HISTOIRE DE LA GAULE

TOME I. — LES INVASIONS GAULOISES ET LA COLONISATION GRECQUE.

CHAPITRE XI. — LA GUERRE D’HANNIBAL.

 

 

I.  — DÉCADENCE DE L’EMPIRE MARSEILLAIS.

Dans le cours du troisième siècle, les progrès de Marseille s’arrêtèrent, son empire fut menacé, et son influence diminua. Les ennuis qu’elle eut à subir lui vinrent à la fois de ses amis et de ses ennemis.

Au temps de Pythéas, elle n’avait aucune rivale dans les mers occidentales. Mais Rome devint à son tour une puissance maritime[1]. Maîtresse de l’embouchure du Tibre, elle occupait le centre des eaux tyrrhéniennes : elle était à égale distance des extrémités de cette mer si bien close, et elle s’en assura, en un siècle, les relâches et les carrefours. Sa domination ou sa suzeraineté s’étendirent sur toutes les côtes de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse[2] et de l’Italie. Syracuse se fit son alliée (vers 270)[3] ; les villes et lieux de commerce de la Grèce italienne, Cumes, Pouzzoles, Naples, Vélia la sœur de Marseille, étaient ses clientes (depuis 338)[4] ; les ports célèbres du Latium et de l’Étrurie, Circéi (393)[5] et son cap, Pyrgi, rade de l’antique Agylla[6], Cosa, à l’ombre du mont Argentario (273)[7], tous ces éternels repaires de pécheurs, de pirates, d’aventuriers et de trafiquants, avaient reçu des garnisons ou des colonies : amis et ennemis d’Ulysse le Grec, rivaux ou descendants des Phocéens, les marins de ces rivages se transformaient également en sujets de Rome. Les marchands étrusques étaient maintenant des négociants italiens, protégés ou membres de son empire. L’alliance de Marseille avec le sénat pouvait engager la cité phocéenne dans d’onéreuses concessions.

En face de la mer italienne, la puissance de Carthage reparaissait une fois de plus dans les parages espagnols. Hamilcar Barca lui donnait un nouvel empire. Chassés des trois grandes îles par les flottes romaines (211), les Puniques refluèrent vers l’Occident, et résolurent de s’y tailler un domaine définitif. Et ce fut, alors, non plus vers les rivages, mais vers les terres ibériques qu’ils poussèrent leurs convoitises. A défaut de l’empire de la mer, ils firent la conquête de l’Espagne intérieure : Cadix, qui n’avait été pendant longtemps que le point d’appui de leur flotte, devint le point de départ de leurs ambitions continentales[8]. Tour à tour l’Andalousie, les vallées du Guadiana, du Tage, du Jucar et de l’Èbre se soumirent à leurs soldats (236-218)[9]. C’était par les routes du dedans que les ports de la côte voyaient arriver la force carthaginoise. Vers 227, Hasdrubal, gendre et successeur d’Hamilcar, fonda une Carthage nouvelle, Carthagène, près des mines d’argent, à mi-chemin entre les Colonnes et l’Èbre, sur le promontoire le plus avancé vers l’Afrique ; et ce fut tout de suite une très grande ville, une place militaire de premier ordre, un port de commerce fort prospère[10] : le Carthaginois avait su trouver, le premier, l’endroit destiné à l’hégémonie de l’Espagne méditerranéenne. Les Marseillais ne pouvaient plus songer à naviguer dans ces eaux. Ils renoncèrent dès lors, de gré ou de force, à leurs lointains établissements du sud de l’Èbre, du cap de La Nao[11].

Même aux abords des Pyrénées, leur fortune pâlissait devant celle des dominations nouvelles. Les cités grecques ou ibériques qui redoutaient la suprématie de Carthage n’eurent pas confiance dans la force de Marseille et s’adressèrent à Rome. Des traités d’alliance furent conclus entre celle-ci et les tribus maritimes de la Catalogne, jusque-là amies seulement des colons phocéens[12]. Ampurias même, pourtant une fille de Marseille, se plaça directement sous la protection italienne, et ce fut la ville latine qui intervint pour arrêter les flottes puniques[13] : vers 226, un contrat conclu entre Hasdrubal et le sénat fixa l’Èbre comme limite entre les empires de Rome et de Carthage[14]. S’il est vrai que ce mot d’empire de Rome ait été prononcé à propos du fleuve, Marseille ne paraissait plus, dans ces régions catalanes où elle avait dominé, que la protégée d’une alliée trop puissante.

Les intérêts de Marseille allaient être menacés sur terre comme sur mer. L’empire italien de Rome, l’empire espagnol de Carthage, grandissaient en même temps. Les deux cités impériales rapprochaient leurs armées et leurs trafiquants, l’une des Alpes, l’autre des Pyrénées. Quand leurs généraux, franchissant les montagnes, et marchant toujours vers le nord, finiront par se rencontrer, ce sera dans l’arrière-pays de Marseille, qui est à mi-route entre les deux presqu’îles. Et la cité grecque, bloquée de fait par la lutte des deux grandes puissances, se trouvera, en Gaule même, reléguée au second rang : son nom ne sera plus le plus grand nom de ville dont les Celtes entendront parler.

 

II. — GUERRES DES ROMAINS CONTRE LES CELTES ITALIENS[15].

Le bruit et le renom de Marseille en pays celtique s’affaiblissaient d’autant plus que les Romains et les Carthaginois avaient commencé la guerre contre des Gaulois et remporté sur eux leurs plus récentes victoires.

L’alliance des Celtes et des Samnites avait compromis un instant la suprématie latine dans l’Italie centrale (295). Rome résolut d’infliger une dure leçon à ses tumultueux voisins[16]. Un siècle après la bataille de l’Allia, en 283, elle prit l’offensive contre eux. Un consul pénétra dans leurs vallées par le long couloir du Tibre, par cette route maîtresse[17] que suivront désormais tous les conquérants romains envoyés contre les Barbares du Nord et de l’Ouest. Au delà des Apennins, il rencontra les Sénons de l’Adriatique, les plus proches, les plus turbulents, les plus odieux de tous les Celtes, car ils pouvaient se glorifier d’avoir pris Rome et le Capitole. Par rancune et par précaution, on les détruisit ou on les expulsa, le nom sénon disparut de l’Italie[18], et le pays devint, sous la garde des colonies militaires de Sinigaglia (283 ?)[19] et de Rimini (268)[20], la marche protectrice du monde du Midi dans la direction de l’Adriatique et des Alpes.

Les Boïens, qui confinaient aux Sénons, étaient aussi tracassiers que leurs frères. Mais ils surent éviter un sort pareil. Ils n’attendirent pas l’arrivée des Romains pour faire la paix avec eux (283-282)[21], et, comme ils consentirent à rester en repos un demi-siècle, comme ils étaient d’ailleurs trop nombreux pour être aisément supprimés, les consuls ne s’en occupèrent pas, et ne détournèrent plus leur attention de l’Italie du sud, de la Sicile, de la mer, de Pyrrhus et de Carthage.

En 232, Carthage vaincue, les Romains se mirent à désirer sérieusement les belles terres de la Gaule Cisalpine. Des colons s’établissaient en nombre de Rimini à Sinigaglia. Les Boïens, en voyant à leurs frontières ces étrangers avides et arrogants, sentirent qu’on en voudrait bientôt à leurs propres domaines, et, pour n’être pas surpris, ils attaquèrent les premiers[22]. Les Romains n’avaient besoin que d’une provocation pour conquérir délibérément la Circumpadane. La guerre d’annexion commença.

Il faut dire, pour excuser l’ambition romaine, qu’à chaque prise d’armes des Celtes du Pô, ceux d’au delà des Alpes accouraient pour les aider au pillage, et que chaque fois les Latins redoutèrent une invasion à la Brennos et une panique comme celle de l’Allia. Déjà en 236 des Gaulois du Rhône étaient venus jusque devant Rimini, sans oser ou pouvoir aller au delà[23]. En 225, ce fut tout autrement grave : les Boïens et les Insubres avaient fait venir à leur solde les plus illustres et les plus vaillants des Gaulois ou des Galates du Valais[24], commandés par les rois Concolitan et Anéroestos[25] ; environ soixante-dix mille hommes franchirent les Apennins, et arrivèrent près de Chiusi, d’où leurs ancêtres étaient partis contre Rome[26]. On répétait dans le peuple que les oracles sibyllins annonçaient une nouvelle prise de la ville[27] ; on racontait que les Gaulois avaient juré de ne déposer leurs baudriers qu’après avoir gravi le Capitole[28]. Ce fut peut-être l’année de la plus grande terreur romaine. Il fallut livrer deux batailles contre ces farouches adversaires ; mais à la dernière, près de Télamon[29], la double armée gauloise fut détruite, et les chefs du Latium firent au Capitole, avec les enseignes et les colliers des vaincus, de triomphales panoplies (225)[30].

A Rome, on avait décidé d’occuper à demeure ces terres du Pô, où les sources des invasions ne tarissaient jamais. En 224, les légions parurent près du fleuve, chez les Boïens[31] ; elles le franchirent l’année suivante. Les Cénomans de Brescia avaient, depuis la grande invasion de 223, accepté l’alliance romaine : ce fut aux Insubres que les consuls s’attaquèrent (223)[32]. Le peuple de Milan se conjura tout entier : contre les légions, il fit sortir du temple de sa déesse nationale les immuables Enseignes d’Or[33]. Les Insubres furent battus. Mais l’année suivante (222), ils appelèrent de la Gaule la plus lointaine[34] trente mille mercenaires ou Gésates, commandés par un roi belge, Virdomar[35], qui se disait le fils du Rhin[36], et tous ces Barbares tentèrent contre Rome un dernier effort. Marcellus les arrêta près de Clastidium, au sud du Pô[37], tua Virdomar de sa propre main[38], et entra dans Milan, la vieille cité de Bellovèse et dès lors la plus importante ville de la Gaule Cisalpine[39]. Le Jupiter de Rome vit pour la première fois les dépouilles d’un chef rhénan[40], et les Latins arrivèrent en vue des Alpes, au pied des sentiers de montagne par où étaient descendues ces troupes innombrables d’envahisseurs[41].

Les Carthaginois, pendant ce temps, combattaient et soumettaient les Celtes d’Espagne.

Hamilcar, dès sa sortie de Cadix, avait rencontré leurs hommes et leurs généraux, accourus au secours des Tartessiens et des Ibères. Il les avait battus, et si bien[42], qu’on ne retrouve plus les Celtibères comme adversaires des Barcas. Leur pays ne fut peut-être pas occupé, mais ils n’en étaient pas moins disposés à obéir : au surplus, Carthage ne dut guère leur demander que des mercenaires, ce que les Gaulois fournissaient le plus volontiers[43].

Hannibal préluda à sa gloire par une conquête plus sérieuse de l’Espagne des hauts plateaux et des vallées supérieures, de Carthagène à Burgos[44]. Puis, quand il eut pris Sagonte, il franchit l’Èbre malgré le traité d’Hasdrubal (mai ?), il réduisit les tribus du rivage et de la montagne de Catalogne, les grandes et vieilles nations du nom ibérique[45], et il fit de la marche triangulaire qui s’étend entre le fleuve, les Pyrénées et la mer, un vaste commandement militaire sous les ordres d’Hannon[46]. Les colonies grecques d’Ampurias et de Rosas furent respectées, mais bloquées. Devant les Carthaginois s’ouvraient les routes de la Gaule[47] (juin juillet ?).

 

III. — PROJETS D’HANNIBAL ET DU SÉNAT[48].

Hannibal avait résolu de porter la guerre à Rome par cette voie. Le choix de ce chemin, à vrai dire, s’imposait à lui.

Depuis vingt ans, les Latins et les Carthaginois n’avaient cessé de s’avancer vers le nord, à la rencontre les uns des autres. Ils n’étaient plus séparés, entre le Pertus et le Tessin, que par cinq cent milles de route, la moitié de la distance directe, à vol d’oiseau, entre Rome et Carthagène : et pour Hannibal, pourvu des meilleurs chevaux et des meilleurs fantassins du monde, la terre n’offrait pas les mêmes dangers et les mêmes incertitudes que la mer avec ses tempêtes, ses rencontres et les désordres des débarquements.

Sous l’impulsion des Barcas, Carthage était devenue surtout une puissance continentale : ses armées étaient habituées aux très longues marches dans les landes et les montagnes ; Hannibal les avait déjà transportées sans peine de Salamanque à Carthagène, par les tristes plateaux et les âpres sierras de l’Espagne intérieure. La traversée de la Gaule et même des Alpes ne pouvait exiger ni beaucoup plus de temps ni beaucoup plus de peine.

Les conquêtes espagnoles des Puniques leur avaient donné le dernier secteur de la grande voie mondiale qui traversait l’Europe entière : ils la tenaient de Cadix à Sagonte, où elle atteignait la Méditerranée, et de Sagonte au Pertus, par où elle entrait en Gaule. Il était naturel qu’ils continuassent à la suivre vers l’orient, comme avait fait Hercule à son retour d’Andalousie.

Mais peut-être Hannibal a-t-il vu, dans la Gaule méridionale, autre chose qu’un chemin à parcourir. Le pays était riche ; il avait appartenu à ces Ibères dont Carthage revendiquait l’héritage ; il lui avait fourni jadis des mercenaires[49]. C’était la dépendance naturelle de l’Espagne du nord : il complétait et il couvrait le district catalan d’Hannon. En s’y assurant l’hégémonie, on gênait une très vieille ennemie, Marseille. La ville punique n’avait encore pu lui interdire la mer : elle lui fermerait la terre. Languedoc et pays du Rhône valaient, à tous égards, la peine d’une conquête, au moins d’une expédition victorieuse.

Enfin, Hannibal déboucherait en Italie par les plaines les plus riches de la péninsule entière, et ces plaines étaient habitées par la race d’hommes la plus acharnée contre les Romains. Les Ligures du Piémont ignoraient encore la vue des légions ; les Celtes de Milan, de Côme et de Bologne ne s’étaient soumis à elles que quatre ans auparavant ; Boïens et Insubres ne pouvaient se résigner à une obéissance si récente : les colonies que Rome venait de planter sur les bords du Pô, Plaisance et Crémone[50], les irritaient plus qu’elles ne les contenaient (entre 222 et 219), et les Boïens, dans le temps même où Hannibal commençait sa marche vers l’Italie, avaient maltraité ces étrangers et tué quelques centaines d’hommes aux officiers latins (218)[51]. — Le chef punique savait tout cela[52]. Il voulut rejoindre d’abord Insubres et Boïens, en passant par les fameuses routes des Alpes. Quatre à cinq grandes hordes de Galates les avaient récemment franchies pour guerroyer contre Rome (236-222). Hannibal n’avait qu’à suivre leur exemple. Il pouvait, arrivé en Italie, soulever tous les Celtes, les tenir unis autour de lui dans une haine commune ; il pouvait, par delà les montagnes, demeurer en rapport avec ces Barbares du Rhône et du Rhin qui avaient expédié tant de Gésates à leurs congénères du Pô. Dans la pensée d’Hannibal, l’expédition carthaginoise devait s’unir à une nouvelle invasion gauloise[53].

Rome, de son côté, ne répugnait pas à ce que la lutte s’engageât par le nord. L’alliance de Marseille et d’Ampurias lui permettait de surveiller la route d’Hannibal, et de la couper par des débarquements rapides. Il ne fallait que trois ou quatre jours à ses navires pour arriver de l’embouchure de l’Arno au delta du Rhône[54]. Puis, le sénat avait dès lors l’ambition de l’Espagne, où tant de peuples s’étaient enrichis, et qui faisait, par ses métaux et ses soldats, la principale force d’Hannibal : et cette convoitise était presque plus forte que sa crainte pour l’Italie. Les Scipions avaient reçu la mission de guerroyer en Ibérie avant qu’Hannibal n’eût commencé sa marche en avant[55].

Ce qui demeurait incertain, c’était le lieu où les adversaires se rencontreraient. S’ils marchaient à égale vitesse, tout faisait croire que ce serait à mi-chemin entre Rome et Carthagène, entre les Alpes et les Pyrénées, vers Arles et le Rhône, au carrefour des principales routes qu’allaient suivre les deux armées.

En tout cas, la présence, dans la Gaule méridionale, des chefs et des soldats des deux grandes cités rivales, rattachera enfin l’histoire politique de notre pays à celle de la Méditerranée toute entière. Il se trouvera m@lé à la lutte pour l’empire du monde. Si ses terres ne sont pas encore, de la part de Rome ni de Carthage, l’objet d’ambitions fermes, ses routes du moins sont un enjeu dans leurs plans.

 

IV. — MARCHE D’HANNIBAL, DU PERTUS AU RHÔNE.

Hannibal gravit les pentes faciles du Pertus[56] avec 70.000 hommes et 37 éléphants[57]. Quand on approcha du sommet, et que l’armée comprit ses destinées, quelques désertions se produisirent. Pour en éviter un plus grand nombre, le général donna congé à plus de 10.000 hommes, les contingents les moins enthousiastes[58]. Mais de ceux qui descendirent avec lui vers les plaines du Roussillon, 50.000 fantassins et 9.000 cavaliers[59], la plupart étaient décidés à le suivre au bout du monde. Aucun ennemi ne se présenta, d’ailleurs, pour contrarier l’armée à travers les bois et les rochers des Albères[60].

Arrivé près d’Elne (Iliberris), à l’endroit où la route rejoint le rivage et remonte vers la Gaule, Hannibal s’arrêta et attendit l’issue de négociations qu’il avait engagées avec les Gaulois. On se trouvait en plein été, et le pays d’Elne offre, par cette saison, toutes les séductions de sa richesse et de sa beauté (premiers jours d’août)[61].

La contrée entre les Pyrénées et le Rhône était partagée entre un grand nombre de tribus[62], ibériques, ligures ou celtiques, dont les plus puissantes, et les plus voisines du fleuve, étaient associées sous le nom gauloise de Volsques. C’était de ces peuples que viendraient les premiers auspices de la guerre entre Rome et Carthage. Depuis des semaines, les deux adversaires cherchaient à les gagner à leur cause. Hannibal avait prévenu les chefs, dès le passage de l’Èbre, qu’il passerait par leur pays, mais pour aller, bien plus loin, combattre les Romains, et il leur avait sans doute fait remettre les présents d’usage[63] (mai-juin ?). Puis, après ses envoyés, s’étaient présentés cinq ambassadeurs romains, vieux sénateurs de famille illustre et de grand courage (juin juillet ?). Ils revenaient de Carthage, où ils avaient fièrement donné la guerre à leurs ennemis[64], et ils arrivaient par la Catalogne et les Pyrénées, en essayant partout, avant le passage d’Hannibal, de lever contre lui des haines et des colères[65].

L’ambassade alla de tribu en tribu, demandant aux chefs d’interdire aux Carthaginois leurs champs et leurs villes. C’était sans doute la première fois que des indigènes de la Celtique entendaient des paroles au nom du sénat et du peuple romain. La rencontre laissa aux Latins et aux Barbares des impressions singulières, et voici ce qu’on raconta plus tard de l’une de ces entrevues[66]. — Les envoyés furent introduits dans l’assemblée de la peuplade : ils eurent d’abord la surprise de se trouver en face d’hommes en armes, chefs, anciens et jeunes gens, et ces sénateurs, habitués à l’absolue séparation de la vie civile et de la vie militaire, jugèrent étrange et dangereux que des citoyens se réunissent en appareil de guerre pour recevoir des ambassadeurs et délibérer paisiblement. Ils n’en exposèrent pas moins l’objet de leur mission avec une majesté toute romaine, glorifiant la vertu et la grandeur de leur peuple. Et alors, de ces guerriers farouches qui les écoutaient, partirent de longs éclats de rire ; ce fut un tumulte de risées, de murmures, de propos qui se heurtaient : les plaisantes gens que voilà, disaient les Barbares, qui excitent les autres à la guerre, pour n’avoir pas à la supporter eux-mêmes ! Quand les anciens eurent calmé les plus jeunes, les sénateurs s’entendirent faire une belle réponse : Les Gaulois, n’ayant reçu ni injure de Carthage ni service de Rome, garderaient la neutralité. Ils savaient, au surplus, que des hommes de leur race[67] avaient été chassés par le peuple romain de leurs terres et de l’Italie même, que d’autres lui payaient tribut et souffraient des choses indignes. — Dans toutes les tribus que les envoyés de Rome abordèrent ensuite, on leur tint des propos à peu près semblables, et ce ne fut qu’à Marseille qu’ils purent enfin se réconforter dans l’accueil hospitalier d’amis très courtois[68].

Les Marseillais connaissaient les Gaulois de longue date. Ils assurèrent à leurs alliés que, malgré ces fières réponses, les Barbares donneraient fort à faire à Hannibal, à moins que le Carthaginois ne mit un bon prix à la neutralité des chefs : car les Celtes, pensait-on à Marseille, étaient à la fois impossibles à dompter et toujours prêts à se vendre[69].

Les sénateurs revinrent à Rome. Des messagers grecs les avaient précédés : le sénat savait déjà le passage de l’Èbre par Hannibal. La flotte destinée à l’Espagne, commandée par le consul Publius Scipion, se trouvait prête dans le port de Pise[70] (fin juillet ?[71]) : ordre lui avait été donné d’obliquer vers Marseille et le Rhône, pour fermer la route à Hannibal.

Celui-ci n’ignorait pas plus que les Marseillais la versatilité celtique. Grâce à ses premières démarches, il avait pu traverser les Pyrénées sans être inquiété par les indigènes des cols. Mais ceux du Roussillon et du Languedoc n’avaient point cru aveuglément à ses pacifiques messages ; l’annexion de la Catalogne leur fit peut-être craindre pour leur propre liberté. Les tribus les plus voisines des montagnes se levèrent à l’approche des Carthaginois, et se massèrent en armes à Roussillon[72], au passage de la Têt. La route était fermée.

Le moment était venu de faire agir l’argent espagnol, les réserves des trésors de Carthage. Hannibal fit dire aux rois de tribus qu’il était prêt à les recevoir comme des hôtes ou à leur demander l’hospitalité : mais que l’on se vît seulement, et l’on s’entendrait vite. Les Barbares accoururent près d’Elne, et, après l’entrevue et les présents qui l’accompagnèrent, le général put lever son camp et continuer paisiblement sa route à travers les plaines du Languedoc[73].

