I. — MARÉCAGES ET FORÊTS. Quel que fût le nombre des routes tracées et des agglomérations humaines, les Gaulois n’appliquaient pas encore leur énergie à transformer leur pays, à lutter contre la forêt et le marécage. Le travail consistait chez eux à exploiter la nature plutôt qu’à conquérir sur elle[2]. Les marais étaient protégés peut-être par l’oubli des moyens de desséchement ; ils l’étaient en tout cas par les services qu’ils rendaient en temps de guerre. Ils servaient d’abris aux campements gaulois[3], ils doublaient la défense de quelques-unes des plus grandes forteresses, comme Avaricum[4] ; c’est souvent derrière de longues et larges étendues palustres que les armées attendirent l’ennemi[5], et les marécages du Nord contribuèrent plus que la valeur des hommes à retarder la conquête romaine chez les Éburons, les Morins et les Ménapes[6]. Les forêts présentaient les mêmes avantages militaires : elles étaient, comme les palus, les plus surs des enclos en cas de danger[7], les plus utiles des frontières en temps de guerre[8]. Et, en plus, il planait sur elles le respect qui s’adresse aux plus anciennes demeures des dieux : elles donnaient asile à des assemblées de prêtres, aux colloques entre druides et néophytes[9], aux réunions solennelles des conjurations militaires[10] ; les dieux les visitaient, et les tribus, dans les heures de crise, semblaient y retrouver leur foi et leur courage, et comme l’énergie éternelle de leur vie. Elles étaient des réserves de lieux et de sentiments sacrés. La prépondérance des intérêts militaires et la force de l’esprit religieux furent pour elles des sauvegardes. On ne les détruisait qu’à regret[11]. De Besançon à l’Alsace, par exemple, elles continuaient à régner sans partage[12], dans un pays où les agriculteurs francs-comtois ont fini à force de ténacité par trouver de bonnes terres et fonder de grands marchés[13]. Volontairement, les Gaulois se fermaient la source de richesses la plus facile et la plus légitime. On doit rappeler, à leur décharge, que la forêt n’est pas incompatible, tant s’en faut, avec les besognes humaines. Elle fut souvent un capital plus productif que la terre découverte, à la condition d’être exploitée avec méthode. Or, ces peuples s’entendirent à tirer de leurs bois tous les profits possibles. La chasse était, non pas seulement un plaisir, mais une ressource : des pièces de venaison paraissaient à leurs festins[14], et à cet égard, le sanglier pouvait passer pour le plus avantageux de leurs ennemis sylvestres[15]. Comme presque toutes leurs constructions étaient en bois, la forêt constituait un entrepôt sans cesse renouvelé d’où sortaient les villes[16] et les escadres. Ce sont les chênes de l’ancienne forêt armoricaine qui firent la solidité des vaisseaux vénètes[17]. Voyez avec quelle rapidité se bâtissaient les flottes, à Arles[18], Tarascon ou Avignon[19] sur les bords du Rhône, à Meaux sur ceux de la Marne[20], partout où de grands bois touchent les rivières. Les essences des forêts gauloises étaient assez variées pour offrir des matériaux à presque toutes les industries. La plupart avaient déjà trouvé leur emploi[21]. Au charronnage, l’orme donnait son bois flexible, propre à la construction des voitures[22] ; du bouleau, blanc et fin, on tirait des cercles ou des côtes de corbeilles[23]. Des résiniers travaillaient tous les arbres utilisables, le pin, le picéa, le mélèze, le lentisque, le bouleau même[24]. Les sorciers et les devins exploitaient les simples et les parasites[25]. On savait trouver les fruits et les champignons comestibles, même les moins communs, comme les graines du pistachier sauvage[26] et l’agaric médicinal[27]. Les indigènes avaient fait depuis longtemps l’exploration pratique et minutieuse de leurs forêts[28], et il est possible que les marchands grecs les aient aidés dans cette tâche. Mais c’était peut-être à l’élevage qu’elles rendaient le plus de services. Les sous-bois de fougères et d’ajoncs, les feuillages et les fruits des arbres, offraient la litière et le pâturage aux troupeaux qui pullulaient dans la contrée, porcs innombrables et toutes les variétés des bestiaux au pied fourchu[29]. Les voyageurs venus du Midi s’extasiaient sur les multitudes de pourceaux qui erraient librement à travers les champs de la Gaule, bêtes étonnantes de grosseur, de force et de rapidité, et que l’on disait méchantes comme des loups[30] : glandées et faînées étaient leur pâture ordinaire, et l’extraordinaire abondance des porcheries gauloises, l’excellence de leurs produits, s’expliquent surtout par les vastes bois de hêtres et de chênes qui couvraient tout le pays[31]. L’homme, pour tous ces motifs, ne prenait point peur de la forêt. Elle avait, outre ses visiteurs et ses passagers, prêtres et veneurs, ses habitués et ses habitants, résiniers, charbonniers[32], bûcherons et bergers. Des sentiers de prières, de chasses, d’exploitation et de pâturage la coupaient en tout sens. Les grandes routes ne l’évitaient pas, la traversaient de part en part[33]. A la lisière, et souvent dans les profondeurs mêmes, les chefs établissaient leurs demeures[34], et les prêtres, des sanctuaires. D’importantes brèches étaient faites, qui préparaient les conquêtes futures. II. — CÉRÉALES. Dès lors, du reste, les forêts laissaient place à de larges espaces cultivés, où les terres à blé étaient, sans nul doute, les plus nombreuses. La Gaule, comme terre à froment, n’eut point la célébrité de l’Égypte, et elle ne provoqua non plus aucune de ces descriptions enthousiastes que méritèrent les emblavures et les moissons de la Circumpadane et de l’Andalousie[35]. Mais aucune des grandes contrées du monde ne présentait sur la surface de son sol une aussi heureuse répartition des terres de labour. Chaque vallée importante, chaque puissant groupe politique, trouvait la subsistance de ses habitants dans les ressources de ses sillons et de ses greniers. Les terres du bassin de la Garonne produisaient les blés de l’Armagnac chez les Ausques[36] et du Toulousain chez les Volques[37] ; le bassin du Rhône et de la Saône montrait au sud ceux du Dauphiné[38] et du Comtat[39], et au nord ceux de la Bourgogne, que se partageaient ou se disputaient Éduens et Séquanes[40] ; sur les bords de la Loire et de l’Allier, les Carnutes, en bas, étaient les maîtres de la Beauce[41], et les Arvernes, en haut, étaient les maîtres de la Limagne[42]. La possession des terres productives du mont de Soissons et de la dépression de l’Aisne vaudra aux Suessions leur grandeur et leur prospérité[43]. — C’étaient là les grands peuples de la Gaule, et les terres des moissons les plus abondantes. Mais les peuplades même des terrains médiocres, Éburons, Morins et Ménapes, récoltaient assez de blé chacune pour sa subsistance[44]. Aucune nation ancienne, autant qu’on peut en juger, n’a été mieux outillée pour défier la famine[45]. Pas une seule fois, durant huit ans, César ne fut obligé de demander des grains à l’Espagne ou à l’Italie. Il en reçut ou il en prit, on peut l’affirmer, chez tous les peuples, chez les Leuques et les Lingons des Vosges et du plateau de Langres, chez les Rèmes et les Ambiens, dans les cités de la Normandie, et même chez les Vénètes du Morbihan et chez les pauvres Boïens d’entre Loire et Allier[46]. C’est à Orléans, à Mâcon, à Chalon, qu’il installa les chefs ou les troupes chargés des approvisionnements[47] : ce qui indique que ces villes étaient alors, comme elles le sont encore, les principaux entrepôts de grains de la Gaule centrale. Le blé de la Gaule était renommé pour son excellente qualité. Il appartenait, semble-t-il, à la classe des blés tendres ; on ne pouvait le comparer, pour son peu de poids, qu’au célèbre froment de la mer Noire : il pesait tout au plus vingt livres au boisseau[48], et il donnait un pain d’une extrême légèreté[49]. Ce blé et ce pain étaient, dans leur genre, des produits aristocratiques. Mais les Gaulois ne dédaignaient pas les céréales les plus communes, l’épeautre[50], sans doute aussi le seigle[51] et l’avoine[52], et surtout les plus utiles des auxiliaires du blé, l’orge et le millet, tous deux de grand secours au pauvre peuple[53]. De l’orge[54], on tirait partout de la bière[55] et du pain dans les temps ou les maisons les moins riches[56]. Le millet ou le panic[57] rendait, dans certaines régions, plus de services que le froment lui-même. On affectait à sa culture les terres les plus maigres, notamment les surfaces sablonneuses de l’Aquitaine maritime[58]. Il servait à fabriquer du pain et de la bouillie ; et jusqu’à l’implantation du maïs, il devait fournir leur nourriture habituelle aux paysans de Gascogne[59]. A défaut de son pain de luxe, la Gaule ne devait jamais manquer de son pain de disette. Ainsi, pour cette chose essentielle à la vie, la Gaule d’autrefois ne différait pas sensiblement de la France d’aujourd’hui[60]. C’étaient les mêmes céréales, et réparties de la même manière sur la surface du sol. On avait reconnu les notions fondamentales pour l’emploi des terres, et si on ignorait le précepte célèbre, on le pratiquait déjà : Les froments sèmeras en la terre boueuse, Les seigles logeras en la terre poudreuse[61]. Et, pauvres ou riches, toutes les céréales travaillaient à donner du pain à la Gaule entière. A la différence des Germains, buveurs de lait, les Gaulois étaient donc mangeurs de pain[62] : on célébrera plus tard, à Rome même, leurs grains et leurs pains, blancs et clairs[63] comme le teint de leur visage ; et cela, aux yeux des Romains et des Grecs dévots à Cérès, rendait la Gaule un pays fort désirable[64]. III. — PÂTURAGES. Après le blé, la prairie fut, dans le monde antique, la principale manière d’occuper la bonne terre : après la nourriture de l’homme, celle des animaux compagnons de sa vie. Et même, les agriculteurs romains de ce temps préféraient le pâturage à toute autre culture, comme donnant le revenu le plus assuré[65] : car les foins procèdent presque directement du bénéfice de la nature[66]. Les Gaulois pensaient de même. Chaque peuplade possédait le nécessaire en fourrages comme en grains[67]. César n’eut jamais, semble-t-il, à souffrir de la disette de foins, sauf, bien entendu, le cas de mauvaises saisons ou d’hostilités continues[68]. Il ne dit nulle part qu’il en ait fait venir des pays voisins. Tous les principaux types de pâtures étaient représentés dans la Gaule, et par quelques-uns de leurs spécimens les plus célèbres. Les Alpes inclinaient leurs prés humides, destinés aux pacages d’été[69]. Dans la plaine du Comtat et le long du Rhône, s’étalaient des herbages fameux, produit d’une terre chaude et grasse à la fois[70]. La Crau, avec ses cailloux innombrables, à travers lesquels poussent le thym odorant et le chiendent à la saveur sucrée, était en même temps la plus sèche des terres et le plus copieux des pâturages[71]. Les forêts et les landes complétaient, sur toute la surface du territoire, l’œuvre des prés découverts : toutes étaient d’admirables pâtis sauvages, réserves de mangeaille pour les troupeaux[72]. Enfin, l’organisation des transhumances entre les plaines de la Provence et les sommets des montagnes alpestres ou cévenoles[73], montre qu’une entente avait pu s’établir entre les éleveurs de la Gaule, et que les différentes tribus savaient se prêter leurs ressources naturelles. IV. — AUTRES CULTURES. En dehors des forêts, des emblavures et des pâturages, tous les autres modes de tenir la terre étaient secondaires. Vergers, potagers ou jardins complétaient la vie des hommes et des bêtes ; ils ne la faisaient pas. De la vigne, de l’olivier, du figuier, du châtaignier, les arbres fruitiers les plus aimés des Méditerranéens, nous ne savons rien pour l’époque gauloise. Raisins et olives de table ou de pressoir paraissent inconnus en dehors de Marseille et de son voisinage immédiat[74]. Le vin de Marseille passait pour du beau vin, gras et charnu : mais on en récoltait si peu sur les collines pierreuses qui encadraient la cité grecque[75] ! Il manque toujours à la Gaule ses vignobles et ses vins, la plantation la plus avantageuse[76] et le premier aliment pour son excellence[77]. Et cela fait que malgré sa richesse en blés et en prés, elle demeurait une terre incomplète. Elle ignorait aussi cette abondance et cette diversité d’arbres fruitiers qui feront plus tard la gloire de ses vergers[78]. De ses légumes, on ne remarqua pendant longtemps que ses oignons et ses ails[79], l’asperge sauvage de l’Alsace et du Palatinat[80], sa criste-marine potagère[81], le panais[82], le chervis des environs de Dusseldorf, racine goûtée de quelques amateurs, et qui ne craignait ni l’eau ni le froid[83]. Mais c’étaient aliments médiocres et menues herbes : il restait fort à faire pour affiner le goût et pour varier les jardins. Les cultures industrielles, au contraire, paraissent avoir été, à certains égards, plus diverses et plus savantes : les Gaulois tenaient plus peut-être au luxe visible qu’aux délicatesses de la cuisine[84]. Leur sol avait été reconnu très propre à deux cultures textiles fort utiles aux peuples d’autrefois, celle du lin et celle du chanvre[85]. Le lin surtout était universellement répandu[86], et, depuis la Flandre et le pays de Caux jusque dans le Berry, le Rouergue et le Quercy, chaque peuple montrait ses linières à côté de ses emblavures et de ses pâturages[87]. La Gaule connaissait sa richesse en herbes tinctoriales : elle exploitait notamment ses vastes champs de jacinthes[88] et les baies de ses airelles[89], et elle cultivait en grand son inestimable pastel, auquel le Languedoc devra tant de fortunes, et qui préludait à sa vogue par tout l’Occident[90]. Ses champs et ses bois fournissaient d’amples récoltes de simples, d’herbes médicinales et de plantes aromatiques, chères aux guérisseurs de toutes sortes, médecins, sorciers et prêtres : la centaurée des Alpes, qui a la vertu de réunir les plaies[91] ; l’ellébore, dont les chasseurs tiraient le poison de leurs flèches[92] ; le sélage ou mousse purgative, à la fumée utile, disait-on, contre les maux des yeux[93] ; le samole, qu’on donnait aux bestiaux malades[94] ; l’absinthe de Saintonge, admirée déjà comme vermifuge[95] ; le séséli de Marseille, dont les tisanes servaient à la fois aux hommes et aux bêtes[96] ; la valériane des Alpes[97], autrement dit le nard gaulois, une des panacées du monde ancien[98] ; la bétoine, la plus vertueuse des plantes, qui rivalisait victorieusement avec elle[99] ; le cumin et la verveine sacrée[100] ; et enfin les bonnes herbes du Midi, aux senteurs vives et caressantes, la lavande des îles marseillaises[101], le thym de la Crau, qui, à défaut d’un gai tapis de verdure, donnaient à la Provence le sol le plus parfumé de l’Occident. Peu de régions au monde offraient, comme la France, une telle variété de ces herbes mystérieuses et puissantes, qui enivrent ou réconfortent. Pays des plantes et des eaux qui guérissent, les dieux avaient partout répandu leurs vertus sur le sol de la Gaule[102]. V. — PROCÉDÉS ET INSTRUMENTS AGRICOLES. Toutes ces cultures, se reposant en ondes claires et vertes au milieu des bois plus sombres, donnaient l’impression d’un domaine riche, heureux et bien travaillé, où l’abondance montait sans cesse des profondeurs mêmes du sol[103]. Aucune glèbe n’y était paresseuse, disait un Ancien, et la forêt même y travaillait[104]. Cette terre ne portait sans doute que la moitié ou le tiers de ce qu’elle produira après le seizième siècle : mais ce qu’on voyait suffisait à réjouir le regard des étrangers, à allumer les convoitises des Germains[105], et valait déjà quelques hommages aux talents agricoles de ses peuples. D’assez nombreux indices nous laissent deviner que le propriétaire gaulois n’était pas l’exploiteur routinier d’un sol fertile. Que les travaux des champs fussent confiés surtout aux esclaves et aux femmes, que le noble ait dédaigné de mettre la main à la charrue, qu’il ait regardé le maniement des rênes et de l’épée comme la seule besogne digne de sa main, cela est vraisemblable, et les Anciens l’ont fait entendre[106]. Mais enfin des multitudes d’hommes habitaient et s’occupaient sur les champs[107]. Et nul doute que le grand seigneur n’aimât à visiter et à regarder ses terres, qu’il n’ait réfléchi à propos d’elles, et cherché les moyens d’en améliorer la culture et d’accroître ses richesses. Dans ces temps lointains qui nous paraissent pleins de guerres et de combattants, il y eut des hommes intelligents et entendus qui firent de belles et pacifiques découvertes, destinées à accroître la bonté du sol natal et le bien-être de tous. Olivier de Serres a eu, dans le monde gaulois, des précurseurs dignes de lui. Les hommes de ce pays avaient conduit très loin les expériences d’amendement. Dans le Nord, on fertilisait les champs surtout avec la marne, qu’on allait chercher parfois à cent pieds sous le sol, et ce fut un objet d’étonnement, chez les Romains, que de voir des peuples engraisser la terre par la terre[108]. Chez les Éduens et les Pictons, on recourait à l’emploi de la chaux[109], matière absorbante qui convenait au sol humide de ces régions[110]. Dans le Midi, au contraire, il semble qu’on fît usage de poussière, au moins pour arroser les racines et les fruits des arbres[111]. On avait su, en Gaule, perfectionner les antiques instruments aratoires légués par d’innombrables générations. Le labour se faisait encore, chez les Méditerranéens, à l’aide de l’araire primitif, l’éternelle charrue sans roue des peuples d’autrefois ; les hommes du Nord avaient imaginé autre chose : ils attachaient le timon à un avant-train porté sur des roues, et, par-devant le soc, ils suspendaient un coutre ou couteau dont la pointe pendait en bas[112]. Ce n’était plus un simple instrument, mais une machine déjà compliquée : l’avant-train permettait, à de certains moments, de diminuer l’effort de l’attelage, et le coutre, en tranchant la terre compacte, préparait la tâche de la charrue et amorçait le sillon. L’usage de la herse, de si bon service pour briser les mottes[113], semble avoir été constant dans les Gaules[114], et peut-être est-il venu de là chez les peuples du Sud[115]. Dans les moissons, on se servait d’un peigne-faucille pour le blé[116], d’instruments à main pour le millet[117] ; mais sur les grandes plaines à froment des plus vastes exploitations, on employait de vraies moissonneuses, à dents de fer et portées sur roues, poussées par une bête de somme[118]. Et cela permettait d’aller très vite avec un minimum d’hommes et d’attelages. Nulle nation dans le monde n’avait encore mené aussi loin l’art du charronnage agricole. Pour serrer les récoltes jusqu’au moment du battage, on avait de grands bâtiments, qui servaient d’aires couvertes[119] : ce qui permettait aux cultivateurs des pays froids de battre les grains à loisir et à l’abri, et ce qui donnait aux grains, conservés plus longtemps en gerbe, le temps de gagner en beauté et substance[120]. Ils étaient passés dans des tamis faits de crin de cheval, qui étaient d’invention gauloise[121]. Les foins se faisaient avec une faux plus grande que celle du Midi. Elle avait l’avantage d’aller plus vite en besogne, ce qui était précieux sous ce ciel incertain et sur les vastes domaines qu’offrait le sol de la Gaule[122]. Quand les Romains entrèrent dans la contrée, et qu’ils en virent les pratiques et les outils, ils eurent l’impression de puissantes exploitations agricoles[123], conduites largement, avec méthode et décision[124], tandis qu’à certains égards les agriculteurs du Midi s’attardaient en des habitudes consacrées et paisibles, dans l’horizon étroit de leurs petits domaines. VI. — ÉLEVAGE. Riche en pâturages, la Gaule était un pays d’éleveurs[125]. — Alors comme maintenant, l’élevage s’adressait surtout aux quatre espèces de grandes bêtes de ferme, chevaline, bovine, ovine et porcine[126]. Le cheval gaulois[127], en effet, était déjà renommé comme bête de selle et de combat[128]. Nul auteur ne nous a dépeint ses qualités mais, comme on l’opposait volontiers au cheval germain, connu pour son aspect disgracieux, son peu de vitesse et sa résistance à la fatigue[129], on peut aisément en conclure que le nôtre avait une forme brillante, une tenue élégante, qu’il était ardent[130], souple, docile et rapide, mais qu’il manquait de solidité et de fond. Il possédait donc dès lors les principaux mérites de la race limousine, la plus alerte et la plus intelligente de la cavalerie de combat. — Les meilleurs produits, au temps de César, semblent avoir été ceux de la nation trévire[131], croisés peut-être avec les germains du voisinage. Il est également probable que les Éduens et les Arvernes élevaient une cavalerie nombreuse[132], ceux-là dans la plaine de la Bourgogne, ceux-ci sur les terrains de la Limagne[133]. Au reste, les Gaulois, qui étaient fort soucieux de l’excellence de leurs coursiers de guerre, importaient à grands frais les meilleurs individus des races voisines[134] : et ce devait être sans nul doute pour améliorer leur race propre par des remontes de choix[135]. — Les charrois incessants des expéditions militaires et des trafics sur routes laissent également supposer que le pays possédait une bonne race de chevaux de trait. Était-ce déjà le percheron ? aucun document ne permet de l’affirmer. Mais les qualités de cette race vigoureuse, dégagée et facile, tiennent tellement à la nature du sol et à la nourriture du terrain, que j’ai peine à ne point la croire aussi ancienne que les borderies et pâturages du Perche, et à ne voir en elle qu’une importation heureuse et la descendance d’arabes grossis[136]. — Les Alpes et les Pyrénées produisaient leur race de chevaux de montagne, au pied très sûr[137], et par là fort utiles comme montures et bêtes de bât. — Enfin, on célébra plus tard, au temps de l’Empire romain, les mules gauloises[138], et notamment celles de la région du Rhône, si intelligentes et si soumises que la parole humaine suffisait à les conduire[139]. L’élevage des chevaux ne faisait tort nulle part à celui des autres animaux de ferme. Grâce à l’abondance de ses pâturages, la richesse de la Gaule en gros et petit bétail fut toujours comparable à sa richesse en céréales[140]. Si elle ne nourrit jamais les innombrables troupeaux de Géryon, réservés à l’Andalousie[141], chacun de ses peuples avait sa part nécessaire de bêtes à laine ou de bêtes de boucherie : en cela comme en tant d’autres choses, elle était un pays de vie aisée et harmonieuse, où tout se rencontrait dans de justes rapports. Il n’est point de région où César ne mentionne les troupeaux à côté du froment, aussi bien dans le Nord, chez les Nerviens, les Éburons, les Morins et les Ménapes[142], que dans les contrées les plus fertiles du Centre, autour de Bourges, de Nevers et d’Alésia[143]. Hannibal avait trouvé force bestiaux et bêtes de somme dans une bourgade perdue à l’entrée de la Maurienne[144]. Les proportions des différentes espèces ne devaient pas être les mêmes que de nos jours. Il y avait moins de bêtes à cornes, le bœuf et la vache étant destinés au labour et à l’industrie fromagère, et ne donnant pas, au moins en temps ordinaire, la viande de boucherie[145]. Mais les porcs, qui la fournissaient le plus souvent, pullulaient sur tout le territoire : ils ne formaient pas, comme de nos jours, de petits groupes voisinant autour des fermes, mais des troupeaux errant et couchant librement dans les champs et sous les bois[146]. C’est peut-être le nombre des bêtes à laine qui a le moins varié : assurément moutons et brebis ne servaient pas à l’alimentation, mais la laine régnait alors sans partage dans l’industrie drapière[147]. Qu’on songe à l’importance de ces deux choses dans la vie d’alors : la viande de porc, l’élément favori des peuples de ce temps ; la laine, leur vêtement traditionnel[148]. La Gaule avait l’une et l’autre en surabondance. Elle excellait dans l’art de tirer profit des deux richesses qu’on disait les plus utiles à l’homme. Les races et les centres d’élevage, autant qu’on peut en juger par certains indices, étaient à peu près les mêmes que ceux de maintenant. Dans l’espèce bovine, on signalait les vaches laitières de la Tarentaise[149], du Gévaudan[150], de la Némausenque[151], connues aujourd’hui encore, et dont les qualités propres ont été d’âge en âge maintenues par les éleveurs du pays[152]. — Les Italiens, habitués aux porcs de petite taille, regardaient avec stupéfaction les verrats de la Gaule, gros et robustes comme des fauves[153] : c’était la race de maintenant, qui peut en effet produire des individus fort redoutables[154]. C’est en Franche-Comté[155], en Flandre[156], dans le Comtat[157] et en Cerdagne[158] qu’on les élevait avec le plus de soin. — Enfin, l’espèce ovine de la Gaule devint très