boviates = Boiates ?), Onobrisates, Pinpedunni (var. Pindedunni, Pinpedumni = les Cinq ?), Lassumni (var. Lasumni), Vellates, Tornates, Succasses (var. Vocassæ), Latusates (Lactorates ?), Vassei (var. Cessei), Sennates (var. Ciennates), Cambolectri Agessinates (ces deux derniers noms représentant une tribu du Conserans ?). Ajoutez peut-être les Borodates de C. I. L., XII1, 397. Les Sallatis (Salatis) des Notæ Tironianæ (p. 10, Zangemeister) me paraissent être une de ces peuplades. Déjà au temps d’Auguste, plusieurs tribus dent été groupées ensemble : nous ne retrouverons plus chez Pline certains noms donnés par César ; Strabon parle seulement de vingt et davantage (IV, 2, 1).
[32] César, III, 20, 1.
[33] Id., III, 23-27.
[34] Aquitani et Aquitania ; César, I, 1, 1, 2 et 7 ; III, 20, 1 ; IV, 12, 4. Auparavant, sans doute avant les progrès de l’influence ibérique, le pays s’était appelé Armorique, mot qui signifie ante mare ; Pline, IV, 31 : Aquitanica Aremorica antea dicta : il ne serait pas impossible, si ce texte est sûr, que ce mot d’Armorique se trouve dans le vocabulaire ligure, à moins que le nom n’ait été donné aux gens de ce rivage par les Celtes du voisinage. Sieglin rapporte à tort Aremorica à Lugdunensis (ap. Detlefsen, Die geogr. Bücher des Plinius, 1904, p. 78) : à changer le texte de Pline, je rapporterais Aremorica à la Belgique, dont le nom semble s’être étendu à l’Armorique.
[35] Cf. note précédente. On sait la fréquence des suffixes -itanus, -etanus en Espagne ; cf. Hübner, Monumenta, p. CIII ; Schuchardt, Die iberische Deklination, p. 33-4.
[36] Cf. César, III, 21, 1 : Totius Aquitaniæ salutem.
[37] César, III, 23, 5 et 6 ; III, 22.
[38] Cf. Strabon, III, 4, 101 ; Diodore, V, 35, 3.
[39] Cf. Avienus, 549-557 ; César, De b. c., III, 19, 2 ; Jérôme, Adv. Vigilantium, 4, P. L., XXIII, c. 342 : ceux-ci sont les brigands que Pompée fit descendre dans le Comminges sous le nom de Convenæ, Strabon, IV, 2, 1. Les Consoranni du Conserans (var. Consuarani, Pline, III, 32 ; IV, 108) ont dû être groupés de la même manière. Les Bébrvces des montagnes du Roussillon n’étaient d’abord que des bergers. Les populations primitives des vallées de la Neste, de la Pique, de la Garonne, du Salat, ont dû se rattacher à l’Aquitaine (cf. Strabon, IV, 2, 1), et quelques noms que nous avons donnés plus haut sont ceux de tribus de cette partie des Pyrénées.
[40] C. I. L., XIII, n° 1-382, 397-406 ; de Ricci, Revue celtique, XXIV, 1903, p. 71-73. Sur cette langue pyrénéenne, nous n’avons que des noms propres, où l’on constate, par-dessus nombre de radicaux ligures, des influences ibériques, et, postérieures, sans doute, des influences celtiques : mais nous ne la saisissons que longtemps après l’installation de ces brigands dans le pays d’en bas. La phonétique, dans ce parler, semble plus originale que le vocabulaire. Cf. Luchaire, Les Origines linguistiques de l’Aquitaine, Pau, 1877 ; le même, Étude sur les idiomes pyrénéens de la région française, 1879 ; Hübner, Monumenta, p. CXXVIII et suiv. ; en dernier lieu, Schuchardt, Die iberische Deklination, Vienne, 1907 (extrait des Sitzungsberitche de l’Académie). — Bladé, Les Convenæ et les Consoranni, Revue des Pyrénées, juillet-août, 1903.
[41] Bagnères (C. I. L., XIII, 387-391) ; Luchon (345-364 ; Strabon, IV, 2, 1 ?) ; plus loin, Amélie-les-Bains, autrefois les bains d’Arles (XII, 5367).
[42] Avienus, 550-2 ; Strabon, III, 4, 11. La légende d’Hercule y pénétra, et Puycerda peut-être parait pour un camp d’Hercule, Silius, III, 357.
[43] Le nom parait ibérique.
[44] Strabon, IV, 1, 6 (par Polybe).
[45] Vidal de La Blache, Tableau, p. 342.
[46] Voyez la situation de Cimiez, Vence.
[47] Je crois Fréjus une station commerciale antérieure à la conquête. Les tribus maritimes à l’est de la rade de Bormes sont : les Deriates auprès d’Antibes, les Oxybiens auprès de Nice, et d’autres à chercher parmi les tribus indéterminées de la onzième note ci-dessous.
[48] Tite-Live, XXI, 32, 7 ; Lucain, I, 442-443.
[49] César, De bello Gallico, I, 10, 4.
[50] Polybe, III, 52, 2.
[51] De mirabilibus auscultationibus, 85 ; Diodore, IV, 19, 4.
[52] Quariates, Pline, III, 35 ; Quadiates, C. I. L., V, 7231 ; XII, 80.
[53] Le peuple de Digne est appelé Bodioniici (var. Bodiontii), d’après Pline, III, 37, et ce nom rappelle les Brodionti du Trophée de La Turbie ? (Pline, III, 137). Mais il est appelé Σέντιοι (var. Σένποι), d’après Ptolémée, II, 10, 8, et ce nom rappelle les Sogionti (var. Sontionti) du même Trophée et d’une inscription (C. I. L., XII, 1871). Il est possible qu’il n’y ait pas à sacrifier t’un de ces deux textes, et que la cité de Digne ait été formée de deux tribus.
[54] Sans doute les A(v)antici (ms. Acantici, Agantici) de Pline, III, 37.
[55] Ce sont les Albici ou Albicci de César, De bello civili, I, 34, 4 ; 56, 2 ; 57, 3 ; 58, 4 ; II, 2, 6 ; 6, 3 ; les Άλβιεΐς καί (ή ?) Άλβίοικοι, de Strabon, IV, 6, 4.
[56] D’après ce que les Anciens nous ont dit de la route d’Hercule, qui est celle du mont Genèvre.
[57] Les Medulli, peut-être divisés en deux tribus, correspondant à la Basse et Haute Maurienne : Strabon, IV, 6, 5 ; IV, 1, 11 ; C. I. L., V, 7231 ; Pline, III, 137 ; Ptolémée, II, 10, 7 ; Vitruve, VIII, 3, 20. Ce sont sans doute les deux peuples rencontrés par Hannibal, en tout cas le dernier.
[58] Ceutrons et non Centrons, peut-être gaulois : César, I, 10, 4 ; Strabon, IV, 6, 6, 7 et 11 ; Pline, III, 135 ; C. I. L., XII, 113, 110, 107. Vaches et fromages de Tarentaise, Pline, XI, 240. — Autres tribus ligures des Alpes : Graioceli chez César (I, 10, 4), sans doute le val de Suse ; Iconii dans Strabon, IV, 6,5 (les mss. ont Σικόνιοι) et 1, 11 (les Ucenni de Pline, III, 137 ?), le Champsaur ou, plutôt, l’Oisans. Dans le futur royaume de Cottius, de Suse, de Briançon, et par conséquent en partie sur le versant italien (d’après l’arc de Suse, C. I. L., V, 7231 ; cf. Pline, III, 135) : Adanates ou Adunicates (cf. C. I. L., XII, 80. Pline, III, 35) ; Belaci ; Tebavii ; Ecdinii (et. Pline, III, 137) ; Iemerii ; Savincates (cf. C. I. L., XII, 80) ; Segovii et Segusini, certainement la vallée de Suse (cf. Holder, II, c. 1435-7) ; Veaminii (cf. Pline, III, 137) ; Venisami ; Vesubiani ou Esubiani (cf. Pline, III, 137). — Non loin du Queyras : Capillati (peut-être nom collectif importé par les Romains), C. I. L., XII, 80 ; Pline, III, 47 et 135 ; XI, 130 ; Dion Cassius, LIV, 24, 3. — Encore, dans le Trophée d’Auguste à La Turbie (Pline, III, 136-7 : C. I. L., V, 7817) : Edenates ou Edemnates (peut-être les mêmes que les Adanates de plus haut) ; Briciani ou Brigiani (cf. C. I. L., XII, 80, 57, 58, peut-être Briançonnet et la vallée de l’Estéron) ; Brodionti et Sogionti ; Nemaloni ; Gallitæ ou Gallitri ; Triullati ou Triulacti ; Vergunni (haute vallée du Verdon en partie du diocèse de Castellane ?) ; Eguituri (ou Egui (et) Turi ; cf. Turi, Pline, III, 135) : Nematuri ; Oratelli ; Nerusi ; Velauni ou Velauri ; Suetri. Ces peuples doivent être cherchés dans les Alpes Maritimes, au sud du col de Larche. — Autres tribus encore : Suelleri, sur la mer, du côté des Maures ou de l’Estérel ? (différents des Suetri de plus haut ?) supraque Verucini : deux tribus dont je ne sais s’il faut les placer chez les Salyens ou dans la future cité de Fréjus ; regio Ligaunorurn, le rivage après Nice ? ; Suebri (les Suetri du Trophée ?) ; Vedianiii, dans le pays de Cimiez. Ces derniers noms épars chez Pline, III, 34, 35 et 47. — Nous reparlerons plus loin des Caturiges et des tribus que nous croyons rattachées aux Salyens. — Je crois qu’une étude approfondie des documents du Moyen Age permettra de retrouver la place de quelques-unes de ces tribus. Voyez, sur la géographie de ces pays : Florian Vallentin, Les Alpes Cottiennes et Graies, 1883 ; Rullier, Le Pays des Centrons, Moutiers, 1891 ; Bey, Le Royaume de Cottius, Grenoble, 1898 (Bull. de l’Acad. Delphinale, IVe s., XI) ; Burlet, La Savoie avant le Christianisme, Chambéry, 1901.
[59] Les goitreux mentionnés chez les Médulles, Vitruve, VIII, 3, 20.
[60] Voyez ce que dit César des gens de Riez, De bello civili, I, 34, 4, sans parler des batailles livrées par Hannibal.
[61] Ceutrones (Tarentaise), Graioceli (val de Suse), Caturiges (Chorges et Embrunois), César, I, 10, 4. Pour qu’une telle coalition ait été possible et, comme il apparaît, vivement formée, il faut supposer des communications assez rapides entre ces tribus par les cols de l’Iseran ou de la Vanoise, le mont Cenis et le mont Genèvre. Au temps d’Hannibal, au contraire, chaque tribu agit pour son compte.
[62] Strabon, II, 5, 28 : Παραπλήσιοι δέ τοΐς βίοις : à rapprocher du Semigalli de Tite-Live, XXI, 38, 5, et peut-être de Pline, XI, 130.
[63] Surtout par Trets et Barjols.
[64] Albici... in eorum fide antiquitus, César, De bello civili, I, 34 4.
[65] César, ibid., 1, 34, 4 ; 57, 3 ; 58, 4 ; II, 2, 6 ; 6, 3.
[66] César, ibid., 1, 34, 4 ; 56, 2 ; 57, 3 : 58, 4 ; 11, 2, 6 ; 6, 3. Il est question chez Posidonius d’un Marseillais qui louait des Ligures, hommes et femmes, pour des travaux de terrassement, des fosses à creuser, semble-t-il, dans les champs (Strabon, III, 4, 17).
[67] Que le Grand Saint-Bernard, outre les bandes de guerre, ait été aussi fréquenté par les marchands, cela résulte des nombreux portoria levés sur eux par les populations du Valais (César, III, 1, 2).
[68] César en nomme 3 en 56 (III, 1, 1 et 4 ; 2, 1 ; 6, 5) : Nantuates (cf. IV, 10, 3 ?), autour de Saint-Maurice ; Veragri (Varagri ?), autour de Martigny ou Octodurus ; Seduni, autour de Sion (Sedunum, Holder, II, c. 1435-7). On citera plus tard les Uberi dans le Haut Valais (Trophée de La Turbie, Pline, III, 137 ; C. I. L., XII, p. 20).
[69] La principale localité, Octodurus, Martigny, est une très grosse bourgade non tortillée, César, III, 1, 4-6.
[70] César, III, 1, 4, castella.
[71] III, 2, 4 ; 4, 1.
[72] Semigermani, Tite-Live, XXI, 38, 8.