Il avait obtenu sans doute un peu plus que le libre passage. Le service des étapes semble avoir été assuré pour ceux de ses concitoyens qui viendraient plus tard le rejoindre en Italie. Un traité en bonne forme fut conclu avec les indigènes : on y réglait la procédure à suivre en cas de contestation entre les Carthaginois et les Barbares ; le défendeur devait toujours être jugé par le tribunal de sa nation : les plaintes des Puniques seraient portées devant les femmes des tribus, sans doute des voyantes inspirées des dieux ; celles des indigènes seraient jugées par les officiers carthaginois du nord de l’Espagne[74]. — Sous une apparence d’équité, l’accord imposé par Hannibal inaugurait la tutelle de Carthage sur le Midi de la Gaule.

La vue de l’armée d’Hannibal complétait l’effet des contrats. C’était la plus terrible, la plus variée, la plus étrange qui eût encore paru sur un sol de l’Occident. A vrai dire, elle n’était point fort nombreuse, et bien des invasions antérieures avaient été faites par de beaucoup plus grandes multitudes. Mais elle renfermait, groupés par une discipline savante, des représentants de toutes les langues et de toutes les races du monde du Couchant[75] : — Africains souples et légers, dont les vêtements flottants éclataient sous la pourpre, Numides aux bêtes dociles et rapides, aimées comme des humains, Celtibères toujours prêts à mourir sur un champ de bataille, Lusitans sauvages sortis de leurs bois et de leurs cavernes, frondeurs des îles Baléares, Espagnols couverts de tuniques blanches bordées de rouge, armés de glaives d’acier, aigus et courts, et, surgissant du milieu de ces rangs de chevaux et d’hommes étincelants et bariolés, les masses grises des trente-sept éléphants conduits par des Nubiens aux sombres figures[76]. Devant ces apparitions prodigieuses, plus d’un Gaulois était saisi de crainte, et ceux qui n’eurent point peur se laissèrent séduire par les distributeurs de présents qui formaient l’avant-garde. Jusqu’au delà de Nîmes, personne n’inquiéta sérieusement la marche[77].

Hannibal se hâtait. Il ne cherchait à éviter les batailles que parce qu’elles lui auraient pris de sort temps[78]. L’été touchait à sa fin : il devait arriver aux montagnes avant les premiers froids. Bien en avant de l’armée, des agents carthaginois reconnaissaient les routes de la Gaule, s’informaient des meilleurs passages des Alpes[79]. De leur côté, les Gaulois boïens, qui venaient de se révolter, avaient adressé à Hannibal un de leurs rois et quelques émissaires pour le renseigner sur l’état des choses en Italie et sur les voies d’accès de la péninsule[80]. Le Carthaginois n’attendait que le résultat de cette double enquête pour faire choix de son chemin. Mais il lui fallait, d’abord, franchir le Rhône (vers le 21 août ?)[81].

 

V. — PASSAGE DU RHÔNE[82].

Le principal passage du fleuve se faisait entre Beaucaire et Tarascon[83]. C’était là qu’aboutissait, sur la rive droite, la voie du Languedoc ; c’était vers ce point que convergeaient, sur la rive gauche, toutes les routes alpestres et italiennes, depuis celle qui venait d’en bas, en suivant la côte méditerranéenne, jusqu’à celles qui descendaient du nord, réunies en faisceau le long de la vallée du Rhône. Quelle que fût la décision ultérieure d’Hannibal, il importait qu’il fût d’abord maître de ce carrefour.

La traversée, si rapide que soit le fleuve[84], n’offrait aucun danger si les indigènes laissaient faire le Carthaginois. S’il les avait contre eux, c’était la plus dangereuse des opérations qu’il aurait tentées depuis la prise de Sagonte.

En réalité, Hannibal ne rencontra ni les chances qu’il pouvait espérer, ni les dangers qu’il pouvait craindre. Une mène peuplade, celle des Volsques, habitait les deux rives du fleuve à l’endroit du passage. A l’ordinaire des nations celtiques, elle se divisa devant l’approche d’Hannibal. Le principal parti refusait de le laisser passer : mais, n’osant se battre avec le fleuve à dos, il alla attendre l’ennemi sur le bord opposé[85]. En revanche, bon nombre de Barbares, soit de tribus volsques, soit de tribus voisines[86], préférèrent s’entendre avec l’étranger, qui payait bien, ne demandait qu’à repartir, et dont le séjour allait devenir fort onéreux. Ils réunirent, à sa demande, les bateaux et les barques qui servaient aux transports habituels ; et, sur ce lieu de passage très fréquenté et voisin de la mer[87], il ne fut point difficile d’en rassembler rapidement un fort grand nombre. Puis, comme les environs abondaient en bois de construction, indigènes et soldats se mirent à l’envi à la besogne, creusant de larges troncs d’arbres en grossières pirogues[88]. Pour les éléphants, de vastes radeaux furent disposés et amarrés le long de la rive, comme des amorces de pont : il suffirait de les détacher et de les remorquer, lorsque les bêtes s’y seraient laissé conduire[89].

Mais il fallait écarter de l’autre bord ces milliers de Gaulois qui attendaient en armes : le fleuve était large, le courant très violent ; les hommes ne pourraient jamais lutter à la fois contre l’eau et contre l’ennemi.

Hannibal eut recours au stratagème ordinaire du passage divisé. Les Gaulois, très novices en matière de tactique, ne se doutèrent de rien : ils ne songeaient jamais qu’aux ennemis d’en face. Un soir[90], le jour tombé, Hannon, fils de Bomilcar[91], quitta le camp (de Beaucaire ?) avec une partie des troupes, les Espagnols surtout : des indigènes lui servaient de guides. Il remonta le fleuve pendant la nuit, et s’arrêta en face d’une île qui coupait et affaiblissait le courant (la Barthelasse, près d’Avignon ?)[92]. C’est là qu’il fallait passer, et au plus tôt. L’île cachait les hommes d’Hannon aux indigènes de l’autre rive. Tout le matin, ils construisirent des radeaux avec les arbres du voisinage, et l’on se hâta d’embarquer[93]. Les Espagnols traversaient à la nage, nus et appuyés sur leurs boucliers, que soutenaient des outres chargées des vêtements ; les autres, et les chevaux et les bagages, suivaient sur les trains de bois[94]. Tout cela se fit sans combat. Sur l’autre rive, on se saisit d’une hauteur fortifiée (Avignon ?), on y campa[95], et on s’y reposa, en toute sûreté, le reste du jour et la nuit. Le lendemain matin, peu avant l’aube, Hannon repartit vers le sud, allumant des feux pour avertir son chef[96].

Dès qu’Hannibal aperçut la fumée des feux d’approche, il donna le signal. Tout, depuis deux jours, était prêt pour ce moment. Les fantassins entrèrent dans leurs pirogues, les cavaliers dans les plus grosses barques, les uns avec leurs bêtes sellées et bridées pour le combat, les autres les tirant en laisse et les obligeant à suivre à la nage. On disposa en aval les embarcations les plus frêles, protégées par les autres contre le courant[97].

Les Gaulois s’étaient précipités sur la rive. La bataille approchait : ils entonnèrent leur chant de guerre, agitant de la main gauche le bouclier par-dessus la tête, et de la main droite brandissant le javelot[98]. De leur côté, les Carthaginois criaient pour s’exciter, s’interpellaient du rivage aux bateaux, et à cet effrayant tumulte des hommes le fleuve mêlait le fracas continu de ses eaux[99].

Tout à coup, avant la rencontre, d’autres cris, venus de la rive gauche, se firent entendre. C’était Hannon qui entrait dans le camp ennemi, et qui, presque aussitôt, apparut derrière les Barbares[100]. Il n’y eut pas de combat, à peine quelques efforts des Gaulois contre le choc des ennemis. En peu de minutes, tous ces indigènes s’étaient dispersés, et Hannibal cessa de penser à eux pour s’occuper de ses éléphants[101]. — Il s’était écoulé cinq jours depuis qu’il était arrivé sur les bords du Rhône (25 août ?).

 

VI. — MONTÉE VERS LE NORD.

Le lendemain de ce combat fut la journée décisive de l’expédition d’Hannibal.

L’armée romaine du consul Publius Scipion, destinée à la conquête de l’Espagne, était partie de Pise sur une flotte de soixante navires (milieu d’août) ; après cinq jours de navigation elle était arrivée à Marseille. Les Grecs apprirent au Romain, à sa grande surprise, qu’Hannibal avait franchi les Pyrénées et s’approchait du Rhône[102]. Scipion se rembarqua, prit avec lui quelques guides et des cavaliers celtes à la solde de Marseille, et cingla vers l’embouchure du fleuve. La flotte jeta l’ancre au grau du Grand Rhône ; le camp fut établi près de là[103] ; et Scipion envoya à la découverte, le long de la rive gauche, trois cents cavaliers d’élite, que les hommes et les mercenaires de Marseille[104] se chargèrent de guider à travers les marais et les déserts de la Crau. — On était précisément aux heures (25 août ?) où Hannibal préparait et exécutait son passage. Les deux armées n’étaient plus séparées l’une de l’autre que par les plaines de Rhône maritime. C’était en Gaule que, selon toutes les vraisemblances humaines, la seconde guerre punique allait s’engager.

Le lendemain du passage du Rhône (26 août ?), et pendant qu’on transportait les éléphants, Hannibal apprit que les Romains débarquaient[105]. Il se hâta d’expédier cinq cents cavaliers numides à la recherche de nouvelles plus précises. Presque à la sortie du camp, ils se heurtèrent à l’escadron romain (entre Tarascon et Arles ?). Ce fut la première rencontre, et elle fut terriblement acharnée, puisque chacune des deux troupes perdit la moitié de son effectif, et que même les Gaulois auxiliaires de Marseille se battirent en faveur de cette cause étrangère et laissèrent pour morts une partie des leurs. Mais la victoire demeura aux Romains[106], et, dans le courant même de la journée, Hannibal vit paraître le reste de ses humides, tremblant de peur, et, derrière eux, les cavaliers ennemis, qui se hâtèrent de reconnaître le camp et de repartir au galop[107].

Beaucoup, dans l’armée carthaginoise, s’attendaient à la marche vers le sud[108]. On avait pris contact avec les Romains. Leurs deux légions, leurs alliés et leur consul ne se trouvaient qu’à quelques courtes étapes de distance. Hannibal ne reculait jamais devant un ennemi. Il était déjà le général des assauts rapides et des victoires en bataille rangée[109]. Les grandes plaines de la Crau assuraient la supériorité à sa cavalerie ; ses adversaires, d’ailleurs fatigués par la mer, combattraient le dos au rivage. A ses 50.000 soldats ils n’avaient à opposer que moins de 30.000 hommes, dont une légion de conscrits, et contre ses 9.000 cavaliers, ils n’en présentaient que 1.600[110]. Les Latins battus, Hannibal avait devant lui la route d’Hercule par la Durance, ou, s’il ne craignait pas les brigands ligures, celle de l’Arc et de la Corniche, sur laquelle il pouvait braver l’hiver.

Il est probable que le matin de ce jour, Hannibal hésitait encore sur le chemin à suivre[111]. Mais pendant que ses éclaireurs numides quittaient le camp, l’ambassade des Boïens d’Italie y fit son entrée[112].

L’entrevue, qui eut lieu le jour même, fixa la volonté d’Hannibal[113]. — Ces Boïens venaient de traverser les grandes Alpes : ils lui apportèrent l’assurance que les routes y étaient libres, sûres, rapides, abondamment pourvues de tout ; du reste, ils lui serviraient de guides par le chemin même d’où ils arrivaient. Dès qu’il aurait touché l’Italie, les Celtes uniraient leurs forces aux siennes : le long du littoral, il n’atteindrait leur pays que par des détours infinis et au prix de combats avec Scipion. C’était cette rencontre qu’il devait éviter à tout prix, pour montrer à ses auxiliaires transalpins une armée intacte et confiante[114].

Hannibal aimait les résolutions rapides. Il réfléchissait profondément, et se décidait ensuite d’un coup et sans regret. Convaincu par les Boïens, il résolut d’informer sur-le-champ ses soldats. Le jour même, et à l’heure précise où Numides et cavaliers romains bataillaient non loin de là, il convoqua son armée, fit introduire les Boïens et leur donna la parole : ils répétèrent ce qu’ils avaient dit au chef, un interprète traduisit leur message, puis ils se retirèrent[115]. Alors Hannibal parla à son tour, exposa son projet, exhorta les soldats au courage, et leur annonça sa résolution. Il fut approuvé et acclamé. Enfin, après une prière adressée aux dieux pour le salut de tous, il indiqua le lendemain comme jour du départ, invita ses hommes à tout préparer et à se reposer jusqu’au signal, et les congédia[116]. — Quand les Numides revinrent[117], ils apprirent qu’ils ne reverraient plus l’ennemi de sitôt.

Le lendemain matin, septième jour après l’arrivée sur le Rhône, l’armée se mit en marche vers le nord[118], les fantassins d’abord, puis les cavaliers, et, à l’arrière-garde, Hannibal et les éléphants (27 août ?)[119].

Des routes alpestres qui finissaient au carrefour de Tarascon, celle de la Durance et du mont Genèvre s’ouvrait tout de suite à la droite d’Hannibal. C’était de beaucoup la plus courte, la plus facile et la plus connue : une population habituée aux passages d’étrangers, quatre-vingts lieues dans une vallée ouverte, dix à douze jours de marche, et les Alpes à leur col le plus bas[120]. — Chose étrange, et la plus étrange peut-être dans cette guerre d’Hannibal si pleine d’invraisemblances, le chef carthaginois monta droit vers le nord, le long du Rhône, à la recherche d’autres routes, d’autres vallées latérales : c’était une semaine de voyage de plus qu’il imposait à ses soldats, des détours indéfinis, le contact avec un plus grand nombre de peuplades, des ascensions plus rudes, et le terrible risque de voir venir l’hiver. On a peine à s’expliquer cette faute initiale, qui devait lui coûter la moitié de son armée. Les chefs italiens l’ont sans doute trompé sur les avantages des routes du nord ; il a dû s’exagérer l’appui qu’il pouvait recevoir des peuplades de l’Isère : peut-être espérait-il amasser, au pied des montagnes, de ces hordes de Gésates auxquelles avaient eu si souvent recours, les années précédentes, les Insubres et les Boïens d’Italie. J’imagine aussi qu’il voulait montrer sa force et répandre le nom de Carthage au pied de toutes les Alpes, dans la grande voie populeuse de la tranchée rhodanienne, pour préparer ces peuples à une alliance ou à une domination ultérieures. Enfin, tout simplement, ne voulut-il pas s’éloigner le plus possible de Scipion et de ses légions ? dans la vallée de la Durance, il les aurait eus très vite à ses trousses ; il eût été espionné par les marchands de Marseille, habitués de ce chemin ; sa route eût même pu être coupée par des escadrons ennemis, arrivant de biais par les sentiers traversiers de Salon à Orgon ou d’Aix à Pertuis[121].

Quoi qu’il en soit, il traversa sans s’arrêter les belles terres du Rhône oriental, et les Celtes du Comtat et du Valentinois, préparés sans doute par ses agents ou par les envoyés boïens, ne mirent aucun obstacle à sa marche rapide (27-30 août ?)[122]. — Pendant qu’il s’éloignait de la mer, le consul Publius Scipion le cherchait dans le sud. Prévenu par ses éclaireurs, il s’était hâté de débarquer toute son armée, et de la mettre en mouvement pour offrir le combat à Hannibal (26 août ?). Il découvrit les restes du camp des Carthaginois trois jours environ après leur départ (29 août ?). Et ce fut un indicible étonnement chez les Romains, quand ils apprirent que leur adversaire avait disparu. Ils l’attendaient sur les routes du midi : il s’était dérobé chez les Barbares du nord. Publius revint à ses vaisseaux, expédia en Espagne son frère Cneius et la majeure partie de ses troupes, et fit voile pour gagner son poste d’Italie, à l’affût d’Hannibal[123]. — Les rencontres auront lieu désormais au delà des Alpes ou au delà des Pyrénées : la Gaule ne servira plus que de lieu de passage.

 

VII. — CHEZ LES ALLOBROGES.

Hannibal cependant arrivait (30 août ?) au confluent de l’Isère et du Rhône[124]. La presqu’île que formaient les deux cours d’eau était un pays très riche en blés et en hommes[125] : de plus, la vallée de l’Isère ouvrait, au nord-est, une voie d’accès vers les Alpes, plus large et plus accueillante que celle de la Durance elle-même : toute cette vallée, et le carrefour oit l’on se trouvait, et les terres du nord baignées par le Rhône, appartenaient au nom allobroge[126], une des plus vastes confédérations de toute la Celtique. Il était fort utile à Hannibal de s’assurer sur ce point des amitiés durables. Deux frères s’y disputaient la royauté[127]. Hannibal aida celui des deux, Brancus, qui implora son secours, et qui, d’ailleurs, avait l’appui des anciens et des principaux chefs ; il réussit vite à battre l’autre, et se fit ainsi du vainqueur un allié reconnaissant.

Dans ce gras et gai pays de Valence et de Romans, il reposa ses troupes et les prépara aux fatigues prochaines. Il reçut en abondance du blé et d’autres provisions ; des chaussures et des vêtements de montagne, plus chauds et plus résistants que le vestiaire d’Espagne, furent fournis à la plupart de ses hommes[128] ; il put même, chez les peuples industrieux de ce pays, remplacer toutes les armes faussées ou fatiguées[129]. Enfin, lorsqu’il partit en remontant l’Isère[130] (2 sept. ?), Brancus suivit avec ses hommes l’armée carthaginoise, et pendant dix jours lui servit d’escorte et de protection.

Durant ces dix jours de marche (2-11 sept. ?)[131], Hannibal, protégé par Brancus, n’eut rien à souffrir de la part des hommes. Il ne sortait pas du pays des Allobroges[132] ; l’autorité du nouveau roi y était sans doute des plus précaires : mais avec l’appoint des cavaliers carthaginois, elle parut fort respectable aux chefs des tribus de la vallée. Si Brancus aida son allié de son escorte, il faut reconnaître qu’Hannibal ne lui fut pas moins utile.

La nature était tout aussi favorable aux Carthaginois. Ils s’avançaient sur la rive gauche de l’Isère[133], dans les larges et fertiles vallées du Royans et du Grésivaudan[134]. Septembre venait de commencer. Les greniers étaient pleins des récoltes nouvelles, et les dernières journées de l’automne sont, dans ce pays, d’une rare douceur.

L’armée n’éprouva quelque inquiétude qu’à la moitié de ce parcours, près de Grenoble, au passage du Drac. La rivière était grossie par les orages de la montagne, si fréquents et si violents en cette saison ; elle roulait des roches, des troncs d’arbres et du gravier ; les gens du pays ne reconnaissaient plus les gués et les gouffres habituels, et la traversée ne se fit qu’en désordre et au prix d’assez graves dangers[135] (vers le 7 sept. ?).

Mais on se reposa de cette alerte dans les routes du Grésivaudan : au milieu de très hautes montagnes, les soldats marchaient dans une plaine joyeuse[136].

 

VIII. — BASSE MAURIENNE.

Au delà de Montmélian, au carrefour de l’Arc et de l’Isère, commençaient les véritables routes des Alpes[137] : au nord, celle de la Tarentaise et du Petit Saint-Bernard[138] ; au sud, celle de la Maurienne et du mont Cenis[139]. Hannibal, sans doute sur le conseil des Boïens, avait choisi cette dernière, qui se dirigeait tout de suite vers le midi, qui était plus courte et n’était pas plus pénible, et qui menait sans détour au carrefour de Turin, tête de ligne de tous les chemins de la Circumpadane.

Mais, à cet endroit, on touchait à la fin du territoire des Allobroges. Brancus et les siens prirent congé d’Hannibal[140]. De tous ces Gaulois qui devaient se lever sur son passage et le suivre en Italie, il n’avait avec lui que quelques guides et quelques interprètes, et l’armée carthaginoise se trouva sans amis, abandonnée à elle-même, au moment précis où il fallait enfin regarder la montagne en face et commencer à la gravir[141].

Hannibal quitta les bords de l’Isère au bec d’Aiton, pour remonter l’Arc et tourner vers le sud. Il entrait dans la Maurienne par un long boyau que surplombaient trois à six mille pieds de roches. C’était le monde du mystère et de l’effroi qui commençait pour ses soldats : des cabanes suspendues aux angles des rochers, des bestiaux et des chevaux rabougris par le froid, des humains aux longs cheveux et à demi semblables à des bêtes[142], et, au fond de l’horizon, les neiges éternelles du Thabor et de la Vanoise[143]. La montagne menaçait de tous côtés, effrayante et dominatrice, tandis que les indigènes, eux aussi, s’apprêtaient à combattre[144].

A la porte de la Maurienne, à l’entrée même de sa vallée[145], la rivière de l’Arc coule dans une gorge étroite, le sentier doit abandonner les bords et gravir, en montées assez raides, les flancs de la montagne voisine (de La Charbonnière à Saint-Georges ?[146]). A gauche, ce sont les pentes abruptes qui tombent vers le torrent[147] ; à droite, une longue crête qui commande entièrement le passage[148]. Les montagnards du pays occupèrent le sentier et les sommets, et ils attendirent Hannibal[149].

On les aperçut dès les premiers pas de la montée[150] ; le Carthaginois arrêta sur-le-champ son armée, établit son camp, et envoya ses guides gaulois à l’espionnage (12 sept. ?). Il apprit ainsi que les Barbares ne savaient ou ne voulaient veiller ni combattre que pendant le jour, et que la nuit ils allaient dormir tranquillement dans leurs huttes ou dans leurs redoutes, ou dans une bourgade des environs (Saint-Georges ?). Ces indigènes ne pouvaient s’imaginer une manière de faire la guerre différente de la leur : Hannibal eut donc tout le loisir, la seconde nuit du campement, d’installer sur les hauteurs ses hommes les plus agiles. Au petit jour (14 sept. ?), le reste des troupes, formé surtout par la cavalerie, s’ébranla par le sentier. Mais la file était si longue, la cavalerie si nombreuse et si embarrassée, que les Barbares eurent le temps d’arriver : comme la crête était couronnée par les fantassins puniques, ils se glissèrent entre elle et le chemin, et, grimpant et rampant sur les rochers avec une incroyable agilité, ils attaquèrent le convoi tout le long de son flanc. Il fallut se battre dans de déplorables conditions : les bêtes obstruaient la route ou roulaient dans le précipice, entraînant plus d’un soldat avec elles ; l’armée fut coupée en plusieurs endroits ; le vacarme, le désordre, la peur croissaient d’instant en instant : il était à craindre que l’armée ne perdit tous ses équipages. Hannibal dominait la scène du plus haut des rochers : quand il redouta ce malheur plus grave qu’une défaite, il descendit de son poste avec tous ses hommes, culbuta les ennemis, les tua ou les chassa au loin, et son convoi put achever de passer, non sans avoir beaucoup souffert.