vite fameuse à Rome même[159] : elle donnait une laine rude, crépue, mais serrée et résistante[160], ce qui est demeuré la caractéristique ordinaire de la plupart des races françaises[161]. Au temps de César comme maintenant, d’immenses troupeaux paissaient dans les régions du Nord, dans les Flandres et les Ardennes[162] ; alors comme de nos jours, des milliers de moutons transhumaient entre les Alpes et la Crau ; et enfin, l’île de la Corse était, dans tout l’Occident, la terre d’élection des chèvres, qui y vivent aussi nombreuses que les hommes[163]. Sur tous ces points, les révolutions économiques et les conquêtes politiques n’ont rien changé à la vie du sol. Ce dont le Gaulois se préoccupait sans doute le moins, c’était la basse-cour. Comme le verger et le potager, elle semble avoir été sacrifiée dans les grandes fermes de ce temps. Petites bêtes, petits revenus. Les abeilles s’élevaient un peu partout, surtout à cause du miel et de l’hydromel[164]. Mais les seuls vraiment célèbres d’entre les produits secondaires de l’élevage, étaient les oies de la Flandre, dont les Morins engraissaient de nombreux troupeaux. On les estimait pour la chair et surtout pour le foie, dont les gourmets de Rome devaient faire plus tard leurs délices[165]. On dira que ce sont là menus détails et simples curiosités de la vie d’autrefois. Mais les renseignements qui nous sont parvenus de cette époque lointaine sont si clairsemés qu’aucun ne doit être négligé. Et au surplus, les moindres habitudes économiques peuvent jouer un jour leur rôle dans la vie des peuples : les troupeaux d’oies des Morins ne furent pas indifférents aux brasseurs d’affaires qui exploitèrent la Gaule conquise, tout comme les castors du Canada occuperont la pensée de Colbert et de ses intendants. VII. — CHASSE ET CHIENS. La chasse fut le complément naturel de l’agriculture[166]. C’était la manière d’exploiter les terres qu’on ne cultivait pas, les bêtes qu’on n’élevait pas. Tous les Gaulois furent de très grands chasseurs devant leurs dieux[167]. Quand on composait, sous l’Empire romain, des traités de cynégétique, on y donnait la place d’honneur aux Celtes, à leurs chiens, à leurs lièvres et à leurs pratiques[168]. Je ne sais si les Celtes et les Belges, à l’ordinaire soucieux de protocole, avaient déjà établi une hiérarchie de chasses, comme celle qui se fixa au Moyen Age : chasses royales, de grands seigneurs, de gentilshommes, sans parler des chasses roturières et de celles des enfants. Mais en tout cas, il y eut chez eux des chasses de riches à grand équipage, de simples chasses au filet[169], et toutes les espèces possibles de vénerie et d’oisellerie, le courre, le tiré, le piège et ses nombreuses variétés[170]. Sur ce pays de grandes forêts, par ces temps de vie en plein air, dans cette société où dominait une noblesse passionnée, turbulente et intelligente, la chasse était devenue à la fois le plus noble des passe-temps et une science précise et compliquée[171]. La vie à la Gaston Phœbus avait commencé dans les Gaules[172]. La chasse souveraine fut sans contredit celle des bêtes rares et monstrueuses, aurochs et élans : mais on ne devait plus guère les rencontrer que dans les Vosges et les Ardennes, et elles reculaient de plus en plus vers les vastes forêts du levant[173]. Des grands animaux de la Gaule, les plus connus étaient les sangliers[174] et les ours[175] d’un côté, et de l’autre les cerfs[176] : ceux-là se chassaient surtout de près, à la lance, à l’épée ou au couteau, et on engageait contre eux de véritables combats ; les cerfs étaient tirés à coups de flèches. — Les Gaulois faisaient même usage de traits empoisonnés : ils prétendaient que les bêtes tuées de cette manière laissaient une chair plus tendre et plus savoureuse, si du moins on se hâtait de détacher la partie atteinte[177]. Comme moyen gibier à poil, on citait le renard[178], le chevreuil[179] et le chamois ou daim des Alpes[180], la bête chère aux Allobroges du Dauphiné, qui faisaient figurer son image sur les monnaies comme symbole de leur peuple[181]. — La gloire du petit gibier était le lièvre, la plus célèbre et la plus savante de toutes les chasses gauloises[182] : le lièvre de Gaule passait pour le plus gros de l’Occident ; on en signalait la variété blanche des Alpes, au pelage changeant suivant les saisons[183]. A titre de curiosité, je crois, on chassait ou on prenait des loirs[184], des marmottes[185] et des castors[186]. Le gibier à plumes renfermait des variétés plus nombreuses encore. C’était toujours dans les Alpes[187], la vraie patrie des chasseurs, que l’on tuait les bêtes les plus singulières, orgueil des tireurs venus du Midi : le coq de bruyère, d’un aspect si étrange avec son plumage noir et lustré où brille la lueur de ses sourcils écarlates[188] ; sa variété à grande taille, grosse et lourde comme un vautour[189] ; l’ibis noir, presque semblable à celui de l’Égypte[190] ; le chocard ou corbeau alpestre, noir avec le bec jaune[191] ; la perdrix de neige, hôtesse des plus hautes régions[192] ; la friande gélinotte, qu’on rencontrait, paraît-il, dans toute la Gaule et en Espagne même[193]. Mais les terres et les rives les plus lointaines de la contrée avaient aussi leurs attraits dans ce genre de chasse : on se passionna plus tard pour les oies blanches sauvages des bords du Rhin, au plumage fort estimé[194], et on s’étonna du pélican à la poche monstrueuse, qui vivait encore sur les plages désertes de la Flandre et de la Hollande[195]. Dans le Midi, le butor passait sur les plaines de la Camargue, imitant de son cri le mugissement du taureau[196], et, par les bois et les champs de toute la Gaule, les alouettes remplissaient l’air de leurs chants aux journées printanières où la nature se réveillait[197]. Passion pour la chasse, élève de chiens étaient choses inséparables[198]. Les Gaulois avaient le plus beau gibier et les plus beaux chiens de l’Occident[199]. Ils tenaient à leur espèce au moins autant qu’à celle de leurs chevaux, et ils la perfectionnaient de toutes les manières, jusqu’à la croiser avec des loups pour lui rendre sa férocité[200]. On en distinguait trois races principales. — Les vertragues ou lévriers[201], à la taille et à la robe superbes, servaient à la chasse aux bêtes rapides ; fougueux, mais fort adroits, ils savaient, disait-on, forcer le lièvre à la course et le rapporter sans dégâts[202]. — Les séguses ou sicambres[203], les braques de maintenant, valaient surtout pour la force et le courage : c’étaient de gros animaux, laids et vilains, mais bons quêteurs, rapides et tenaces, et habitués sans doute à affronter le sanglier, à le prendre corps à corps et à se rouler avec lui. On ne leur reprochait que leur aspect sauvage, leurs aboiements plaintifs, et les folles démonstrations dont ils annonçaient la piste[204]. Les meilleurs venaient du pays des Belges[205]. — Les pétrones, enfin, paraissent avoir été des chiens courants, des variétés de braques de moindre taille, d’ailleurs très bons limiers et tout aussi bruyants et agités que leurs congénères[206]. Les bêtes, dans le pays de Gaule, étaient bavardes et à demi folles comme leurs maîtres[207]. Au reste, ce monde des chiens ressemblait au monde des hommes. Il existait entre eux une hiérarchie. Dans une meute, chaque animal gardait son rôle propre : les limiers dépistaient, et les coureurs forçaient[208]. Elle était conduite par un chef, elle lui obéissait, il faisait son éducation[209]. Les chiens étaient associés à toutes les actions importantes du Gaulois. Ils l’accompagnaient à la guerre : il y avait pour eux, sur le champ de bataille, une portion de proie[210]. On les admettait aux festins et aux fêtes de la chasse[211]. Car la chasse, comme la guerre, avait son culte. A l’orée des bois ou dans les carrefours familiers aux veneurs, s’élevaient les sanctuaires qui leur servaient de rendez-vous. La divinité recevait, aussi bien qu’après une bataille, sa part de butin, dépouilles ou défenses des animaux tués[212]. Les jours des repas sacrés, les chiens festoyaient aussi, couronnés de fleurs[213]. Dans la chasse ainsi que dans la guerre, le compagnonnage s’établissait plus intime entre l’homme et l’animal. Et les étrangers du Midi s’étonnaient de ces usages à la fois sauvages, subtils et solennels, qui faisaient de la chasse gauloise une sorte de guerre rustique, savante et religieuse. VIII. — PRODUITS DE LA MER. L’exploitation des rivages et des fonds avoisinants pouvait procurer aux Gaulois des richesses presque aussi variées que la culture du sol lui-même. Mais il est malaisé de dire jusqu’à quel point ils surent la pratiquer. Nous nous rendons un compte suffisant du goût des populations antérieures, Ligures ou autres, pour les choses de la mer ; nous connaissons assez bien la pisciculture gallo-romaine. Entre ces deux périodes, l’histoire des pêcheries gauloises nous échappe à peu près complètement. Il est cependant permis d’affirmer que les hommes de ce temps ne perdirent pas ce bel appétit des huîtres[214], des coquillages et des poissons qu’avaient eu les générations antérieures, et que nous retrouverons chez leurs descendants de l’époque latine. Posidonius, qui vit les Celtes à table, dit que partout ils se faisaient volontiers servir du poisson d’eau douce ou d’eau salée, et qu’ils le mangeaient apprêté au sel, au vinaigre ou au cumin[215] (vers 100 ?). Ils n’étaient donc pas moins gourmets en cette matière que les Grecs et les Romains, et que n’importe quel peuple de l’Antiquité[216]. Les poissons[217] les plus estimés des indigènes semblent avoir été le saumon sur l’Océan, le thon[218] et le muge sur la Méditerranée[219]. Du premier, on préférait celui qui remontait les fleuves, et en particulier les eaux du bassin girondin[220]. Sur la pèche du muge, dont la chair grasse et savoureuse fut la passion des Gaulois du Sud comme celle des Italiens de l’Empire, on racontait toutes sortes de miracles : à l’entrée de l’étang de Pérols, les dauphins aidaient les pécheurs à capturer les muges, et on les récompensait en leur jetant du pain trempé de vin[221] ; dans l’étang de Salses, on les trouvait enfouis sous la boue, et on les péchait à coups de tridents[222]. — Plus tard, les Romains devaient rechercher pour leurs tables le surmulet de l’Atlantique[223], et, plus encore, les grands poissons fins des fleuves de l’Océan, la lamproie ou murène aux sept étoiles[224], l’esturgeon et le silure du Mein et du Rhin[225], et la lotte du lac de Constance, au foie savoureux[226] : j’imagine que les riverains les leur ont fait connaître. La mer, comme la terre, donnait ses récoltes industrielles. On a déjà parlé du corail des îles d’Hyères et des côtes ligures[227]. Les paysans des dunes landaises et médoquines recueillaient, je crois, l’ambre gris que laissaient sur leurs plages les cachalots errants du golfe d’Aquitaine : c’était un parfum rare, d’une étrange pénétration[228]. On ne sait comment se faisait l’extraction du sel sur les rivages[229] : mais ce fut une industrie très prospère, si on songe à la surproduction de confits et de salaisons qu’on signalait dans les Gaules. Peut-être les Gaulois, à la différence des populations de la période antérieure, ont-ils été de médiocres exploiteurs des régions maritimes[230]. Ce n’est sans doute pas le résultat d’un hasard si aucun texte ne mentionne les pécheurs de l’Atlantique. Sur la Méditerranée, les gens de Narbonne semblent s’être occupés sur terre plutôt que sur eau. Les grandes pêcheries de ce rivage, notamment celles des filés d’Hyères et de l’étang de Berre, demeurèrent toujours entre les mains des Marseillais. Sauf les Vénètes de l’Armorique, les Gaulois montraient une certaine paresse à l’endroit des choses de la mer[231]. IX. — INDUSTRIES D’ALIMENTATION. La préparation de ces produits alimentaires avait donné naissance, chez les Celtes et les Belges, à quelques industries fort bien constituées : les deux principales étaient la boulangerie et la fabrique des conserves. Et ce sont aujourd’hui encore deux des renommées de la France, pays de bon sel et de bon grain. On faisait du pain, de qualités très diverses, avec la plupart des céréales, millet ou panic, orge, épeautre et froment[232]. Celui-ci, bien entendu, donnait le meilleur et le plus léger, et la légèreté en était encore accrue par l’emploi de la levure de bière[233]. Les conserves étaient celles de viande de porc : car les Gaulois consommaient autant de confits que de viandes fraîches[234]. Il s’en préparait sans doute dans tous les pays de la Gaule, ainsi que de nos jours. Mais quatre régions furent particulièrement réputées à ce point de vue : la Cerdagne, le Comtat des Cavares, la Flandre des Ménapes, la Franche-Comté des Séquanes[235] ; le mérite des jambons du nord ou du Midi venait sans doute de la valeur du sel dont on les apprêtait ; celai des conserves franc-comtoises, des belles glandées de la Haute-Saône[236]. Et un des premiers effets de la conquête latine fut l’envahissement des marchés de Rome et d’Italie par les produits de la charcuterie transalpine[237] ; car c’était, disait-on, la plus belle de toutes[238]. Comme autre aliment d’origine animale, les Gaulois connaissaient le fromage, de vache bien entendu. On estimait fort celui de la race tarentaise et celui de la race de Lozère ; le premier était, semble-t-il, une façon de gruyère[239], le second, une sorte de cantal. Mais pour celui-ci, les indigènes ne savaient point le conserver, ce qui devait faire un jour le désespoir des gourmets romains[240]. Les plus riches seuls buvaient du vin, qu’on importait de Marseille ou d’Italie[241]. Comme boissons indigènes, on avait le lait[242], l’hydromel[243], et surtout la bière. De celle-ci, il existait un assez grand nombre de variétés : car les Gaulois en fabriquaient avec toutes sortes de céréales[244]. La plus connue et la plus estimée était celle d’orge, que quelques-uns mélangeaient avec du miel, que d’autres même relevaient par du cumin[245]. Ils produisaient aussi une façon de vin en faisant cuire dans du moût les baies ou le bois du pistachier-lentisque[246] : cela ne valait pas, tant s’en faut, le mastic célèbre de l’île de Chio[247]. Mais, quelle que fût la nature de leur boisson, les Gaulois trouvaient toujours le secret de l’ivresse[248]. Ils ne dédaignaient pas les condiments. Leurs cuisiniers utilisaient le sel, le vinaigre et surtout le cumin[249], si longtemps cher aux Anciens et à nos aïeux, l’ami de l’estomac et le symbole de l’hospitalité[250]. La graisse de porc était d’un usage constant[251]. Bien qu’aucun texte ne fasse d’eux des mangeurs de beurre, il est impossible qu’ils aient négligé cet aliment, familier aux aristocraties des peuples du Nord[252]. Leur cuisine ignorait l’huile, dont du reste ils n’aimaient pas le goût[253] : elle connaissait l’ail, l’éternelle panacée du paysan gaulois. Mais elle n’en était pas moins sortie de l’état de barbarie. Ce qui prouve encore l’ingéniosité des Gaulois en fait d’industrie ou d’art alimentaire, c’est la manière dont ils gardaient le vin. Ils ne le produisaient pas, mais ils savaient le conserver, et les besoins de son logement leur inspirèrent une invention de première importance, qui devait peu à peu transformer les industries auxiliaires de la viticulture. Aux amphores de terre cuite, seules en usage chez les peuples méditerranéens, ils substituèrent les futailles en bois, douvées et cerclées[254]. Et c’était une innovation fort heureuse : le vin, conservé de cette façon, vieillit mieux, garde son goût, prend tout son bouquet[255] ; et d’autre part, les tonneaux, faciles à équilibrer, se prêtent plus que les amphores aux manipulations nécessaires pour travailler le liquide ou le transporter[256]. X. — L’HABILLEMENT. Nous retrouvons ce sens pratique des Gaulois dans les industries du vêtement. Les gens du Midi s’habillaient de manière ou trop simple ou trop solennelle. Ils passaient de la tunique courte, qui laissait nus les bras et les jambes, à la toge démesurée, qui ~emprisonnait l’homme dans ses pans compliqués. On préféra, chez les peuples du Nord, des vêtements plus complets que l’une, moins savants que l’autre, qui abritaient tout le corps contre les intempéries, mais qui permettaient aux membres la liberté de leurs mouvements. De là l’usage des trois pièces essentielles de leur costume de dessus : les braies ou pantalons à vaste fond et à larges jambes[257] ; les justaucorps ou tuniques, fendues par devant, nouées par une ceinture, pourvues de longues manches, et ne s’arrêtant qu’aux genoux[258] ; les saies ou manteaux[259], agrafées sur la poitrine[260], percées d’amples emmanchures[261], et munies souvent d’un capuchon qu’on pouvait rabattre sur le dos ou relever sur la tête[262]. L’ensemble formait un costume que les Romains ont pu trouver inélégant, mais il était si commode et si utile qu’ils l’adoptèrent eux-mêmes[263], et que grâce aux Gaulois, il s’est imposé au monde moderne[264]. Ce qui fit la vogue de ces vêtements, ce fut, non pas seulement leur forme à demi collante, mais encore la nature de leur drap. Ils étaient en laine du pays, et si solidement tissés[265], si souples et si résistants à l’usage, qu’ils devinrent fort vite populaires parmi les soldats et les travailleurs, chez tous les gens de plein air et de fatigue[266]. On parlait des manteaux de Gaule comme on parle aujourd’hui des cotonnades anglaises. Quand Hannibal traversa les terres des Allobroges, il se procura pour son armée une bonne provision de chaudes étoffes[267]. Les meilleures étaient jugées celles de la Saintonge[268], du pays de Langres[269], de la Franche-Comté[270] et de l’Artois[271] : mais la production drapière fut générale, et chaque nation avait ses foulons et ses tisserands. Il y eut des draps d’assez nombreuses espèces, de laine fine et de laine grossière. Suivant les saisons, on prenait des manteaux légers ou épais, pardessus d’été ou d’hiver[272]. Les riches avaient leurs habits propres, comme ils avaient leur boisson habituelle. Aucune société antique n’a plus tenu que la société gauloise à montrer par des différences visibles les distinctions de classes et de fortune. Ce qui marquait les rangs, c’était, je crois, moins la forme que la teinte des vêtements. Les esclaves revêtaient une livrée de couleur[273], les prêtres gardaient la tunique et le manteau blancs[274]. D’ordinaire les Gaulois de condition, guerriers ou nobles, portaient des habits aux tons voyants. Épris des jeux de couleur, ils laissaient aux Romains la monotonie de la toge blanche ou aux Espagnols la tristesse des étoffes noires[275]. Le noir était sans doute réservé aux vêtements des jours de deuil[276]. En temps ordinaire, toutes les couleurs gaies paraissaient sur leur costume, tuniques, manteaux et pantalons mêmes : et c’était, disait-on, un spectacle curieux et magnifique[277] que de voir l’éclat bigarré de leurs habits, vergetés, marquetés, mouchetés et fleuris de dessins aux mille nuances[278], parmi lesquelles dominaient les variétés de l’or et de la pourpre[279]. Et, pour compléter encore le bariolage de leur aspect, les hommes des hautes classes se coloraient la chevelure en rouge ou en blond fauve, à l’aide soit de l’eau de chaux[280], soit d’une sorte de savon d’invention indigène[281]. Un noble gaulois resplendissait toujours de l’éclat des deux couleurs souveraines[282]. Aussi l’art de la teinture était-il fort avancé chez ces peuples. S’ils ignoraient la pourpre du murex, ils avaient découvert la plupart des teintures végétales, le violet de l’airelle[283], la pourpre de la jacinthe[284], le bleu noir du pastel[285], que l’indigo seul a pu remplacer, et d’autres encore : ils possédaient le secret, disaient les Anciens, d’imiter avec le suc de leurs herbes les couleurs que l’Orient demandait à ses coquillages, et, récoltant paisiblement dans leurs campagnes les plantes industrielles, ils n’avaient pas à braver les dangers de la mer pour lui arracher ses richesses[286]. La plèbe ignorait, je suppose, ces raffinements du costume. Beaucoup de paysans portaient des braies en fourrures de chèvres, et sans doute des surtouts de même nature[287]. Comme vêtements de dessous, je crois qu’ils usaient déjà de la chemise de lin : du reste, le mot et la chose ont pris naissance dans leur pays[288], et on ne s’expliquerait pas sans cela l’importance qu’ils donnaient aux linières[289]. La préparation des peaux et fourrures permettait encore de varier la garde-robe des riches et l’équipement des soldats. Le cuir servait à faire, chez les Allobroges, de ces solides chaussures d’hiver et de montagne qu’Hannibal fit prendre à ses troupes avant de gravir les Alpes[290]. Il entrait pour beaucoup dans les pièces de l’armement : fourreaux d’épées, baudriers et ceinturons, couvertures de boucliers, coiffures de casques, c’était de peau bien tannée qu’étaient formées les gaines solides où s’appliquaient les ornements ou les revêtements de métal[291]. On en fabriquait les différentes pièces du harnachement, et notamment les selles[292] : car le cheval du guerrier celte, comme son maître, avait sa parure[293]. Il n’était pas jusqu’aux flottes et aux murailles des forteresses qui n’eussent recours à la protection des ouvrages de cuir : ils servaient à faire les voiles des plus gros vaisseaux et les cuirasses des tours de bois[294]. Les Gaulois furent des corroyeurs émérites, et nous n’avons pas perdu ce renom. XI. — MINES Comme la laine dans le costume, le métal triomphait dans l’armement. Habits de lin et outils de pierre tendaient de plus en plus à n’être que des survivances d’époques disparues. Les temps celtiques ont coïncidé, pour la Gaule, avec l’apogée de sa puissance métallique. Elle était, disait-on, le pays où l’or foisonne[295]. Jamais ses rivières et ses filons aurifères n’ont été explorés avec tant d’énergie et de succès. Peut-être même l’exploitation en fut-elle alors trop intense : car on verra que dès le temps de la conquête romaine, ces deux sources de richesses commençaient à se tarir. L’or s’y recueillait de trois manières. Tantôt, il n’y avait qu’à tirer et laver le sable des rivières : ce qui se faisait un peu partout, et notamment le long du Rhin, dans l’antique domaine des Helvètes[296]. Et la besogne était si facile, qu’on la confiait à des femmes ou à des infirmes[297]. Tantôt, s’il s’agissait de limon aurifère, il fallait broyer les mottes avant le lavage[298] : c’était nécessaire, parait-il, pour certains gisements importants des lits de rivières pyrénéennes[299] ; mais cette tâche ne demandait qu’un faible effort. Plus dure était l’extraction par voie de mines, par exemple chez les Tarbelles de l’Adour et du Pays Basque, qui avaient les plus riches de la Gaule, et chez les Volques Tectosages de Toulouse[300] : encore les mines tarbelles offraient-elles l’avantage d’être très courtes, le gîte se trouvant à une médiocre profondeur, et elles livraient des pépites assez grosses pour remplir la main[301]. Le métal recueilli était isolé par la fonte dans des fours ; et on remarquait encore qu’il n’avait besoin que d’une légère purification[302]. Pour leur donner l’or convoité, la nature n’exigeait des Gaulois aucune souffrance[303]. L’argent était plus rare. On ne le trouvait en grande quantité que dans les mines du Rouergue et du Gévaudan[304]. Mais sur presque toute la surface de la Gaule, et notamment vers les dernières pentes des Alpes et des Pyrénées[305], la présence de galènes argentifères donnait lieu à de petites exploitations locales, humbles argentières qui laisseront ce nom à bien des localités françaises. L’exploitation de ce métal fut à la fois très disséminée et très laborieuse : ce qui était aussi le cas du plomb[306], avec lequel il se rencontrait presque toujours. Je ne pense pas que ces mines de métaux précieux[307] aient suffi pour donner aux Gaulois tout l’or et tout l’argent qu’ils désiraient et que maniaient leurs orfèvres. Les caravanes d’Espagne complétaient sans doute leurs provisions de matières précieuses. Le vrai mineur gaulois, en ce temps-là, était le chercheur de fer. C’est au centre même de la Celtique, dans le pays où avaient grandi son nom et sa puissance, c’est dans le Berry que s’abritaient les plus riches mines du pays : les Bituriges, dira plus tard César, sont des hommes fort experts dans l’art de perforer le sol et d’ouvrir des canalisations souterraines[308]. Qui sait même si l’hégémonie de ce peuple dans le monde gaulois, si les rapides succès de ses chefs lancés à la conquête du monde ne furent pas surtout l’œuvre des armes de fer forgées dans leur pays ? — Après les mines et les ferrières du Berry, on citait celles du Périgord[309]. D’autres, en très grand nombre, étaient exploitées chez les Aquitains au sud de la Garonne, et de ce genre d’hommes César nous a