Texte numérisé par Marc Szwajcer
Dans la lutte engagée entre Rome et les Grecs, on est surpris de voir la partialité que l’histoire, toujours prête à amnistier le succès, n’a guère cessé de montrer envers les Romains, depuis Polybe jusqu’à nos jours. Pour n’en citer qu’un illustre exemple, avec quelle impatience et quelle animosité M. Mommsen, dans son admirable Histoire romaine, n’appelle-t-il pas la défaite et l’écrasement de la Grèce ! A son sens, les Romains sont trop modérés ; il les presse, il les harcèle ; il veut qu’ils en finissent. Il blâme Flamininus, qui est presque un philhellène ; il nomme cet affranchissement de la Grèce aux jeux Isthmiques une lourde faute, une impolitique faiblesse, une erreur généreuse, une politique de sentiment, une chimère follement libérale. Après Pydna, il gourmande Paul-Émile, qui use encore de tempéraments et fait un pèlerinage artistique en Grèce au lieu d’asservir définitivement le pays. Enfin la Grèce est sous le joug ; l’implacable historien respire, et s’écrie : « La suppression de l’indépendance vaine et vide des ligues grecques, et avec elles, de tout cet esprit de vertige hâbleur et pernicieux, devint un bonheur pour la contrée. » Voilà l’oraison funèbre de la liberté grecque ! Serait-ce que Rome justifia sa conquête en apportant à la Grèce l’ordre, la paix, la prospérité publique, l’apaisement des factions, la sécurité des personnes et des propriétés, un gouvernement fort et modéré ; tous les biens en un mot que la Grèce avait perdus, ou n’avait même jamais possédés ? Nous avons déjà vu Corinthe rasée au niveau du sol, après un pillage méthodique. Nous allons voir la Grèce, désarmée, mais non défendue, cruellement ravagée par les pirates de l’Asie Mineure ; puis l’armée de Mithridate dans les plaines de Béotie, et Sylla devant Athènes ; un siège désastreux ; deux batailles formidables, Chéronée, Orchomène ; puis des guerres civiles qui arment la moitié du monde contre l’autre ; Sylla contre Flaccus et Fimbria ; Pompée contre César ; Brutus et Cassius contre Octave et Antoine ; Antoine contre Octave ; Pharsale ; Philippes ; Actium ; luttes gigantesques, toujours engagées sur le sol ou dans les eaux de la Grèce ; et sans qu’il fût possible aux Grecs de se désintéresser de la querelle, et de ne pas prendre parti. Jamais le malheureux pays que Rome prétendait arracher au désordre n’avait vu couler autant de sang sur des champs de bataille aussi vastes, qu’après le jour où son anéantissement politique aurait dû lui valoir le privilège du repos. Mithridate, profitant de la guerre Sociale, et des luttes civiles qui déchiraient l’Italie, avait entrepris de renverser la domination romaine en Asie. Il avait commencé par faire égorger en un même jour quatre-vingt mille Romains dispersés dans vingt cités. Avec une grande justesse de vues, il comprit que sa principale chance de vaincre était de transporter les hostilités sur un champ de bataille hors de l’Asie ; de propager le soulèvement, pour menacer Rome de plus près, et finir par tendre la main à toutes les révoltes qui bouillonnaient en Italie. La Grèce l’attira comme elle avait attiré Antiochus ; et, comme Antiochus, il y rencontra la défaite, parce que ses troupes asiatiques étaient incapables de tenir tête aux légions. Mais le plan politique n’en était pas moins juste ; il était habile de faire de la Grèce l’avant-garde et le boulevard de l’Asie révoltée contre les Romains. Après soixante années de calme, pendant lesquelles une génération nouvelle était née, qui semblait avoir dû se façonner au joug d’autant plus aisément qu’elle n’avait jamais connu la liberté, la domination romaine fut renversée en Grèce avec une facilité qui surprend d’abord. Tant les nationalités, même déchues, sont longtemps vivaces ! L’insurrection eut le même caractère que le dernier soulèvement des Achéens. Elle fut exclusivement populaire. Les classes élevées s’abstinrent d’y entrer, ou émigrèrent, pour n’être pas forcées d’y prendre part. La domination romaine pesait moins lourdement sur elles que sur le peuple ; et d’ailleurs l’aristocratie savait que, dans l’état de décadence où l’avaient fait déchoir les proscriptions romaines et les luttes du dernier siècle, l’héritage du pouvoir échappé aux mains des Romains devait tomber nécessairement dans celles de quelque tyran démagogue. L’événement justifia ces craintes. Il y avait à Athènes un certain philosophe péripatéticien, nommé Aristion, fils d’Athénion, philosophe de la même secte, et d’une