HISTOIRE DE LA GAULE

TOME I. — LES INVASIONS GAULOISES ET LA COLONISATION GRECQUE.

CHAPITRE III. — NATURE ET ASPECT DU SOL[1].

 

 

I. — MÉTAUX[2]

Si le pays qu’on appelait la Gaule présente, depuis vingt-cinq siècles, le même dessin dans ses lignes extérieures[3] et dans son armature interne, il a changé dans l’apparence de sa surface : l’aspect et la valeur de la contrée ont été modifiés par le travail des peuples. La France renfermait, dans les profondeurs de son sol, des richesses que l’homme a en partie épuisées ; elle possédait, en revanche, de vastes terrains incultes que l’homme a su conquérir. Cherchons à retrouver la physionomie générale et le mérite propre de notre terre, six cents ans avant l’ère chrétienne, et demandons-nous à quelles conditions la nature soumettait alors la vie et les pensées des tribus, quelles espérances et quelles craintes elle pouvait leur inspirer dans les siècles qui allaient suivre.

L’état actuel du sous-sol ne donne qu’une idée très fausse de ce qu’il était dans les temps gaulois. La France ne compte pour presque rien dans la production des métaux de luxe, or et argent ; le fer seul lui permet d’apporter sa part dans les ressources métalliques du monde ; il n’existe chez elle que des gisements médiocres des autres métaux industriels : l’étain et le cuivre, les deux éléments constitutifs du bronze, sont à peine représentés dans le travail des extractions souterraines.

Mais, de toutes les richesses de la terre, les métaux sont les plus incertaines. Ils ne se renouvellent pas, comme les récoltes périodiques de la surface. Les sables aurifères s’épuisent peu à peu ; les filons des roches finissent parfois brusquement. Des éboulements peuvent empêcher tout d’un coup les exploitations les plus fructueuses. Les misères d’une invasion ou d’une guerre civile, le renchérissement de la main-d’œuvre, la découverte de gisements plus accessibles, font oublier ou délaisser des mines longtemps prospères[4].

C’est donc par les témoignages antiques, et par eux seuls, qu’il faut juger de l’importance métallique du sous-sol gaulois[5]. Or les textes des écrivains et les vestiges d’exploitation nous montrent que la Gaule ne manqua d’aucun des métaux auxquels eurent recours les hommes d’autrefois pour les besoins ou les plaisirs de leur vie[6].

C’était le plus précieux de tous qui abondait surtout : la nature venait d’elle-même en Gaule présenter l’or aux habitants[7], disaient les Anciens. Un assez grand nombre de rivières, descendues des Cévennes, des Pyrénées ou des Alpes, charriaient ou cachaient des paillettes dans leurs sables ou leurs limons ; il suffisait d’un lavage de terres pour voir apparaître le métal dans son éclatante pureté, et a de faibles êtres s étaient capables de le trouver et de le recueillir[8]. — Les plus riches filons furent ceux des mines cévenoles et ceux des mines pyrénéennes, ces derniers les plus fournis de tous : or les uns et les autres se dissimulaient à peine, et ils livraient tout de suite des pépites grosses comme la main, et qui n’avaient besoin que d’un léger nettoyage[9]. — Dans le lit des fleuves ou dans les roches des montagnes, l’or affleurait donc aux lieux où il existait, se tenant presque à la disposition immédiate des hommes : et c’est là peut-être la cause du renom de richesse aurifère qui fut fait à la Gaule, et de la rapidité avec laquelle cette richesse disparut[10].

La Gaule passa, en revanche, chez les Anciens, pour être dénuée d’argent[11]. Mais ils ont dû forcer la note, pour que le contraste marquât plus nettement la profusion de l’or dans certaines régions et la facilité avec laquelle on le recueillait. L’argent, au contraire, était disséminé, et toujours en assez petite quantité ; il se terrait à des profondeurs redoutables[12] ; il se mêlait au sulfure de plomb ; et il exigeait, pour être conduit à l’état utile, beaucoup de patience et de travail. Mais, enfin, il n’était point très rare : on trouvait, en cent endroits, des gisements de galène argentifère[13] ; les Alpes et les Pyrénées eurent leurs ruisseaux d’argent[14], et on exploita des mines considérables dans le Rouergue et le Gévaudan, dans cette même région cévenole où la production de l’or fut si intense[15].

Autrefois comme aujourd’hui, c’était le fer qui pouvait être la principale ressource de la métallurgie industrielle. On citait surtout les grandes mines du Berry et du Périgord[16]. En réalité, il n’y avait aucune région où des recherches actives ne permissent la découverte de minerais de fer : et presque partout, en Bourgogne ou en Champagne[17] comme en Gascogne[18], dans le Languedoc nîmois[19] comme dans les vallées de la Touraine[20] ou le long de la tranchée de Sambre-et-Meuse[21], le sol gaulois est recouvert de crassiers ou de ferriers antiques : dans le voisinage même des neiges éternelles, à 3.000 mètres d’altitude, les paysans de la Maurienne ont creusé des puits et percé des voies d’extraction[22].

Mais le fer, six cents ans avant notre ère, ne constituait peut-être pas encore un instrument de force ou de travail pour les hommes et un élément de richesse pour un pays. La Gaule, qui vivait à l’âge du bronze[23], avait surtout besoin d’étain et de cuivre. A cet égard, elle était, du moins en apparence, médiocrement favorisée. Des régions à gisements d’étain s’étendaient dans le Limousin[24], le Bourbonnais[25] et le Morbihan[26] ; des mines de cuivre ont été exploitées en Gascogne[27], dans la Tarentaise[28], et dans bien d’autres régions du sud et du centre[29]. Mais, si ces gîtes étaient plus importants qu’on ne le croit, ils furent assez vite épuisés, et ne pouvaient suffire à la consommation d’un peuple nombreux et actif.

La Gaule, enfin, produisait du plomb à peu près partout, et dans les mêmes endroits où se recueillait l’argent, qui en était inséparable.

A coup sûr, sa réputation et sa richesse, comme pays métallique, ne valurent jamais celles de l’Espagne sa voisine : celle-ci était un puissant bloc de métal, où toutes les générations du monde antique, depuis les Phéniciens des plus lointaines courses, taillèrent et creusèrent sans relâche et sans perte, et nulle région connue n’offrait une richesse comparable à cette ceinture d’or, d’argent, de plomb et de cuivre qui encadrait la plaine andalouse[30]. Mais la Gaule venait immédiatement après l’Espagne dans l’admiration des hommes[31] ; et, s’il est possible qu’ils aient exagéré les merveilles de ses paillettes et de ses filons, cela importe peu : car l’histoire d’un pays dépend autant du renom qu’on lui fait que de celui qu’il mérite.

Puis, il se trouvait que les métaux les plus rares en Gaule étaient ceux qui abondaient le plus tout près de ses frontières. Les mines espagnoles d’argent commençaient dans les hautes terres de l’Aragon[32], et c’était des Pyrénées embrasées, disait la légende, qu’étaient descendus jadis les flots de ce métal. Au nord de l’Armorique, à une ou deux journées de navigation, s’étalaient les gisements indéfinis d’étain de la Cornouailles et du Devon, où se donnèrent rendez-vous, bien au delà du sixième siècle avant notre ère, les trafiquants du monde méridional[33]. Enfin l’Espagne possédait, de l’autre côté de la Bidassoa, les mines de cuivre de la Raya, montagne dont les puits témoignent encore d’un prodigieux travail, plusieurs fois séculaire[34] : et cette cime à la triple couronne, qui s’aperçoit de si loin des vallées et des rivages du Labourd, fut peut-être parfois englobée dans la Gaule, dont elle est la vraie frontière, plus naturelle que l’insignifiante Bidassoa[35]. — Les voisinages immédiats de la France lui livraient donc sans délai celles des ressources métalliques que son sol lui refusait.

 

II. — PIERRES À BÂTIR ET ARGILES PLASTIQUES[36].

Le sol même, roche ou argile, est pour l’homme plus précieux encore que le sous-sol : il en tire ses pierres à bâtir et ses poteries, c’est-à-dire non pas les éléments nécessaires de ses demeures et de sa vaisselle (car le bois peut lui suffire à cet effet), mais les moyens de rendre ses demeures plus sûres et propres à plus d’usages, son existence plus aimable, plus stable et moins monotone.

La Gaule, par l’ossature si forte et si variée que lui donnait sa constitution géologique, était un inépuisable dépôt de pierres de toute sorte. Des espèces très différentes se rencontraient en elle. Les populations primitives y trouvèrent pour leurs armes d’innombrables gisements de silex, et pour leurs tombes ou leurs pierres de souvenir l’inusable granit des terres centrales et armoricaines. Aux remparts des forteresses gauloises, aux monuments des villes romaines, au pavage des cités modernes, à tous les abris de la vie publique et privée, le pays offrit, selon les lieux, le porphyre ou le basalte, le grès ou le calcaire, la pierre à chaux ou le gypse : je ne parle que pour mention des marbres des Pyrénées[37] et des Alpes[38], qui furent un simple détail de fantaisie dans la vie des hommes. Même dans les plaines des Landes et de la basse Meuse, aucune région de la Gaule n’est dépourvue de ses matériaux lapidaires[39]. Un double cercle de calcaires jurassiques, les plus propres de tous à bâtir des édifices, encadre le bassin de Paris et le massif Central[40], ces deux principales régions d’attraction ou de résistance[41].

L’avantage de notre pays était de présenter fréquemment, tout près l’une de l’autre, une pierre très dure et une pierre très tendre. On vanta, à l’époque romaine, les pierres blanches de la Belgique, qui se sciaient aussi facilement que le bois, et dont on faisait des plaques faîtières, minces et légères[42] ; et la même région possédait le porphyre le plus solide de la Gaule septentrionale[43]. Le bassin de Paris fournit côte à côte le calcaire grossier des pierres à bâtir, et ces pierres meulières à la fois si peu lourdes et si résistantes[44].

Les principaux carrefours de la Gaule, ceux où les hommes allaient se concentrer et se tenir à demeure, avaient à leur proximité des carrières où on pouvait tailler sans ménagement. Marseille, le long des rivages qui partaient de son port, trouvait soit la pierre fine de Cassis, dont la surface froide et luisante ressemble à du marbre[45], soit la mollasse à gros grains de La Couronne et de son cap, d’où les Phocéens tirèrent leur muraille, et où la vieille cité s’approvisionne encore[46]. Lyon devait exploiter, sur les routes fluviales qui convergeaient à Fourvières, les durs bancs de Tournus[47], ceux de Seyssel, au grain fin favorable à la sculpture, ceux de Fay (Ain), rudes et résistants[48]. A la portée de Bordeaux se montraient les couches de pierres d’outre Gironde, médiocres et à grain irrégulier[49] ; mais au delà s’étageaient les splendides calcaires de la Charente-Inférieure[50], qui sont toujours les plus recherchés de l’Europe occidentale[51].

Cette abondance de matériaux de résistance explique la ténacité des monuments romains, même dans le climat rongeant de Trèves et d’Autun. Si l’on objecte que presque toutes les villes de l’Ouest, de Boulogne à Bordeaux, n’ont rien gardé de leur passé, et qu’il ne subsiste aucune courtine de mur gaulois, je répondrai que la faute en est aux hommes qui ont détruit[52], et non pas à la nature qui était prête à conserver. Elle aurait laissé vivre les remparts de Gergovie et d’Avaricum avec la même indifférence que les moindres dolmens, si l’homme n’était point intervenu pour les renverser. Au surplus, le sort des débris des édifices gallo-romains est une preuve de l’excellence de la matière tirée des latomies de notre sol : c’est sur un soubassement constitué par les fragments des édifices antérieurs que les murs des cités médiévales se sont dressés pendant des siècles ; et parfois la même pierre a servi tour à tour, l’espace de dix-neuf cents ans, d’entablement de mausolée romain, d’assise de rempart communal, de borne entre deux territoires[53].