également vanté les talents de mineurs[310]. — On pratiquait, pour atteindre le minerai, les deux systèmes de la galerie couverte et de l’excavation à ciel ouvert. Les mines d’étain des terres vénètes, limousines et autres, étaient-elles alors exploitées ? Nous ne le savons. César parle de nombreuses mines de cuivre dans la région gasconne[311] : nous ignorons s’il en existait aussi sur le sol gaulois[312]. En tout cas, ces deux métaux étaient trop rares au dedans de ses frontières pour que la Gaule ne demeurât pas tributaire des contrées voisines. Et cette raison, jointe à l’abondance du fer, explique la courte durée et le rapide déclin de l’hégémonie du bronze chez les hommes de notre pays, et pourquoi la sidérurgie devint leur grande industrie militaire[313]. XII. — FER ET BRONZE[314]. Chaque peuplade eut sans doute ses forges militaires. Il existait partout d’immenses réserves d’armes[315] : Hannibal trouva, chez les Allobroges, de quoi reconstituer l’armement de ses troupes[316]. L’armurerie gauloise nous a surtout laissé des épées de fer. Peu de nations au monde en ont produit de telles foisons. Tout contribuait à les répandre : le nombre des mines de ce métal, leur dispersion par la contrée entière, les habitudes guerrières des indigènes, le discrédit progressif des autres armes offensives. — Les forgerons n’étaient point tous maladroits : on a trouvé des épées d’une bonne venue, et on a même affirmé que les Gaulois ont connu l’acier trempé[317]. Mais il me semble pourtant, à voir ces armes trop souvent pareilles[318], et si vite réduites à l’impuissance par les Romains, que l’épée gauloise était d’ordinaire une chose assez médiocre. Si des progrès techniques furent réalisés sur certains points, peut-être chez les Belges[319], ils ne furent pas acceptés de tous, et l’on ne vit pas dans la Gaule des armes comparables à celles que livraient les armuriers d’Espagne ou d’Italie. Le plus souvent, les ouvriers militaires de ce pays se bornèrent à être des artisans corrects, sans initiative technique, routiniers habiles et rien de plus, et leur désir d’innover s’appliqua surtout à varier la nature de la soie, le style du pommeau et les ornements de la lame[320]. — Les poignards de fer, tranchants et aigus à la fois[321], les pointes de javelots ou de lances à feuilles de laurier, solides et incisives[322], étaient peut-être, à tout prendre, des armes plus durables, de facture plus soignée. — On employait également le fer pour les accessoires de l’épée, fourreaux, poignées, rivets, chaînettes de suspension, crochets, agrafes et anneaux de ceintures[323]. Le bronze du reste servait aussi à la fabrication des mêmes accessoires[324] ; plus que le fer, il leur donnait ce vif éclat auquel tenaient les Gaulois. Pour cette raison, l’usage n’en disparut pas de la vie militaire[325] ; et on le retrouve dans les armes défensives, qui se prêtent mieux à une décoration luxueuse. Mais même là, il ne régnait pas sans partage. Il fut, dans la Gaule comme dans le monde entier, la matière par excellence des casques de guerre[326]. C’étaient, quant à leur partie essentielle, de vulgaires bonnets de bronze, ayant l’aspect de mitres, de cônes ou de dômes : rarement des visières, pare-joues ou autres accessoires, pourtant si utiles au combattant. Je parle, bien entendu, de ceux qu’on fabriquait en Gaule. L’ouvrier se bornait encore à répéter en métal la forme de la coiffure de cuir qui avait servi de modèle aux premiers casques. Son esprit d’initiative apparaissait surtout dans les ornements tracés sur le pourtour de la coiffure ou dans les motifs qui formaient cimiers ou panaches[327]. Car les armuriers s’ingéniaient plutôt en ce qui était pure décoration que technique militaire : ils complétaient par exemple, à l’usage des plus riches, la calotte de bronze par des lames d’or[328]. Après tout, les grands pour qui l’ouvrier travaillait n’avaient à combattre que des hommes armés comme ils l’étaient eux-mêmes, et les Gaulois cherchaient autant à en imposer par le luxe qu’à l’emporter par l’excellence de leurs armes[329]. Les deux métaux militaires servaient également aux cuirasses. On fit de fer les cottes de mailles à chaînons entrelacés, en usage chez certains Gaulois[330]. Mais les chefs, sans doute en plus grand nombre, qui recherchaient l’éclat et les ornements du métal, préféraient les cuirasses d’airain, à dessins gravés, semblables à celles que leur faisait connaître le monde grec[331]. Le corps du bouclier était de bois, plus rarement d’osier ou d’écorce[332]. On le recouvrait parfois de cuir[333], comme cela se fit en Grèce. Mais, si le fer entrait dans la garniture, le bronze formait les ornements, et parfois, avec lui, l’or et l’argent[334]. Une des parties essentielles était l’umbo ou bosse centrale, fort utile pour compléter la protection du soldat, et qui se prêtait aussi à des décors variés : elle consistait en une applique de métal, de fer, s’il s’agissait de bouclier très simple, de bronze, si on voulait représenter quelque mufle de bête[335]. Enfin, c’était seulement de l’airain, je crois, qu’on tirait les trompettes de guerre et les figures des enseignes[336]. Relégué au second rang dans la métallurgie de guerre, le bronze obtenait son antique prééminence dans les œuvres de la paix. La religion lui demeurait fidèle, Elle l’utilisait de préférence à tout autre métal, comme s’il avait été définitivement consacré aux dieux par un long usage. Il resta la matière brillante et à demi sainte des ustensiles de la piété, chaudrons, seaux, couteaux et cuillers de sacrifices, objets votifs, rouelles et autres talismans[337]. Dans la vie privée, le fer intervenait pour la lourde besogne de la marine[338], des charpentes[339] et du charronnage[340], et pour fournir les gros instruments agricoles[341]. Les objets plus délicats, ceux de la cuisine[342], de la toilette[343], de la couture[344], du harnachement[345], étaient en bronze. Et il y en eut, dès les temps gaulois, des espèces fort nombreuses. Colliers, bracelets, anneaux, chaînettes et pendeloques, phalères destinées à orner la poitrine des soldats[346] ou le poitrail des chevaux[347], fibules ou agrafes à la décoration variée[348], l’airain livrait une énorme quantité de ces menus objets de parure dont raffolaient les Gaulois, hommes et femmes[349]. Il gardait dans cet emploi toute sa popularité, grâce à son éclat, à un entretien plus facile, une malléabilité plus grande, l’aisance avec laquelle il se prêtait à mille formes différentes. Ce n’était évidemment pas le métal favori de la vie aristocratique, rôle que l’or seul pouvait prendre : mais il l’aidait et le suppléait souvent, et il en donnait l’illusion[350]. L’antique alliage de l’étain et du cuivre, qui avait inauguré l’activité métallique de l’humanité, conservait donc encore en Gaule une importance assez grande pour faire vivre des milliers d’ouvriers. Il est douteux, vu la rareté de l’un et l’autre métaux, que chaque peuplade ait pu avoir ses ateliers de bronze, comme elle avait ses fonderies et ses forges de fer : ils demeuraient en fait, je crois, le monopole des nations puissantes et riches, comme les Éduens et les Bituriges, et de quelques grands centres industriels, tels qu’Alésia. De là, le colportage répandait par toute la Gaule les produits des bronziers ; et sans doute aussi des fondeurs ambulants allaient, de marché en marché, avec leurs moules, leurs fourneaux et leurs pains de métal, fabriquant sur place les objets et les outils d’usage courant[351]. Le travail du fer a donné chez les Gaulois des produits fort remarquables[352]. Mais je crois qu’ils sont relativement rares. Le bronze, plus que son rival, plus même que le bois et la pierre, guidait toujours les progrès artistiques de ces peuples. Ils savaient le ciseler, le repousser, en tirer par la fonte des figures de toute sorte[353]. Les plus anciennes preuves authentiques de leur sculpture sont peut-être les têtes humaines de bronze qui formaient les poignées des épées[354], ou les bêtes fantastiques qui ornaient les boucliers et les casques[355]. Les progrès de la technique n’ont pas été chez les bronziers inférieurs à ceux de l’art. On avait trouvé et gardé les meilleures proportions d’étain et de cuivre, celles qui donnent à la fois au métal le plus de souplesse et le plus de brillant : l’alliage, dans certaines pièces, est fait avec une extrême rigueur scientifique. Aucun des procédés pour travailler le bronze n’était inconnu, ni la façon au marteau, ni le moulage, ni, dit-on, la fonte à cire perdue[356]. De nouvelles combinaisons de métaux ont été imaginées. On attribuait aux Celtes Bituriges la découverte de l’étamage, et aux industriels d’Alésia celle de l’argenture : sur des objets de cuivre on étendait un mince enduit d’argent[357], ou, ce qui était moins coûteux encore, une simple couche d’étain, brillante comme l’argent lui-même. Nul ne pouvait distinguer les objets ainsi présentés de ceux qui étaient d’argent massif. On argentait de cette façon les diverses pièces du harnachement et de l’attelage, et même, parait-il, toutes les parties des voitures, ce qui donnait l’apparence de la richesse à défaut de la richesse même[358]. L’industrie, chez les puissants de la Gaule, se mettait surtout au service de leur vanité. XIII. — OR ET ARGENT. Nous nous sommes déjà rendu compte de la place que l’or, couleur et métal, tenait dans la vie de ces peuples. Un combattant, du moins s’il était noble, ne s’avançait jamais sans ses bracelets d’or, sans ce lourd et nerveux collier dont les épaisses torsades ou la courbe puissante semblaient le symbole, de sa force et de sa richesse. L’or étincelait en cercles autour de ses poignets et de ses bras, en phalères et en pendeloques sur sa poitrine ou sur le poitrail de son cheval ; il s’incrustait dans son bouclier, le fourreau et la poignée de ses épées et de ses poignards ; il rayonnait sur son casque, s’étalait sur sa cuirasse, scintillait en filigranes le long de ses vêtements ; et enfin il paraissait ruisseler dans sa chevelure blonde[359]. On retrouvait le noble métal aussi souvent dans les sanctuaires des dieux que sur les corps des hommes. En or étaient les objets votifs les plus précieux. Des lingots s’entassaient au milieu des enceintes religieuses ou au fond des lacs consacrés. Il y avait en cette matière une sorte d’énergie éternelle et surhumaine, et c’est pourquoi elle servait plus à l’ornement des puissants qu’à la parure des femmes. On fit aux Celtes la réputation d’argentiers de mérite[360]. Nous venons de voir leur habileté pour argenter des surfaces parfois fort grandes. Rome se souvint pendant longtemps du char de combat du roi arverne Bituit, qu’elle vit un jour de triomphe : il était recouvert de plaques ou d’enduit d’argent, et le peuple s’extasia devant cette merveille (en 120)[361]. Chose étonnante, les ruines de l’époque celtique nous font très mal connaître ce genre de travail : quelques bijoux, surtout de femmes[362], sont à peu près toutes les pièces d’argenterie qui nous restent de ce temps. Il est vrai que ces ruines sont d’ordinaire des sépultures, et que quelque règle religieuse a pu restreindre l’emploi de ce métal dans la parure et le mobilier funéraires. XIV. — CORAIL, ÉMAIL, VERRERIE. Deux industries de luxe se greffaient sur l’armurerie et la bijouterie, celle du corail et celle de l’émail. Les peuples classiques ont été frappés du goût des Gaulois pour les ornements de corail[363] : au milieu des tons dorés des armes, le corail jetait la note de pourpre, et, grâce à lui, les deux couleurs s’unissaient dans l’armement même du soldat. Épées, lances, boucliers et casques étaient ornés de boutons et de cabochons en cette matière, tantôt sertis et tantôt rivés avec des pointes[364]. On l’incrustait ou on l’insérait aussi dans les bracelets, les colliers, les fibules, les pièces de harnais[365] ; et, comme il est parfois associé à des amulettes ou à des figures-fétiches[366], on peut croire qu’il était estimé dès lors un bijou porte-bonheur. L’émail[367] fut en Gaule le succédané du corail : on lui en donna la couleur de rouge sanguin, il se prêta mieux que lui aux incrustations dans le métal, et il devait revenir moins cher, n’étant pas un article d’importation. Car ce fut une industrie franchement celtique que l’émaillerie : les Grecs et les Romains l’ignoraient à peu près complètement[368], et ils se montraient légèrement incrédules lorsqu’on leur disait que les Barbares de l’Océan possédaient le secret de verser des couleurs sur l’airain en combustion, et de les y fixer comme des pierres[369]. De fait, les émailleurs gaulois faisaient preuve d’habileté dans le champlevé, et ceux de Bibracte, dont on a découvert les ateliers, les outils, les creusets et les produits, unissaient la dextérité de main de l’ouvrier à l’expérience du chimiste. Par des incisions sûrement pratiquées, ils ouvraient dans les plaques de métal des stries ou des alvéoles parfois d’une extrême ténuité[370], et la pâte une fois versée et séchée, ils la limaient et l’égalisaient avec une telle perfection, que l’émail enchâssé semble continuer le métal qui l’a reçu[371]. Les produits qu’ils ont composés[372] sont de teinte très franche leur ressemblance avec le corail est telle, dit-on, qu’il faut parfois le microscope pour les distinguer ; et l’adhérence avec le métal est aussi parfaite que celle de l’épiderme sur la peau[373]. Les émailleurs gaulois, du moins avant la conquête romaine, ne connurent que la couleur rouge, comme si le rôle de l’émail devait se borner à copier le corail[374]. Mais en revanche, toutes les couleurs entraient dans le domaine des verriers. La verrerie[375] était, en ce temps-là, une industrie de luxe, affectée à la parure des hommes et nullement aux services domestiques. Tous les efforts des verriers tendaient à fondre des bijoux qui pussent remplacer les ornements d’ambre, de pierre précieuse ou de métal. Nous ne connaissons guère, de leurs produits, que des bracelets ou des colliers : ceux-là sont d’une seule pièce, copiés sur des objets de bronze, dont ils répètent parfois les moindres détails[376] ; ceux-ci sont formés d’un assemblage de boules ou de pendeloques, et ne diffèrent que par la matière employée des inévitables colliers de l’époque lointaine. Mais cette matière est souvent supérieurement travaillée : elle est de pâte bleue, blanche, verte ou noire[377] ; quelques perles bleues surtout, remarquables par leur belle teinte, ont fait songer à des produits grecs ou orientaux[378]. Car les verriers gaulois n’ignoraient pas les secrets de quelques-unes des couleurs les plus célèbres de l’ancien monde, soit qu’ils les aient trouvés par eux-mêmes[379], soit qu’ils les aient reçus de quelque transfuge de la Méditerranée. C’est ainsi qu’ils ont su fabriquer même le bleu égyptien[380], et d’autres couleurs capables d’imiter les pierres rares ou la tallais, si chère aux âges précédents. Ainsi, l’industrie de la Gaule s’ingéniait à copier les raretés de la nature, corail et callaïs, dont s’étaient si longtemps parés les hommes d’autrefois. Et peut-être ceux de maintenant, avec la facilité ordinaire des compromis religieux, acceptaient-ils de donner à ces bijoux ou à ces appliques de verre la même vertu de talisman qu’aux choses mystérieuses sorties du sol ou de la mer[381]. XV. — CÉRAMIQUES[382]. Sur tous ces points, le progrès est très grand depuis le sixième siècle. Métaux et couleurs, armes et parures, instruments de force et objets de parade, voilà surtout ce que le Gaulois recherche et travaille. Ses industries propres, celles qui font effort et qui inventent, s’adressent aux grands et aux riches, et vivent du luxe qui environne leur corps. Au contraire, la fabrication des choses de la maison, vaisselle et meubles, se dégage plus lentement des traditions et de la routine. On dirait que le Gaulois se défendait contre le luxe de la vie domestique. Il n’a pas encore complètement renoncé, même pour le service d’une table somptueuse, aux plats de bois et aux corbeilles d’osier[383]. La céramique est peut-être, de toutes les industries, celle qui s’adresse au plus grand nombre, et qui comporte le plus d’usages communs. Il a fallu à la Grèce un extraordinaire besoin de belles choses, une subtilité incomparable du sens artistique, pour faire sortir de la terre cuite la finesse impeccable de ses vases et la sobre harmonie de leurs dessins. La céramique, qui devint, chez les Hellènes une des formes les plus souples du langage esthétique, demeura dans la Gaule la matière grossière des instruments du ménage. Elle ne fut qu’une façon économique et rapide de créer les ustensiles nécessaires. Les Gaulois exploitaient à peu près partout les terres plastiques[384], et leurs tombes étaient pourvues des poteries indispensables aux morts. Mais elles sont souvent assez grossières. Dans les sépultures des grands, pendeloques ou colliers d’or, vases de bronze finement travaillés, voisinent parfois avec des pots ou des jarres de la dernière rusticité[385]. Si on y rencontre un produit d’une céramique supérieure, on peut être sûr qu’il est importé[386]. Les riches qui désiraient, pour leur vie actuelle ou pour celle d’au delà, une vaisselle de luxe, brillante et ornée, la demandaient aux marchands venus de l’étranger ou aux fabricants d’objets de métal[387]. On confectionnait chez les Éduens de grosses jattes ou des écuelles en terre, de teinte noire, grise ou rouge, à coup sûr commodes et solides, mais d’épaisseur double et d’une vulgarité d’aspect qui eût fait honte à un potier d’Étrurie[388]. Cependant, sur certains points, il se formait une céramique vernissée plus originale, et par la forme de ses vases et par celui de ses dessins. En Belgique, du moins chez les Rèmes. On arriva à produire de grandes urnes à couverte noire, à la panse carénée d’un beau galbe, simple et ferme, aux ornements géométriques tracés en de régulières dispositions[389]. L’Armorique eut des vases assez semblables, mais aux dessins en spirales étranges et en fleurons capricieux et compliqués[390]. — Mais ce qui pouvait donner un jour à la Gaule ses écoles propres, ce fut le goût qu’elle semblait prendre pour la poterie peinte. Elle était tentée d’appliquer à la terre cuite ces habitudes de polychromie qu’avaient déjà prises ses verriers et ses teinturiers. Quelques vases rèmes présentent des motifs blancs ou rouges sur fond noir[391] ou ocres-bruns sur fond rouge[392] ; des parois de plusieurs d’entre eux se détachent en couleur des animaux fantastiques[393]. — C’est au nord de la contrée, peut-être, que l’initiative en cette matière a été la plus grande : comme si les Rèmes et les Belges, plus éloignés que les Celtes des influences et des produits méditerranéens, étaient plus libres de créer eux-mêmes. Ce ne fut que très tard, presque à la veille de perdre leur indépendance, que les peuples du Centre, Éduens et autres, eurent à leur tour leur céramique peinte : de grands bols à engobe blanc, sur lesquels de larges coups de pinceau ont tracé en brun ou en bistre des motifs géométriques d’assez belle venue[394]. Mais il eût fallu un nouvel et puissant effort pour assurer à ces poteries la finesse artistique et la valeur technique[395] que l’industrie méditerranéenne avait acquises depuis des siècles. Les meilleures pièces ont encore quelque chose d’hésitant et de primitif. Beaucoup sont faites à la main, et on s’est même demandé si le tour a été connu en Gaule avant l’arrivée des Romains[396]. L’anse, le couvercle sont rares[397]. Trop souvent, la terre a été mal choisie, et la pâte mal cuite. Il paraît bien que l’industrie céramique était à demi sacrifiée : nous ne connaissons pas de briques de l’époque gauloise[398] ; et nous avons vu que les vaisseaux vinaires étaient de bois[399]. L’attention ales hommes se détournait en Gaule des matières de terre cuite, qui régnaient alors dans le monde du Sud[400]. XVI. — CONSTRUCTION. On retrouvait la même rudesse dans les industries qui servaient à loger les hommes. L’art de la construction n’avait encore réalisé des œuvres fortes et durables que pour les services publics et militaires, dans les murailles des villes, les ponts des grandes routes, les vaisseaux de haut bord des flottes vénètes. Il est vrai que c’étaient des rouvres bien comprises, où les Gaulois avaient habilement uni les matériaux de résistance, la pierre, le bois, le fer et même le cuir. — Ils savaient tailler, disposer, river les poutres des échafaudages les plus compliqués, et cela avec une rapidité dont s’étonnera César : dans Avaricum assiégé, il les vit élever et exhausser les tours de bois de la défense aussi vite que ses soldats dressaient celles de l’attaque ; les étages succédaient aux étages, et un revêtement de cuir venait s’appliquer sur la charpente bâtie[401]. — Il a déjà été question des vaisseaux vénètes, construits et gréés avec des matériaux de choix et de taille : poutres de chêne, clous de fer d’un pouce d’épaisseur, voiles de cuir brut ou travaillé, chaînes de fer pour tenir les ancres, câbles de chanvre, et, algues ou roseaux pour calfater. — César rend également hommage à la solidité des murailles des places fortes, dont aucune après tout n’a été renversée ou ébréchée par le bélier de ses légionnaires[402]. Il faut cependant observer que de toutes les forteresses qui se sont élevées sur le sol de notre pays, celles des Gaulois ont laissé le moins de traces : les vieilles murailles ligures du Midi, à blocs énormes et de façon cyclopéenne, ont été autrement durables que les murs de Gergovie et de Bibracte ; elles n’ont point bougé, les autres n’offrent aujourd’hui que des décombres souvent indistincts. Dans les constructions militaires des Celtes, la pierre ne règne pas en souveraine ; elle n’a plus sur eux la toute-puissante attraction qu’elle exerçait sur les générations antérieures. Nous avons vu que les remparts de leurs citadelles étaient faits d’une charpente de bois et d’un appareillage de pierres. S’ils pouvaient résister aux attaques d’un ennemi, ils cédaient assez vite à l’action du temps : le bois pourrissait, les blocs, privés de leurs soutiens, s’écroulaient. Du reste, la pierre était souvent de mauvaise qualité, mal taillée, plus mal ajustée encore ; la chaux manquait[403]. Les Gaulois furent, somme toute, carriers ignorants et maçons vulgaires[404]. La pierre est toujours absente des maisons et peut-être des temples mêmes[405]. Les demeures sont faites de bois, de claies de roseau ou de chaume[406], et ce sera un jeu pour César que d’incendier les fermes et les villes[407]. On ignore la valeur décorative du marbre, les avantages des parois et des sols en briques. L’argile battue n’intervient que pour lier les matériaux ou pour remplacer le planchéiage[408]. Comme ses matériaux, le type de la maison gauloise est archaïque. Elle a la forme ronde des habitations primitives de tous les pays[409]. Une grande toiture en pente, cône ou pyramide, lui sert de couronne : toiture faite de bardeaux de chêne et de paille[410], qu’on renouvelait sans doute périodiquement[411]. Ses dimensions variaient avec la fortune de son possesseur. Chez les plus riches, la maison est une construction considérable, un vrai bâtiment, nullement une simple cabane[412]. Elle a sa cheminée principale, demeure des dieux du foyer[413] ; elle a son vestibule, oit l’on peut clouer les trophées des victoires du maître[414] ; elle a ses chambres de repos[415] et, sans aucun doute, sa grande salle d’apparat. Celle-ci, au centre de l’édifice, est le lieu des réunions et des banquets, à la fois salon et cuisine : au fond flamboie le foyer, garni de ses chaudrons brillants, de ses landiers à chenets et de ses énormes broches, sur lequel, les jours de grands repas, cuisent des membres entiers de bêtes[416]. Tout cela suppose, évidemment, quelques notions d’architecture. Mais malgré tout, on sentait que le Gaulois n’avait pas l’amour ardent de sa demeure, le désir de la bâtir et de l’orner pour un long espace de temps. Même on disait que le seuil en devait être toujours ouvert, comme si elle n’était point édifiée pour l’isolement et la retraite[417] : asile et abri, et non pas domicile permanent. Et si les Celtes ne se dressaient pas des maisons de pierre, c’était peut-être pour ne point conclure avec le sol un engagement éternel[418]. La pierre était réservée aux demeures des morts. Aucune sépulture, que je sache, ne fut de bois. Il y avait alors contraste absolu entre la maison du vivant et le logis du défunt. Celle-là s’étalait à la surface du sol, dans son enveloppe de buis et de paille qui la faisait ressembler à un arbre taillé dans une forêt. Celui-ci continuait à se cacher en bas, impénétrable sous un monceau de blocs et de terre. Mais, même en matière de sépulture, le Gaulois recule de plus en plus