I. — QUELQUES CAUSES DE LA DOMINATION ROMAINE. La guerre d’Hannibal avait mis aux prises les Romains, non pas seulement avec Carthage, mais encore avec les Gaulois des deux côtés des Alpes, avec les Ligures, les Espagnols, les Africains, les Grecs de Macédoine. Ils se trouvèrent en rapports de bataille ou d’amitié avec tous les peuples du monde méditerranéen. Par là même, elle leur avait inspiré le désir de conquérir ce monde. Ils venaient d’en abattre la puissance la plus ancienne et la plus redoutable. Leurs légions ou leurs ambassades étaient parvenues avec la même aisance à toutes les extrémités de la mer Intérieure, à Cadix, à Carthage et à Marseille, à Pergame et à Alexandrie. Jamais la grande force que l’Italie tenait de sa situation géographique n’avait été mise ainsi en pleine lumière aux yeux des maîtres de Rome. Parti de l’Orient, l’hellénisme avait préparé, dans les siècles précédents, l’unité morale des peuples méditerranéens. Carthage avait essayé, en commençant par l’Occident, de les soumettre à une domination commune. Mais l’Italie, allongée au beau milieu de toutes les mers et de toutes les terres antiques, axe de ce monde d’autrefois, avait seule qualité pour en faire un empire. L’hellénisme, en Orient et en Occident, n’avait guère fait qu’effleurer des rivages. Il ne s’était jamais groupé autour d’un centre reconnu. Les poèmes d’Homère étaient pour lui comme une patrie idéale, où tous ses fils se retrouvaient ; mais il leur manquait sur la terre une mère-patrie qui pût rallier leurs espérances et leurs cités éparses sur toutes les rives. Les Carthaginois, à la différence des Hellènes, relevaient d’une cité-maîtresse, admirablement située au carrefour central des eaux méditerranéennes. Mais cette cité n’était, sur le sol qu’elle détenait, qu’une sorte de camp retranché. Elle n’avait derrière elle que des populations étrangères ou hostiles, et la nature inclémente du désert ; elle était, du côté de la terre, comme au bord d’un abîme, sans l’appui d’une nation pour renouveler ses forces et son courage. Rome, au contraire, faisait maintenant corps avec l’Italie péninsulaire, dont le Tibre lui donnait la voie souveraine. Avant de chercher à devenir la maîtresse du monde, elle avait réussi à se donner pour patrie unique à tous les Italiens. Les guerres des Barcas avaient, en cela, complété et sanctionné son œuvre. Elles avaient groupé autour d’elle, contre des dangers communs, gaulois ou puniques, les villes de la péninsule. Au temps de la bataille de Zama, home, avec son simple nom de cité, avait déjà la force d’un empire compact, animé par une pensée nationale. Cet empire touchait et menaçait toutes les civilisations et toutes les barbaries méditerranéennes. Par Pise, son dernier port au nord-ouest, il surveillait les rivages ligures et celtiques, il protégeait Marseille, il conquérait l’Espagne, qui lui faisait vis-à-vis. De Rome, sa capitale, il ne fallait que trois jours pour débarquer à Carthage et maîtriser le détroit central. Prolongée en droite ligne vers le sud, la côte du port de Brindes semblait se continuer par celle du golfe de Corinthe, la route diagonale du monde hellénique. Enfin, cet empire qui portait le nom de Rome, avait, à la différence de l’hellénisme, la peur du morcellement, de la dispersion, des patries séparées. Toute nouvelle conquête, ‘toute fondation demeuraient unies à la capitale par un lien qui ne pouvait se rompre. Ce n’était pas une cité qui envoyait des essaims d’hommes autour d’elle, c’était un domaine très cohérent qui s’accroissait par des incorporations continues. Les colonies les plus lointaines, Rimini, Plaisance, Crémone, Pise, Aquilée, étaient moins des filleules de Rome que des postes d’avant-garde. Dès que la Sicile ou l’Espagne furent conquises, elles devinrent la chose éternelle du peuple romain, un morceau indéchirable de son empire. Aussi, lorsque prit fin la guerre d’Hannibal, les destinées du monde méditerranéen se trouvèrent fixées au profit de Rome. Au cours de ses premières conquêtes, Rome rencontra tous ceux des Celtes qui, dans les deux siècles précédents, s’étaient établis au sud des grandes chaînes de forêts ou de montagnes. II. — OCCUPATION DÉFINITIVE DE LA GAULE DU PÔ. Il fallait d’abord assurer la sécurité de l’Italie contre les haines et les pilleries gauloises. La guerre continua en Cisalpine[2] entre les Celtes et les Romains, plus acharnée et plus meurtrière que celle de la première conquête et que celle de l’alliance punique. Les Barbares, restés seuls sous leurs chefs nationaux, montrèrent le courage et la ténacité qui leur avaient fait si souvent défaut quand ils combattaient avec l’appui de Gésates transalpins ou sous les ordres d’un Barca. Ce fut la véritable lutte pour l’indépendance. Elle dura douze ans (201-190). Au début, les trois grandes nations celtiques, Cénomans de Brescia, Insubres de Milan, Boïens de Bologne, s’armèrent de concert, associées même à la plupart des tribus ligures des Apennins (200-197)[3]. Puis, chaque peuplade agit pour son compte. Les Cénomans, qui avaient toujours le regret de l’alliance romaine et la jalousie de leurs riches voisins les Insubres, trahirent une nouvelle fois la cause commune (197)[4], et les légions purent commencer leur œuvre de destruction. Chaque année, une ou deux armées romaines passaient au nord des Apennins, et c’étaient chaque fois de grands massacres, les plus abondants que les Romains eussent encore faits dans leur triste vie de conquérants[5]. — Il est vrai que les Gaulois furent aussi maladroits que possible. L’expérience de la génération précédente ne leur servit de rien. On ne les vit jamais résister au désir d’un beau champ de bataille[6]. S’ils n’ignoraient pas que le meilleur moyen de rompre une légion est de la surprendre ou de la harceler[7], leur tempérament ne supportait pas longtemps l’attente éveillée d’une embuscade ou les fatigues monotones des petits combats[8]. Sottement, ils s’offraient en masse aux coupa des grandes