Les Carthaginois se hâtèrent de faire main basse sur la bourgade voisine et sur les villages des environs[151]. Ils y retrouvèrent des chevaux, des bêtes de somme, des bestiaux et des vivres en quantité ; et, comme cette bourgade était le chef-lieu de la contrée, les Barbares profitèrent de la leçon, et la Basse Maurienne demeura libre pour l’armée d’Hannibal[152] (14 sept. ?).

Elle campa une journée entière dans la ville qu’elle avait conquise ; puis elle se remit en marche (15 sept. ?). Pendant trois jours, Hannibal et les siens firent de longues et tranquilles étapes. Ils étaient bien pourvus de vivres ; les indigènes ne les inquiétaient plus ; la vallée de l’Arc, sauf à de rares endroits, s’ouvrait suffisamment large ; la montée se faisait à peine sentir[153]. On arriva enfin au coude et au défilé de Saint-Michel, près des glaciers, en face des plus grands sommets, à la porte de la Haute Maurienne.

 

IX. — HAUTE MAURIENNE.

On entrait alors (18 sept. ?) sur le territoire d’une nouvelle peuplade[154] (les Médulles ?), gardienne des dernières passes et habitante des plus hauts sommets. L’Arc n’était plus qu’un misérable torrent ; le sentier, un simple chemin muletier, courant sur le flanc des rochers ou encaissé de toutes parts, toujours commandé par des hauteurs formidables qui paraissaient pendre au-dessus des tètes. Et c’était une tentation bien grande, pour ces montagnards pauvres et farouches, que de tuer ces étrangers rampant au fond des ravins et de prendre leurs biens et leurs têtes. Ils n’y résistèrent pas.

Dès la frontière (vers Saint-Michel ?) Hannibal avait reçu les anciens des villages, venus en hôtes et en amis, des rameaux et des couronnes à la main en signe de paix[155]. Ils offraient des vivres et des guides : le chef accepta tout, mais se tenait sur ses gardes. Avis fut donné à l’armée de conserver toujours le bon ordre ; les équipages, les éléphants et la cavalerie ouvraient la marche ; l’élite de l’infanterie la fermait, Hannibal étant auprès d’elle, toujours inquiet et aux aguets. On s’avança ainsi pendant deux jours, à la suite des indigènes (18-19 sept. ?).

L’attaque prévue eut lieu le deuxième jour après la rencontre (19 sept. ?). Elle avait été combinée longtemps d’avance, à un endroit fort bien choisi parles montagnards, et tous les hommes s’y étaient donné rendez-vous, pour prendre part à l’assaut et à la curée[156]. — C’était cet extraordinaire défilé de l’Esseillon (au delà de Modane)[157], où les sentiers, les ravins, les gorges, le torrent et les roches s’enchevêtrent en un inextricable fouillis : le convoi suivait péniblement, en s’adossant au flanc de la montagne, le rebord d’un long précipice[158]. Soudainement attaquée en face, par en haut, sur ses derrières, l’armée eût infailliblement péri toute entière, si les Alpins eussent été quelque peu habiles, et, comme disaient les conclusions des légendes populaires de bataille, il ne fût resté personne pour annoncer au monde la destruction de l’armée d’Hannibal.

Mais ils manquèrent leur coup. Ils ne postèrent que peu de monde contre l’avant-garde, et la sortie du passage demeura toujours à peu près libre. Ils portèrent tous leurs efforts contre l’arrière-garde : mais Hannibal y avait laissé ses meilleurs fantassins, qui les repoussèrent. Le plus grand danger vint de l’attaque de flanc : pierres et quartiers de roche volaient ou roulaient sur les troupes ; la montagne semblait s’effondrer sur elles, et ce fut peut-être le moment le plus terrible de toutes les batailles d’Hannibal. Il n’osait faire avancer ses fantassins, les exposer au double danger du précipice à gauche et de la mitraille à droite. Brusquement, à la tombée du jour, les Barbares parvinrent à descendre jusque sur le sentier, et le chef, demeuré avec son infanterie, se trouva séparé de ses cavaliers, de ses équipages et de ses éléphants[159].

L’obscurité était venue. Hannibal dut arrêter le combat et camper en un lieu sûr, incertain du sort de son avant-garde. L’endroit où il passa la nuit était une colline sèche et dénudée, une sorte de « roche blanche[160], et ce triste campement d’angoisse nocturne, dans le sombre chaos des montagnes, parait avoir laissé à l’armée une inoubliable impression.

Mais pendant la nuit même, l’avant-garde eut la sagesse de continuer sa route et de sortir du défilé. Le matin, l’attaque des Barbares fut plus faible, Hannibal rejoignit ses cavaliers, et les Carthaginois se retrouvèrent unis hors des passes meurtrières[161] (dans le vallon de Bramans).

Les Alpins se borneront désormais à tracasser les éclaireurs ou l’arrière-garde, et à enlever quelques bagages : la vue des éléphants les tenait d’ordinaire à distance[162]. Hannibal n’eut plus de bataille à livrer. Mais le jour même où il était sorti des défilés de l’Esseillon, il fallut faire l’ascension du col (20 sept. ?).

 

X. — LE MONT CENIS.

C’était la neuvième journée[163] après l’entrée en Maurienne, et dans la seconde moitié de septembre. A quatre heures de marche (de Bramans à Lanslebourg) au delà des défilés de la bataille, commençait la montée décisive[164], celle du mont Cenis[165].

Elle prit le reste de la journée, et ne coûta pas de fatigues. Le chemin monte et serpente en lacets commodes depuis le ravin de l’Arc (Lanslebourg) jusqu’au haut du col, la différence de niveau n’est que de dix-huit cents pieds ; il est besoin de moins de deux heures, même à un piéton mal exercé, pour atteindre le sommet. — Le seul malheur fut alors que quelques troupes s’égarèrent, trompées par leurs guides ou par une fausse idée des lieux, et qu’il leur fallut souvent se frayer elles-mêmes leur route[166]. Mais enfin les traînards, les égarés, et les bêtes perdues elles-mêmes, celles-ci guidées par un instinct infaillible, se rallièrent au gros de l’armée, et tous les hommes et toutes les choses d’Hannibal se trouvèrent réunis sur la vaste plate-forme du mont Cenis[167].

Très large, bien aplanie, riche en eaux vives et en beaux pâturages, abritée de partout, calme et riante, elle semble faite pour concentrer une armée, recevoir un camp, et inviter les hommes au repos[168]. Les Carthaginois y demeurèrent deux jours (du 20 au 22 sept. ?), en vue des Alpes domptées[169].

Mais le calme d’esprit et la sécurité ne furent que de courte durée. On se trouvait à l’équinoxe, à la fin de septembre[170] : c’était l’automne dans la plaine, c’était déjà l’hiver dans les Alpes. Les soldats étaient à peine arrivés sur le plateau, que la neige tomba en abondance et recouvrit tous les sentiers[171].

On repartit (22 sept ?), mais avec plus d’inquiétude encore qu’on n’était arrivé. Il fut bon qu’Hannibal, pour redonner quelque courage aux siens, leur montrât par une échappée les plaines de l’Italie[172]. Mais, avant de les atteindre, on souffrit mille fatigues, et on perdit presque autant d’hommes que depuis l’entrée en montagne : cette fois, le péril vint de la nature, et non pas des indigènes. Les sentiers, sur le versant italien, étaient loin de valoir les chemins de Gaule : ils étaient toujours fort raides[173], les avalanches les rendaient dangereux, la neige récemment tombée abîmait le sol, et, de plus, le vent du nord-ouest soufflait en rafales[174]. En un point même de la descente (après Grande-Croix[175]), le sentier s’était éboulé sur un espace de près de mille pieds[176] ; on dut, avec le feu et le fer[177], en percer et en creuser un autre, pendant que se déchaînait un ouragan de montagne[178] : et ce fut, de toute la route d’Espagne en Italie, le plus mauvais pas d’Hannibal[179].

Enfin, quinze jours après l’entrée en Maurienne, Hannibal vit son armée réunie à Novalèse, le premier vallon italien, aux collines chauffées par le soleil, aux pâturages réconfortants, où tout lui sourit d’abord, la nature comme les hommes[180] (26 sept. ?).

 

XI. — ÉCHEC DU SOULÈVEMENT CELTIQUE.

Plus de trente-trois mille hommes manquaient à l’appel, de ceux qui avaient franchi les Pyrénées[181] : l’ennemi, la fatigue, les rivières, la montagne, le froid, sans doute aussi les désertions, avaient eu raison de leur corps ou de leur fidélité. Il ne restait à Hannibal que vingt-six mille de ses vieux soldats, Espagnols ou Africains, dont six mille cavaliers[182]. Ce qui était presque aussi grave, c’est qu’aucune nouvelle recrue n’avait comblé les vides : nul Gaulois n’était venu à sa suite, sauf quelques guides fort maladroits.

Il avait donc perdu plus de la moitié de son armée avant d’avoir tué un seul Romain. Dans ce passage des Alpes, bien des fautes furent commises. S’il l’avait entrepris quelques jours plus tôt, il eût évité la terrible tempête de la descente ; s’il était passé par le mont Genèvre, il eût gagné du temps, ménagé ses forces, trouvé moins de pas dangereux ; s’il avait suivi*le littoral, la défaite de Scipion, presque assurée, lui aurait donné le prestige de la première victoire.

Mais l’esprit d’Hannibal présentait un singulier mélange de réflexion continue, de savants calculs, de précision méticuleuse, d’entêtement incroyable, et d’imagination aventureuse. Il fut peut-être, de tous les chefs d’autrefois, celui qui ressembla le plus à Napoléon. Ce qui l’attira le long du Rhône et dans la haute Italie, ce fut la grandiose vision d’un soulèvement tumultuaire et formidable de tous les Celtes, et cela eût compensé, en effet, la perte de dix-huit mille Africains et Espagnols, les plus agiles et les plus tenaces des soldats. Il se représentait ces cent mille Gaulois, ardents, intrépides et batailleurs, encadrés par ces troupes de fond et de discipline qu’il amenait avec lui ; il se voyait à la tête d’une merveilleuse armée, où se seraient ainsi combinés la barbarie et la science, le nombre et la raison, l’élan et la solidité. A lui seul, il le savait bien, il ne détruirait pas l’empire de Rome : mais il comptait sur la Gaule pour faire la moitié de la besogne. En quoi, insinuait Polybe, le jugement lui manqua[183].

Jamais, même après ses plus grandes victoires, Hannibal ne parvint à soulever toute la Celtique italienne. Il y eut des alliés, il y recruta des mercenaires. Mais pas une seule fois il ne fit sortir des champs du Pô cette centaine de mille hommes dont il avait besoin pour épouvanter Rome et constituer un tumulte gaulois. Ce pays se montra aussi défiant à son endroit[184] que la Gaule romaine devait l’être plus tard à l’endroit du Germain Civilis. Un homme de leur sang et de leur humeur pouvait seul décider les Celtes à se conjurer. Ces étrangers, venus d’au delà leurs frontières, les inquiétaient[185]. Ils étaient de singuliers libérateurs. Hannibal et ses parents avaient combattu d’autres Gaulois en Espagne : de Cadix aux Pyrénées, ils n’avaient jamais fait qu’imposer leurs ordres à des cités, à des peuplades et à des tribus jusque-là indépendantes. Ces Barcas furent les premiers chefs qui, de la mer du midi, s’avancèrent vers les montagnes pour prendre des terres, tuer des hommes, supprimer des libertés et créer un empire. Ils avaient fait, au sud des Pyrénées, ce que Rome achevait au sud des Alpes.

Ce qu’Hannibal voulait des Gaulois, c’étaient des vivres et des hommes, une chair à bataille, et rien de plus. Il ne pouvait y avoir sympathie entre eux et lui[186]. Le Carthaginois était un chef sérieux, sévère, légèrement minutieux, fort rusé, peu disposé à la confiance et à l’abandon, pardonnant mal et exigeant beaucoup[187] : et il fallait, pour complaire à des Gaulois, leur demander peu et leur passer bien des choses. Ils cherchaient dans leur général un camarade supérieur, et ils ne trouvaient dans le Carthaginois qu’un maître froid et rigoureux. Enfin, vraiment, on fatiguait trop au service d’Hannibal : des étapes sans fin, des nuits passées à marcher ou à combattre, l’habitude de la disette, nul compte du froid et de la pluie ; les éléphants mêmes mouraient à la peine, l’un après l’autre. Les Gaulois allaient à la guerre comme à un plaisir, et le Carthaginois la leur dispensait comme une corvée[188].

De la Gaule Transalpine, Hannibal ne ramena que les envoyés boïens et quelques prisonniers faits dans les Alpes[189]. Les Celtes attendirent l’issue des premiers combats, et le consul Publius Scipion, qui arrivait de Pise, put même forcer deux à trois mille Boïens à suivre ses légions[190]. Et cela ne laissait pas que d’étonner et d’indigner Hannibal il était venu à l’appel des Gaulois, et pas un ne bougeait[191].

Au combat du Tessin, il y eut, de chaque côté, des Celtes boïens d’engagés[192]. Après la défaite du consul (octobre 218), ses auxiliaires passèrent à Hannibal[193], et d’autres défections se préparèrent dans les peuplades cisalpines, mais avec beaucoup de prudence. Le soulèvement manqua, en cette occurrence, de spontanéité, d’élan et de grandeur, et leur allié craignait sans cesse que les Gaulois ne changeassent d’avis et de camp au moment décisif : ils ne se donnèrent jamais sans réserve[194]. Ce ne fut du reste qu’après le désastre des Romains à la Trébie, après la perte définitive de la ligne du Pô, que les Insubres et les Boïens affluèrent dans le camp d’Hannibal (décembre 218)[195] : mais les Cénomans demeurèrent sans doute toujours fidèles à Rome[196], et le général ne put jamais réunir, sur un champ de bataille, plus de vingt mille fantassins et de cinq mille cavaliers gaulois ou ligures[197]. Et c’était, vu l’inconsistance de ces combattants, un appoint très médiocre.

Il est vrai qu’il en tira le plus de services possible. Sur la Trébie, il ne perdit guère que des Gaulois[198]. Au passage des Apennins, il les encadra de ses troupes, pour qu’ils ne pussent échapper à la fatigue[199]. Devant le lac de Trasimène (217), ce furent les Celtes qui le débarrassèrent du consul[200], et qui, presque seuls, coururent des risques. Dans la bataille de Cannes (216), enfin, plus des deus tiers des cadavres, du côté victorieux, furent fournis par les Gaulois[201]. — Hannibal faisait d’eux ses combattants de premier choc ; ils lui servaient à briser l’élan de l’ennemi, à fatiguer ses bras et ses armes, à disloquer ses rangs. Puis, presque sans perte, les troupes d’élite, Numides ou Africains, survenaient, et, avec leurs forces toutes fraîches, elles avaient raison des Latins à demi épuisés, ne fût-ce que pour avoir tué trop de Gaulois[202]. Mais, dans cette tactique, ceux-ci ne servaient guère que de victimes, et leur nombre s’épuisait vite, sans que d’autres de leurs congénères eussent la tentation de se joindre à eux[203].

Moins de trois ans après sa descente des Alpes, il cessa de recevoir des hommes de la Gaule. A la nouvelle du désastre de Cannes, Boïens et autres tentèrent un soulèvement général, et, dans une embûche, massacrèrent un consul désigné et deux légions[204]. Mais il était beaucoup trop tard (216). Rome, avec une admirable prudence, leur ferma la route des camps d’Hannibal, qui s’éloignait d’eux de plus en plus ; elle entretint toujours, au nord des Apennins, un général et une armée[205] ; et, malgré de rudes échecs, elle n’évacua pas le pays, elle continua à le tenir solidement, sous la menace des trois places fortes de Crémone, Plaisance et Rimini, demeurées imprenables. Pendant ce temps, Hannibal, perdu dans le midi de la péninsule, achevait l’instruction militaire de ses auxiliaires gaulois. Et les Celtes qui le suivaient, loin d’être devenus avec lui les libérateurs de la Gaule, n’étaient plus qu’une soldatesque d’épave, à la remorque du chef qui les entretenait.

 

XII. — L’INVASION D’HASDRUBAL[206].

Mais, tant que dura cette guerre, les Barcas ne renoncèrent pas à soulever toutes les Gaules : et, en 207, le frère d’Hannibal, Hasdrubal, faillit réaliser cette chimère.

Cet Hasdrubal était, lui aussi, un homme de premier ordre. Assurément, il manquait, sur le champ de bataille, des talents de son frère : il ne possédait pas sa science des combinaisons et la netteté de son coup d’œil. Mais pour entraîner des masses humaines, il fut incomparable. Il avait le goût des générosités grandioses, l’amour des longues randonnées, l’audace des départs pour des distances infinies[207] ; il ignorait les petitesses des calculs prudents et les craintes raisonnables de l’inconnu. Ce que rêveront les plus grands ennemis de Rome, Philippe V et Mithridate, il l’exécuta en quelques mois : il circula dans le monde des Barbares de l’Occident avec l’aisance d’un chef qui sait parler à tous les peuples, et il les groupa autour de lui sur le chemin d’Hannibal.

Déjà, plus heureux que son aîné, il avait su attirer à lui, en Espagne, les Gaulois du nord des Pyrénées : il avait suscité parmi eux des mercenaires pour l’aider à défendre la cause carthaginoise. A la bataille de Jaen (214), son frère Magon lui en amena des milliers, ornés de leurs bracelets et de leurs colliers d’or, et commandés par leurs rois : et ils avaient traversé tout l’Occident pour accroître par leur défaite le butin et la gloire de Rome[208].

Vaincu enfin dans le centre de la péninsule par le jeune Scipion (208), Hasdrubal avait réuni ses quinze derniers éléphants[209] et ses dernières troupes, et, par les landes celtibériques[210] et la vallée de l’Èbre, il s’était dirigé vers les Pyrénées de l’Océan. Le général romain savait que son adversaire chercherait à gagner l’Italie ; mais il ne pensa pas à l’aventure d’une fuite par le couchant ; il crut avoir fait le nécessaire en envoyant occuper les abords du Pertus, et ne songea plus qu’aux fructueuses conquêtes de l’Espagne méridionale (automne de 208)[211].

Hasdrubal, dans le pays des Vascons, gagna sans peine d’autres passages, Velate, Roncevaux ou les sentiers de la côte, et il se retrouva en quelques jours au nord des Pyrénées, dans des vallons ouverts et faciles, chez des peuples apparentés aux Ibères ses sujets ou ses alliés[212]. Très tranquille, protégé par les montagnes, il s’en vint dans le Roussillon, et s’arrêta au revers même du Pertus, à Elne, à quelques lieues du détachement romain qui en gardait le versant méridional. Il avait accompli la plus extraordinaire marche à tourner un obstacle qu’ait faite un général ancien (hiver 208-207)[213].

Tandis que Scipion l’oubliait, Hasdrubal procédait presque à la conquête pacifique de la Gaule méridionale. Ce vaincu et ce fugitif devenait le chef d’une sorte d’empire vagabond. Autour de ses Espagnols et de ses Africains il assemblait toute espèce d’hommes. A la différence de son frère, qui n’avait fait que courir chez les Celtes, impatient de l’Italie et irrité de tout retard, il prit largement son temps pour reconnaître le pays et les hommes, et la manière de les attacher à sa fortune. Dans son voyage à travers l’isthme des deux mers, il avait été, semble-t-il, bien accueilli des indigènes, Aquitains et Volsques. D’Elne, il continuait son œuvre. L’or et l’argent coulaient sans relâche du camp carthaginois, et, en revanche, les Gaulois y montaient en longues files : guerriers des montagnes du Centre, des bords du Rhône et même de la Saône, presque les plus lointains de la Celtique, arrivaient vers le nouveau chef. Des Arvernes étaient alors descendus de leur plateau dans le midi, essayant sans doute de tirer quelques profits de ces bouleversements politiques qu’amenait la guerre d’Hannibal[214] ; et le Carthaginois s’était entendu avec eux, peut-être pour une sorte de partage des Gaules[215]. Dans les montagnes de l’Apennin, huit mille Ligures se concentraient, afin de l’accueillir et de le défendre à la descente des Alpes[216]. — Peu à peu la guerre punique, après avoir traversé la Gaule du midi, ébranlait tout l’Occident, comme elle agitait, au même moment, tous les rivages de la Grèce.

Les marchands avertissaient sans doute Marseille de ces allées et venues ; et Marseille en donnait avis au sénat. Celui-ci expédia en Provence deux ambassadeurs pour faire une enquête ; des agents romains, conduits par les Grecs, allèrent jusque chez les chefs gaulois (du bas Rhône ou de la Durance), hôtes traditionnels des Marseillais on leur confirma les immenses préparatifs d’Hasdrubal. A Rome, la terreur fut très grande, mais on ne crut pas à l’imminence du danger[217].

Au printemps (207), au moment opportun pour profiter plus tard de la fonte des neiges, Hasdrubal quitta son camp. Sur la route, Gaulois et Alpins le rejoignaient. Il n’eut ni à éviter une armée romaine, ni à combattre des embûches d’indigènes, ni à redouter le mauvais temps. Tous les dangers qui avaient retardé Hannibal, il sut les écarter. Ce fut une simple promenade pour lui que la traversée du Languedoc, la montée de la Durance[218], l’ascension du mont Genèvre[219]. Au delà des cols, il retrouva dans le val de Suse la trace des camps d’Hannibal, et il admira l’œuvre de son frère[220]. Mais lui, qui n’avait perdu ni un jour ni un homme, s’était, dans ce passage des Alpes, montré plus prudent et plus habile que son devancier. Cette fois, c’était une invasion à la gauloise qui commençait, mais encadrée par les vétérans des guerres d’Espagne, et conduite par un Barca.