De même que la charpente montagneuse de la Gaule a fait sa richesse en granits et en calcaires, de même la multiplicité et la force de ses eaux courantes expliquent le plus souvent l’abondance des dépôts d’argile plastique qui se sont répandus à la surface du sol[54]. Sur le domaine de l’ancien glacier du Rhune s’est formée cette glaise grise, tenace et grossière, qui fera plus tard la fortune des potiers allobroges[55]. Tout autour du plateau Central, au sud comme au nord, s’amoncellent des couches profondes et accessibles de limons pétrissables : le terroir de l’Allier, sol incomparable comme stimulant de récoltes, est également un immense réservoir d’argile blanche et légère, où la silice et l’alumine s’unissent presque seules, dans les proportions nécessaires aux meilleures poteries[56]. Il n’est aucune région de la Gaule, si déshéritée qu’elle paraisse, qui ne puisse produire sa brique et sa tuile[57] ; les terres basses des Landes et de la Hollande manquent trop souvent de carrières : mais les briqueteries et les tuileries y abondent, presque à raison d’une par deux paroisses[58]. Parfois, ces gisements d’argile viennent se placer aux portes mêmes des plus grandes villes, comme pour aider à les bâtir : à deux lieues au nord de Marseille et près du rivage, au beau milieu des âpres rochers de L’Estaque, s’entassent les masses rosées d’une terre plastique, la plus élégante et la plus souple qu’on puisse voir[59] : la Gaule, dès son entrée méridionale, s’annonçait comme une des grandes nations céramiques du monde ancien[60].

 

III. — TERRES À BLÉ ET PÂTURAGES.

La flore et la faune d’un pays dépendent du climat et de la nature du sol. Peut-être était-ce le climat qui avait, à ce point de vue, le moins de conséquences dans la Gaule primitive. S’il ne permet la culture de l’olivier que dans le Midi, s’il interdit aux gens du Nord celle de la vigne, ce ne sont que des plantes dont l’existence ou le rôle furent ignorés des plus anciens peuples de notre sol. Les végétaux cultivés d’origine indigène ne se répartissaient pas suivant les zones de latitude[61] : comme la Gaule était un pays de climat tempéré et presque partout sans extrêmes, elle s’ouvrait aux mêmes productions sur sa surface utile : il y eut chez elle une sorte de fond agricole commun à toutes les cités.

Ce fut le blé qui le constitua surtout[62]. La valeur fromentière de la contrée n’était pas inférieure à celle qu’elle a de nos jours, et les moissons de céréales y mûrissaient aux mêmes lieux. Aujourd’hui, nos plus vastes régions à blé sont la Limagne[63], la Beauce[64], la plaine Toulousaine[65], la Brie, la Basse Bourgogne[66], le Bas Berry[67], le Soissonnais[68]. Sauf peut-être pour la Brie[69], on peut affirmer ou on a le droit de supposer que les conditions et les richesses de ces pays ne sont point chose nouvelle, et qu’ils portaient, bien avant l’ère chrétienne, les mêmes abondantes récoltes[70]. D’âge en âge, depuis César jusqu’à nos jours, on retrouve chez les écrivains l’admiration périodique de leurs épis et de leurs greniers[71]. Il est également permis de croire que nos belles terres à vignes du Bordelais, de l’Agenais, de l’Armagnac[72], de la Saintonge, du Beaujolais, que les bien-heureuses vallées du Dauphiné[73] et du Comtat[74], ne livrèrent que du blé pendant de nombreux siècles. Mais en dehors de ces champs joyeux, les plaines les plus étroites et les plus hautes eurent leurs bonnes terres arables[75] : les Alpes abritaient dans leurs vallons les blés de trois mois, la gaieté des montagnes neigeuses[76]. Aucun pays de Gaule n’était assez abandonné des dieux pour manquer de ses moissons propres, et même les marécages flamands s’interrompaient pour laisser à leurs tribus des champs à cultiver et des grains à recueillir[77].

Ainsi, le blé se trouvait répandu à peu près uniformément sur toute la surface du territoire : par un rare bonheur, la région la plus ardue de la Gaule, le plateau Central, livrait passage à la Limagne, cet Océan de sillons, où se meuvent les vagues des moissons, et qui fournit les épis les mieux garnis et les gerbes les plus drues[78]. Pour peu que les peuples s’entendissent, la famine n’était point à craindre de la Gaule : son blé suffisait à la nourrir. Quand les pays voisins souffrent de la disette, c’est à elle qu’ils demandent secours. Rome fut parfois alimentée par ses greniers[79], et le Languedoc soutint l’armée de Pompée en Espagne[80].

Mais la France est aussi un pays de pâturages : pacage et labour ont passé longtemps pour ses deux grandes ressources, et elle possède aujourd’hui un nombre à peu près égal de millions d’hectares en terres à blé et en prairies[81]. En cela encore, la Gaule lui ressemblait. L’alternance constante des plaines et des montagnes, le voisinage des alluvions et des terres sèches, contribuaient à l’heureux accord de ses deux forces agricoles. Les Anciens ont déjà dit d’elle qu’elle était « terre d’élection et du blé et du fourrage[82]. Vaches, bœufs et chevaux occupaient des domaines naturels dans les vallées riches et humides du Centre, du Nord ou de la Savoie[83] ; les Cévennes[84], les Pyrénées et les Alpes avaient, pour les moutons, leurs pâturages d’été, et la Crau offrait ses cinquante mille hectares de thym et de chiendent aux troupeaux des transhumances d’hiver[85]. Enfin, les grands porcs gaulois se repaissaient d’inépuisables glandées[86] dans les forêts de chênes et de hêtres. Sur tous les points du territoire, une riche subsistance[87] était assurée aux victimes nécessaires que les hommes d’autrefois vouaient aux besoins de leur vie : le porc à leur nourriture, le mouton à leur vêtement, le bœuf au labour, et le cheval à la guerre[88].

 

IV. — PRODUITS DES EAUX.

Mers et rivières, les eaux de la Gaule préparaient également leurs récoltes, aussi abondantes et aussi variées que celles du sol. Le nombre et la limpidité des ruisseaux de montagne, la largeur des estuaires, leur pénétration profonde par la marée, les réservoirs que forment les étangs méridionaux, les roches des bas-fonds de l’Océan, le contact avec deux mers et deux natures, tout donnait à la faune fluviale et maritime de la Gaule une diversité qui manquait aux autres contrées européennes. Ses différentes régions se complétaient l’une par l’autre. Les rivages ligures et marseillais avaient leurs passages de thons[89], et les fleuves de l’Océan, leurs montées de saumons[90] ; les muges pullulaient le long de la côte narbonnaise[91], et les langoustes dans les parages du Labourd[92]. Quinze sortes de poissons, et c’étaient des chairs également fines, mais de goût et de saveur très opposés, se pêchaient dans les seules eaux de la Moselle[93] : et quelques-unes de ces espèces de rivière, comme la perche, valaient pour les gourmets les meilleurs produits de la mer[94]. Des légendes coururent sur cette richesse de la Gaule : on parlait d’étangs marins où les indigènes capturaient sans arrêt des milliers de bêtes à coups de tridents[95], de tribus celtes qui jetaient le poisson en nourriture aux bœufs et aux chevaux[96]. Une ceinture presque ininterrompue de bancs d’huîtres suivait l’Océan et la Méditerranée[97] : quand les routes de l’intérieur furent ouvertes aux hommes, la passion de cet aliment se propagea parmi les populations les plus éloignées de la mer, et il deviendra, avec le pain et la viande de porc, le plus commun de toute la contrée. Chez ces peuples d’autrefois, plus friands de poisson que ceux de notre temps, la fécondité des mers et des ruisseaux a été, autant que les vastes surfaces des prairies et des emblavures, une des causes du bien-être et du renom de la Gaule.

Si cette source de prospérité s’est à peine ralentie, nos rivages ont presque entièrement perdu leurs richesses industrielles. Jadis, aux angles extrêmes de la Gaule, les pirates et les marchands venaient recueillir de précieux produits, convoités par les fournisseurs des roitelets barbares ou des dynastes méditerranéens : le corail célèbre des îles d’Hyères et des côtes ligures[98], l’ambre gris et parfumé que les cachalots rejetaient sur les sables des Landes et du Médoc[99], et surtout, le bijou le plus recherché, les délices de l’ancien monde, l’ambre jaune des îles de la Frise[100]. Peu à peu, le corail et l’ambre ont disparu de nos grèves et de nos îles, et l’homme a du reste cessé de les estimer un si haut prix. Mais dans les temps des entreprises grecques, de même que les épices à la fin du Moyen Age, ils procuraient de ces gains pour lesquels le marin s’expose aux plus longues aventures, et, comme ils se rencontraient aux extrémités ou aux frontières de la Gaule, ce fut souvent cette recherche qui révéla aux plus audacieux des conquérants de la mer la ligne de notre rivage et l’existence de notre pays.

 

V. — LES FORÊTS[101].

Les terres qui ne portaient ni céréales ni fourrages appartenaient aux forêts et aux marécages.

C’étaient les forêts qui occupaient la majeure partie du sol gaulois[102] : les deux tiers de la surface, et peut-être davantage, étaient compris dans leur domaine[103]. Elles commençaient au sud dès les caps du rivage[104] et dès les cols des montagnes frontières[105], et elles expiraient au nord et au couchant sur les dunes et les falaises de l’Atlantique[106]. Pendant l’été, une voûte de verdure semblait recouvrir le pays entier, depuis les hêtraies de la Rune[107] et les pins du Canigou et des Albères jusqu’aux sapins du Jura et des Vosges[108], jusqu’aux fourrés de petits arbres des Ardennes[109], et depuis les pins de la colline de Cette et ceux du mont Viso[110] jusqu’aux chênes de la forêt armoricaine de Brocéliande[111] : les vagues innombrables et nuancées de cette mer de feuillages montaient et descendaient les plus hautes cimes cévenoles[112], et s’épanouissaient ensuite dans les immenses plaines d’en bas. Les Alpes avaient leurs bois jusqu’au contact des neiges permanentes[113]. Sur les Pyrénées, d’un bout à l’autre de la chaîne, les hêtres et les pins alternaient, et les marins qui longeaient les côtes du Labourd ou du Roussillon reconnaissaient les montagnes aux sombres taches de leurs sommets[114]. Les terres les plus basses et les plus planes rivalisaient avec les hauteurs en richesses forestières : les Landes et l’Orléanais[115] allongeaient à perte de vue les lignes irrégulières et profondes de leurs arbres, et les joncs épineux, les fougères et les bruyères de leurs sous-bois. Presque étouffées par ces masses compactes, les terres cultivées apparaissaient comme d’étroites clairières, prenant jour péniblement le long des fleuves, autour des ruisseaux, sur les terrasses ou dans les vallons des collines étagées.