armées consulaires ou prétoriennes. — Aussi, en deux rencontres, les Insubres perdirent 35.000 hommes en 197, 40.000 en 196[9] ; aux Boïens, on tua, dans une seule bataille, 8.000 hommes en 195, 1.000 en 194, 14.000 en 193, 28.000 même en 191[10] : nous ne parlons pas de ceux qui furent pris ou égorgés dans le pillage ininterrompu des bourgades et des campagnes[11]. Enfin, les Insubres acceptèrent le joug, et, comme ce fut cette fois sans arrière-pensée, on ne leur imposa point de colonies : pourvu qu’ils obéissent, on leur permit de vivre à leur guise, sur leurs terres et sous leurs lois. Au sud du Pô, au contraire, le pays fut incorporé de force et sans retour à l’empire et à la vie de Rome. Les Boïens avaient été exterminés avec un si grand soin qu’un de leurs vainqueurs se vanta de ne plus laisser derrière lui que des vieillards et des enfants[12]. Sans doute les derniers hommes préférèrent émigrer chez leurs congénères de l’Allemagne[13]. En tout cas, les historiens de Rome diront désormais de ce peuple qu’il avait disparu[14] : à sa place, une ligne de colonies fut échelonnée entre les Apennins et le Pô, Rimini, Bologne, Modène, Parme, Plaisance, Crémone ; et la voie Émilienne, qui les réunit, devint le boulevard militaire de l’Italie romaine du côté de la Barbarie septentrionale (190-183)[15]. Dans le cours de ces guerres, les Romains avaient de nouveau occupé Côme et atteint les contreforts des Alpes (196)[16] ; et, le long des côtes ligures, ils s’étaient avancés jusqu’à Vintimille, à quelques lieues en deçà des derniers caps que les Alpes projettent sur la mer (180)[17]. Mais le sénat et ses généraux n’eurent point le dessein de faire la conquête des vallées alpestres. Il y avait, dans le monde, bien des terres meilleures. Ils se bornaient, quand ils avaient besoin d’esclaves, à cerner à l’improviste les bourgades des montagnes : ces courses étaient un excellent exercice pour les légionnaires, et fournissaient l’appoint au butin des grandes guerres[18]. En revanche, si les Romains ne s’installèrent pas dans les montagnes, ils en interdirent formellement le passage aux Transalpins. Le sénat décréta avec une sorte de solennité que le temps des migrations était passé, et que le nom celtique ne devait plus s’étendre au sud des montagnes. En 186, douze mille Gaulois du Norique avaient franchi les Alpes Juliennes, et, ouvertement, sans violence, en hommes désireux de faire souche de peuples laborieux, ils avaient fondé d’abord une ville près de l’emplacement de la future Aquilée[19]. Le terrain était désert : les nouveaux venus déclarèrent aux Romains qu’ils ne demandaient qu’à le cultiver, et à vivre en paix avec eux. On les expulsa ignominieusement (183) ; et, comme ils avaient trouvé un bon site de ville, le sénat les imita, et fonda, dans cette région, la colonie d’Aquilée (181)[20]. — C’était, après tout, une excellente précaution : car Aquilée gardait la descente du col de Nauporte, par où l’on arrivait du Danube et du royaume gaulois du Norique ; et le bruit courait que Philippe de Macédoine, reprenant par l’est le projet d’Hannibal, allait descendre par cette voie en Italie, peut-être en entraînant tous les Celtes de la grande vallée (181)[21]. Cependant, quelque temps après, l’année même de la mort de Philippe (179), trois mille Transalpins s’aventurèrent encore en Italie : ils venaient, eux aussi, en suppliants, demandant simplement des terres et la faveur de servir l’Empire romain. Le sénat leur intima l’ordre de s’en retourner au delà des monts[22]. — Ce sont les derniers Gaulois qui aient franchi les Alpes à la recherche de nouveaux domaines : les premiers, avec Bellovèse, avaient conquis le pays plus de deux siècles auparavant ; les descendants de leurs frères étaient écartés comme des mendiants importuns. Que les peuples gaulois, avait proclamé le sénat en 183, soient avertis d’avoir à garder chez eux la multitude de leurs hommes. Entre les Celtes et l’Italie, les Alpes forment une frontière presque infranchissable : ceux qui oseraient aller au delà ne seraient pas mieux traités que ceux qui avaient les premiers frayé les cols des montagnes[23]. — Mais, en disant cela, les sénateurs s’interdisaient le désir de passer à leur tour les montagnes, et de conquérir au delà des plaines de la Celtique italienne. III. — GUERRES CONTRE LES CELTIBÈRES. De la même façon, leur politique en Espagne excluait tout projet d’intervention au nord des Pyrénées. Scipion l’Africain avait laissé Hasdrubal s’enfuir au delà des monts (208) ; il ne l’avait pas poursuivi en Gaule sur la route du Pertus, mais, sur le côté méridional, il avait, disait-on, érigé le trophée de ses victoires, comme pour indiquer la limite que ne dépasserait pas l’ambition de Rome[24]. Et si Caton l’Ancien, qui eut à recommencer après lui la lutte contre l’Espagne (195), relâcha au nord des montagnes dans le port des Pyrénées (Port-Vendres ?), il se borna à y rallier sa flotte, et ce fut à Rosas qu’il débarqua pour faire son premier acte de conquérant[25]. Cette conquête de l’Espagne, commencée la première année de la guerre punique (218), ne devait se terminer que deux siècles plus tard. Elle participa du caractère de la contrée : les belles et fertiles vallées de l’Èbre et de l’Andalousie, les régions côtières de la Méditerranée, riches en jardins et en ports, furent les premières menacées : et, habituées à des hôtes et des maîtres étrangers, elles se défendirent mollement ; les Romains rencontrèrent d’autant moins de résistance qu’ils s’avancèrent davantage vers le sud[26]. Il fallut plusieurs campagnes pour soumettre les Ibères proprement dits, vieilles et fortes peuplades de l’Aragon et de la Catalogne[27]. Quelques semaines d’un siège hardiment mené suffirent à enlever Carthagène (210)[28]. L’antique Cadix, rompue depuis mille ans à toutes les dominations, accepta la nouvelle avec indifférence (206)[29] : Rome à son tour avait franchi les Colonnes d’Hercule et occupé la métropole de la mer Extérieure. Les