HISTOIRE SOCIALISTE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE DEUXIÈME. — LES ÉLECTIONS ET LES CAHIERS

 

LES CAHIERS.

 

 

Ces Cahiers sont admirables d'ampleur, de vie, de netteté et d'unité. Je ne voudrais vraiment pas, en cet exposé historique tout à fait impersonnel et sincère, paraître animé d'un esprit de polémique contre Taine. Mais il a fourni aux nouvelles générations réactionnaires tant de formules d'erreur, qu'il est impossible de ne pas relever au passage ses méprises les plus graves.

Il a prétendu que toute la littérature du XVIIIe siècle était générale et abstraite et qu'en la lisant il ne trouvait point à prendre une seule note. Il a prétendu que la Révolution procédait de cet esprit d'abstraction.

Or, je ne connais rien de plus plein, de plus solide, de plus substantiel que ces Cahiers du Tiers Etat, qui sont comme l'expression suprême de la littérature française du XVIIIe siècle, et si je puis dire la plus grande littérature nationale que possède aucun peuple.

La langue en est merveilleuse de précision et de nerf : on y sent à la fois la manière mesurée, nuancée et aigué de Montesquieu et la manière sobre, amère et forte du Jean-Jacques du Contrat social. H n'y a pas une phrase vaine, pas une déclamation, pas un élan d'inutile sensibilité ; qu'on lise avec soin non seulement les admirables Cahiers de Dupont de Nemours, dont plus d'une fois j'ai parlé ; non seulement les Cahiers de Poitiers et de Châtellerault, dont je ne connais point les rédacteurs et qui sont des chefs-d'œuvre, mais presque tous les Cahiers, et on verra que jamais dans l'histoire un peuple n'eut possession plus parfaite et maniement plus sûr d'un mécanisme de langage plus exact.

La prétendue déclamation révolutionnaire n'est qu'un mot : c'est tout un monde de souffrances et d'abus, c'est aussi tout un monde d'institutions nouvelles qui est contenu et comme ramassé en chacun de ces cahiers. Au contraire de ce que dit Taine, qui visiblement ne les a point lus, on y pourrait prendre des notes innombrables sur le détail même de la vie sociale.

Même dans les Cahiers généraux qui ont forcément laissé tomber d'innombrables traits locaux et individuels, recueillis dans les Cahiers de paroisse, apparaît, si je puis dire, le relief, la figuration accidentée de la France. Des rochers brûlés de Provence où les pauvres habitants des campagnes travaillent à des travaux de sparterie maigrement payés, aux côtes de Bretagne, où les pauvres laboureurs disputent à l'avidité seigneuriale les goémons apportés par la tempête et laissés par le reflux ; de la cave des vignerons de Bourgogne où les employés des aides verbalisent sur les manquants, aux serfs de Saint-Claude, qui ne peuvent se marier sans le consentement de l'abbaye ; du maître tanneur de Nogent-le-Rotrou à l'armateur négrier de Nantes, toutes les variétés de la vie sociale éclatent dans les Cahiers : mais, surtout, c'est l'unité du mouvement qui est admirable. Partout les mêmes problèmes sont posés et partout ils reçoivent les mêmes solutions.

Et, tout d'abord, tous les Cahiers du Tiers proclament que le vote aux Etats généraux doit avoir lieu par tète et non par ordre, comme aux précédents Etats généraux : là est la clef de la Révolution.

A voter par ordres, le clergé et la noblesse auraient eu deux voix et le Tiers Etat n'en aurait eu qu'une : que lui eût importé dès lors d'avoir à lui seul autant de députés que les deux autres ordres réunis si les députés, formant numériquement la moitié des Etats, n'avaient été dans le vote qu'un tiers ?

Au contraire, avec le vote par tête, les députés du Tiers Etat étaient sûrs non seulement de faire équilibre à tous les députés réunis du clergé et de la noblesse, mais encore, grâce à leur cohésion propre et à la division des autres ordres, de déterminer d'emblée une majorité dans le sens de la Révolution. C'est là, on peut dire, la position dominante du combat.

En second lieu, tous les Cahiers du Tiers Etat proclament que la nation ne veut plus combler le déficit sans prendre des garanties, ou mieux sans organiser la liberté. Ils déclarent que ni impôt ne sera voté, ni emprunt ne sera accordé, tant que la Constitution ne sera pas faite. Le Tiers Etat a compris, suivant la merveilleuse parole de Mirabeau, « que le déficit était le trésor de la nation » et il est parfaitement résolu à utiliser à fond la détresse financière de la monarchie pour lui imposer une Constitution nationale.

Tous les Cahiers proclament que la loi doit être l'expression de la volonté générale, qu'il n'y a vraiment loi que quand la nation a décidé, et que la nation doit faire connaître son vouloir par des assemblées élues, périodiques, et délibérant en toute liberté, hors des atteintes de l'arbitraire royal et de la force militaire.