devant les matériaux de grosse taille[419]. L’usage des chambres inhumées à piliers et à entablement, autrement dit des dolmens, est dès lors tombé en désuétude, et je ne Gais s’il v en a quelque part de postérieurs au cinquième siècle. Les pierres plantées ou menhirs ont été peut-être plus longtemps employées, mais dans des dimensions de plus en plus restreintes : elles sont plus basses et moins larges[420], et, à la différence de l’âge précédent, les générations de l’ère celtique, pourvues partout d’instruments de fer, se sont mises à les tailler pour leur donner un aspect plus géométrique. La stèle pyramidale ou cintrée se dégageait peu à peu du bloc informe : mais le monument perdait par là de sa masse puissante et surhumaine. De la même manière, toute majesté disparaît peu à peu de l’architecture des tombes. La véritable sépulture celtique, c’est une chambre, ou plutôt une fosse creusée dans le sol, de médiocre étendue, et pouvant à peine contenir le mort, ses armes et les vases qui lui sont destinés[421]. Un revêtement de petites pierres, jamais dégrossies, ou simplement les parois du sous-sol, un tertre de terre et de pierraille, voilà toute l’armature de la demeure funéraire des plus riches[422]. Il est visible que même les morts ne désiraient, dans ce monde, qu’un domicile provisoire. XVII. — MOBILIER ET CHARRONNAGE. L’ameublement d’une maison présentait tout ensemble des usages très primitifs et de singulières recherches de confortable. Les Gaulois avaient certainement fort peu de meubles. Encore au temps des Romains la plupart d’entre eux ne connaissaient point les lits, c’est-à-dire les meubles de repos : ils s’étendaient simplement sur des couches posées à terre[423]. Pour les repas, ils s’asseyaient sur des peaux de bêtes[424] ou s’accroupissaient sur des jonchées de paille et de feuillage[425]. La menuiserie, chez eux, était à l’état rudimentaire. On ne cite d’autre spécimen de ce genre de travail que les tables de bois, très basses, sur lesquelles on servait la nourriture[426], les coffres où ils enfermaient les tètes des vaincus illustres, soigneusement embaumées dans de l’huile de cèdre[427]. Ces têtes, encore, formaient le principal ornement de la demeure, clouées sur ses parois comme d’éternels trophées[428]. Et cela lui donnait l’aspect d’une horrible hutte de sauvage. Mais à côté, quelques produits d’une industrie savante préludaient aux raffinements du luxe. Sur la terre battue s’étendaient parfois, au lieu ou près de peaux de bêtes[429], des étoffes de laine aux couleurs variées[430]. Les peuples du Nord, rivaux en cela de ceux de l’Orient[431], avaient donc trouvé, eus aussi, l’art rie ces grands tapis velus et colorés, qui substituent un sol chaud, moelleux et gai, tissé par les hommes, au sol froid et triste de la nature. La laine, enfin, valait aux Gaulois un dernier avantage. Comme elle leur fournissait les vêtements de leur corps et le sol de leur maison, elle leur donnait encore le moyen de dormir mollement et chaudement. On en bourrait les couches destinées au sommeil, c’est-à-dire qu’on en faisait des matelas. Et il parait bien que le matelas de laine a été une invention d’industriel gaulois, les peuples du Midi n’avant d’abord connu que la paillasse[432]. Si la maison gauloise n’était pas luxueusement meublée, elle offrait au moins ses recoins de reluis et de bien-être. Il faut enfin rappeler la place que le charronnage agricole et militaire a occupée dans l’industrie gauloise. On a déjà parlé des charrues à roues, des chariots, des voitures légères[433], des chars de guerre ou de parade. Nul peuple de l’Antiquité n’eut une carrosserie plus variée et plus solide. Les Gaulois ne partaient jamais en campagne sans une infinité de véhicules de toute sorte, propres à faire les plus longs trajets[434]. Nous pouvons voir par les débris des sépultures qu’ils savaient combiner les pièces de bois et de métal, de manière à obtenir à la fois le moins de frottement et le plus de résistance : les essieux étaient souvent en bronze, les bandes et les cercles en lames de fer[435]. Quand il s’agissait d’une voiture d’apparat, le Gaulois tenait fort à l’éclat de la décoration. Les parties extérieures étaient revêtues de métal brillant, ornées de plaques de bronze ou même d’un enduit d’argent[436]. Un grand seigneur, avec ses armes, ses vêtements, son char, resplendissant tous ensemble, faisait sentir ses approches par un rayonnement de lumière, comme le tonnerre par l’éclair qui l’annonce[437]. XVIII. — CONDITION SOCIALE DES TRAVAILLEURS. Les œuvres de l’industrie nous ont donc sans cesse rappelé le caractère et les habitudes de la société gauloise. Cette industrie s’attachait surtout aux choses destinées aux guerriers et aux nobles, à leurs armes et à leurs parures[438]. C’est pour l’aristocratie militaire qu’elle travaille le plus ; c’est pour lui plaire qu’elle imagine avec le plus de bonheur. Comme dans les premiers temps de la féodalité chrétienne, elle se fait d’abord la cliente de quelques puissants. Toutefois, les ouvriers et les manufacturiers ne sont pas tous sous la main et à la merci des grands. Qu’un riche seigneur ; comme Orgétorix, Dumnorix ou Lucter, ait eu des ouvriers à sa disposition, esclaves, salariés ou clients de sa famille, instruments de ses biens-fonds, à demi captifs dans les ateliers de ses fermes, cela va de soi, et il en sera éternellement ainsi sous un, régime d’aristocratie foncière. Mais ces travailleurs de domaines ne forment pas tout le corps laborieux de la gaule. Elle possède déjà, je suppose, ses voyageurs en marchandises, ses entrepreneurs de transports par terre et par eau, et sans doute d’actives corporations de mariniers ou de trafiquants, puissance nouvelle qui grandissait en dehors de la noblesse d’épée. Il y a les artisans nomades, bronziers ou étameurs, qui s’en vont de foire en foire, de carrefour en carrefour, s’arrêtant lorsqu’ils trouvent une clientèle, le plus souvent misérables et toujours vagabonds, mais libres après tout, et ne peinant que pour eux-mêmes[439]. Un plus grand nombre d’ouvriers sont déjà installés à l’abri des remparts de villes, esclaves ou affranchis de quelque riche industriel, réunis autour d’une vaste entreprise. Car je ne doute pas que les principales cités de la Gaule n’aient eu de véritables manufactures, organisées sous le direction d’un chef habile et intelligent : comment comprendre, sans cela, les progrès techniques faits par la métallurgie, et cette invention de l’argenture qu’on attribuait à la ville d’Alésia ? Déjà donc, les grandes cités de la Gaule nourrissaient, leur prolétariat d’ouvriers ou leur bourgeoisie de marchands, et ces deux forces contribuaient à créer et à faire vivre partout des centres municipaux. Par là même, cette plèbe urbaine avait dès lors son importance et son rôle. Il est probable qu’à côté des esclaves et des clients, elle renfermait aussi des ouvriers indépendants de tout lien social. En tout cas, il suffisait qu’elle fût nombreuse et groupée pour qu’elle pût devenir redoutable. Le travail matériel commençait son émancipation. Les fouilles faites à Bibracte, peut-être le centre industriel le plus important de la Gaule, nous permettent de pénétrer dans les quartiers ouvriers de la ville : les constructions dont on voit les ruines sont, il est vrai, des premiers temps de l’époque romaine ; mais la manière de vivre de ces hommes n’avait point beaucoup changé depuis que César était passé par là. Leurs forges, leurs ateliers, leurs demeures, occupaient le nord du vaste enclos que portait le plateau du Beuvray[440]. Sur cette même solitude d’où l’on peut voir aujourd’hui les fumées lointaines du Creusot, se pressait jadis la multitude des travailleurs gaulois : les foyers de la vie d’autrefois ne sont point éteints dans la région autunoise ; ils n’ont fait que se déplacer, descendant dans la plaine, changeant de carrefour[441]. Comme Le Creusot, la cité ouvrière du Beuvray était un triste entassement d’hommes et de choses[442]. Fondeurs et forgerons de fer, bronziers, orfèvres et émailleurs, respiraient et s’affairaient les uns près des autres, dans des loges étroites et contiguës, à demi terrés dans le sol[443]. A peine s’ils avaient plus d’air et de liberté que ces misérables artisans des traditions germaniques, qu’en enfermait clans des cavernes pour accomplir leur tâche[444]. Forçats rivés, même après leur mort, à l’établi et à la forge, il semble qu’on les enterrât souvent là où ils avaient vécu, et il n’est pas rare de trouver une sépulture sous le sol de l’enclume ; la besogne continuait, rude et bruyante, sur la fosse où reposait le cadavre[445]. La dureté était la loi dans ces ruelles humaines, et leurs débris informes révèlent encore l’exploitation du travail de beaucoup pour le profit de quelques-uns. Mais enfin ces émailleurs et ces forgerons avaient l’avantage d’employer leur pensée en même temps que leurs mains. Ils cherchaient des formes nouvelles ; ils maniaient des couleurs brillantes ; ils faisaient œuvre intelligente et divine, plus encore que les nobles pour lesquels ils s’épuisaient. Leur besogne n’était point estimée vite. Les prêtres ne dédaignaient pas d’en parler : dans l’activité des dieux, les druides donnaient une part plus grande à la protection du travail qu’à l’exaltation de la guerre. Deux puissances célestes avaient ces ouvriers et ces œuvres vous leur sauvegarde, et c’étaient le dieu national lui-même. Teutatès, inventeur de tous les arts, et la déesse sa compagne, qui comme lui avait créé les métiers humains. Les Gaulois, ainsi que les Grecs, avaient mis à l’origine de l’industrie humaine la souveraineté d’une pensée divine. XIX. — RELATIONS ÉCONOMIQUES. Les produits qui sortaient de ces centres économiques se répandaient par toute la taule, grâce aux routes, aux charrettes et aux marchands. Nous trouvons des cachettes de fondeurs de bronze à peu près chez tous les peuples[446]. En Armorique, chez les nations aulerques et dans la Belgique, qui manquent de métaux précieux[447], les colliers et les monnaies d’or sont aussi communs que n’importe où[448]. Bibracte, un des centres de la bronzerie gauloise, était un des points les plus distants des gîtes de l’étain et du cuivre. L’horizon des producteurs et des industriels, dès ce temps-là, embrassait tous les marchés de nom gaulois, depuis la Tamise bretonne jusqu’à l’Elbe boïen et au Danube volsque. De Bretagne, par exemple, les Celtes et les Belges recevaient l’étain et les grands chiens de guerre[449]. Ils y importaient du bronze[450], des bijoux, de la verroterie et autres objets de pacotille[451], et sans doute aussi le pastel du Languedoc, nécessaire pour produire les peintures ou les tatouages de couleur sombre où se complaisaient les indigènes de l’île[452]. Des bords de la mer du Nord, l’ambre a pénétré dans toutes les demeures ou les tombes des riches, et s’y est rencontré avec le corail apporté du Sud. Ces mêmes marchés gaulois, nous l’avons vu, s’ouvraient aux caravanes venant des contrées de langue étrangère, d’Italie[453], d’Espagne[454], et surtout de Marseille. Par Marseille arrivaient les objets d’importation les plus demandés des indigènes : c’était le vin d’abord, la boisson aristocratique, soit celui des côtes provençales, soit celui de l’Italie, transité par la ville phocéenne. Pour le vin, les riches faisaient mille folies, jusqu’à troquer un esclave contre une amphore[455]. Les Grecs de Marseille fournissaient le corail de leurs pêches aux armuriers ornemanistes. Par eux et par les Gallo-romains de la Cisalpine, les belles œuvres de l’orfèvrerie et de la céramique étrusque et grecque pénétraient jusque dans les vallées de la Suisse et les montagnes de l’Auvergne, rayons d’intelligence et de beauté qui allaient égayer ces terres barbares[456]. C’est une tombe gauloise, à Græchwil près de Berne, qui nous a livré, à côté des débris d’un char indigène, un des plus admirables vases en bronze de la métallurgie étrusque[457]. C’est à un Celte[458] sans doute qu’a appartenu le gracieux vase d’argent, de pur style alexandrin, trouvé au pied d’Alésia[459]. Plusieurs sépultures des vallées de la Saône et de la Marne présentent, à côté d’armes de fabrique nationale, une œnochoé de bronze ou un trépied de fer, aux figures d’applique d’un beau travail, œuvres fines d’ateliers méditerranéens[460]. Quelques-uns de ces objets d’art sont peut-être des trophées de victoire, souvenirs des expéditions que les Belges ou les Gésates ont faites en Italie et en Grèce dans le cours du troisième siècle. Mais d’autres ne sont parvenus si loin que par l’entremise des marchands. En tout cas, les Gaulois ont compris que c’étaient de belles choses. C’est pour cela qu’ils les ont prises ou achetées, qu’ils les transportaient avec eux à la guerre et les voulaient sous leur tente[461] ; et c’est pour cela qu’ils les ont gardées jusque dans la mort. Et le spectacle est saisissant, de voir, dans une tombe, au milieu des ternes débris de la poterie indigène, luire et s’élancer la courbe gracieuse de l’œnochoé du Midi. Il y a, entre les deux choses, une prodigieuse différence[462]. Mais elles étaient rapprochées, et de leur comparaison pouvait naître chez les Gaulois le désir de produire à leur tour des objets semblables. Par eux-mêmes déjà, et sans le secours de maîtres méridionaux, les industriels gaulois étaient parvenus à quelques grandes découvertes. En agriculture, la charrue à coutre et avant-train, la moissonneuse mécanique, la tonnellerie vinaire, la grande faux ; en métallurgie, l’argenture, l’étamage, l’émaillure ; comme vestiaire, le pantalon et le manteau ; comme literie, le matelas ; en teinturerie, les préparations végétales : voilà le bilan de leurs inventions ou de leurs habitudes propres, de celles qu’ils feront connaître aux peuples du Midi, et qui seront leur part contributive dans la vie matérielle du monde. Certes, en cet ordre d’idées, l’humanité de maintenant leur doit à peine moins qu’aux Gréco-romains de l’Antiquité classique. Si ces derniers doivent compléter l’éducation du Celte, ils auront à recevoir à leur tour les leçons des peuples septentrionaux. Même avant la conquête romaine, par l’intermédiaire des Grecs de Marseille et des peuples du Pô, quelques-unes des pratiques et des productions celtiques ont fait leur apparition en Italie. Caton l’Ancien utilise déjà pour ses laboureurs les vêtements de laine à la gauloise. En attendant de goûter aux salaisons transalpines, les Romains importent la charcuterie circumpadane, avant-garde, si je peux dire, des jambons et des oies du Nord[463]. Au temps de la première guerre punique, Hiéron de Syracuse faisait venir du pays des Allobroges, pour gréer sa flotte, des cargaisons de chanvre et de poix[464]. On s’apercevait de plus en plus, dans le Midi, que ces pays prétendus barbares renfermaient des réserves de denrées utiles tout aussi bien que de précieux débouchés. La distance entre les deux mondes diminuait chaque jour davantage. |
[1] Dickson, De l’Agriculture des Anciens, tr. fr., 2 v., 1802 (très sommaire) ; Cambry, Notice sur l’agriculture des Celtes et des Gaulois, 1806 (médiocre) ; Le Grand d’Aussy, Histoire de la vie privée des François, édit. de Roquefort, 1815, 3 vol. ; Delabergerie, Histoire de l’agriculture française, 1815 ; Reynier, De l’Économie publique et rurale des Celtes, 1818 (capital) ; Moreau de Jonnés, Statistique des peuples de l’Antiquité, II, 1851, p. 634-681 ; Cancalon, Histoire de l’agriculture, etc., 1857, I, p. 68 et s. ; Roget de Belloguet, III, 1868, p. 456 et suiv. ; Desjardins, Géographie, I, 1876, p. 408 et suiv. ; Schayes, I, 1858, p. 56 et suiv. ; de Ring, Les Tombes celtiques, 2e éd., 1854 ; n. fasc., 1861 ; 3° f., 1865 ; 4° f., Tombes celtiques de l’Alsace, 1870 ; Castan, Les Tombelles... d’Alaise, dans les Mémoires de la Soc. d’émulation du Doubs, 1838 et s. ; Chantre, Premier Age du fer, 1880 ; Flouest, Notes pour servir à l’étude de la haute Antiquité en Bourgogne, III, Semur, 1872 (Soc. des Sciences, 1871) ; II, 1873 (Rev. arch.) ; III, Semur, 1874 (Soc., 1873) ; IV, Semur, 1876 (Soc., 1875) ; Fourdrignier, Double Sépulture gauloise de La Gorge-Meillet, Paris, 1878 ; Moreau, Collection Caranda (Album Caranda), 1877-93 ; Quicherat, Hist. du costume en France, 1877, ch. 1 ; du Cleuziou, L’Art national, 1882 ; Perron, Les Tumulus de la vallée de la Saône supérieure, Rev. arch., 1882, I ; Nicaise, L’Époque gauloise dans le dép. de la Marne, 1884 ; Morel, La Champagne souterraine, Reims, 1898 (1876 et s.) ; Vouga, Les Helvètes à La Tène, Neufchâtel, 1883 ; Gross, La Tène, 1886 ; Reinach, Musée de Saint-Germain, Catalogue, 3° édit., [1898] ; Guide illustré, [1899], p. 27 et suiv. ; Bulliot, Fouilles du mont Beuvray, 2 v., 1890 ; Déchelette, L’Oppidum de Bibracte, [1903] ; [Smith et Read], British Museum, A Guide of the Early Iron Age, 1903 ; Hubert, La Collection Moreau au Musée de Saint-Germain, Rev. arch., 1902, II ; 1906, II ; Romilly Allen, Celtic Art in pagan and christian times, [1904] ; Vauvillé, Mém. de la Société des Antiquaires, 1906, p. 1 et s.
[2] Cf. Strabon, IV, 1, 2.
[3] César, VII, 16, 1 ; 32, 5 ; VIII. 11, 1 ; II, 16, 51 ; 28, 3.
[4] César, VII, 15, 5 ; 17, 1 ; 26, 2 ; cf. V, 21, 4.
[5] César, VII, 37, 4 ; 58, 1 et 6 ; cf. II, 9, 1 ; VII, 10, 2.
[6] César, III, 28, 2 ; IV, 38, 2 ; V, 52, 1 ; VI, 5, 4 et 7 ; VI, 31, 2 ; 34, 2 ; Salluste, Histoires, I, fr. 11 (cf. Ammien, XV, 12, 6).
[7] César, I, 12, 3 ; II, 18 et 19 ; III, 28 et 29 ; IV, 38, 3 ; V, 3, 4 ; 52, 1 ; VI, 5. 4 et 7 ; VI, 31, 2 ; 34, 2 ; VII, 32, 6 ; 18, 3 ; 16, 1 ; 62, 9 ; cf. IV, 18, 4 ; V, 9, 7 ; V, 15 ; V, 19 ; 21, 2 ; VI, 41, 1 ; VI, 29, 1.
[8] Tite-Live, V, 34, 8 ; César, I, 30, 6 ; cf. VI, 30, 5.
[9] Méla, III, 2, 19.
[10] César, VII, 1, 4 ; Florus, I, 45, 21.
[11] Lucain, III, 422-5.
[12] César, I, 39, 6.
[13] Cantons de Roulans, Baume, Clerval et L’Île.
[14] A cela se rapporte en partie κρεών όλομερών de Diodore (V, 28, 4), όλα μέλη, de Posidonius (Athénée, IV, 36, p. 151-2), κρεών παντοίων de Strabon (IV, 4, 3).
[15] Cf. Pline, VIII, 210. Tapis faits de la peau des loups (Diodore, V, 28, 4).
[16] César, VII, 23.
[17] César, III, 13, 3 ; Strabon, IV, 4, 1. Cf. de La Borderie, Histoire de Bretagne, I, p. 42 et suiv.
[18] César, De b. c., I, 36, 4 ; II, 5, 1.
[19] Polybe, III, 42, 3 et 8 ; Tite-Live, XXI, 26, 9 ; 27, 5.
[20] César, V, 5, 2.
[21] Un certain nombre des textes que nous allons utiliser viennent de Pline, qui écrit sous Vespasien ; mais, comme il mentionne d’ordinaire les innovations d’ordre économique (p. ex. les arbres importés en Gaule, XII, 6), comme il n’est nulle part en désaccord avec Strabon (cf. Pline, XVIII, 101, et Strabon, IV, 2, 1) ni César, il n’est pas téméraire de rapporter ses renseignements à l’époque de l’indépendance. N’oublions pas que Varron est une des sources principales de Pline (cf. Münzer, Beiträge zur Quellenkritik der Naturgeschichte des Plinius, Berlin, 1897, p. 137 et s.), et que Varron a mis en œuvre des sources antérieures à César ou contemporaines de la guerre des Gaules et notamment Timée et d’autres auteurs grecs. — Pour les identifications, souvent difficiles, des espères végétales avec les noms modernes, voyez : Matthiole, Commentaires... sur... Dioscoride, éd. franç., Lyon, 1572 (demeure capital) ; Fée, notes à l’Hist. nat. de Pline (coll. Panckoucke), t. VIII et s., 1830 et s. : Sprengel, notes à Dioscoride, collection des Medici Graci de Kühn, 1830 ; Fraas, Synopsis plantarum floræ classicæ, Munich, 1845 ; Lenz, Botanik der alter Griechen und Rœmer, Gotha, 1839 : Littré, trad. de Pline (coll. Nisard), 1883, 2 v.
[22] Pline, XVI. 228 (Gallica... se rapporte à ulmus). Columelle, V, 6, 2 : on ne reprochait à l’orme de Gaule que d’être pesant ; cf. XVI, 72. Blümner, Technologie, II, 1879, p. 290 et suiv.
[23] Pline, XVI, 75 (ne spécifie pas que ces emplois soient gaulois, mais le bouleau est arbos Gallica).
[24] Bifumen de bouleau : Pline, XVI, 73 : l’usage existe encore en Russie. Poix (πίτταν ?, ms. κιττόν) dans la région du Rhône, Athénée, V, 40, p. 206 ; sans doute la même chose que ce qui suit. Pix corticata des Allobroges ; Columelle, XII, 23, 1 ; cf. Pline, XIV, 57 ; Martial, XIII, 107. Larix, nom indigène, dans la Gaule alpestre, de la résine liquide du pin, du picéa, et sans doute aussi du mélèze : Dioscoride, I, 92 ; Oribase, Collect. méd., XIV, 60, p. 585, Daremberg. Vin de lentisque, Pline, XIV, 112.
[25] Le gui, Pline, XVI, 249-251.
[26] Staphylodendron, XVI, 69 (staphylea pinnata L.), faux pistachier.
[27] Qu’on recueillait sur les arbores glonaiferæ de la Gaule, XVI, 33 (surtout en Dauphiné ? Lenz, p. 758, d’après Chorier, I, p. 58) ; cf. les réserves de Matthiole, p. 82, et de Fée, éd. de Pline, t. X, p. 207. C’était un produit de même espèce que le sphagnos, sphacos ou bryon, ou poil de chêne, utilisé dans les bains et les tisanes (XII, 108 ; XXIV, 27). — Ajoutons, dans cet ordre d’idées, les propriétés toxiques attribuées par les Gaulois au bois et aux haies de l’if, et d’ailleurs en partie fondées (César, VI, 31, 5 ; Pline, XVI, 50 ; cf. Lenz, p. 388 ; Fée, t. X, p. 222-3).
[28] Sur les différentes essences connues des forêts de la Gaule, voyez, outre celles que nous venons d’indiquer, tome I, ch. III, §§ V et VI ; ajoutez : le saule gaulois, tenuissima (Pline, XVI, 177 ; Columelle, IV, 30, 4) ; le cytise des Alpes ou autour, cytisus laburnum L. (XVI, 76). Dans la forêt sacrée des environs de Marseille, Lucain (III, 441)-2) place des yeuses, des rouvres, des aunes, des cyprès et des ornes, et je ne suis pas sûr que ce soit fantaisie de poète. La Gaule ne possédait alors ni chênes-lièges (XVI, 34), ni platanes, semble-t-il (Pline, XII, 6).
[29] Strabon, IV, 1, 2 ; 4, 3. Ajoutez les abeilles, Diodore, V, 26, 2 ; V, 14, 1 et 3.
[30] Strabon, IV, 4, 3.
[31] Cf. Strabon, IV, 1, 2. De cette nourriture, dit Olivier de Serres, vient la plus délicate viande des pourceaux (éd. de 1600, p. 336).
[32] Emploi du charbon dans la cuisine, Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 151.
[33] Cf. César, I, 30, 6.
[34] César, VI, 30, 3.
[35] Columelle, II, 2, 25 ; Polybe, II, 15, 1 ; Strabon, III, 2, 4 ; etc.
[36] Strabon, IV, 2, 1 : il faut sans doute ajouter ici les blés de Comminges (Strabon, ibid.) ; blés d’Aquitaine dont on tente l’exportation en Cantabrie, Strabon, III, 4, 18.
[37] César, I, 10, 2 ; III, 20, 2 : Cicéron, Pro Fonteio, 12, 3 ; fr. 4, 8.
[38] Pline, XVIII, 85 ; César, 1, 28, 3 ; Polybe, III, 49, 5 ; cf. Strabon, IV, 1, 2.
[39] Pline, XVIII, 85 (mais faut-il lire Memini ?) ; cf. Strabon, IV, 1, 2. C’est sans doute chez les Cavares que s’approvisionna Marseille avant d’être assiégée par César (De Bello civili, I, 34, 5).
[40] César, I, 16, 3 ; 31, 10 ; 37, 5 ; 39, 1 ; 40, 1 ; II, 2, 6 ; VII, 17, 2 ; 90, 7.
[41] Cf. César, VII, 3, 1.
[42] Cf. César, VII, 36, 1.
[43] César, II, 4, 6 : Feracissimos agros. Le département de l’Aisne est toujours un des plus riches en cultures de toute la France. Chez les Rèmes (Brie ?, Perthois ?), Pline, XVIII, 83 (s’il y a Remi) : César, II, 3, 3 ; 9, 5 ; VII, 90, 5.
[44] César, III, 29, 3 ; IV, 38, 3 ; V, 24, 6 ; I, 16, 3 ; 31, 10 ; 37, 5 ; 39, 1 ; 40, 1 ; II, 2, 6 ; VII, 17, 2 ; 90, 7 ; VII, 36, 1 ; autour d’Aduatuca (Tongres). VI, 36, 2 ; 39, 1.
[45] Cf. Strabon, IV, 1, 2 ; Mela, III, 17.
[46] Outre les peuples et les textes cités dans les deuxième à sixième et huitième et neuvième notes plus haut : I, 40, 11 ; V, 47, 2 ; 53, 3 ; III, 7, 4 ; VII, 17, 2 ; 56, 5. César ne mentionne inopia frumenti que chez les Andes, III, 7, 2 et 3 (aujourd’hui, l’Anjou est renommé pour ses blés). Hannibal trouva cultores dans la Haute Maurienne, Tite-Live, XXI, 34, 1, et une grande quantité de froment dans la Basse, Polybe, III, 51, 12. Tout cela a été très bien montré, par Reynier, p. 388 et suiv.
[47] VII, 3, 1 ; 90, 6 ; peut-être aussi Amiens. V. 47, 2 ; 53, 3.
[48] Soit 6 k. 549 pour 8 l. 754, ou un peu moins de 0 k. 75 au litre. Levissimum Gallicum, etc., Pline, XVIII, 66 ; cette remarque est encore juste : cf. Heuzé, Les Plantes alimentaires, I, p. 327-8 (les blés les plus légers sont ceux d’Odessa et du Nord de la France). — Parmi les blés de la Gaule, Pline (XVIII, 69) cite pour les terres légères le triticum semestre ou blé d’été des Alpes, unicalamum (à une tige, ce qui peut arriver pour cette espèce dans de mauvais terrains, m’écrit Ch. Cotte), et le siligo, autrement dit le triticum hibernum, ou le gros blé blanc (cf. Fée, t. XI, p. 387) des terres humides, qu’on trouvait surtout en Dauphiné (Allobroges) et dans le Comtat (XVIII, 85). — Sur le poulard, voir deuxième note plus bas. — Le siligo des Gaules donnait 22 ou 24 livres de pain au boisseau de farine, au lieu de 24-5 ou 26-7 que donnait celui d’Italie (XVIII, 88).