esclave égyptienne. Posidonius appelle même le fils Athénion, comme son père[1]. Aristion hérita, fut fait citoyen, épousa une belle femme, dit son biographe, ouvrit une école, eut des élèves[2]. Puis, rhéteur ambulant, il alla donner des leçons et faire montre de son talent à Messène, à Larisse, et revint riche à Athènes, mais toujours plus ambitieux. Mithridate préparait alors la guerre contre les Romains. Aristion se figura qu’il s’ouvrirait une grande carrière politique, s’il parvenait à engager les Grecs dans la lutte. Il obtint d’être envoyé comme ambassadeur auprès de Mithridate, et gagna la confiance du roi par sa souplesse et son esprit délié. En même temps il avait soin d’éblouir les Athéniens par les plus folles promesses. Mithridate devait révoquer les amendes que les Romains avaient imposées aux Athéniens : son alliance rétablirait la cité dans son ancienne puissance. Il pouvait d’ailleurs montrer toute l’Asie faisant déjà défection, soit par haine des Romains, soit par sympathie pour Mithridate, soit par crainte de l’ennemi le plus immédiat, et par nécessité, dans sa faiblesse, de céder toujours au puissant qui la menaçait. Satisfait de son ambassade, Aristion reprit le chemin d’Athènes. En route, une tempête le jeta à Carystos, en Eubée. Les Athéniens l’envoyèrent chercher en grande pompe, et le firent ramener dans une litière à pieds d’argent. Il entra dans la ville au milieu d’une foule enthousiaste, qui l’accueillit comme un roi vainqueur. « La plupart, » dit Posidonius, « n’admiraient en lui que ce jeu de la fortune. » En effet, voir ce maître d’école, fils d’une esclave, entrer en triomphe dans une ville où il n’était pas même né citoyen, le spectacle était bizarre ; et les Grecs en étaient arrivés à ce point de décadence politique où les révolutions, pourvu qu’elles fussent bizarres, et point trop sanglantes, amusaient le peuple et intéressaient même les sages, par la singularité des contrastes qu’elles offraient à leurs méditations. Aristion feignait d’accepter les honneurs comme choses à lui dues, et qui n’avaient rien pour l’étonner. Le lendemain de son entrée, il monta au tribunal devant le portique d’Attale ; il fit le récit de son ambassade. Il vanta en termes magnifiques la toute-puissance de Mithridate, et excita ses concitoyens à se servir d’un tel allié pour secouer le joug des Romains. On obéit avec enthousiasme ; et la foule le proclama dictateur et général en chef, sous le nom de stratège des armes. Ce chef populaire savait d’ailleurs son métier, car, en acceptant la toute-puissance, il disait au peuple : « C’est vous qui êtes le dictateur véritable. Je ne suis que votre mandataire. » Jamais tyrannie ne s’établit aussi vite, et ne fut si pesante, surtout si minutieuse. Appien dit irrévérencieusement à ce propos, qu’il n’est pire tyran que le tyran philosophe. En face de deux événements si graves, la démagogie au pouvoir, et la guerre implicitement déclarée aux Romains, un grand nombre d’Athéniens se sentant deux fois menacés, prenaient la fuite. Aristion fit aussitôt fermer les portes de la ville, et poser trente de ses satellites à chaque issue. Les fugitifs achetaient les gardes, ou bien se faisaient descendre avec des cordes, la nuit, du haut des remparts. Le tyran fit alors occuper les environs par la cavalerie qu’il chargea de ramener vers la ville tout ce qui chercherait à s’enfuir. En même temps, la terreur régnait dans Athènes, menaçant tous ceux que Posidonius appelle les bien pensants (εύ φρονοΰντες). Aristion dépouillait les riches, et amassait de gros trésors, plein des puits, dit son biographe. Ceux qui correspondaient avec les fugitifs étaient mis à mort. Dans les assemblées publiques, le tyran feignait quelquefois de se rapprocher des Romains ; afin de connaître ceux qui combattaient sa politique, il affectait d’entrer dans leurs vues. Puis il les faisait saisir et mettre à mort. Malgré les précautions prises, les fuyards furent très nombreux. La colonie athénienne d’Amisus, sur la côte du Pont, reçut un grand nombre d’entre eux. La guerre devant laquelle ils fuyaient, les y rejoignit plusieurs années après ; la ville fut prise et brûlée par les soldats de Lucullus. Celui-ci eut quelque pitié des réfugiés athéniens, et les renvoya dans leur pays, en donnant à chacun deux cents drachmes et un vêtement neuf. Le grammairien Tyrannion était parmi eux. Le plus illustre des fugitifs fut le chef de l’Académie, Philon, qui se rendit à Rome, où Cicéron s’attacha à lui et l’entendit