Sans doute tous les Cahiers reconnaissent que le pouvoir monarchique et héréditaire de mâle en mâle doit être conservé : et le

Tiers Etat de 1789 est absolument royaliste : mais comme le pouvoir législatif appartient à la Nation, comme c'est elle qui va exercer le pouvoir constituant, la royauté ne reste pas une simple légitimité historique : elle reçoit la consécration de la volonté nationale.

Aucun Cahier ne dit que le pouvoir royal est moralement suspendu jusqu'à ce qu'il ait été sanctionné par la nation : la bourgeoisie aurait jugé tout à fait imprudent de creuser cet abîme, sauf à le combler ensuite : mais, en fait, comme les Cahiers déclarent provisoirement illégaux tous les impôts jusqu'à ce qu'ils aient été reconnus et sanctionnés par la nation et comme la levée de l'impôt est l'acte décisif du pouvoir royal, c'est bien une sorte de suspension provisoire de l'autorité royale que prononce le Tiers Etat et il s'oblige ainsi de lui-même, non seulement pour créer la liberté, mais pour rétablir vraiment la monarchie, à organiser dès l'abord la Constitution.

Cette Constitution ne devra pas apparaître comme un expédient. Née du déficit et de la crise des finances il ne faut pas qu'elle risque d'être passagère comme cette crise même.

Il convient donc de rattacher la Constitution à un point fixe et s'il se peut, à une idée éternelle. C'est pourquoi la plupart des Cahiers demandent qu'une déclaration des droits de l'homme imprescriptibles, impérissables, inaliénables serve de fondement à la Constitution : métaphysique ? Non : mais haute tactique de pensée et précaution vitale pour donner à l'œuvre révolutionnaire une marque d'éternité et pour opposer au droit royal et féodal fondé sur la tradition et sur l'ancienneté, un droit plus ancien encore.

A ceux qui se réclament, pour couvrir leurs privilèges, de l'autorité des siècles, le Tiers Etat oppose le droit humain contemporain de l'homme, et l'humanité elle-même, la plus ancienne des institutions.

Admirable manœuvre instinctive qui déloge le privilège de la forteresse où il voulait se retrancher, le temps, et qui transfère à la liberté nouvelle la force des siècles.

Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. De là tout un système d'institutions politiques et judiciaires pour protéger la liberté de l'homme.

Sur la question de la propriété, le Tiers Etat se heurtait à une difficulté redoutable. Il voulait assurer le respect de la propriété, et comment ne l'aurait-il point voulu puisque c'est la force de la propriété bourgeoise qui préparait la Révolution ? Ici, qu'on veuille bien le remarquer, la défense de la propriété avait un caractère révolutionnaire, puisqu'il s'agissait de refouler l'arbitraire royal qui, par la levée illégale de l'impôt, expropriait violemment les classes productrices.

Mais si la bourgeoisie voulait défendre la propriété contre l'arbitraire de l'impôt, si elle voulait sauver de la banqueroute la propriété du rentier qui était une si notable part de la propriété bourgeoise, elle ne voulait pas consacrer la propriété féodale et la propriété ecclésiastique.

Mais comment affirmer le droit supérieur- de propriété pour affranchir et consolider la propriété bourgeoise sans confirmer en même temps la propriété des moines et des nobles, les droits féodaux et les biens de l'Eglise ? Justement, dans leurs Cahiers, la noblesse et le clergé, la noblesse surtout affirmaient bien le respect absolu des propriétés, de toutes les propriétés, et au nom du droit de propriété, ils prétendaient non seulement maintenir leur privilège contre toute entreprise d'expropriation, mais encore s'opposer même au rachat obligatoire des servitudes féodales.

Ils empruntaient ainsi sa formule magique à la Révolution bourgeoise pour persévérer dans les abus du passé.

La bourgeoisie allait-elle ainsi se laisser duper par ses propres principes et l'ennemi pourrait-il s'emparer, pour forcer le camp, du mot d'ordre même de la classe bourgeoise ? Le Tiers Etat se sauva par un coup hardi.

Il invoqua à la fois le droit naturel et l'histoire et il proclama que la propriété (les nobles et de l'Eglise, ou contraire au droit naturel ou ne répondant plus à son objet premier, n'avait jamais été une propriété ou avait cessé d'en être une.