[49] Pline, XVIII, 68.
[50] Pline (XVIII, 62) cite une espèce gauloise d’épeautre, nitidissimi grani, appelée bracis dans la langue indigène (cf. Holder, I, c. 509), et dont on tirait quatre livres de pain au boisseau de farine de plus que de tout autre épeautre : c’est le froment blanzé de nos campagnes. L’épeautre le plus commun en Gaule parait avoir été celui que les indigènes appelaient arinca, c’est-à-dire l’espèce grosse, aux grains ramassés, aux épis plus lourds et plus grands : on en tirait un pain très doux (XVIII, 61, 81, 92 ; XXII, 121). A l’épeautre conviennent les pauvres terres, légères et argileuses ; de Serres, p. 107. — Je ne propose ces identifications que sous réserves, et je rappelle que les spécialistes eux-mêmes ne peuvent s’entendre sur la question de savoir à quelles espèces modernes conviennent ces expressions de Pline. On les a appliquées souvent, non pas à l’épeautre, mais au blé poulard, triticum turgidum (Heuzé, p. 12 : cf. Fée, t. XI, p. 390), ou au blé amidonnier barbu, triticum amylæum. — Il est en tout cas certain que les Gaulois ont connu le blé poulard (Ch. et J. Cotte, dans L’Anthropologie, 1906, p. 513 et s.).
[51] Est mentionné par Pline (XVIII, 141) dans la région de Turin ; paraît bien déjà connu en Gaule (Reynier, p. 419).
[52] Très répandue en Germanie, Pline, XVIII, 149 ; IV, 95.
[53] Olivier de Serres, p. 108 et 109.
[54] On appelait hordeum Galaticum l’espèce à deux rangs, distichum, qu’on sème en mars : elle était ponderis et candoris eximii, Columelle, II, 9, 8 et 16 ; Palladius, II, 4 ; mais il est probable que les Gaulois ont connu l’orge à quatre et six rangs qu’on sème en automne. Orge en Ligurie, Strabon, IV, 6, 2.
[55] Diodore, V. 26, 2 ; Strabon, IV, 6, 2.
[56] Columelle, II, 9, 16. Cf. Le Grand d’Aussy, I, p. 127 et suiv.
[57] On distinguait le milium, qui est, je suppose, le millet ordinaire (panicum italicum L.), et le panicum (panicum miliaceum L.), qui est le millet à grappes ou à queue de renard. Sur toutes ces identifications, du reste, il y a discussion depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours ; cf., en sens divers, Matthiole, p. 263-4 ; Fraas, p. 310-2 ; Fée, t. XI, p. 368-9.
[58] Strabon, IV, 2, 1 ; cf. I, 2 (κέγχρος) ; Pline, XVIII, 101 (panicum). Il résulte du reste de ces textes qu’il en récoltait par toute la Gaule.
[59] Ce qui a fait donner aux Gascons le sobriquet de miliacés, Le Grand, I, p. 135.
[60] Il lui manquait seulement le maïs, car il semble bien que le sarrasin, malgré son nom, soit d’origine septentrionale ; cf. Reynier, p. 425 ; contra, Hehn, Kulturpflanzen, 5e éd., 1887, p. 415 et suiv.
[61] Olivier de Serres, p. 108.
[62] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 131 ; César, VI, 22, 1.
[63] Pline, XVIII, 62 et 66 ; Columelle, II, 9, 16.
[64] Cf. Tacite, Hist., IV, 73.
[65] Caton ap. Pline, XVIII, 29.
[66] Olivier de Serres, p. 261.
[67] Cf. Mela, III, 17.
[68] Cf. César, I, 16, 4 ; VII, 14, 2 et 4 ; 16, 3.
[69] Pline, XI, 240. Cela résulte aussi de Tite-Live, XXI, 33, 11, et de Polybe, III, 51, 12 ; et aussi du système des transhumances, Pline, XXI, 57.
[70] Strabon, IV, 1, 11 ; peut-être déjà irriguée.
[71] Pline, XXI, 57 ; Strabon, IV, 1, 7.
[72] Olivier de Serres, p. 260.
[73] Pline, XXI, 57, qui dit seulement e longinquis (in) Lapideos Campos.
[74] Diodore, V, 26, 2 et 3 ; Athénée, IV, 36, p. 152 a et c (Posidonius) ; le texte de Justin, XLIII, 4, 2, ne s’applique qu’au voisinage de Marseille. Le fait que le vin est très rare en Gaule et ne vient que de Marseille (et pas de Narbonne ou de Vienne, par exemple), montre bien que la vigne n’avait encore dépassé ni la Durance ni le Rhône. — Il est étonnant que la culture de la vigne se soit si peu propagée en Gaule avant la conquête romaine : il a dû y avoir à ce fait une cause, économique ou religieuse, mais elle nous échappe ; cf. Reynier, p. 472 et suiv. On peut cependant faire deux remarques à ce sujet : les Marseillais n’avaient aucun intérêt (cf. Le Grand d’Aussy, II, p. 380) à répandre hors de chez eux le secret du vin et de la vigne ; et il y a eu d’autre part chez certains peuples, défense d’importer du vin (César, II, 15, 4 ; cf. IV, 2, 6 ?). Dans le même sens que nous, Reinach, Cultes, II, p. 374-5.
[75] Athénée, I, 48, p. 27 c (Galien) ; IV, 36, p. 152 c (Posidonius) ; Strabon, IV, 1, 5 ; cf. Pline, XIV, 68 (pinguias, sucosum) : Martial, III, 82, 23 ; X, 36, 1 ; XIII, 123 ; XIV, 118. Il devait s’agir de vin rouge.
[76] Caton, De agricultura, 1, 7.
[77] Olivier de Serres, édit. de 1600, p. 143.
[78] Solin, XXI, 1 ; Salvien, De g. D., VII, 2, 8. Cette pénurie d’arbres fruitiers résulte de Varron (Res rusticæ, I, 7, 8, parlant du Nord), et du petit nombre de passages où Pline parle des fruits à propos de la Gaule : pèches (XV, 39 ; Columelle, X, 411 ; peut-être implantées, Hehn, p. 347), cerises (XV, 103, certainement implantées), pommes, dont il ne cite que la variété belge sans pépins (spadonium, XV, 51, la pomme-figue, qui est stérile), la nèfle gauloise ou mespilus Germanica (XV, 84). Cf., pour la période précédente, t. I, ch. IV, § XIV.
[79] Pline, XIX, 105 ; Galien, Methodus medendi, XII, 8 (Kühn, X, p. 866).
[80] Pline, XIX, 145.
[81] Batim hortensiam, quam aliqui asparagum Gallicum vocant, Pline, XXI, 86 ; c’est le fenouil marin ou criste-marine : on l’a longtemps semée dans les jardins (Estienne et Liebault, éd. de 1600, p. 95 b).
[82] Pastinaca... Gallica, Pline, XIX, 89.
[83] Siser de Gelduba (Gellep), Pline, XIX, 90.
[84] Pline, XXII, 3-4, a noté, chez les Gaulois, l’importance des cultures industrielles, et notamment tinctoriales, et cela lui sert de prétexte à un beau développement : Gallia... nec quærit in profundo murices... stans et in sicco carpit, etc.
[85] Le chanvre est cité dans la région du Rhône (Athénée, V, 40, p. 206 f). Il s’agit peut-être du pays des Allobroges, l’Isère étant le seul département de cette région important pour cette culture (Ann., 1902, p. 540).
[86] Pline, XIX, 7-8.
[87] Pline nomme, entre autres, Morins, Calètes, Butènes, Cadurques, Bituriges (XIX, 7-8). Les choses n’ont pas changé pour les deux premiers pays (la Seine-Inférieure, le Pas-de-Calais, le Nord produisant bien plus de la moitié de la filasse de lin de toute la France, Ann., 1902, p. 543). Λινουργίαι chez les Cadurques, Strabon, IV, 2, 2. Inopia lini chez les Vénètes du Morbihan (César, III, 13, 6).
[88] Pline, XXI, 170.
[89] Vaccinia... Galliæ, XVI, 77 ; c’est le vaccinium myrtilus (myrtille).
[90] Pline, XXII, 2 : il l’appelle glastum, du nom indigène. Il est fort probable qu’il s’agit du pastel ou de la guède du Lauraguais : en tout ce royaume ne vient bon qu’en l’Auragois, de Serres, p. 734. C’est à tort que l’on répète que sa culture en France ne remonte pas au delà du XIIe siècle (Heuzé, Les Plantes industrielles, I, 1859, p. 164).
[91] Pline, XXV, 67 ; c’est la grande centaurée, le rhapontic des anciennes pharmacopées, centaurea centaurium L. Il y avait en Gaule (Pline, XXV, 68) une autre centaurée que les indigènes appelaient exacum (chasse -[bile ?] ? ; contra, Holder, s. v.) : c’est la petite centaurée ou fiel de terre, erytræa centaurium. Cf. Matthiole, p. 381-2.
[92] Le renseignement doit venir, en dernière analyse, de Timée. Pline, XXV, 61 ; Aulu-Gelle, XVII, 15, 7 ; Théophraste, De plantis, IX, 10, 3 (il s’agit de l’ellébore blanc de la Haute Provence, veratrum album, Legré, Bull. de la Soc. botan. de France, 1902, p. 36-43) ; cf. Celse, V, 27, 3 ; De mirab. ausc., 86 ; Festus, p. 355, M. ; Strabon, IV, 4, 6. Le limeum des Gaulois (Pline, XXVII, 101) n’est que le nom indigène de cette espèce d’ellébore, et cervarium (ibid.) doit être la traduction latine de limeum. Comme contrepoison, les Gaulois donnaient ou l’écorce de chêne ou l’herbe au corbeau (De mir. ausc., 86).
[93] En admettant qu’il faille identifier au lycopode sélage le selago des druides, Pline, XXIV, 103 (tr. Littré).
[94] Identifié très hypothétiquement avec le samolus valerandi L. (Pline, XXIV, 104).
[95] Pline, XXVII, 45 ; Dioscoride, III, 23, 6, Wellmann ; Scribonius Largus, 141 ; Columelle, VI, 25 ; Galien, De simpl. medic. temp., VI, t (XI, p. 803, Kühn) ; De succid. (XIX, p. 742). C’est l’artemisia maritima L. Du nom donné par les Romains à l’absinthe, herba Santonica, est venu le nom de santonine donné couramment au vermifuge qui en a été tiré. Cf. Guillaud, L’Absinthe de Saintonge, 1905, p. 33 et suiv. (Revue de Saintonge et d’Aunis, XXV).
[96] Seseli tortuosum L., fenouil tortu, Dioscoride, III, 53 ; Pline, XX, 30 ; Galien, De sanitate, IV, 7 (éd. Kühn, VI, p. 282) ; Oribase, VIII, 17 (éd. Daremberg, II, p. 191) ; etc. Cf. Legré, La Botanique en Provence au XVIe siècle (Acad. de Mars., 1890-1901), p. 74 et suiv.
[97] Valeriana celtica L. ; le nom indigène (ligure) était saliunca, qui est passé en latin ; cf. Holder, II, c. 1309-10, et la note suivante.
[98] Pline, XXI, 43 ; XXVII, 48-50 ; Dioscoride, I, 7, etc. ; Celse, V, 23, 1 ; Galien, De simpl. medic. temper., VIII, 13, 2 (XII, p. 85, Kühn) ; Oribase, Collection, XV, 1, 13 ; etc.
[99] Pline, XXV, 84 : le nom que lui donnaient les Gaulois, Vettonica (d’où bétoine) viendrait des Vettones, peuple espagnol : cela ne me parait pas certain. Cf. Matthiole, p. 519 et s. ; de Serres, p. 619.
[100] Pline, XXV, 106. — Nul texte ne parle de la sauge en Gaule : mais je ne doute pas qu’elle n’eut déjà toute son importance religieuse et médicale.
[101] Plus particulièrement le stéchas des îles Pomègue et Ratonneau (Dioscoride, III, 26 [25]. Wellmann = p. 373, Sprengel), nommé ainsi du nom de ces îles, Στοιχάδες. C’est peut-être l’immortelle citrin, l’helichrysum stœchas L., et non la lavandula stœchas L., qui ne se trouve pas dans ces îles (Heckel, communication écrite). Il est cependant plus probable que Dioscoride a confondu les Stéchades de Marseille et les Stéchades d’Hyères, et qu’il s’agit bien de la célèbre lavandula stœchas de ces dernières îles.
[102] Cf. tome I, ch. III, § XI. Nous ne donnons que les plantes indiquées par les textes les plus anciens, et dont la connaissance paraît remonter aux temps de l’indépendance. On peut voir, par la richesse de l’onomastique florale chez les Gaulois, qu’ils avaient cherche et noté les caractères propres des différentes herbu de leur pays ; en d’autres termes, ils ont su herboriser. Voir le relevé de tous les noms indiqués chez de Belloguet, Glossaire, et chez Dottin, Manuel, p. 54 et s.
[103] C’est le mot de Josèphe (De Bello Judaico, II, 28 (16), 4).
[104] Strabon, IV, 1, 2.
[105] Tacite, Histoires, IV, 73.
[106] César, De bello Gallico, III, 17, 4 ; Strabon, IV, 4, 3, et IV, 1, 2 ; Cicéron, De rep., III, 9, 13.
[107] César, III, 17, 4 ; VII, 4, 3 ; VIII, 5, 1.
[108] Varron, R. r., I, 7, 8 (candida fossicia creta) ; Pline, XVII, 42-0 : il cite trois espèces sous des noms indigènes : la marne rousse, acaunumarga (marne-pierre ? ; marne vient du gaulois marga) ; la marne blanche, glis[s]omarga (marne brillante ?) ; la marne colombine, eglecopala (pala = motte ?) ; celles-là et trois autres ayant chacune ses qualités propres, soit pour le blé, soit pour les prés, et son temps d’action : tout cela soigneusement indiqué par l’écrivain latin, sans doute d’après des renseignements fournis dans le pays. Avant l’arrivée des Romains (si l’on interprète ainsi XVII, 43), on n’en connaissait que deux espèces, peut-être les deux premières. Au temps d’O. de Serres on employait la marne en Beauce, Picardie, Normandie, Bretagne (p. 100) cf. les notes de Fée, t. X, p. 417 et s.
[109] Pline, XVII, 47.
[110] Reynier, p. 412, qui ajoute que l’usage en a été conservé (1818).
[111] In provincia Narbonensi, Pline. XVII, 49 (incertain pour l’époque préromaine). De Serres, p. 101, rapproche les poussières des fumiers.
[112] C’est l’instrument inventé, dit Pline (XVIII, 171-3), en Rætia Gallia (le texte doit être fautif), et appelé par les indigènes plaumorati (cf. plovurn en vieil allemand, édit de Rotharis, 288, Pertz, Leges, IV, p. 69 : Pflug en allemand) ; Virgile semble le connaître (Géorg., I, 174, et Servius, p. 173, Thilo). L’usage du coutre se rattache à celui de l’avant-train et l’explique. Tout ce dont Pline parle dans ce passage : coutre, cuspis ou pointe de soc en forme de pelle, simultanéité du labour, des semailles et du hersage, avec double et triple attelage, se rapporte au système de culture usité dans les latifundia de la Gaule. Nous avons là la description des pratiques rapides et méthodiques d’une grande exploitation. Cf. Bornet, Bull. de la Soc. nivernaise des Sciences, IIe s., II, 1867, p. 61-2.
[113] Cf. de Serres, p. 74.
[114] Crates dentatæ, Pline, XVIII, 173 ; cf. note suivante.
[115] Hypothèse de Reynier, p. 414. La herse convient surtout là où le fonds n’est pierreux, c’est-à-dire aux pays du Nord ; d’incroyables préjugés ont du reste été toujours répandus contre cet usage, de Serres, p. 74 et 114.
[116] N’est pas dit dans les textes ; mais on a trouvé des faucilles de bronze dans les ruines lacustres, de fer dans celles de l’âge suivant (Desor, Palafittes, p. 43-4 : Saint-Germain, V, 1 G, 6 B, 10 F, Cat., p. 136, 138, 140 ; Reinach, Dict. des Ant., au mot Falx, p. 969) ; cf. Pline, XVI, 251 (falce aurea pour couper le gui).
[117] Il était cueilli épi par épi avec un peigne à main, Pline, XVIII, 297.
[118] Les dents étaient fixées par-devant à une grande caisse évasée où retombaient les épis coupés ; Pline, XVIII, 296 ; Palladius, VII, juin, 2 (texte capital). Reynier, p. 428, suppose que l’emploi de cet instrument endommageait la paille ; Desjardins, I, p. 452, croit le contraire. En tout cas elle restait sur pied, destinée aux toits des maisons. On reproche aussi à ce système la perte de nombreux grains (Reynier, p. 428 ; Fée, notes à Pline, t. XII, p. 125). Cf. encore Dickson, II, p. 346 et s.
[119] Le fait n’est pas attesté pour la Gaule, mais il est signalé chez les gens du Piémont, Bagienni (Varron, I, 51, 2), et en Norvège (Strabon, IV, 5, 3).
[120] Olivier de Serres, p. 133.
[121] Pline, XVIII, 108.
[122] Pline, XVIII, 261 (majoris compendi ?). La conséquence, semble dire Pline, était de ne pas faucher ras du sol ; c’est douteux, et il parait y avoir erreur de transmission dans le texte de Pline. Il semble au contraire que la faux italienne avait précisément l’inconvénient ou l’avantage de couper plus haut (Pline, XVIII, 261 ; cf. Varron, I, 50, 1-2) ; cf. Reynier, p. 437. La faux gauloise devait être semblable à la nôtre ; la faux italienne, à la faux-faucille (notes de Fée, t. XII, p. 114).
[123] Palladius, VII, 2 ; Pline, XVIII, 261, 296.
[124] Palladius, VII, 2, et Pline, XVIII, 261, marquent le désir des Gaulois d’économiser du temps. Ces exploitations en grand des domaines gaulois avec emploi de machines compliquées durent faire sur les Gréco-romains la nième impression que jadis, sur nos Beaucerons, les immenses exploitations américaines avec les machines de Mac Cormick. — Il va sans dire qu’il n’y a pas à s’arrêter au mouvement oratoire de Cicéron, De republica, III, 9, 15 ; Galli turpe esse ducunt frumentum manu quærere. C’est, je crois, un développement banal sur les goûts militaires des Gaulois, qui préfèrent piller plutôt que de semer, et ce serait subtiliser à outrance que d’y voir une allusion à la moissonneuse mécanique.
[125] Ad pecuariam... Galli adpositissimi, maxime ad jumenta (Varron, R. r., II, 10, 4), et cela s’applique à tous les Gaulois. Pecuaria Gallus, arma Chalybs, sont des expressions inséparables, Sidoine, Carmin, V, 45-6.
[126] On a prétendu (Delabergerie, p. 431) que la Gaule ignora la chèvre avant la conquête romaine. Outre que cela parait bien extraordinaire avec le voisinage de la Corse, les Gaulois connaissaient, dès 218, l’usage des outres (de bouc ?) pour le transport des marchandises (Tite-Live, XXI, 27, 5). Arrien parlera de chèvres en Gaule (Cynégétique, 34, 2). Et il semble bien qu’on ait trouvé des ossements de chèvres dans des stations de l’époque celtique (à Pommiers près de Soissons : Vauvillé, Congrès arch... de Soissons, 1887, LIVe s., p. en 1888, p. 177).
[127] Il me parait manquer un bon travail sur les races chevalines de la Gaule antique. Cf. Schlieben, Die Pferde des Alterthums, Leipzig, 1867, p. 64 et s., p. 109 et s. ; Piètrement, Le Cheval dans les temps préhistoriques et historiques, 1883, p. 386 et s. ; Sanson, Traité de zootechnie, III, 3e éd., 1888 ; Zaborowski, Assoc. franç., Angers, 1903, II, p. 845-862 ; Piètrement, Des Races chevalines, 1905, extr. des Bull. et Mém. de la Soc. d’Anthr. de Paris (6 oct. 1904). Ossements de chevaux de la race asiatique trouvés dans le lac de Bienne, Sanson, Rev. arch., 1877, I, p. 190-3.
[128] Horace, Odes, I, 8, 6-7.
[129] César, IV, 2, 2 (conserver le prava des mss. α ; Meusel a tort de préférer le parva des mss. β) ; VII, 65, 5 ; Tacite, Germanie, 6. Voyez sur ces textes Piètrement, Races, p. 14-17.
[130] Cf. Horace, Odes, I, 8, 6-7.
[131] Plurimum equitatu valet, César, V, 3, 1. — La légende des equæ hermaphroditæ du pays trévire (Pline, XI, 262) dissimule quelques croisements.
[132] En tout cas, la cavalerie de guerre des deux nations parait particulièrement forte, VII, 67, 7 ; 4, 8 ; 38, 2. Peut-être aussi celle de l’Armagnac, Condomois et Bigorre (III, 20, 3 ; VII, 31, 5).
[133] O. de Serres, p. 290, cite comme pays d’élevage : Bourgogne, Bretagne, Auvergne.
[134] César, IV, 2, 2 ; de même, les Gaulois du Danube, Tite-Live, XLIII, 5.
[135] La Gaule avait ses chevaux sauvages (dans les Alpes, et peut-être aussi en Camargue) ; sur les dompteurs de chevaux en Gaule, Pline, III, 123 : Eporedias Galli bono equorum domitores vocant.
[136] Le cheval percheron est un produit sélectionné du sol, dit Vallée de Loncey, qui d’ailleurs ne consent pas à lui donner plus de deux siècles d’existence (Le Cheval percheron, Nogent-le-Rotrou, 1903, p. 3). On aurait trouvé cependant un crâne de percheron dans un gisement préhistorique (Piètrement, Races, p. 5). Dans le sens développé ici, du Haÿs, Le Cheval percheron, [s. d.], p. 21-6. — La question du cheval boulonnais est plus incertaine encore. — En ce qui concerne le cheval germanique, il semble bien qu’il ne différât pas de ce qu’il est aujourd’hui (Piètrement, Races, p. 5-6, 16). — A titre de comparaison, remarquez en Afrique la persistance du type du cheval indigène, Bertrand, Bull. arch., 1906, p. 3-31.
[137] Chevaux sauvages, dit Strabon, IV, 6, 10, de ceux des Alpes ; pour ceux des Pyrénées, III, 4, 15, où il ne parle, il est vrai, que de l’Espagne. Hannibal en prit un fort grand nombre à son entrée en Maurienne, Polybe, III, 51, 12. A remarquer l’absence de cavalerie chez les Nerviens, Hainaut, Bavai (César, II, 17, 4).
[138] Ήμίονοι Γαλτικαί dans Plutarque, De cupid. div., 2, p. 524 a, peut se rapporter à la Gaule aussi bien qu’à la Galatie. On a rapporté à l’élevage du mulet le dieu Mullo (C. I. L., XIII, 1, p. 493), cf. Reinach, Cultes, I, p. 64 : mais cela est bien hypothétique. Je ne crois pas le mulet d’importation grecque.
[139] Claudien, Carm. min., 22 (51). Les départements qui produisent aujourd’hui le plus de mules sont Gard, Drôme, Vaucluse, Basses-Alpes (cf. Min. de l’Agric., Ann., 1902, p. 600-4). Les plus célèbres sont celles du Poitou, dont je ne peux trouver aucune trace avant le haut Moyen Age (cf. Ayrault, De l’Industrie mulassière en Poitou, Niort, 1867, p. 5 et s.) : mais il ressort du moins des textes médiévaux que cette industrie n’est pas, comme on le dit couramment, d’origine moderne. — Le texte d’Aristote sur l’absence d’ânes en Celtique ne peut s’appliquer qu’aux pays de la Basse Allemagne, et je doute fort que l’âne soit d’importation romaine (hypothèse de Reynier, p. 512-4).
[140] Strabon, IV, 1, 2.
[141] Strabon, III, 2, 13 ; Justin, XLIV, 4, 14-16.
[142] César, III, 29, 2 ; VI, 3, 2 ; VI, 6, 1 ; VI, 35, 6 ; VIII, 24, 4. Remarquez qu’à propos de ces quatre peuples César donne d’ordinaire la formule magno pecoris numero : l’élevage en grand avait donc déjà commencé dans la Flandre et les Ardennes ; cf. Strabon, IV, 4, 3.
[143] VII, 17, 3 ; VII, 56, 5 (le long de la Loire vers Nevers) ; VII, 71, 7 (Auxois) copia dans les deux derniers cas. Strabon signale encore les pâturages du Comtat et de la plaine du Rhône, entre Avignon et Orange (IV, 1, 11).
[144] Tite-Live, XXI, 33, 11 ; Polybe, III, 51, 12.
[145] Pline, VIII, 187 ; cf. cependant Strabon, IV, 4, 3.
[146] Strabon, IV, 4, 3, à rapprocher de Polybe, XII, 4, 8. Sur cette décadence de l’élevage des porcs, qui commençait peut-être de son temps, cf. Olivier de Serres, p. 332 et suiv.
[147] Pline, VIII, 187 ; cf. cependant Strabon, IV, 4, 3.
[148] Columelle, VII, 2, 1 ; Pline, VIII, 187 ; Varron, R. r., II, 4.