Aucune des régions de la Gaule n’était dépourvue de forêts. Aujourd’hui encore, chacun de nos départements a les siennes, vestiges et témoins de celles d’autrefois[116]. Il n’est pas de contrée dans le monde où les zones forestières soient plus équitablement réparties[117] ; ce qui est sans doute, pour une part, le résultat de l’homme, accroissant peu à peu la surface des cultures dans chaque région, et restreignant ainsi celle des bois ; mais les justes proportions de son œuvre ont été déterminées par la structure même de la Gaule. L’alternance qui s’est établie entre terres arables et réserves sylvestres vient de cet équilibre entre hauteurs et vallons, bonnes et mauvaises terres, limons calcaires et rochers granitiques, qui a fait l’éternelle harmonie de notre pays[118] : et cette alternance peut être constatée, sur plusieurs points, dès les plus anciens temps de notre histoire. La grande forêt d’Orléans, l’espace boisé le plus vaste de la Gaule centrale[119], voisinait avec la Beauce, la plus étendue des plaines à blé, et celle ci s’appuyait, d’autre part, aux buissons et aux fourrés du Perche : Chartres en haut et Orléans en bas touchaient à la fois aux sillons et aux futaies. Les sombres hauteurs des Puys et du Forez encadraient la Limagne ; les champs soissonnais, les plus joyeux de toute la France du nord, s’ouvraient à la sortie de la Thiérache et du Vermandois, derniers essarts de l’Ardenne[120] ; le noir Morvan dominait la gaie Bourgogne ; si les Landes, le Médoc et le pays de Buch[121] formaient la plus large et la plus monotone des forêts de la Gaule méridionale, la vallée de la Garonne la compensait par la plus longue suite d’alluvions fertiles et de cultures serrées qu’on pût admirer au sud de la Loire. Non loin d’Arles et de Beaucaire, sur la rive droite du Rhune, s’étendaient des bois épais de haute futaie, assez riches pour qu’Hannibal et César[122] aient pu en tirer en quelques jours une flotte de passage ou de guerre : mais en face de cette forêt, sur la rive gauche, s’étalaient les heureuses terres du Comtat.

Au début de notre histoire, les proportions n’étaient point partout aussi régulières. Certaines régions consistaient presque exclusivement en forêts et en landes. Nous avons nommé les terres basses de la Gascogne. De la Combrailles à l’Aigoual, une couronne sylvestre continue recouvrait les pentes granitiques du plateau Central : Limousin, Périgord, Angoumois, Haut Rouergue, Gévaudan, étaient un repaire de bêtes fauves et de terreurs[123], et cette zone à demi maudite venait projeter jusqu’auprès de la Gironde les fourrés pestilentiels de la Double[124] et les landes arides du Blayais[125], comme une marche protectrice entre le Nord et le Midi de la Gaule[126]. Toutes les hautes terres de l’Armorique étaient recouvertes d’arbres, et sa grande forêt centrale, s’interposant entre les petits peuples de la péninsule, ne leur laissait que la mer comme moyen d’entente[127].

Mais c’était au nord-est, vers les plaines de la Germanie, qu’il fallait chercher les fourrés les plus impénétrables, les plus longues et les plus sauvages profondeurs sylvestres, celles devant lesquelles reculèrent les plus braves des hommes du Midi[128]. La grande forêt de la Gaule commençait aux bords du Doubs et du Léman : elle réunissait sous une seule masse de végétation touffue les crêtes du Jura et les croupes des Vosges ; de Besançon jusqu’à la plaine d’Alsace, il fallait, pour la tourner sans trop de peine, sept journées de marche suivie. Comme la Double de l’ouest, mais plus efficace, elle était une barrière qui protégeait le Nord et le Midi contre leurs entreprises réciproques[129].

Au nord du mont Tonnerre, sur les bords de la Moselle trévire[130], la forêt vosgienne rejoignait l’Ardenne par une ligne oblique[131]. Celle-ci, sans être plus longue, était plus tristement célèbre et plus hideuse, à cause de ses arbres rabougris, de ses buissons et de ses ronces, qui contrastaient avec les sapins élancés et les hêtres superbes des montagnes plus méridionales[132] : l’Ardenne avait, de la forêt, surtout la laideur et la monotonie. Elle fatiguait les hommes plus qu’elle ne les effrayait. On la voyait dès le seuil de Vermandois, à l’horizon de Soissons et de Reims : de là, sans brèche sérieuse, elle courait vers l’ouest, s’élargissait sans cesse, étouffant la Sambre, couvrant toute la vallée de la Meuse, obstruant les affluents de la Moselle[133], à peine arrêtée un instant par le Rhin, dont elle assombrissait le cours par les inextricables taillis des rochers et des promontoires ; puis, elle reprenait vigueur à l’autre bord, pour se plonger sous d’autres noms dans les espaces de l’orient[134].

Mais la Gaule, même avec ses deux grandes forêts du nord-est, ne fit pas exception dans le monde. Tous les pays de l’Europe sont passés par cet état forestier : il fut une étape dans leur histoire. Seulement, la Grèce et l’Italie en étaient sorties, quand la Gaule, presque partout, vivait encore dans les bois.

 

VI. — LA VIE DANS LES FORÊTS[135].

Car elle y vivait. Les forêts n’ont jamais exclu la vie et le travail des hommes. Il n’y avait pas, entre elles et les terres de culture, l’opposition fondamentale qu’on se plaît à établir.

Sans doute, en ce temps-là, elles étaient peuplées de ces bêtes sauvages dont l’homme commençait à peine la proscription. Les forêts du nord donnaient encore asile à des êtres monstrueux qui épouvantèrent les Méditerranéens, bisons ou aurochs[136], rennes[137], élans[138] difformes héritiers du chaos primitif. Mais les vrais coureurs des bois, au nord comme au midi, ce furent le sanglier et le loup[139], d’autant plus dangereux qu’ils en sortaient dans les temps d’hiver, et qu’ils menaçaient les moissons et les troupeaux des tribus jusque dans les terres découvertes où elles vivaient[140]. Ils étaient alors les rivaux de l’humanité, ses ennemis sur son sol, ses craintes de tout instant. Elle se sentait constamment obligée de les combattre, chassant l’un et traquant l’autre. La lutte contre le sanglier, la poursuite et la peur du loup, ont été deux des pensées dominantes d’autrefois : c’est à peine si ces pensées viennent de disparaître du patrimoine moral des hommes faits, et elles restent toujours dans l’âme des enfants, fidèle écho de celle de leurs plus lointains ancêtres[141].

Mais, malgré ses adversaires, l’homme n’en demeurait pas moins le maître incontesté des forêts. Il les appliquait, de mille manières, à sa vie matérielle et à sa vie morale.

Les quatre principales essences des forêts étaient, comme aujourd’hui, le hêtre, le chêne, le pin et le sapin[142] ; mais elles se rencontraient dans des proportions différentes de celles de maintenant, leurs zones ne sont point demeurées invariables hêtres, chênes et pins ont parfois, dans le cours des siècles, échangé leurs domaines[143]. Le chêne, sous l’espèce du rouvre, poussait à peu près partout[144] ; mais le hêtre lui faisait concurrence, et on le trouvait, aux temps gaulois, dans bien des vallées et des plaines méridionales, d’où son rival l’expulsera plus tard[145] : de tous les arbres de notre pays, c’est lui peut-être qui a le plus perdu de terrain. Le bouleau[146], l’orme[147], l’if[148] et le buis[149] n’apparaissaient que sur des espaces plus restreints.

Aucune de ces essences n’était inutile. L’if lui-même, qui passait pour un arbre de mort, servait au Gaulois à se débarrasser de la vie présente et à gagner les régions lointaines où l’attendaient des heures plus douces[150]. Tous les autres arbres avaient leur rôle dans l’existence quotidienne : l’homme les avait pliés à ses besoins ; ils lui fournissaient ses bois de construction et de chauffage, les seuils, les linteaux et les poutres maîtresses de sa maison[151], les assises de ses remparts, les planchers et les carènes de ses navires[152], le corps de ses chariots[153] et de ses chars de guerre. Glands et faînes nourrissaient ses bestiaux, et, en dernière analyse, le nourrissaient lui-même[154]. Les forêts lui rendaient des services d’ordre moins matériel. Elles le protégeaient en temps de paix et l’abritaient en temps de guerre[155]. La chasse au sanglier l’habituait au courage, était l’image et l’école des autres combats[156]. Les profondeurs des bois, leurs voûtes continues, leur mort et leur renaissance périodiques, les mille aspects de leurs lointains, les voix innombrables et mystérieuses qui bruissent dans les taillis, leurs rumeurs coupées de silences subits, leurs sources et leurs souffles lui donnèrent l’impression de puissances supérieures, redoutables et bienfaisantes[157] : sans doute, le sentiment religieux n’est point né uniquement dans les forêts, mais il y a pris cette variété de formes et d’impressions qui mit plus de grâce dans les premiers cultes européens. La foi, la guerre, la nourriture, l’abri, pour tout ce dont il avait besoin, l’homme recourait aux futaies de son pays.

Ne nous les représentons donc pas comme arrêtant la vie humaine et s’opposant a tout progrès. Elles n’étaient pas abandonnées aux tanières des bêtes au aux rapides passages des chasseurs. Des populations nombreuses y ont toujours élu domicile[158] : que de Gaulois se sont appelés Sylvanus ou Sylvinus[159], et que de Français, Dubois ou Dubosc ! Bûcherons, sabotiers, fagoteurs, charbonniers, bergers, résiniers, briquetiers, potiers, forgerons, tourneurs et autres compagnons des bois, habitaient a demeure dans les forêts. Elles possédèrent leurs tombeaux, leurs sanctuaires et leurs prêtres, leurs sentiers et leurs carrefours[160] Une vie normale y circulait.

 

VII. — LES MARÉCAGES[161].

Les terres mouillées des marécages, à la différence des forêts, suspendaient ou ralentissaient la vie.

Assurément, elles ne furent jamais non plus des solitudes absolues[162], et je ne sais même si, en dehors des régions éternellement glacées, il existe de purs déserts. Les marais de la Gaule, si continus qu’ils parussent, étaient toujours interrompus par des îlots à peu près secs, dont les plus grands portaient des villages, dont les moindres retenaient des cabanes et quelques familles de huttiers[163]. La construction de pilotis pouvait annihiler le marécage ou, plutôt, faire de lui la plus efficace des défenses contre les bêtes ou l’ennemi. Aussi, les plus vastes étendues palustres ont eu leurs tribus humaines, comme elles avaient leur flore et leur faune. Les hommes du Moyen Age ont parlé de ces sauvages des palus, haineux, indociles, cruels, qu’ils croyaient de stupides adorateurs de la pluie, et auxquels on cherchait une mystérieuse et lointaine ascendance[164] : il est probable que leurs ancêtres n’étaient venus de nulle part, et que ces tristes espaces eurent toujours leurs habitants. Ni les marais littoraux de l’Océan ne rebutèrent les Morins et les Ménapes, ni ceux des Ardennes les Éburons. Ils en connaissaient fort bien les secrets et les traîtrises[165]. Car les tourbières les plus profondes présentent, à côté des trous de mort, des chaussées à fleur d’eau que les hommes du pays retrouvent sans peine : mais, engagé là, nul étranger n’avance sans un péril immédiat.

Ce ne fut cependant qu’une pauvre vie de décharnés et de fiévreux, que le marécage offrait à ses maîtres. L’existence y était aussi monotone que l’horizon ; la mort menaçait de toutes parts. Sur le sol, ici, les caprices des croulières[166], et là, une herbe parfois aussi malsaine que l’eau et l’air mêmes[167]. De la surface, les miasmes de la fièvre montaient avec des myriades d’insectes pour ronger les hommes : les épidémies périodiques, les grandes contagions dont souffrit la France jusqu’au dix-septième siècle, sont venues de ses marécages. C’était, disait-on, terrain mort, et qui fait mourir[168].