assidûment. Toute l’aristocratie, au témoignage de Cicéron, avait fui devant Aristion, la plupart chez les Romains[3]. La guerre commençait. L’alliance entre Mithridate et Athènes était ratifiée. On frappait des monnaies au- nom de Mithridate et d’Aristion. Nous avons encore des tetradrachmes à cette effigie. La Béotie, l’Achaïe, Lacédémone, ou plutôt le parti populaire dans chacune de ces provinces, se soulevait à la voix d’Athènes. C’était le peuple qui remuait, dit Pausanias, et surtout la partie turbulente du peuple (ταραχώδες)[4]. Mithridate avait équipé une flotte immense qui portait toute une armée. Cette flotte vogua vers le Pirée, en occupant et en ravageant l’Archipel. Délos même ne fut pas épargnée. Depuis la ruine de Corinthe, Délos était devenue l’entrepôt d’un commerce immense. Elle avait dans l’Archipel le rang qu’occupe aujourd’hui Syra, dont le port est loin d’être aussi vaste et aussi sûr. Elle n’était pas fortifiée. On croyait l’île sacrée d’Apollon assez bien défendue par la majesté du dieu. Des négociants de toutes les nations, des armateurs, des voyageurs y étaient réunis sans défiance au début de la guerre. Un amiral de Mithridate, Ménophanès, fondit sur l’île désarmée ; il tua tous les hommes, fit vendre comme esclaves les femmes et les enfants ; pilla et saccagea les maisons et les magasins ; ne respecta même pas le trésor du dieu. La statue en bois d’Apollon, très ancienne et très vénérée, fut jetée par dérision à la mer, et alla échouer sur la côte de Laconie. Aristion, loin de faire respecter l’île sainte, prit sa part des trésors d’Apollon. Son agent à Délos était Apellicon de Téos ; comme lui, sorte de philosophe et de savant, qui rassemblait les manuscrits des œuvres d’Aristote, et volait des chartes originales, des autographes précieux, dédaignant les vases d’or et les pierreries. Une épitaphe, recueillie par Athénée[5], immortalisa la honte des Athéniens. Elle disait : « Ce tombeau renferme les corps des étrangers (des Romains) qui, combattant autour de Délos, ont péri dans la mer, tandis que les Athéniens, ravageant l’île sainte, prêtaient l’aide de leurs armes au roi de Cappadoce. » Cependant, le grand amiral de Mithridate, Archélaüs, ayant soumis tout l’Archipel, occupa le Pirée et toute la Grèce jusqu’aux Thermopyles. Le préteur romain Sextius contenait la Macédoine avec quelques légions. Son lieutenant, Bruttius Sura, homme énergique, obtint de détacher quelques troupes et accourut au-devant d’Archélaüs. Il le battit en Béotie. Mais d’autre part l’insurrection gagnait toute la Grèce ; le Péloponnèse était soulevé. En Béotie, Thespies restait seule fidèle aux Romains. A Rome, Sylla venait d’emporter, au prix d’une première guerre civile, le commandement de l’expédition contre Mithridate. Sans s’effrayer de laisser derrière lui Marius, exilé, mais vivant, il accourait. Lucullus vint donner l’ordre à Bruttius Sura de rétrograder ; Bruttius obéit, et la Grèce fut de nouveau inondée des soldats d’Archélaüs, qui, sous le nom d’alliés, commirent d’affreux ravages. Sylla parut en Grèce au commencement de l’année 87 avant Jésus-Christ. Il amenait cinq légions, de la cavalerie et de nombreux auxiliaires, fournis en partie par l’Etolie et la Thessalie qui étaient restées fidèles à l’alliance romaine. Il traversa la Béotie sans combat. Toutes les villes s’ouvraient devant ses forces, et devant le nom du vainqueur de la guerre Sociale. Archélaüs et Aristion reculèrent après un premier échec, et toute la résistance se concentra dans Athènes, autour d’Aristion, et dans le Pirée, où Archélaüs, maître de la mer, avait réuni sa flotte. Avant d’aller plus avant, il fallait que Sylla entreprît un double siège. Les longs murs rattachaient Athènes au Pirée. Tant qu’ils étaient debout, Athènes se ravitaillait par le Pirée, qui avait la mer libre. Sylla n’avait point de flotte pour bloquer le port. Il fallait donc isoler avant tout la ville. Les longs murs, mal entretenus depuis longtemps, furent facilement emportés. On les rasa, et les décombres servirent à élever des ouvrages nouveaux qui menaçaient la ville et le port. Une muraille faite de blocs énormes, superposés à la hauteur de quarante coudées, protégeait le Pirée. Sylla, que des motifs politiques forçaient à se hâter, tenta l’assaut dès le début. Il échoua. Il fallut entamer un siège régulier ; construire des machines d’attaque, faire venir de Béotie dix mille mulets de charge, couvrir d’ateliers la côte jusqu’à Eleusis et Mégare, abattre