Hasdrubal descendit sur Turin avec 48.000 fantassins, 8.000 cavaliers, 15 éléphants[221]. Lorsque les 8.000 Ligures et d’autres Barbares l’eurent rejoint, son armée devait atteindre 70.000 combattants[222]. S’ils arrivaient jusqu’à Hannibal, Rome serait plus compromise qu’après Trasimène et après Cannes.

Mais Hasdrubal perdit du temps devant Plaisance[223] ; les deux consuls purent réunir leurs forces, et lui livrer bataille sur les bords du Métaure.

C’était la première fois que des Gaulois d’outre-monts faisaient une campagne de fatigue, et qu’ils se trouvaient ensuite en présence d’un combat discipliné. Le matin de la bataille, ils étaient dispersés dans les champs, endormis, las, découragés, n’en pouvant plus, ne sachant que faire. A peine s’ils surent tenir leurs armes. Tandis que les Espagnols et les Ligures défendaient chèrement leur vie, les Celtes, la bouche béante de soif et de chaleur, les jambes tremblantes de peur, inertes et stupides, se laissèrent égorger ; et, dans le camp, les Romains en trouvèrent encore quelques milliers en train de cuver leur vin. Hasdrubal vaincu s’arrangea pour se faire tuer[224] : 64.000 hommes avaient péri, dont 8.000 Latins[225]. Une dernière fois, Rome avait eu raison d’un tumulte celtique : sa victoire du Métaure mettait fin au péril d’Hannibal et aux invasions gauloises (207).

 

XIII. — MAGON ET HAMILCAR[226].

Mais les Barcas ne savaient point désespérer[227] : la principale force de ces hommes extraordinaires vint de ce qu’ils mettaient une ténacité indomptable au service d’une intelligence très nette et d’une imagination superbe. Leur entêtement eut quelque chose de grandiose et de surhumain.

Vaincus en Espagne, en Italie, en Afrique même, les Carthaginois refusèrent de lâcher pied dans la Gaule Cisalpine. Elle était la seule terre italienne où le nom de Rome ne fût pas respecté, où la haine de l’obéissance ne faiblit pas. Tant que les Barcas auraient un des leurs au delà des Apennins, ils entretiendraient contre leur ennemie une réserve de dangers.

Dans les mois qui suivirent la bataille du Métaure, le frère d’Hasdrubal et d’Hannibal, Magon, débarqua à Gênes pour constituer une nouvelle armée de Celtes et de Ligures (205)[228]. Quand il l’eut réunie, il pénétra par les Apennins en Cisalpine, et, pendant deux ans, il tint la campagne. Mais les généraux romains, négligeant Hannibal inactif, eurent raison de lui, et finirent par le rejeter sur la Rivière (à Savone ?, 203). Alors, sur l’ordre de Carthage, il embarqua ses troupes, indigènes et autres, et fit voile vers l’Afrique. Hannibal quitta l’Italie à la même date (203)[229]. — Mais les Barcas avaient encore laissé en Cisalpine un de leurs officiers, Hamilcar, pour rappeler sans cesse aux Gaulois le nom et l’amitié de Carthage[230].

A Zama (202), le tiers de l’armée d’Hannibal était formé de Ligures et de Celtes[231], débris de toutes les bandes qui, depuis seize ans, s’étaient associées à la fortune des trois Barcas. Mais, s’ils conservaient la haine de Rome sur ce champ de bataille étranger[232], c’était pour Carthage qu’ils combattaient et non plus pour leur pays. Leurs prises d’armes sur la terre des aïeux aboutissaient, en dernier acte, à un service de mercenaires, déportés au delà des mers.

Par un contraste étrange, pendant que les Gaulois faisaient en Afrique office de soldats de Carthage, Hamilcar jouait dans la Gaule italienne le rôle de chef celtique. Et il le jouait fort bien. Longtemps après Zama et la paix d’Hannibal, les Romains apprirent que ce général avait réussi, mieux qu’aucun de ses prédécesseurs, à soulever toute la Circumpadane, les Ligures, les Boïens, les Insubres et les Cénomans eux-mêmes. Du premier coup, il avait pris la colonie de Plaisance, devant laquelle les trois Barcas avaient reculé. La guerre punique recommençait encore, comme des entrailles de l’Italie, avec les Gaulois pour champions (200)[233].

Mais Hamilcar fut battu et tué près de Crémone (200)[234], et les Celtes, s’ils ne déposèrent pas les armes, ne luttèrent plus qu’en leur nom et sous leurs chefs. Leur sort était désormais séparé de celui de Carthage.

 

XIV. — CONSÉQUENCES DE LA GUERRE POUR LA GAULE.

Ces dix-huit années de guerre punique n’avaient, en apparence, rien changé au sort de la Gaule propre. Hannibal, Hasdrubal, les Scipions, l’avaient parcourue, sans jamais s’y arrêter en maîtres. Les Gaulois demeuraient libres de se fédérer ou de se combattre, et Marseille, de trafiquer dans le pays.

En réalité, c’étaient les destinées de cette contrée que la guerre venait de fixer. Elle avait donné à Rome l’empire de l’Occident, et elle avait fait connaître son nom, son bonheur et sa puissance à tous ceux qui commandaient en Gaule. Les chefs carthaginois et les soldats celtes qui avaient franchi les montagnes pour combattre les légions, avaient été également vaincus, et n’étaient point revenus. Les Romains demeuraient les maîtres au levant des Alpes, et ils le devenaient au sud des Pyrénées. Leur empire touchait le pied des montagnes qui ferment la Gaule.

Marseille, jusque-là l’égale de Rome, ne pouvait plus paraître que son agent, son espion et son auxiliaire. C’était chez elle que Ps envoyés du sénat s’étaient réfugiés avant la guerre ; c’était de son port que Publius Scipion était parti pour combattre Hannibal, que Cneius son frère et Publius son fils étaient partis pour conquérir l’Espagne[235]. Ses guides avaient conduit le premier jusqu’au camp des Carthaginois ; ses pilotes et ses trirèmes avaient accompagné le futur vainqueur de Zama jusqu’au delà des Pyrénées (211)[236] ; ses envoyés ou ses hôtes avaient révélé au sénat les entreprises d’Hasdrubal. Ampurias, sa fille espagnole, avait ouvert l’Ibérie aux Scipions[237] et la rouvrira à Caton (195)[238]. Des vaisseaux armés par elle servirent d’avant-garde à la flotte italienne dans les parages de la Catalogne et de l’Aragon[239] ; et, dans la première bataille navale qui s’engagea entre Latins et Carthaginois, les navires grecs[240], par une habile manœuvre, assurèrent la victoire à leurs alliés (217)[241]. Mais l’adresse des matelots de Marseille ne faisait qu’aggraver les fautes de ses politiques. Cette victoire livrait pour toujours aux Italiens les eaux et les rivages de la Méditerranée occidentale[242]. Marseille et ses colonies ne sont plus que les seuils maritimes de l’empire de Rome. Celle-ci peut, quand elle le voudra, commencer la conquête de la Gaule.

 

 

 



[1] Cf. Mommsen, Rœmische Geschichte, I, p. 613 et suiv.

[2] La Corse en 259 ; C. I. L., I, 1re éd., p. 32 ; Mommsen, I, p. 520.

[3] Mommsen, I, p. 411.

[4] Tite-Live, VIII, 14 ; cf. 22 ; XXVI, 39, 5.

[5] Diodore, XIV, 102 ; cf. Wissowa, III, c. 2566.

[6] Colonisation placée en 339, Mommsen, I, p. 414.

[7] Cf. Wissowa, IV, c. 1666.

[8] Diodore, XXV, 10, 1 ; Appien, Iberica, 5.

[9] Diodore, XXV, 10 et 12 ; Tite-Live, XXI, 5 ; Appien, 5-7.

[10] Diodore, XXV, 12 ; Polybe, II, 13, 1-2 ; X, 10 ; Tite-Live, XXVI, 42, 3-4 ; 43, 7-8.

[11] Il n’en est jamais question dans les textes relatifs à l’Espagne des Barcas ; le traité de l’Èbre semble en indiquer l’abandon.

[12] Appien, Iberica, 7 ; Tite-Live, XXI, 60, 3 : A Lacetanis... partim renovandis societatibus (en 218) ; Polybe, III, 35, 4, qui présente les Bargusii (vallée moyenne de la Sègre ?) comme amis particuliers des Romains (cf. T.-L., XXI, 19, 6 ; 32, 4).

[13] Appien, Iberica, 7 ; cf. T.-L., XXXIV, 9-10.

[14] Tite-Live, XXI, 2,7, et 60, 3 ; Appien, Iberica, 7. Peut-être est-ce alors qui Ampurias se conforma, dans la frappe de ses monnaies, au système romain ; cf. Sonny, p. 103. Sur ce traité, Gilbert, Rom und Carthag, 1876, p. 138-171.

[15] Amédée Thierry, I, p. 200 et suiv., p. 289 et suiv. ; Mommsen, Rœmische Geschichte, I, p. 390 et suiv. ; Contzen, p. 138 et suiv. ; Neumann, Das Zeitalter der punischen Kriege, Breslau, 1883, p. 217-237 ; Lauterbach, Untersuchangen zur Geschtchte der Unterwerfung von Oberitalien durch die Rœmer, Breslau, 1905 (très sommaire pour cette période).

[16] Bataille de Sentinum ; Tite-Live, X, 2730 ; Polybe, II, 19.

[17] Via Flaminia depuis 220 (T.-L., Epit., 20).

[18] Appien, Celtica, 11 ; Polybe, II, 19, 12 ; Florus, I, 8 = 13, 19-21 ; Mommsen (I, p. 390) conjecture que les Sénons, expulsés du pays, rejoignirent les bandes qui guerroyaient en Orient : aucune cependant ne renfermait de troupes portant ce nom.

[19] Sena Gallica, Polybe, II, 19, 12.

[20] Ariminum, Velleius, I, 14, 7.

[21] Polybe, II, 20, 1-5 : en 283, défaite des Boïens et des Étrusques près du lac Vadimon ; en 282, près de Populonia, et traité séparé des Boïens.

[22] Polybe, II, 21, 7-8.

[23] Polybe, II, 21. Il semble qu’ils aient été arrêtés par des dissensions avec les Boïens.

[24] Et sans doute aussi des régions d’où l’on entrait en Italie par le Valais ; Κέλται δέ μετά Γαλατών, Diodore, XXV, 13.

[25] Polybe, II, 22. Florus appelle Brittomarus un autre des chefs de cette armée (I, 20 = II, 4, 3). Les deux historiens n’ont pas eu la même source ; ils se complètent sans se contredire.

[26] Polybe, II, 25, 2.

[27] Dion Cassius (Zonaras, VIII, 20, 1), XII, p. 183, Boissevain.

[28] Dion Cassius, XII, 50, 4 : Florus, II, 4, 3.

[29] Sur la mer, au nord d’Orbetello.

[30] Polybe, II, 26-31 ; Florus, II, 4, 3 ; Plutarque, Marcellus, 3-4 ; Diodore, XXV, 13. Cf. Rospatt, Untersuchungen über die Feldzüge des Hannibal, Munster, 1861, p. 113 et s.

[31] Polybe, II, 31, 8-10.

[32] Florus (II, 4, 4) nomme un roi gésate (ou insubre) Ariovistus, qui me paraît différent de l’Aneroestos de 225.

[33] Polybe, II, 32, 6.

[34] Polybe (II, 34, 2) dit simplement du Rhône. Mais il est probable que beaucoup arrivaient de plus loin : le Valais n’a pu fournir tant de soldats. On commit pour les Gésates mercenaires la même confusion que pour l’étain et l’ambre : le pays de passage ou de vente devint leur pays d’origine.

[35] Virdomarus, Properce, Eutrope, Orose ; Viridomarus (var. Virodomarus), Florus ; Viridomarus (var. Vertomarus), Tite-Live ; Βριτόμαρτος, Plutarque ; Virdumarus, C. I. L.

[36] Properce, V, 10, 40-4 ; la correction Rheno en Brenno (déjà proposée par Passerat, Commentarii de 1608, p. 693, et vingt fois reprise après lui), n’est pas acceptable : étant transalpin, Virdomar ne pouvait se croire descendant de Brennus ; en revanche, comme belge, il pouvait bien se dire originaire ab ipso Rheno, et ces descendances fluviales sont communes chez tous les peuples.

[37] Casteggio, sur le méridien de Pavie.

[38] Florus, I, 20 = II, 4, 5 ; Plutarque, Marcellus, 7 ; Tite-Live, Epit., 20 ; Orose, IV, 13, 15 ; Eutrope, III, 6 ; C. I. L., I, 2° éd., p. 47 et p. 52. Polybe (II, 34), très défavorable à Marcellus, ne parle pas de Virdomar.

[39] Mêmes textes. Polybe et Dion Cassius (XII, 51, p. 186, Boissevain) attribuent la prise de Milan au collègue de Marcellus.

[40] C’est cette origine belge ou rhénane du roi des Gésates qui a fait écrire par le rédacteur des Actes Triomphaux (C. I. L., I, 2e éd., p. 47) : De Galleis Insurbribus et Germ... ; cf., entre autres, Hirschfeld, Festschrift für Kiepert, 1898, p. 271.

[41] Prise de Côme en 222, Zonaras, VIII, 20, 9 (Dion Cassius).

[42] Diodore, XXV, 10, 1.

[43] Cf. Silius, III, 340-4.

[44] Tite-Live, XXI, 5 ; Polybe, III, 13-14.

[45] Ilergètes, Vascons, Ausétans.

[46] Tite-Live, XXI, 23 — Ilergetes Inde Bargusiosque et Ausetanos et Lacetaniam, etc. Polybe, III, 35 : il remplace les deux derniers noms par Αίρηνοσίους et Άνδοσίνους : ces derniers sont peut-être les gens de l’Andorre ; cf. Feliciani, Boletin de la real Academia, XLVIII, 1906, p. 454-8. Silius, III, 359-377. Sans doute aussi les Cerétans, Silius, III, 357.

[47] Cf. Tite-Live, XXI, 60.