Or, sur toute la surface de la Gaule, les bas-fonds marécageux entravaient les cultures et obstruaient les routes naturelles[169]. Ils élargissaient démesurément les moindres ruisseaux. Plus que les forêts et que les montagnes, ils furent l’obstacle que César redouta : derrière eux, les Gaulois se riaient de Rome[170]. Ils empêchèrent, le long de l’Essonne, le passage de Labienus marchant contre Paris[171] ; ils protégeaient Bourges sur les trois quarts de son pourtour[172]. Plus fréquents au nord, ils n’étaient point rares au midi. La côte du Languedoc en fut abîmée, depuis les bouches du Rhône jusqu’aux caps des Albères[173] : Arles eût mille fois risqué d’être un îlot dans les marécages, sans les efforts périodiques de sa vieille Société des Vidanges[174] ; la route de cette ville à Tarascon et à Nîmes, la plus fréquentée du monde gaulois, était souvent coupée, même à l’époque romaine, par des boues renaissant toujours[175] : le monstre de la Tarasque n’est que l’hydre provençale des légendes chrétiennes[176]. Les embouchures de tous les fleuves et de tous les ruisseaux de l’Atlantique étaient déformées par les palus, depuis la Nivelle de Saint-Jean-de-Luz jusqu’aux tourbières de la Frise.

C’était, du reste, de ce côté de la Gaule que se trouvaient les deux plus vastes étendues d’eaux stagnantes, les deux principales tares de notre pays. — Entre le Poitou et la Saintonge, les marécages de la Sèvre Niortaise[177] pénétraient dans l’intérieur des terres jusqu’à une profondeur de plus de dix lieues, sur une largeur allant parfois jusqu’à cinq lieues[178], et ces pays de Luçon, de Maillezais, de Marans formaient bien les diocèses les plus crottés[179] de France. — Mais la Gaule, qui s’étendait jusqu’au Rhin, avait une région plus lugubre, une tache plus énorme encore : depuis les derniers mamelons des pays de Bruges et de Gand jusqu’aux premières pentes de la plaine westphalienne, les nasses stagnantes où s’enchevêtraient les méandres du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut n’étaient interrompues que par des îlots boisés dont la terre était plus perfide que l’eau elle-même[180]. Les grands fleuves coulaient lentement à travers des plaines souvent submergées, qui faisaient ressembler leurs embouchures à des mers sans rivages[181]. A cette région extrême de la Gaule, les marais compléteront la frontière, et, mieux que les Alpes et les Pyrénées, protégeront les uns contre les autres les peuples voisins et ennemis. Et, d’autre part, impénétrables à de fortes troupes d’envahisseurs, ils pourront abriter plus longtemps l’indépendance d’une nation[182].

 

VIII. — DE LA LUTTE CONTRE FORÊTS ET MARAIS.

La grandeur des forêts, la fréquence des marécages, étaient les principaux obstacles qui entravaient la vie civilisée. Tant que l’habitant n’aura pas réduit les unes et dompté les autres, le sol ne sera sien qu’à moitié. Il ne le possédera qu’au prix d’une double conquête.

Cette conquête était d’autant plus désirable que l’expérience lui montra de bonne heure l’excellence des nouveaux terrains de culture. Les bas-fonds des marais desséchés contenaient parfois les terres les plus grasses, les alluvions les plus riches en éléments d’une production intensive : la meilleure plaine de la Gaule, la Limagne, n’était-elle pas un ancien marécage ? et son nom ne signifiait-il pas encore le marais[183] ?

Mais il ne s’agissait pas seulement de champs à acquérir ou de routes à frayer. Forêts et marécages accaparaient les terrains les plus favorables à la formation de grandes villes. La vie municipale, ainsi que la vie rurale, ne s’établira qu’aux dépens de ces deux ennemis. Comme les carrefours naturels où se dressent les cités-mères sont presque tous situés dans les parties les plus basses, sur des rivages maritimes, sur des rives ou à des confluents de longs fleuves, l’homme fut précédé et gêné sur ces points par de vastes et misérables solitudes, faites de boues et de broussailles, inondées par les eaux irrégulières des bords voisins ; et les capitales du monde, les terres aujourd’hui les plus solides et les plus vivantes, sont souvent celles dont le sol a été le plus longtemps incertain, que l’humanité s’est appropriée le plus tardivement[184].

A Marseille même, les roches compactes sur lesquelles la ville s’élèvera étaient aux trois quarts bloquées par les marécages du côté de la terre ; là où se bâtit l’orgueilleuse Canebière, s’étalaient les palus qui prolongeaient le port[185] ; les blanches collines du voisinage, égayées aujourd’hui d’innombrables bastides où s’égrènent des rumeurs de fêtes, disparaissaient sous les masses noirâtres des bois inviolables[186]. — Bordeaux, comme Marseille, ne fut d’abord qu’une presqu’île bordée à la fois d’eaux vives et d’eaux stagnantes[187]. Les ruisseaux qui abritèrent les barques de ses premiers habitants serpentaient à travers des marais que recouvraient les plus grands flux de la Garonne, et d’où la peste et le typhus sortaient pour décimer les hommes : la Façade des Chartrons, plus vaniteuse encore que la Canebière, repose sur ces bas-fonds si longtemps meurtriers. Sur la terre de grave, aux endroits plus élevés, où les boues ne croupissaient plus, commençaient les bois profonds du Médoc et des Landes. Marais au centre, et forêt dans la banlieue, sont à l’origine de la métropole girondine[188]. — Ces deux mêmes rivaux des villes tenaient Lyon : la forêt jusqu’aux abords de Fourvières, et peut-être jusqu’à Fourvières même, là où sera la ville gauloise et romaine ; le marécage, entre les deux fleuves, à Perrache, à Ainay, aux Terreaux, là où se fonda et où s’épanouit la ville moderne[189]. — Enfin à Paris, la rive droite toute entière, du Conflans de Charenton jusque vers Passy, appartint au marais, dont le souvenir est conservé par le nom d’un quartier célèbre : sur ce point, les débordements de la rivière y furent parfois si terribles qu’on y faisait naufrage comme en pleine mer[190]. Sur la rive gauche, le terrain se relève, plus sûr et plus utile, avec la montagne Sainte-Geneviève ; mais en amont, les boues de la Bièvre[191] ne finissent qu’au pied de la colline, et en aval, commencent celles du petit Pré-aux-Clercs[192]. Puis, sur ce côté, les terres hautes étaient couvertes de bois : Montrouge marque, à quelques pas de la Seine parisienne[193], le dernier sommet d’une vaste forêt, dont Meudon et Bellevue conservent les restes domestiqués.

 

IX. — IDENTITÉ DU CLIMAT[194].

L’histoire physique de la Gaule sera donc, pour une très grande partie, la formation du sol arable et du pavé municipal au détriment de la forêt et du marécage. Défrichement, desséchement, voilà deux des épisodes essentiels de sa vie intérieure. Le progrès matériel est inséparable d’un certain recul de l’humidité.

Car l’humidité persistante est le propre de ces natures robustes et à demi vierges, telles qu’était la Gaule il y a vingt-cinq siècles, comme le sont encore les terres des immenses bassins fluviaux de l’Afrique et de l’Amérique. Les vallées de nos grands fleuves ont dû faire par endroits la même impression aux Grecs et aux Romains que celle du Zambèze à Livingstone ou celle du Congo à Stanley, avec les marécages de leurs rives, les forêts sans fin de leurs coteaux, la moiteur de leur atmosphère, leurs herbes glauques et leurs eaux verdâtres, les cris ou les mugissements de leurs oiseaux sauvages[195]. Les abords du Rhône lui-même, au temps des Tarquins, ne différaient pas de ceux du Rhin au temps de César. Marais et bois, eaux et feuilles stagnantes maintenaient la Gaule dans un état d’humidité intense qui s’atténuera au fur et à mesure de leur disparition : et cette saturation de l’air et du sol fut peut-être le seul trait du climat de jadis que ne présente plus celui de maintenant.

La température de notre pays ne s’est point en effet modifiée depuis l’ère historique. Le soleil y brillait avec la même chaleur que de nos jours ; les saisons s’y succédaient avec les mêmes transitions. Février avait ses épaisses et tardives chutes de neige dans les Cévennes[196], mars et avril leurs bourrasques de pluies[197], mai et juin voyaient croître les fleuves[198] ; à la fin de septembre tombaient les premières neiges sur le mont Cenis[199]. Le fourrage se coupait, le blé se récoltait aux mêmes époques[200]. Ni l’olivier ni la vigne ne poussèrent dans le Nord plus haut qu’elles n’ont atteint d’ordinaire[201]. Il n’est aucune des anciennes descriptions des cols des montagnes qui ne soit encore rigoureusement vraie. Le Mistral de Provence, le Corus des Alpes, soufflaient avec leur force d’à présent et apportaient des dangers pareils ; sur les côtes du golfe de Gascogne, le régime des vents semble être demeuré immuable[202]. Nos fleuves avaient à peu près un débit égal, sauf peut-être que le boisement des montagnes en rendait les inondations moins subites et moins graves[203]. La température de leurs eaux n’a point varié. Quand ils gelaient, ce n’était que dans les années d’une rigueur exceptionnelle. L’empereur Julien dira du séjour de Paris : L’hiver y est doux, grâce aux chauds effluves qui viennent de l’Océan : aussi le pays produit de bonnes vignes ; et même il peut avoir des figuiers, quand on prend la précaution de les envelopper de manteaux de paille dans la mauvaise saison. Si le froid est plus rigoureux qu’à l’ordinaire, le fleuve charrie des glaçons, et il arrive même que les deux bords soient réunis comme par un pont[204]. Pas un de ces détails n’a cessé d’être exact.

Mais ce qui a disparu à Paris comme dans tous les lieux habités et cultivés, c’est le contact permanent de l’homme avec l’eau, la continuité des terres mouillées, et c’est, par suite, la fréquence des sources profondes et des fontaines jaillissantes.

 

X. — ABONDANCE DE SOURCES[205].

L’abondance d’eaux vives et claires, sourdant de la surface ou étalées en nappes souterraines, est un fait qu’il faut retenir et qui en expliquera bien d’autres dans l’histoire des hommes et du sol. Le spectacle qu’offre l’Auvergne au moment des pluies, de ces sources qui jaillissent de tous les rochers, qui bruissent sous chaque touffe d’herbe, claires, actives, remuantes, joyeuses, ayant chacune son allure et son murmure propres, l’homme d’autrefois le connut dans presque toutes les régions gauloises[206]. — C’est de ces sources qu’il a le plus besoin, et lui, et ses champs, et ses bestiaux : car pour tout être qui respire, la soif est un tourment plus terrible que la faim ; elles sont les conditions ou les causes de la vie du sol et de la vie de l’homme, de leur richesse ou de leur puissance à tous deux. Aussi toutes les régions du monde, malgré d’infinies différences de terrain et de climat, se sont ressemblées en ceci : que dans le désert autour des eaux d’oasis, dans la Gaule autour des sources les plus abondantes, les groupes humains se sont installés à demeure, et que toujours la fontaine de la ville et le puits du hameau sont les lieux où se croisent le plus fréquemment les hommes et les nouvelles[207].