C'est la formule même du Tiers Etat de Paris, au titre de la propriété : « Que tous les droits qui n'ont jamais pu être une propriété, comme présentant une violation constante du droit naturel, soient supprimés, ainsi que ceux qui étant une propriété dans le principe ont dû cesser de l'être par l'inexistence actuelle de la cause à laquelle ils étaient liés. »

Entre les deux branches de l'étau il est impossible que la propriété féodale et ecclésiastique ne soit pas écrasée. Cette combinaison du droit naturel et du droit historique est un coup de maître. N'invoquer que le droit naturel, c'était rendre difficile l'abolition de cette part de la propriété féodale qui résultait manifestement d'un contrat, et l'abolition de la propriété ecclésiastique constituée bien souvent par des donations volontaires.

D'autre part, n'invoquer que le droit historique, se borner à établir que la propriété était périmée parce qu'elle ne répondait plus à son objet premier, c'était soumettre toute la propriété, y compris la propriété bourgeoise, à la loi du temps et introduire en elle comme une menace de caducité.

Au contraire, dans la théorie du Tiers Etat, la propriété bourgeoise s'opposait doublement à la propriété féodale et ecclésiastique : car elle était d'abord conforme au droit naturel, puisqu'elle procédait de la libre activité de l'homme, et elle était aussi conforme au droit historique puisqu'elle répondait et répondrait toujours à son objet qui était de donner une forme concrète et une garantie à la liberté des individus.

Ne nous plaignons pas que la bourgeoisie ait invoqué le droit naturel pour justifier et fonder la propriété bourgeoise. Evidemment, elle transposait dans l'ordre du droit éternel une période de l'histoire humaine.

Par une illusion singulière, elle croyait que l'état bourgeois où les possédants font travailler à leur profit les salariés était l'expression définitive du droit humain, l'accomplissement de la nature humaine.

Mais cette illusion même donna aux révolutionnaires de 1789 la force d'abolir la propriété féodale et la propriété ecclésiastique séparées de la propriété bourgeoise par toute la distance de la force barbare au droit naturel. De là, la précision et la vigueur avec lesquelles les Cahiers demandent la suppression ou tout au moins le rachat obligatoire des droits féodaux.

De là aussi la hardiesse exceptionnelle de quelques cahiers qui, 'devançant le mouvement de la Révolution, déclarent que les biens ecclésiastiques doivent être vendus et que le produit de la vente doit être consacré à assurer le paiement de la dette. Et qu'on ne se méprenne point sur la portée de cette disposition.,

Tandis qu'aujourd'hui la disparition du service de la dette, comme de toute la propriété capitaliste, et l'organisation de tout un système nouveau de garanties et de droits est une nécessité révolutionnaire, en 1789, c'est le maintien, c'est la consolidation de la dette qui est l'acte révolutionnaire par excellence.

La banqueroute, en ruinant la bourgeoisie n'aurait pas suscité le prolétariat ; elle aurait simplement consacré le gaspillage monarchique et le parasitisme nobiliaire ; et elle aurait écrasé dans son germe tout l'ordre capitaliste, préparation nécessaire du socialisme.

En consacrant le produit de la vente des biens du clergé au service de la dette, la bourgeoisie révolutionnaire faisait coup double, elle précipitait la chute du vieux système et affermissait le système nouveau : ou mieux encore elle employait les gros blocs descellés de la vieille maison, à bâtir ou à étayer la maison nouvelle.

Et lorsque, avant même la réunion des Etats généraux, avant l'échec des premières opérations de finance, qui ne laissèrent d'autre ressource à la Révolution que la nationalisation des biens du clergé, le Tiers Etat en quelques-uns de ses Cahiers prévoit cette mesure, il donne la preuve d'une merveilleuse clairvoyance révolutionnaire.

Ainsi toute la Révolution était contenue dans les Cahiers : les moyens étaient marqués comme le but. Sans doute pour quelques-uns des actes les plus décisifs et les plus audacieux, comme l'expropriation générale de l'Eglise, rares sont les Cahiers qui abordent directement le problème : mais, en presque tous, il y a comme des approches.

Et tous ou presque tous tracent avec précision le plan administratif et politique de la société nouvelle ; ils organisent la responsabilité des ministres devant la nation, et ils font de l'élection, pour les assemblées municipales comme pour l'assemblée nationale, la source du pouvoir.

Tous, aussi, comme pour attester que le souffle ardent et doux de la philosophie du XVIIIe siècle avait fondu les vieilles barbaries, ils demandent plus d'humanité, même dans les lois de répression, l'abolition de la torture, le respect de l'accusé, la réduction de la peine de mort à des cas très rares. Parfois, comme une douce étoile luisant sur un âpre sommet, au-dessus des sublimes escarpements révolutionnaires s'allume une merveilleuse et tendre lueur de pitié et de bonté.

Comment choisir entre tous ces Cahiers, tous si vivants et si pleins, pour donner une idée concrète de cette grande consultation nationale ? Je veux citer seulement quelques parties du Cahier du Tiers Etat de Paris intra-muros et de Paris extra-muros.