des forêts entières pour se procurer des matériaux. Les magnifiques ombrages de l’Académie et du Lycée, ces beaux arbres au pied desquels avaient enseigné Platon et Aristote, tombèrent sous la hache des soldats romains. Les dépenses étaient immenses ; mais la Grèce payait sa propre ruine. Sylla vida les trésors d’Olympie et d’Epidaure, il fit frapper, par les soins de Lucullus, son lieutenant, une monnaie qui garda le nom de monnaie lucullienne. Delphes même ne fut pas respectée ; un Phocidien, Caphys, fut chargé de se faire livrer le trésor par les Amphictyons. Cette entreprise impie contre un dieu grec effrayait l’âme de ce Grec. Il écrivait à Sylla : « Du fond du sanctuaire, j’ai entendu s’échapper le son d’une lyre mystérieuse. » — « Tant mieux, » répondit Sylla : « c’est que le dieu se réjouit du service qu’il va nous rendre. » Et il ajoutait : « Nous sommes les soldats des dieux, puisque ce sont les dieux qui nous paient. » L’attaque et la défense se prolongèrent avec obstination. Des intelligences nouées avec des esclaves du Pirée avaient permis de repousser avec succès une sortie vigoureuse des assiégés. Mais aux redoutes élevées par les assiégeants pour commander le port, Archélaüs opposait des tours encore plus hautes qui ripostaient avec avantage. Il avait concentré au Pirée toutes les garnisons de l’Eubée et des îles. La mer lui fournissait tout en abondance. Le siège durait déjà depuis six mois. Fortifié d’auxiliaires thraces que lui avait amenés Dromichœtès, Archélaüs tenta une grande sortie ; mais ses soldats ne pouvaient tenir en plaine contre les Romains. Ils furent battus et refoulés. Cependant la cavalerie royale ne cessait de battre impunément la plaine d’Eleusis. Sylla se mit à creuser un fossé profond ; les ennemis firent tout pour arrêter cet ouvrage. On se battit cent fois autour des travailleurs : mais le fossé fut achevé. Sylla avait déjà assez de catapultes pour lancer à la fois vingt gros boulets de plomb. En même temps, il minait la place. Archélaüs opposa la contre-mine ; et les soldats ennemis se rencontraient souvent sous la terre, et se livraient là des combats désespérés. Sylla ne cessait de construire des machines nouvelles ; mais en les approchant des murs, on rencontrait un passage miné, où elles s’abîmaient. Un assaut furieux conduisit les soldats romains jusqu’aux murailles ; mais ils furent repoussés sur la brèche qu’ils avaient ouverte ; et Archélaüs, en une nuit, répara la muraille. Sylla découragé, renonçant à prendre le Pirée, se retourna vers Athènes. De ce côté aussi les combattants semblaient ne rien pouvoir les uns contre les autres. Mais la famine travaillait pour les Romains. Tous les efforts tentés par les défenseurs du Pirée pour ravitailler Athènes avaient échoué. On mourait de faim, après six mois de siège, dans cette ville encore très peuplée. Chaque citoyen ne recevait depuis longtemps pour quatre jours qu’une chénice d’orge, soit un quart de litre par jour. Des redoutes rattachées les unes aux autres par des postes fréquents, enveloppaient si étroitement la ville, que nul ne pouvait percer les lignes romaines. La garnison épuisée, insuffisante, ne faisait pas de sorties. Les Romains de leur côté n’attaquaient point, se bornant au blocus. Tous les animaux, tous les végétaux étaient déjà dévorés. On mangeait les herbes, qu’on arrachait aux vieux murs ; les cuirs, qu’on faisait bouillir, et surtout les outres à renfermer l’huile. Le médimne de froment, mesure équivalente au demi-hectolitre, valait mille drachmes, ou 930 fr. La lampe sacrée de la déesse, au Parthénon, s’était éteinte faute d’huile, et la grande prêtresse, ayant fait demander au tyran une mesure de froment, il lui envoya par dérision une mesure de poivre. L’insolente gaieté d’Aristion ne s’était pas démentie dans ces horribles circonstances. Du haut des murailles, il ne se lassait pas de lancer contre Sylla, et contre Métella, sa femme, dont il accusait les mœurs, les plus mordantes invectives. Quoique les historiens l’accusent d’avoir passé son temps à faire bonne chère avec ses compagnons de débauche, il me paraît difficile qu’il n’eût pas lui-même sa part des souffrances communes ; il la faisait seulement la plus petite qu’il était possible ; et, si l’on ne l’a pas calomnié, buvait bien, tout en mangeant peu. La première fois que les prêtres et les sénateurs vinrent lui parler de capituler, il les fit repousser à coups de flèches par ses satellites. A la fin, il fallut céder. Deux affidés du