Beaucoup de ces ruisseaux ont disparu. La fin des forêts a été, dans la campagne, celle d’un grand nombre d’entre eux[208]. Ceux qui se formaient aux abords des cités ont été supprimés au fur et à mesure que les progrès des bâtisses tarissaient ou corrompaient leurs eaux. Car les civilisations municipales, en grandissant, ont gâté les sources et sali les fleuves. Voyez ce que Paris a fait de la Seine, si limpide, si belle à regarder, si bonne à boire[209], au temps de l’empereur Julien. Nos villes transforment les puits en sentines et les rivières en égouts[210] ; et, par un étrange retour des choses, tandis qu’elles dessèchent les marécages, ces antiques foyers de peste, elles créent de nouveaux centres d’infection avec les sources bienfaisantes d’autrefois.

Mais, pour comprendre comment nos villes, grandes et petites, sont nées et ont prospéré, il faut se souvenir des sources que produisait le sol maintenant dallé. La plus heureuse de toutes, assurément, est la fontaine Nîmes : car ce nom, Nemausus, fut celui d’une source avant d’être celui de la cité qu’elle provoqua ; aujourd’hui, presque aussi riche et aussi pure qu’autrefois, la Fontaine nîmoise sort encore librement des flancs du mont Cavalier : l’abondance de ses flots, la religion filiale de son peuple, l’éloignement graduel des quartiers bâtis, lui assurent l’immortalité[211]. Mais partout ailleurs, les sources municipales ne sont plus que des souvenirs[212]. De nombreux puits s’ouvraient jadis sur la butte qui portait le plus vieux Marseille[213] ; des eaux vives couraient vers la mer dans la plaine où s’est construit le quartier de la Joliette[214]. A Bordeaux, de clairs filets d’eau descendaient des petits rochers de Saint-André et de Puy-Paulin, ou s’écoulaient a travers les marécages d’en bas, comme l’Audège du Jardin Public, la Tropeyte du cours du Chapeau-Rouge[215], et cette Divone ou Devèse de la cité primitive, qui fut jadis aussi limpide que les yeux de Minerve[216], et qui n’a survécu qu’en se laissant transformer en égout, invisible et répugnant.

 

XI. — EAUX THERMALES[217].

Seules, les eaux minérales et thermales ont été pieusement conservées par les espérances ou la reconnaissance des hommes auxquels elles étaient réservées[218]. Après vingt-cinq siècles d’existence sociale, elles gardent presque toutes leur débit, leur vogue, et leur action présumée.

Elles furent autrefois un des bienfaits et des renoms de la Gaule, et peut-être est-ce encore la France qui immobilise le plus de baigneurs dans ses stations intérieures[219]. Nul pays n’avait un plus grand nombre de sources curatives, et plus intelligemment distribuées dans toutes les régions de son territoire. Chacune de nos contrées de montagne possédera sa ligne de thermes, à la lisière même des bas pays : les Vosges et les Ardennes, de Luxeuil à Aix-la-Chapelle, les Alpes, d’Évian à Aix-en-Provence, les Pyrénées, d’Amélie-les-Bains à Dax : car, par un précieux avantage, c’est du côté gaulois que se trouve le principal cordon des eaux salutaires venues des montagnes frontières. Au centre de la contrée, les fontaines chaudes jaillissent, en une traînée presque continue, autour du plateau cévenol : Vals, Lamalou, Chaudesaigues[220], Vic, Le Mont-Dore, La Bourboule, Royat, Néris, les deux Bourbons, Vichy. Aucun malade n’était exposé à de trop longs voyages : pour peu qu’il fût confiant, il avait près de lui une source panacée. Enfin, ce qui à ce point de vue acheva de rendre la Gaule utile et fameuse, c’est que ses principales sources n’étaient pas éloignées de ses plus grands chemins. A l’est, on trouvait Aix-en-Provence[221] en arrivant d’Italie par la route du rivage, et Aix-les-Bains, par les routes des hautes Alpes[222]. Les sources d’Amélie-les-Bains[223], la Néhe de Dax aux eaux presque bouillantes[224], sortaient de terre, les unes au débouché du Pertus, et l’autre, à celui du col de Roncevaux. L’accès de Luchon, de Bagnères, de Cauterets[225] est frayé par les vallons les plus gais de la France méridionale. Vichy enfin, la station la plus populaire de toutes, est au centre même de la contrée, dans le voisinage de la Limagne et à la portée de Lyon[226]. Les eaux les plus salubres coulaient donc près des lieux où les hommes passaient ou demeuraient en plus grand nombre. La Gaule ne perdait nulle part la sensation de ces feux éternels[227] qui réchauffaient les fontaines du sol et la vie des malades.

C’étaient ces mots de santé[228], de bien-être, de richesse, d’abondance qui venaient le plus vite à l’esprit des anciens lorsqu’ils parlaient de la Gaule, qu’ils pensassent à ses eaux, à son climat, à ses blés ou à son or. Pays admirable en tout, disait l’un d’eux[229]. Il a en lui, disait un autre, les sources de son bonheur[230].

Mais au temps dont nous parlons, la Gaule ne connaissait pas entièrement ses biens, elle ne réunissait pas encore toutes les conditions qui font la bonne vie de la terre et des hommes. La nature y était plus libre, plus encombrante que maintenant ; elle enserrait les peuples de tous côtés, par ses forêts, ses marécages et ses eaux vives : moins disciplinée, elle était par là même moins variée, plus monotone. Ni la vigne ni l’olivier n’avaient paru. Les cultures ne présentaient pas cette diversité qui est la marque d’élégance de notre pays. Le contraste que la vie agricole établira plus tard entre le Nord et le Midi n’existait qu’à l’état d’ébauche. Des bouches du Rhône à celles du Rhin, la valeur du sol et les éléments de la vie ne différaient pas sensiblement.

 

 

 



[1] Desjardins, Gaule romaine, I, p. 401-466. Cf. notre t. II, chap. VIII, § 1-4, où les produits de la Gaule, à l’époque celtique, seront énumérés en détail.

[2] Daubrée, Aperçu historique sur l’exploitation des métaux dans la Gaule, 1808 (Revue archéologique) ; id., Notice supplémentaire, 1881 (même revue) ; Desjardins, Gaule romaine, I, p. 409-430. — Pour l’état actuel : Statistique de l’industrie minérale... pour l’année 1902 (Ministère des Travaux Publics), 1903, p. 9 et suiv. ; Roswag, L’Argent et l’Or, nouv. éd., 1, 1889,, p. 403-105. Sous l’ancienne monarchie : Hellot, De la Fonte des mines (traduction de Schlutter), 1, 1750, p. 1 et suiv. ; Buffon, Histoire naturelle des minéraux, II, 1783, III, 1785, in-4°.

[3] Cf. Suess, trad. fr., II, 1900, p. 864-7.

[4] Cf. les remarques de De Launay, Revue générale des Sciences, VI, 1895, p. 383-8.

[5] Et, à moins de très sérieuses raisons, il faut les croire. Desjardins (I, p. 110) n’avait pas le droit de voir dans les mines d’or pyrénéennes une imagination de Strabon.

[6] Hellot disait encore (p. V) : il y a peu d’États en Europe où il y ait autant de mines que dans ce royaume. Cf. Roswag, nouv. éd., 1889-90, 2 vol. ; Hauser, L’Or, 1901 ; Ad. de Mortillet, L’Or en Cause (Revue de l’École d’Anthropologie, XII, 1902, p. 47-72).

[7] Diodore, V, 27, 1 (Posidonius ?).

[8] Diodore, V, 27, 2 ; Ausone, Moselle, 465 (le Tarn, chez les Butènes ?) ; peut-être Strabon, IV, 2, 1 (l’Adour, les Nives et les Gaves, chez les Tarbelles ?) ; peut-être IV, 1, 13 (les rivières de l’arrière-pays de Toulouse ?) ; Posidonius apud Athénée, VI, 23, p. 233 (chez les Helvètes, ceux du Rhin moyen, entre Bâle et Mannheim ?, et chez d’autres Celtes). On signale comme cours d’eau aurifères le Rhin, l’Ariège, la Garonne, le Salat, la Doux, la Cèze, le Gard, la Vienne, l’Arve et le Rhône (cf. Mémoires de l’Ac. des Sciences, a. 1761, p. 197 et suiv.) ; du sable aurifère dans le Morbihan (Daubrée, 1881, p. 204).

[9] Strabon, IV, 2, 1 (chez les Tarbelles, Pyrénées occidentales) ; III, 2, 8 ; IV, 1, 13 (chez les Volsques Tectosages du haut Languedoc). Strabon (III, 2, 8) a bien marqué l’opposition entre les deux modes de production de l’or.

[10] Daubrée (1868, p. 300) signale des exploitations anciennes dans le Limousin (le long de l’Aurance et à Vaulry, Haute-Vienne) et dans l’Oisans (Auris) : c’est dans l’Oisans que se trouve la seule concession actuelle de mine d’or (à La Gardette, Isère, Stat., p. 42).

[11] Diodore, V, 27, 1.

[12] Βαθείαις καί κακοπαθέσι μεταλλείαις, Athénée, VI, 23, p. 233.

[13] Daubrée cite (1868, p. 301 et suiv. ; 1881, p. 204 et suiv.) des exploitations anciennes : en Savoie (Mâcot) ; dans l’Auvergne (Pontgibaud) ; dans l’Oisans (près de Huez) ; à L’Argentière dans les Hautes-Alpes ; à Saint-Félix de Pallières, à Saint-Laurent-le-Minier et ailleurs, dans le Gard ; à L’Argentière, dans l’Ardèche ; à La Garde-Freinet dans le Var ; dans les vallées de la Charente (Alloue, Melle) et de la Moselle (près de Saint-Avold) ; et ailleurs. Sur les mines des Vouges et notamment de la région de Sainte-Marie-aux-Mines, Lepage, dans l’Académie de Stanislas, 1851 (1852), p. 228 et s. Faut-il rapporter à une exploitation d’argent les noms de lieux gaulois, si fréquents, où entre le radical argent : Argenteus, l’Argens ; Argentia, la terre d’Argence à droite du Rhône d’Arles ; Argentilla, l’Arentelle, petite rivière pris de Saint-Dié ; Argentorate, Strasbourg ; Argentovaria, au sud de cette ville ; Argantomagus, Argenton ; etc. (Holder, I, c. 207-214) ? Cela est fort possible pour la plupart de ces noms, mais non prouvé.

[14] Les ρύακες άργύρου produits par l’incendie des forêts sont mentionnés pour les Alpes (Athénée, VI, 23, p. 233) et les Pyrénées (par Timée ?, De mirab. ausc., 87 ; Diodore, V, 33, 3 ; Posidonius apud Strabon, III, 2, 9) ; et, si l’origine et la nature de ces gisements sont de pures fables, ces récits prouvent au moins leur existence. Très certainement la région des Volsques Tectosages était productrice d’argent (Strabon, IV, 1, 13) ; le Conserans a livré les gisements d’Aulus, Saint-Girons et de la montagne du Pouech de Guaff (Daubrée, 1868, p. 302) ; cf. Mussy, dans le Bulletin de la Société de l’Industrie minérale, X, 1864, p. 213 et s.

[15] Strabon, IV, 2, 2 ; C. I. L., XIII, 1550. Cf. Daubrée, 1881, p. 204 et s., p. 220 et s. Sur les mines de plomb et d’argent en concession le 1er janvier 1903, Stat., p. 42 et s.