Et si je les choisis, c'est parce que la concision heureuse de quelques-unes de leurs formules leur a valu le grand honneur de fournir en grande partie le texte de la Déclaration des Droits de l'homme. A l'Assemblée nationale, c'est le sixième bureau, celui des élus de Paris, qui fournira le projet de Déclaration des droits le mieux accueilli : et les élus n'eurent guère qu'à se rappeler les Cahiers de Paris. C'est donc Paris, en ses Cahiers, qui a donné la formule de la Déclaration immortelle, c'est de ce jour, exactement, que Paris est la capitale de la Révolution et de la France.

Voici quelques-uns des plus importants articles du Cahier de Paris hors les murs. On en admirera la clairvoyance et la fermeté, la conscience révolutionnaire et le sens pratique.

 

UNE RÉVOLUTION SE PRÉPARE

La plus puissante nation de l'Europe va se donner à elle-même une Constitution politique, c'est-à-dire une existence inébranlable dans laquelle les abus de l'autorité seront impossibles.

Ce grand ouvrage ne sera pas difficile, si les volontés sont unies et les délibérations libres.

Pour que la liberté et l'union président à l'Assemblée nationale, il faut que leur règne commence dans les Assemblées élémentaires.

Nous protestons en conséquence, tant en notre nom qu'au nom de toute la nation, contre la forme dans laquelle ont été tenues les assemblées d'électeurs.

En ce qu’après avoir été convoquées et formées, elles ont encore été présidées par des officiers publics lorsque la liberté exigeait qu'elles choisissent elles-mêmes leurs présidents, aussitôt après leur formation :

En ce qu'elles ont été soumises aux décisions provisoires des baillis, quoique la liberté exigeât que la police y fùt exercée par des présidents de leur choix et que les questions y fussent résolues à la pluralité des voix :

En ce que les Assemblées ont été obligées de se réduire, quoique la liberté exigeât que les citoyens y fussent représentés par tous les députés qu'ils avaient choisis ;

En ce que la représentation nationale a été formée d'une manière illégale, le clergé et les nobles ayant nommé immédiatement leurs représentants, tandis que ceux du Tiers Etat ont été nommés, pour les communautés comprises dans les petits bailliages, par l'intermédiaire d'une assemblée d'électeurs, pour les communautés des grands bailliages par le double intermédiaire d'une première assemblée d'électeurs et d'une seconde assemblée réduite ; pour les villes, par le triple intermédiaire de députés choisis par corporations, ensuite d'une partie de ces députés choisis aux hôtels de ville, enfin d'une moindre partie de ces députés réduits encore aux bailliages.....

En ce que les ecclésiastiques et les nobles ont joui du privilège de se faire représenter dans plusieurs bailliages, tandis que les membres du Tiers Etat n'ont pu exercer qu'un droit de représentation, et qu'en effet un seul homme ne peut jamais être compté pour deux ;

En ce que l'usage des procurations engendre un second abus, celui de donner à ceux qui en sont porteurs, l'influence de plusieurs voix ;

Enfin en ce qu'on a méconnu partout le principe fondamental, que la puissance exécutive, après la formation complétée par le serment, ne doit jamais exercer par elle-même ni par ses officiers dans les assemblées élisantes un pouvoir dont les actes blessent toujours la liberté, et ont souvent sur les élections une influence d'autant plus dangereuse qu'elle peut n'être pas manifeste.

Et, néanmoins, attendu l'urgence des conjonctures et la grandeur de l'intérêt public qui nous entraîne tous vers l'Assemblée nationale, en soumettant pour l'avenir le jugement de nos protestations aux Etats généraux, nous allons procéder à la rédaction de nos instructions :

SECTION I

OBJETS PRÉLIMINAIRES DANS LES ÉTATS GÉNÉRAUX

Les membres des Etats généraux seront déclarés personnes inviolables au jour de leur nomination.

Ils ne pourront dans aucun cas ni aucun temps être tenus de répondre à aucune sorte d'autorité judiciaire ou autre de ce qu'ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n'est aux. Etats généraux eux-mêmes.

Aucune troupe militaire ne pourra approcher plus près que de dix lieues de l'endroit où seront assemblés les Etats généraux, sans le consentement ou la demande des Etats.

La suppression de toutes les exemptions pécuniaires à la jouissance desquelles le Clergé ainsi que la Noblesse de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs se sont empressés de déclarer qu'ils renonçaient, sera convertie en loi nationale dans les Etats généraux.

On y ajoutera l'uniformité des peines pour les citoyens de tous les ordres, leur admission égale aux charges, offices et dignités, la non-dérogeante du commerce et des arts mécaniques, et la suppression de toutes servitudes personnelles.