tyran vinrent en parlementaires au camp de Sylla. Mais le malheur n’avait pas instruit la vanité athénienne. Au lieu de propositions de paix, ils n’apportèrent que de grandes phrases. Ils rappelèrent avec une satisfaction malséante des souvenirs et des noms bien surannés : Marathon, Salamine. La mémoire de ces gloires passées pesa jusqu’à la fin, d’une façon fâcheuse, sur le caractère des Athéniens. Satisfaits de raconter avec emphase les hauts faits de leurs ancêtres, il se mettaient moins en peine de les imiter. Lucien[6], pour se moquer des mauvais rhéteurs, fait dire encore par le maître à son élève : « Avant tout, mets dans tes discours du Marathon, du Cynégire. » Sylla renvoya les parlementaires avec dédain, et leur dit : « Allez donner des leçons de rhétorique à vos enfants. Le sénat et le peuple romain ne m’ont pas envoyé ici pour recevoir des leçons, mais pour châtier des rebelles. » Sur ces entrefaites, et comme les assiégés se relâchaient probablement de leur vigilance dans la pensée d’une capitulation prochaine, les espions de Sylla lui rapportèrent qu’une partie des murailles, appelée l’Heptachalcon, était gardée avec négligence. Sylla mit à profit cette indication, et la nuit suivante, fit tenter par là l’escalade. Elle réussit ; les gardiens du rempart furent surpris, égorgés ; une brèche énorme fut pratiquée dans la muraille, entre la Porte Piraïque et la Porte Sacrée. Toute l’armée se rua dans Athènes sans rencontrer de résistance. C’était la nuit du 1er mars (86 avant J.-C.) La configuration générale d’Athènes formait une circonférence assez régulière. Au centre s’élevait l’Acropole, rocher très escarpé, accessible seulement du côté de l’ouest, et qui, tout en renfermant les temples les plus fameux d’Athènes, était solidement fortifié par la nature et par les hommes, et servait de citadelle à la ville. Au nord-ouest de l’Acropole était la place publique (Agora), qui se reliait aux portes Dipyle et Sacrée par une voie large et droite, appelée le Dromos, ou, comme nous dirions, le Cours (en italien le Corso). Elle était bordée de vastes portiques dans la plus grande partie de sa longueur. Le reste de la ville présentait un enchevêtrement de rues étroites et irrégulières, qui serpentaient entre des maisons nombreuses et généralement fort petites. Les Romains entrèrent dans le Dromos, et furent en un moment au cœur de la ville. Les derniers défenseurs s’étaient retranchés dans la citadelle, avec Aristion. La foule des habitants, troupe désarmée, éperdue, épuisée par la faim, glacée par la terreur, demeurait à la merci du vainqueur. Sylla fut impitoyable[7]. Athènes l’avait outragé dans sa vanité ; entravé dans sa politique, en le retenant huit mois devant ses murs, pendant que Marius et le parti populaire triomphaient en Italie. Athènes fut abandonnée à la fureur des soldats, que cette longue résistance avait exaspérés comme leur chef. Il n’y eut de merci pour personne ; on n’épargna pas même les femmes et les enfants. Au reste ils n’attendaient pas de pitié ; car eux-mêmes se jetaient au-devant des égorgeurs. Le massacre fut tel que le sang ruissela dans les rues, le long du Dromos, et descendit jusqu’aux portes et jusqu’aux faubourgs de la ville. Une multitude d’habitants se tuèrent eux-mêmes pour échapper aux outrages[8]. Au massacre succéda le pillage. Dans plusieurs maisons, l’on trouva des cadavres humains tout préparés pour servir de nourriture. Beaucoup d’Athéniens furent vendus comme esclaves. Une épitaphe de l’Anthologie dit : « Athènes est ma ville natale. De là, l’impitoyable vainqueur de la Grèce m’a transportée en Italie, et faite habitante de Rome. Maintenant, je suis morte, et l’île de Cyzique a recueilli ma cendre[9]. » Il y avait auprès de Sylla des exilés athéniens que la terreur du démagogue Aristion avait fait sortir de la ville une année auparavant ; et des exilés romains, du parti aristocratique, qui avaient dû, pendant les derniers mois, s’enfuir de l’Italie, pour échapper aux fureurs de Mari us. Singulières destinées de ces temps tragiques ! Les vainqueurs d’Athènes étaient proscrits dans leur propre patrie ; et leurs amis, leurs parents venaient, en Italie, d’être traités ou allaient l’être bientôt, comme eux-mêmes traitaient en Grèce les vaincus. Les sénateurs romains intercédèrent pour Athènes avec les bannis athéniens. Sylla permit qu’Athènes ne fût pas détruite entièrement. Il dit qu’il pardonnait, en mémoire des anciens Athéniens, à leur ingrate postérité. De quelque façon