[48] Aymari Rivallii [du Rivail], De Allobrogibus (écrit vers 1535 ?), éd. de Terrebasse, Vienne, 1844, p. 227-237 (cf. plus loin, Macé) ; Simler, Vallesiæ descriptio, 1574. p. 79 et s. ; 1633, p. 197 et suiv. ; Cluvier, Italia antiqua, 1624, p. 355-386 ; Juste Lipse, Epistolarum selectarum Centuriæ VIII, Genève, 1639, ad Belgas, I, 93, p. 716-721 (1601) ; Chorier, Hist. gén. du Dauphiné, I, 1661, p. 13-17, 141-145 ; Bouche, La Chorographie, I, 1664, p. 389-405 ; P. L’Abbé, Epistolæ duæ... et Dissertatio de itinere Annibalis, [1664 ?], p. 61 et s. ; Leijel, De transitu Alpino Annibalis, Stockholm, 1691 ; Menestrier, Du Passage d’Hannibal, dans Les divers Caractères des ouvrages historiques, Lyon, 1694, p. 388-426 ; le même, Le Journal des Savants, 1697, p. 400-6 ; de Mandajors : 1° Hist. de l’Acad. des Inscr., III, 1723, p. 99-102 ; 2° id., V, 1729, p. 198-201 ; 3° Hist. crit. de la Gaule Narbonnaise, 1733, p. 520-30 ; Breval, Remarks on several parts of Europe, I, 1726, p. 228-8 ; Catrou et Rouillé, Hist. romaine, VII, 1726, p. 155 et s. ; de Folard, Histoire de Polybe, IV, 1728, p. 47 et suiv. ; Rollin, Hist. rom., IV, 1740, p. 414-442 ; Fabre, Le Panégyrique d’Arles, Arles, 1743, p. 65-78 ; G.-C. P[isanski], Historischcritische Untersuchung, ob Hannibal, bey seinem Uebergange über die Alpen, die glüend gemachten Felsen durch Essig gesprenget habe ?, Kœnigsberg, 1757 ; [Grosley], Nouv. Mémoires ou Observations sur l’Italie, I, 1765, p. 36-60 ; de Saint-Simon, Hist. de la guerre des Alpes, 1770, préface ; Heerkens, Notabilium libri, II, Groningue, 1770, p. 204-212 ; Abauzit (et Mann) dans ses Œuvres diverses, II, 1773, Amsterdam (judicieux) ; Gibbon, Miscellaneous Works, éd. Sheffield, III, p. 199-208 ; Ferguson, The History, etc., nouv. éd., I, 1828, p. 111-116 ; voyez en particulier la traduction de B[eck], Geschichte, etc., 1784-86, I, p. 173-175 ; Chrétien de Loges, Essais historiques sur le Mont St. Bernard, 1789, p. 33-39 ; Denina, Mémoires de l’Acad. roy. (de Berlin), 1790-1, p. 465-488 ; Whitaker, The course of Hannibal, etc., 2 vol., 1794 ; Ad. Fr. Fuchs, Hannibals Zug über die Alpen, Rostock, 1800 (programme du Gymnase de Güstrow en Mecklembourg) ; de Fortia d’Urban, Antiquités et Monuments du dép. de Vaucluse, 1808, p. 100-240 ; de F[ortia] d’U[rban], Dissertation sur le passage des rivières, etc., 1818 ; Chalieu, Mémoires sur diverses antiquités du dép. de la Drôme, Valence, [1810 ?], p. 101-110 ; Martin (de Bagnols), mémoire résumé par Vincens, Notice des travaux de l’Acad. du Gard pendant l’année 1811, II, 1813, p. 141-160 ; Frédéric-Guillaume [de Vaudoncourt], Histoire des campagnes d’Annibal en Italie, I, Milan, 1812, p. 18-62, pl. I-II ; Rogniat, Considérations sur l’art de la guerre, 2e éd., 1817, p. 573-583 ; contre lui, Napoléon, Mémoires, 2e éd., VIII, 1830, p. 209-221 ; de Rivaz, Variétés, dans Le Moniteur Universel du 30 déc. 1813 ; de Luc, en partie d’après les travaux du général écossais Melville en 1775 (sur les travaux de Melville dans les Alpes en 1774-76, The monthly Repertory of english Literatur, XVII, 1812, p. 357-8), Histoire du passage des Alpes par Annibal, 2e éd., 1825 ; la 1re éd. est de 1818 : c’est de lui que se sont inspires Wickham et Cramer en 1820 (paraphrase du livre de de Luc : A Dissertation on the passage of Hannibal over the Alps, by a member of the University of Oxford, 1820 ; 2e éd., 1828, cette fois sous les noms de Wickham et Cramer), dont j’ai suivi la trad. allemande de F.-H. Müller, Hannibal’s Heerzug über die Alpen, 1830, Berlin ; Niebuhr, Vorträge, 11, p. 77, Mommsen, Rœm. Geschichte, I, p. 585, Ihne, Rœm. Geschichte, II, 2e éd., 1896, p. 160-171, n’ont fait que se conformer à Wickham et Cramer ; autre paraphrase du livre de de Luc : The Edinburgh Review, XLIII, 1826, p. 163-197 ; de Luc encore, Bibliothèque universelle, XII, IVe a., Littérature, Genève, 1819, p. 37-53, 275-287 ; sur sa théorie : de Fortia d’Urban, Ann. encycl., 1818, IV, p. 148-150, et B., Bibliothèque universelle, XIVe a., Littér., XLII, 1829, p. 211-6 ; Gail, Le Philologue, IV, 1818, p. 155-8 ; Delandine, Mémoires bibliographiques et littéraires, Paris et Lyon, [s. d.], p. 125-135 ; Letronne, Journal des Savants, 1819, p. 22-36, 748-762 (polémique avec de Luc) ; Reichard, Sammlung kleiner Schriften, 1836, p. 101 et a. (écrit vers 1819) ; Roche, Notices historiques sur les anciens Centrons, Moutiers, 1819, p. 34-42, 90-125 ; Brachet, Voyage d’un Anglais dans le dép. du Vaucluse, Avignon, 1821, p. 58-64 ; Zeerleder, dans Der Schweizerische Geschichtforscher, IV, 1822, p. 281-342 (bien fait) ; de Larenaudière ap. Lemaire, éd. de Tite-Live, IV, 1823, p. 475 et s. ; Mannert, Geographie der Griechen und Rœmer, IX, 1, 1823, p. 37-42 ; Arneth, Jahrbücher der Literatur de Vienne, XXIII, 1823, p. 123-178 ; [Drojat], Bull. de la Soc. de Géogr., IV, 1825, p. 18-20 (analyse d’un mémoire non publié) ; Larauza, Hist. critique du passage des Alpes par Annibal, Paris, 1826 (excellent) ; Bœtticher, Geschichte der Carthager, Berlin, 1827, p. 248-263 ; Amédée Thierry, t. I, III, ch. 2 ; Zander, Der Heerzug Hannibals, Gœttingue, 1828 (refonte d’un travail antérieur) ; le même, Gœttingische gelehrte Anzeigen, 1850, III, p. 1607 et s. ; de Cazaux, Journal des Savants, 1828, p. 114-5 (analyse) ; Rey, Dissert. sur l’emploi du vinaigre à la guerre (extr. du Recueil industriel), [Paris, 1829], p. 81 et s. (utile et sérieux) ; Hannibal’s Passage of the Alps, by a member of the University of Cambridge, Londres, 1830 ; Long, The March of Hannibal, Londres, 1831 ; Michelet, Hist. rom., II, 1831, p. 6-13, 331-4 (suit Larauza) ; Ukert, Géographie, II, II, 1832, p. 559 et s. ; de Beaujour, De l’Expédition d’Annibal en Italie, Paris, 1832, p. 10-18 ; Arnold, History of Rome, III, 2e éd., 1845, p. 73-91, 483-7 (écrit vers 1833) ; Runstrœm et Sjœqvist, Conjectanea quædam de Hannibalis itinere super Alpes, Upsal, 1835 ; Delacroix, Stat. du dép. de la Drôme, 1835, p. 17-26 ; Saint-Cyr Nugues, Notice sur le passage des Alpes par Annibal, dans Le Spectateur militaire, XXIII, 1837, p. 209-276 ; C. T., Hannibal’s Passage over the Alps, dans The philological Museum, II, Cambridge, 1833, p. 671-680 ; de Vignet, Mémoires de la Société royale de Savoie, IX, 1839, p. XXXIII et s. (analyse) ; Walckenaer, Géogr. des Gaules, I, 1839, p. 129 et s. ; Daudé de Lavalette, Mém. de la Soc. arch. de Montpellier, I, 1840, p. 347-424 ; Franke, De via, qua Hannibal in Gallia ad Alpes progressas est, etc., Sagan, 1842 (concis et intelligent) ; Boccard, Histoire du Valais, Genève, 1844, p. 8-9, 374-378 ; anonyme dans Blackwood’s Edinburgh Magazine, LVII, juin 1845, p. 757-9 ; Wijnne, Quæstiones critica, de b. P. secundi parte priori, Groningue, 1848 (puéril) ; Rauchenstein : 1° Der Zug Hannibals über die Alpen, Aarau, [1849] (cf. Ameis, Neue Jahrbücher, LVII, 1849, p. 63-73) ; 2° Hannibals Alpenübergang, Aarau, 1864 ; Replat, Note sur le passage d’Annibal, Chambéry, 1851 ; contre Replat : 1° Schaub, Réfutation de l’ouvrage de M. Jacques Replat, etc., et défense de l’opinion de de Luc, Genève, 1854 ; 2° Law, à la suite de son mémoire A Criticism, etc., 1855, p. 119-144 ; Macé (défenseur très intelligent de Larauza) : 1° p. 314-342 de la Description du Dauphiné (du Rivail), Grenoble, 1852 ; 2° Bull. de l’Acad. Delphinale, V, 1859 (date de 1853), p. 82-97 ; 3° Mémoires lus à la Sorbonne (en 1861), Hist., 1863, p. 267 et s. ; Ellis, A Trealise on Hannibal’s passage, etc., Cambridge, 1853 ; à propos de ce livre, la controverse engagée entre Ellis et Law, Cambridge contre Oxford, Petit mont Cenis contre Petit Saint-Bernard : Ellis, Journal of Classical and sacral Philologie, II, 1856, p. 308-329 ; III, 1857, p. 1-34 ; Law : 1° A Criticism, etc., Londres, 1855 ; 2° Reply, etc., Londres, 1856 ; 3° Reply to the second part, etc., Londres, 1856 ; et, à la suite d’Ellis, Ball, A Guide to the western Alps, n. éd., Londres, 1877, p. 54-57 ; Chaix, Bull. de la Soc. de Géographie, juillet 1854, IVe s., VIII, p. 5-16, et Notes on the passage of Hannibal across the Alps, 1833 (Royal Geographicol Society de Londres, XXV, 24 mai 1853) ; Wiedemann, Ueber Hannibals Alpenübergang, Gœrlitz, 1856 ; Macdougall, The Campaigns of Hannibal, Londres, 1858, p. 27-35 (insignifiant) ; Imbert-Desgranges, Bull. de l’Acad. Delphinale, V, 1859 (date de 1853), p. 61-81, et dans les Œuvres de Tite-Live, trad. Nisard, I, 1882, p. 884-7 ; Parisot, Bull., ibid., p. 97-108 ; Générat, Étude géographique et ethnographique, etc., Avignon, 1860 ; Roussillon, Annibal et le Rhône, Lyon, 1860 (Revue du Lyonnais) ; Rossignol dans les Mémoires lus à la Sorbonne (en 1861), Archéologie, 1863, p. 3141 ; Pont, Passage d’Annibal par les Alpes Grecques, Chambéry, 1863 ; de La Barre Duparcg, Hannibal en Italie, 1863 (C.-R. de l’Ac. des Sciences morales), p. 9-22 (mauvais) ; Law, The Alps of Hannibal, 2 vol., 1866 ; voyez aussi de lui Some Remarks on the Alpine passes of Strabo, Londres, 1846 (et, plus haut, ses écrits de polémique) ; Guilleminet, Bull. de la Soc. dép. d’Arch. de la Drôme, I, 1866, p. 310 et s. ; Braun, Historische Landschaften, Stuttgart, 1867, p. 286-292 ; Gisi, Quellenbuch zur Schweizergeschichte, Berne, 1869, p. 156-197 ; Ducis, Revue Savoisienne, IX, 1868, p. 84 et s., 91 et s., 111 et s. ; X, 1809, p. 9 et s., 17 et s., 25 et s. ; etc. ; le même, Le Passage d’Annibal du Rhône aux Alpes, Annecy, 1869 (1868) ; Sécrétan, Le Passage des Alpes par Annibal, Lausanne, 1869 (Revue militaire suisse) ; Promis, Storia dell’ antica Torino, Turin, 1860, p. 31-34 ; cf. le même, Le Antichità di Aosta, 1862, p. 12-13 ; Maissiat, Hannibal en Gaule, 1874 (cf. Bouché-Leclercq, Revue critique, 1874, II, p. 186-191) ; Hennebert, Histoire d’Annibal, I, 1870 ; II, 1878 (sur Hennebert : 1° A. Réville, Le Passage d’Hannibal, etc., Rev. des Deux Mondes, 1er mai 1880 ; 2° Roman, La Traversée, etc., 1894, Soc. d’Et. des Hautes-Alpes) ; Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, I, 1876. p. 86 et s., II, 1878, p. 239 et s. ; Gilles, Annibal et Publius Cornelius Scipion, Paris et Marseille, 1872 ; Bignami, La Percée des Alpes (trad. franç.), Paris, 1872, p. 76-81 (médiocre) ; de Verneuil, dans le Journal des Sciences militaires, XLIXe a., VIIIe s., VI, 1873, p. 117-143 ; Linke, Die Controverse über Hannibal’s Alpenübergang, Breslau, 1873 ; Troger, Hannibals Zug über die Alpen, Innsbruck, 1878 ; Durier, Annuaire du Club Alpin Français, V, 1878, p. 516-329 ; Duruy, Hist. des Rom., éd. illustrée, I, 1879, p. 547-551 ; Vaccarone, Bollettino del Club Alpino Italiano, XIV, 1880, p. 3-43 ; Révillout, Le Passage d’Annibal à travers le Dauphiné, 1880, Montpellier, Soc. languedocienne de Géogr., Bull., III (à propos d’Hennebert) ; von Ranke, Weltgeschichte, III, 11, 1883, p. 185-192 ; Nissen, Italishe Landeskunde, I, 1883, p. 155 et suiv. ; Neumann, Das Zeitalter der punischen Kriege, Breslau, 1883, p. 270-305 ; Schiller, Berliner philologische Wochenschrift, 1884, c. 705, 737, 769 ; Douglas W. Freshfield, The Pass of Annibal, 1884, The Alpine Journal, XI, p. 267-300 ; Dübi, Jahrbuch des Schweizer Alpenclub, XIX, 1883-4, p. 388-409 : Buchheister, Hannibal’s Zug über die Alpes, Hambourg, 1887 ; Perrin, Marche d’Annibal des Pyrénées au Pô, 1887 ; Ollivier, Une Voie gallo-romaine dans la vallée de l’Ubaye, Digne, 1889, p. 26 et s. ; Thiaucourt, La Marche d’Hannibal, Revue de géographie, XXVII, 1890, p. 176-184, 270-275 ; Lenthéric, Le Rhône, I, 1892, p. 68-95 ; Costantini, Per qual valico Alpino scese Annibale in Italia ?, Trieste, 1893 (progr., bien fait) : Partsch ap. Wissowa, au mot Alpes, 1894, c. 1604-6 ; Montlahuc, Le vrai Chemin d’Annibal dans les Alpes, Paris, 1896 ; Chappuis, depuis 1839 et en dernier lieu Annibal dans les Alpes, 1897 (Annales de l’Université de Grenoble, IX) ; Garofalo : 1° Gli Allobroges, 1893, Paris, p. 37 et s. ; 2° Boletin de la real Academia de la Historia, XXXIII, 1898, p. 279-296 ; 3° Revue de l’instr. publ. en Belgique, XLII, 1809, p. 207-303 ; Fuchs, Hannibals Alpenübergang, Vienne, 1897 ; Cocchia, Del Passagio di Annibale, etc., Alti della reale Accademia di Archeologia, etc., Naples, XIX (1897-98), I. Memorie, n° 2 ; cf., du même, Il libro XXI, etc., di Livio, Turin, 1892, p. 141 et s. ; Luterbacher, Jahresberichte des Philologischen Vereins (dans la Zeitschrift für das Gymnastalwesen), 1899, p. 28-35 ; Marindin, Hannibal’s Route over the Alps, dans The classical Review, XIII, 1899, p. 238-249 ; Osiander, Der Hannibalweg, 1900 (capital) ; Montanari, Annibale, Rovigo, 1900-1 (nombreuses brochures de polémique parues ensuite) ; Azan, Annibal dans les Alpes, 1902 ; Conti, Polybius und sein Werk, 1902, p. 59-01 ; Giacosa, La Via d’Annibale, Rivista militare, 1902, p. 1608 et s. ; Colin, Annibal en Gaule, 1904 ; K. Lehmann, Die Angriffe der drei Barkiden auf Italien, Leipzig, 1905, 1re diss. ; Hesselmeyer, Hannibals Alpenübergang, Tubingue, 1905 : à propos de Lehmann, Œhler, Jahresberichte d. Philolog. Vereins (dans la Zeitschrift für dos Gvmnasiahvesen. LX, 1906), p. 28-40.

Le passage d’Hannibal suscita, dès le second siècle avant notre ère autant de discussions et d’hypothèses qu’au XVIIIe et au XIXe siècles. La connaissance de son itinéraire se perdit dès son temps ; il n’est pas sûr que Polybe (cf. 2e édit. Hultsch, 1888) sût exactement par où il avait passé, bien qu’il eût fait le voyage des Alpes (III, 48, 12) ; son contemporain Cœlius Antipater commençait la série des hypothèses aventureuses (T.-L., XXI, 38, 6) ; ni Varron (Servius, ad En., X, 13, p. 384, Thilo), ni Pompée (Salluste, Hist., fr. II, 98, 4, Maurenbrecher), ni Tite-Live (XXI, 38 ; voyez édit. Weissenborn et Müller, 9e, 1900), ne peuvent être regardés, eux aussi, que comme des faiseurs d’hypothèses.

Enfin, ce qui complique encore tous ces problèmes, c’est l’ignorance absolue où nous sommes des sources de Polybe et de Tite-Live, et des historiographes contemporains et compagnons d’Hannibal (Didot, Fr. hist. Gr., III, p. 99-102). — Celui-là ne mentionne jamais les siennes, mais il est évident qu’il a consulté plus d’un écrivain (III, 20, 32, 36 et 48), et il a dû avoir sous les yeux, très probablement, un récit de l’expédition fait par des témoins oculaires (III, 48. 12), où étaient notés les principaux épisodes de guerre avec l’indication des journées de marche : peut-être faut-il songer au grec Silénus, qui diligentissime res Annibalis perseculus est (Cicéron, De div., I, 24, 40 ; cf. Corn. Nepos, 23, 13, 3), encore que Polybe ne le nomme pas ; peut-être à Sosylus, le maître de grec d’Hannibal (Pol., III, 20, 5 ; Diodore, XXVI, 4 ; Corn. Nepos, ibid.), encore que le fragment de ce dernier récemment découvert ne permette pas d’affirmer un rapport étroit entre Polybe et lui (Wilcken, Hermes, XLI, 1906, p. 103-141) ; ou encore à Chéréas (Pol., III, 20, 5). De plus, Polybe a eu le tort de supprimer délibérément toutes les données toponymiques indigènes (III, 36, 2-3), et de procéder, comme il le dit lui-même, par résumés et simplifications, ce qui nous a fait perdre les jalons principaux de l’expédition. — Tite-Live a lu et combiné Fabius Pictor (XXII, 7, 4) et Cincius Alimentus (XXI, 38, 3), contemporains de cette guerre, et d’autres sans doute (XXI, 28, 5 ; 38, 1-6). Mais il a dû mêler à leurs données les hypothèses d’auteurs postérieurs, comme Cœlius Antipater (XXI, 38, 3), qui lui-même a suivi parfois Silénus (Cicéron, ibid.). Son récit, sans contredire réellement celui de Polybe, est plus complet, parfois plus précis ; je ne crois pas du tout, au moins pour le passage des Alpes, qu’il s’en soit servi : ils ont eu certainement des sources communes, ils les ont traitées très différemment. Les jalons toponymiques sont plus nombreux chez Tite-Live : mais il semble bien qu’il les ait parfois introduits lui-même, contaminant ainsi ses propres sources. En revanche, les descriptions de Tite-Live, un peu forcées et déclamatoires, trahissent l’influence des écrivains grecs compagnons d’Hannibal, brodeurs de fables et conteurs de balivernes, comme dit Polybe (III, 20, 5 ; 48, 12), qui simplifie leur récit : résumant moins que son devancier, Tite-Live, à ce point de vue, se rapproche davantage des sources, — Silius Italicus a dû s’inspirer et de Tite-Live, et directement, des vieux annalistes ; Heynacher, Die Stellung des Silius, etc., Berlin, 1877, p. 20 et s. — Il y a également, chez Appien, Plutarque et Dion Cassius, des détails qui viennent directement des auteurs consultés par Tite-Live ou Polybe, et omis par ces derniers. — Les travaux parus en Allemagne sur cette question sont innombrables, plus que pour n’importe quelle autre, et toutes les combinaisons possibles ont été proposées : Bœttcher, Krit. Untersuchungen über die Quellen des Livius, etc., 1869 (Jahrb. f. class. Phil., suppl., vV ; Wœlfflin, Antiochos von Syrakus und Cœlius Antipater, Winterthur, 1872 ; Posner, Quibus auctoribus in b. H. enarrando usus sit Dio, Ponn, 1874 ; Luterbacher, De fontibus librorum XXI et XXII, etc., Strasbourg, 1875 ; Seller, Der zweite Punische Krieg und seine Quellen, Marbourg, 1875, p. 174 et suiv. ; Hirschfeld dans Zeitschrift für die œsterreichischen Gymnasien, XXVIII, 1877, p. 801-11 ; Neumann, p. 285-6 ; Carl Peter, Zur Kritik der Quellen, 1879, p. 82 et suiv. ; Gensel apud Wissowa, IV, c. 185 et s. ; Breska, Untersuchungen über die Quellen des Polybius im dritten Buch, Berlin, 1880 ; Eæhnel, Die Quellen des Cornelius Nepos im Leben Hannibals, Greifswald, 1888 (thèse d’Iéna) ; Hesselbarth, Historisch-kritische Untersuchungen zur dritten Dekade des Livius, Halle, 1889, p. 10-49 ; Soltau, Livius’ Quellen, etc., Berlin, 1894, et dans Livius’ Geschichtswerk, 1897, p. 56-69 ; etc.

[49] A la bataille d’Himère : Hérodote, VII, 165.

[50] Tite-Live, Epit., 20 ; XXI, 25 ; Polybe, III, 40, 5 et 8. Ces fondations avaient été précédées de celle de Modène.

[51] Tite-Live, XXI, 25 ; Polybe, III, 40.

[52] Polybe, III, 34, 2-3 : Σαφώς γάρ έξητάκει, etc.

[53] Cf. Tite-Live, XXI, 16, 6 : Conciturum... Gallicas gentes ; Polybe, III, 34, 5 : Συνεργοΐς καί συμμάχοις χρήσαθαι Κελτοΐς.

[54] Publius Scipion en mit 4 à 5, de Pise à Marseille, en suivant les côtes (Polybe, III, 41, 4) ; la distance de 4 jours donnée par Scylax (§ 4) est du Rhône à l’Arno.

[55] Tite-Live, XXI, 17, 1 ; cf. 32, 3-4 ; Polybe, III, 41, 2.

[56] Aucun texte ne mentionne le Pertus : mais c’est le seul col, praticable à une armée, qui aboutisse à Elne (bien entendu, en rangeant sous ce nom le Pertus proprement dit et le col de Panissas). Hannibal a dû passer par Gérone, Figuières et le petit Llobregat, en évitant le golfe des colonies grecques : malgré ce que disent Polybe (III, 39, 7) et Silius (III, 369), je ne crois pas qu’il soit parti d’Ampurias, car la ville grecque était demeurée fidèle aux Romains (T.-L., XXI, 60, 2-3). — Ceux qui font franchir à Hannibal les petits cols maritimes (dels Balitres, de Banyuls, de la Carbassère ; Hennebert, I, p. 423) oublient : 1° la difficulté de leurs abords et la longueur des montées et descentes ; 2° qu’il lui aurait fallu être maître des villes grecques ; 3° qu’il n’avait aucun intérêt à se tenir en vue de la mer ; 4° et tout intérêt à marcher dans un chemin frayé. — Une fois pour toutes, il faut écarter tout argument tiré des lieux dits portant le nom d’Hannibal, aussi bien des pas d’Hannibal de maintenant (cf. en premier lieu [Signot], La totale et vraie Description de tous les passaiges, [1515], p. II r°), que des scalæ Hannibalis (Méla, II, 90) et de la δίοδος Άννίβου (Appien, Hann., 4) de l’époque romaine ou de la via Hannibalis du Moyen Age (Liutprand, Antapodosis, I, 35, p. 283, Scriptores, III) ; ce sont dénominations arbitraires, populaires ou scienti0ques, qui ont aussi peu rapport à l’histoire vraie que les brèches ou les pas de Roland du massif pyrénéen.

[57] Comparez Tite-Live, XXI, 23, à Polybe, III, 35. Le chiffre donné par Appien (Hann., 4) se rapporte au passage de l’Ebre. Celui des éléphants est donné par Appien (l. c.) et Polybe (III, 42, 11).

[58] Tite-Live, XXI, 23, 4-6 ; Polybe, III, 33, 6.

[59] Polybe, III, 35, 7.

[60] Tite-Live, XXI, 24, 1 ; cf. Silius, III, 415-443 : c’est le pays des Bébryces, auquel devait aussi appartenir Elne (et. Silius, XV, 494). Le nom des Bébryces est également mentionné, à propos du passage d’Hannibal, par Dion (Boissevain, I, p. 189 = Zonaras, XIII, 21, 6). Polybe ne dit pas un mot de ces négociations et ne donne aucun de ces noms : en tout cela, il n’a ici ni l’intérêt ni la précision géographique de Tite-Live, qui nomme Iliberris (XXI, 24, 1). Hannibal semblait craindre que le passage ne lui fût disputé (Polybe, III, 40, 1).

[61] Hannibal a dû camper sur les collines, au couchant de celle qui porte Elne.

[62] Cf. Strabon, IV, 1, 12.

[63] Tite-Live, XXI, 23, t et 20, 8.

[64] Id., XXI, 18.

[65] Ils avaient dû s’embarquer à Carthage pour débarquer à Ampuries (T.-L., XXI, 19, 6).

[66] Tite-Live, XXI, 20.

[67] Gentis suæ homines, XII, 20, 6 : si cette réponse est authentique, elle n’a pu être faite que par des tribus gauloises, volsques, cavares ou salyennes.

[68] Tite-Live, XXI, 20, 7.

[69] Tite-Live, XXI, 20, 8.

[70] Tite-Live, XXI, 20, 6 ; 25, 1 ; 26, 3-4 ; Polybe, III, 41, 2-4.

[71] Ce moment, celui du départ (de Rome plutôt que de Pise ?) est le έπί τήν ώραίαν de Polybe (III, 41, 2), où Matzat écrit έτι très arbitrairement et interprète par extremo mense Augusti (2e éd. de Hultsch, 1888, p. LIX). On corrige ordinairement en ύπό, que Schweighæuser (Lexicon Polybianum, p. 633) traduit bien par sub æstatem, prima æstate. L’expression, du reste très vague, peut convenir à tout le temps de la belle saison, sauf précisément à la fin.

[72] Ruscino, aujourd’hui Castel-Roussillon ; il ne s’agit sans doute que des tribus entre Corbières et Pyrénées, je ne crois pas de Celtes ou de Volsques (Tite-Live, XXI, 24, 2). Polybe ne donne pas ce nom de lieu, qu’il a lu cependant dans sa source (XXXIV, 10, 1) : conformément à ses habitudes, il l’a supprimé de son récit.

[73] Tite-Live, XXI, 24, 3-5.

[74] Plutarque, Malierum virtutes, p. 246 c : il y a Κελτών, sans qu’on puisse affirmer que le mot n’a pas été introduit par Plutarque ; car il ne peut s’agir, je crois, que des indigènes voisins de l’Espagne. Cf. basa pale, T.-L., XXI, 24, 5. Voilà un détail que Plutarque est seul à donner, et qui peut venir de ce mystérieux Silénus, qui fut le compagnon d’Hannibal et son historien très diligent.

[75] Tite-Live, XXI, 57, 5 ; XXII, 46 ; cf. XXIII, 217 ; Polybe, III, 115 ; Silius, III, 231-405.

[76] Ce sont les Indiens dont parle Polybe, III, 46, 7 et 11.

[77] Zonaras, VIII, 23, 1 et 2 = Dion Cassius, Boissevain, I, p. 202 ; Tite-Live, XXI, 28, 6 ; Polybe semble cependant parler de l’emploi de la force, III, 41, 7 ; de même Silius parle de luttes chez les Volsques mêmes et de ravages du pays (III, 444-5).

[78] Tite-Live, XXI, 24, 3 ; festino milite, Silius, III, 446 ; Zonaras, ibid.

[79] Tite-Live, XXI, 23, 1 ; Polybe, III, 34, 1 ; Appien, Iberica, 13.

[80] Tite-Live, XXI, 29, 6 : Reguli Magali, etc. ; Polybe, III, 44, 5.

[81] On peut évaluer à quinze jours environ, vingt au maximum, le temps employé par Hannibal du Pertus au Rhône : je crois qu’Osiander compte trop de temps en mettant du 18 juillet au 10 août, vingt-deux jours (p. 16 et 19) : la marche était très facile, a été très rapide (festino, Silius, III, 446), et l’entrevue d’Elne n’a pas dû être longue.