Ces articles, une fois accordés, notre vœu est que les Etats généraux délibèrent par tête, et si ce vœu éprouvait d'abord quelque difficulté, nous désirons que, du moins, dans les cas où les ordres ne parviendraient pas à s'accorder par délibération prise séparément, ils se réunissent alors pour former une délibération définitive.

Tous les impôts qui se perçoivent sur la Nation seront déclarés illégaux, et cependant la perception en sera autorisée provisoirement ; mais seulement jusqu'au dernier jour de leur séance.

Nous regardons comme essentiel que les Etats généraux s'empressent d'établir dans leurs assemblées un ordre inaltérable, dont il nous paraît que les principes doivent être :

Une grande puissance dans le président, en ce qui concerne la police.

L'élection du président tous les quinze jours au plus tard.

Le choix alternatif dans les trois ordres de celui qui présidera l'assemblée générale.

L'adoption de règles précises et de formes lentes pour empêcher la précipitation des délibérations.

Nous désirons que toutes les propositions, opinions et délibérations soient rendues publiques, chaque jour, par la voie de l'impression.

Les Etats généraux exprimeront au Roi, dans leurs adresses et dans leurs discours, le plus profond respect pour sa personne sacrée, sans qu'aucun des membres puisse être assujetti à des formes qui dégraderaient la dignité de l'homme et blesseraient la majesté nationale. Le cérémonial sera le même pour tous les ordres.

Il nous paraît convenable que les Etats généraux s'empressent d'annoncer que la dette royale sera conVertie en dette nationale aussitôt après que la Constitution sera formée.

Les Etats généraux prendront en très grande considération la cherté actuelle des grains, et s'occuperont des moyens d'y remédier.

Ils demanderont avec instance la liberté de tous les citoyens détenus pour fait ou sous prétexte de fait de chasse.

SECTION II

DÉCLARATION DES DROITS

Nous demandons qu'il soit passé en loi fondamentale et constitutionnelle :

Que tous les hommes sont nés libres et ont un droit égal à la sûreté et à la propriété de leur personne et de leurs biens.

LIBERTÉ

Qu'en conséquence nul citoyen ne peut être enlevé à ses juges naturels.

Que nul ne peut être privé de sa liberté qu'en vertu d'une ordonnance de son juge compétent, qui répondra des abus de l'autorité qui lui est confiée.

Qu'il est défendu, sous peine de punition corporelle, à toutes personnes d'attenter à la liberté d'aucun citoyen, si ce n'est d'ordonnance de justice.

Que toute personne qui aura sollicité ou signé ce qu'on appelle lettre de cachet, ordre ministériel ou autre ordre semblable de détention ou d'exil, sous quelque dénonciation que ce soit, sera poursuivie devant les juges ordinaires et punie de peine grave.

Que les Etats généraux, jugeant les emprisonnements provisoires nécessaires dans quelques circonstances, il sera ordonné que le détenu soit remis dans les vingt-quatre heures entre les mains de son juge naturel et que l'élargissement provisoire sera toujours accordé en fournissant caution hors le cas de délit qui entraînerait peine corporelle.

Qu'aucun décret de prise de corps ne sera prononcé, que sur une accusation de crime comportant peine corporelle.

Que nul citoyen ne sera condamné à aucune peine, sinon pour une violation grave du droit d'un autre homme, ou de celui de la sûreté, et que cette violation sera déterminée par une loi précise et légalement promulguée.

Que c'est du droit naturel de tout citoyen de ne pouvoir être condamné en matière criminelle que sur la décision de ses pairs.

Que nul ne peut être accusé, persécuté, ni puni pour ses opinions et paroles, lorsqu'elles n'auront été accompagnées d'aucun acte tendant directement à l'exécution d'un crime condamné par la loi.

Que le libre usage des moyens de défense sera toujours réservé à l'accusé.

Que tout citoyen, de quelque ordre et classe qu'il soit, peut exercer librement telle profession, art, métier et commerce qu'il jugera à propos.

Que toute violation du secret à la poste sera sévèrement proscrite et punie.

Que tous les citoyens ont le droit de parler, d'écrire, d'imprimer ou de faire imprimer, sans être soumis à aucune peine, si ce n'est au cas de violation des droits d'autrui ; déclarée telle par la loi.

Que la servitude de la glèbe sera abolie.

Que l'esclavage des noirs est contre le droit naturel.

Que la différence de religion, même entre les parties contractantes, ne peut être un obstacle à la liberté des mariages ni à l'état civil des citoyens.

Que les milices et classes forcées des matelots doivent être supprimées.