[149] Pline, XI, 240 (Alpes Ceutronicæ, Tarentaise). Il s’agit, sans aucun doute, des ancêtres de la race tarine (cf. Ministère de l’Agriculture, Annales, 1902, p. 338 et suiv.), formée autour de Moutiers, race petite, de viande médiocre, mais très travailleuse et très bonne laitière, ce qui correspond fort bien à la description faite ailleurs par Pline de la race alpine (VIII, 179, plurimum lattis Alpinis quibus minimum corporis). Hannibal trouva, à l’entrée de la Maurienne, beaucoup de bêtes à joug (Polybe, III, 51, 12).
[150] Pline, XI, 240 (caseo... Lesuræ Gabalicique pagi [?]). Est-ce la race d’Aubrac, qui occupe aujourd’hui ce pays ? ou ne serait-ce pas plutôt celle de Salers (Cantal), bien meilleure ? Il serait possible, d’ailleurs, que Pline, qui distingue ici entre le fromage de Lozère et celui de Gévaudan, ait fait allusion à l’une et l’autre ; cf. Ann., 1902, p. 344 et suiv.
[151] Pline, XI, 240. Sans doute l’arrondissement du Vigan, où pénètre la race d’Aubrac, Ann., p. 350. — La présence aux abords de Nevers de copia pecoris fait songer à la race charolaise (César, VII, 56, 5). — L’élevage chez les Frisons est mentionné par Tacite, Ann., IV, 72.
[152] Gallici (tauri) chez Varron, R. r., II, 5, 9, s’applique à la Circumpadane.
[153] Strabon, IV, 4, 3.
[154] C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la race celtique, dont des individus dépassent 300 kilogrammes ; la race ibérique, qui est celle des pays méridionaux, est très inférieure à ce point de vue (Sanson, Traité de Zootechnie, V, 2e éd., 1878, p. 253 et 258).
[155] Chez les Séquanes, Strabon, IV, 3, 2.
[156] Chez les Ménapes, Martial, XIII, 54.
[157] Varron, R. r., II, 4, 10 : peut-être aussi dans les environs de Marseille (Comatinæ pour Comanæ ?).
[158] Strabon, III, 4, 11. Martial, XIII, 54.
[159] Voir les textes note suivante et troisième note après celle-ci.
[160] Τραχΐα, άκρόμαλλος (la correction en μακρόμαλλος parait inutile), δασεΐς, Strabon, IV, 4, 3. — Notons cependant que certains tissus de laine trouvés dans les tombes de l’époque gauloise (Mercey, Haute-Saône, chez les Séquanes) témoignent d’une race de moutons, dont la laine avait une très grande finesse (Perron, Rev. arch., 1882, I, p. 132 : cf. Saint-Germain, VI, 1). — Une race particulière mentionnée par Pline (VIII, 191) est celle de Pézenas, moutons à laine très courte : c’est sans doute une variété non perfectionnée de la race du Languedoc-Roussillon, qui appartient en effet à la classe des laines courtes.
[161] Cf. (Carlier), Considérations sur les moyens de rétablir en France les bonnes espèces de bectes à laine, Paris, 1762.
[162] Rapprochez Strabon, IV, 4, 3, et César, III, 29, 2 ; VI, 3, 2 ; VI, 6, 1 ; VI, 35, 6 ; VIII, 24, 4. Il résulte de l’éloge particulier (άστείας, élégante) donné par Strabon aux produits du Nord, que la Flandre eut de bonne heure sa race de moutons à laine fine, différente des races françaises proprement dites (cf. Reynier, p. 499) : Strabon semble indiquer que cette race a été importée par les Romains après la conquête : mais il n’est pas sûr qu’il ne faille pas, au lieu de οί 'Ρωμαΐοι, lire οί Μωρΐνοι τρέφουσι, etc. (éd. Müller, p. 964) ; cf. Blümner, I, p. 92.
[163] Polybe, XII, 4, 3. Le recensement de 1901 en comptait 249.290 (Ann., 1902, p. 603), et la Corse renfermait à cette date 288.586 habitants.
[164] Diodore de Sicile, V, 26, 2 ; Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 c. Pythéas signale l’élevage des abeilles en Norvège, Strabon, IV, 3, 5. En Corse, Diodore, V, 14, 1 et 3.
[165] Pline, X, 52-3 ; cf. Keller, Thiere des classischen Alterthums, Innsbruck, 1887, p. 299 ; sur les oies sauvages du Nord, Bach, Mém. de la Soc. d’Arch... de la Moselle, 1864, p. 40 et s. (fantaisiste).
[166] C’est par elle qu’Olivier de Serres termine son ouvrage, p. 992 et suiv. ; Gaston Phœbus, dans son Livre de Chasse (éd. Lavallée, 1834), peut fournir d’utiles rapprochements entre la chasse gauloise et la chasse du Moyen Age ; à ce point de vue également : La Chasse royale composée par le roy Charles IX, éd. Chevreul, 1837 ; [Gaffet de La Briffardiere], Nouveau Traité de vénerie, 1742.
[167] Je prends cette expression, parce que les Celtes ne chassaient pas άνευ θεών (Arrien, Cynégétique, 35, 1).
[168] Le traité d’Arrien est un véritable panégyrique de la chasse celtique. Et cela prouve que les usages citaient antérieurs à la conquête romaine.
[169] Arrien, 19-21 ; 3, 1. Il semble, d’après Arrien, que la chasse à cheval fût noble, et la chasse au filet, roturière.
[170] Appareil ad venandum et aucupandum... lanceis, gladeis, cultris, retibus, plagis, laqueis, formidinibus, testament d’un Lingon, C. I. L., XIII, 5708. Strabon (IV, 4, 3) mentionne un dard à main pour la chasse aux oiseaux, et qui portait plus loin qu’une flèche. Pour ces procédés et armes de chasses, le recueil des Bas-reliefs, publié par Espérandieu (I, 1907), fournira un très grand nombre de documents.
[171] Rien, jusqu’ici, n’a permis de prouver l’existence de la chasse à l’épervier ou au faucon, dont il n’est pas parlé en Occident avant IVe siècle (Servius, ad Æn., X, 145 ; Sidoine, Ép., V, 5, 2 ; Firmicus Maternus, Math., V, 8, p. 139, Pruckner, 1551) ; cf. Hehn, Kulturpflanzen, 5e éd., 1887, p. 304 et suiv. Je doute cependant qu’elle ne soit pas plus ancienne.
[172] Voyez chez Arrien (19-21) les règles des deux espèces de chasse au lièvre dans les Gaules.
[173] César ne parle déjà de leur chasse qu’à propos des Germains et de la forêt Hercynienne ; VI, 27, 4 ; 28, 3. Mais il est fait mention de cornes d’élans dans l’héritage d’un Lingon (C. I. L., XIII, 5708, 28), d’élans chez les Celtes (Pausanias, V, 12, 1 ; IX, 21, 3), d’élans et d’aurochs dans les Vosges et les Ardennes mérovingiennes, d’aurochs sans doute en Frise (Tacite, Ann., IV, 72). Chez Polybe (XXXIV, 10, 8-9), la mention de l’élan dans les Alpes parait empruntée à quelque Grec décrivant la forêt Hercynienne. Les mots alce (alcis) et urus sont d’origine septentrionale, et sans doute gauloise. — Cf. Reinach, Alluvions, p. 48 et s.
[174] Silius Italicus, X, 77-82.
[175] Le loup, j’imagine, se tuait et ne se chassait pas : la chasse au loup a été regardée comme une chasse ignoble, Le Grand, I, p. 437.
[176] De mir. ausc., 86 ; Pline, XXVII, 101.
[177] De mir. ausc., 86 ; Pline, XXV, 61 ; XXVII, 101. L’usage se retrouve chez bien des peuples.
[178] Arrien, 34, 1.
[179] Gratius, 200 ; Arrien, 34, 1.
[180] Pline, VIII, 214.
[181] Muret-Chabouillet, n° 2878-2900 (plutôt un bouquetin ?, Blanchet, p. 168).
[182] Gratius, 201 ; Arrien, 34, 1 ; 2, 1 ; 19-21.
[183] Pline, VIII, 217. Les petits (?) lièvres de l’île d’Oléron, Sidoine, VIII, 6, 12.
[184] Varron, Res rustica, III, 12, 2.
[185] Pline, X, 186.
[186] Cf. Buffon, Hist. nat., VIII, éd. de 1760, p. 286 ; Desjardins, I, p. 465. Voyez le nombre de localités ou de ruisseaux dont le nom vient de bibr-, bebr-.
[187] Mais, de ce qu’on cite surtout le gibier des Alpes, cela ne veut point dire que ces différentes espèces d’oiseaux ne se rencontrassent pas alors également dans les Vosges, le Jura ou les Pyrénées.
[188] Pline, X, 56. Tetrao tetrix L. (Littré).
[189] Pline, X, 36. Tetrao urogallus L. (Littré).
[190] Pline, X, 134. Scolopax faicinellus L. (Littré) : on l’aurait rencontré dans les Alpes.
[191] Pline, X, 133 : Pyrrhocorax (chocard des Alpes, Littré). Remarquons à ce propos que les Gaulois devaient certainement avoir, comme nous-mêmes, des noms distincts pour les différentes espèces de corbeaux : 1° un nom peut-être assez voisin du grec κόραξ (De mir. ausc., 86) ; 2° un autre peut-être assez proche du latin corvus (Strabon, IV, 4, 6, rapproché de IV, 2, 1) ; 3° le radical brann-, qui est demeuré dans les langues britanniques (Wortschatz, p. 182) ; 4° un mot qui ressemblait à loug ou lougu ou au grec λύκος.
[192] Pline, X, 133. Tetrao lagopus L. (Littré).
[193] Pline, X, 133 : Attagen Ionius. Tetrao bonasia L. (Littré). — Il y a souvent doute sur l’identification des espèces de Pline avec les espèces modernes ; cf. Hist. nat. des Oiseaux (Buffon), II, éd. de 1771, p. 191 et s. ; Cuvier, notes à Pline, éd. Panckoucke, t. VII, p. 407-8.
[194] Pline, X, 53-4 : il donne le nom indigène, ganta, conservé en allemand. Hollande, Hainaut, Artois... pays où les oyes sauvages font leur principal repaire ; Estienne et Liebault, L’Agriculture et Maison rustique, éd. de 1600, p. 29.
[195] Pline, X, 131.
[196] Pline, X, 116 (in Arelatensi agro désigne la Camargue).
[197] Aucun texte, aucun monument ne parlent spécialement de l’alouette de la Gaule ; mais le nom, alauda, vient du gaulois, et remplaça chez les Latins celui de galerita ; Pline, XI, 121.
[198] Cf. les notes de l’éd. de Leyde des Poetæ Latini rei venaticæ, 1728 ; Le Grand d’Aussy, I, p. 400 et suiv. ; Cougny, Canis dans le Dictionnaire des Antiquités : Mégnin, Les Races de chiens, Vincennes, 2e éd., 4 vol., 1897-1900 ; Studer, Die prähistorischen Hunde, dans les Mémoires de la Société paléontologique suisse, XXVIII, 1901 (p. 133 et s., très riche bibliographie).
[199] Arrien, Cynégétique, 1, 4 ; 2, 1, 2, 3, etc. ; Gratius (contemporain d’Auguste), 136 ; Oppien, Cynégétique, 1, 373.
[200] Pline, VIII, 148. Au surplus, ce n’est pas un fait extraordinaire que le croisement du chien et du loup (Mégnin, I, p. 13), et l’on connaît les célèbres expériences de Buffon à ce sujet (Hist. nat., Suppléments, III, 1776, p. 7 et s. ; cf. Sanson, Traité de Zootechnie, II, 3e éd., 1888, p. 230 et s.).
[201] Que le mot indigène de vertragus ou vertraha (vellagra, veltraga, Comm. notarurn Tironianarum, Schmitz, 108, 17 ; veltravus, Loi des Burgondes, 97 ; veltricis, Loi des Bavarois, 20, 5 ; vueltrus, Loi Salique, 6 ; etc.) signifie très grand coureur (cf. ύπερτρέχειν, ver- est un préfixe intensif), et que par suite les vertragues soient les lévriers, cela résulte de la description et des remarques de Gratius (203-5) et d’Arrien (3, 6) : le mot de vautre, qui vient de là, mais qui désigne, non le lévrier, mais le braque, est par la suite passé à une autre espèce. Sur l’histoire de ce mot, toujours conservé, Cougny, p. 883.
[202] Arrien, 3, 6 et 7 ; Ovide, Métamorphoses, I, 533 ; Martial, XIV, 200 (cf. III, 47, 11) ; Grotius, 203-6.
[203] Le nom, comme le précédent, est donné par Arrien (έγούσιαι, 3, 4) et par les lois barbares (segusium, Holder, II, c. 1458 ; seucis, Loi des Bavarois, 20, 1, 2 ; segusias, Loi Salique, 6 ; de canibus scusibus, Loi des Alamans, 82 ; segulium, Loi des Burgondes, 97), où nous retrouvons les trois espèces des chiens gaulois (Loi des Burgondes, 97 ; des Bavarois, 20 ; Salique, 6). Malgré l’affirmation d’Arrien, je ne crois pas que ce mot signifie — chien du Forez et vienne du peuple des Ségusiaves ; Gratius (202) les appelle sycambri. L’opinion courante accepte cette origine forésienne, et fait descendre de cette race les fameux griffons de Bresse, qui semblent disparus aujourd’hui, et les griffons nivernais.
[204] Arrien, 3 ; Silius, X, 77-82. Ce sont, dit Arrien, les chiens fous (3, 2) : comparez le sens de fou donné au mot braque.
[205] Silius, X, 77-82 ; sycambros, Gratius, 202. La race d’Artois ?
[206] Petronii, Gratius, 202, 206-8 : ce sont les petrunculi des lois barbares (cf. Holder, II, c. 1458 ; Loi des Burgondes, 97). Ce sont les fleethounds anglais (éd. de Leyde, p. 86). — Sur les chiens courants anciens, braques et autres, Studer, p. 87 et s. ; français d’autrefois, Gaston Phœbus, ch. 35-21 ; La Chasse royale, ch. 7-11 ; Estienne et Liebault, p. 366-7 ; de maintenant, Le Couteulx, Les Races de chiens courants français, 1873 ; Mégnin, II, p. 75 et s. — Les dogues, inconnus en Gaule, venaient de l’Ile de Bretagne, mais les Gaulois en importaient pour servir à la guerre (Strabon, IV, 5, 2 ; Gratius, 174-181).
[207] Sur les chiens damerets de la Gaule romaine, Martial, XIV, 198.
[208] Arrien, 19 et 21 (chasse au lièvre chez les Gaulois).
[209] Pline, VIII, 148 : Galli, quorum greges suum quisque ductorem e canibus et ducem habent ; illum in venatu comitantur, illi parent : namque inter se exercent magisteria. Cf., dans les lois barbares, qui reproduisent un état de choses très ancien en Gaule, canem magistrum (Loi Salique, 8), laitihunt, qui hominem sequentem ducit, supérieur au primum cursalem qui primas currit (Loi des Alamans, 82, 1), leitihunt (Loi des Bavarois, 20, 1), supérieur au (canis) doctus (id., 20, 2).
[210] Dogues de Bretagne et chiens du pays, Strabon, IV, 5, 2.
[211] Arrien, 34, 3.
[212] Cf. Arrien, 34, et Diodore, V, 29, 4 ; et voyez les défenses de sangliers trouvées dans les ruines des temples situés dans des forêts (p. ex. de Vesly, Exploration archéologique de la forée de Rouvray, Rouen, 1903, p. 29-30, Soc... d’émulation... de la Seine-Inf., 1902).
[213] Arrien, 34, 3.
[214] Les seules huîtres mentionnées en Gaule avant le IVe siècle de l’ère chrétienne sont celles de l’étang de Berre, Strabon, IV, 1, 8.
[215] Ap. Athénée, V, 36, p. 152 a.
[216] Cf. Rondelet, De piscibus, 2 v., 1554-5 (encore fort utile). Sur les espèces de poissons et les systèmes de pêches, en l’état actuel de la Méditerranée provençale (d’ailleurs, je crois, peu différent de l’état ancien), voyez l’excellent livre de Gourret, Les Pêcheries et les Poissons de la Méditerranée, 1894.
[217] Le bruit courait qu’ils nourrissaient de poissons bœufs et chevaux (Ælien, Hist. anim., XV, 15).
[218] Martial, XIII, 103 ; Ælien, Hist. anim., XIII, 16.
[219] Pline, IX, 59.
[220] Pline, IX, 68.
[221] Pline, IX, 21132, cf. 59 (stagnum Latera, étang de Lattes ou de Pérols) : il s’agit de filets jetés du haut des barques à l’entrée de l’étang, et soulevés par des fourches quand le poisson avait donné ; les dauphins servaient de rabatteurs. La tradition se retrouve pour d’autres pays chez Élien, H. an., II, 8, et Oppien, V, 425 et s. En réalité, les dauphins sont de grands pourchasseurs et destructeurs de poissons (Gourret, p. 311 et s.), et à cet égard ils peuvent rejeter les compagnies jusqu’aux abords des Mets, mais en fait ils sont un des iléaux de la pèche dans le Midi. C’est ce que dit avec raison, à propos de ce texte, Astruc, Mém. pour l’hist. nat. de... Languedoc, 1737, p. 588 et s. Au reste, les pêches de muges dans l’étang de Thau et les autres étangs du Languedoc ont toujours été célèbres : pêches dites à la sautado et au canat, ce sont les noms des filets.
[222] Strabon, IV, 1, 6 (Polybe), à rapprocher d’Athénée, VIII, 4, p. 332 (Polybe) ; Méla, II, 83. Tout cela, sans doute par Timée. Voyez l’explication de ces textes par Astruc, Mémoires, p. 957 et s. La pêche au harpon est toujours pratiquée pour les poissons envasés ; cf. Gourret, p. 121. — Sur la richesse en poissons et huîtres de l’étang de Berre, Strabon, IV, 1, 8 ; De mir. ausc., 89 (Timée) : pêche au trident sur les bords ; cf. Ælien, Hist. anim., XV, 25.
[223] Pline, IX, 64 (mullus surmuletus L., Littré) : beaucoup plus gros que celui de la Méditerranée.
[224] IX, 76.
[225] IX, 44 (esox, esturgeon ?) ; IX, 45 (silure). Les textes concernant l’esox, chez Holder, I, c. 1470 je ne peux voir en lui ni le saumon ni le brochet. Sur la question de l’esturgeon, si discutée dès la Renaissance, Rondelet, II (De pisc. fluv.), p. 180 et s.
[226] IX, 63, mustela (gadus lota L.). — Il n’y a pas à douter un seul instant que le poisson mentionné dans la Saône par le De fluviis ne soit la lotte. La lotte de la Saône est en effet célèbre sur les marchés de Lyon ; Rondelet, De pisc. fluv., p. 165 : Caro tota a Lugdunensibus habetur in pretio ; nascitur in lacubus et fluviis leniter fluenlibus, ut in Arari ; Réguis, Mém. de l’Acad. de Vaucluse, XVII, 1898, p. 57 et s. Le nom indigène est transmis différemment : σκολόπιδος, κλοπίας, κλουπαΐα ; le premier mot rappelle le grec σκόλοψ, pieu, ce qui est vaguement la forme de la lotte (De fluviis, 6, 2, d’après Callisthène de Sybaris ; Stobée, Florilegium, 100, 14 ; Lydus, De mensibus, III, 11 ; Anecdota de Boissonade, I, p. 417).
[227] Pline, XXXII, 21 ; Solin, II, 41-43. Et aussi du murex.
[228] Theochrestus Oceano id exæstuante ad Pyrenæi promontoria ejici, quod et Xenocrates credidit, Pline, XXXVII, :37 ; candida (?) odoris præstantissimi, id., 47 (interprétation incertaine). Sur les cachalots du golfe de Gascogne, Pline, IX, 8 (physeler), de l’Armorique et de la Saintonge, X, 10. On sait que l’ambre gris, qui n’a de rapport que le nom et l’origine apparente (ejici Oceano) avec l’ambre jaune, est un calcul intestinal du cachalot. Le meilleur ambre gris a toujours été celui du golfe de Gascogne.
[229] Mais Strabon mentionne déjà, semble-t-il, les salines des environs de Salses ou de Leucate (IV, 1, 6).
[230] Pline semble le dire : Gallia... nec quærit in profundis murices, XXII, 3. Les Grecs ont pu cependant exploiter le murex des côtes provençales.
[231] De même, ceux de l’extérieur.
[232] Millet, Pline, XVIII, 101 ; épeautre, qui donnait un pain, semble-t-il, plus lourd, 62 ; froment, un pain très léger, 88. L’orge de Gaule, mêlée au blé, donnait un excellent pain de ménage, Columelle, II, 9, 8 et 16. Strabon cite des pâtisseries (ψαιστά) pour oiseaux (IV, 4, 6).
[233] Pline, XVIII, 68 (spuma) : usage également mentionné en Espagne ; cf. Blümner, I, p. 59-60.
[234] Strabon, IV, 4, 3.
[235] Varron, R. r., II, 4, 10 (peut-être aussi les environs de Marseille) : la charcuterie d’Avignon et de Tarascon est encore célèbre ; Martial, XIII, 54 ; Strabon, III, 4, 11 et IV, 3, 2. On distinguait le jambon ou jambe entière, perma, et le pelaso, qui en était un filet ou une tranche fraîche taillée dans la meilleure partie (Athénée, XIV, 75, p. 637) ; succidiæ parait désigner toute charcuterie (Varron, II, 4, 10).
[236] Cf. Huffel, I, p. 354-5. Je ne sais si on utilisait le sel de la région de Salins : il ne serait pas impossible, cependant, de voir une allusion aux salines de la vallée de la Saône dans le De fluviis, 6, 3.
[237] Strabon, IV, 3, 2 ; IV, 4, 3 ; Varron, II, 4, 10.
[238] Athénée, XIV, 75, p. 657 ; Varron, R. r., II, 4, 10. Varron englobe dans cet éloge Transalpine et Cisalpine.
[239] Caseum Vatusicum, nom de localité en Tarentaise, Pline, XI, 240 ; cf. Desjardins, I, p. 77 ; Pouriau, La Laiterie, 2e éd., 1874, p. 485 et 6.
[240] XI, 240 : Brevis ac musteo tantum commendatio. Aujourd’hui encore, on reproche au cantal d’être de peu de garde. — On attribue une très haute antiquité au roquefort, qui est un fromage de brebis (avec, jadis, addition de lait de chèvre), mais je n’en trouve pas trace à l’époque romaine ou celtique.
[241] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 132 c ; Diodore, V, 26, 3.
[242] Strabon, IV, 4, 3.
[243] Diodore, V, 26, 2.
[244] Pline, XIV, 149 ; XXII, 164 ; de blé notamment, XVIII, 68 ; cf. Tacite, Germanie, 23. Ils ont dû en fabriquer avec l’épeautre appelé bracis (XVIII, 62), puisque ce mot a fini par devenir dans le Nord synonyme de bière (Hehn, p. 124), et que brasser vient, dit-on, de là.
[245] Diodore, V, 26, 2 ; Denys, XIII, 11, 16 ; Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 a, c, qui donne le nom indigène de la bière, κόρμα (cf. κοΰρμι, Dioscoride, II, 110). Le mot cervesia, également indigène, vient de ce radical (Holder, I, c. 995-7). Cf. Hehn, p. 122 et suiv. ; Olck, Bier, a 462 (Wissowa). La bière de houblon semble bien inconnue en ce temps-là (Hehn, p. 386).
[246] Pline, XIV, 112. Sans doute seulement en Provence.
[247] Pline, XII, 72.
[248] Pline, XIV, 149. Cf. Posidonius ap. Athénée, IV, 37, p. 152 d. — On ne parle pas, à l’époque historique, du vin de fruit, cidre, poiré, cormé, etc., que l’on constate soit à l’époque précédente, soit à l’époque postérieure (mutiplices potus, Ammien, XV, 12, 4), soit vers l’ère chrétienne chez les Cisalpins (Virgile, Géorg., III, 380).
[249] Posidonius ap. Athénée, IV, 30, p. 152.
[250] Pline, XIX, 160 ; Plutarque, Quæst. conviv., V, 10, 1, p. 684 ; cf. Hehn, p. 172.
[251] Denys, XIII, 11, 16.
[252] Pline, XXVIII, 133 ; XVIII, 105 ; cf. Hehn, p. 132.
[253] Posidonius, l. c.
[254] Pline (XIV, 132) place cette invention cira Alpes ; Strabon la mentionne autour d’Aquilée (V, 1, 8) et en Cisalpine, où il signale d’immenses foudres (V, 1, 12). Cf. Curtel, La Vigne et le Vin chez les Romains, 1903, p. 112 et suiv. — Cercles en bois de bouleau, Pline, XVI, 75. — Les représentations figurées empruntées à la tonnellerie sont fréquentes sur les monuments gallo-romains ; cf. Weise, Beiträge zur Geschichte rœmischen Weinbaues in Gallien, Hambourg, 1901, p. 22 et s. — Il est bien probable que la tonnellerie vinaire ne s’est développée en Gaule qu’à l’époque romaine, et que même en ce temps-là le vin était souvent transporté en amphores (cf. Déchelette, Fouilles, p. 57 et s.). Cependant, je suis de plus en plus convaincu que l’invention des vaisseaux de bois est bien antérieure à la conquête : il en fallait pour la bière, et c’est à des cuves de vin ou de bière que je rapporte les ληνούς πολυτελοΰς πόματος que Luern offrit à son peuple (Posidonius ap. Athénée, IV, 37). — Cf. Changarnier, Le Dieu au maillet, Beaune, 1907.