[73] Cf. César, VI, 24, 1-2 ; I, 31, 5.
[74] Pro nativo muro objectam, César, VI, 10, 5.
[75] C’est probablement (du Taunus au Thuringerwald) la silva Barenis, laquelle séparera plus tard les Chérusques (et sans doute les Ubiens) d’avec les Suèves, César, VI, 10, 5.
[76] Tacite, Germanie, 28.
[77] César, VIII, 25, 2 ; VII, 63, 7 ; V, 3, 1. La vérité était que, d’une part, la cité cultu et feritate non multum a Germanis differebat (VIII, 25, 2), et que, d’autre part, elle eut pour clientes des tribus germaniques cisrhénanes, comme les Condrusi (IV. 6, 4).
[78] César mentionne comme tribus germaniques, outre les Éburons : 1° Condrusi (II, 4, 10 ; IV, 6, 4 ; VI, 32, 1) ; c’est le Condroz, pagus Condrucius (Holder, I, c. 1048) ; 2° Cærœsi ou Cærosi (II, 4, 10), pagus Carascus ou pays de Prüm ?? (cf. Longnon, pl. 8) ; 3° Pæmani (var. Cæmani, II, 4, 10), Famenne ou le pagus Falminis, vallée de la Lesse ? ; 4° Segni (VI, 32, 1), haute vallée de l’Ourthe, partie du pagus d’Ardenne ? Ces tribus, Éburons compris, uno nomine Germani appellantur (II, 4, 10), ex gente et numero Germanorum (VI, 32, 1). — Sur ces peuples : Zeuss, Die Deutsch, p. 212 et s. ; Boulez, Borgnet et Wauters, Bulletins de l’Académie... de Belgique, XXXIe a., IIe s., XIII, 1862, p. 379 et s. ; Müllenhoff, Deutsche Altertumskunde, II, 1887, p. 196 et s. ; Piot, Les Pagi de la Belgique, dans les Mémoires couronnés, etc., Académie royale... de Belgique, in-4°, XXXIX, I, 1876.
[79] Le domaine des Éburons me parait embrasser le pagus Hasbanii ou Hesbaye, et les pays de Liège, Verviers, Aix-la-Chapelle ; César, V, 24, 4 ; VI, 5, 4. Il ne devait pas descendre bien au delà de Maëstricht, étant ignobilis et humilis civitas (V, 28, 1). Aduatuca, Tongres, castellum, fere in mediis Eburonum finibus (VI, 32, 3, 4).
[80] César, II, 29, 4 ; Namur semble leur principal oppidum, II, 29-33.
[81] Peut-être quelques tribus clientes. Plus au nord encore, je doute fort qu’il n’y ait pas eu des Germains parmi les Ménapes.
[82] Eburones, cf. l’allemand Eber, sanglier. On rapproche le mot, d’ordinaire, de l’irlandais ibhar, taxus, if.
[83] César, VI, 30, 3 ; 43, 2.
[84] Id., VI, 32, 4 ; 34, 1.
[85] Id., VI, 31, 2 ; 34, 2 ; 43, 6.
[86] Cela ressort de l’indépendance respective de chacune d’elles, et de ce que dit Ambiorix (V, 27, 3).
[87] V, 34, 3 ; 35, 2 et 6.
[88] V, 32, 35, 37. La force de leur infanterie résulte du récit de la bataille.
[89] V, 24, 4 et 37.
[90] César, IV, 8, 4 ; cf. II, 4, 10.
[91] Id., V, 27, 8 ; VII, 63, 7.
[92] Ambiorix, Catuvolcus, V, 24, 4 ; 26, 1.
[93] Voyez le discours d’Ambiorix, V, 27, 4-6.
[94] Cf. Pline, XVII, 47, qui, il est vrai, peut parler surtout de la rive gauche.
[95] César (IV, 3, 3) parle d’un état de choses antérieur à l’arrivée des Suèves, qui a changé toutes les conditions du pays (cf. t. III) : Ubii, quorum fuit civitas ampla atque florens... et paulo sunt ejusdem generis ceteris humaniores, propterea quod Rhenam attingunt multumque ad eos mercatores ventitant, et ipsi propter propinquitatem Gallicis sunt moribus assuefacti. Les Ubiens ont dû s’étendre primitivement depuis le Taunus jusqu’à la Ruhr, conjointement peut-être avec les Usipètes et les Tenctères, que nous retrouverons plus tard, semble-t-il, dans cette dernière vallée (IV, 4, 1) ; au delà de la Ruhr, au moins au temps de César, les Sicambres, Sugambri (IV, 16, 2 ; 18, 2, 4 ; 19, 4 ; VI, 33, 5).
[96] Ce nom se trouve chez César (V, 12, 2) et Hirtius (VIII, 46, 4 et 7 ; 49, 1 ; 54, 4). César entend par Belges tous les peuples au nord de la Marne, vallée de la Moselle comprise (I, 1, en particulier 3 ; II, 1 ; III, 11, 1 et 2). Belgium parait être un terme géographique d’origine gauloise, analogue à Cantium (César, V, 13, 1), à Celticum (Tite-Live, V, 34, 2).
[97] César, II, 4.
[98] II, 4, 2.
[99] Ils ne font pas partie de la ligue de 57 (II, 4).
[100] Peut-être ce nom de Belges se localisa-t-il autour des Rèmes, ou des Bellovaques (II, 4, 5), ou des Suessions (II, 4, 7). Cluvier identifiait Belgium et Bellovaques ; Carlier (Disc. sur l’étendue du Belgium, 1753, p. 14) réservait le mot de Belgium pour les Bellovaques, les Ambiens et les Atrébates.
[101] César, I, 1, 3 ; II, 3, 4 ; II, 4, 2 et 3 ; 8, 1.
[102] I, 1, 3 ; II, 4, 2 et 3 ; VIII, 24, 1.
[103] César, II, 8-33 ; III, 28-29 ; IV, 37-38 ; V, 26-58 ; VI, 5-8, 43 ; VIII, 66-23, 45-48.
[104] Voir la note précédente. César, II, 1, 1 ; VIII, 43 et 48 ; VIII, 24 ; Salluste, fr. I, 11, Maurenbrecher ; Frontin, Stratagèmes, II, 13, 1.
[105] Cf. Vidal de La Blache, p. 133.
[106] César, I, 1, 3.
[107] Cela me parait résulter des monnaies de l’indépendance et des sculptures gallo-romaines.
[108] César, VI, 30, 3 ; II, 7, 3 ; III, 29, 3 ; IV, 4, 2 ; 38, 3 ; VI, 6, 1 ; 43, 2 ; VIII, 7, 2 ; 10, 3. César emploie surtout pour la Belgique le mot d’ædificium.
[109] César, II, 29, 2 ; VI, 32, 4.
[110] Chez les Nerviens, César, II, 17, 4, les Trévires (V, 3, 1), et sans doute aussi chez les Éburons.
[111] Voyez § 6.
[112] Voyez § 8.
[113] César semble attribuer aux Belges les Calètes (pays de Caux) et les Véliocasses (Vexin normand et Rouen) (II, 4, 9 ; VIII, 7, 4) ; je ne suis pas convaincu que leur adhésion au nom belge n’ait pas été purement occasionnelle, comme cela se fit pour d’autres peuples (cf. VIII, 7, 4). Strabon place les Calètes chez les Belges (IV, 3, 5) ; Pline, les deux peuples en Lyonnaise (IV, 107) ; de même Ptolémée (II, 8, 5). Tous les autres peuples en -casses sont dans la Celtique des temps romains (sans que je veuille dire que le mot soit d’origine celtique : je le crois ligure, et signifiant chêne ?). Je fais donc, mais sous réserves, les Calètes des Belges et les Véliocasses des Celtes.
[114] Longnon, pl. 7 et 8.
[115] En admettant que les Meldes (Meaux) soient des Belges (cf. César, V, 521. ce qui n’est pas absolument certain.
[116] Cluvier, Germania antiqua, p. 383 et s. ; Schayes, La Belgique et les Pays-Bas, etc., éd., I, 1877, p. 28 et 1.
[117] Nervii. — Aux Nerviens se rattachent leurs tribus clientes ou sujettes (César, V, 39, 1) : Ceutrones (var. Centrons), Grudii, Levaci, Pleumoxii, Geidumni, qu’on place d’ordinaire partie dans le Brabant belge, partie au sud de la Sambre, au nord de la forêt de Fagnes (pagus Lommensis).
[118] Sorte de voie Appienne du Nord de la Gaule (Vidal de La Blache, p. 95), et déjà capitale dans l’histoire des guerres de César (suivie par lui en 57, II, 18-33 ; par César et Ambiorix en 54, V, 26-52 ; peut-être aussi par César en 53, VI, 29-43).
[119] C’est à Bavai, Bagacum, que sera la capitale des Nerviens sous la domination romaine.
[120] Voyez Vidal de La Blache, Tableau, cartes des p. 54 et 03, et p. 36, 61, 64.
[121] César, II, 28, 2 ; VII, 75, 3.
[122] Id., II, 17, 4.
[123] II, 15, 5 ; II, 4, 8.
[124] II, 15, 4.
[125] II, 15, 4.
[126] II, 17, 4 ; cf. II, 23, 4 ; 27, 5.
[127] Morini = Ceux de la Mer ? Parmi eux doivent être compris le pagus Gesoriacus (mss. Chersicaus ou Cersiacus), ou pays de Boulogne, et les Oromarsaci (ora Marsaci ?), peut-être pays de Mark (Pline, IV, 100) : je doute fort qu’il faille rapprocher cette dernière indication des Marsaci cités ailleurs, et qui sont en Germanie Inférieure (Pline, IV, 101 ; Dessau, Inscr., 2508 — C. I. L., VIII, 8303 ; C. I. G., XIII, 8317 ; Tacite, Hist., IV, 50), ce qui est l’opinion courante.
[128] César, IV, 22, 1, 5.
[129] Pline, X, 53 ; XIX, 8.
[130] César, IV, 21, 3 ; V, 2, 3 ; Strabon, IV, 5, 2 ; Mela, III, 2, 23 ; Pline, IV, 122.
[131] César, IV, 21, 3.
[132] II, 4, 9 ; III, 9, 10 ; 28, 1 ; IV, 37, 1.
[133] La ligne marquée au nord par les marais de l’Aa, les bois de Ruminghem, de Clairmarais et de Nieppe, qui devaient les séparer des Ménapes.
[134] III, 28 et 29 ; IV, 38, 1.
[135] Virgile, Énéide, VIII, 727 ; Mela, III, 2, 23 ; Pline, XIX, 8. Elle leur fut appliquée sans doute parce qu’ils étaient, sur le continent, le dernier peuple que l’on rencontrait sur la route internationale de Marseille à la Grande-Bretagne.
[136] Strabon, IV, 3, 4.
[137] Venapii : César, IV, 4 ; Strabon, IV, 3, 4. Je crois le nom préceltique, et, par suite, de même origine et de même sens que celui des Manapii d’Irlande (Ptolémée, II, 2, 7 et 8). Leurs frontières du côté du continent étaient marquées par l’Aa, la Lys et les bas-fonds de la Deûle et de l’Escaut supérieurs, sur lesquels César bâtit ses ponts (VI, 6, 1). Il faut sans doute comprendre parmi les Ménapes les Ambivariti (IV, 9, 3), tribu située des deux côtés d’une rivière appelée *Ivara, soit dans le Brabant hollandais, soit dans les terres du Limbourg.
[138] IV, 10, 2.
[139] II, 4, 9 ; III, 9, 10 ; IV, 4, 7.
[140] César, VI, 6, 1 ; Martial, XIII, 54.
[141] César, III, 29, 3 ; IV, 38, 3 ; IV, 4, 2, 6 et 7 ; VI, 6, 1 ; Dion Cassius, XXXIX, 44, 2 : Οΰτε γάρ πόλεις έχοντες, remarque qui n’est pas dans César.
[142] Sans doute déjà Cassel, à la frontière occidentale.
[143] César, III, 28, 2, 3, 4 ; 29, 2 ; VI. 5, 4 et 7 ; Strabon, IV, 3, 4 ; Salluste, Histoires, fr. I, 11.
[144] Cf. Pline, XVI, 1. Absence de monnaies chez eux.
[145] Cluvier, Germanica antiqua, p. 363 et s. ; Calmet, Hist. eccl. et civ. de Lorraine, I, 1728, c. 1 et s. Voir aussi les articles dispersés dans : Jahrbücher des Vereins von Allerthumsfreunden im Rheinlande, I et s., Bonn, 1842 et s. (Donner Jahrbücher) ; Pick, Monatschrift für rheinisch-westfalische Geschichtsforschung, I-VII, 1875-81, Bonn et Trèves ; Westdeutsche Zeitschrift, I et s., Trèves, 1882 et s.