PROPRIÉTÉ

Que toute propriété est inviolable, en sorte que nul citoyen ne peut en être privé, même pour raison d'intérêt public, qu'il n'en soit préalablement dédommagé, ce qui aura un effet rétroactif en faveur des propriétaires qui auraient été dépouillés de leurs biens sans en avoir été indemnisés :

Que tous les droits qui n'ont jamais pu être une propriété, comme présentant une violation constante du droit naturel, seront supprimés, ainsi que ceux qui, étant une propriété dans le principe, ont dû cesser de l'être par l'inexistence actuelle de la cause à laquelle ils étaient liés.

Que les fonctions quelconques de la puissance publique, même les plus éminentes, n'étant confiées que pour l'intérêt de la Nation, ne sont pas susceptibles de devenir une propriété, ni de créer, au profil des officiers qui en sont dépositaires, aucune espèce de droit qui puisse être opposé aux changements et à l'amélioration de l'organisation publique jugée nécessaire par la Nation[1].

Qu'à l'égard des propriétés fondées en titres, celles qui nuisent à l'intérêt public sont susceptibles de rachat.

Qu'il est libre à tout propriétaire ou cultivateur de détruire, sur ses terres, toute espèce de gibier nuisible à ses propriétés.

Que les corvées royales doivent être supprimées à jamais et converties en une prestation en argent qui sera acquittée par tous les ordres de l'Etat.

Que les rivières navigables et grands chemins publics appartiennent, quant à l'usage, à la Nation, et quant à la propriété, n'appartiennent à personne.

Que c'est un droit essentiel de tous les citoyens de pouvoir s'assembler, de faire des représentations et pétitions, et de nommer des délégués pour suivre l'effet de ces pétitions, tant auprès des Etats généraux qu'auprès du pouvoir exécutif.

SECTION III

DE LA CONSTITUTION

Nous chargeons nos députés aux Etats généraux de concourir, par tous les efforts de leur zèle, à l'établissement d'une constitution d'après les principes suivants :

La conservation du gouvernement monarchique et héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture et tempéré par les lois.

Le pouvoir législatif appartient à la Nation et la loi ne peut se faire que par la volonté générale sanctionnée par le Roi.

Le Roi est seul dépositaire du pouvoir exécutif.

La puissance judiciaire, essentiellement distincte du pouvoir législatif, ne peut être exercée au nom du Roi que par des magistrats ou par des juges approuvés par la Nation.

L'état des magistrats et officiers de justice ne pourra dépendre d'aucun acte du pouvoir exécutif, mais ils demeureront dans la dépendance absolue du pouvoir législatif de la Nation.

Aucun citoyen, même militaire, ne pourra être privé de son état que par un jugement.

Aucune loi ne sera promulguée sans une formule qui exprime le droit législatif de la Nation.

Les ministres et autres agents de l'administration seront responsables, envers la Nation, de l'autorité qui leur sera confiée.

Il sera établi, pour les Etats généraux à venir, une Constitution et une organisation complète, régulière, de manière que les députés soient également, librement et universellement élus, et exclusivement dans leur ordre, sans que, pour les élections, aucun citoyen puisse se faire représenter par procuration, et sans qu'il y ait entre les citoyens et les représentants plus qu'un seul degré d'intermédiaires, celui des électeurs.

Aucune partie de la Nation ne peut être privée du droit de représentation, et, en conséquence, les colonies françaises y enverront des députés, même, s'il est possible, pour la prochaine tenue.

Nous jugeons essentiel que les Etats s'assemblent périodiquement au plus tard, tous les trois ans, la législation et les affaires publiques ne pouvant souffrir aucun retard, et à chaque tenue d'Etat il sera procédé à une élection nouvelle.

Les Etats généraux indiqueront, avant leur séparation, le lieu de leur prochaine tenue.

Les députés aux Etats généraux ne doivent pas être considérés comme porteurs de pouvoirs particuliers, mais comme représentants de la Nation.

Il ne sera établi aucune Chambre dont les membres ne seraient pas librement et régulièrement élus par la Nation[2].

Les Etats généraux ne pourront établir aucune Commission intermédiaire pour les représenter, ni permettre à aucun corps de l'Etat d'exercer cette représentation.

Dans l'intervalle des tenues des Etats généraux, il ne pourra être fait que des règlements provisoires, nécessaires pour l'exécution des lois déjà consenties par la Nation, mais qui ne pourront être élevées à la dignité de lois que par l'Assemblée nationale.

Il sera établi des assemblées provinciales dont les districts seront déterminés par les Etats généraux, et pareillement des assemblées secondaires et des assemblées municipales, lesquelles assemblées seront composées de membres librement élus par les citoyens.

Il ne sera établi aucun impôt direct ou indirect, ouvert aucun emprunt, établi aucune banque publique, ni créé aucun office ou commission sans le consentement de la Nation assemblée en Etats généraux.