seuls indigènes qui s’obstinèrent dans la lutte pour la liberté furent ceux des montagnes et des plateaux du Centre et du Nord, et, parmi tous, les Celtibères, qui occupaient le haut pays entre l’Èbre et les fleuves atlantiques. Ce mélange de Celtes et d’Espagnols avait produit l’espèce d’hommes la plus vaillante peut-être du monde antique[30]. Elle avait hérité de sa double ascendance l’emportement et la ténacité, un esprit très souple et un courage très froid, l’ardeur du cavalier et la solidité du fantassin[31]. A la différence des Gaulois, ces hommes étaient armés soit de lances[32], soit du glaive espagnol, court, acéré, merveilleusement effilé et trempé[33]. Rien n’était plus redoutable, même pour une légion formée en carré, qu’une troupe de Celtibères s’élançant et attaquant en coin, et cette force, irrésistible à la fois par la dureté et par la vitesse, pénétrait et brisait tous les obstacles[34]. La situation et la nature de leur pays les rendaient plus redoutables encore. La Celtibérie, pauvre, âpre, hérissée de montagnes inégales, pleine de ravins et de broussailles, dépourvue de routes et de campagnes ouvertes, se prêtait aux embuscades et à ces rencontres de détail où se disséminait la force d’une légion[35]. Celle-ci avait, sur ces hautes terres, tout à perdre et presque rien à prendre[36]. Quand les Romains s’y aventuraient, on les attendait dans les redoutables cachettes qu’offraient les gorges du Jalon et du Jiloca[37]. S’ils restaient dans les vallées d’en bas, sur l’Èbre, sur le Tage ou le Guadiana, les Celtibères y descendaient alors, se mettaient avec entrain à piller les campagnes et assiéger les villes, qu’ils dominaient du haut des sierras de Moncayo ou de Cuenca, ces énormes donjons de guet de l’Espagne, et les camps des légionnaires, assaillis à l’improviste, souffraient d’abord mille dégâts[38]. Il fallut près d’un siècle pour les soumettre. Lors de l’arrivée des premiers Scipions, ils avaient lâché Carthage pour s’allier à Rome (247)[39] ; puis ils revinrent à leur alliée de la veille (212)[40]. Et longtemps ainsi, ils hésitèrent ou se partagèrent entre les chefs qui guerroyaient dans la péninsule[41], se vendant au plus offrant, mais le plus souvent mercenaires de la cause de la liberté, toujours fidèles en face de l’ennemi, désireux avant tout de se battre et de ne voir aucun maître près de leurs terres. A la fin, quand ils comprirent ce qu’étaient et ce que voulaient les Romains, ils ne cessèrent plus de les attaquer sans trêve ni merci, luttant, comme disaient les Anciens, non pour la victoire, mais pour la mort[42]. Quatre générations de préteurs et de légionnaires s’usèrent à les combattre, et ce fut seulement Scipion Émilien, le petit-fils du premier adversaire d’Hannibal, qui obligea au suicide militaire, dans Numance près de succomber, la dernière armée de Celtibères (133)[43]. Mais des bandes de brigands tinrent longtemps encore la campagne[44]. Quelque temps avant la chute de Numance (138-136), Junius Brutus avait parcouru la Lusitanie et les régions de l’Océan, et montré les manipules aux colonies celtiques du Guadiana[45], du Douro et de la Galice[46]. Tout ce qui portait ce nom au sud des Pyrénées devint, de fait ou de droit, sujet du peuple romain. Mais c’était au prix de massacres et de dévastations que les cinq siècles de la paix impériale ne pourront réparer. IV. — GUERRES CONTRE LES GALATES ET LES CELTILLYRIENS. A la même époque, les légions soumirent aussi l’Orient grec aux armes ou à la majesté de leur peuple. De la mer Adriatique au mont Taurus, le sénat s’arrogeait le droit de décider de la paix et de la guerre, de disposer de la terre, et de fixer des frontières. Sur ce sol, il rencontra encore des Gaulois. A l’intérieur même du monde hellénique, vivaient les Galates de Phrygie, dont l’humeur indomptable était une gêne permanente pour Pergame et les Grecs asiatiques[47]. A la lisière septentrionale de ce monde, le pacifique royaume des Celtes de l’Hémus avait disparu (218 ?)[48] ; mais il restait dans ces parages les Scordisques et autres Celtillyriens du Danube, qui ne cessaient de menacer la Thrace et ses colonies grecques, et qui guettaient toujours le chemin du temple de Delphes[49]. Les Romains eurent vite fait de débarrasser les Grecs de la crainte des Galates. En une seule campagne bien conduite, Manlius Vulso leur tua ou leur prit, sans combat sérieux, soixante mille hommes, parmi lesquels il y avait assurément beaucoup de misérables Phrygiens (189)[50]. Il aurait pu en finir avec eux, comme ses prédécesseurs ou ses collègues avec les Sénons ou les Boïens d’Italie. Mais ces Gaulois étaient fort loin de Rome ; il y avait une exagération toute grecque à les croire très redoutables : au contact de la Phrygie, ils avaient perdu de leur rudesse, s’étaient montrés capables de travail et de culture[51]. Au surplus, il était bon pour le peuple romain qu’il conservât une occasion de protéger les Grecs. Lorsque les chefs galates vinrent demander à Vulso ce qu’il avait résolu à l’endroit de leur nation, il leur signifia seulement de vivre en paix avec les rois de Pergame, de ne point sortir des limites de leur territoire, de renoncer à leur coutume d’errer en armes hors de chez eux[52]. La police de la Thrace et des routes de l’Hémus fut plus malaisée à faire. Les Scordisques, à la différence des Galates, étaient demeurés des bandits de grande route. La race gauloise, on l’a vu, se diversifiait à l’infini suivant les peuples qu’elle rencontrait : mêlée aux Thraces, aux Illyriens et aux Scythes, elle produisait des vagabonds et des brigands d’espèce supérieure[53]. Une sérieuse rencontre entre les Scordisques et les Romains eut lieu en 135, au sud de l’Hémus[54] ; les Barbares vaincus ne reparurent que longtemps après cette leçon en deçà de la montagne qui bordait les domaines de Rome. Vers le même temps, les pirates ou brigands illyriens de l’Adriatique, qui étaient plus ou moins mélangés de Celtes, furent rejetés à l’intérieur