[146] Leuci. Les Leuques, plus tard cité de Toul, avaient pour frontière la crête des Vosges depuis le Ballon d’Alsace jusqu’au Donon.
[147] Métropole des Leuques sous la domination romaine.
[148] César s’allia avec elle dès 58, s’approvisionna de blé chez elle (I, 40, 11), et n’en parle qu’à ce propos.
[149] Cf. Bechstein, Les Antiquités du Donon, trad. Baldensperger, 1892-3, Saint-Dié (Bulletin de la Société philomathique vosgienne).
[150] César, I, 40, 11. Il s’agit des blés du Vermois et du Xaintois, célèbres par toute la Lorraine.
[151] Arnaville est la dernière localité française sur la Moselle, et c’était là que finissait le pays leuque de Scarponne, Longnon, pl. 8.
[152] Mediomatrici : César, VII, 75, 3 ; Mediomatrices (mss. α, et -ci mss. β), IV, 10, 3 ; la forme -icus l’a emporté. — Grenier, Habitations gauloises et Villas latines dans la cité des Médiomatrices, 1900.
[153] César, IV, 10, 3 : le Nordgau ou le territoire de Strasbourg, jusqu’au sud des bois de Schlestadt (Longnon).
[154] Marosallum = grande-saline ?, Marsal (C. I. L., XIII, 4505), doit sans doute son nom aux mines de sel du Saulnois ou de la vallée de la Seille.
[155] 1° route du nord-est de Reims à Strasbourg par Valmy, Metz et le col de Saverne ; 2° route de la Moselle.
[156] César n’en parle que pour mentionner leur envoi de 5.000 hommes à Alésia, VII, 75, 3.
[157] Treveri (surtout mss. α) et Treviri (surtout mss. β) chez César.
[158] La frontière française était un peu en aval de Sierck ; la frontière trévire, peut-être un peu en amont, Longnon, pl. 8.
[159] Peut-être depuis la Lauter et ses forêts, ancienne limite de la France, jusqu’à Andernach et son défilé, avec Spire, Worms, Mayence, Coblentz ; cf. César, III, 11, 1 ; IV, 10, 3.
[160] IV, 6, 4.
[161] Cf. César, V, 3, 1 ; Mela, III, 2, 20.
[162] César, V, 3, 1.
[163] VII, 63, 7 ; VIII, 25, 2.
[164] VIII, 25, 2.
[165] Malgré les rapports continus de guerre ou de négociations qu’il eut avec eux, César ne nomme chez les Trévires ni oppida, ni vici, ni castella ; en cas de guerre, la forêt sert de refuge (V, 3, 4).
[166] Pline, XVIII, 183.
[167] Je veux parler des vignes.
[168] César, II, 24, 4 ; V, 2, 4 ; V, 3, 1 ; VII, 63, 7 ; VIII, 25, 2.
[169] Id., IV, 1, 1 ; IV, 4.
[170] Id., I, 31, 5 ; IV, 10, 3.
[171] Schœpflin, L’Alsace illustrée, I, 1849. Mulhouse (trad. fr. de l’Alsatia illustrata, parue en 1751) : l’œuvre demeure de premier ordre.
[172] César, IV. 10, 3 ; cf. I, 31, 10.
[173] Et sans doute aussi par les terrasses agricoles de lœss qui forment chaussée de Saverne à Strasbourg ; cf. Vidal de La Blache, p. 229. Le mont Sainte-Odile a pu être le refuge des Médiomatriques d’Alsace.
[174] César, IV, 10, 3 ; cf. I, 37, 3.
[175] Cf. César, I, 31, 4-5, 10.
[176] Cf. Vidal de La Blache, Tableau, p. 84 et suiv.
[177] Atrebates, César, II, 4, 9 ; 16, 2 ; 23, 1 ; IV, 21, 7 ; V, 46, 3 ; VII, 75, 3 ; VIII, 7, 4. — Terninck, Études sur l’Atrébatie, I, Arras, 1874 (sommaire pour la période préromaine).
[178] Nemetocenna, César, VIII, 46, 7 ; 52, 1.
[179] Ambiani, II, 4, 9 ; 15, 2 ; VII, 75, 3 ; VIII, 7, 4.
[180] Samarobriva, V, 24, 1 ; 47, 2 ; 53, 3 ; Cicéron, Ad familiares, VII, 11, 2 ; 12, 1 ; 16, 3.
[181] Amiens est un carrefour de premier ordre : 1° route vers Noyon, Soissons, Reims, peut-être tronçon d’une grande voie commerciale de Marseille à Boulogne ; 2° route de Beauvais, qui sera une étape la voie romaine entre ces deux points (Strabon, IV, 6, 11) ; suivie par César en 57, II ? 15, 2 ; par Crassus en 54, V, 46, 1 ; 47, 1-2 ; 3° route de Boulogne, continuation des deux précédentes ; 4° route sur le seuil de Vermandois, par Bapaume, Cambrai, Bavai ; suivie par César en 57, II, 15, 3 ; en 54, V, 47, 2. De là l’importance du pont d’Amiens, et le choix de cette ville, par César, pour lieu du conseil gaulois et de campement d’hiver.
[182] Caletes et Caleti chez César, II, 4, 9 ; VII, 75, 4 ; VIII, 7, 4.
[183] Les Atrébates fournirent 15.000 hommes, les deux autres 10.000 à la ligue belge de 57 (II, 4, 9) ; à la ligue générale de 52, les Ambiens 5.000, les Atrébates 4.000 (VII, 75, 3).
[184] IV, 21, 7 ; VIII, 6, 2 : 23 ; 47-48 ; Frontin, II, 13, 11.
[185] Si ce n’est qu’il rattache les Calètes, mais une seule fois, aux Armoricains (VII, 75, 4).
[186] Cf. Vidal de La Blache, p. 98.
[187] Bellovoci (mss. α) ou Bellovagi (mss. β), chez César, II, 4, 5 ; 15, 1 ; VII, 59, 5 ; VIII, 6, 2 ; Strabon, IV, 3, 3. — Leblond, Le Pays des Bellovaques, Caen, 1906 (Congrès arch., LXXII, 1905, tenu à Beauvais).
[188] Route du seuil de Vermandois. Une autre route importante qui traversait le territoire des Bellovaques était celle d’Amiens et Boulogne, qui devait rencontrer celle-là vers Creil.
[189] César, II, 4, 5 ; cf. 15, 1.
[190] II, 13, 2 : ce devait être un enclos assez considérable. Il faut le chercher sur quelque croupe des environs de Beauvais : Beauvais, qui doit son nom aux empereurs, Cæsaromagus, ne peut être qu’une ville neuve, fondée après la conquête. C’est tout à fait à tort qu’on y place Bratuspantium.
[191] II, 4, 5 ; 15, 1 ; VII, 59, 5 ; VIII, 6, 2.
[192] César, II, 4, 5 ; VII, 75, 5.
[193] Suessiones, II, 4, 6-7 ; cf. Lucain, I, 423. — Dubuc, De Suessionum civitate, Paris, 1902.
[194] Voyez leurs relations avec la Bretagne, II, 14, 4.
[195] Là eut lieu la première bataille entre César et les Belges en 57, II, 9 et 10. La frontière entre Rèmes et Suessions devait être en aval, vers Pont-Arcy, II, 12, 1.
[196] Le Beauvaisis ne parait pas avoir quitté la rive droite.
[197] Route, suivie par César en 57, de Reims vers Soissons, II, 12. — Cette route rejoint à Reims celle du Midi.
[198] César, II, 4, 7 ; cf. Strabon, IV, 3, 3.
[199] 50.000 levés en 57, II, 4, 7, y compris sans doute les gens de Meaux (Meldi), Senlis (Silvanectes), Noyon, du Valois et de l’Orxois, et peut-être même du Laonnais, de la Thiérache et du Porcien. On ne s’expliquerait pas, en effet, que César eût dit fines latissimos à propos des Suessions (II, 4, 6), si leur empire n’avait pas compris en ce temps-là ces tribus voisines. Les douze oppida dont parle César (II, 4, 7) doivent aussi être cherchés en partie, hors du Soissonnais. Les Suessions proprement dits correspondent à ce Soissonnais, et ne devaient être qu’une tribu.
[200] César, II, 4, 6.
[201] César, II, 12, 1. On a supposé Pommiers. — Soissons, Augusta, fut comme Beauvais, une ville neuve fondée après la conquête.
[202] VIII, 7, 4.
[203] II, 4, 7.
[204] Veromandui ou Viromandui, cités à part par César, II, 4, 9, fournissent 10.000 hommes à la ligue belge. Ligués avec les Nerviens en 57, II, 16, 2 : 23, 3. Le rôle de ce pays, évidemment plus important que les suivants, tient à sa situation sur cette route.
[205] N’est pas nommé par César, et devait se rattacher aux Viromandues.
[206] Ne sera nommé que par Pline (IV, 106) : Ulmanectes, qu’on croit (je n’en suis pas sûr) une faute pour Silvanectes, qui sera plus tard le nom consacré ; selva (= silva) est gaulois.
[207] Plus tard pagus Vadensis. — Sur la question de savoir si ce pagus correspond aux Vadicasses de Ptolémée (II, 8, 11), ce qui est fort possible, Belley, Hist. de l’Ac. des Inscr., XXXI, p. 250 et s. (qui voit en eux les Baïocasses de Bayeux, p. 489, n. 5).
[208] César, V, 5, 2, nomme les Meldi à titre géographique, jamais à titre militaire : la correction Unelli est à rejeter. Et si Strabon (IV, 3, 5) mentionne les Meldes comme maritimes, c’est peut-être parce qu’il a mal compris César.
[209] Remi, II, 3, 1 ; II, 5, 1 ; etc. ; Strabon, IV, 3, 5.
[210] César ne mentionne aucun autre peuple entre les Lingons, que touchent les Rèmes (II, 3, 1), et les Trévires et les Suessions, dont les Rèmes sont également les voisins (V, 3, 4 ; 24, 2 ; II, 12, 1). — Il est fort possible que Thiérache, Laonnois, Porcien, après avoir été aux Suessions, aient été attribués aux Rèmes seulement par César en 57 ; en tout cas, en 54, ceux-ci allaient jusqu’aux Ardennes, V, 3, 4 ; cf. VIII, 6, 2. — Il faut incorporer aux mêmes le pays de Châlons, habité par les Catalauni peut-être à l’origine plutôt Catavellauni ; cf. Holder, I, c. 863-4). Le Perthois est certainement aux Rèmes, qui devaient aller, sur la Marne, jusqu’au delà de Joinville.
[211] César, II, 6, 1.
[212] Les mss. β ont Durocorterum : VI, 44, 1 (séjour de César et Conseil des Gaules en 53) ; Δουρικορτόρα, Strabon, IV, 3, 5. Le lieu n’est pas appelé oppidum et n’était peut-être pas fortifié : duro- correspond à vicus et n’implique pas une enceinte murale, au contraire.
[213] II, 3, 1.
[214] II, 12, 5 ; V, 54, 4 ; VI, 4, 5 ; VII, 63, 7 ; VIII, 6, 2 ; VIII, 12,
[215] II, 6 et 12.
[216] V, 3, 4. Route de Bavai par Vervins, de Tongres par Mézières.
[217] Route de Metz par Verdun ; route de Trèves par Mouzon (peut-être prise par Labienus en 56, III, 11, 2) ; route de Toul par Naix. — La Meuse, de la Semoy aux bois en amont de Dun, dépendait des Rèmes ; le pays de Verdun était aux Médiomatriques ; le Barrois et le pays de Soulosse ou de Neufchâteau, aux Leuques. — Je crois qu’une grande route suivie par les trafiquants passait sur les terres des Rèmes, de Langres à Reims et Boulogne par le pont de Châlons ; c’est la route suivie par César lors de l’invasion de la Belgique en 57 (II, 1, 6 et 3, 1). — La troupe qu’il a faite opérer chez les Bellovaques, a dû marcher, de Châlons, par la Marne, Meaux et Paris (II, 5, 2 et 3 ; 14, 5).
[218] Cf. César, II, 3, 5.
[219] II, 4, 4 : Propinquitatibus affinitatibusque conjuncti.
[220] Voyez, sur le rôle possible de Reims, Vidal de La Blache, p. 107 ; sur son importance pour la région meusienne, idem, p. 214.
[221] Même phénomène dans le haut Moyen Age : Nous sommes habitués à faire pivoter notre histoire autour de Paris : pendant longtemps elle a pivoté entre Reims, Laon, Soissons et Noyon ; Vidal de La Blache, p. 106.