qu’on juge le soulèvement des Grecs, les bienfaits de Rome n’avaient pas été tels que l’on pût sérieusement taxer d’ingrats les vaincus. Sylla leur enleva tous droits politiques, en promettant de les restituer à la génération suivante. En effet, au temps de Strabon, Athènes était de nouveau réputée ville libre[10]. Les murailles furent rasées ; la ville demeura ouverte jusqu’au jour où Valérien la fit de nouveau fortifier contre les invasions des Goths. Cependant le Pirée tenait encore. On battait les murs en brèche ; mais six fois la muraille abattue laissa voir une muraille nouvelle élevée derrière la brèche par l’infatigable assiégé. En même temps, un terrible danger menaçait Sylla. Taxilès, général de Mithridate, envahissait la Grèce par le Nord, avec cent mille hommes de pied, auxiliaires thraces pour la plupart, dix mille cavaliers et quatre-vingt-dix chars armés de faux. Sylla qui ne se ravitaillait que par terre, allait être affamé dans l’Attique, stérile et ravagée. La mer lui restait fermée. Depuis plusieurs mois Lucullus cherchait à rassembler pour lui une flotte en Crète, à Cyrène, en Egypte, à Rhodes, auprès de tous les alliés des Romains. Mais la saison était contraire ; et les alliés n’ignoraient pas que la faction de Marius était maîtresse à Rome ; que Sylla y était proscrit ; qu’on ne pouvait l’appuyer sans attirer sur soi la colère de Mithridate et des partisans de Marius. Un effort suprême tenté contre le Pirée donna aux Romains la ville proprement dite. Archélaüs s’était retiré dans le port de Munychie, à l’abri de la citadelle. Le Pirée fut incendié ; le magnifique arsenal construit par l’architecte Philon, et dans lequel on pouvait disposer les agrès de mille navires, fut réduit en cendres[11]. Mais Sylla ne pouvait rien contre les navires d’Archélaüs. Il renonça à assiéger une flotte qui pouvait lui échapper librement à l’heure qu’elle voudrait choisir. Il laissa Curion avec un corps d’observation devant l’Acropole, où Aristion tenait encore ; et lui-même, avec la plus grande partie de son armée, se dirigea vers la Béotie. Il ne manquait pas de gens pour blâmer cette marche. Les Romains étaient inférieurs en nombre. Etait-il sage à eux d’aller chercher le combat dans les plaines de la Béotie ? Ne valait-il pas mieux attendre l’ennemi dans la montagneuse Attique ? Mais la disette des vivres en Grèce, et la situation politique à Rome ne permettaient plus à Sylla de perdre un jour. Il alla donc au-devant des Asiatiques. En voyant Sylla s’éloigner, Archélaüs comprit qu’il n’avait pas plus d’intérêt à garder le Pirée que Sylla n’en avait eu lui-même à continuer de l’assiéger. D’ailleurs, le but était atteint dès lors qu’on avait fait perdreau général romain plus de huit mois devant une seule ville. Archélaüs leva l’ancre, et longeant la côte d’Attique et celle de Béotie, il arriva aux Thermopyles, où il réunit ses forces à celles de Taxilès. L’armée royale comptait en tout cent vingt mille hommes de toutes nations : Thraces, Pontiques, Scythes, Cappadociens, Bithyniens, Galates, Phrygiens ; tout le bassin de la mer Noire avait fourni des levées. Sylla n’avait que quarante mille hommes au plus, selon Appien ; et moins de vingt mille, selon Plutarque ; Romains, alliés latins, auxiliaires grecs et macédoniens. Les deux armées, s’étant rencontrées en Béotie, s’observèrent plusieurs jours, cherchant à se surprendre sans y réussir. Enfin Archélaüs assit son camp près de Chéronée, ayant à dos le Parnasse, l’Hélicon et les marais du lac Copaïs ; il manquait de ligne de retraite s’il était vaincu. Sylla saisit l’avantage et attaqua vivement. Sur un terrain inégal et raboteux, la cavalerie, les chars armés de faux ne purent rien contre l’infanterie romaine qu’Archélaüs essaya vainement d’envelopper et d’étouffer dans la multitude de ses fantassins. Ce mouvement décida sa perte ; les Romains se formant en une seule masse inébranlable firent tête de toutes parts, et enfoncèrent les lignes opposées. Les Asiatiques ne savaient pas reculer sans que la retraite se changeât en déroute. Ils avaient d’ailleurs à dos la montagne et les marais. La poursuite fut acharnée, le massacre immense. Archélaüs s’enfuit à Chalcis, où il réunit les débris de son armée, dix mille hommes, reste de cent vingt mille. Appien prétend que le soir de la bataille, il manquait quinze hommes aux Romains ; encore en reparut-il deux la nuit suivante. Treize morts ou disparus sur quarante mille hommes ; c’est là un de ces contes qui gâtent un