[255] Les vaisseaux vinaires en bois ont, sur les amphores et sur tous les récipients en verre, en grès ou en métal, l’avantage d’être perméables et de faciliter les phénomènes du vieillissement par l’action lente et ménagée de l’oxygène de l’air. Toutes choses égales d’ailleurs, un vin conservé en fûts en bois sera meilleur, plus vieilli et plus bouqueté que le même vin conservé dans des vases imperméables de même volume. Par contre, la chaleur a plus d’accès sur le bois ; il y o plus d’évaporation, plus de lies et, par conséquent, plus de déchcf. Note de Gayon, directeur de la Station agronomique de Bordeaux, professeur à la Faculté des Sciences.
[256] Nous ne reviendrons pas sur les préparations pharmaceutiques, résineuses ou alimentaires, mentionnées plus haut à propos de la flore.
[257] Mentionnés d’abord, chez les Cisalpins et les Gésates, à la bataille de Télamon en 225 (Polybe, II, 28, 7 et 8 ; 30, 1). Le pantalon allait jusqu’à la cheville, et était parfois attaché à la chaussure (Reinach, Bronzes, p. 138, ce qui est peut-être la forme la plus ancienne, conservée dans les figurations de divinités). Chez certains peuples du Rhin, il était plus ample (Lucain, I, 430). Bien que l’expression de Gallia bracata ait été réservée à la Gaule narbonnaise (Mela, II, 74 ; etc.), tous les Transalpins étaient vêtus de pantalons (Strabon, IV, 4, 3 ; Diodore, V, 30, 1). Le mot braca est indigène (Diodore, l. c. ; Holder, I, c. 501-5) ; braies en vient. — Étudier, pour toutes ces pièces du costume, les bas-reliefs de l’époque gallo-romaine.
[258] Diodore, V, 30, 1 ; Strabon, IV, 4, 3 (σχιστούς χειριδωτούς) : statuettes dites de Dispater, Reinach, Bronzes, p. 137-185. Il est probable que la saie remplaçait parfois la tunique (cf. Polybe, II, 28, 8).
[259] Polybe, II, 28, 7 et 8 ; 30, 1 : dans la même circonstance que les braies. Dans la Gaule transalpine : Diodore, V, 30, 1 : Strabon, IV, 1, 3 ; Pline, XVI, 251 ; César, V, 42, 3 (sagulum). Le mot sagum parait d’origine indigène, mais il a dû pénétrer de très bonne heure chez les Latins, comme le vêtement lui-même (Caton, De agricultura, 59 ; autres textes, Holder, II, p. 1289 et suiv.) — La caracalla est une variété de la saie (cf. Mau, Encycl. Wissowa).
[260] Et sans doute souvent, boutonnées ou attachées jusqu’en bas. César signale (VII, 50, 2) que les Gaulois soumis à Rome agrafaient le manteau sur le côté droit, par opposition sans doute à la coutume nationale. J’ai peine à croire que le manteau gaulois n’eût point d’agrafe (sic, Ferrarius, De re vestaria, 1654, II, p. 111 ; Hettner apud Pick, Monatschrift, VII, Trèves, 1881, p. X ; Marquardt, Privatleben, p. 549) : cf. έπιπορποΰνται, Diodore, V, 30, 1.
[261] Pourvues peut-être, parfois, de véritables manches.
[262] Cf. Marquardt, Privatleben, p. 549. La saie à capuchon est bardocucullus (Martial, I, 53, 5 ; XIV, 128). Elle était souvent extrêmement courte, simple pèlerine qui ne tombait guère plus bas que les épaules. On fait de cucullus (capuchon) un mot d’origine gauloise (Holder, I, c. 1183) : la cagoule, dit-on, vient de là. Cf. S. Reinach, Cucullus, Dict. des Antiquités.
[263] Les avantages de ces vêtements conformés sur le corps (à manches et à capuchon) sont bien indiqués par Columelle (magis utiliter quant delicate, etc., I, 8, 9).
[264] Les Gaulois paraissent avoir usé de plusieurs sortes de chaussures : 1° les sandales, qui portaient leur nom, gallicæ (Cicéron, Philippiques, II, 30, 76 : Aulu-Gelle, XIII, 21, 6 ; cf. Reinach, Bronzes, n° 149, 160 ; Lafaye, Dict. des Antiq., au mot Gallica) ; 2° des espèces de chaussons (Reinach, id., p. 142, 144, 146, 152, 153) : 3° peut-être aussi des brodequins à guêtres (Reinach, p. 139). Ils avaient en tout cas d’excellentes chaussures de montagnes, et Hannibal en fit provision chez les Allobroges (Polybe, III, 49, 12). — Comme coiffures, il faut citer, outre le capuchon de la saie : 1° le bonnet conique revécu de métal ; 2° l’espèce de bonnet à double étage que portent les nautæ Parisiaci (Musée de Cluny) ; 3° les chapeaux à très larges bords que portent les Déesses-Mères du Nord-Est (Ihm, Bonner Jahrbücher, LXXXIII, p. 38, 44-7, pl. 1-3). Toutes ces coiffures devaient être en feutre ou en cuir. Elles ne sont pas sans analogie avec celles des personnages figurés sur les monuments de l’époque de Hallstatt ou préceltique (Zannoni, Gli scavi della Certosa, pl. 33). Elles peuvent avoir été, à l’époque classique, surtout religieuses, et partant, des survivances d’anciens temps. — Nous ne connaissons que par les monuments gallo-romains les costumes de femmes. Cependant, en s’aidant surtout des bas-reliefs des Déesses-Mères (cf. Ihm, Bonner Jahrbücher, LXXXIII, p. 38 et pl.), on peut conjecturer qu’elles portaient peut-être une chemise, en tout cas une tunique ou une robe descendant aux talons, et un manteau à larges et longues manches attaché sur le devant par un nœud, un bouton ou une fibule. Elles devaient aussi porter une sorte de voile tombant sur leurs épaules. — Cravates ou foulards chez les hommes ? — Et en tout cela, coiffures et vêtements, ce sont les habitudes modernes qui s’annoncent.
[265] De tissus de laine trouvés dans une tombe gauloise, on a dit que leur exécution atteste une certaine habileté dans l’art du tissage... C’est un croisé, analogue à nos mérinos actuels (Perron, Rev. arch., 1882, I, p. 68).
[266] Strabon, IV, 4, 3 (je ne peux croire que ce paragraphe ne vise que les Belges).
[267] Polybe, III, 49, 12.
[268] Martial, XIV, 128 (bardocuculles).
[269] Martial, I, 53, 5 (bardocuculles).
[270] Martial, IV, 19, 1.
[271] Les textes relatifs aux laies des Atrébates, comme aux draps d’Amiens et de Hainaut (V. Gall., 6, 6, etc.) ne sont pas antérieurs au IIIe siècle ; mais il y avait, sans aucun doute, des draps d’Artois on de Flandre aux abords de l’ère chrétienne (Strabon, IV, 4, 3, soit qu’on conserve 'Ρωμαΐοι dans le texte, soit qu’on corrige en Μορίνοι). L’histoire de la pluie de laine tombée du ciel en Artois doit se rattacher à quelque proverbe rappelant l’abondance des lainages de ce pays (Orose, VII, 32, 8).
[272] Diodore, V, 30, 1 ; cf. Polybe, II, 28, 7 (sales légères) ; les gros manteaux de laine épaisse s’appelaient lainæ (Strabon, IV, 4, 3), mot qui est passé dans la langue latine, Holder, I, p. 123-5.
[273] Pline, XVI, 77.
[274] Pline, XVI, 251.
[275] Strabon, III, 3, 7.
[276] Cf. chez les femmes des Cimbres, Plutarque, Marius, 27.
[277] Diodore, V, 30, 1.
[278] Diodore, V, 30, 1 ; Strabon, IV, 4. 3 (pour les magistrats) ; Virgile, Én., VIII, 634 et 880 ; Plutarque, Marcellus, 7 ; Properce, V, 10, 43 ; cf. Silius, IV, 153. Je crois que les croix, les feuilles, les cercles et autres ornements qui sont figurés sur les tuniques des dieux gaulois, les vergettes ou bandes de leurs braies, devaient également paraître sur les vêtements des nobles (Reinach, n° 145, 144, 148, 149, 165, p. 181, 184).
[279] Pline, XXII, 3, et la note précédente.
[280] Diodore, V, 28, 1.
[281] Pline, XXVIII, 391 : deux espèces de savon, molle et liquide ; il était fait à l’aide de cendre végétale (de hêtre surtout) et de suif (surtout de chèvre, caprin et non carpino ?) : Reynier (p. 327) croit qu’il agit non pas de cendre, mais de potasse extraite de la cendre végétale. Varron (I, 7, 8, copié par Pline, XXXI, 83) dit qu’on préparait le sel dans le nord de la Gaule en jetant de l’eau salée sur des charbons brûlés : il s’agirait encore de la fabrication de la potasse, mal observée. Je pense que Reynier a raison. — Le mot sapo est d’origine gauloise (Holder, II, c. 3360-1) ; mais, comme on le voit, il ne désignait dans son emploi primitif qu’une sorte de teinture.
[282] Cf. Lucilius, XI, fr. 303 : Conventus pulcher, bracæ, saga, fulgere torques Datis magni.
[283] Pline, XVI, 77 (purpura linguendæ). On s’en sert encore aujourd’hui en Suède pour teindre en violet les toiles et les papiers, Fée, éd. de Pline (Panckoucke, t. X, p. 252) ; ses fruits fournissent aujourd’hui encore un indigo bleu pâle en Suède, Heuzé, Les Plantes industrielles, I, p. 209.
[284] Pline, XXII, 170 : la teinture s’appelait hysginum (cf. Blümner, I, p. 247). On ne sait au juste de quelle plante il s’agit ; on a proposé le lys rouge martagon, mais on n’en peut tirer aucune couleur pourpre (Fée, éd. Panckoucke, t. XIII, p. 481 et 524) ; on a proposé aussi, avec plus de vraisemblance (Reynier, p. 318), la jacinthe commune, dont les habitants de la campagne tirent... un teint violet peu solide. Les Gaulois pouvaient bien avoir, quoi que dise Pline (XXII, 4), des fixatifs qui nous manquent. — Reynier (p. 318) suppose avec assez de vraisemblance que les Gaulois connaissaient la garance, dont le nom actuel, varantia, parait d’origine septentrionale.
[285] Pline, XXII, 2. Le pastel est le vitrum des Latins (César, V, 14, 2 ; etc. ; cf. Blümner, I, p. 244), quod cæruleum efficit colorem.
[286] Pline, XXII, 3.
[287] Hesychius, Schmidt, au mot βράκκαι : Αΐγειαι διφθέραι παρά Κελτοΐς.
[288] Cf. Holder, I, c. 719 et suiv. ; Hehn, p. 149. — Serviette, ou mappa, de lin ?, dans l’usage religieux, Pline, XXIV, 103. — Toiles de matelas. — Bannières à franges (?) sur les monnaies.
[289] Il serait possible que les vêtements des femmes (cf. Germ., 17), des prêtres et des prêtresses (cf. Strabon, VII, 2, 3) aient été en étoffes de lin (Reynier, p. 319). — Sur les restes de tissus de lin qu’en peut attribuer à l’époque gauloise, Coyon, Notes sur le filage, etc., Reims, 1903 (Académie), p. 10-11.
[290] Polybe, III, 49, 12.
[291] Musée de Saint-Germain, VI, 2 s, Reinach, p. 149 ; VI, 1 H, p. 148 ; César, II, 33, 2. On a supposé qu’ils avaient connu le feutrage (Reynier, p. 313) : le texte de Pline (VIII, 192) ne se rapporte pas nettement aux Gaulois ; mais il serait possible qu’ils aient eu des chapeaux et des cuirasses de feutre.
[292] César, IV, 2, 4-5.
[293] Plutarque, César, 27.
[294] César, III, 13, 6 ; VII, 22, 3.
[295] Diodore, V, 27, 1 et suiv.
[296] Avant qu’ils n’aient été refoulés en Suisse.
[297] Posidonius ap. Athénée, VI, 25, p. 233 à ; la richesse en or des Helvètes de Souabe et Franconie est mentionnée par Strabon (IV, 3, 3, sans doute d’après Posidonius).
[298] Diodore, V, 27, 2.
[299] Par βώλοι et ψήγμα, chez les Tarbelles (IV, 2, 1), Strabon désigne les brandes et les petites boules d’or trouvées de cette manière, appelées par les indigènes (Ibères ?, III, 2, 8), celles-là, palæ, palagæ, palacurnæ, celles-ci, baluces (Pline,XXXIII, 77 ; cf. Holder, l. c., 338-9).
[300] Strabon, III, 2, 8 ; IV, 2, 1 ; cf. IV, 1, 13 ; sur l’or en Languedoc, de Genssane, Hist. nat. de... Languedoc, I, 1776, Montpellier, p. 187 et s. Dans le Maine ?
[301] Strabon, IV, 2, 1 (πλάκες).
[302] Un seul passage à la simple fonte au four, peut-être, car d’ordinaire l’or extrait du sable ou du limon n’était pas cuit ou soumis à la coupellation dans un creuset (Pline, XXXIII, 62 et 77) ; Strabon, IV, 2, 1 ; Posidonius, l. c. ; Diodore, V, 27, 2. Sur tout cela, Blümner, IV, p. 111 et s. ; Ardaillon, Dict. des Ant., Metalla, p. 1863.
[303] Diodore, V, 27, 1.
[304] Diodore (V, 27, 1) dit qu’il n’y en a pas. Cependant les textes de Strabon (IV, 2, 2) se rapportent bien à l’époque préromaine, et voyez n. suivante. Celles du Rouergue devaient être autour de La Bastide-l’Évêque prés de Villefranche (C. I. L., XIII, 1350) ; celles du Gévaudan, peut-être à Vialas, qui a aujourd’hui encore son exploitation de plomb argentifère. D’autres existaient sans doute chez les Volques Tectosages (cf. Strabon, IV, 1, 13), peut-être dans la région du Lauraguais ou de la Montagne Noire ? ; cf. la table de de Genssane, V, p. 312-4.
[305] Ruisseaux d’argent des Alpes (Posidonius ap. Athénée, VI, 25, p. 233 e) ou des Pyrénées (Posidonius ap. Strabon, III, 2, 9).
[306] Pline, XXXIV, 164 : Laboriosius... eruto totas per Gallias.
[307] Ajoutez, dans cet ordre d’idées, les escarboucles qui s’exportaient par Marseille (Théophraste, De lapidibus, 3, 18 ; 6, 34). Ces escarboucles doivent être le grenat almandin signalé comme particulièrement abondant dans les amphibolites des Maures (p. ex., à La Verne, à Collobrières, au col de Grateloup, à Sainte-Maxime), et dans l’Isère, aux environs de Saint-Symphorien d’Oson, de Chalanches près Allemont et dans le massif de Belledonne (note d’Albert Michel-Lévy). Je crois bien qu’il s’agit du grenat des Allobroges, et notamment de celui de Saint-Symphorien, qui est près de Vienne et du Rhône.
[308] César, VII, 22, 2 (cuniculi, magnæ ferrariæ) ; Strabon, IV, 2, 2, qui donne aux mines des Bituriges et des Pétrocores l’épithète de άστεΐα, præclaræ ?
[309] Strabon, IV, 2, 2 (cf. n. précédente).
[310] César, III, 21, 3 : secturæ, qui désigne une excavation à ciel ouvert (cf. Ardaillon, p. 1854), parait se rapporter plutôt à des exploitations de fer que de pierre et de marbré. Il y avait évidemment des exploitations en bien d’autres régions ; mais il est impossible, par le seul aspect des ruines qu’elles ont laissées, de les distinguer de celles de l’époque romaine. Je suis cependant convaincu qu’un examen technique peut aboutir à ce point de vue.
[311] César, III, 21, 3 (Condomois ?) : il n’est du reste pas impossible que César ait appliqué ærariæ à des mines de fer.
[312] Pline en citera deux seulement, l’une en Tarentaise (cf. Daubrée ap. Desjardins, I, p. 77), l’autre à situation inconnue (XXXIV, 3), exploitées peut-être seulement dans les temps romains, et du reste l’une et l’autre s’épuisèrent très vite.
[313] On signale du zinc dans la composition du bronze dès les premiers temps celtiques (Chassaigne et Chauvet, Analyses, p. 61 et 66).
[314] Nous touchons, en ce qui concerne le bronze, à ce qui me semble un des plus gros problèmes de l’archéologie gauloise ou prégauloise, la date des cachettes de bronze. L’opinion courante les recule, pour la plupart, bien au delà des temps celtiques. J’hésite toujours à m’y rallier : mais j’ai évité de tirer argument de la plus grande partie des objets provenant de ces cachettes, sans renoncer toutefois à les rappeler à titre de comparaison. — Les principales sont celles de Larnaud, Jura (S.-Germ., V, 10), Réallon, Hautes-Alpes (V, 18), du Petit-Villatte, près Neuvy-sur-Barangeon, Cher (V, 3), auxquelles on peut ajouter la trouvaille du marais de Vaudrevanges, prés Sarrelouis (V, 7). — Cf., pour l’ensemble, Montelius, L’Anthropologie, XII, 1901, p. 616-20 (Congrès d’Anthrop., XIIe s., Paris, 1900), qui les place à la fin de sa 4e et dans sa 5e période de l’âge du bronze, 1300-850 ; Chantre, Age du bronze, 3 v., 1875-6 ; Victor Simon, Mém. sur des antiquités trouvées près de Vaudrevange, Mém. de l’Ac. nat. de Metz, XXXIII, 1, 1852, p. 231 et s. ; [Rebour], Découverte d’une fonderie... de Larnaud, Mém. de la Soc. d’émulation du Jura, 1867 (1868), p. 223 et s. ; de Mortillet, Matériaux, XVI, II, XII, 1881, p. 7 et s. (cachette de Fouilloy, Oise) ; de Goy, La Cachette de fondeur du Petit-Villatte, Mém. de la Soc. des Antiqu. du Centre, XIII, 1885 ; du Chatellier, Les Époques préhistoriques et gauloises dans le Finistère, 1889, p. 46 et s., 2e éd., 1907, p. 53 et s. ; Bertrand, La Gaule avant les Gaulois, 2e éd., p. 214 et s. ; George et Chauvet, Cachette... découverte à Venat... près Angoulême, Angoulême, 1895. Cazalis de Fondouce, Mém. de la Soc. arch. de Montpellier, 116 s., I, 1899, p. 357 et s. ; II, 1902, p. 171 et s. ; Breuil, Rev. arch., 1902, II, p. 22 et s. ; Piroutet, L’Anthropologie, XI V, 1903, p. 677 et s. ; etc.
[315] Cf. la quantité d’armes conservées chez les Aduatiques, César, II, 32, 4 ; fabriques d’armes chez les Éduens au temps de César, Panegyrici, Bæhrens, 8, § 3. Ateliers à Pommiers, Mém. des Antiquaires, 1906, p. 16.
[316] Polybe, III, 49, 11.
[317] Je ne peux souscrire encore pleinement à cette opinion.
[318] Remarquez qu’on en retrouvera encore l’espèce chez les Gaulois de Bretagne au temps des empereurs.
[319] Les progrès ont été peut-être, à ce point de vue, moins lents en Belgique et dans la Gaule extérieure que dans la Gaule propre.
[320] Substitution d’une lige à bouton à la soie plate, Saint-Germain, Catalogue (Reinach), p. 160, VI, 36 ; p. 111, XIII, 27 ; VII, 29, 30, 31, p. 168-9.
[321] Saint-Germain, VII, 32, Reinach, p. 169.
[322] Diodore, V, 30, 4 ; Saint-Germain, VII, 22, 25, 27, 30 D, E, F ; Reinach, p. 168.
[323] Diodore, V, 30, 3 ; Saint-Germain, VII, 20, 28, 31.
[324] Diodore, V, 30, 3.
[325] Il n’est du reste pas impossible que l’épée de bronze ait été utilisée parfois comme arme de guerre, même après la généralisation de l’emploi de la grande épée de fer, c’est-à-dire après 400. Une bonne épée de bronze vaut mieux qu’une mauvaise épée de fer (Reinach, Catalogue, p. 136). En tout cas, l’épée de bronze s’est conservée, je crois, comme arme de sacrifice ou de parade.
[326] Diodore, V, 30, 2 ; Reinach, Galea, Dict. des Ant., p. 1431.
[327] Diodore, V, 30, 2, ne dit pas la matière de ces figures, et je ne suis pas sûr qu’elles fussent toujours en bronze et rivées à la calotte ; Reinach, p. 1438.
[328] Avec bandes de fer ; casque d’Amfreville au Musée du Louvre : S.-G., VI, 2 B, p. 149 ; Gazette arch., VIII, 1883, pl. 53 ; Dict. des Ant., p. 1430.
[329] Cf. Diodore, V, 30, 3.
[330] Θώρακας... σιδηροΰς άλυσιδωτούς, Diodore, V, 30, 3, qui ne parle ici que de celles-là ; chez les Cimbres, Plutarque, Marius, 25.
[331] Saint-Germain-du-Plain (Saône-et-Loire), VI, 2 [4] : Reinach, p. 149, la croit importée ; Diodore, V, 27, 3 (χρυσοΰς, en bronze doré ?). — Voyez les ceintures (?) ou appliques de bronze des tombes Séquanes, qui sont certainement indigènes, et, dit-on, des premiers temps gaulois ; je ne suis pas convaincu de leur rôle militaire (Musée de Besançon ; S.-G., VI, 20 et 14).
[332] Cf. César, I, 25, 3 ; II, 33, 2.
[333] César, II, 33, 2.
[334] Plutarque, César, 27.
[335] Diodore, V, 30, 3 : Musée de Saint-Germain, XIII, 22, p. 108 ; 20 a, p. 111 ; surtout VII, 213, p. 188.
[336] Cf. Reinach, Bronzes, p. 200 : trompettes droites, différentes des carnys (cf. p. 199) : il est possible, d’ailleurs, que les trompettes dont il est ici question soient des trompettes sacrées.
[337] Musée de Saint-Germain, V, 9, 10 ; VI, 6, 20, etc. ; cf. Strabon, VII, 2, 3.
[338] Ancres retenues par des chaînes de fer, César, III, 13, 5.
[339] César, III, 13, 4 : Clapis ferreis digiti pollicis crassitudine, dans les vaisseaux. Tiges de fer dans les bâtisses : cf. VII, 2 :3 ; Saint-Germain, XIII, 18, p. 108. Marteaux, pinces, clous, etc. ; Saint-Germain, Cat., p. 99. Il y a eu aussi de tous ces objets en bronze, S.-G., V, 10 (Larnaud).
[340] Bandes de roues en fer, Saint-Germain, VII, 5 ; VI, 27 [1 A], p. 148 ; VIII ; IX, 2, 10, 14.
[341] Saint-Germain, p. 99. Serpe en fer (Rev. arch., 1882, I, p. 136). Mais il y a des faucilles en bronze, V, 6 (plus anciennes ou à usage religieux ; cf. Pline, XVI, 251).
[342] Couteaux, seaux, etc. ; Diodore (V, 28, 4) et Posidonius (ap. Athénée, IV, 30) parlent de chaudrons et de broches.
[343] Rasoirs surtout ; S.-G., VI, 6, etc. Parfois en fer, VII. 19.
[344] Musée de Saint-Germain, V, 10 (Larnaud), 17, 18, 19 : épingles, clous, ciseaux, pointons, boutons (car je ne doute pas que les Gaulois ne se servissent de boutons aussi bien que de fibules), etc.
[345] Musée, V, 7 (Vaudrevanges), 10 (Larnaud) ; VIII ; Mazard. Rev. arch., 1877, I, p. 170-2 ; Hubert, C.-R. du Congrès intern. d’Anthrop., XII, Paris, 1900, p. 412-3.
[346] Ne pas oublier que beaucoup de ces colliers sont des objets de parure pour femmes ou enfants (notamment dans le Tardenois et la Marne ; cf. Nicaise, Le Port féminin du torques, Châlons, 1886, p. 8 et s., et la collection Moreau).
[347] Musée, V, 4, p. 138 ; V, 7 (Vaudrevanges), p. 139 ; V, 19, p. 143 ; IX, 2, p. 171 ; Guide illustré, p. 40.
[348] Le type le plus répandu en Gaule, entre 300 et 100, parait avoir été le type en S, c’est-à-dire terminé par une queue retroussée, qui remonte vers l’arc, tantôt pour le rejoindre, tantôt pour se terminer par un bouton ; Reinach, Guide illustré, p. 39-41 ; le même, Dict. des Ant., Fibula, p. 1108. Beaucoup plus rare est le type en arbalète, Saint-Germain, VII, 8 B. — Il y a quelques fibules en fer, Saint-Germain, VII, 8 B, p. 165.
[349] Au surplus, tous ces objets ont été aussi faits en fer, mais beaucoup plus rarement, Saint-Germain, VII, 9, 14, 15 ; etc.
[350] Cf. Reinach, Guide illustré, p. 32 et suiv.
[351] Cf. Saint-Germain, V, 10 E (Larnaud). Sur l’hypothèse de bronziers ambulants, Bulliot, Fouilles, II, p. 149-166.