[222] Et cela peut expliquer la richesse particulière de leurs sépultures.
[223] De Courson, Hist. des peuples bretons, I, 1846 ; Halléguen, Les Celtes, les Armoricains, les Bretons, 1859 (très sommaire) ; Lallemand : 1° Vénétie Armoricaine, Vannes, 1860 ; 2° Campagne de César dans la Vénétie Armoricaine, 1861, Vannes ; Sioc’han de Kersabiec, Corbilon, Samnites, Vénètes, Namnètes, Nantes, 1868 (Société d’arch... de Nantes) ; Kerviler, Études critiques sur l’ancienne géographie armoricaine, Saint-Brieuc, 1882 ; Maître, Géogr. hist. et descriptive de la Loire-Inférieure, I, Nantes. 1883 ; de La Borderie, Hist. de Bretagne, I, 1896.
[224] Voisin, Les Cénomans, 1862 (fantaisiste) ; Le Fizelier, Études sur la géographie du Bas Maine, Arvii et Diablintes, Tours, [s. d.] (Congrès du Mans et Laval, 1878) ; Liger, La Cénomanie romaine, 1904.
[225] Sous les réserves faites, au sujet des influences belges et des relations avec la Belgique, t. I, ch. VIII, § IX, et ci-dessous.
[226] Cochet, La Normandie souterraine, 2e éd., 1855 ; le même, Sépultures gauloises, etc., 1857 ; le même, La Seine-Inférieure hist. et arch., 2e éd., 1866.
[227] César (II, 34) fait allusion en 57 à ce groupement sans le nommer (quæ sunt maritimæ cicitates Oceanumque allingunt) ; de même en 52 et dans les mêmes termes (VII, 4, 6) ; en 56, omnis ora maritima (III, 8, 1 et 5). En 54, civitatum quæ Armoricæ (sic mss.) appellantur (V, 53, 6) ; en 57, quæ Oceanum allingunt [cette expression, qui revient cinq fois, doit être la traduction du mot Armorique] quæque eorum consuetudine Armoricæ appellantur (VII, 75, 4) ; en 51, Oceano conjunctæ, quæ Armoricæ appellantur (VIII, 31, 41 ; en 51, omnem illam regionem conjunctam Oceano (VIII, 46, 4). Outre les peuples de la Bretagne et de la Normandie, César incorpore dans cette expression les Aulerques (II, 34), les Calètes (VII, 75, 4).
[228] Aremorici, antemarini, Glossaire d’Endlicher. Cf. note précédente.
[229] Les cités armoricaines ne fournissent que 30.000 hommes à Vercingétorix (VII, 75, 4). Mais cette armée parut bien médiocre à César (III, 19, 3-4).
[230] Sur la grande forêt intérieure, cf. de La Borderie, Histoire de Bretagne, I, p. 42 et suiv. ; Vidal de La Blache, Tableau, p. 332.
[231] Même en Normandie.
[232] Sous la forme, je crois, d’Ostimiens.
[233] En 56, César, III, 9, 10.
[234] En 52, VII, 75, 4. Ils en sont distincts en 57, II, 4, 9.
[235] Strabon, IV, 4, 1. Ressemblances dans la céramique des deux côtés de la Manche ; probabilité d’un style artistique commun aux Gaulois de Bretagne, Belgique, Armorique.
[236] Cf. César, III, 7, 4 ; V, 24, 2.
[237] Lexovii ou Lexobii : III, 11, 10 ; 11, 4 ; 17, 3 ; 29, 3 ; VII, 73. 4 ; Strabon, IV, 3, 5 ; ils ont des troupes de terre assez importantes, semblent compter moins sur mer, et s’entendre surtout avec les Aulerques de l’intérieur. Le nom me parait être d’origine préceltique.
[238] Viducasses, non nommé par César, se trouve chez Pline, IV, 107. Groupé par César peut-être avec la population suivante. — En dernier lieu, Sauvage, Les Limites de la cité des Viducasses, Bull. de la Soc. norm. d’études préhistoriques, III, 1905.
[239] Esuvii ou Esubii : César, II, 34 ; III, 7, 4 ; V, 24, 2. Le nom est peut-être préceltique, et je me demande si ce ne sont pas les Ligures Εΰδιοι : dont parle Théopompe (fr. 221 a). C’est la future civitas Salorum, pays de Béez. — Les Atesui ou Itesui de Pline (IV, 107) doivent, je crois, se lire at ou i[tem] Esui (cf. Desjardins, I, p. 492).
[240] César, III, 7, 4 ; V, 24, 2. La campagne d’Alençon s’y rattachait sans doute.
[241] N’apparaissent que chez Pline (IV, 107), Bodiocasses ; plus tard Bodicasses, Baiocasses (Holder, I, c. 458). Ne pas oublier que César dit qu’il n’énumère pas toutes les cités d’Armorique (VII, 75, 4).
[242] Unelli : II, 34 ; III, 11, 4 ; 17, 1 ; VII, 75, 4. Ils paraissent avoir des troupes de terre. Je crois le nom préceltique à cause de -elli.
[243] Abrincatui, Pline, IV, 107. Compris peut-être par César sous le nom des Unelles.
[244] Je suis très frappé de trois choses concordantes en Normandie : 1° la multiplicité des petites peuplades ou des tribus, ce qui rappelle les temps ligures ; 2° l’apparence ligure de quelques-uns de ces noms ; 3° le rapprochement qu’on est tenté de faire avec les Ligures côtiers dont parle Théopompe. Et je me demande si on ne doit Iras croire à une persistance plus forte, en Normandie, de l’élément ligure.
[245] Redones : César, II, 34 ; VII, 75, 4 : ils font bien partie de la ligue armoricaine. Je rattacherai aux Redons, en tout ces aux populations de l’intérieur : 1° les Ambiliati (III, 9, 10). Ceux des deux côtes de l’Ille ? (plutôt que de l’Ellé de Quimperlé ?) ; 2° les Ambibarii (var. Ambarii, VII, 75, 4), nommés également d’une rivière, *Ibara ? (l’Hyère ?, pays de Carhaix), peut-être au surplus les mêmes que les précédents : Orose (VI, 8, 8) au lieu de Ambiliati donne en effet Ambivariti.
[246] Coriosolites (var. Curio-) : César, II, 34 ; III, 7, 4 (il y a du blé chez eux) ; III, 11, 4 et VII, 75, 4 (troupes de terre).
[247] Appelés par César Osismi (var. Ossismi), II, 34 ; III, 9, 10 ; VII, 75, 4 (troupes de terre), de même par Strabon, IV, 4, 1. Sur l’ancien nom Ostimii ou Ostidamnii. Le nom est bien préceltique. — Bizeul, Des Osismii, Rennes, 1853 (Congrès de Morlaix, 1850).
[248] L’île de Sein, Sena, parait être chez eux, Ossismicis adversa litoribus (Mela, III, 6, 48).
[249] Veneti. Je crois le nom préceltique. Chose très rare chez César, il se sert aussi de l’expression géographique de Venetia, III, 9, 9.
[250] Namnetes : III, 9, 10 ; Strabon, IV, 2, 1. Connu sans aucun doute par Posidonius, qui a parlé de l’île Σαμνιτών = Namnètes, Le Croisic ? (Strabon, IV, 4, 6 ; cf. Périégèse de Denys, 571).
[251] Raris portibus, dit César, III, 12, 5.
[252] César, III, 12.
[253] Id., III, 12, 3 ; III, 13.
[254] Id., III, 8, 1 et 3.
[255] III, 8, 1.
[256] III, 8, 1.
[257] Strabon (IV, 4, 1) appelle l’île l’emporium des Vénètes ; César, III, 8, 1.
[258] César se garde de le dire (III, 8, 2), mais Strabon l’a compris (IV, 4, 1). Je me pose cette question à propos des Vénètes : dans quels rapports étaient-ils avec les Marseillais ? Comme il n’est nulle part question d’ennuis éprouvés par Marseille sur la Manche, et que ses marchands passaient souvent par l’embouchure de la Loire (Strabon, IV, 1, 14 ; IV, 5, 2), il ne serait pas surprenant qu’il y ait eu quelques conventions entre Grecs et Vénètes.
[259] César, III, 8, 1.
[260] César ne parle des Namnètes (III, 9, 10) qu’une fois, comme alliés des Vénètes.
[261] Voyez le carrefour des routes qui a constitué Fougères.
[262] Route romaine de Rennes à Angers par Segré.
[263] Ajoutez la vieille route intérieure de Bretagne par Rennes, Montfort, Loudéac, Carhaix, où elle s’épanouit en éventail.
[264] Aulerci seul : II, 34 ; III, 29, 3 ; VII, 4, 6 ; VIII, 7, 4 ; VII, 57, 3.
[265] Tite-Live, V, 34, 5 ; Aulerci Brannovices du côté de Lyon, César, VII, 75, 3.
[266] Campement des Romains chez eux en 56-55, III, 29, 3.
[267] César, II, 34 ; III, 29, 3 ; VII, 4, 6 ; VIII, 7, 4 ; VII, 57, 3.
[268] César, VII, 57, 3 ; 62.
[269] Remarquez que c’est dans celte région du Nord-Ouest que sont surtout répandues les monnaies les plus originales, celles à la tête-enseigne et au cheval androcéphale (Blanchet, p. 300-323), et ces emblèmes sont peut-être bien ceux de la ligue armoricaine.
[270] C’est parmi eux ou à côté d’eux qu’il faut peut-être placer les Arvii ou Arubii de Ptolémée (II, 8, 7) : peut-être dans la vallée de l’Erve, affluent de la Sarthe : dans ce sens : d’Anville, Hist. de l’Acad. des Inscr., XXVII, 1761, p. 108 et s. : Prévost, Notice sur les Arvii, Saumur, 1864 ; contra, Le Fizelier. On a songé aussi à les identifier avec les Esuvii. Remarquez la terminaison, qui fait songer à une tribu d’origine préceltique.
[271] La division est antérieure à César. Il mentionne Aulerci seul 5 fois, les Aulerci Cenomanni (VII, 75, 3), les Aulerci Eburovices (VII, 75, 3 ; III, 17, 3), les Diablintes (var. Diablintres, III, 9, 10), qui sont dits des Aulerques seulement par Ptolémée (II, 8, 7).
[272] Aulerci (employé seul) rapprochés des Armoricains en 57 (II, 34), Eburoviques et Diablintes unis aux armoricains en 56 (III, 9, 10 ; III, 17, 3).
[273] Aulerci (en général) unis aux Bellovaques en 51 (VIII, 7, 4) ; aux gens de la Seine en 52 (VII, 57, 3).
[274] Aulerci (en général) unis à Vercingétorix en 52 (VII, 4, 6).
[275] Cf. Lièvre, Les Limites des cités de l’Ouest de la Gaule, 1891 (Bull. de géogr. hist. et descr.).
[276] Lemovices : César, VII, 4, 6 ; 73, 3 ; VIII, 46. 4 ; Strabon, IV, 2, 2. — Deloche, Études sur la géogr. hist. de la Gaule et spécialement.... du Limousin, Mém. prés. par div. sav. à l’Acad. des Inscr., IIe s., IV, I860 : Buisson de Mavergier, Origines gallo-romaines des Lémovikes, Limoge, 1864 (fantaisiste).
[277] Eygurande, sur le chemin de fer de Clermont à Limoges, marque la limite entre Lémoviques et Arvernes.
[278] Elle entrait chez les Pictons en aval de Confolens.
[279] Pictones : III, 11, 5 ; VII, 4, 6 ; VII, 75, 3 ; VIII, 26, 1 ; 27, 1 ; Strabon, IV, 2, 2.
[280] Santones et Santoni (beaucoup plus fréquent) : César, I, 10, 1 ; 11, 6 ; III, 11, 5 ; VII, 75, 3 ; Strabon, IV, 2, 1 et 2 ; 6, 11 ; Mela, III, 2, 23.
[281] L’extension maritime de ces deux peuples résulte de César, III, 11, 5, et Strabon (IV, I, 2 et 2).
[282] Rien de ce genre n’est mentionné par César. Le nom même de Limoges, Augustoritum, indique une fondation romaine. Strabon, qui cite Saintes, ne nomme pas Limoges. Aujourd’hui encore les trois départements du Limousin (Haute-Vienne, Corrèze, Creuse) sont ceux de France où il y a le moins de population agglomérée : cf. Rés. statist. du dénombrement de 1891, 1894, p. 64 : Vidal de La Blache, p. 311-2.
[283] César, VII, 88, 4 ; VII, 4, 6.