peu la majesté de l’histoire ancienne. Le jour même où Sylla était vainqueur à Chéronée, la citadelle d’Athènes capitulait faute d’eau. Le tyran Aristion s’était réfugié aux pieds de la statue de Minerve, dans le Parthénon. Sylla, revenu de Béotie pour présider à ses vengeances, viola cet asile et força le tyran à prendre du poison. Pausanias attribue à cette témérité impie le mal horrible qui termina quelques années plus tard la vie de Sylla. Les complices du tyran furent réunis dans le Céramique et décimés, c’est-à-dire qu’on en mit à mort un sur dix, désigné par le sort. La résistance d’Athènes, en comprenant celle de la citadelle, avait duré près de dix mois, de juillet à mai (87-86 avant Jésus-Christ). Archélaüs n’avait plus d’armée ; mais il gardait la mer, pillait les îles, insultait les côtes. Pendant ce temps, Mithridate rassemblait des forces nouvelles ; quatre-vingt mille hommes commandés par Dorylaos, débarquèrent en Eubée, d’où on les fit passer en terre ferme. Leur cavalerie surtout était nombreuse et redoutable. Sylla, qui avait pris ses quartiers d’hiver non loin du premier champ de bataille, campait à Orchomène, à deux heures de Chéronée. Il se protégea contre la cavalerie ennemie par de nombreux fossés larges de dix pieds. Mais soit fatigue, soit dépit de voir que l’ennemi vaincu semblait renaître toujours plus fort, les Romains résistèrent mollement d’abord, quand leurs retranchements furent attaqués. Sylla eut vainement recours aux exhortations, aux prières, aux menaces ; il fallut que lui-même saisît une enseigne et s’élançât en avant, en criant : « Soldats, quand on vous demandera où vous avez abandonné votre général, dites : sur le champ de bataille d’Orchomène. » L’armée s’ébranla enfin et repoussa l’ennemi. Dix mille cavaliers asiatiques périrent. Archélaüs à son tour, voulut se retrancher dans son camp. Mais Sylla ne voulait pas qu’il lui échappât en regagnant l’île d’Eubée où lui-même, faute de flotte, n’aurait pu le suivre. Il fit creuser un fossé autour du retranchement d’Archélaüs ; puis ses soldats attaquèrent en faisant la tortue. Le camp fut emporté ; un nombre immense de barbares périrent en cherchant à fuir à travers les marais du Copaïs. Du temps de Plutarque on retirait encore tous les jours des armures de la vase où ces malheureux s’étaient noyés. Archélaüs s’enfuit sur une barque et rassembla en Eubée les misérables débris de l’armée royale. Sylla ne le craignant plus, ravagea à loisir la Béotie infidèle. Il récompensa le petit nombre de villes qui n’avaient pas abandonné les Romains[12]. Il offrit aux Thespiens une magnifique statue de Myron, qu’il ravit à Orchomène. Elatée reçut l’immunité qui en faisait une ville libre. Sylla pour dédommager les temples qu’il avait pillés, leur donna la moitié du territoire de Thèbes, qu’il laissa ruinée. Il fit raser trois villes, Halæ, Anthédon, Larymna, qui s’étaient signalées contre les Romains. Ces exécutions faites, il gagna la Thessalie, vainqueur en Grèce, mais proscrit à Rome, et n’ayant ni renforts ni subsides à attendre de l’Italie, où régnaient ses ennemis acharnés, héritiers de Marius. Sa maison, ses biens étaient pillés. Sa femme s’était enfuie à grand peine et l’avait rejoint avec les plus illustres personnages du parti aristocratique. Dans ces circonstances, Sylla souhaitait la paix autant que Mithridate. Elle fut conclue entre eux à la fin de la même année. Sylla, après avoir pillé et réorganisé la province romaine d’Asie, repassa en Grèce avant d’aller combattre ses rivaux en Italie. Il affectait une sérénité d’esprit qu’il ne devait pas ressentir. A Athènes, il se fit initier aux mystères d’Eleusis. Il philosopha dans la compagnie du Romain Atticus. Il confisqua la bibliothèque d’Apellicon de Théos, qui possédait les manuscrits des œuvres, pour la plupart inédites, d’Aristote. Sylla eut l’honneur de les rapporter à Rome, où le grammairien Tyrannion en fit le recensement, et en prépara la publication, que devait achever Andronicus de Rhodes. Sylla souffrant de la goutte, se rendit par mer à Ædipsos, en Eubée, dont les eaux minérales étaient déjà vantées[13]. Il y passa un temps assez long, dans les fêtes, au milieu des acteurs et des musiciens. Un jour, qu’il se promenait sur le bord de la mer, des pêcheurs lui offrirent de très beaux poissons. Charmé de ce présent, il demanda à ces gens d’où ils étaient : « De Halæ, dirent-ils. — Hé quoi ! reprit Sylla, Halæ existe encore ! » Après la victoire d’Orchomène, il avait, en