des terres, et l’accès de la mer leur fut interdit (135)[55]. Mais, si le sénat protégeait contre les Gaulois et leurs associés les rives désormais siennes des mers orientales, il les laissait, dans la vallée du Danube, vaguer, combattre ou travailler à leur guise. V. — CARACTÈRE DE L’EMPIRE ROMAIN VERS 150. En trois quarts de siècle, Rome venait donc de conquérir le monde méditerranéen : par la force ou la crainte elle tenait sous sa majesté Cadix, Carthage, Corinthe, Byzance et Pergame. Partout, ses généraux avaient trouvé des Celtes, et partout, ils les avaient attaqués, détruits ou soumis. Ce parti pris d’agression et de massacre s’expliquait par des motifs de sentiment et de prudence. Les Romains n’oublièrent jamais la première invasion des Celtes, qui laissait dans leur calendrier la tache indélébile du jour de l’Allia, et, sur l’Halys comme sur le Pô, ils croyaient encore que le Jupiter du Capitole réclamait sa vengeance. Mais, depuis qu’ils protégeaient les Grecs, ils avaient aussi épousé les rancunes de l’Apollon de Delphes, et ils les assouvirent contre les Gaulois de l’Orient. Ils passaient donc, aux yeux de ces Méditerranéens dont ils devenaient les maîtres, pour les vengeurs invincibles des deux plus grands dieux. Le nom de Rome pénétrait ainsi partout, de toute la force qu’avait eue la peur des Gaulois[56] : et c’était une manière pour elle de commander au monde[57]. Mais il était aussi d’une bonne politique de mettre un terme aux vagabondages de ces incorrigibles coureurs d’aventures. Tant qu’on ne leur aurait pas barré le chemin par une terreur décisive, Rome et ses amis ne seraient tranquilles ni sur le Tibre, ni sur l’Èbre, ni sur la voie Égnatienne de Macédoine, ni sur l’antique route Royale de l’Asie. Et dans les mêmes temps, par la victoire ou par un décret, on signifiait aux Transalpins, aux Celtibères, aux Celtillyriens et aux Galates, de n’avoir plus à sortir de chez eux. Un demi-million de cadavres ou d’esclaves, faits en moins de trente ans (200-179)[58], sanctionnait cette décision. Les Romains fixaient donc les Pyrénées, les Alpes, l’Hémus, comme frontières de la Barbarie celtique. Ils ne songèrent pas, alors, à les franchir pour leur compte. Leurs domaines de l’Espagne, de l’Italie et de l’Orient suffisaient en ce temps-là à leur ambition. Rome se détournait des terres septentrionales. La conquête de Cadix ne donna pas aux marchands italiens la tentation de refaire les voyages d’Himilcon et de Pythéas. Ils ignoraient sans doute le nom du premier. Quant à l’armateur marseillais, Polybe et ses contemporains le traitaient d’imposteur ou de romancier. L’arrivée des Romains sur les côtes de l’Atlantique mit un terme aux belles aventures maritimes : la connaissance et la soumission des mers et des rivages du Nord furent une fois encore différées. Il résulta tout d’abord de la conquête latine que les hommes des contrées méridionales bornèrent leur horizon et replièrent leurs pensées sur eux-mêmes. Trois vastes contrées péninsulaires, riches en biens de toute sorte, baignées par une mer commune, surveillées par des armées attentives, protégées par un rempart de montagnes ; — entre elles, une bordure maritime pacifiée, ouverte aux flottes de commerce et fermée aux brigands du Nord ; — la Méditerranée comme trait d’union entre Rome, ses amis et ses sujets ; — une hégémonie maritime appuyée par ses légions : — voilà ce qu’ont sans doute rêvé ces hommes qui, depuis Publius Scipion jusqu’à Émilien, se sont faits à la fois les rivaux de Carthage, les champions de l’hellénisme et les ennemis des Gaulois. VI. — RAPPORTS DU SÉNAT AVEC MARSEILLE ET LA GAULE. Voilà pourquoi, depuis que Publius Scipion s’était rembarqué derrière Hannibal en retraite (août 218), près d’un siècle se passa sans que les Romains prissent pied dans la Gaule propre. La conquête du Languedoc et de la Provence n’eût pas été plus difficile que celle des âpres rivages de la Ligurie, et elle eût été beaucoup plus profitable. S’ils y renoncèrent, ce fut délibérément. Ce qu’ils demandent alors à la Gaule méridionale, c’est la sécurité des traversées entre les ports de la mer Tyrrhénienne et ceux de la mer Catalane, entre Cosa, Pise, Luna et Gênes d’une part, Rosas, Ampurias et Tarragone de l’autre. Que les rivages des deux golfes ligure et gaulois soient à l’abri des pirates, que leurs ports se présentent aux flottes alliées comme lieux de refuge ou de ralliement, qu’elles y trouvent des pilotes, des convoyeurs, des interprètes, des guides, des éclaireurs, des informateurs, des médecins[59] et le reste : et le sénat romain n’exigera, des hommes et des cités de la Gaule, rien de plus que ces services d’étapes. Marseille pouvait s’en acquitter à merveille. Elle était à mi-route entre Pise et Tarragone, devenues les deux grands ports militaires de Rome dans cette région maritime ; Nice partageait la distance entre elle et les Alpes ; Agde, entre elle et les Pyrénées. Ces trois villes grecques s’offraient, à une journée de navigation l’une de l’autre, pour réconforter les soldats malades de la mer ou les préteurs blessés par des bandits[60]. Le sénat laissait à Marseille, sur ce point, la police du rivage. Par là, il demeurait fidèle à son rôle de philhellène, et il s’épargnait en Gaule la peine et la dépense que cette police lui donnait le long de l’Adriatique. Par malheur, Marseille ne comprit pas que son véritable intérêt était d’écarter les Romains, d’agir par elle-même, et d’assurer à elle seule la tâche de cette surveillance. Soit par mollesse, soit par faiblesse réelle, soit plutôt qu’elle se laissât maintenant absorber par le commerce de terre, elle se déclarait incapable des grands efforts maritimes, et elle cherchait sans cesse à s’en décharger sur son alliée d’Italie. Elle paraissait ignorer l’histoire récente des cités grecques de l’Orient, devenues clientes et vassales de Rome pour avoir eu trop souvent besoin d’elle. La route de terre, par la Corniche, avait toujours été fort