[82] On place d’ordinaire la traversée du Rhône par Hannibal bien en amont de Tarascon : le plus souvent à la hauteur de Roquemaure ou de Montfaucon (après bien d’autres, de Luc, 2e éd., p. 58, et ceux qui le suivent ; Larauza, p. 20 ; Hennebert, I, p. 443 ; Perrin, p. 31), bien plus rarement à Saint-Étienne-des-Sorts (Lehmann, p. 15), à Pont-Saint-Esprit (Osiander, p. 93), à Bourg-Saint-Andéol (Maissiat, p. 118) ; plus rarement à Avignon (Mommsen, I, p. 579 ; Neumann, p. 276). Cela, pour des motifs tirés des distances et temps que fournit Polybe : 1° d’Ampurias au passage du Rhône, environ 1600 stades, 284 kil. (III, 39, 8, ce qui fait, s’il s’agit bien là du stade de Polybe, 177 m., 73) ; 2° de ce passage à l’embouchure du grand bras, presque quatre jours (III, 42, 1) ; 3° de ce passage encore au confluent de l’Isère, 600 stades, 106 k. (défalquez du chiffre de III, 39, 9 : 1400 stades le long du Rhône et de l’Isère, celui de III, 50, 1 : environ 800 stades le long de l’Isère) ; et tout cela nous amène en effet à Roquemaure. Ce qui, en apparence, est très probant. — Mais : 1° Polybe, dans ces indications de distances, ou bien ne se réfère pas nettement à l’expédition d’Hannibal et apporte des données prises ailleurs et appliquées à cette expédition (C’est le cas de III, 39, 8, qui est une mesure d’itinéraire courant, et qui est sans doute même une interpolation à Polybe), ou bien il traduit par des chiffres de distance des indications de jour, 100 ou 200 stades par jour, ce qui explique qu’il compte toujours par cent stades : je crois de plus en plus qu’il ne faut pas attribuer à ces chiffres une valeur absolue et décisive ; 2° l’indication du temps (III, 42, 1) est calculée d’après la marche de Scipion commencée la veille du jour du départ d’Hannibal et arrivé au camp carthaginois presque trois jours après ce départ (III, 45, 4-3 et 49, 1 ; T.-L., XXI, 32, 1) ; mais Scipion a bien pu ne marcher que deux jours pleins et partir par exemple le 26 au soir, arriver le 29 au matin, au commencement du troisième jour après le départ d’Hannibal ; 3° précisément, dans ses calculs sur la route du Languedoc, Polybe appelle ή τοΰ 'Ροδανοΰ διάβασις la traversée à Tarascon (30, 8) ; 4° d’ailleurs Polybe dit toujours περί ou σχεδόν. — Voici ce qui me fait préférer Tarascon : 1° Hannibal avait intérêt à passer le Rhône le plus tôt possible ; 2° les soldats ne virent qu’après le passage qu’ils quittaient la direction du levant pour gagner le nord, et qu’ils allaient vers les Alpes (T.-L., XXI, 30, 4) ; 3° il y avait sur le Rhône quantité de bateaux, grands et petits, ad vicinalem usum paratarum (T.-L., XXI, 26, 8), ce qui ne pouvait se produire qu’à un lieu de passage très fréquenté : ce qui était le cas de celui de Tarascon et de celui-là seulement ; 4° les Volsques attendaient Hannibal sur l’autre rive ; ils ne pouvaient donc le guetter qu’au passage habituel à ceux qui venaient du Languedoc ; 5° les populations riveraines étaient très adonnées au trafic maritime (Pol., III, 42, 2), ce qui me parait peu applicable à celles d’Avignon ou de Roquemaure ; 6° il y avait près de là des indigènes autres que les Volsques (T.-L., XXI, 26, 7), sans doute les Salyens d’Arles ; 7° Hannibal ne choisit sa route qu’après l’arrivée de Magilus, qui eut lieu après le passage (T.-L., XXI, 29, 6 : cf. Pol., III, 44, 5) : donc il lui fallait passer au seul endroit dont le choix laissât indécise sa direction ultérieure, c’est-à-dire à Tarascon ; 8° Hannibal apprit trop vite le débarquement de Scipion, et les avant-gardes de cavaliers se rencontrèrent trop rapidement, pour que les Carthaginois fussent bien éloignés de la mer ; 9° Scipion, en arrivant au camp désert d’Hannibal, s’étonna qu’il eût quitté les routes habituelles des Alpes (Polybe, III, 49, 1-2) : donc ce camp était encore à l’entrée de ces routes, c’est-à-dire de la Durance et du mont Genèvre, de l’Are et de l’Argens ; 10° ce n’est qu après le passage du Rhône que Polybe dit dés lors de la marche d’Hannibal, qu’elle le portait vers les sources du fleuve et vers l’intérieur des terres, ce qui ne serait pas le cas s’il était, auparavant, monté vers Roqueraure (III, 39, 9 ; 47, 1 ; de même, T.-L., XXI, 31, 2 ; cf. les remarques de Fuchs à ce propos, p. 48) ; 11° le récit de Zonaras est inacceptable, si l’on fait passer Hannibal trop loin de la mer. — La première objection (et elle est grave) que l’on puisse faire à ce système est tirée de la nécessité pour Hannon d’abord, et pour Hannibal ensuite, de passer la Durance au plus vite, et du fait que ni pour l’un ni pour l’autre il n’est question de ce passage : il est vrai qu’à la fin août, la Durance, si large qu’elle soit, n’est parfois qu’un réseau de filets minces et peu profonds. La seconde vient de ce que la distance, donnée par Polybe (III, 39, 9) entre le passage du Rhône et le confluent de l’Isère, 600 stades, est trop faible de 200. Mais voyez ce que nous disons plus haut de ces chiffres : de plus, ce chiffre n’est point indiqué directement par Polybe. La troisième est tirée de l’existence, entre Beaucaire et Tarascon, d’îlots et d’atterrissements, ce qui ne correspond pas aux données des textes, lesquels excluent l’existence d’Iles au lieu du passage (Polybe, III, 42, 1 ; Zonaras, VIII, 23, :3) ; mais rien ne prouve que ces atterrissements ne soient pas de formation récente, et du reste même ceux d’aujourd’hui ont disparu par intervalles, par ex. en 1858 (communication écrite d’Armand, ingénieur des Ponts et Chaussées à Avignon) ; et au surplus, Hannibal a pu passer à 1 kil. en aval ou en amont de Tarascon, et, sur ces deux points, il n’y a point d’île. — Le passage à ou près de Tarascon est accepté par Drojal, p. 16, Ukert, p. 580-4, l’anonyme de Cambridge, 1830, p. 35, Long, p. 17-30. Générat, p. 32, Gilles, p. 18, Colin, p. 287-310 : cf. aussi Doujet, notes à Tite-Live, 1679, éd. de Venise, II, 1714, p. 537. A Arles, Quiqueran de Peaujeu, p. 100.

[83] C’est ce passage que vise Polybe (ou son interpolateur), III, 39, 8 et 9.

[84] Tite-Live, XXI, 27, 8 ; Polybe, III, 43, 3.

[85] Tite-Live, XXI, 26, 6 ; Polybe (III, 42, 4), fidèle à son habitude d’éviter les noms propres barbares, ne nomme pas les Volsques, et n’indique l’hostilité des indigènes qu’après le commencement des préparatifs du passage. Sur les différences, dans le récit du passage, entre les deux auteurs. cf. Brettcher, p. 380 et suiv. Zonaras (VII, 23, 1-4 = Dion Cassius, p. 202, Boissevain), dont le récit est ici très différent de celui des autres, semble dire que les indigènes agirent d’accord avec Scipion, arrivé sur les lieux avant son armée.

[86] Tite-Live, XXI, 26, 7 : Ceteros accolas fluminis : sans doute les Salyens d’Arles.

[87] Tite-Live, XXI, 26, 8 : Ad vicinalem usum paratarum ; Polybe, III. 42, 2 : Διά τό ταΐς έκ τής θαλάττης έμπορίαις.

[88] Tite-Live, XXI, 26, 7-9 ; Polybe, III, 42, 2-3.

[89] Tite-Live, XXI, 28, 5-12 ; Polybe, III, de 45, 8 à 46, 12 ; Silius, III, 459-462. Même sur la manière dont on fit passer le Rhône aux éléphants, il y eut des récits fort différents (T.-L., XXI, 28, 5 et 6).

[90] Le surlendemain de l’arrivée sur les bords du fleuve (Pol., III, 42, 6), je suppose le 23 août au soir.

[91] D’après Zonaras, ce serait Magon, frère d’Hannibal (VIII, 23, 3).

[92] Tite-Live dit (XXI, 27, 4) à presque 23 milles (37 k.) ou près d’un jour de marche ; Polybe (III, 42, 7), à environ 200 stades, ce qui est la même chose (cf. Hultsch, Metrologie, 2e éd., p. 53, 65 et suiv.). En réalité ce ne sont que des à peu près, Polybe ayant l’habitude de compter par 100 ou 200 stades et par journées de marche. Par le récit de l’arrivée d’Hannon sur les lieux du principal passage, on voit qu’il en était beaucoup plus près (notamment Tite-Live, XXI, 27, 7). Au fil du fleuve, Avignon est à 27 k. de Tarascon.

[93] Tite-Live, XXI, 37, 5-6 ; Polybe, III, 42, 8.

[94] Ces détails chez Tite-Live seulement (XXI, 27, 5). Celui des outres fait penser aux utricularii, si nombreux plus tard dans les cités riveraines du Rhône, C. I. L., XIII, p. 942. C’était une manière de faire fréquente chez les Espagnols (César, De b. c., I, 48, 7) ; Calvet, Disc. sur un monument... des utriculaires, 1766, p. 11 et s.

[95] Chez Polybe seulement (III, 42, 9) : Καταλαβόμενοι δέ τόπον έχυρόν.

[96] Polybe, III, 43, 1 et 6 ; Tite-Live, XXI, 27, 6 et 7. C’était le cinquième jour après l’arrivée sur le Rhône (la 5° nuit, dit Polybe, 43, 1 ; 44, 2), je suppose le 25.

[97] Polybe, III, 43, qui ajoute (43, 4) qu’Hannibal s’arrangea de manière à avoir le plus de cavaliers possible au débarquement ; Tite-Live. XXI, 27, 7-9 ; Silius, III, 455-8.

[98] Tite-Live (XXI, 28, 1) donne ce tableau de couleur locale avec plus de précision et de détails que Polybe (III, 43, 8).

[99] Polybe, III, 43, 7-8 ; Tite-Live, XXI, 28, 2 ; Silius, III, 463-5 ; Zonaras, VIII, 23, 3.

[100] Peut-être est-il venu, directement, par Graveson.

[101] Tite-Live, XXI, 28, 3-4 ; Polybe, III, 43, 9-12. Les vici où ils se dispersèrent (28, 4) correspondent aux mas ou fermes des environs de Tarascon.

[102] Polybe (III, 41, 6) et Tite-Live (XXI, 26, 4) semblent dire qu’il n’apprit le passage des Pyrénées qu’en débarquant près du Rhône. Cela paraîtrait bien surprenant.

[103] Au tournant de Saint-Trophime ? Tite-Live dit que les soldats étaient fatigués jactatione maritima (XXI, 26, 5) : la flotte romaine a dû lutter contre le Mistral.

[104] Tite-Live distingue des guides marseillais et des Celtes (XXI, 26, 5) ; Polybe dit que ceux-ci servaient de guides (III, 41, 9).

[105] Scipion a envoyé ses éclaireurs, comme cela allait de soi, le jour où commença son débarquement (Polybe, III, 41, 8-9 ; Tite-Live, XXI, 26, 5) ; Hannibal apprit ce débarquement le lendemain, c’est-à-dire le jour même où ses éclaireurs rencontrèrent, prés de son camp, ceux du consul (T.-L., XXI, 29, 1 ; Pol., III, 44, 3) : les messagers qui ont apporté cette nouvelle et les cavaliers romains ont dû se suivre de très pris. C’est ce même jour que ceux-ci rapportèrent à Scipion qu’ils avaient vu les Carthaginois, et qu’il commença sa marche (Pol., III, 45, 4), puisqu’il partit la veille du départ d’Hannibal, et que celui-ci partit le lendemain (27 août ?) du jour de la rencontre (Tite-Live, XXI, 31, 2 ; 32, 1 ; Pol., III, 45, 5 ; 49, 1). Tout cela indique qu’ils n’étaient pas très loin l’un de l’autre, puisque la double traite de cavalerie put se faire en moins de deux jours, et, en plus, le combat. Il y a, de Tarascon à Saint-Louis, 53 kilomètres : la marche de Scipion, obligé de s’éclairer contre Hannibal, de ménager ses hommes fatigués (T.-L., XXI, 26, 5), et de masser toujours ses troupes, a dû être beaucoup plus lente : on était en août, et le pays, très pénible par ce temps de chaleur, est partout coupé de roubines et de marécages. Cf. Colin, p. 296-297.

[106] 160 morts du côté romain, plus de 200 de l’autre : T.-L., XXI, 29, 3 ; 140 du premier côté, etc. : Pol., III, 45, 2.

[107] Polybe, III, 45, 3.

[108] Cf. Tite-Live, XXI, 29, 6-7 ; 30. Cela, au surplus, résulte de la précaution prise par Hannibal d’avertir et de haranguer ses soldats.

[109] Tite-Live, XXI, 5.

[110] Tite-Live, XXI, 17, 8 et 26, 3 ; cf. Polybe, III, 40 ; Appien, Iberica, 14 (chiffres plus faibles encore).

[111] Hannibatem incertum... avertit Boiorum legatorum adventus, dit Tite-Live à ce matin même du combat (XXI, 29, 6).

[112] Tite-Live fait arriver cette ambassade dans le camp après le retour des Numides (XXI, 29, 6) ; Polybe ne dit pas nettement qu’elle soit arrivée ce jour même, mais il ne nous la montre qu’à ce moment et après le départ des éclaireurs numides (III, 44, 5), et il rapporte leur retour après l’assemblée militaire (III, 45, 1). Le chef de l’ambassade était regulus Magalus (T.-L., XXI, 29, 8) ou Μάγιλος (Pol., III, 44, 5).

[113] Ipsi sententia stetit, T.-L., XXI, 30. 1.

[114] Tite-Live, XXI, 29, 6 ; Polybe, III, 44, 6-9.

[115] Cette communication des Boïens n’est que chez Polybe (III, 44, 5 9).

[116] Tite-Live, XXI, 30 et 31, 1 ; Polybe, III, 44, 10-13. Il semble qu’il y ait eu ce jour-là un recensement de l’armée (III, 60, 5).

[117] Les Numides revinrent après l’assemblée, Pol., III, 45, 1.

[118] Polybe dit (III, 47, 1) ώς έπι τήν έω, mais c’est qu’il songe à la direction générale du Rhône du nord-est au sud-ouest (id., 2) ; cf. Tite-Live, XXI, 30, 4.

[119] Ces dispositions prises par Hannibal montrent bien qu’il redoutait une attaque de l’avant-garde romaine ; Polybe, III, 45, 5 et 8 ; 47, 1.

[120] On devait, de Tarascon, rejoindre la Durance à Cavaillon par la route de Saint-Rémy.

[121] C’est la raison que donne Tite-Live, XXI, 31, 2. — La route de la Durance et le passage par le Genèvre étaient chose si naturelle que l’on comprend l’insistance avec laquelle Montanari (p. 232 de son livre, et ailleurs) affirme, en dépit de tous les textes, qu’Hannibal a pris ce chemin. On peut faire la même remarque à propos de ceux qui font suivre par Hannibal la vallée de l’Aygues pour rejoindre la Durance par le Buech (peut-être déjà Silius, III, 466-7 ; de Fortia d’Urban, Imbert-Desgranges, Montlahuc).

[122] Tite-Live, XXI, 31, 4 ; Polybe, III, 49, 5.

[123] Polybe, III, 49, 14 ; Tite-Live, XXI, 32, 1-5 ; Appien, Iberica, 14.

[124] Il y eut exactement quatre journées de marche, quatuor castra, soit (la distance à Pont-de-l’Isère est de 150 kif.) 37 kil., 25 milles, 200 stades par jour, ce qui paraît avoir été la marche rapide d’Hannibal. Les mss. de Polybe écrivent (III, 49, 6) οροδανος ή δέ σκαρας ; ceux de Tite-Live (XXI, 31, 4), ibisarar avec une s effacée ou ibi arar : ce qui a fait proposer la correction de Arar au lieu de celle de Isara ; il est probable que Silius, lui aussi, avait Arar sous les yeux (III, 452). Mais, outre que Isara est plus voisin de la tradition des copistes, on ne peut guère supposer qu’Hannibal soit allé jusqu’au confluent du Rhône et de la Saône (opinion de Catrou et Bouillé, p. 170, de Maissiat, p.165, etc.) : la description de l’Ile ne convient pas du reste à la péninsule des Dombes, dont Lyon est l’extrémité. — Les indigènes appelaient l’Ile la péninsule du confluent de l’Isère et du Rhône : Polybe, III, 49, 5-7 ; Tite-Live, XXI, 31, 4 ; les montagnes inabordables dont parle Polybe (49, 7) peuvent être celles de la Grande Chartreuse ; la comparaison de l’Ile avec le Delta (id.) est forcée, et peut être un de ces développements habituels aux premiers historiographes grecs d’Hannibal. — Colin (p. 335-361) place l’Ile en Vaucluse, aux abords de Bédarrides ; de Fortia d’Urban et Imbert-Desgranges, de Nyons à Orange.

[125] Polybe, III, 49, 5. Qu’on songe à la richesse agricole de la célèbre Valloire et du pays de Romans.

[126] Polybe, comme pour le peuple du passage du Rhône, ne donne pas le nom de celui de l’Ile, et il ne parlera des Allobroges qu’à propos de la montée le long de l’Isère (III, 49, 13 ; 50, 2) ; Tite-Live les mentionne au contraire dès l’Ile (XXI, 31, 5), et il n’y a pas de raison pour croire que les Allobroges ne fussent pas dès lors établis sur le Rhône (gens jam inde, etc., dit Tite-Live).

[127] Soit seulement de la tribu de l’Ile, soit plutôt de toute la peuplade des Allobroges (sans quoi je ne comprendrais pas la marche de Brancus à la suite d’Hannibal). Tite-Live (XXI, 31, 6-9) présente l’intervention d’Hannibal plutôt comme un arbitrage sollicité des partis ; Polybe (III, 49, 5-10), plutôt comme une alliance militaire avec l’un des deux.

[128] Polybe, III, 49, 5-12, Tite-Live, XXI, 31, 4-6, qui se complètent. Je suppose qu’il est resté deux jours pleins à l’Ile ou aux abords.

[129] Il y a ici une difficulté : les Allobroges fabriquaient-ils les mêmes armes que les Carthaginois ? les longues épées de taille des Gaulois pouvaient-elles servir à ces derniers ? ou ne s’agit-il que de lances et de javelots ?

[130] Ici se trouvent les lignes les plus extraordinaires du récit de Tite-Live, celles qui ont été la cause de l’éternel débat sur la marche d’Hannibal, XXI, 31, 9 : d’après son système, Hannibal, en quittant les bords du Rhône et avant de gagner les Alpes, a traversé le pays des Tricastins (c’est-à-dire a obliqué vers le sud-est, le long de la Drôme), a coupé l’extrémité du territoire des Voconces (Die et Luc et toujours la vallée de la Drôme), est passé (par le col de Cabre) chez les Tricores (pays de Gap), et est arrivé enfin sur la Durance qu’il a traversée (d’après Tite-Live, Ammien, XV, 10, 11) : ce qui est en effet la route directe de Valence à Turin. — Et de fait, prés de la moitié des érudits ont accepté, comme Tite-Live, une marche transversale de ce genre pour rejoindre : 1° suivant les uns, le Genèvre (d’Anville, Notice, p. 59, de Folard, Letronne, Zeerleder, Rauchenstein, Saint-Cyr Nugues, Promis, Neumann, Fuchs), avec, parfois, la continuation par le cul de Sestrières (de Vaudoncourt, Hennebert) ; 2° suivant d’autres, la vallée du Guil et le col Lacroix (Desgranges) ; 3° suivant d’autres, un des cols du Viso (Juste Lipse, p. 718 ; de Saint-Simon, p. XXIX et s. : anonyme de Cambridge, p. 97), ou le col de Roure, prés du Viso, par la vallée de Barcelonnette (Chappuis, p. 47) ; 4° ou le col de Larche ou de L’Argentière (du Rivail, p. 234, Freshtield ?). Et cette marche, ils l’ont tracée : 1° les uns, par la Drome et le col de Cabre (Saint-Cyr Nugues, p. 264 ; Chappuis, p. 26) ; 2° les autres, par le Drac, le Champsaur et le col Bayard (Letronne, p. 32 ; de Lavalette, p. 396 ; Rauchenstein, 1864, p. 6 : Hennebert, II, p. 207 ; Neumann, p. 293 ; Fuchs, p. 110) ; 3° d’autres encore, par l’Oisans et l’Autaret (de Folard, IV, p. 90 ; de Beaujour, p. 17) ; 4° enfin, plus directement, par l’Aygues. Voyez, sur ces cols et ces routes, p. 46-49. — Mais je suis convaincu que ces indications de noms de peuplades sont des additions de Tite-Live (voyez-en de semblables chez lui, et à propos de la même région, V, 34, 3 et 8). Il faut étudier son texte sans en tenir compte. Et alors, ou remarquera que dans son récit même, Tite-Live a conservé, de ses sources, des indications de marche ou des descriptions de pays qui contredisent son propre système et qui s’adaptent au récit de Polybe : 1° après le Rhône, il fait obliquer Hannibal ad lævam, à gauche, ce qui le fait précisément se détourner de la ligne qui va droit vers les Alpes, se détourner par suite du Tricastin et du col de Cabre, qui sont recta regione, ce qui le fait enfin incliner vers la gauche, c’est-à-dire vers le nord-est, sur les bords de l’Isère ; 2° sa description de la Durance ne convient pas du tout à cette rivière, surtout à la hauteur de Gap ; 3° venant par l’ouest, Hannibal n’avait nul besoin de la traverser ; 4° passé la rivière, dit Tite-Live, il se trouve campestri itinere (32, 6) : c’est vrai dans le Grésivaudan après le Drac, ce n’est pas vrai dans l’Embrunois après la Durance. Il me semble donc que Tite-Live, tout en respectant scrupuleusement descriptions et données qui venaient des contemporains d’Hannibal, les a appliquées, à tort, aux lieux et aux peuples où il supposait le passage des Carthaginois. Et c’est pour cela que, tout en étant fort précieux à cause de ces données, il rend, sur ce point, des services moins décisifs que Polybe. Mais supprimez chez Tite-Live tout ce qui est nom géographique, et les deux auteurs se complètent et se confirment à merveille : c’est ainsi que Polybe ne fournit pas le détail du passage difficile d’une rivière torrentielle, que ce détail nous est donné par Tite-Live (ne tenons nul compte de son identification avec la Durance), et que nous avons par là le très utile point de repère de la traversée du Drac, coupant la marche dans la plaine du Grésivaudan.