[16] César, VII, 22, 2 ; Strabon, IV, 2, 2 ; Rutilius, I, 353.

[17] Forêt d’Othe, vallée de l’Yonne (Daubrée, 1868, p. 308) ; Auxois (id., 1881, p. 336).

[18] Secturæ, dans le sens de mines de fer à ciel ouvert : César, III, 21, 3 (indigènes du pays de Sos, dans le Condomois).

[19] C. I. L., XII, 3336, 4398. On signale des accumulations de scories à Palmesalade dans le Gard (Daubrée, 1868, p. 300), d’autres traces d’exploitation ancienne dans le pays d’Alais (id., 1881, p. 347) ; cf. Émilien Dumas, Statistique géologique... du Gard, III, 1877, 155-162.

[20] Daubrée, 1868, p. 309 (forêt de Saint-Aignan).

[21] Daubrée, 1868, p. 310. En Lorraine : Bleicher et Beaupré, Bulletin archéologique, 1901, p. 283-7. Etc.

[22] Daubrée, 1881, p. 352 (au-dessus du glacier de la source de l’Arc). — Statistique, p. 30 et suiv.

[23] Cf. chap. IV, § 13 et 12.

[24] Vaulry, Soumans et ailleurs, dans la Haute-Vienne et la Creuse ; Daubrée, 1868, p. 305 ; 1881, p. 274 et suiv. ; Mallard, Gisements stannifères du Limousin, Annales des Mines, VIe s., Mém., X, 1866, p. 321-352.

[25] Dans la région de la Bosse, entre Néris et Ébreuil, communes d’Échassières, de La Lizolle, de Constansouze (Daubrée, 1881, p. 328 et suiv.) : pays qui semble avoir été partagé entre les Bituriges et les Arvernes (cf. Mélanges historiques, IV, 1882, p. 83-85). — J’ignore ce que sont les indices de mines d’étain signalés en Anjou, Gévaudan et comté de Foix (Buffon, Hist. nat. des minéraux, III, p. 136). — Étain dans la montagne d’Aubrig en Schwyz (Suisse) ; Mémoires de l’Acad. des Sciences, 1752, p. 320.

[26] A La Villeder et à Piriac ; peut-être aussi près de Guérande et de Penestin ; cf. de Limur, Bull. de la Soc. polym. du Morbihan, 1878, p. 124 et suiv. ; 1893, p. 68 et suiv. — A l’époque actuelle, il y a trois concessions de mines d’étain, à Montebres dans la Creuse, Vaulry et La Villeder ; la première est seule citée comme ayant livré 33 tonnes (Stat., p. 114, 51).

[27] Multis locis apud eos ærariæ (les Sotiates dans le Condomois), César, III, 21, 3, 10.

[28] Pline, XXXIV, 3.

[29] Cf. Pline, XXXIV, 3. Notamment à Saint-Étienne de Baïgorry dans le Pays Basque ([Palassou], Essai sur la minéralogie des monts Pyrénées, 1781, p. 13-14), à Rosières prés de Carmaux (Daubrée, 1868, p. 304). De toutes parts et dans toute l’étendue [des Pyrénées] on trouve des travaux [de mines de cuivre] qui remontent à une époque mémorable ; Daubrée, 1881, p. 270. — En 1902, treize concessions de cuivre ont donné des résultats (Ariège, Aude, Corse, Hérault, Gard, Alpes-Maritimes, Savoie) ; Stat., p. 31 *, p. 48 et suiv.

[30] Strabon, III, 2, 8 ; Méla, II, 86 ; Pline, III, 30 ; Justin, XLIV, 1, 6 ; 3, 4-5 : etc. Cf. Ardaillon dans le Dictionnaire des Antiquités, au mot Metallum, p. 1847-8.

[31] Strabon, III, 2, 8.

[32] Je songe à Huesca, Osca, où on arrivait par le Somport : car je ne peux croire que le région de Huesca, qui fut un des centres de la puissance des Ibères (cf. ch. VII, § 1), n’ait été fort argentifère.

[33] Avienus, 97 et suiv. ; Hérodote, III, 115. Cf. ch. X, § 1 et 6.

[34] 80 puits, 46 galeries ; Thalacker apud Palassou, Mémoires pour servir à l’hist. naturelle des Pyrénées, 1815, p. 481 et suiv. ; Supplément, 1821, p. 94 et suiv.

[35] Au Moyen Âge, le diocèse de Bayonne, héritier en partie de la cité des Tarbelles, engloba la Haya ; cf. Dubarat, Le Missel de Bayonne, p. XXXVII.

[36] Répertoire des carrières de pierre de taille exploitées en 1889 (publication du Ministère des Travaux Publics), 1890 ; Charpentier, Géologie et Minéralogie appliquées, 1900, p. 93 et suiv. ; Statistique de l’industrie minérale, 1903, p. 63* et suiv., p. 155 et suiv.

[37] Sarrancolin (rouge veiné de jaune ou de gris et blanc), Campan (composé, vert, isabelle ou rouge), Saint-Béat (blanc), etc. ; cf. Statistique, p. 72 * : la principale carrière actuelle est celle de la Vallée Heureuse, prés de Marquise, Pas-de-Calais (gris brun) ; autres dans le Nord ; autres dans la Sarthe, la Mayenne, l’Eure-et-Loir ; dans l’Isère, l’Hérault et l’Aude ; etc.

[38] Saint-Crispin (noir) ; Saint-Laurent en Savoie (rouge) ; etc.

[39] Cf. Statistique, p. 66* et 67*, p. 136-139. Les Landes ont leur pierre meulière.

[40] Vidal de La Blache, Tableau, p. 53.

[41] C’est ce qui explique la beauté et la grandeur des édifices de la plupart de nos villes françaises, même de second ordre, Besançon, Nancy, Metz, Poitiers, Bourges, Dijon ; Charpentier, p. 112.

[42] Pline, XXXVI, 159. On ne peut douter qu’il ne s’agisse des carrières en tuf crétacé de la montagne de Saint-Pierre, près de Maëstricht... ; mais on a songé, aussi à l’ardoise, qui abondait dans la Belgique (note envoyée par M. Halkin).

[43] Lessines dans le Hainaut belge et Quenast dans le Brabant ; Reclus, IV, p. 120 et 114. C’est de ces carrières surtout qu’on lire les pavies des grandes villes.

[44] Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne 763.699 tonnes en 1902, les trois quarts de la production totale.

[45] Utilisée dans les inscriptions : Frœhner, Catalogue, n° 109.

[46] Ce sont les λατομίαι dont parle Strabon (IV, 1, 6) ; Frœhner, n° 1. Cf. Statistique des Bouches-du-Rhône, II, p. 980 ; Répertoire, p. 36-37.

[47] Répertoire, p. 238-9.

[48] Allmer et Dissard, Musée, III, p. 28.

[49] C’est la pierre dite de Bourg ; cf. Répertoire, p. 110-111.

[50] Pierres de Saint-Vaize (a servi aux Arènes de Saintes), de Crazannes, de Saint-Savinien, toutes utilisées dans le Bordeaux gallo-romain (Inscr. rom. de Bordeaux, II, p. 462).

[51] Répertoire, p. 32-33. La principale concurrence qui leur soit faite vient des calcaires rouges, susceptibles d’un beau poli, de Damparis et Saint-Ylie dans le Jura (id., p. 133), et de ceux dits pierre de Tonnerre (p. 304-8).

[52] Ou qui ont mal bâti : la destruction des remparts gaulois est due en partie aux défauts de leur mode de construction et au mauvais choix des matériaux ; cf. Bulliot, Fouilles du mont Beuvray, I, p. 23.

[53] Et cela, même sans l’écrasement de l’inscription qu’elle reçut au Ier ou au IIe siècle : il s’agit de la borne dite de la lande de Pezèou, entre les communes d’Eyzines et de Caudéran dans la banlieue de Bordeaux ; de visu (cf. Congrès scientifique de France, XXVIII, Bordeaux, IV, 1863, p. 755-6).

[54] Les Anciens se sont surtout servis des marnes argileuses ou limoneuses (Brongniart, Traité des arts céramiques, I, 1841, p. 69).

[55] Marteaux et Le Roux, Musée de la ville d’Annecy, Musée gallo-romain, 1896, p. 63 et s.

[56] Tudot, Collection de figurines en argile, 1860, p. 77.

[57] Aujourd’hui, tous les départements, sauf neuf, livrent de l’argile pour briques et tuiles, Stat., p. 156-9 ; de l’argile à faïence et poterie et de l’argile réfractaire, p. 160-163 ; et il est certain que des régions qui en sont dites dépourvues étaient autrefois exploitées à ce point de vue (Lozère, p. ex.).

[58] On compte dans les Landes, pour 333 communes, 160 tuileries et briqueteries, sans parler des innombrables poteries.

[59] Fut-elle exploitée des Grecs ? cela n’est point certain, le texte de Vitruve (II, 3, 4), tel qu’on l’a rétabli (cf. Pline, XXXV, 171), ne semble pas viser Marseille ; et lisez le même Vitruve, II, 1, 5. Cf. Clerc, Les Ligures dans la région de Marseille, 1901 (Revue hist. de Provence), p. 21.

[60] Et cela apparaît aujourd’hui, quand on débarque au Vieux Port, ou lorsqu’on monte la route d’Aix, au milieu des tuiles rouges venues de L’Estaque et de Saint-Henri.

[61] Maintenant, par exemple, les récoltes de pommes et la fabrication du cidre sont également intenses aux deux extrémités du territoire, dans le Labourd et la Normandie.

[62] Ajoutez le millet, si nécessaire aux peuples d’autrefois (Strabon, IV, 1, 2 ; 2, 1 ; cf. V, 1, 12).

[63] Cf. Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 21, 5 ; peut-être Ammien, XVII, 8, 1.

[64] Cf. le séjour à Orléans du chef de l’intendance de César, VII, 3, 1.

[65] Cf. César, III, 20, 2 ; I, 10, 2 : Locis maxime frumentariis.

[66] Cf. César, I, 16, 3 ; I, 37, 5 ; I, 39, 1 ; I, 40, 11 ; II, 2, 6 ; VII, 90, 7 ; VIII, 4, 3 ; Claudien, De consulatu Stilichonis, III, 94.

[67] Cf. César, VII, 13, 3 ; VIII, 2, 2.

[68] César, II, 4, 6 ; Fortunat, Carm., VII, 4, 14.

[69] Encore Pline, XVIII, 835, peut-il faire allusion à la Brie quand il parle des Rèmes (s’il y a bien, dans le texte, Remorum et non Meminorum) ; cf. César, II, 3, 3 ; 9, 5.

[70] Voir tous les textes précédents des sept notes précédentes.

[71] Les latifundia Galliarum de Pline (XVIII, 206) doivent s’entendre d’immenses emblavures comme la Beauce.

[72] Cf. Strabon, IV, 2, 1.

[73] Polybe, III, 49, 5 ; César, I, 28, 3 ; Pline, XVIII, 85.

[74] Strabon semble faire allusion à ces deux contrées à propos du Rhône, lorsqu’il dit (IV, 1, 2) : Διά χώρας διέξεισι τής εύδαιμονεστάτης τών ταύτη.

[75] Strabon, IV, 6, 9.

[76] Pline, XVIII, 66. Cf. Tite-Live, XXI, 34, 1 ; Polybe, III, 51, 12.

[77] César, IV, 88, 3. C’est la région de Marseille qui produisait peut-être le moins de blé (Strabon, IV, 1, 5).

[78] Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 21, 5.