Aucun impôt ne sera consenti que pour un temps limité jusqu'à la prochaine tenue des Etats généraux ; tous impôts cesseront, par conséquent, au terme cité ; si les Etats généraux ne les rétablissent pas, à peine de concussion contre les percepteurs, ET MÊME À PEINE CONTRE CEUX QUI PAYERONT VOLONTAIREMENT D'ÊTRE POURSUIVIS COMME INFRACTEURS DES DROITS ET FRANCHISES DE LA NATION.

Tout impôt consenti sera également supporté par les citoyens de tous les ordres sans exception, et sera soumis aux mêmes règles de perception, qui se fera sur un même rôle.

La contribution de chaque province sera fixée par les Etats généraux, d'après les instructions qu'ils se procureront par la voie des administrations provinciales et par tous autres moyens.

Tous les impôts seront versés dans la caisse principale, et les administrateurs en seront comptables aux Etats généraux, et aucun impôt ne pourra être réparti, levé, ni perçu que par la Nation elle-même, qui en chargera exclusivement les assemblées provinciales, secondaires et municipales.

En cas de guerre défensive, invasion ou attaques hostiles, le Roi, comme dépositaire du pouvoir exécutif, prendra les mesures les plus promptes pour veiller à la défense publique, et, dans ce cas comme dans celui de guerre offensive déclarée par le Roi, les Etats généraux se rassembleront dans les deux mois.

Les Etats généraux prendront les mesures qu'ils jugeront les plus convenables pour garantir les citoyens des effets de l'obéissance militaire, en conciliant néanmoins les droits de la sûreté nationale avec ceux de la liberté publique.

Chaque militaire sera dans les cas ordinaires soumis au pouvoir civil et à la loi commune, de même que tous les autres citoyens.

Telles sont les bases fondamentales de la Déclaration des Droits de la Constitution que nous chargeons les représentants nationaux nommés par nous de faire ériger en Charte nationale et nous entendons que les dits représentants obtiennent sur cette charte la sanction royale, une insertion pure et simple dans les registres de tous les tribunaux supérieurs et inférieurs, de toutes les administrations principales, secondaires et municipales et la publication en affiches dans tous les lieux du royaume avant de pouvoir voter sur aucun impôt et sur aucun emprunt public...

Et attendu que la Constitution une fois formée devra régner sur toutes les parties de l'Empire et même sur les Etats généraux, la Nation qui est le pouvoir constitutionnel, pourra seule exercer ou transmettre expressément à des représentants ad hoc le droit de réformer, améliorer et de changer la Constitution qui sera faite dans les prochains Etats généraux, et à cet effet il sera convoqué une Assemblée nationale extraordinaire, qui se réunira à l'époque qui sera indiquée par le vœu bien connu des deux tiers des administrations provinciales.

 

Voilà le plan de Constitution tracé par les Cahiers de Paris extra-muros. Quel que soit mon désir de montrer par des citations précises à quel degré de netteté et de maturité était parvenue la pensée de la bourgeoisie révolutionnaire, je ne puis reproduire les chapitres relatifs à la législation. Il faut cependant que je cite la partie relative à la justice criminelle, qui est animée d'une si belle inspiration humaine...

« Quant aux lois criminelles :

Un code pénal plus doux et plus humain, qui proportionne la peine au délit, et ne laisse subsister la peine de mort que pour les crimes les plus graves ;

L'égalité des peines pour les citoyens de tous les ordres ;

La distinction des juges de fait et des juges qui appliquent la loi ; L'abolition de la question, de la sellette et des cachots ;

L'instruction publique et la faculté aux juges d'interpeller les témoins sur les circonstances de la plainte et de leurs dépositions ;

La faculté à l'accusé de se choisir tel défenseur qu'il jugera à propos, même de s'en faire assister dans les procédures de l'instruction ;

L'établissement de défenseurs gratuits pour ceux qui ne pourraient s'en procurer ;

Nous désirons que toute sentence ou arrêt contienne le motif de la condamnation et la copie littérale du texte de la loi en vertu de laquelle l'accusé sera condamné, sans que jamais il puisse l'être pour les cas résultant du procès.

L'abolition de la confiscation des biens des condamnés ;

L'inhumation des suppliciés comme celle des autres citoyens, sans faire mention du genre de mort dans l'acte mortuaire ;

L'admission des parents des condamnés à tous emplois civils, militaires et ecclésiastiques. »

 

Vraiment l'ensemble de ces Cahiers de Paris extra-muros est admirable. Non seulement ils formulent avec précision et sobriété les droits de l'homme d'où procède toute Constitution libre ; non seulement ils tracent un plan très net de Constitution ; mais ils semblent prévoir et prévenir, jusque dans les détails, tous les périls qui peuvent menacer la liberté nationale. Ils prévoient la possibilité du coup d'Etat militaire que tenta en effet la Cour dans les journées qui précédèrent le 14 juillet et ils demandent que la force militaire ne puisse approcher de plus de dix lieues des Etats généraux. Ils veulent assurer l'inviolabilité de la Nation en la personne de ses représentants inviolables. Ils vont jusqu'à prévoir le discrédit et l'impuissance où des délibérations désordonnées et tumultueuses jetteraient l'assemblée, et ils déterminent d'avance le règlement : c'est en effet la Présidence de quinzaine avec des pouvoirs de police étendus qui sera instituée par l'Assemblée nationale.