[284] Cf. César, III, 11, 5 ; Pline, XVII, 47 ; Paulin de Nole, Carmin, X, 249. Les Santons ne se décidèrent qu’à la fin à entrer dans la ligue de Vercingétorix (cf. VII, 4, 6 et 75, 3). Ils me paraissent avoir joué dans l’Ouest le même rôle que les Éduens dans le Centre.
[285] César, III, 11, 5.
[286] César, VIII, 26, 1 : Duratius à Poitiers.
[287] César, I, 10, 1-2 ; 11, 6. Je ne m’explique pas autrement le choix de la Saintonge par les émigrants.
[288] César, III, 11, 5.
[289] D’après César, III, 11, 5. L’insistance avec laquelle Strabon parle de la Garonne à propos des Santons (IV, 2, 1 et 5) montre qu’ils y avaient déjà un port, sans doute Royan ; cf. Ptolémée, II, 7, 1.
[290] Oceani littora Santonici, Tibulle, I, 7, 10.
[291] Route de Bourges ou d’Orléans à Limoges, et de là, route de Limogne à Périgueux, à Saintes ou à Bordeaux, suivie peut-être par les Bituriges lorsqu’ils colonisèrent cette dernière ville, et cherchée par les Helvètes dans leur migration vers la Saintonge (César, I, 10, 1) : cf. Vidal de La Blache, p. 302-4. Route de Poitiers. Limoges et Languedoc.
[292] Hirtius, VIII, 26, 1, 2 et 4 : les mss. hésitent entre lem- et lim- : je préfère lim-, qui rappelle un radical très fréquent dans l’onomastique des cours d’eau (Holder, II, c. 223-7).
[293] Strabon IV, 2, 1. — Ce caractère de lieu de passage apparaît encore sur le rivage, où la mer de Saintonge est l’étape obligée entre la mer armoricaine et le golfe de Gascogne.
[294] A ce groupe de peuples, et sans doute à leur région maritime, il faut rattacher : 1° les Ambilatri (var. Ambillitri, Pline, IV, 108), pays d’Olonne ? ; 2° les Anagnutes (Pline, IV, 108) ou Άγνώτες (Artémidore ap. Étienne de Byzance, s. v.), l’Aunis ? (cf., dans un sens tout différent, Johanneau et Baudouin, Mém. de l’Acad. celtique, III, 1809), la mention de ces derniers par Artémidore indique que cette tribu avait une importance maritime, et c’est en effet le pays de La Rochelle.
[295] A quelques communes près, les Pétrocores correspondent au département de la Dordogne. Le Périgord offre un des plus complets exemples de continuité qu’on puisse trouver dans la géographie historique de la Gaule.
[296] Petrocorii : César, VII, 75, 3 ; Strabon, IV, 2, 2.
[297] Wlgrin de Taillefer, Antiquités de Vésone, 1821, I, p. 202-8.
[298] La Double sépare le Périgord du Bordelais.
[299] Strabon, IV, 2. 2.
[300] Cf. C. I. L., XIII, p. 122 et suiv.
[301] Cadurci : César, VII. 4, 6 ; 64, 6 ; 75, 2. Département du Lot et moitié supérieure de celui du Tarn-et-Garonne jusqu’au Tarn. Mursens, peut-être leur oppidum central.
[302] Hirtius, VIII, 32-44. Le puy d’Issolu, qui domine le croisement de voies ferrées si important de Saint-Denis-près-Martel, se trouvait sur une des routes capitales de la Gaule centrale, celle de Poitiers, Limoges, Brive, Figeac, Rodez ou Albi et le Languedoc, grande route qui borde le plateau Central, sans doute celle de l’invasion et de la retraite de Lucter (VII, 7 ; VIII, 32). Ce peut être un poste frontière.
[303] César, VII, 5, 1 ; VIII, 30, 1 ; 44, 3 ; etc.
[304] Du Lot à l’Agout ; futurs pays de Rodez et d’Albi.
[305] Ruteni : Cicéron, Pro Fonteio, fr. 3, 4 ; César, I, 45, 2 ; VII, 5, 1 ; 7, 1 et 4 ; 64, 6 ; 75, 3 ; 90, 6 ; Strabon, IV, 2, 2.
[306] César, De bello civili, I, 51, 1.
[307] Surtout : 1° la descente par Rodez, Millau, Lodève, Agde ; 2° la brèche de Saint-Félix, par Albi, Castres, Revel, Castelnaudary : c’est à cette route que fait sans doute allusion Cicéron, Pro Fonteio, 5, 9. C’est sur ces routes que les précautions sont prises par César en 52, VII, 7, 4.
[308] César, I, 45, 2 ; VII, 7, 1-3.
[309] Bladé : 1° Les Tolosates et les Bituriges Vivisci ; 2° Les Nitiobriges (Bull. de la Soc... d’Agen = Revue de l’Agenais, 1893, XX).
[310] Nom traditionnel du port de Bordeaux, port formé par la dernière courbe de la Garonne avant la mer.
[311] Strabon, IV, 2, 1.
[312] Il est possible que les deux rives du fleuve, depuis l’embouchure du Beuve jusqu’aux abords de Marmande, fussent aux Bazadais ou aux Aquitains.
[313] César donne tantôt Nitiobriges, tantôt, mais plus souvent, Nitiobroges (VII, 7, 2 ; 31, 5 ; 46, 5 ; 75, 3). La forme -briges parait, chez eux comme chez les Allobroges, préférée par les Grecs, Strabon, IV, 2, 2. — Il faut remarquer que Pline (IV, 109) ne parle pas des Nitiobroges, mais nomme à leur place les Antobroges ou Antebroges ; on y voit d’ordinaire une faute de copiste : mais on a également pensé à une tribu distincte dans la région du Quercy ou du Rouergue (Prou, Acad. des Inscr., C. r., 1890, p. 133-8).
[314] Locis patentibus maximeque frumentariis, César, I, 10, 2.
[315] Cf. Moulenq, Etudes sur la topographie des Gaules, Montauban, 1876 (Congrès arch.... d’Agen, 1874), p. 3 et s. (Limites des Nitiobroges, etc.).
[316] Histoire générale de Languedoc, par Devic et Vaissete, 2e éd., avec notes en particulier d’E. B[arry], Toulouse, I, 1874, II, 1875 ; Du Mège, Histoire des institutions de la ville de Toulouse, I, Toulouse, 1844, p. 1 et s. ; le même, Archéologie pyrénéenne, I, 1858, p. 1 et s. ; Joulin, Les Établissements antiques du bassin supérieur de la Garonne, 3907 (Rev. arch.) ; Bladé, p. 501, n. 3 ; de Saint-Venant, p. 214, n. 1.
[317] Volcæ. Sur ce peuple, son premier domicile, son arrivée, son dédoublement en Volcæ Tectosages, Volcæ Arecomici = Volques le long [des étangs !], cf. t. I, ch. XI, § IX, ch. VII, §§ VI et VII, t. II, ch. II, § II.
[318] On peut donner comme volques : Leucate, Salses ?, Tarascon d’Ariège, Cazères sur la Garonne, Castelsarrasin, Saint-Pons-de-Thomières, Lodève, Le Vigan, Trèves ?, Alais, Bessèges, Bagnols, Pont-Saint-Esprit ?, Beaucaire.
[319] Il est possible qu’en revanche, les Salyens fussent les maîtres des deux rives au passage d’Arles : ce qu’on peut tirer : 1° d’un texte même de Tite-Live (XXI, 26, 6), 2° du fait que le pays d’Arles comprenait au Moyen Age, sur la rive droite, la plaine de Fourques ; 3° peut-être aussi de l’existence d’un comptoir grec à Fourques.
[320] Pline, XIV, 68.
[321] Et les mines d’or des montagnes.
[322] Notamment la route tracée par l’Ergue et l’Hérault, venant de Rodez, passant à Lodève, et débouchant à Agde.
[323] Montlaurès, pris de Narbonne, est un vieil oppidum indigène distinct de la grande ville.
[324] Il semble qu’elle n’ait jamais été la métropole des Arécomiques, mais leur port, cette métropole étant Nîmes (Strabon, IV, 1, 12) : même rapport entre les deux villes qu’entre Arles et Entremont, Chalon et Bibracte. L’importance maritime de Narbonne était du reste limitée par celle de Marseille.
[325] Cf. Strabon, IV, 1, 12 et 13 : Nîmes est expressément nommée comme métropole des Arécomiques. Il semble bien que Toulouse le soit les Tectosages ; Mela, II, 5, 75 ; Pline, III, 37 ; IV, 109.
[326] Deux types caractérisés de ces marchés de vallons étaient, à l’époque romaine, Lodève, Forum Neronis (Pline, III, 37), sur la route d’Agde à Rodez. Le Vigan, Vindomagus, au carrefour des routes de Nîmes vers les Rutènes et les Gabales. Saint-Fons, Bédarieux, Anduze, Alais, ont sans doute la même origine et forment avec les deux autres une ligne continue, intermédiaire entre la haute montagne et la plaine.
[327] Πόλις άσφαλής, dit Strabon de Béziers, IV, 1, 6. Voyez plus bas la série des villes de la plaine. — Tout cela peut être dit des Ibères du sud de la Tét.
[328] Tolosa et Tolossa : Cicéron, Pro Fonteio, 9, 19 ; De natura deorum, III, 30, 74 ; Τολώσσα, Strabon, IV, 1, 13 et 14. Elle existait dès la fin du second siècle et sans aucun doute depuis longtemps (tol-osa = profonde-eau ?, le lac sacré ?) ; le suffixe -osa, -ossa, indique une origine préceltique et je crois, un lac ou une source. — Sur l’emplacement présumé de l’ancienne ville, cf. Joulin, Mém. de l’Acad..., de Toulouse, Xe s., II, 1902.
[329] Carcaso, Carensso : le suffixe indique une origine préceltique et peut-être ibérique.
[330] Déjà ancienne en 500.
[331] Existe dès 500, et certainement d’origine ligure : Besara, Avienus, 591 ; Βηταρρκτις, adjectif, sur les monnaies, n° 2432-43 ; Βαίτερα ou Βαίττερα, Strabonn, IV, 1, 6.
[332] Ajoutez, comme localités anciennes de la côte Cette, Maguelonne, Lattes.
[333] Qu’elle ait existé comme ville et ville importante avant les Romains, cela me parait résulter de ce qu’en dit Strabon (IV, 1, 12), et du fait qu’on y fait passer Hercule (Parthénius ap. Étienne de Byzance, s. v.).
[334] Strabon (IV, 1, 6) remarque que, des Pyrénées jusqu’au Rhône, chaque petit fleuve côtier a son port près de l’embouchure, et il cite Ruscino (Castel-Roussillon sur la Tèt), Hiberris (Elne sur le Tech), Béziers sur l’Orb, Agde sur l’Hérault. Il indique, sous la dépendance de Nîmes (IV, 1, 12), vingt-quatre bourgades très peuplées. Tous ces renseignements me paraissent antérieurs à la colonisation intensive des temps de César et d’Auguste.
[335] Ils dépendent cependant des Volques (cf. Strabon, IV, 1, 13).
[336] Et gallo-romain. Vidal de La Blache, Tableau, p. 81 : D’unité proprement dite il ne saurait être question entre ces personnalités vigoureuses dont chacune s’incarne dans une ville avec ses monuments, ses fêtes, son histoire. Mais un air de civilisation commune enveloppe la contrée, et ces paroles, écrites par Vidal pour la Flandre, sont vraies pour l’ancien Languedoc.
[337] Strabon dit bien que les Volques ne sont pas les seuls à habiter entre les Pyrénées, les Cévennes et la mer (IV, 1, 12). C’est sur leur territoire qu’il faut chercher les tribus dont le nom, disparu sous la domination romaine, se retrouve chez Pline ou dans les légendes de monnaies : 1° Tasgoduni (les mss. ont Atasgoni, Pline, III, 37), vallée du Tescou ?, qui se jette dans le Tarn à Montauban ; 2° Samnagenses, Σαμναγητ. (Pline, III, 37 ; Cab. des Méd., n° 2256-75 ; Rev. épigr., n° 1182, III, janv. 1897, p. 446 ; C. I. L., XII, 3058), Nages et la Vaunage ? (Berthelé, Mélanges, 1906, p. 1 et s.), Longgostaletes (Cab. des Méd., n° 2350-99), peut-être les mêmes que Naustalo, Maguelonne ?, en tout cas à chercher sur la côte (cf. de Saulcy, Rev. arch., 1867, I, p. 90 ; de Barthélemy, Ac. des Inscr., C. r., 1893, p. 243 et s. ; Amardel, L’oppidum des Longostalètes, 1895, Narbonne, Bull. de la Comm. arch.) ; 4° Cambolectri Atlantici (Pline, III, 36), peut-être dans le pays de Foix ; 5° Umbranici (Pline, III, 37 ; cf. Umbranicia, Table de Peutinger), dans les Cévennes ? ou, plutôt, dans le pays de Foix ?. Il ne serait pas impossible que les monnaies à alphabet hispanique appartinssent, non à Narbonne, mais à ces populations non volques, aux royautés municipales dont on soupçonne l’existence sur le rivage depuis les Pyrénées jusqu’au Rhône (cf. Blanchet, p. 278). Je placerais volontiers en Languedoc la ville de Iontora, siège d’un roi, dont parle Diodore (XXXIV-V, 36).