périlleuse. Un préteur romain s’y était aventuré en 189, pour se rendre par là en Espagne. Attaqué par les Ligures, il vit son escorte massacrée, et, presque seul, blessé et sans licteurs, il dut se réfugier à Marseille pour y mourir en terre amie[61]. Mais la route de mer n’était pas plus sûre. Enhardis par la défaite de Carthage et l’incurie des Romains en Occident, les Ligures avaient formé une vaste entreprise de piraterie et écumaient toutes les mers, depuis le fond de leur golfe jusqu’aux Colonnes d’Hercule[62]. Les Marseillais, débordés de toutes parts, annoncèrent au sénat qu’ils ne pouvaient plus garantir les routes contre les corsaires ligures, et les Romains durent confier à un de leurs officiers maritimes la tutelle de la mer, depuis la pointe de Sorrente jusqu’au rivage même de Marseille (181)[63]. Encore n’eurent-ils raison des pirates que lorsque Paul-Émile eut détruit leurs redoutes et massacré leur jeunesse, et qu’il leur eut enlevé toutes les barques à plus de trois rames (181)[64]. Marseille, désormais, était redevable à Rome de la sécurité de son commerce maritime. Le sénat, plus réservé que son alliée n’était prudente, ne profita pas cependant des dangereuses avances qu’elle lui faisait ; et pendant vingt-cinq ans, il ne donna pas de suite à ces premières interventions. Quand il se décida, en 154, à écouter plus longuement les plaintes de la cité grecque, la manière dont il agit montra bien qu’il cherchait en Gaule la commodité d’une route et non pas une occasion de conquête[65]. En 154, les Ligures de la côte, entre Monaco et Fréjus, s’armèrent contre les colonies marseillaises : Vice fut assiégée[66]. Ce n’était sans doute pas la première année qu’elle souffrait de leurs attaques ; mais jusque-là Marseille avait suffi à protéger les siens. Cette fois, afin de s’épargner des frais et des soldats, elle s’adressa au peuple romain : elle lui avait rendu assez de services pour qu’il l’aidât à son tour. Et ce fut une nouvelle maladresse de gens autrefois plus braves et plus habiles. Mais le sénat ne se pressa pas de faire la guerre : il se contenta d’envoyer tout de suite trois députés pour examiner la chose et faire entendre raison aux Barbares. Le vaisseau qui portait Romains et Marseillais jeta l’ancre près d’Ægitna (Cagnes ?), place forte côtière de la tribu ligure des Oxybiens : c’étaient les ennemis ordinaires de Nice, comme les Déciates, à l’ouest, étaient ceux d’Antibes[67]. Les indigènes sortirent de la bourgade au moment du débarquement : un des trois Romains, Flaminius, avait déjà pris terre. Ils lui intimèrent l’ordre de s’en aller ; et, comme il n’écoutait guère, on lui pilla son bagage, on jeta à bas deux de ses hommes, et on le blessa lui-même. Force lui fut de regagner son bord : le bateau leva l’ancre, et Flaminius alla faire soigner sa blessure à Marseille, où il fut, ainsi qu’on pouvait s’y attendre, fort bien traité. Maintenant, c’était sa propre vengeance que le sénat devait poursuivre. Le consul Quintus Opimius vint par le rivage, et, le premier des Romains, franchit avec une véritable armée les caps alpestres du pays de Monaco. Au delà de Nice et du Var[68], près duquel il campa, il se trouva sur le lieu de l’offense, qui devait être celui du châtiment. Ægitna fut prise de force, ses habitants déclarés esclaves, et les coupables expédiés à Rome. Ce devoir accompli, il alla chercher, hors de la bourgade, le gros de la tribu, 4.000 hommes. Ceux-ci auraient pu attendre leurs voisins les Déciates, qui approchaient. Ils préférèrent combattre. Les soldats d’Opimius les culbutèrent du premier choc. Puis ce fut, quelques heures après, le sort de l’autre tribu. Les deux combats eurent lieu presque sur le même point (sur la route de Cagnes à Vallauris ?)[69]. Les Romains vainqueurs ne traitèrent pas les Ligures de ce côté comme ils avaient traité ceux des Apennins ; ils ne les prirent pas pour leur empire, eux et leurs terres. Mais ils laissèrent aux Grecs tout le profit durable de la victoire. Les territoires voisins de Nice et d’Antibes, sans doute Ægitna, son port, et tout le littoral depuis Monaco jusqu’au golfe Juan, furent déclarés domaines de Marseille. Pour plus de sûreté, les deux tribus furent désarmées, et condamnées à fournir à leur ennemi des otages périodiques[70] ; probablement aussi, on leur interdit une fois pour toutes l’accès du rivage[71], ainsi qu’on avait fait aux indigènes de l’Adriatique. Opimius prit ses quartiers d’hiver dans les bourgades du pays, puis il repartit. En apparence, Rome n’avait travaillé que pour la gloire et le bénéfice de Marseille. Aux yeux des Grecs, le prestige de la colonie phocéenne s’accroissait de toutes ces victoires et de cette alliance triomphale. L’hellénisme vidait trop souvent de mots et de sentiments : il crut ou voulut croire que Marseille, appuyée sur Rome, devenait une puissance mondiale. Des plus lointaines extrémités du monde grec, on rechercha son aide : les gens de Lampsaque sur l’Hellespont, tracassés par les Galates de Phrygie, allaient se plaindre à la fois à Rome et à Marseille, et sollicitaient de celle-ci un mot d’intervention auprès des Gaulois d’Asie : elle leur paraissait une médiatrice souveraine entre Hellènes et Barbares[72]. En réalité, elle était beaucoup moins forte que dans le siècle où, complètement isolée, elle envoyait Pythéas à Cadix. La décadence, commencée pour elle à la veille de la guerre d’Hannibal, continuait lentement. Cette alliance intime entre deux États si dissemblables, une ville d’armateurs et un empire de soldats, ne pouvait aboutir qu’à l’humiliation ou à la ruine de la première. Il eût fallu, pour dissimuler l’inégalité des rôles, une générosité ou un tact dont le sénat n’était pas coutumier. Nous ne savons pas de quel prix il a fait payer la blessure de son envoyé et la campagne de son consul : mais Marseille a dû, certainement, donner quelque chose en échange. En tout cas, c’étaient dès lors les Romains qui commandaient à Ampurias, à Carthagène et à