[131] L’indication des journées chez Polybe (III, 50, 1), qui ajoute, peut-être comme glose, celle de la distance, 800 stades. Hannibal a marché sur ce point moitié moins vite, et cela est naturel.

[132] Polybe (III, 49, 13 et 50, 2), qui montre bien Hannibal passant constamment, dans la vallée de l’Isère, en vue des οί κατά μέρος ήγεμόνες τών Άλλοβρίγων. Tite-Live ne parle pas de l’escorte de Brancus. — Je ne crois pas qu’il faille essayer de concilier Tite-Live et Polybe en supposant que les Tricastins, les Voconces et les Tricores touchaient à la rive gauche de l’Isère : le texte de Polybe montre très clairement qu’Hannibal, dans tout ce parcours, n’a eu affaire qu’à une seule peuplade, et aussi loin qu’on remonte dans l’histoire de cette partie de la Gaule (vers 150 et par ce texte même de Polybe), les Allobroges sont les seuls maîtres du Royans et du Grésivaudan.

[133] Παρά τόν ποταμόν, Polybe, III, 50, 1.

[134] Έν τοΐς έπιπέδοις (Polybe, III, 50, 2) ; haud usquam impedita via (T.-L., XXI, 31, 9) ; faciles campos (Silius, III, 467). Polybe (III, 50, 1) compte, pour la marche même d’Hannibal le long du fleuve, c’est-à-dire depuis le confluent de l’Isère jusqu’à l’entrée des montagnes (50, 1, cf. 39, 9), où l’escorte quitta Hannibal, huit cents stades environ, soit un peu plus de 140 kilomètres : cela nous conduit vers Montmélian, au confluent de l’Arc, à la fin du Grésivaudan, à l’entrée de la Maurienne et des pays alpestres, et, en même temps, à la fin du territoire allobroge, terme naturel de l’escorte de Brancus ; toutes les choses s’expliquent donc l’une par l’autre, et il y a là un concours de circonstances qui est une raison de plus en faveur de la route de l’Isère. — Maissiat (p. 167 et s.), qui est partisan de la Maurienne et du Cenis, fait aller Hannibal, par une étrange complication, de Lyon à Chambéry et Montmélian, par-dessus le mont du Chat. Ce même détour, avec le passage par le mont du Chat, se retrouve chez bon nombre de partisans de la Tarentaise (de Luc, p. 137, et ses tenants, même Kiepert). Les uns et les autres y placent le premier combat (p. 481). Comme le dit Neumann (p. 294), c’est été pure folie pour Hannibal que de passer par là.

[135] Ce passage n’est raconté que par Tite-Live (XXI, 31, 10-12) et Silius (III, 468-76), qui songent à la Durance : confusion qui a pu être provoquée par le fait que le Drac s’est peut-être appelé, comme tant de torrents alpestres (cf. les nombreuses Dranses), Druentia. Voyez là-dessus, Larauza, p. 86 et s. ; Macé, Descr., p. 339. Lehmann (p. 40-4.3) a conjecturé que le récit de Tite-Live concerne le passage du Rhône, et qu’il a été intercalé ici par mégarde et appliqué à la Durance.

[136] Ab Druentia campestri maxime itinere (T.-L., XXI, 32, 6).

[137] Ήρξατο τής πρός τάς Άλπεις άναβολής, III, 50, 1.

[138] Les partisans du Petit Saint-Bernard, déjà mis en avant par Cœlius Antipater (T.-L., XXI, 38, 7, per Cremonis jugum), jamais oublié depuis (Breval, Beck, Fuchs, Rogniat), la plus populaire des théories au XIXe siècle depuis le travail de de Luc (Wickham et Cramer, Zander, Bey, Long, Niebuhr, Mommsen, Kiepert. Atlas antiquus, 1861, pl. 8, Ihne, Law, Lehmann, etc.), engagent ici Hannibal dans la Tarentaise, où il est du reste assez facile de retrouver des détails topographiques, défilés ou rochers, pareils à ceux de la Maurienne. Mais, à ce système de la Tarentaise et du Petit Saint-Bernard ou des Alpes Grées, on peut faire plus d’une objection décisive : 1° la Tarentaise, moins sauvage que la Maurienne, convient moins que celle-ci à la description de Tite-Live (XXI, 32, 7) ; 2° d’aucun point du Petit Saint-Bernard on ne peut voir les plaines italiennes ; 3° il est fort douteux que les Boïens, qui ont conduit Hannibal par la route prise par eux-mêmes (T.-L., XXI, 29, 6 ; Polybe, III, 44. 1), aient fait, pour venir, l’énorme détour du val d’Aoste ; 4° les Carthaginois n’auraient pas descendu cette interminable vallée d’Aoste sans rencontrer quelque résistance des Salasses (per Sal(asso)s montanos, T.-L., XXI, 38, 7), d’ordinaire fort peu traitables, et Tite-Live et Polybe sont d’accord pour nous dire que, passé le col, Hannibal n’éprouva plus le moindre ennui de la pari des indigènes ; 5° et surtout, objection déjà faite par Tite-Live aux partisans des Alpes du nord (XXI, 38, 5-7) : Taurini... proxuma gens erat in Italiam degresso : id cum inter omnes constet. — Une théorie dérivée de celle du Petit Saint-Bernard est celle qui mène Hannibal au col de la Seigne près du mont Blanc (Replat, p. 76). — Les mêmes objections, et les textes de Polybe et de Tite-Live, et l’extrême longueur de la route, s’opposent à la théorie du Valais et du Grand Saint-Bernard (Alpes Pennines), déjà populaire sous l’Empire romain (T.-L., XXI, 38, 7-9 ; Servius, ad En., X, 13 ; Isidore de Séville, XIV, 8, 13) et demeurée courante au Moyen Age (Paul Diacre, Hist. Lang., II, 18, p. 83, Mon. Germ. hist.) et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (Cluvier, de Loges, Whitaker), à cause de l’homophonie de ce nom avec celui des Pœni ou Puniques. Les efforts de quelques modernes isolés (de Rivaz, Ducis, etc.) n’ont pas réussi à la rajeunir. — Rappelons, à titre de curiosité, qu’on est allé jusqu’à proposer le Simplon (Arneth, p. 163), et même, ce qui est plus incroyable, la Furka et le Saint-Gothard (H[ornfer], Nouv. Biogr. univers., II, 1852, c. 721). — On a même, pour tout concilier, supposé l’armée d’Hannibal divisée en trois corps, chacun passant par un col différent (Heerkens, p. 209 ; Bignami, p. 80 ; Hesselmeyer).

[139] Les adversaires du mont Cenis (de Luc, p. 348 ; Mommsen, I, p. 581 ; etc.) ne lui reprochent qu’une chose : c’est de n’avoir été frayé à de grandes troupes que par les armées carolingiennes. Mais : 1° de ce que les Romains n’y ont pas construit de route, il ne s’ensuit pas que les gens du pays aient ignoré ce passage, un des plus commodes de toutes les alpes : 2° si les Francs y sont passés en masse, d’autres ont pu les y précéder ; 3° les anciens, au surplus, ont connu le Cenis, son plateau et son lac (Strabon, IV, 6, 5) ; et, vraiment, si Strabon nous dit que les Medulli de la Maurienne habitent les plus hautes cimes, c’est qu’on devait, de son temps, être passé par le Cenis et au pied de la Roche-Melon. — Qu’on lise un itinéraire précis et complet de l’ancienne route de Montmélian à Suse, notamment celui de Gœlnitz, Ulysses Belgico-Gallicus, 1631, p. 660 et suiv., et on verra que les étapes, les périls, l’aspect de cette route s’adaptent étonnamment aux récits faits par les Anciens de la marche d’Hannibal. De même, les descriptions de : Dutens, Itinéraire, 1788, p. 137-9 ; de Saussure, Voyages dans les Alpes, V, 1796, § 1191-1232 ; Rourrit, Descr. des cols ou passages des Alpes, II, 1803, p. 1140 ; Albanis Beaumont, Descr. des Alpes Grecques, II, 11, 1806, p. 590 et s. ; Fr.-L. de Stolberg, Reise, I (Gesammelte Werke, VI, 1822), p. 302-8 ; Ferrand, Itinéraire... de la Maurienne, 1879, p. 9 et s.

[140] Polybe, III, 49, 13 et 50, 3.

[141] Colin (p. 362-370) fait commencer au bec de l’Échaillon en aval de Grenoble et le territoire des Allobroges et l’άναβολή ou montée des Alpes (Pol., III, 50, 1). M[ondr]y [Beaudouin] (Rev. crit.,16 janv. 1905, p. 46) a très bien réfuté cette théorie.

[142] Allusion aux longs cheveux des Ligures capillati, cf. Pline, III, 135 ; Lucain, I, 442. Le territoire des Ligures commençait à l’entrée de la Maurienne (dont la frontière est au bec d’Aiton). Qu’on songe encore à l’impression qu’ont pu faire les goitreux (Vitruve, VIII, 3, 20) et les crétins de la Maurienne.

[143] C’est à l’entrée en Maurienne que Tite-Live place cette description des Alpes (XXI, 32, 7). Albanis Beaumont, II, II, p. 605-6 : Il semble que l’on entre dans une autre région : tout y est différent, le sol, le climat, les habitants... ce tableau effrayant pour l’humanité. Les expressions de Tite-Live sont évidemment forcée, ce qui est du reste moins sa faute que celle de l’auteur consulté par lui. Mais elles répondent aux sensations que l’on a à l’entrée de la Maurienne.

[144] Tite-Live ne dit pas leur nom ; Polybe en fait des chefs allobroges (III, 50, 3 ; 51, 9) : je ne le crois absolument pas ; les Allobroges n’ont jamais dû s’étendre jusque-là. Il doit s’agir de la tribu ligure qui occupait la Basse Maurienne et dont la capitale (castellum,... caput regionis, T.-L., XXI, 33, 11) était non loin de là : l’attaque d’Hannibal devait se faire tout naturellement à l’entrée du pays : et sa victoire explique pourquoi il put continuer tranquillement sa route pendant trois jours, jusqu’à son arrivée ad alium populum (T.-L., XXI, 34, 1). — Remarquez encore que les Barbares de cette région ne sont pas absolument de même langue et de même coutume que les guides d’Hannibal (T.-L., XXI, 32, 9 : cf. Semigalli, XXI, 38, 5). Nous sommes en Gaule, mais sur territoire ligure : Tite-Live donne une précision qui manque à Polybe.

[145] Gœlnitz (p. 661) dit de La Charbonnière : Vallem servat in montium faucibus ; cf. la description de Sully, (Œconomies royales, ch. 96, p. 335, Michaud. Nous sommes d’accord, pour l’emplacement de cette rencontre, avec Mann, p. 180, Rourrit, II, p. 11, de Saussure, § 1191, Larauza, p. 98 et s., Costantini, p. 36-7.

[146] Osiander (p. 113-119) localise l’attaque à l’Échaillon près de Saint-Jean-de-Maurienne, dont il fait, comme d’autres (Mann, p. 180), la bourgade des Alpins ; mais : 1° Hannibal fît, après la prise de la ville, beaucoup plus de chemin dans la vallée que n’en comporte la situation de Saint-Jean ; 2° l’attaque eut lieu dès les premières montées, in primos clivos (XXI, 32, 8). Perrin (p. 51) et Azan (p. 116-123) la placent sur les hauteurs mêmes du Grand et du Petit Cucheron, ce qui rentre bien dans les données générales du problème ; mais j’hésite (ainsi que Colin, p. 383-4) A croire qu’Hannibal ait préféré les mille mètres de montée par cette route au léger détour de l’Arc. Ellis (p. 91 et s.) songe aux gorges de Saint-Pierre-d’Allevard. D’autres, au mont du Chat.

[147] Præcipites deruptæque utrimque angustiæ... in immensum altitudinis (T.-L., XXI, 33, 7).

[148] Imminentes tumulos (T.-L., XXI, 32, 9) : c’est la fin de la chaîne des deux Cucherons, aujourd’hui encore capitale pour la défense du passage entre la Maurienne et le Grésivaudan.

[149] Les deux récits de Tite-Live (XXI, 32-.33) et de Polybe (III, 50 et 51) concordent ; mais il y a, chez le premier, plus de détails, et plus d’efforts vers la précision.

[150] Polybe (50, 4) et Tite-Live (32, 8) remarquent qu’ils eurent le tort de ne pas se cacher : ils ne le pouvaient guère sur ce chemin.

[151] Castella, viculi, T.-L., XXI, 33, 2, Il. Cette vallée, de Montgilbert à Saint-Pierre-de-Belleville, offre aujourd’hui encore beaucoup de centres habités, et elle a eu une certaine importance minière.

[152] Tite-Live, XXI, 33, 11 ; Polybe, III, 51, 10-13.

[153] Tite-Live, XXI, 33, 11 ; Polybe, III, 32, I-2.

[154] Chez Tite-Live seulement (XXI, 34, 1) : Alium populum... frequentem cultoribus. Cette densité de la population n’est pas étonnante pour la Haute Maurienne ; cf. Gœlnitz, p. 683, disant de Modane : Amabiliori in planitie situm in quo frequentes officinas, etc.

[155] Le premier détail (principes castellorum) chez Tite-Live (XXI, 34. 2) ; le dernier chez Polybe (III, 52, 3) : je suis convaincu que θαλλούς ne désigne pas ici des rameaux d’oliviers (cf. le Thesaurus d’Estienne, s. v.).

[156] Polybe, III, 52, 8.

[157] Sur ce point, presque tous les derniers partisans de la Maurienne sont d’accord ; et cet accord, qui résulte de l’étroite corrélation entre les lieux et les textes, est un très fort argument en faveur du Cenis. Seulement, tandis que Maissiat (p. 217-234), Costantini (p. 40-2) et Osiander (p. 125-128) font passer les Carthaginois par la rive méridionale de l’Arc et par Villarodin, Perrin (p. 57-60) et Azan (p. 128-131) les placent sur la rive nord, par Bourget, Avrieux et Aussois. Il est fort probable que les premiers ont raison ; c’est par Villarodin qu’avait lieu, ce me semble, le passage habituel et naturel. Il ne serait pas impossible cependant qu’un ancien sentier passât par la rive nord (cf. les Annales d’Hincmar, a. 877, où Brios parait Avrieux). — Entre Termignon et Lanslebourg, Larauza, p. 115 et s. ; aux défilés de Saint-Martin-de-la-Porte, Saint-Michel et La Praz, Ellis, p. 109, Colin, p. 385-8.

[158] La description de Gœlnitz (p. 083) cadre bien avec celle des Anciens ; cf. Ferrand, p. 29-31.

[159] Il est probable que les Barbares ont dû couper la route au pont du Nant. Le vallon et le ruisseau (de Sainte-Anne) que traverse ce pont répondent au φάραγγά τινα δύσβατον καί κρημνώδη (III, 52, 8).

[160] Polybe seul (III, 53, 5) : Περί τι λευκόπερον όχυρόν : il semble qu’il ait campé autour et non sur le rocher. Il s’agit évidemment d’un de ces rochers de gypse, du plus beau blanc, qui ne sont pas rares dans cette région, ce qui empêche de se servir de cette indication comme d’un repère sûr. Mais évidemment un des plus remarquables, signalé par de Saussure (Voyage, 1796, § 1224), est celui que coupe la route de Villarodin, ce qui justifie le choix de cette route par Osiander et autres.

[161] Polybe, III, de 52, 8 à 53, 6 ; Tite-Live, XXI, de 34, 6 à 35, 1.

[162] Polybe, III, 53, 6-8 ; Tite-Live, XXI, 35, 2-3.

[163] Tite-Live, XXI, 35, 4 ; Polybe, III, 53, 9.

[164] Sur le passage par le mont Cenis (presque toujours écarté avant le milieu du XVIIIe siècle), voyez surtout le mémoire d’abord, puis le livre d’Osiander. Avant lui : Simler (qui hésite) ; Pisanski, p. 5 ; Mann, p. 180 ; Grosley, p. 43 et s. ; Millin, Voyage en Savoie, I, 1816, p. 98 et s. ; Napoléon, p. 219 ; Mannert, p. 40 ; Larauza, p. 121 ; Ukert, p. 598-9 ; Franke, p. XII ; Michelet, II, p. 332-4 ; :Racé, Mémoires, p. 292, etc. (ces derniers s’inspirant de Larauza) ; Menke, Atlas antiquus, n° XIX. 1868 ; l’anonyme du Blaekwood’s Magazine, p. 758 ; Maissiat, p. 238 et s. ; de Verneuil, p. 137-8 : Nissen, I, p. 156 ; Costantini, p. 47 et s. ; etc. — Un système qui soulève moins d’objections que celui du Clapier (n. suiv.) est celui du Petit Cenis (Ellis, p. 85 et s. : d’après lui, Ball, p. 54-7) : il a l’avantage incontestable de conduire Hannibal plus prés de Corna-Rossa et du point de vue.

[165] Perrin (p. 60 et s.) et Azan son disciple (p. 93 et s.), Colin après eux (p. 389 et s.), font passer Hannibal par les vallons du Planais et de Savine et le col du Clapier. J’avoue que ce système est fort séduisant, car : 1° on a, du Clapier (à 2 ou 300 m. à droite du sentier du col), une très belle vue des plaines italiennes, bien courue du reste de tous les alpinistes, et très facilement accessible : ce qui manque au Cenis et ce qui est conforme à la donnée des Anciens ; 2° Hannibal n’arriva au sommet que per invia pleraque et errores (T.-L., XXI. 35, 4), ce qui ne se serait pas produit s’il avait passé par la route normale du Cenis. — Je ne puis cependant l’accepter : 1° le col du Clapier est beaucoup plus élevé (2491 m.) et plus difficile que celui du Cenis (2082 m.), et il ne semble pas qu’Hannibal ait éprouvé la moindre peine, ce neuvième jour, à se rendre d’en bas au sommet ; 2° les valles temere initæ (T.-L., XXI, 35, 4) ne peuvent être que ces vallons latéraux du Planais ; 3° le pays traversé par Hannibal, avant et après le col, ne parait pas avoir été aussi désert que le sont les abords du Clapier (Polybe, III, 53, 7 ; T.-L., XXI, 35, 10) ; 4° il ne me semble pas qu’il y ait, aux abords du Clapier, une assiette de camp propre au repos et au réconfort d’une grande armée, et d’une cavalerie de cinq à six mille bêtes, comme la présente l’extraordinaire plateau du mont Cenis ; le vallon entre les granges de Savine et le col est la seule bonne place pour un campement, mais elle est loin de valoir le Cenis à ce point de vue ; 5° de plus, il faut, au delà de cette vallée, c’est-à-dire après le campement supposé, gravir encore une cinquantaine de mètres pour arriver à l’échancrure du col, et il parait bien (Polybe, III, 54, 4) qu’Hannibal commença à descendre après avoir levé le camp ; 6° cette descente, enfin, du Clapier et surtout du plan du Clapier à Jaillon par l’escalier et la Clarea, est vraiment trop pénible, précipiteuse et vertigineuse (de l’aveu même de ses partisans, Perrin, p. 63-65 ; cf. Ball, p. 58) ; Colin propose, il est vrai, pour éviter cette descente, le détour par Thouille (p. 395-9) : mais cela ne correspond pas aux données des Anciens, qui, à la descente, font précisément éviter les détours à Hannibal (Pol., III, de 54, 8 à 55, 6 ; T.-L., XXI, de 36, 4 à 37, 1).

[166] Tite-Live, XXI, 35, 4.

[167] Polybe, III, 53, 9-10 ; Tite-Live, XXI, 35, 4-5.

[168] Plateau, dont l’étendue semblait faite pour le campement d’une armée, Grosley, p. 42 ; la plate-forme du mont Cenis est la plaine la plus riante qu’on puisse trouver sur des montagnes, [de La Lande], Voyages d’un François en Italie, I, 1760 (2e éd., 1786), p. 24 ; cf. de Saussure, Voyages dans les Alpes, § 1236.

[169] Polybe, III, 53, 9 ; Tite-Live, XXI, 35, 5.

[170] A ce moment de l’expédition, pendant les jours du campement, sur le Cenis, 9-411 après l’entrée en Maurienne, se place la seule indication chronologique, d’apparence précise, que nous aient donnée les Anciens (T.-L., XXI, 35, 6 ; Pol., III, 54,1) : c’était le moment, disent-ils, du coucher [matinal] des Pléiades, c’est-à-dire, suivant les calculs, entre le 24 octobre et le 11 novembre (Varron, Res rusticæ, I, 28 ; Columelle, II, 8, 2 ; Pline, II, 125 ; XVIII, 222, 225, 313). Mais, vraiment, Hannibal ne pouvait, à ce moment, se trouver dans les Alpes : et, ce qui rend cette donnée astronomique fort suspecte, c’est que Tite-Live et Polybe la transmettent à propos d’une première chute de neige, alors que la neige tombe d’ordinaire un mois plus tôt, tln septembre, à cette hauteur des Alpes. Il est donc probable que le coucher des Pléiades n’est qu’un commentaire astronomique erroné de cette chute de neige, l’auteur de ce commentaire ayant oublié les conditions particulières des sommets alpestres, et ayant simplement voulu dire l’hiver commençait : Vergiliarum occasus hiemem inchoat, tempus Aquilonis hiherni (Pline, II, 125). Contra, Neumann, p. 299 et n. de Faltin, et beaucoup d’autres. Dans le même sens que nous, Osiander, p. 16.19, Mommsen, I, p. 585. — Nous croyons donc qu’Hannibal était sur le col les 20-22 septembre, au moment de l’équinoxe d’automne, et nous sommes partis de là pour les dates des étapes antérieures, dont le nombre est d’ordinaire indiqué par les auteurs (à partir de l’arrivée sur le Rhône).