effet, donné l’ordre de ruiner cette ville. Les pêcheurs effrayés n’osaient répondre. Sylla, s’adoucissant, leur dit, en montrant les plus beaux poissons : « Ne craignez rien ; vous êtes venus avec des intercesseurs puissants, qui demandent grâce pour vous. » — « Ces paroles, » ajoute Plutarque, « rendirent confiance aux Haléens. Ils retournèrent habiter les ruines de leur ville. » Tel était l’état moral et matériel où Sylla laissait la Grèce. Vis-à-vis de Mithridate, il avait affecté de considérer la Grèce comme innocente de sa rébellion, et victime de la violence du roi du Pont. Dans l’entrevue qu’il eut avec ce roi pour traiter de la paix, il lui reprochait « d’avoir ravi aux Grecs leur indépendance. » Il se vantait « d’avoir arraché la Grèce à la fureur de Mithridate. » Mais envers les Grecs, Sylla tenait un langage bien différent, et rejetait avec mépris les efforts qu’ils tentaient eux-mêmes pour se faire regarder comme irresponsables de cette funeste guerre. Il est certain qu’on à peine à comprendre que la plupart des historiens se soient attachés à rejeter sur Aristion tout seul la responsabilité du siège d’Athènes. Evidemment l’immense majorité de la ville, à tort ou à raison, était complice de la résistance. Une ville de cent mille âmes n’est pas assiégée huit mois, et ne tient pas fort au delà du dernier morceau de pain, contre sa volonté. C’est mal comprendre la lutte, que de la faire naître du caprice d’un seul individu. Cette guerre fut la dernière crise de l’explosion démagogique, déjà comprimée soixante années plus tôt, et le dernier soulèvement du ressentiment national ; crise sans espoir, et soulèvement même coupable au point de vue national, parce que la Grèce n’eût échappé aux Romains que pour tomber aux mains de Mithridate, maître bien plus insupportable que les plus durs des proconsuls ; et parce que Mithridate, pour dominer la Grèce, eût été forcé de s’appuyer, non pas sur l’ensemble de la nation, mais sur un parti, sur la démagogie, dont la prépondérance eût été mille fois plus funeste au pays que celle de l’aristocratie, sur laquelle s’appuyaient les Romains. Celle-ci donnait au moins un ordre passable à la Grèce ; l’autre n’eût apporté que l’anarchie sans fin, avec d’effroyables violences. La Grèce sortit de cette lutte, matériellement et moralement épuisée. Celle du Nord avait été foulée de cruelle façon par les deux armées. Athènes était saccagée ; le Pirée n’existait plus et ne se rétablit jamais. Les trésors des temples étaient vides. Lébadée avait été mise au pillage ; Panopée détruite par les soldats de Mithridate ; Thèbes et d’autres villes ruinées par les Romains. Sylla suivant l’exemple de Mummius, avait fait main basse sur les œuvres d’art ; enlevant partout les plus belles statues, les plus beaux tableaux (comme l’admirable Hippocentaure de Zeuxis, qui périt avec le navire qui l’emportait à Rome). Mais l’ébranlement moral était plus grand encore que les calamités matérielles. L’établissement de-la domination romaine, renversé comme d’un souffle, avait laissé voir à quel point il était encore fragile en Grèce. En même temps la guerre civile ne cessait plus en Italie, et dans le monde romain tout entier. Le respect sinon la crainte du nom de Rome allait diminuer en Grèce. Pendant les cinquante années qui nous séparent de l’établissement de l’empire, nous allons voir la Grèce essayer de reconquérir son indépendance à la faveur de ces guerres civiles ; mais, par une étrange fatalité, elle s’attachera toujours au parti qu’attend la défaite ; et ne devra plusieurs fois qu’à sa haute influence morale le bonheur de ne pas payer trop cher son inutile intervention militaire[14]. |
[1] Le vrai nom est Aaristion. V. A. Dumont, archives des Missions, 3e série, I, 136.
[2] Posidonius, dans Athénée, V, 211.
[3] Cicéron, Brutus. — Plutarque, Lucullus, XIX.
[4] Pausanias, I, 20.
[5] Athénée, X, p. 436.
[6] Lucien, Le maître de rhétorique.
[7] Appien, Bellum Mithrid., 38.
[8] Pausanias, X, 21, 3.
[9] Anthologie, Epigr. funér., 368.
[10] Strabon, IX, 1, 20.
[11] De quatre cents navires, selon Strabon, IX, I, 15.
[12] Pausanias, IX, 30.
[13] Strabon, X, 1, 9, p. 686 ; XIII, 1, 54, p. 906.
[14] Appien, Bellum Mithrid. —Cicéron, Acad., De orat., III, 28. — Corn. Nepos, Atticus, 3. — Dion Cassius. — Diodore de Sicile. — Florus. — Lucien, Zeuxis. — Plutarque, Sylla, Lucullus. — Posidonius, apud Athen., V, 211. — Pausanias, IX. — Strabon, IX, p. 398 ; XIII, p. 609. — Tite-Live, Epit., 81. — Velleius, II, 23.