[338] C. I. L., XII, p. 385, 395 et s.
[339] C. I. L., XII, 4101 : l’inscription est des Saintes-Maries ; cf. Hirschfeld, Gallische Studien, II, 1884 (Sitzungsb. der phil.-hist. Classe de l’Acad. de Vienne, CVII, p. 234-8).
[340] Futurs pays d’Apt, Orange, Avignon, Carpentras, Cavaillon, la pentapole épiscopale de Vaucluse. Strabon (IV, 1, 11) semble considérer comme cavare tout le pays qui va de Cavaillon au confluent de l’Isère, y compris le Tricastin et la Valentinois : il est probable, en effet, que la limite méridionale des Allobroges passait entre Talence et ce confluent, face à cette montagne de Crussol qui est comme un défi du Midi (Vidal de La Blache, p. 268). C’est le Lubéron qui est appelé Λουτρίων, par Strabon (IV, 6, 3 ; 1, 11 ?) : il séparait les Cavares des Salyens, qui possédaient le pays au nord de la Durance, de Cadenet à Mirabeau.
[341] Cf. note précédente ; Strabon, IV, 1, 11.
[342] Arelate (ante paludem ?), peut-être sous ce nom, en tout cas sous celui de la colonie grecque de Théliné, avant le Ve s. (Avienus, 599). Le nom n’apparaît pas à coup sûr avant le temps de César.
[343] Cabellio, au moins dès le second siècle (Artémidore ap. Étienne de Byzance. s. v.). Marseille y a des relations. C’est un des carrefours de routes du Midi : 1° route du Pertus au mont Genèvre, qui, venant de Tarascon, y passe la Durance (IV, 1, 3) ; 2° de Marseille à Pont-Saint-Esprit et vers le Centre, qui l’y passe également (Strabon, II, 1, 11).
[344] Avenio, avant 100 (Artémidore ap. Étienne de Byzance, s. v., p. 145, Meineke) : Marseille y a des relations. Avignon a pu servir de port aux Cavares.
[345] Arausio, lieu de la bataille contre les Cimbres en 105, Valerius Antias ap. Tite-Live, Épitomé, 67.
[346] Vienna, mentionnée d’abord par César, VII, 9, 3. Le nom, préceltique, est celui de quelque source ou quelque marécage : c’est la seule chose à retenir de la fable, d’ailleurs érudite, rapportée par Étienne de Byzance, s. v. Βίεννος.
[347] Gularo. Existe dès 4.3 av. J.-C., Cicéron, Ad familiares, X, 23, 7.
[348] Gemara, les mss. de César ont toujours Genua, et il ne serait pas impossible que ce fût le nom primitif. César, I, 6, 3 ; 7, 1 et 2.
[349] Strabon, IV, 1, 11 (à propos de Vienne et des Allobroges).
[350] Comme principale ville de hauteur, Artémidore (Strabon ap. IV, 1, 1) citait Άερία chez les Cavares : c’est sans aucun doute une localité du haut pays, aux environs du Ventoux. Si c’est, comme je le suppose, Sault, du reste important carrefour de routes du haut Vaucluse, les cols étroits et boisés dont parle Strabon (d’Aéria à la Durance ou au Lubéron ?, IV, 1, 11) sont les cols de Sault à Apt et d’Apt à Cadenet et à la Durance.
[351] Les Voconces passeront pour ligures (Strabon, IV, 6. 4), les Salyens sont des Celtoligures (IV, 6. 3).
[352] C’est un de leurs principaux oppida et peut-être leur principal, Arles étant surtout un port (Strabon, IV, 1, 6) : même rapport qu’entre Nîmes et Narbonne chez les Volsques Arécomiques. Entremont est un plateau situé près d’Aix, dominant, en même temps que la vallée de l’Arc, la brèche par où passait la route de Marseille à la Durance. Étant donné que le territoire des Salyens va jusqu’au Lubéron au nord de la Durance, Entremont et Aix en sont à la fois le centre géométrique et le centre militaire.
[353] Strabon dit bien que le nom de Cavares est un nom flottant, qui s’est étendu par la suite, οΰτως ήδη, à tous les Gaulois de cette région (IV, 1, 12).
[354] Sallavi. C. I. L., I, 2e éd., p. 49 ; Salyes, Avienus, 701 ; Sallias, acc. ?, César, De b. c., I, 35, 4 ; Σάλυες ou Σάλλυεν, Strabon, IV, 1, 3, etc. ; Charax ap. Ét. de Byz. Il ne serait pas impossible qu’il fallût rapprocher ce nom des noms de peuples ligures en -ubii ou -ybii. On les divisait en dix tribus, μέρη (Strabon, IV, 3, 3), qu’on peut presque toutes retrouver : 1° les Salyens proprement dits (Arles ?, Avienus, 701) ; 2° les gens d’Ernaginum ou Saint-Gabriel. Nearchi pour Ernagi ?, Avienus, 700 ; 3° les Avatici, autour de l’étang de Berre ? ; 4° les Anatilii, dans la vallée de la Touloubre ? ; 5° les Comanes ou Ségobriges des environs de Marseille et de Garguier (cf. Pline, III, 36 ; Varron. R. r., II, 4, 10, Comatinæ pour Comanæ ?) ; 6° les gens de Ceyreste, Camactulici ? (Pline, III, 34) ; 7° et 8° ceux de Toulon (peut-être les Suelteri supraque Verurini de Pline, III, 34) ; 9° la tribu de l’Arc (Canicenses, Pline, III, 36 : Καινικητων, Cabinet des Médailles, 2245-6) ; 10° les Dexuiates, infus, c’est-à-dire dans la région de Pertuis et Cadenet au delà de la Durance (Pline, III, 34 ; C. I. L., XII, 1002, 1063-4) ; 11° les Bormanni ou Bormani (Pline, III, 36), dans les monts des Maures. — Cf., dans des sens très différents : Bouche, La Chronographie ou Description de Provence, Aix, I, 1664 ; Gilles : 1° Les Saliens avant la conquête romaine, [fragment sur Velaux], 1873 ; 2° Le Pays d’Arles [s. d.], Paris et Marseille ; 3° Le Pays d’Arles [1901 ?] ; Jullian, dans les Mélanges H. d’Arbois de Jubainville, [1906], p. 97-109.
[355] Connues évidemment dès le milieu du IIe siècle. Tite-Live, Épitomé, 61 ; Strabon, IV, 1, 5.
[356] Bas-reliefs d’Entremont au Musée d’Aix : Gilbert, n° 303-7 : Espérandieu, I, p. 83-7.
[357] Cabinet des Médailles, 2243-6 ; cf. Blanchet, p. 239.
[358] Notez l’existence d’un comptoir grec sur le Rhône en face d’Arles, où se trouvaient peut-être des chantiers de construction marseillais.
[359] Cavari : Varron, Res rusticæ, II, 4, 10 ; Strabon, IV, 1, 11 et 12.
[360] Strabon, IV, 1, 2.
[361] Glanum, que Saint-Remy n’a fait que remplacer, est une localité préromaine ; elle apparaît d’abord dans Pline (III, 36), sur une inscription (C. I. L., XII, 1005) et une monnaie unique, trouvée à Saint-Remy (Cab. des Méd., n° 2247).
[362] Carbantorate [Carpentorate] Meminorum, Pline, III, 36. Je suppose que la ville des Cavares de Strabon (IV, 1, 11) est Carpentras : et il est en effet possible que Carpentras, presque au centre de leur territoire, ait été un instant leur ville principale ; cf., sur ce passage si discuté, Müller, éd. de Strabon, p. 962.
[363] Apta Vulgientium, Pline, III, 30.
[364] Tricastini, le futur Tricastin. Tite-Live, V, 34, 5 (anachronisme) ; XXI, 31, 9.
[365] Segocellauni, Pline, III, 34. Je ne serais pas étonné qu’ils fussent un démembrement des Vellavii ou Velaunii du Velay.
[366] Cf. Strabon, IV, 1, 12.
[367] Remarquez que l’histoire d’Érippé, racontée par Parthénius, parait avoir été placée chez les Cavares (τόν δέ βάρβαρον Καυάραν, Didot, Erotici, p. 8), et c’est un apologue à l’éloge de l’hospitalité celtique.
[368] Chorier, Hist. gén. de Dauphiné, Grenoble, 1661 (précieux) ; Ducis, Les Allobroges et les Ceutrons, Annecy, 1890 (Revue Savoisienne) ; Debombourg, Les Allobroges, Rev. du Lyonnais, IIIe s., I et II, 1866 ; Garofalo, Gli Allobroges, Paris, 1905. — La vraie forme est bien Allobroges : Άλλόβριγες est grec.
[369] Ammien, XV, 12, 5 ; Cicéron, Catilinaires, III, 9, 22 ; Salluste, Catilina, 41, 1 ; César, I, 6, 2 ; etc.
[370] César, VII, 64, 7.
[371] Cette loyauté ressort de plusieurs faits : leur attitude envers Hannibal ; l’appui qu’ils ont donné aux Salyens (Tite-Live, Épitomé, 61) ; leur refus d’entrer dans la conjuration de Catilina (Salluste, Catilina, 41) ; d’abandonner César dans la guerre de 52 (VII, 65, 3).
[372] Strabon, IV, 1, 11.
[373] Chanvre, poix, tissus et cuirs, blé ; Tite-Live, XXI, 31, 4 et 8 ; Polybe, III, 49, 5 ; César, I, 28, 3 ; Pline, XVIII, 85.
[374] Vertacomacorii, pagus des Voconces (Pline, III, 124).
[375] Les Vocontii sont cités dans les Fastes Triomphaux, chez César (I, 10, 5) et Strabon (IV, 1, 3 et 11). Mais Strabon (IV, 1, 3) appelle à tort voconces les peuples riverains de la Durance, depuis le pays de Manosque jusqu’à l’entrée de l’Embrunois : à moins que les Voconces ne se soient réellement étendus, pendant un temps, sur les pays de Sisteron et de Gap. — Long, Recherches sur les antiquités romaines du pays des Vocontiens, Mém. prés. par divers savants et l’Ac. des Inscr., IIe s., II, 1849 ; Florian Vallentin, Essai sur les divinités indigènes du Vocontium, Grenoble, 1877 (Bull. de l’Acad. Delphinale).
[376] Strabon, IV, 6, 4.
[377] C. I. L., XII, p. 160-1.
[378] Strabon en parle dans son paragraphe sur les Ligures et Celtoligures (IV, 6, 4 et 5). — Le peuple ou la tribu des Sebaginni (ou Sebaguini ; sic mss., les éd. ordinaires portent Segusiavi, Segusiani, Sebusiani), dont parle Cicéron, et situe à 700 milles de Rome (Pro Quinctio, 25, 79 et 80), me parait devoir être cherché dans les Alpes du Dauphiné ou de Vaucluse, peut-être aux alentours de Sault ; on songe d’ordinaire à la Savoie (Bernard, Rev. du Lyonnais, IIIe s., III, 1867, p. 43 et s. ; le même, Bulletin de la Soc. des Ant. de Fr., 1866, p. 111 et s., etc.) ; le rapprochement avec les Ségusiaves doit être absolument écarté.
[379] Helvii : César, VII, 7, 5 ; 8, 1 et 2 ; 64, 6 ; 65, 2 (mention de leurs oppida) ; Strabon, IV, 2, 2, qui les fait commencer au Rhône. Leur métropole (Pline, III, 36) sera Aps, Alba, nom ligure qui doit signifier quelque chose comme castellum.
[380] Surtout le vallon d’Aubenas ; cf. Vidal de La Blache, p. 268. La fertilité du pays des Helviens sera indiquée par Pline (XIV, 18 et 43).