[352] Saint-Germain, VI, 27 [1 A], pièces de char, tumulus de La Butte (Côte-d’Or), p. 118 ; Gross (p. 20) parle de perfection technique à propos des épées de La Tène ; Nicaise (Époque, p. 10) parle de perfection à propos de plaques de fer de char ; et voyez les très curieuses expériences faites par Coyon sur les épées de la Marne (L’Art du fer, 1903, extrait des Mémoires de la Soc... de la Marne) Coyon croit à des épées en acier trempé (p. 11 et 15).
[353] Cf. Saglio, Cælatura, Dict. des Ant., p. 779.
[354] Saint-Germain, Cat., p. 109 ; Reinach, La Sculpture en Europe, p. 52 et suiv.
[355] Cf. la statuette de Domèvre-en-Haye (Saint-Germain, V, 9) et autres similaires (Bronzes, p. 214-5), si elles ne sont pas (ce qui est fort possible) de grossières ébauches de l’époque gallo-romaine.
[356] Cf. Saglio, p. 779 ; voyez les excellentes remarques de Coyon, Étude sur l’art du bronze dans la Marne à l’époque gauloise, Mém. de la Soc. d’Agriculture, etc., de la Marne, IIe s., IV, 1900-1 (1902), p. 199 et s.
[357] Pline, XXXIV, 182. Cf. Blümner, IV, p. 318.
[358] Pline, XXXIV, 182-3 ; on appelait ces opera, ærea incociilia. Cf. Blümner, IV, p. 377.
[359] Diodore, V, 27, 3 ; Strabon, IV, 4, 5 ; Saint-Germain, n° 28216 (XIII, 22, p. 109) ; id., VI, 2 e (p. 149) ; VI, 20, N et O, vitrine capitale (p. 155) ; Plutarque, Marcellus, 7 ; César, 27 ; Florus, I, 45, 26. Collerette et fibules d’Apremont, Haute-Saône, Rev. arch., 1879, II, p. 381 ; S.-G., VI, 5. Casque d’Amfreville, p. 307, n. 7. Bandeau de Somme-Bionne, Morel, p. 38 et s. Phalère d’Anvers, Seine-et-Oise, Gaz. arch., VIII, 1883, p. 340 et s., pl. 53 ; British Museum, Early Iron Age, p. 20-21. Diadèmes ou cercles de Mercey-sur-Saône, S.-G., VI, 7 ; Perron, Rev. arch., 1882, I, p. 133. Boucles d’oreilles de La Gorge-Meillet, Saint-Germain, p. 177. Bracelets et torques, Musée, p. 176-9, pour la plupart objets d’hommes. Bijoux de Lasgraïsses, Tarn, Cartailhac, Matériaux, XX, 1886, p. 182 et s. Etc.
[360] Cf. les bols à boire, en argent, Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 ; de ce genre sans doute, le vase d’Eyres, Landes (S.-G., p. 186).
[361] Florus, I, 37 = III, 2, 5 : Argenteo carpento. Boucliers ornés d’argent, Plutarque, César, 27.
[362] Musée de Saint-Germain, p. 176-178.
[363] Galli gladios, scuta, galcas adornabant eo, Pline, XXXII, 23. Reinach, Le Corail dans l’industrie celtique, 1899 (Revue celtique, XX).
[364] Musée de Saint-Germain, p. 185.
[365] Musée, VII, 18, p. 188 ; IX, 3, p. 173 ; VII, 8, p. 185 ; VI, 29 M, p. 154, n° 19194 ; VII, 14, p. 188.
[366] Musée, VII, 9, n° 4921.
[367] Bulliot, Fouilles du mont Beuvray, II, p. 3 et suiv. ; Tischler : 1° Correspondenz-Blall der deutschen Gesellichaft, etc., XVII, 1888, p. 128-132 ; 2° Eine Emailscheibe, etc., 1887 (Sitzungsber. der phys-ökon. Gesellschaft de Kœnigsberg, 1880, XXVII), p. 7 et s. ; Déchelette, Les Fouilles du mont Beuvray, 1904, p. 145 et suiv. Nous faisons des réserves sur une théorie courante, que l’émail s’est substitué au corail après 250. Tout en admettant que la vogue de l’un a pu réduire celle de l’autre, nous croyons à la simultanéité des deux usages. Cf. de Baye, Rev. arch., 1877, II, p. 44-45 ; Reinach, Rev. celt., XX, p. 129-131 ; Hubert, C.-R. du Congrès intern. d’Anthrop., XII, Paris, 1900, p. 418-7.
[368] Blümner, IV, p. 407 et suiv.
[369] C’est le fameux texte de Philostrate, Imagines, I, 28 (27), si bien confirmé par les belles découvertes de Bulliot à Bibracte : Mém. de la Soc. Éduenne, n. s., IV, 1873.
[370] Il semble qu’on ait commencé par river ou sertir l’émail sous forme de pastilles, Déchelette, p. 147.
[371] Déchelette, p. 149 et s. (très ingénieux aperçus sur le développement de l’émaillerie celtique) ; Reinach, Catalogue, p. 104. On se servait de pierres pour limer.
[372] On émaillait les fibules, pièces de harnais, et surtout têtes de clous dont on ornait ensuite boucliers, lances, casques et ceinturons (Rev. arch., 1882, I, p. 225 ; etc. ; Musée, XIII, 4, p. 104 ; Déchelette, p. 153 et suiv.), en d’autres tenues tous les objets qu’on décorait aussi de corail.
[373] Déchelette, p. 147, 149.
[374] Déchelette, p. 148.
[375] On a dit qu’elle ne datait que du second age du fer, c’est-à-dire de l’époque de La Tène ou gauloise (G. de Mortillet, Bull. de la Soc. d’Anthropologie, 1886, p. 261-3).
[376] Saint-Germain, VII, 9, p. 165.
[377] V, 23, p. 145 ; VI, 10, p. 151 ; 20 x, p. 154 ; 26, p. 157 ; VII, 9, p. 165 ; VIII, D, 1). 170 ; IX, 9, p. 173 ; 15, p. 175 ; XIII, 4, p. 104 ; 18, p. 108.
[378] Je les crois de fabrication indigène ; contra, Reinach, p. 167 (VII, 17), p. 130 (VI, 6, D). Voyez le bracelet de Somsois, Morel, pl. 16, 4, p. 89.
[379] Ce que j’incline à croire, vu leur habileté tinctoriale.
[380] Henry de Fontenay, Soc. Éduenne, n. s., III, 1874, p. 473.
[381] En matière de bijouterie, on peut encore citer les anneaux ou bracelets de jais (Saint-Germain, VII, 9 et 14, p. 165 ; VI, 32, p. 159 ; VI, 23, p. 158 ; 20 I, p. 154 ; XIII, 17, p. 107), les bracelets en lignite (VI, 32, p. 159 ; VI, 26, p. 158), en schiste (VI, 32, p. 139), et, bien entendu, les perles ou rondelles d’ambre.
[382] Déchelette, Les Vases céramiques ornés, I, 1904, p. 1 et suiv. ; du Chatellier, La Poterie aux époques préhistorique et gauloise en Armorique, 1897, p. 53 et s.
[383] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 c (plats à viande ou autres) ; Strabon, III, 3, 7.
[384] Voyez l’origine des objets cités plus bas.
[385] Remarque de Flouest, à propos de La Garenne, IV, p. 84 ; Saint-Germain, p. 150 ; 10, p. 151 ; 12-14, p. 152 (ancien classement).
[386] Saint-Germain, VI, 35, p. 160 (Rodenbach).
[387] Cf. Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 c.
[388] Musée, XIII, 2-5, p. 103 ; les rouges, moins fréquentes. Déchelette (Bibracte, p. 57-5) les juge plus favorablement.
[389] Musée de Saint-Germain, VII, 1-4, p. 162 et 164 ; IX, 3, p. 172 (voir surtout le vase de Thuisy) ; X, p. 185 ; Déchelette, Vases céramiques, I, p. 4.
[390] Du Chatellier, La Poterie... en Armorique, 1897, p. 53 (vases de Saint-Pol-de-Léon au Musée de Morlaix et de Plouhinec au château de Kernuz). Copies de vases de bronze, suppose du Chatellier, ou, plutôt, inspiration indigène (Déchelette, Rev. arch., 1901, II, p. 51-61) : Déchelette a bien montré l’analogie de ces poteries avec certaines du sud de l’Angleterre ; cf. Romilly Allen, p. 121-6.
[391] Musée de Saint-Germain, VII, 1, 4, 15 (p. 166). Déchelette dit IVe siècle (Rev. arch., 1901, II, p. 59-60) ; je pense que c’est beaucoup trop tôt.
[392] Saint-Germain, X, surtout n° 27829 (Jonchery), 33304 (Hussy-le-Château) ; IX, 14.
[393] Fragment de La Cheppe, collection Nicaise, L’Époque gauloise, p. 54 et s. ; Reinach, L’Hist. du travail en Gaule, 1890, p. 55. Les deux vases du Musée de Genève, cf. Déchelette, Vases céramiques, I, p. 5.
[394] Mais elle ne s’est développée qu’après la conquête, et je ne peux pas encore exclure l’hypothèse qu’elle lui est postérieure. Rossignol, Bull. monumental, 1861, p. 400 (qui parait avoir été le premier à la reconnaître). Mazard, La Céramique, 1873, p. 53 ; Déchelette, Les vases peints gallo-romains du Musée de Roanne, 1895 (Rev. arch.) ; le même, Les Fouilles du mont Beuvray, 1904, p. 162 et suiv. L’éternelle question de l’origine des dessins géométriques se pose ici : imitation ou naissance spontanée ? Je crois moins à l’origine indigène de celte céramique (opinion de Déchelette) qu’à celui de la céramique belge.
[395] Remarquez surtout combien les couleurs, surtout des ornements, sont effacées ; il n’y a pas, à ce point de vue, cette solidité incomparable des poteries grecques, cf. Déchelette, Vases, I, p. 4.
[396] Du Chatellier, p. 53 ; contra, Déchelette, Vases céramiques, t. I, p. 4.
[397] Reinach, Cat., p. 163-4. Au moins jusqu’à de nouvelles découvertes. Voyez le curieux vase à couvercle à Argenton, Rev. arch., 1902, II, p. 23.
[398] Les briquettes jaunes de Bibracte sont voisines des temps de la conquête (Déchelette, Fouilles, p. 9).
[399] Posidonius ne parle de vases de terre que pour la boisson (ap. Athénée, IV, 36, p. 132 b). — Il n’est pas prouvé que les amphores à incinération trouvées en Gaule ne soient pas toutes de l’époque romaine (de Saint-Venant, Bull. arch., a. 1897, p. 520 et s.).
[400] Déchelette (Vases céramiques, I, p.3) a justement noté que sur ce point comme sur d’autres, la Gaule propre ou plutôt la Celtique parait en retard sur la Gaule extérieure et sur la Belgique. — Ajoutez que les importations de poteries grecques ou campaniennes, par l’intermédiaire de Marseille, ont dû retarder le développement de l’industrie indigène.
[401] César, VII, 22, 1-5.
[402] VII, 23, 5, ici, p. 217 et s. : il est entré à Noviodunum des Suessions, à Vellaunodunum des Sénons, à Noviodunum des Bituriges, à Alésia, à Uxellodunum des Cadurques par la reddition (II, 12, 5 ; VII, 11, 2 ; VII, 13, 2 ; VII, 79 ; VIII, 43, 5), à Avaricum par l’escalade (VII, 27, 2), de même aussi dans les oppida vénètes (III, 12, 3), à Génabum par l’incendie des portes (VII, 11, 8), dans l’oppidum des Aduatiques par l’effraction des portes (II, 33, 8).
[403] Bulliot, Fouilles, I, p. 18-24. Cf. les murs de Sagonte (Tite-Live, XXI, 11, 9) : Cæmenta non calce durata erant, sed interlita luto structuræ antiquæ genere.
[404] Très bien vu par Bulliot, I, p. 20.
[405] Aucune des maisons du Beuvray ne me parait antérieure à la conquête, en tout cas aucune ne l’est à 100. C’est pour cela que j’hésite à faire état de leurs ruines (cf. Bulliot, I, p. 264 et s.) pour accepter un type de maison gauloise, ædificium, rectangulaire et bâtie en pierres, point trop différent du type italien contemporain (théorie de Meitzen, Siedelung und Agrarwesen, I, 1895, p. 225-7). — A Mursens, emplacements d’habitations gauloises... affectant, en plan, tantôt la forme circulaire, tantôt la forme elliptique, Castagné, 1er Mém., p. 13 ; Mém. de 1875, Tours, p. 103-110. — Habitations circulaires en clayonnage dans le Finistère (du Chatellier, Les Époques, etc., 1re éd., p. 58). — Sur les mardelles de Lorraine, ou habitations circulaires (beaucoup de l’époque de l’indépendance) creusées en partie dans le sol, à 2 et jusqu’à 10 m. de profondeur, cf. Grenier, Habitations gauloises et Villas latines dans la cité des Védiomatrices, 1908, p. 23 et s. : la conclusion de l’auteur (p. 43) est que ce sont abris pour la nuit et la mauvaise saison.
[406] Strabon, IV, 4, 3.
[407] Pour les maisons isolées ou les villages : César, II, 7, 3 ; III, 29, 3 ; IV, 38, 3 ; VI, 6, 1 ; 43, 2 ; cf. I, 5, 2 ; VII, 14, 5 ; 15, 1. Pour les grandes villes : Orléans, VII, 11, 9 ; Paris, VII, 58, 6.
[408] Cf. Déchelette, Le Bélier consacré aux divinités domestiques, 1898 (Revue archéologique), p. 5-6 ; Les Fouilles, p. 9 ; Grenier, p. 34-5. Il est probable qu’il faut faire exception pour la cheminée, qui devait être une pyramide en terre glaise supportée par des poteaux (Déchelette, Bélier, p. 5-6).
[409] Cela résulte du θολοειδεΐς de Strabon, IV, 4, 3.
[410] Strabon, IV, 4, 3 ; Vitruve, II, 1, 4 (ad hunc diem) ; Pline, XVI, 136 (roseaux). Même à Marseille, tecta sine tegulis, subacta cura paleis terra, Vitruve, II, 1, 3.
[411] C’est le cas de la toiture du temple de l’Ile des Namnètes, que les prêtresses refaisaient tous les ans, et en un jour : Strabon, IV, 4, 6.
[412] Sans quoi César ne l’eût pas appelée ædificium, mot qui se retrouve dans toutes les régions : I, 5, 2 ; II, 7, 3 ; III, 24, 3 ; IV, 4, 2 ; 38, 3 ; VI, 6, 1 ; 30, 3 ; 43, 2 ; VII, 14, 5 ; VIII, 7, 2.
[413] Diodore, V, 28, 4 ; Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 131. Sur les foyers et cheminées des plus anciennes maisons retrouvées à Bibracte et ailleurs : Bulliot, I, p. 207 ; Déchelette, Bélier, p. 5-7 ; Vauvillé, Congrès arch., LIVe s., 1887, Soissons (publ. en 1888), p. 178. Sur les anciens chenets : Bulliot, id., p. 196-16, et Déchelette, ibid. : le rôle religieux des chenets dans la Gaule romaine est sûrement antérieur à la conquête.
[414] Diodore, V, 29, 4 ; Strabon, IV, 4, 5 : Τοΐς προπυλαίοις, peut-être des portiques ou des auvents de bois ombrageant et précédant la grande porte (voyez les fouilles de Bibracte, Bulliot, I, p. 271, 193-4).
[415] Cf. Strabon, IV, 4, 3.
[416] Strabon, IV, 4, 3 ; Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 ; Diodore, V, 28, 4.
[417] Nicolas ap. Stobée, XLIV, 41 = fr. 105, 4 : quel que soit d’ailleurs le sens primitif et religieux de cet usage ; cf. Perdrizet, Rev. des Ét. anc., 1905, p. 30-32.
[418] Bulliot, I, p. 20, a bien remarqué cette tendance des Gaulois.
[419] J’hésite beaucoup à me prononcer sur le monument circulaire en pierres brutes et à forme conique ou tronconique, trouvé à Kerbascat en Finistère, et reconstitué à Kernuz (du Chatellier, Mém. de la Soc. d’émulation des Côtes-du-Nord, 1877 ; Les Époques, 2e éd., p. 58 et s.). S’il est ancien, il représente la transition entre la sépulture mégalithique et la sépulture gauloise. Autre monument semblable à Plougoumelen Au Chatellier, Les Époques préhistoriques... dans le Finistère, II, éd., p. 53 et s.). Cf. Loth, p. 31.
[420] Je songe aux stèles de Saverne (Uhrich, Mémoires de l’Acad. nat. de Metz, XXXII, a. 1830-1, p. 194 et s. ; C. I. L., XIII, 11, p. 150), qui sont romaines, mais me paraissent marquer le terme de la transformation du menhir. Entre le menhir et elles, cf. la pierre du Vieux-Poitiers (XIII, 1171), et celle de Fontaines-sur-Marne (XIII. 4659), si l’on suppose que les inscriptions n’ont pas été ajoutées après coup.
[421] Les dimensions étaient déterminées par le volume du char, Flouest, Mém. des Antiqu., XLVI, p. 99.
[422] Musée de Saint-Germain, salle IX. En dernier lieu, Loth, Fouilles... de Lignol, 1907 (Soc. arch., Rennes).
[423] Strabon, IV, 4, 3, où χαμευνοΰσι n’exclut pas l’usage des matelas.
[424] Diodore, V, 28, 4, qui note l’absence de sièges.
[425] Ύποβάλλοντες dans le sens du moyen, Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p.151 ; Strabon, 1V, 4, 3.
[426] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 151. — Cercueils de bois ?
[427] Diodore, V, 29, 5 ; Strabon, IV, 4, 5. — Coffre en bois de chêne, dans les sépultures (Perron, Rev. arch., 1882, 1, p. 68). C’est l’image de ces coffres que nous retrouverons dans les sculptures funéraires des temps romains, qui offrent souvent le simulacre des objets déposés dans les tombes aux temps gaulois.
[428] Diodore, V, 29, 4 : Strabon, IV, 4, 5.
[429] De loup ou de chien, Diodore, V, 28, 4.
[430] Pline, VIII, 191. Les étoffes en broderies en carreaux, scutalis (VII, 196) doivent être des tapis ou des tapisseries. Remarquez se goût des dessins géométriques sur les tissus, que nous retrouverons bien souvent ailleurs : c’est l’art de La Tène en tapisserie. Tapisserie religieuse, p. 337, n. 7.
[431] Remarquer que Pline rapproche les Gaules, pour cela, tantôt des Parthes (VIII, 91), tantôt d’Alexandrie et de Babylone (VIII, 196).
[432] Pline, VIII, 102 ; XIX, 13. Les différentes laines à matelas (rognures de drap), tomenta, portaient des noms gaulois (Pline, VIII, 192), par exemple du nom des Leuques, tomentum Leuconicum (Lingonicum ? cf. Martial, XI, 21, 8 ; XII, 160). — On inventa aussi en Gaule les matelas rembourrés d’étoupes de lin, fabriqués surtout chez les Cadurques (Pline, XIX, 13), d’où le nom de cadurcum pour désigner un matelas à toile blanche (Juvénal, VI, 537 ; VII, 221) : les Cadurques fabriquaient en même temps, sans aucun doute, la toile qui servait d’enveloppe ; cf. Strabon. IV, 2, 2.
[433] Les chariots gaulois étaient montés sur des roues beaucoup plus hautes que ceux de l’Italie ; cf. César, De b. G., I, 26, 3, commenté par Reynier, p. 331.
[434] César, De b. c., I, 51, 1 ; De b. G., I, 26, 3.
[435] Musée de Saint-Germain, VI, 1 A (roues massives), VII, 5 (roues très hautes) ; VII, 3 ; IX, 1. Sur les différentes pièces et le montage et l’attelage des chars, à deux ou quatre roues, Mazard, Essai sur les chars gaulois de la Marne, Rev. arch., 1877, 1 ; Fourdrignier, Double Sépulture, 1878, p. 7 et s. ; Flouest, Notes, IV (Les Tumulus des Mousselots), p. 60 et s. ; Flouest, Mém. de la Soc... des Ant., XLVI, 1885, p. 99 et s. ; Hubert, C.-R. du Congrès int. d’Anthr., XII, Paris, 1900, p. 410-3.
[436] Cf. Flouest, p. 110-111.
[437] Écrit d’après Plutarque, Marcellus, 7.
[438] En partant d’un point de vue tout différent, Courajod arrive à conclure de même (Leçons, I, p. 50) : L’art gaulois n’a réellement résidé que dans l’ornement.
[439] Cf. Bulliot, Fouilles, II, p. 149-172.
[440] Le Champlain et la Come-Chaudron.
[441] Le rapprochement vient de Déchelette, L’Oppidum de Bibracte, [1903], p. 47.
[442] Pour tout ce qui suit, Bulliot, Fouilles, I, p. 12*, 3 et suiv., 73 et suiv., 104 et suiv. ; p. 111 : Nombre des ateliers où s’alimentait le luxe gaulois ressemblaient à des cavernes ; les métallurgistes, dont l’habileté de main et les procédés méritent parfois l’éloge, étaient logés sous terre moins sainement que les troupeaux de nos jours.
[443] Cf. les mardelles de Lorraine, plus haut en note.
[444] Pline, XIX, 9 : In Germanis defossæ atque sub terra id opus agunt (le tissage du lin). Sans doute, me l’indique Radet, pour tenir le fil à l’humidité.
[445] Bulliot, I, p. 77. Exception faite, bien entendu, pour les fondeurs nomades : encore, le cas échéant, ont-ils pu être enterrés sous le sol de leur loge, Bulliot, II, p. 162.
[446] Musée de Saint-Germain, V, Reinach, Catalogue, p. 135 et suiv.
[447] Peut-être, toutefois, y eut-il des mines d’or dans le Maine, Buffon, Hist. nat. des minéraux, III, 1785, p. 18.
[448] Blanchet, p. 303 et suiv. ; Saint-Germain, VI, 20, Reinach, p. 155.
[449] Strabon, IV, 5, 2.
[450] César, V, 12, 5 (ære, bronze ou cuivre ?).
[451] Strabon, IV, 5, 3 (époque romaine).
[452] César, V, 14, 2 ; Mela, III, 51 ; Pline, XXII, 2.
[453] Cf. Diodore, V, 20, 3.
[454] D’où arrivaient sans doute des cargaisons d’argent.
[455] Diodore, V, 26, 3.
[456] Sur les vases grecs en terre cuite importés (en dehors du voisinage de Marseille, I, p. 430) : — Montlaurès près de Narbonne, Rouzaud, Notes, 1905, extrait du Bull. de la Comm. arch. de Narbonne, p. 15 et s. ; Mercey, Musée, VI, 1 E, p. 148 (celui-là, singulier et à étudier de prés, cf. Rev. arch., 1882, I, p. 130) ; Rodenbach, VI, 35, p. 160 ; Somme-Bionne, Morel, Champagne, p. 42 et s. ; Klein-Aspergle en Wurtemberg, — cf. Lindenschmit, Die Alterthümer, III, fasc. V et XII ; Reinecke, Zur Kentniss der La Tène-Denkmäler (Festschrift des Museums zu Mainz), p. 46 ; Déchelette, Vases, I, p. 7. Il semble d’ailleurs qu’on ait importé en Gaule, par Marseille, beaucoup plus de céramique, grecque ou campanienne, qu’on ne le croit d’ordinaire (le plus souvent d’ailleurs, me fait remarquer Pottier, comme récipients pour le vin ou l’huile) : débris à Narbonne, Rouzaud, Notes, p. 16 et s., à Toulouse, Joulin, Les Établissements... de la Garonne (Rev. arch., 1907), p. 23-24 ; de même aussi, de la poterie ibérique ou ibéro-grecque (mêmes travaux). Ajoutez qu’il n’est pas encore prouvé que Marseille n’ait point fabriqué sa poterie. — Sur les vases de bronze, cistes ou seaux à cordons et œnochoés, Corot, Les Vases de bronze pré-romains (Bull. monumental, 1901) ; Schuermans, Objets étrusques découverts en Belgique, 1872. Surtout le trépied en fer et le bassin en bronze de La Garenne, Côte d’Or, au Musée de Châtillon ; Saint-Germain, VI, 21, p. 155 ; Flouest, Notes, IV (Les Tumulus des Mousselots), p. 20 et s.
[457] Musée, VI, 20, p. 153 (moulage).
[458] Contra, Reinach, n. 6.
[459] Musée de Saint-Germain, XIII, 15, p. 107 ; Guide illustré, p. 58.
[460] Musée, IX, 1, p. 171 ; 3 c, p. 172 ; VI, 1 E, p. 148 ; VI, 20 A, p. 152 ; D, p. 153 et 31 D, p. 159 ; 31 A, p. 158 ; 34, p. 159 ; 35, p. 160 ; 38, p. 161. — Il semble, à voir l’abondance relative des objets de bronze de facture étrusque en Suisse, Bourgogne, Champagne et Belgique, qu’on puisse constater l’existence d’un courant commercial venu d’Italie par les cols du Valais et du Jura et supplantant, chez les Helvètes, les Séquanes et les Belges, l’influence de Marseille. Et cela n’a rien que de très vraisemblable, si l’on songe d’abord aux courses des Gésates en Italie, et ensuite aux entreprises commerciales des marchands italiens. Il est possible cependant que les Marseillais aient servi de transitaires entre Étrusques et indigènes.
[461] Plutarque, César, 27.
[462] Flouest, IV, p. 84 (La Garenne) ; Reinach, Catalogue, p. 148.
[463] Varron, Res rusticæ, II, 4, 11.
[464] Athénée, V, 40, p. 208.