Cadix ; et, avec leurs flottes de guerre, étaient arrivés partout leurs marchands. Les trafiquants italiens de l’Orient exploitaient déjà, avec beaucoup d’esprit de suite, les plus anciens marchés de la Grèce[73] ; ceux de l’Occident, en dépit de la politique sénatoriale, ne pouvaient regarder les gens de Marseille que comme des concurrents et des gêneurs, qui leur fermaient les bonnes routes du nord. Polybe nous raconte qu’un jour Scipion l’Africain interrogea les Marseillais sur les voyages de Pythéas, sur les chemins de la Gaule et les produits de l’Océan. Il ne put rien tirer d’eux[74] : les Grecs, cette fois, furent sur leurs gardes : mais d’ordinaire, ils ne surent pas assez se défier de ces proconsuls et de ces propréteurs qui faisaient toujours bon ménage avec les manieurs d’argent. Si ces marchands italiens n’arrivaient pas encore par mer sur les routes celtiques, ils pouvaient en tout cas les atteindre par les cols des Alpes. Polybe, au milieu du second siècle (133 ?), a traversé ces montagnes pour rechercher l’endroit du passage d’Hannibal : il a gravi le Cenis, le Petit Saint-Bernard ou le Genèvre, et il a reconnu que c’était chose très faisable[75]. Mais, s’il a eu le courage d’accomplir cette traversée, des Italiens de Milan ou de l’Étrurie ont pu l’avoir pour des gains plus positifs, et pour couper par le nord les voies commerciales des Marseillais. Déjà ceux-ci sentaient peser sur eux la force économique de l’Empire romain. Vers ce temps-là (première moitié du second siècle ?), les belles drachmes de la cité grecque, souvenir pieusement conservé du monnayage phocéen, étaient réduites de poids, de manière à correspondre au victoriat romain ou aux deux tiers du denier[76] ; et elle se mettait en outre à fabriquer, sur le modèle des Siciliens et à la mode de toute l’Italie, de lourdes et incommodes pièces de bronze, au type d’Apollon et du taureau, de Minerve et du trépied[77]. Qu’elle l’ait fait de sa propre initiative ou d’accord avec son alliée, elle subordonnait désormais ses traditions commerciales aux affaires des Romains et de leurs provinces. Tout en s’abstenant de la Gaule, Rome, par la force des choses, y faisait connaître sa souveraineté. Les Gaulois, même défendus par les Alpes et les Pyrénées, sentaient ses approches et connaissaient la puissance de son nom[78]. VII. — LA GAULE LAISSÉE À ELLE-MÊME. Mais, sauf cette apparition momentanée d’un consul à l’angle ligure de la Gaule, elle fut laissée à elle-même après le passage des armées puniques. Sur toutes ses frontières, ses ennemis éventuels lui accordaient un long répit. On vient de voir comment Rome avait rentré ses menaces. Du côté du nord, les populations transrhénanes ne troublaient plus les Gaulois par des invasions profondes. Peut-être quelques nouvelles tribus passèrent vers ce temps-là ê l’ouest du grand fleuve, et s’établirent le long de la Moselle et de la lieuse, dans les terrains laissés libres par les broussailles, les marécages et la grande forêt : Trévires, Éburons, Nerviens, sont en partie, je crois, des immigrés de cette époque (vers 150)[79]. Mais, comme ils s’installaient dans les plus tristes régions de la Gaule, leur arrivée faisait peu de bruit, et ne causait aucun remue-ménage dans le reste du pays. Au delà du Rhin inférieur, les Cimbres et les Teutons, congénères et héritiers des Celtes et des Belges d’autrefois, vivaient tranquilles, des deux côtés de l’Elbe, dans leurs énormes enceintes fortifiées, et les habitants du rivage s’enrichissaient du commerce de l’ambre, oublieux de ces colères de la mer qui avaient jadis chassé leurs ancêtres[80]. Plus au sud, passé les Ardennes et la forêt Hercynienne, les Belges et les Celtes cisrhénans avaient pour voisins, de l’autre côté du Rhin, les Helvètes de la Franconie et de la Souabe, gaulois comme eux ; plus vers l’est encore, les antiques colonies de Ségovèse, Volsques Tectosages de la Bavière, Boïens de la Bohême, Noriques des monts autrichiens, occupaient toujours la grande vallée danubienne[81]. Et cette formidable avant-garde, d’ailleurs sage et vaillante, garantissait la Celtique centrale contre de plus lointains ennemis. En fermant aux Celtes les passages des Alpes et des Pyrénées, les Romains les contraignirent à rester chez eux. Le sénat, à son insu, leur rendait service. Il leur évitait ces déperditions de forces, ces secousses intérieures qu’entraînaient fatalement dans la Gaule le départ et le passage des bandes en armes. Depuis l’invasion d’Hasdrubal jusqu’à celle des Cimbres, durant un siècle entier, aucune troupe de Celtes ou de Belges ne traversera le pays pour aller combattre au delà des montagnes. Obligés donc de se contenir dans les frontières indiquées par la nature et acceptées par Rome, les Celtes et les Belges pouvaient vivre en peuplades rassises et d’une vie régulière. Es avaient le loisir de s’organiser à leur guise et sans des violences étrangères, de se civiliser suivant les leçons des hommes du Midi. Le siècle qui suivit le passage d’Hannibal fut peut-être un temps unique dans leur histoire, le seul où il leur fut permis de fonder une société en harmonie avec leur caractère, leurs traditions, la nature de leur pays. FIN DU PREMIER TOME |
[1] Amédée Thierry, livre III, ch. 3 et 4 ; Contzen, Die Wanderungen der Kelten, 1801 ; Mommsen, I, p. 665 et suiv. ; tous les ouvrages cités chap. VIII et IX.
[2] Campagne de 201 contre les Boïens, Tite-Live, XXXI, 2, 5 et s.
[3] Campagne de 200 contre Hamilcar, Tite-Live, XXXI, 10 et 21 ; campagne de 199 chez les Insubres, XXXII, 7,5 ; rien en 198 ; coalition de 197, XXXII, 29-31 (où Tite-Live, 30, 12, fait de nouveau intervenir Hamilcar, qu’il nous avait dit tué en 200, XXXI, 21, 18 ; XXXIII, 23). Évidemment il a eu sous les yeux différents annalistes, mais surtout Valerius Antias (XXXIII, 36, 13 ; XXXVI, 38, 6) : nous n’avons, pour ces guerres, aucune source autre que Tite-Live et quelques fragments de Dion, qui le contredisent en partie ; cf. Lauterbach, p. 31 et s.