[381] C’est, en 52, celle de la marche de César contre les Arvernes (Vif, 8, 2) et de la descente des Arvernes sur la province (VII, 64, 6 et 65, 2). Pont-Saint-Esprit marque de ce côté, semble-t-il, la limite des Volques (diocèse d’Uzès) ; je n’affirmerai pas que le lieu n’ait pas été disputé entre Helviens, Volques, Tricastins et Cavares. Car ces peuples se rencontraient à l’embouchure de l’Ardèche, point qui est, dans le Midi, le plus grand carrefour de nations, et le plus important carrefour de routes après celui d’Arles, Tarascon, Avignon.
[382] La future cité romaine de Sisteron correspond, je crois, aux Tritolli (var. Tricolli) de Pline (III, 34).
[383] Tricorii : Tite-Live. XXI, 31, 9 ; Strabon, IV, 1, 11 ; 6, 5 ; Pline, III, 34.
[384] Col de Cabre (Diois et Voconces) ; col de la Croix-Haute (Trières et Grenoble) ; col Bayard (Champsaur). Si on ajoute à l’est la dépression de la vallée de Barcelonnette, et à l’ouest la route de la haute vallée de l’Aygues, on verra que les Tricores occupent le plus important carrefour de routes alpestres ; cf., aujourd’hui, le rôle de Veynes dans le réseau des voies ferrées.
[385] Caturiges : César, I, 10, 4 ; Strabon, IV, 6, 6.
[386] Vidal de La Blache, p. 259 : Qui domine le seuil de Chambéry... devient un personnage avec lequel... le roi de France, la république de Lyon doivent compter.
[387] Tite-Live, Épitomé, 61 ; Appien, Celtica, 12.
[388] César, VII, 64, 8.
[389] Le val Romey.
[390] Tite-Live, Épitomé, 61.
[391] Tite-Live, XXI, 31, 5 ; Apollodore ap. Étienne de Byzance ; Strabon, IV, 1, 11.
[392] Helvetii.
[393] Ce rôle, de gardiens de la Gaule contre les Germains, est bien marqué, pour les Séquanes, par Strabon (IV, 3, 2), pour les Helvètes, par César (I, 28, 4).
[394] Garofalo, Su gli Helvetii, Catane, 1900. Voir aussi Anzeiger für Schweizerische Geschichte und Alterthumskunde (Indicateur d’histoire et d’antiquités suisses), I, 1855-60, et années suivantes.
[395] C’est lors de l’invasion cimbrique, qui a coïncidé avec les incursions suèves, sue les déplacements helvètes ont commencé (Strabon, IV, 3, 3 ; VII, 2, 2).
[396] Un autre indice en sa faveur est que César place des Nantuates, non seulement dans le Valais (III, 1, 4 ; 6, 5), mais aussi sur le haut Rhin, non loin du lac de Constance (IV, 10, 3) ; cf. Αίτουάτιοι chez Strabon (IV, 3, 3), où il n’est pas sûr qu’il faille songer aux Helvètes. En d’autres termes, il aurait existé dans ce qui est la Suisse actuelle une nation belge du nom de Gésates, dont 1° les tribus du Valais, 2° les Tulingi, Lotovici (var. Latobrigi), Rauraci (César, I, 5, 4 ; 28, 3 ; 20, 2), 3° les Gésates, de la Rétie romaine, seraient le démembrement, et que les Helvètes auraient en partie soumise ; dans un sens analogue, Waltzing, Les Gésates, 1901 (Bull. de l’Ac. roy. de Belg.). Plus on étudie les vestiges gallo-romains de la Suisse et de la Franche-Comté, plus les rapports avec le monde belge, à ce qu’il me semble, apparaissent tumultueux.
[397] César, I, 12, 4-6 ; 27, 4. César, qui indique avec soin ce chiffre de quatre pagi, répond à Posidonius, qui ne donnait que trois φΰλα (Strabon, IV, 3, 3 ; VII, 2, 2).
[398] César, I, 5, 2. Plutarque, César, 18 ; Dion Cassius, XXXVIII, 31, 2. Songeons à tous les gisements de l’époque de La Tène trouvés en Suisse, et surtout à la station de La Tène même, encore qu’il me paraisse bien que beaucoup des objets trouvés à La Tène soient du temps des Helvètes.
[399] Aventicum : nom tiré de la source principale, Aventia. Voyez les fasc. de l’Association pro Aventico : IX, 1907.
[400] C. I. L., XII, p. 654 ; XIII, II, p. 1.
[401] C. I. L., XIII, II, p. 47.
[402] Sequani. — Meynier, Limites... de la Séquanie (Soc. d’émul. du Doubs, juillet 1886) ; Castan, La cité des Séquanes, Caen, 1894 (C.-R. du LVIIIe Congrès arch., en 1891, Besançon).
[403] Vesontio, nom de source préceltique. Tout ce, qui suit, d’après César, I, 38. Je ne peux croire, vu les conditions habituelles des villes gauloises, que Besançon s’étendit dans la partie basse.
[404] Ut magnam ad ducendum bellum daret facultatem, I, 38, 4.
[405] I, 38, 3 : cf. 39, 1.
[406] Cette extension résulte des contacts indiqués par les Anciens, le Jura, le Rhin, la Saône. (César, I, 1, 5 ; 2, 3 ; 8, 1 : 12, 1 ; IV, 10, 3 : Strabon, IV, 3, 2). Il semble que, le long du Jura, ils descendaient jusqu’au Rhône et au pas de l’Écluse (César, I, 11, 1).
[407] Optimus totius Galliæ, César, I, 31, 10.
[408] César, I, 31, 10 : Tacite, Annales, III, 45.
[409] César, I, 41, 4 : vallée de l’Oignon ; c’est la route en arc de cercle de Besançon à Villersexel, Arcev, Montbéliard.
[410] César, I, 41, 5.
[411] Strabon, IV, 3, 3.
[412] Combien de grands peuples ont fait effort vers cette double vallée de la Saône et du Rhône, on peut s’en rendre compte en suivant la marche des Helvètes en 58 par la route de Genève et Mâcon (César, I, 11). A la montée de l’Écluse, ils sortent de chez eux, et trouvent les Séquanes, qui occupent, je crois, le val Michaille et le val Chezerv, puis ils coupent les Allobroges, qui tiennent le val Romev, puis ils entrent chez les Ambarres dans la région du Bugey, enfin, à la descente vers Mâcon, ils arrivent chez les Éduens.
[413] Il est probable que des routes fréquentées menaient de chez des Leuques à Besançon par les seuils de Lorraine (César, I, 40, 11), routes convergeant à Port-sur-Saône.
[414] César, I, 31, 10.
[415] Lingones.
[416] Je rattache les Tricasses de Troyes (Pline, IV, 107 : Ptolémée, II, 8, 10) aux Sénons, puisque les Sénons touchaient aux Belges (II, 2, 2), et que les Belges ne dépassaient pas au sud la vallée de la Marne (I, 1, 2). Au Moyen Age, le pays de Tonnerre, sur l’Armançon, appartenait à Langres (Grégoire de Tours, Gloria confessorum, 11) : je ne puis affirmer qu’il en fût ainsi dans les temps gaulois.
[417] César, IV, 10, 1 : il étend aux Faucilles (la Vôge) le nom de mons Vosegus, qu’elles conservent. Ce sont les Faucilles que Lucain, fort justement, appelle Vogesi curvam ripam (I, 397).
[418] Le pays de Dijon a toujours fait partie de la cité de Langres ; cf. César, VII, 66, 2.
[419] Ce sont les routes suivies le plus souvent par César : en 58 (I, 37, 5, Langres, Besançon), en 57 (II, 2, 6, Besançon, Seveux, Langres), en 52 (VII, 9, 4, Mâcon, Langres, Sens), dans sa retraite en 52 (VII, 66, 2, Langres, Dijon), etc.
[420] La source de la Meuse est à moins d’une lieue de celle de l’Amance, affluent de la Saône.
[421] Andemantunnum ou Andemantunum, cf. C. I. L., XIII, p. 107 : Holder, I, c. 144-5.
[422] Vidal de La Blache, Tableau, p. 114 ; cf. p. 240.
[423] Lucain, I, 398 : Pugnaces Lingones armis pictis.
[424] César, I, 40, 11 ; VII, 63, 7 ; VIII, 11, 2.
[425] César, I, 40, 11.
[426] Opulentissima civitas, dira Frontin, Stratagèmes, IV, 3, 14.
[427] Senones. — Quantin, Recherches sur la géogr. et la topogr. de la cité d’Auxerre et du pagus de Sens, Auxerre, 1838.
[428] Que le pays d’Auxerre soit aux Sénons, non aux Éduens, cela me parait résulter : 1° de ce que César, étant vers Nevers, ne semble pas loin de chez les Sénons (VII, 56, 5) ; 2° de ce qu’ils étaient civitas in primis firma (V, 54, 2) ; 3° de ce qu’il fit plus tard partie de la province de Sénonaise (Not. Gall., 4). Cependant je doute encore à ce sujet, et ne peux affirmer qu’il ne fut pas aux Éduens.
[429] Je place également chez eux, hypothétiquement, le pays de Tonnerre, et, avec moins d’hésitation, celui de Troyes : leur frontière, sur l’Armançon, devant s’arrêter vers les bois de Montbard.
[430] Le mot parait préceltique. Il n’y a aucun motif de douter qu’Agedincum ne soit Sens, César, VI, 44, 3 : séjour de six légions à Sens en 53-52 ; VII, 10, 4, et 57, 1 : dépôt des bagages de toute l’armée. Tout cela fait supposer que Sens était dès lors une bourgade importante, et au centre d’un pays riche. Je ne suis pas sûr que le Gâtinais fût alors une mauvaise terre, et que les blés nécessaires à l’armée vinssent tous de la Beauce ou de la Brie française.
[431] Cf. César, VII, 11, 1.
[432] On allait du reste de Sens à Orléans par une route directe, défendue par Vellaunodunum (Montargis ?), qui est aux Sénons, César, VII, 11. Les Sénons touchaient sans doute la Loire à Briare.
[433] César, VII, 38, 3 et 5 ; 60, 1 ; 61, 5. A Melun, réuni par des ponts aux deux rives, la route de Sens à Paris quittait la rive gauche pour la rive droite. Les Sénons allaient sans aucun doute jusqu’à Étampes.
[434] Cf. César, VII, 57, 4.
[435] Chose remarquable, durant les campagnes de 52, tandis que Paris est le lieu de concentration des Gaulois du Nord (VII, 57 et 58), c’est Sens qui est celui de César et de Labienus (VII, 10 ; 34 ; 57, 1). Il y a eu, si je peux dire, conflit entre les deux carrefours. — La Champagne était donc partagée entre Sens, qui gravitait vers Paris, et Reims, qui gravitait vers le nord : la frontière des deux cités était marquée par la marche solitaire entre Aube et Marne. Sur ce dualisme de la Champagne, cf. Vidal de La Blache, p. 123. — Peut-être, par suite, y eut-il concurrence entre deux trajets pour la route commerciale du Midi : 1° celui par Auxerre, Sens, Paris, fréquenté peut-être surtout par les Marseillais, 2° celui par Langres, Reims, fréquenté peut-être surtout par les Italiens. Notez que les peuples de cette dernière route appelleront César, et que ceux de la précédente le combattront.
[436] César, VI, 3, 5.
[437] Parisii : César, VI, 3, 4 ; VII, 4, 6 : VII, 34, 2 : 57, 1 ; 75, 3.
[438] César, VI, 3, 4 ; VII, 57, 1 : 58, 3, 5 et 6.
[439] César, VII, 57, 1 ; 58, 3. Des ponts la réunissaient aux deux rives, mais ils étaient faciles à couper, VII. 58, 6.
[440] César, VII, 62, 9.
[441] César, VII, 60-62.
[442] VI, 60, 4 ; VII, 34, 2 : 57 ; VI, 3, 4.
[443] Ils sont taxés de 8.000 soldats en 52, autant que les Pictons, les Turons et les Helvètes (VII, 75, 3). Il est du reste possible que sous le vocable Parisiens, on ait aussi compris quelques tribus plécées plus tard en dehors de la cité gallo-romaine.
[444] Les nautæ Parisiaci du temps de Tibère, probablement antérieurs à la conquête.
[445] Veliocasses (var. Vellio-, Bellio-, Velo-) : César, II, 4, 9 ; VII, 73, 3 ; VIII, 7, 4.
[446] César, II, 4, 9 ; VIII, 7, 4.
[447] Route suivie par César dans sa retraite de 52, VII, 56, 5.
[448] L’Auxois dépendait des Éduens : de même, Avallon et le pays avalonnais : Clamecy, sur la route Nièvre-Yonne, est à la lisière nord du pays éduen de Nevers.