[79] Pline, XVIII, 66.

[80] Cicéron, Pro Fonteio, 2, 3 ; fr. 4, 8.

[81] Environ 7 millions d’hectares cultivés en blé et 6 3/4 millions d’hectares de prairies : voyez les statistiques des Annales du Ministère de l’Agriculture, en particulier, 1902, p. 566, 536-1.

[82] Terra est frumenti præcipue oc pabuli ferax, Méla, III, 16. De même Strabon, IV, 1, 2 ; Denys, XIV, 1.

[83] Cf. Pline, XI, 240 (Tarentaise) ; Strabon, IV, 6, 10 ; Claudien, Carm. min., LI ; Polybe, III, 51, 12 ; Tite-Live, XXI, 33, 11.

[84] Avienus, 623 ; Pline, XI, 240 (Gévaudan, Lozère et Bas Languedoc).

[85] Pline, XXI, 57.

[86] Strabon, IV, 1, 2 ; 4, 3.

[87] Strabon, IV, 1, 2.

[88] Cf. Pline, VIII, 187.

[89] Martial, XIII, 103 ; Élien, De natura animalium, XIII, 16.

[90] Pline, IX, 68 ; Ausone, Mosella, 97-103 ; Fortunat, Carm., VII, 4, 6.

[91] Polybe ap. Athénée, VIII, 4 ; Strabon, IV, 1, 6 ; Méla, II, 83 ; Pline, IX, 29-32. Dans les eaux de la Garonne, Sidoine, Epist., VIII, 12, 7.

[92] Sidoine, Epist., VIII, 12, 7 ; Gruvel dans la Revue des Études anciennes, 1903, p. 151.

[93] Ausone, Mosella, 85-149.

[94] Ibid., 116.

[95] De mirabil. auscutlat. (Timée), 89 : peut-être l’étang de Berre et la région des Martigues ; cf. Strabon, IV, 1, 6 et 8. Cf. chap. X, § 5.

[96] Élien, De natura animalium, XV, 23.

[97] Ausone, Epist., 9, 18-23 (Médoc, peut-être à La Grave ? ; cf. Sidoine, Epist., VIII, 12, 7), 27 (Marseille), 28 (Port-Vendres), 31 (Saintonge), 33 (Armorique), 36 (Vendée) ; Strabon, IV, 1, 8 (étang de Berre).

[98] Pline, XXXII, 21 ; Solin, II, 41-43.

[99] Peut-être Pline, XXXVII, 37 et 47. Sur la célébrité de l’ambre gris des côtes gasconnes, Jacob, Artikel aus Qazwinis Athdr al-bildd, 3e éd., Merlin, 1890, p. 30 (doc. arabe du Xe s.) ; Girard, Hist. de la vie du duc d’Espernon, éd. de 1655, p. 221 (Louis XIII).

[100] Hérodote, III, 113 ; Pline, XXXVII, 31 et 35 ; IV, 91 (Pythéas et Timée) ; Diodore. V, 231. Cf. chap. X, § 6.

[101] Maury, Les Forêts de la France, 1830 (Mém. prés. à l’Acad. des Inscr., IIe s., IV, 1860) ; Huffel, Économie forestière, I, 1901, p. 323 et suiv.

[102] Méla, III, 17 : Amœna lucis immanibus.

[103] Évaluation très approximative. On compte aujourd’hui, en France, plus de 9 millions d’hectares de forêts, soit 1,6 % de la superficie totale (Statistique forestière, 1878, p. 1).

[104] Mons Sylvus pinifer (mont de Cette), Festus Avienus, 609-610 ; cf. Silius, XV, 174-175. Caps boisés des Pyrénées, Silius, XV, 175. Pinifertæ Pyrenæ vertices, Avienus, 553, Holder.

[105] Cols des Pyrénées : Roncevaux (Éginhard, V. Caroli, 9), le Pertus (Silius, III, 415, 430) ; les sources du Pô (Pline, III, 122) ; le Cenis ; Dioscoride parle du larix des Alpes (I, 92), Pline de leur sapin (XVI, 197).

[106] Par exemple à l’embouchure du Rhin (Strabon, IV, 3, 4), et près de Boulogne (César, III, 28, 2, 3 et 4) ; dans le Médoc (Ausone, Epist., 4, 28) ; etc.

[107] Webster, Les Loisirs d’un étranger au Pays Basque, 1901, p. 171.

[108] Pline, XVI, 197. Vosges et Jura ont aujourd’hui les plus belles sapinières de France et peut être du monde, Huffel, I, p. 349 et suiv.

[109] César, II, 17 ; Strabon, IV, 3, 5.

[110] Pline, III, 122 (multa picea) ; Virgile, Én., X, 708 (pinifer).

[111] Strabon, IV, 4, 1. De La Borderie, Histoire de la Bretagne, I, 1896, p. 42 et suiv.

[112] Avienus, 621-4 : Cimenice regio... a prisca [opaca ?] silvis.

[113] Viso ; au col du Cenis, Polybe, III, 55, 9 ; Tite-Live, XXI, 37, 2. Les forêts du Comtat ? (monts de Vaucluse, montagnes du Lubéron) chez Strabon, IV, 1, 11.

[114] Les Pyrénées passaient, à l’époque romaine, pour beaucoup moins boisées sur le versant gaulois (Strabon, III, 4, 11) ; si le renseignement est exact, c’est que l’exploitation des mines a dû les déboiser pendant un temps, et c’est peut-être ce que voulaient dire les Anciens en parlant des incendies des forêts pyrénéennes, productrices de ruisseaux d’argent.

[115] Aujourd’hui encore : 1° la forêt d’Orléans est le plus grand massif feuillu existant en France, Huffel, p. 379 ; 2e la pignada landaise est la plus vaste forêt de France, p. 384.

[116] Huffel, I, p. 400 et suiv.

[117] La surface forestière de la France représente 18,87 % du territoire cultivé et 18,13 de la surface totale (Huffel, I, p. 390) : ce qui est une proportion intermédiaire entre la Russie par exemple, 35,7 % de la surface totale, et l’Angleterre, 4,1 % (Huffel, p. 416).

[118] Cf. Vidal de La Blache, Tableau, p. 34-36. Cf. Huffel, p. 401.

[119] Cf. Hirtius, VIII, 5, 4 ; voyez la carte de Domet, Histoire de la forêt d’Orléans, 1892.

[120] Comparer César, II, 4, 6 et 8, et 12, 4.

[121] Bois du Médoc (dumeta, Ausone, Epistolæ, 4, 28), du pays de Buch (picei Boii, Paulin de Nole, Carmina, X, 241, Hartel), des Landes près de Dax (Crinagoras, Anth. palat., IX, 419 : Δρυτόμοι)

[122] Tite-Live, XXI, 26 ; Polybe, III, 42. César, De bello civili, I, 36 ; II, 15. L’existence d’anciennes forêts dans la région d’Arles et de Beaucaire est attestée par de nombreux textes : Sylva Godesca, prés de Générac, Sylvéréal sur le Petit-Rhône, forêts de Clary, Malmont (voir Germer-Durand, Dictionnaire topographique du Gard, à ces mots), Saint-Victor près de Villeneuve, derniers termes actuels des forêts qui longeaient le Gard (Atlas forestier, 1889, n° 30).

[123] Hirtius, VIII, 33, 3 (Quercy) ; Ausone, Urbes, 102 (pinea Cebennarum) ; Avienus, 621-4 ; et. Maury, p. 193, 198, 218.

[124] Sylva Edobola, Frédégaire continué, 51 (134), p. 192, Krusch.

[125] Plène-Selve, Saint-Ciers-la-Lande.

[126] Double et landes séparent encore la région de la Gironde du Périgord et de la Charente-Inférieure ou Saintonge.

[127] Cf. la première carte de De la Borderie, Hist. de la Bretagne, I.

[128] César, I, 39,6 : Minus timidos... magnitudinem silarum.

[129] César, I, 39, 6 ; 41, 5.

[130] Cf. Ausone, Mosella, 5.

[131] Cf. Vidal de La Blache, Tableau, p. 188-193.

[132] César, II, 17, 4 ; Strabon, IV, 3, 5. Cf. Huffel, I, p. 344 et suiv.

[133] César, II, 17, 4 ; V, 3, 4 ; VI, 29, 4 ; 31, 3 ; 33, 3 ; Strabon, IV, 3, 5 ; Tacite, Annales, III, 42. Cf. p. 17, note 2. — La forêt Carbonaria (Grégoire de Tours, Hist., II, 9), dans la contrée d’Arras, Douai, Tournai, n’était que la lisière nord des Ardennes.

[134] Hercynia sylva : Aristote, Météorologiques, 1, 13, 20 ; Tite-Live, V, 34 ; César, VI, 24, 2 et 3 ; 23 ; Crinagoras, Anth. pal., IX, 419 ; Julien, Misopogon, p. 359, Spanheim ; fragm., p. 608, Hertlein, etc. ; cf. Holder, I, c. 1458-63, et chap. VI, § 2.

[135] Voyez, outre le livre de Maury : le développement sur les bois, d’Olivier de Serres, édit. de 1600, p. 783 et suiv. ; Hulfel, Économie forestière, I, 1904, p. 3 et suiv.

[136] Uri, César, VI, 28 (par Timée ?) ; Pline, VIII, 38 ; jubati bisontes, Pline, id. ; bubali, Pline, id. ; βίσωνες, Pausanias, X, 13 ; etc. Keller, Thiere des classischen Alterlhums, 1887, p. 38 et suiv.

[137] César, VI, 26 (par Timée ? cf. De mirabilibus auscultationibus, 30).

[138] Alces, César, VI, 27 (par Timée ?) ; Pline, VII, 39. César et Pline n’attribuent ces trois espèces qu’à la Germanie et à la foret Hercynienne : mais il n’est pas impossible que les Vosges et les Ardennes n’aient longtemps abrité des aurochs (cf. Grégoire de Tours, Hist., X, 10 ; Fortunat, Carm., VII, 4, 19) ou des élans (cf. Pausanias, V, 12, 1 ; IX, 21, 3 ; testament d’un Lagon, C. I. L., VIII, 5708, dern. ligne ; Fortunat, Carmina, VII, 4. 19).

[139] Sans doute aussi les ours, sinon partout, du moins en beaucoup plus d’endroits que maintenant (cf. C. I. L., XII. 533 : ours des Alpes ou de Provence ? ; XIII, 5160 ; cf. Reinach, Cultes, p. 31 et 56 : près de Berne ; monnaies des Éduens, 4823-9 ; des Rèmes ou Lingons ? 8124-32, 8142-4 ; etc. ; cf. Keller, p. 366). Le sens d’ours donné au radical gaulois arto- (Holder, l. c. 227-8) est possible, mais non prouvé, et, en tout cas, ne peut pas s’appliquer à tous les noms commençant ainsi.

[140] En 382, les loups entrèrent dans Bordeaux et v dévorèrent des chiens (Grégoire de Tours, Historia, VI, 21).

[141] Les primes à la destruction des loups sont le dernier épisode de cette lutte aussi vieille peut-être que l’homme. Aujourd’hui, les départements où l’on a le plus à détruire de loups sont la Meuse, la Dordogne, la Charente, puis la Meurthe-et-Moselle et la Vienne ; le nombre de loups ou louveteaux détruits a, de 1883 à 1900, diminué de 495 à 62 (Ministère de l’Agriculture, Bulletin, juin 1901, p. 300 ; juillet 1900. p. 244-5 ; nov. 1899, p. 1011-2).