[4] XXXII, 30, 6 et s.
[5] Les Romains le reconnaissaient eux-mêmes. Pecorum in modum consternatos cædunt (T.-L., XXXVIII, 17, B).
[6] XXXIII, 38, 9 ; XXXIV, 40, 7 et s. ; XXXV, 4, 7 et s.
[7] XXXI, 2, 8 ; XXXIII, 30. 4 ; XXXV, 4, 2.
[8] Gens minime ad moræ tædium ferendum patiens, XXXIII, 36, 8 ; XXXV, 4, 7.
[9] Sans doute aussi 10.000 en 194 ; XXXX, 30, 11 ; XXXIII, 36, 13 ; XXXIV, 46, 1.
[10] XXXIV, 22, 1 ; XXXIV, 47, 8 ; XXXV, 5, 13 ; XXXVI, 38, 6.
[11] XXXII, 30, 3 ; 31, 3 ; XXXV, 4, 2-3 ; etc.
[12] Tite-Live, XXXVI, 40, 5.
[13] Polybe, II, 35, 4 ; Strabon, V, 1, 6 et 10.
[14] Caton ap. Pline, III, 116. Tite-Live, XXXVII, 47, 2 ; XXXIX, 55, 7.
[15] En 190, rétablissement de Plaisance et Crémone ; Bologne en 189 ; Parme et Modène en 183 ; XXXVII, 47, 2 et 57, 8 ; XXXIX, 55, 6 ; en 187, la via Æmilia, XXXIX, 2, 10.
[16] Tite-Live, XXXIII, 36, 14.
[17] Tite-Live, XL, 41, 6 : Navibus inde Postumius ad visendam oram Ingaunorum (Albenga) Intemrliorumque (Vintimille) Ligurum processit. Les Intemelii devaient occuper la vallée de la Roya ; les Ingauni, celle de la Centa. Cf. Lauterbach, p. 101-2.
[18] Expédition de Cassius (en 171) contre les populi Alpini, voisins du Norique ; Tite-Live, XLIII, 5, 2.
[19] Tite-Live, XXXIX, 22, 6 ; 45, 6-7 ; 54 et 55 ; Pline, III, 131. Sans doute d’après L. Calpurnius Pison.
[20] Tite-Live, XXXIX, 55, 5 ; XL, 34, 2.
[21] Tite-Live, XL, 21 et 22. Cf., à la date de 182, XL, 17, 8 : Fama erat Gallos Transalpinos juventutem armare, nec in quam regionem Italiæ effusura se multitudo esset sciebatur.
[22] Tite-Live, XL, 53, 5-6. Il est probable qu’il s’agit aussi de gens du Torique.
[23] Tite-Live, XXXIX, 54, 11-12.
[24] Silius, XV, 491-2 ; Tite-Live, XXVII, 20, 2.
[25] Tite-Live, XXXIV, 8, 6.
[26] Voyez la soumission des Turdétans (Tarlessus) et la conquête de l’Andalousie, en 214 (T.-L., XXIV, 41-42) ; de nouveau en 206 (XXVIII, 15-37) ; enfin en 19.5 (T.-L., XXXIV, 17-19). Je parle de la résistance des indigènes.
[27] Lacétans, Ausétans, etc., et surtout les Ilergètes, la grande et intelligente nation d’Ilerda et Huesca : campagnes de 218 (T.-L., XXI. 60-61) ; de 217 (XXII, 21) ; de 206 (T.-L., XXVIII, 31-34) ; de 195 (XXXIV, 11-16, 20-21).
[28] Tite-Live, XXVI, 42-40.
[29] Tite-Live, XXVIII, 37, 10.
[30] Diodore, V, 33.
[31] Diodore, V, 33 (Posidonius ?) ; Polybe, fr. 13.
[32] Tite-Live, XL, 40, 7.
[33] Polybe, fr. 14.
[34] Tite-Live, XL, 40, 3. Celtiberis concursare mos est, T.-L., XXVIII, 2, 7.
[35] Tite-Live, XXVIII, 2, 8.
[36] Tite-Live, XL, 33, 9 ; cf. XXI, 43, 8.
[37] Saltus Manlianus (en 180), T.-L., XL, 39-40 ; mons Chaunus (Moncayo) (en 179), XL, 50.
[38] Bataille de Calagurris sur l’Èbre, Calahorra, en 186 (T.-L., XXXIX, 21) ; d’Urbicua en 182 (XL, 16) ; d’Æbura sur le Tage (?) et de Contrébie sur le Jiloca en 181 (XL, 30-33) ; d’Alcée pris du Guadiana en 179 (XL, 48). Aucune de ces villes n’est regardée comme celtibérique par les narrateurs.
[39] Tite-Live, XXII, 21, 7 ; XXIV, 49, 7 ; XXV, 32, 3.
[40] Tite-Live, XXV, 33.
[41] Cf. Tite-Live, XXXIV, 17 et 19.
[42] Cum Celtiberis... uter esset, non uter imperaret, Cicéron, De officiis, I, 12, 38.
[43] Appien, Iberica, 96-97 ; Tite-Live, Epit., 59 ; Florus, I, 34 (II, 18), 13-17.
[44] Cf. Appien, Iberica, 99-100.
[45] Il est possible que ces dernières aient été battues en 195 avec les Turdétans, leurs voisins et alliés ordinaires : T.-L., XXXIV, 17-19 ; cf. Polybe, XXXIV, 9, 3.
[46] Appien, Iberica, 73-75 ; Tite-Live, Epit., 53 et 56. — Cf., sur la chronologie de ces guerres : Wilsdorf, Fasti Hispaniarum, Leipzig, 1878 ; Kornemann, Die neue Livius-Epitome, 1904, p. 65-68.
[47] Ingenia indomita, T.-L., XXXVIII, 12, 3 ; cf. 4-6.
[48] Sous les coups des Thraces (Polybe, IV, 46, 4). Les Aigosages en sont peut-être le débris.
[49] Florus, I, 39 (III, 4) ; Appien, Illyrica, 4-5. Et peut-être aussi les descentes vers l’Italie et l’Adriatique, Plutarque, Paul-Émile, 9.