[449] Andes : César, II, 35, 3, III, 7, 2 : Andi : VII, 4, 6 ; VII, 75, 3 ? Plus tard Andicavi (Pline, IV, 107) ou Andecovi, Tacite, Ann., III, 41.
[450] Turones : II, 35, 3 : Turonos : VII, 4, 6 (var. Tursomnos, Tursummos) ; VII, 75, 3 : VIII, 46, 4 (var. Turones).
[451] C’est pour cela que les légions y ont hiverné ou séjourné en 57-56 (II, 35, 3) et 51 (VIII, 46, 4).
[452] Inopia frumenti chez les Andes, III, 7, 2 et 3.
[453] Tours et Angers paraissent d’origine romaine.
[454] Dumnac en 51 : VIII, 26, 2 ; 31, 4-5 ; cf. en 21 ap. J.-C., Tacite, Annales, III, 41 et 46.
[455] Sully est aussi, au point de vue géographique, un point important du cours de la Loire, Vidal de La Blache, p. 161.
[456] Etangs de la forêt de Longny.
[457] En 54, ils se soulèvent les premiers, V, 29, 2 ; en 53, ils commencent le complot, VI, 2, 3, en 52, ils donnent le signal de l’insurrection générale, VII, 2 et 3 ; en 51, ils recommencent les hostilités les premiers, VIII, 4, 2.
[458] Peut-être a-t-on tiré, de ce rôle, leur nom de Carnutes. De même, aux Xe et XIe siècles, ce fut là, entre Gien et Orléans, que parut se fixer le centre de notre histoire, Vidal de La Blache, p. 161.
[459] Relations, politiques ou autres, entre Carnutes et Armoricains, VIII, 31, 4.
[460] En 51, César va directement (VIII, 39-40) d’Orléans à Uxellodunum (puy d’Issolu ?), sans doute par la route de Chabris, Levroux, Argenton, Limoges et Brive, route marquée par de vieux emplacements gaulois : pont sur le Cher à Chabris, Carobri(v)a, oppidum de Bonnan près de Levroux, marché a Argenton. Argantomagus, gué à Limoges, pont à Brive.
[461] C’est l’orthographe la plus fréquente des mss. de César (VII, 3, 1 et 3 ; 11, 3, 4 et 6 ; 14, 3 ; 37, 7 ; 28, 4 ; VIII, 5, 2 ; 6, 1) ; var. Cenabum, qu’on trouve ensuite constamment chez Strabon (Κμήναβον) et dans les autres textes. La forme primitive doit être par g.
[462] César, VII, 3, 1 ; Strabon, IV, 2, 3.
[463] VIII, 5, 4 : les forêts étaient leurs retraites habituelles, mais ne purent leur servir l’hiver de 52-51.
[464] Cela ressort de VII, 11, 4, VIII, 5, 1, et du fait que les Carnutes, malgré leur acharnement, ne se défendirent jamais dans leurs oppida.
[465] Thaumas de la Thaumassière, Hist. de Berry, Bourges, 1, 1863 (réimpr. de l’édit. de 1689).
[466] Bituriges.
[467] César, VII, 15, 4. Sur le nom d’Avaricum, dérivé de celui de l’Yèvre, Avara.
[468] César dit (VII, 13, 3) maximum, dans le sens de le plus grand.
[469] Cela résulte des 40 000 hommes qu’elle enferma en 52, VII, 28, 5.
[470] D’après César, VII, 13, 3 ; 15, 1 ; VIII, 2, 2. Linières, Pline, XIX, 8.
[471] César, VII, 22, 2 ; Strabon, IV, 2, 2.
[472] César, VII, 22.
[473] Comparez Guerre des Gaules, VII, 22 et 24, à Guerre civile, II, 1-2 et 14-16.
[474] Munitissimum, VII, 13, 3.
[475] Latos fines, VIII, 2, 2.
[476] Cf. César, VII, 5, 4. Les principales routes qui traversent le pays de Bourges paraissent être : à l’ouest, celle d’Orléans à Limoges : au centre, celle d’Orléans à Bourges, gardée par Noviodunum à l’entrée du pays biturige (cf. II, 54 ; VII, 12, 2) ; à l’est, celle de Bourges à Nevers, Decize et Bibracte (VII, 33, VIII, 2 ; 4, 1).
[477] Ils ne se sont jamais bien défendus que par Avaricum (VII, 15-28 ; cf. VIII, 2-3).
[478] VII, 5, 2-4.
[479] Les mss. de César hésitent entre Ædui, Edui, Hedui, Hiedui (Holder, I, c. 65-66) ; les monnaies donnent Eduis (Blanchet, p. 119) ; les inscriptions, Ædui ; la forme grecque la plus connue est Αΐδουοι (Strabon, IV, 3, 2) ; s’il n’y a pas erreur de copiste, la plus ancienne forme connue serait ou Α[ΐ]δυες ou Αίδούσιοι (Apollodore ap. Étienne de Byzance, s. v.). — Baudiau, Le Morvand, 2e éd., I, 1863, Nevers, p. 61 et s. ; Bulliot, Déchelette.
[480] Morvan est un nom très ancien : Morvinnicus, C. I. L., VI, 11090 ; Morvennum, totæ Tironianœ (Zangemeister, § 18, p. 24 et 31).
[481] César, I, 23, 1 : Oppido Eduorum longe maximo et copiosissimo. VII, 33, 4 : Oppidum apud cos maximæ auctoritatis. Strabon, IV, 3, 2 : Φρούριον.
[482] C’est la fameuse trouée de Chagny, route de Chalon à Digoin.
[483] Avec la montée par Arnay-le-Duc. — Ces deux routes et la Saône semblent avoir été réunies encore par trois voies traversières : 1° de Chalon et Chagny à Bibracte par Nolav et Épinac ; 2° de Mâcon à Bibracte par Cluny, Mont-Saint-Vincent, Montcenis et la vallée du Mesvrin (celle de 58 ?, I, 23, etc.) ; 3° de Mâcon à Digoin par Charolles.
[484] Par exemple : sur la route de Bibracte à Chagny et Chalon par Nolay, le mont de Rème, Rome-Château.
[485] Noviodunum, César, VII, 55. Nevers est : 1° le port de la route de la Nièvre vers Auxerre et Sens ; 2° le point de départ des routes vers Roanne et Lyon, vers Moulins et Gergovie ; 3° le port et lieu de passage sur la route de Bourges à Bibracte par la vallée de l’Aron ; 4° la grande étape de batellerie entre Roanne et Orléans, et, par suite, un des points essentiels de l’Empire éduen.
[486] Decetia : VII, 33, 2 ; c’est le point où la route de Bibracte à Bourges par l’Aron atteint la Loire.
[487] Cabillonum : VII, 42, 5 : 90, 7 ; Strabon, IV, 3, 2. C’est, si je peux dire, la ville symétrique de Nevers sur le versant rhodanien : de là partent : 1° les routes des Eduens vers le Midi par la rivière et vers les Helvètes, par les cols du Jura (cf. César, I, 11, 1 ; 12, 2), 2° la route des gens du Midi vers les Séquanes et le Rhin par Besançon ; 3° et c’est le port où aboutit la route directe du Beuvray à la Saône.
[488] Matisco : VII, 90, 7.
[489] A Nevers. VII, 55, 5 ; à Chalon, VII, 42, 5 : cf. VII, 90. 7.
[490] Le pont de Moulins semble marquer la fin du territoire des Arvernes sur l’Allier. Je doute que Vercingétorix l’eût détruit (VII, 34 et 35) s’il avait été aux Éduens. Au doyen Age, le Berry, l’Auvergne et l’Autunois se rencontrent sur ce point capital dans l’histoire de France : le passage de Moulins dépendait du pays d’Autun, Neuvy et Toulon étant à l’Auvergne (voyez la carte des Mélanges historiques, IV, collection des Doc. inédits).
[491] Segusiavi : César, I, 10, 5 (les mss. ont Sebusiani) et VII, 64, 4 : VII, 75, 2. Ils sont au confluent dès 58. — Cf. Roux, Recherches sur le Forum Segusiavorum, Lyon, 1851, p. 3. — De ce côté peut-être, les Éduens ont d’autres pagi clients (VII, 75, 2) : Aulerci Brannovices [vers Lyon ?], Blannovii [mot à détruire ?].
[492] C’est du côté de la Loire qu’il faut chercher le pagus client des Ambivareti ou Ambibareti, ceux autour d’une rivière, *Ivara ?, *Ibara ?, *Bibara ? (la Bèbre ?) ; VII, 75, 2 (mss. Ambluareti) ; 90, 6 ; cf. VIII, 2, 1. Placés à Ambierle par Noétas, Revue du Lyonnais, IIIe s., III, 1867, p. 261 et s.
[493] La victoire des Éduens résulte de ce qu’ils ont gardé Mâcon et Chalon.
[494] Ambarri : les gens des deux côtés de la Saône, Arar, ou, peut-être, de l’Ain. I, 11, 4 ; 14, 3. On en fait un peuple distinct chez Tite-Live, V, 34, 5. Cf. Debombourg, Les Ambarres, Revue du Lyonnais, IIIe s., I, 1866, p. 183 et s. ; Philipon, Note sur les limites de la cité des Ambarres au temps de l’Empire romain, Rev. coll., XX, 1899, p. 290 et s. — On ne sait où était le pagus Insubres des Éduens ; peut-être l’Isubrius des Notæ Tironianæ (Zangemeister, § 61, p. 16). Je crois à un pays entre rivières : Insubres rappelle insula.
[495] César, VII, 68, 1 ; 71, 7 ; 78, 3. Les Mandubii (var. Mandavii) seront toujours considérés plus tard comme faisant partie du pays éduen. Cela résulte, dès le temps de César, du fait qu’il n’en parle jamais que comme d’un groupe secondaire. Le nom a une terminaison d’apparence préceltique, ressemble à ceux de populations ligures : les Mandubiens pourraient donc représenter une ancienne tribu indigène soumise aux Éduens (cf. Diodore, IV, 19, 2).
[496] Quadruple route de l’Armançon et de ses affluents et débouchés sur la brèche de l’Ouche : route (en sens inverse) de Vercingétorix et César en 52, VII, 69.
[497] Alesia... te fines Heduos et limina summa tuentem, Heiricus, Carmina, Vita s. Germani, IV, 259-263.
[498] Les Éduens paraissent connus par Polybe (Άρδυες, III, 47, 3).
[499] Cf. Tacite, Annales, III, 43.
[500] César, I, 20, 31, 32.
[501] César, I, 16-18 ; V, 7 ; VII, 37-40, 54-55, 63.
[502] Note précédente.
[503] Voyez les précautions prises contre la tyrannie.
[504] Arverni (pour Are-verni ? = παρά ?), mentionnés déjà à propos des guerres d’extension et de la campagne d’Hasdrubal.
[505] César, VII, 8, 3 : (Arverni) se Cevenna ut muro munitos existimabant.
[506] Galabi : César, VII, 7, 2 ; 61, 6 ; 75, 2.
[507] Vellavii (var. Vellabii), César, VII, 75, 2 ; César, VII, 8, 2, appelle Arvernes les Vellaves. Sans doute les mêmes que les Velaunii du σύμβολον.
[508] Strabon, IV, 2, 3.
[509] Par le sillon de la Nièvre. Ligne de rencontre de César et Labienus en 52, VII, 56, 2 ; 62, 10.
[510] La source et le cours supérieur de la Loire appartiennent, je crois, aux Helviens (Vivarais) : la limite entre Ardèche et Haute Loire parait correspondre à la frontière entre Vellaves-Arvernes et Helviens.
[511] Vraiment, d’Arles et d’Avignon à Sens et à Orléans, les transports de marchandises ne devaient pas être plus coûteux par le pays des Arvernes que par les peuples de Bibracte et de Langres : sur les routes de commerce, ce pays pouvait faire concurrence à ses voisins.
[512] Rapports politiques des Arvernes avec les Gabales et les Rutènes ; César, I, 45, 2 ; route de Rodez, Javols, Le Puy.
[513] Rapports politiques des Arvernes avec les Cadurques, César, VII, 5, 1 : 73, 2 : route de Clermont, Bort, Mauriac, le puy d’Issolu : sur l’importance de cette route et du lieu de Mauriac, Vidal de La Blache, p. 290. — Par la Vienne, la route de Clermont à Limoges et à Saintes.
[514] Route transversale de l’Auvergne, celle du commerce, et celle des invasions romaines (César, VII, 8, 34-35) : Pont-Saint-Esprit, Viviers, Aubenas, col du Pal, Le Puy, Brioude, Clermont ou Gergovie, Moulins, Nevers.