[142] César, V, 12, 5. Hoops, Waldbäume und Kulturpflanzen im germanischen Altertum, 1905, p. 112 et s.

[143] De Candolle, Géographie botanique raisonnée, 1857, p. 472 et suiv.

[144] Strabon, IV, 1, 2 ; Pline, XVI, 33 et 240.

[145] Revue des Études anciennes, 1002, p. 276. Autres exemples dans le Nord (forêt de Haguenau, forêt de Trélon dans le dép. du Nord), de Candolle, p. 473. Dans le Languedoc et sans doute ailleurs le chêne a été souvent remplacé par le châtaignier (Ém. Dumas, Statist. géol. du Gard, III, 1877, p. 155).

[146] Pline, XVI, 75. L’érable (Pline, 66) entre pour assez peu dans les peuplements forestiers.

[147] Pline, XVI, 72.

[148] César, VI, 31, 5 ; l’if était sans doute plus abondant qu’aujourd’hui.

[149] Pline, XVI, 70, 71 : Buxus Pvrrenæis plurima ; en Corse : Pline, XVI, 71 ; Diodore, V, 14, 3.

[150] César, VI, 31, 5.

[151] Strabon, IV, 4, 3.

[152] César, VII, 23 ; III, 13.

[153] Pline, XVI, 228.

[154] Cf. plus haut, § 3, in fine. Ajoutez à cela les abeilles, répandues, dès les temps les plus anciens, par tout l’Occident, depuis la Corse jusqu’à la Norvège (Diodore, V, 14, 1 ; Strabon, IV, 5, 5).

[155] Strabon, IV. 3, 5.

[156] Cf. Arrien, Cynegetica, 36, 4.

[157] Pline, XII, 3 ; Sénèque, Ad Lucilium, 41, 3. Bœtticher, Der Baumkultus der Hellenen, 1836, p. 9 et suiv. ; Mannhardt, Antike Wald. und Feldkulte, I, 1875, II, 1877.

[158] Cf. Strabon, IV, 1, 2 ; 3, 4.

[159] C. I. L., XII, p. 901 ; etc.

[160] Cf. Maury, p. 42 et 233. Les hommes sauvages des traditions populaires, ou les sauvages, die wilden Leute (cf. Mannhardt, I, p. 72 et suiv. ; II, p. 39 et suiv.), sont en partie la transformation en mythe du souvenir des antiques populations forestières.

[161] Cf. de Dienne, Histoire du desséchement des lacs et marais en France avant 1789, 1891.

[162] Strabon, IV, 1, 2 ; 3, 4.

[163] César, III, 28, 2 ; IV, 38, 2. Cf. de Dienne, p. 47, 75.

[164] Pierre de Maillezais, De antiquitate, etc. (Labbe, Nova Bibliotheca, II, p. 223) : Collibertus... a cultu imbrium... Ira leves, etc.

[165] César, III, 28, 2 ; IV, 38, 2 ; VI, 34, 2 ; Strabon, IV, 3, 4. Fraudes locorum, Paneg. vet., 5, 8 (Bæhrens).

[166] Paneg. vet., 5, 8 : Suspensa (terra) late vacillat, etc. : très exacte description des marais flottants du Nord (Hängesäcke, bascules). Cf. Suess, II, p. 675.

[167] Cf. de Dienne, p. 9.

[168] Mémoires (de Trévoux), janvier 1743, p. 67.

[169] Même après les grands travaux des XVIIe et XVIIIe siècles, il reste encore en France 470.000 hectares d’eaux stagnantes (de Dienne, p. 4).

[170] César, VII, 19, 2.

[171] César, VII, 57, 4 ; 58, 1 et 2.

[172] César, VII, 1, 17 ; 15, 5.

[173] Dès la Crau, έν μέσω ΰδατα, Strabon, IV, 1, 7. Strabon, IV, 1 et 8, 6 et 12 ; Avienus, 611, 590 ; Méla, III, 82.

[174] De Dienne, p. 218 et suiv.

[175] Strabon, IV, 1, 12. Strabon pense en particulier, je crois, à l’étang de Jonquières (Germer-Durand, Dict. top. du Gard, p. 108).

[176] Immanis draco, terrarum aquarumque pernicies, tenebricosum nemus ad Rhodani ripam obsederat, Acta sanct., juillet, VII, p. 22.

[177] Cf. Clouzot, Les Marais de la Sèvre Niortaise et du Lay, Paris, 1904.

[178] Separis, Pierre de Maillezais, l. c., p. 223.

[179] Richelieu, Lettres, I, p. 24.

[180] Pays de Waës, Campine, Peel, Zélande, Hollande. Voyez la description de cette contrée, Paneg. vet., 5, 8 : Pæne terra non est, etc.

[181] Cf. Strabon, IX, 3, 3, 4 et 5.

[182] Salluste, Histoires, fr. I, 11, Maurenbrecher ; Paneg. vet., 5, 8.

[183] Sur la fertilité des terres marécageuses de la Toscane et du pays des Volsques, cf. de La Blanchère, Dict. des Antiquités, I, p. 1591-3.

[184] Cf., pour Rome, Tite-Live, I, 4, 4.

[185] Cf. Avienus, 707-9 : les marais avaient été creusés en larges fossés par Les Phocéens. Bouillon-Landais, La Canebière, 1836.

[186] Lucain, III, 394 et suiv.

[187] Strabon, IV, 2, 1 : Έπικείμενον λιμνοθαλάττη τινί. Delfortrie, Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, V, 1867, p. 269 et suiv.

[188] Cf. les textes réunis par Drouyn, Bordeaux vers 1450, 1874, p. 115 et suiv., et le plan ; Brutails, Cartulaire de Saint-Seurin, p. 10. Sur la forêt de Bordeaux, Rôles gascons, I, éd. Michel, p. 166, 302 ; II, éd. Bémont, p. 2, 333.

[189] Cf. Mollière, Recherches sur l’évaluation de la population des Gaules, Lyon, 1892 (Académie), p. 30 et 37 ; Allmer et Dissard, Musée de Lyon, II, p. 131 et suiv. Il est aussi question des marais du Rhône, έλωδέστατον τόπον, dans une légende sur l’origine de Vienne (Étienne de Byzance, au mot Βιέννος).

[190] Ut inter civitatem et basilicam sancti Laurentii naufragia sape contingerent, Grégoire de Tours, Historia, VI, 23.

[191] Cf. Longnon ap. Schrader, Atlas de géographie historique, n° 20.

[192] Topographie historique, etc., Région du Bourg Saint-Germain, p. 200-1.

[193] César, VII, 62, 9.

[194] Desjardins, I, p. 404-5.

[195] Oies de Germanie et des Morins, butor du Rhône ou taurus (Pline, X, 53 et 116, cf. Aristote, Probl., XXV, 2) ; oies, grues et cygnes de la Meuse (Fortunat, VII, 4, 11).

[196] César, VII, 8, 2.

[197] César, VII, 10, 1 (duris subvectionibus) ; 27, 1.

[198] César, VII, 35, 1 ; 55, 10.

[199] Polybe, III, 54, 1 ; Tite-Live, XXI, 35, 8.

[200] César, I, 18, 2.

[201] Strabon, IV, I, 2 ; Julien, cf. p. 105. Cf. Hehn, 6e éd., p. 78 et s., 113 et s.

[202] Avienus, 174-7.

[203] César, VII, 35, 1 et 55, 10.

[204] Misopogon, p. 340-1, Spanheim, p. 438, Hertlein.

[205] Cf. Huffel, Économie forestière, I, 1904, p. 82 et suiv.

[206] Cf. le texte de Solin, plus bas en note.

[207] Cf. chap. IV, § 7.

[208] Voir chez Demangeon (La Picardie, 1905, p. 129-133) toutes les sources qui, dans la région picarde, ont disparu ou qui ont émigré en bas.

[209] Misopogon, p. 340.

[210] Cf. les remarques de Belgrand, Les anciennes Eaux, 1877, surtout Préface, p. I et s.

[211] Ausone, Urbes, 161-2. Em. Dumas, Statistique géologique... du Gard, II, 1876, p. 359 et s. (précieux pour l’histoire ancienne des sources).

[212] Par exemple, à Paris, les sources du Pré-Saint-Gervais, de Belleville, la source de Savies, le ruisseau de Chaillot, les fontaines d’Auteuil (une seule subsiste) ; Belgrand, Les anciennes Eaux, p. 23, 28-20, 86 et suiv., 127, 612.

[213] Vitruve, X, 16, 1 ; cf. Fabre, Les Rues de Marseille, I, 1867, p. 201, 203, etc.

[214] Lucain, III, 383.

[215] Brutails, Cartulaire de Saint-Seurin, p. 10, 88 ; Drouyn, Bordeaux, p. 163 et suiv., 397 et suiv.

[216] Ausone, Urbes, 137-160. Je crois que la Divone, Génie de la ville, dont parle Ausone, est non pas toute la Devèse, mais une des sources qui jaillissaient au centre de la cité et qui se déversaient dans le ruisseau.

[217] Stations hydro-minérales... de la France, XIIIe Congrès internat. de méd., Paris, 1900.

[218] Pline, XXXI, 4.

[219] Solin, plus bas en note. Pline s’est rendu compte de l’importance, à cet égard, des Pyrénées (XXXI, 4) ; cf. Strabon, IV, 2, 1. — Les sources de France offrent une variété de compositions qu’on ne retrouve en aucun autre pays et suffisent à toutes les indications de la médecine thermale (Stations, p. 5). Il y avait en France, en 1902, 1320 sources autorisées (Statistique de l’ind. min., 1903, p. 83 *).

[220] Les plus chaudes de France, 82°.

[221] Pline, XXXI, 4 ; Tite-Live, Épitomé, 61.

[222] C. I. L., XII, 2443-8.

[223] C. I. L., XII, 5367.

[224] 64°. Sur la Nehe, qui est le nom primitif de la fontaine principale de Dax, Bémont, Rôles gascons, II, n° 1173, 1209, 1578 ; Crinagoras, Anth. palat., IX, 419 ; Pline, XXXI, 4.

[225] Pline, XXXI, 4 ; Strabon, IV, 2, 1 ; C. I. L., XIII, 389-91, 345-00.

[226] Desjardins, IV, p. 147 ; C. I. L., XIII, p. 200, et. Sidoine, Epist., V, 14. Vichy, la plus centrale des eaux minérales, est en même temps, je crois, la plus visitée : 70.000 baigneurs sur environ 400.000 pour la France entière.

[227] Ignibus æternis, C. I. L., XII, 1551 (la Fontaine ardente de Vif en Dauphiné).

[228] Méla, III, 16 : Salubris et noxio genere animalium minime frequens.

[229] Expositio, 58, Riese = 13, Sinko. Tout ce que nous venons de dire dans ce chapitre se trouve résumé par un auteur ancien (contemporain d’Auguste ?), que transcrit Solin (XXI, 1, Mommsen) : Galliæ... præpinguibus glebis accommodæ proventibus fructuariis, pleræque consitæ vitibus et arbustis, omni ad usum animantium fetu beatissimæ, riguæ aquis fluminunt et fontium, sed fontaneis interdum sacris et vaporantibus. Denys (XIV, 1) parle comme Solin, et peut-être d’après la même source.

[230] Josèphe, De bello Judaico, II, 28 (16), 4 (indirectement d’après Timagène ?) : Τάς δέ πηγάς... τής εύδαιμονίας έπιχωρίους έχοντες.