[50] 40.000 prisonniers, 10.000 morts à la bataille de l’Olympe contre les Tolistoboïens (T.-L., XXXVIII, 23, 8-9, d’après Valerius Antias) ; 8.000 tués sur 60.000 combattants à la bataille du mont Magaba contre les Tectosages (XXXVIII, 26, 3 ; 27, 6). Il devait y avoir des Trocmes dans les deux armées (19, 2 et 28, 3). — Cf., sur cette guerre, Mommsen, I, p. 741 et s. ; Contzen, p. 241 et s. ; Robiou, p. 191 et suiv. ; van Gelder, p. 229 et suiv. ; Stæhelin, p. 63 et suiv. ; Niese, Geschichte, II, p. 750 et s.
[51] . Tout cela a été très bien montré par Manlius Vulso (T.-L., XXXVIII, 17).
[52] Tite-Live, XXXVIII, 43, 1-2 (ut morem vagandi cum armis finirent).
[53] Voyez chez Plutarque, Paul-Émile, 12, la description de ces Gaulois du Danube (Basternes) ; Perdrizet, Bull. de corr. hell., XX, 1898, p. 485 et s.
[54] Tite-Live, Epit., 58.
[55] Strabon, VII, 5, 6.
[56] Universa gentis infamia asque invidia, Tite-Live, XXXVIII, 47, 10.
[57] Cf. Macchabées, I, 8, 2.
[58] Je songe pour cette date terminale à la grande campagne de Gracchus contre les Celtibères (Tite-Live, XL, 50, 3), qui mit fin à la première période de la guerre contre eux.
[59] Polybe, XXXIII, 7, 7 ; T.-L., XXXVII, 57, 2.
[60] Tite-Live, XXXVII, 57, 2 (en 189).
[61] Tite-Live, XXXVII, 57, 1-2. Cf., pour ces faits, Lauterbach, p. 88 et s.
[62] Plutarque, Paul-Émile, 6.
[63] Tite-Live, XL, 18, 4 et 8.
[64] T.-L., XL, 28 ; Plutarque, Paul-Émile, 6. Il s’agit surtout des Ligures d’Albenga.
[65] Le récit qui suit chez Polybe, XXXIII, 7 et 8 ; un simple résumé chez T.-L., Epit., 47 ; moins encore chez Florus, I, 10 (II, 3), 5.
[66] Cela résulte de τήν πολιορκίαν (7, § 3) et la présence des Oxybiens permet de croire qu’il s’agit de Nice.
[67] Outre la ville, il devait y avoir près de là, un petit port : c’est, je crois, le cros (grau ?) de Cagnes. Leur position résulte du récit de Polybe, comparé à : Méla, II, 76 ; Ptolémée, II, 10, 5 ; Pline, III, 35 et 47. Les Déciates doivent être les gens de Vallauris, Cannes et Grasse, entre la Siagne et le Loup (évêché de Grasse) ; les Oxybiens, ceux de Cagnes, entre le Var et le Loup. — On pense d’ordinaire, pour Ægitna, à Cannes (d’Anville, p. 35 ; Desjardins, I, p. 177).
[68] C’est le fleuve que Polybe (ou ses manuscrits) appelle τόν Άπρωνα.
[69] Il ne serait pas impossible que le principal oppidum des Déciates, qui se rendit après la bataille (Polybe, XXXIII, 8, 11 ; Méla, II, 76 ; Artémidore ap. Ét. de Byz. s. v. Δεκίητον ; Anonyme de Ravenne. IV, 28 ; V, 3), fût la localité actuelle de Biot. Le monument de Biot (Rev. des Ét. anc., 1907, fasc. 1) ne me parait pas cependant se rapporter à ces événements : il est, très évidemment, postérieur d’un siècle au moins.
[70] Polybe, XXXIII, 8, 12.
[71] Cf. Strabon, IV, 6, 3, qui parle d’un espace de 12 stades, environ un mille et demi (2226 m.), une lieue gauloise, que les Ligures devaient laisser libre sur le rivage : mais il n’est pas sûr qu’ils agisse de ceux de cette région.
[72] Dittenberger, Sylloge, 200 = 2e éd., 276.
[73] Cf. Homolle, Bull. de corr. hell., VIII, 1884, p. 75 et s.
[74] XXXIV, 10, 6 (Strabon). Il s’agit, je crois, du premier Africain.
[75] Polybe, III, 48, 12 ; cf. Cuntz, p. 30 et s. Étant donné que les Salasses n’étaient pas encore soumis par Rome, et que, dans tout le cours de son récit, il ne veut citer d’autres peuples que les Allobroges, que son attention s’est toute fixée sur eux, il semble assez plausible qu’il soit passé par le mont Cenis. Et je crois de plus en plus que les renseignements donnés par Strabon sur la région du Cenis viennent de la partie géographique de l’œuvre de Polybe.
[76] Mommsen (de Blacas), II, p. 99-100 (= Geschichte, p. 398), réduction (graduelle ?) de 3 gr. 70 à 2 gr. 60 ; III, p. 250 ; cf. Babelon, Monnaies de la République, I, p. XXVI ; Blanchet, Traité, p. 234. Laugier, Les Monnaies massaliotes, p. 21 et suiv. ; Cabinet des Médailles, n° 817-1461. Le monnayage a dû devenir, en même temps, beaucoup plus fréquent. — Je ne puis pas cependant ne pas faire des réserves sur cette théorie.
[77] De La Saussaye, p. 69 et s. ; Mionnet, I, p. 73, n° 145 et s. ; Suppl., I, p. 137, n° 60 et s. ; Laugier, p. 32 et suiv. ; Cabinet des Médailles, n° 1473-2125 ; Blanchet, Antiquaires, Mém. du Centenaire, p. 64 ; Traité, p. 235 (qui fait commencer ce monnayage au IIIe siècle). Nous reparlerons de ce monnayage.
[78] Voyez ce qu’on disait alors de Rome à Jérusalem, Macchabées, I, 8.
[79] Les Éburons paraissent être venus en Gaule avant l’invasion des Cimbres (César, II, 29, 4 ; V, 27, 2).
[80] Tacite, Germanie, 37, où utraque ripa peut signifier les deux rives, non du Rhin, mais de l’Elbe ; Pline, IV, 9.1-97 ; cf. notre t. III.
[81] A eux s’appliquent sans doute : Tacite, Germanie, 28 ; Strabon d’après Posidonius, IV, 3, 3 et VII, 2, 2 ; Niese, Keltische Wanderungen, p. 132.