[171] Tite-Live semble dire qu’il y eut chute de neige après l’arrivée sur la hauteur (XXI, 35, 6) ; Polybe est plus vague (III, 54, 1 ; 55, 1).

[172] Je suis Tite-Live : In promuntorio quodam, unde longe ac late prospectus erat (T.-L., XXI, 35, 8) ; Polybe (III, 54, 2) est beaucoup plus vague et parle de la vue avant le départ mais après l’installation du camp. — C’est, dit Osiander (p. 140 ; cf. Maissiat, p. 241), le mont Turra près des sources du ruisseau du lac et près du col. J’en doute, car la vue de l’Italie ne peut y être que très restreinte, et Hannibal semble avoir découvert un très large horizon ; de plus, il l’a montré, suivant Tite-Live, après la levée du camp, en tout cas après l’arrivée sur le col, et le mont Turra est à l’ouest de ce camp (cf. Azan, p. 58-83) ; il faut chercher ailleurs. — On a aussi songé à la Roche-Melon (Pisanski, p. 5), qui est inadmissible. — L’endroit visé par lady Morgan (L’Italie, tr. fr., I, 1821, p. 52) se place bien après la descente du Cenis, et par conséquent ne correspond pas aux textes. — On a proposé avec beaucoup plus de vraisemblance un des éperons de Corna-Rossa, le sommet à droite de Grande-Croix, et de la route après l’Hospice. Et, de fait : 1° c’est bien à cet endroit, avant de commencer la descente, qu’Hannibal s’arrêta pour montrer ou contempler la plaine du Piémont (d’après Tite-Live, XXI, 33,8) ; 2° le nom de corna peut correspondre à l’expression de promuntorium ; 3° on a de là, et, semble-t-il, de différents point de ce massif, une bonne vue de la plaine (de La Lande, p. 25 ; Grosley, p. 58 ; Larauza, p. 128 ; anonyme dans Blackwood’s Ed. Magazine, p. 738 ; Macé, Descr., p. 341 ; Ellis, p. 118 ; Perrin, p. 71 ; témoignages personnels qui m’ont été adressés). La seule objection est que la montre est rude, et qu’on se demande si Hannibal l’imposa à ses soldats. Mais il ne faut pas oublier que Tite-Live ou plutôt les Grecs historiographes d’Hannibal ont toujours forcé la note, amplifié les descriptions aux moments émouvants (passage du Rhône, du Drac, entrée dans les Alpes, l’affaire du vinaigre). Il se pourrait donc que la chose se réduisit à ceci, qu’Hannibal et quelques hommes fussent, sur la foi des gens du pays, montés sur Corna-Rossa pour voir l’Italie. — C’est pour cela que je ne crois pas du tout à une invention de rhéteur. Qu’il y ait exagération, je ne le dissimule pas. Mais le fond du récit vient d’un témoin oculaire.

[173] Polybe, III, 54, 4 ; Tite-Live, XXI, 35, 11 : Pleraque Alpium ab Italia sicut breviora, ita arrectiora sunt. C’est surtout sur la route du Cenis qu’on peut constater l’exactitude de l’assertion de Tite-Live. Cf. de Stolberg, Reise, I, p. 308 : So steil auch der Berg von der Savoyischen Seite, ist er doch viel jäher auf der piemontesischen, und viel höher : de même Bourrit, II, p. 40. Il faut lire l’excellente description de la route du Cenis, de Fontanel (Bull. de Géogr. hist., 1901, p. 259-288) : elle cadre étonnamment avec les détails donnés par les Anciens.

[174] Le Corus : Silius, III, 523-527 ; Zonaras (Dion Cassius), VIII, 23, 5. Le vent n’est mentionné que par eux, et je crois bien qu’ils ont eu une source commune.

[175] Gran Croce : a toujours été le point dangereux de la descente du Cenis vers l’Italie ; cf. Gœlnitz, p. 667 ; de Saussure, § 1248-50 ; endroits... escarpés en forme d’échelle ou de gradins, Voyage d’un François, I, 1789, p. 27 ; Larauza, p. 140, et Maissiat, p. 245 (tous deux placent le danger d’Hannibal à l’échelle Ferrera Vecchia) ; Osiander, p. 151 et s. (à l’échelle de Grande-Croix, plus justement). Le chemin ancien suit encore la gorge de la rivière ; la plaine Saint-Nicolas, entre l’échelle de Grande-Croix et celle de Ferrera Vecchia, correspond aux inferiora, humano cultu digniora loca (T.-L., XXI, 37, 5 ; Pol., III, 55, 7). — Le détour auquel a songé et dô renoncer Hannibal (Pol., III, 54, 8 à 55, 6 ; T.-L., XXI, de 36, 4 à 37, 1) doit être le sentier qui, avant l’échelle de Grande-Croix, et à droite, se déroule à l’ouest sur le flanc de la montagne pour franchir les ruisseaux du Cenis et de Corna-Rossa et contourner la plaine de Saint-Nicolas. — Cette descente du Cenis est sans doute le passage auquel fait allusion Ammien, XV, 10, 4 et 5.

[176] Tite-Live, XXI, 36, 2 ; un stade et demi, 266 mètres (stade de Polybe), Polybe, III, 54, 7.

[177] Ici se place l’épisode de l’emploi du vinaigre (T.-L., XXI, 37, 2 ; Appien, Hannibalica, 4 ; Ammien, XV, 10, 11 ; Juvénal, X, 153). Le fait en lui-même est possible, l’action dissolvante sur la pierre chaude du vinaigre ou de l’eau acidulée étant connue (Pline, XXII1, 57 ; XXXIII, 71 ; Vitruve, VIII, 3, 10 ; Dion Cassius, XXXVI, 18, 2, Boissevain ; sans parler des Modernes). L’objection ne peut être tirée que de l’impossibilité pour Hannibal de réunir la quantité de liquide nécessaire (81.000 kilogr. de vinaigre par mètre cube de pierre, dit Wagener). Il a pu y avoir un faible essai ou plutôt un simple projet de l’opération, et les écrivains et le populaire auront amplifié, comme si souvent dans le cours de cette campagne ; cf. la dissertation de Pisanski (très sceptique) ; Millin, Voyage en Savoie, I, p. 102 ; Rey, p. 1 et s., p. 129 et s. (qui voit dans ce récit un fait de folklore) ; Réville, p. 89-91 ; Berthelot, Journal des Savants, 1889, p. 244 et s. = La Chimie au Moyen Age, I, 1893, p. 370 et s. ; Montlahuc, p. 88-90 (suppose que le texte primitif devait parler de vinaigre pour fendre et non dissoudre la pierre) ; Wagener, Neue philologische Rundschau, 1899, p. 97-103.

[178] Polybe, III, 54 et 55 ; Tite-Live, XXI, 36 et 37 ; beaucoup de détails de Silius, III, 517-535, se rapportent à cet épisode ; Zonaras, VIII, 23, 5 (Dion Cassius, Boissevain, p. 203). Voyez l’excellent commentaire d’Osiander, p. 142 et s.

[179] C’est le pas dont parle Silius (XV, 506-7), et auquel fait allusion Appien (Hannibalica, 4 ; Guerres civiles, I, 109).

[180] Tite-Live, XXI, 37, 5-6 ; Polybe, III, 50, 1 : cf. à leurs textes de Saussure, § 1256 : Quand on passe le Mont-Cenis dans une saison froide, on est bien content de se trouver à la Novalèze, loin des frimas des hautes Alpes, et de commencer à jouir du beau climat de l’Italie.

[181] D’après Polybe, les pertes se décomposeraient ainsi : 12.000 fantassins, 1.000 chevaux jusqu’après le passage du Rhône (III, 60, 5) ; par suite, 18.000 fantassins, 2.000 chevaux depuis cette opération jusqu’à l’arrivée eu Italie (III, 56, 4). D’après Cincius, Hannibal aurait perdu après le passage du Rhône 36.000 hommes (T.-L., XXI, 38, 5). Ce dernier chiffre ne cadre pas avec l’effectif de l’armée qui descendit le Pertus. D’autre part, le chiffre des pertes, d’Elne à Tarascon, parait bien élevé, étant donné que les auteurs ne relatent d’ordinaire aucun combat important, pas même l’affaire du passage : mais il a pu y avoir beaucoup de désertions avant le départ pour les Alpes (Zonaras, VIII, 23, 5). Hirschfeld (Festschrift für... Gomperz, 1902, p. 159-163) croit, sur ce parcours, à des désertions et des batailles, et rapporte le chiffre de Cincius aux pertes avant le passage du Rhône, depuis le départ de Carthagène. Cf., dans le même sens, Niese, Gœttingische gelehrte Anzeigen, CLXIII, 1901, p. 620. Voir encore von Stern, Das Annibalische Truppenverzeichnis bei Livius (Berliner Studien), 1891. — Les assertions de Delbrück (Geschichte der Kriegskunst, I, 1900, p. 326-8) sont arbitraires.

[182] Polybe, III, 35, 7 ; 56, 4 : cf. T.-L., XXI, 38, 2. La perte en chevaux (de 9.000 à 6.000) est relativement faible : mais Hannibal, par achats ou prises, remplaça souvent les chevaux perdus.

[183] Cf. II, 14, 2 à 35.

[184] Cf. Tite-Live, XXI, 52, 3-6.

[185] Cf. Tite-Live, XXII, 1, 2-3.

[186] Cf. Tite-Live, XXII, 1, 23 ; Polybe, III, 78, 2-4.

[187] Cf. Polybe, III, 78 et 79.

[188] Polybe, III, 78 et 79 ; Tite-Live, XXII, 2 ; Silius, VIII, 17-19.

[189] Tite-Live, XXI, 42, 1 ; Polybe, III, 62, 3. Il semble cependant que, de 218 à 216, quelques Gésates vinrent le rejoindre.

[190] Polybe, III, 63, 5 ; 67, 1-3 ; Tite-Live, XXI, 46, 4 ; 48, 1-2.

[191] Tite-Live, XXI, 52, 4.

[192] Ibidem, et voyez chez Silius, IV, 147-300, les exploits du chef boïen Crixus, allié d’Hannibal, et de ses troupes : c’est une addition au récit des deux auteurs ; s’il n’y a pas là une invention du poète (ce que je ne crois pas), le combat aurait commencé par une charge malheureuse d’une ala Boiorum, auxiliaire de Carthage.

[193] Tite-Live, XXI, 48, 1-2 ; Polybe, III, 67, 1-4.

[194] Per ambiguum favorem, Tite-Live, XXI, 52, 3 ; Polybe, III, 67, 1 ; 69, 5 ; 70, 4 ; 78, 2.

[195] Polybe, III, 75, 2.

[196] Ils combattirent pour elle à la Trébie (T.-L., XXI, 55, 4).

[197] Il ne devait pas avoir plus de 4 à 5.000 Gaulois à la Trébie (Pol., III, 72, 8-9) ; à Cannes, sans doute 4 à 5.000 cavaliers gaulois et 20 à 25.000 fantassins gaulois ou ligures (id., 114, 5) ; il semble qu’on ait évalué (Cincius Alimentus) à 64.000 le nombre d’auxiliaires fournis par la Cisalpine à Hannibal ; mais le chiffre est bien douteux (T.-L., XXI, 38, 4). Comme les auxiliaires gaulois, a Cannes, ont combattu nus (T.-L., XXII, 46, 6 ; Pol., III, 114, 4), et que cet usage était tombé en désuétude chez les Cisalpins, il semble qu’Hannibal ait fait venir des Gésates de la Transalpine.

[198] Polybe, III, 74, 10.

[199] Tite-Live, XXII, 2, 3-6.

[200] Tite-Live, XXII, 6, 3-4 ; Polybe, III, 84, 6 ; Silius, V, 645 et suiv.

[201] Hannibal perdit 4.000 Gaulois et 1.500 Africains et Espagnols (Polybe, III, 117, 6).

[202] Polybe, III, 74 (la Trébie) ; Polybe, III, 113-5, et Tite-Live, XXII, 47 (Cannes). Cette tactique est bien notée par Silius (IV, 147 et 311-2 ; XV, 710) : Primum laborem, qui solus genti est (Gallis)... prima acies : Silius a certainement eu sous les yeux d’autres sources que Polybe et Tite-Live.

[203] Cf. Tite-Live, XXI, 53, 10.

[204] Polybe. III, 118, 6 ; Tite-Live, XXIII, 24 ; cf. XXII, 61, 12,

[205] Dès 218 et 217 : XXI, 59 ; XXII, 9, 6 ; XXIV, 10, 3 ; XXV, 3, 5.

[206] En particulier : Œhler, Der letzte Feldzug des Barkiden Hasdrubal, 1897 (Berliner Studien) ; K. Lehmann, Die Angriffe der drei Barkiden, 1905, p. 190 et s.

[207] Cf. Silius, XV, 495 et suiv.

[208] Tite-Live, XXIV, 42, 8 : Insignes reguli Gallorum (Mœniacœpto et Vismaro nomina erant) ; ce ne sont pas des Celtibères.

[209] Appien, Hannibalica, 52 : dix seulement, Polybe, XI, 1, 3.

[210] Il emmena beaucoup de Celtibères avec lui, Appien, Hannibalica, 32 ; Iberica, 28.

[211] Silius, XV, 491-2 (qui parle d’un trophée élevé par Scipion sur le Pertus) ; Tite-Live, XXVII, 20, 2.

[212] Cette marche d’Hasdrubal, outre qu’elle résulte de l’occupation du Pertus par les Romains, est attestée nettement par Appien, Iberica, 28.

[213] Le séjour hivernal à Elne est attesté par le mot de Silius (XV, 494), in aula Bebrycia, qui ne peut signifier qu’Iliberris. Si Hasdrubal s’est arrêté là, c’est qu’il y retrouva des peuples alliés de Carthage. La route de Fontarabie à Elne est très anciennement connue. — On a supposé (Osiander, p. 197) qu’Hasdrubal avait traversé la Gaule jusque chez les Arvernes et les Éduens pour déboucher vers Lyon et passer les Alpes au Grand Saint-Bernard. Mais : 1° cela est contraire au texte de Silius ; 2° le receperunt eum Arverni de Tite-Live (XXVII, 39, 6) peut signifier qu’il fut accueilli par les peuples de l’hégémonie arverne, dont Volsques, Rutimes et Allobroges firent partie (t. II, ch. XV, § 2) ; 3° les auteurs diront qu’Hasdrubal profita, au moins en partie, de l’expérience d’Hannibal (T.-L., XXVII, 39, 7-9 ; Silius, XV, 503-500) : donc il a dû suivre, en partie, son itinéraire ; 4° la rapidité étonnante de sa marche ne s’explique pas s’il a traversé tout le plateau Central, pendant l’hiver, avec 15 éléphants.

[214] Hypothèse due à [de Mandajors], Histoire critique de la Gaule Narbonnaise, 1733, p. 68.

[215] Tite-Live, XXVII, 36, 2 ; 39, 6 ; Silius, XV, 493-501 ; Appien, Hannibalica, 52.

[216] Tite-Live, XXVII, 39, 2.

[217] Id., XXVII, 36, 1-4 ; 39, 1-6.

[218] Tite-Live, XXVII, 36, 4 ; 39, 6-10 ; le per munita pleraque transitu fratis ne s’applique pas au passage des Alpes, mais à la marche antérieure en Languedoc.

[219] Je m’appuie, pour accepter le mont Genèvre, sur les raisons suivantes : 1° Hasdrubal alla très vite, ne rencontra aucune difficulté (T.-L., XXVII, 36, 6-10 ; Pol., XI, 1, 1) : or ce col est la route de beaucoup la plus commode ; 2° après le passage du col, par conséquent vers Suse, Hasdrubal put voir le camp ou le pas d’Hannibal (Silius, XV, 507-8), qu’il lui fut facile de retrouver, à quelques lieues de là, au delà de Novalèse ; 3° son chemin est planta Herculea (Silius, XV, 503), c’est-à-dire la voie de la Durance ; 4° le ές Τυρρηνίαν d’Appien (Hann., 52) doit être pour in Taurinos ; 5° Eutrope, III, 18 : Veniens eodem itinere, quo etiam Hannibal venerat. — Le texte de Varron sur la route d’Hasdrubal ne prouve rien. — On a supposé (Osiander, p. 196 et suiv.) le Grand Saint-Bernard, à cause surtout de la tradition populaire qui y faisait passer des Puniques (Pline, III, 123 ; Tite-Live, XXI, 38, 9) : mais cette tradition, née de la confusion entre les noms de Pænus et de Penninus, ne vaut pas plus pour Hasdrubal que pour Hannibal, ce que Tite-Live avait déjà fait remarquer. — H. Lehmann (p. 200) fait suivre à Hasdrubal la route de la Durance et du Genèvre.

[220] Silius, XV, 507-510.

[221] Appien, Hannibalica, 52.

[222] Tite-Live, XXVII, 49, 6.

[223] Id., XXVII, 39, 11.

[224] Tite-Live, XXVII, 48 et 49 ; Silius, XV, 715-730, qui a très bien décrit la peur gauloise, patrius genti pavor ; Polybe, XI, 3, 1.

[225] Tite-Live, XXVII, 49, 6-8 ; Polybe (XI, 3, 2) dit seulement 10.00 du côté de Carthage et 2.000 du côté latin.

[226] Sur Magon et Hamilcar : K. Lehmann, p. 284 et s. ; Friedrich, Biographie des Barkiden Mago, Vienne, 1880 (Unters. aus der alten Geschichte). Ce dernier cherche à prouver que les deux personnages n’en font qu’un : Magon serait resté en Italie, et aurait plus tard rejoint Hannibal à Carthage.

[227] Gens nata instaurandis reparandisque bellis, T.-L., XXIV, 42, 6.

[228] Tite-Live, XXVIII, 46, 7-11 ; XXIX, 5 ; Appien, Libyca, 7 et 9 ; Hannibalica, 54. Il avait déjà été employé par Hasdrubal à des levées de Gaulois (T.-L., XXIV, 42, 6).

[229] Tite-Live, XXIX, 5 ; XXX, 18-21 ; Silius, XVI, 26-27. Tradition différente chez Appien, Libyca, 23, 31, 32, 49, 54 ; chez Cornélius Nepos, 23, 7, 4 ; 8, 1.

[230] Tite-Live, XXXI, 10,8, d’après lequel Hamilcar in iis loris de Hasdrubalis exercitu substiterat. Ailleurs (11, 5), il croit possible qu’il ait été un officier de Magon ; cf. Dion Cassius, XVIII, 58, 5, p. 276, Boissevain.

[231] Appien, Libyca, 30, 44, 46, 47.

[232] Galli proprio atque imito in Romanos odio accenduntur, T.-L., XXX, 33, 9.

[233] Tite-Live, XXXI, 10. La chronologie n’est point sûre.

[234] Id., XXXI, 21.

[235] Silius, XV, 169.

[236] Quatre trirèmes marseillaises le suivirent officii causa jusqu’à Ampurias (T.-L., XXVI, 19, 13).

[237] Tite-Live, XXI, 60, 2 ; 61, 4 ; XXVI, 19, 11 ; XXVIII, 42, 3 ; Polybe, III, 78, 1 ; Silius, XV, 176.

[238] Caton a fait escale à Port-Vendres (?, portus Pyrenæi), à Rosas, qu’il a réoccupée sur les Espagnols (à moins que castellum, XXXIV, 8, 6, ne désigne une redoute indigène voisine et différente de la ville grecque), à Ampurias, où il a débarqué et d’où il est parti pour l’intérieur (T.-L., XXXIV, 8, 9, 11).

[239] Tite-Live, XXII, 19, 5 (en 217) ; Polybe, III, 93, 6 (id.) ; cf. Strabon, IV, 1, 5.

[240] Fragment de Sosylus, publié par Wilcken, Hermes, XLI, 1906, p. 100-8. Je ne doute pas qu’il ne s’agisse de cette première bataille, en 217, à l’embouchure de l’Ebre (Polybe, III, 95 et 96 ; Tite-Live, XXII, 19 et 20 ; Wilcken, p. 129 et s.). Voici en quoi consista la manœuvre : Doublement grande fut la défaite des Carthaginois, parce que les Marseillais éventèrent leur tactique. Les Phéniciens ont la coutume, ils ont rangé leurs vaisseaux en face de vaisseaux ennemis qui leur présentent l’avant, de se mettre en mouvement rapide, comme pour l’abordage, mais ensuite, d’éviter le choc, de s’engager entre les lignes, et enfin de se retourner, et de se rejeter alors vivement sur les vaisseaux ennemis, pendant que ceux-ci sont encore devant eux en rang oblique.... Mais les Marseillais, ayant disposé les vaisseaux du premier rang sur un front en face de l’ennemi, avaient laissa d’autres navires en réserve à une distance calculée, et ces derniers devaient attaquer l’ennemi au bon moment, dès que celui-ci aurait passé la première ligne et se serait retourné pour l’assaillir : cette première ligne gardant intacte sa position [?]. — Pour que cette contre manœuvre réussit, il fallait que la réserve grecque demeurât dissimulée à l’ennemi, et je ne vois pas bien de quelle manière on arrivait à ce résultat. — Sosylus rapporte qu’elle fut utilisée à la bataille d’Artémisium en 480 (p. 119-127).

[241] Sosylus : Πάσαι μέν δ[ι]αφόρως ήγωνίσαντο, πολύ δέ μάλισθ' αί τών Μασσαλιητών, ήρξαντό τε γάρ πρώται καί τής όλης εύημερίας α[ΐ]τ[ι]αι κατέστησαν 'Ρ[ω]μ[α]ίοις. Polybe ne parle pas du rôle des Marseillais dans la bataille, mais le remplace par un éloge général de leur conduite pendant toute la guerre (III, 93, 6 et 7) ; Tite-Live se borne à parler de leurs services comme éclaireurs (XXII, 19, 5), signalés du reste aussi par Polybe (III, 95, 6). Il est du reste également possible, soit que Sosylus ait exagéré la part prise par les Marseillais, soit que Polybe et Tite-Live l’aient atténuée.

[242] Tite-Live, XXII, 20, 3 : Una Levi pugna toto ejus oræ mari politi erant.