Ils organisent si fortement la périodicité des Etats généraux qu'en fait, implicitement, ils en établissent la permanence ; en interdisant aux Etats généraux de se continuer par une commission intermédiaire, ils ôtent à la royauté le moyen de transformer cette commission peu à peu asservie en une sorte de représentation nationale fictive et d'éluder ainsi la convocation des Etats généraux.

Ils dessinent d'un contour très net tout le système administratif de la Révolution qui sera une hiérarchie d'assemblées électives ; et par cette organisation ils arrachent la France à l'action contre-révolutionnaire du pouvoir exécutif royal.

Comprenant bien que la sanction suprême de la Révolution est dans le refus de l'impôt, dans la grève générale de l'impôt, ils proclament que dès maintenant tous les impôts existants sont illégaux, qu'ils ne peuvent être consentis qu'après l'établissement, la promulgation et l'affichage de la Constitution. Ils vont jusqu'à déclarer rebelles les citoyens ennemis de leur propre liberté qui consentiraient à payer l'impôt non consenti par la Nation.

Enfin, ils sentent si bien qu'à travers les orages et les difficultés de la période qui s'ouvre, le recours suprême sera toujours à la Nation ; et qu'en elle est la suprême force, la suprême sauvegarde révolutionnaire, qu'ils décident que les Etats généraux eux-mêmes ne pourront plus toucher à la Constitution une fois votée par eux ; que, pour la réviser, la Nation, seul pouvoir constituant, devra nommer une assemblée extraordinaire investie d'un mandat exprès.

Ainsi, dans un prodigieux éclair, jailli de la pensée révolutionnaire de Paris, nous entrevoyons, après la Législative qui a qualité pour légiférer, mais non pour constituer, la foudroyante Convention qui abolira la Constitution de 1791 et la royauté. La bourgeoisie révolutionnaire trace et éclaire au loin sa route et il y a vraiment entre les prévisions ou les dispositions que je viens de citer et les événements révolutionnaires une concordance merveilleuse. C'est comme un germe de pensée qui en se développant devient de l'histoire. Ô les plaisants théoriciens rétrogrades qui accusent de je ne sais quel vertige d'abstraction ces prodigieux voyants et organisateurs révolutionnaires !

Je peux maintenant, sans exposer les rédacteurs des Cahiers à être traités d'esprits abstraits et vains, détacher du Cahier du Paris intra-muros, si substantiel aussi et si ferme, la belle déclaration des droits qui deviendra avec quelques retouches la fameuse Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

DÉCLARATION DES DROITS

Dans toute société politique tous les hommes sont égaux en droits. Les droits de la nation seront établis et déclarés d'après les principes qui suivent :

Tout pouvoir émane de la Nation et ne peut être exercé que pour son bonheur.

La volonté générale fait la loi : la force publique en assure l'exécution.

La nation peut seule concéder le subside : elle a le droit d'en déterminer la qualité, d'en limiter la durée, d'en faire la répartition, d'en assigner l'emploi, d'en demander le compte, d'en exiger la publication.

Les lois n'existent que pour garantir à chaque citoyen la propriété de ses biens et la sûreté de sa personne.

Toute propriété est inviolable. Nul citoyen ne peut être arrêté et puni que par un jugement légal.

Nul citoyen, même militaire, ne peut être destitué sans jugement : Tout citoyen a le droit d'être admis à tous les emplois, professions et dignités.

La liberté naturelle, civile, religieuse de chaque homme, sa sûreté personnelle, son indépendance absolue de toute autre autorité que celle de la loi, excluent toute recherche sur ses opinions, ses discours, ses écrits, ses actions en tant qu'ils ne troublent pas l'ordre public et ne blessent pas les droits d'autrui.

En conséquence de la déclaration des droits de la nation, nos représentants demanderont expressément l'abolition de la servitude personnelle, sans aucune indemnité ; de la servitude réelle, en indemnisant les propriétaires ; de la milice forcée ; de toutes com missions extraordinaires ; de la violation de la foi publique dans les lettres confiées à la poste, et de tous les privilèges exclusifs si ce n'est pour les inventeurs, à qui ils ne seront accordés que pour un temps déterminé.

Par une suite de ces principes, la liberté de la presse doit être accordée ; sous la condition que les auteurs signeront leurs manuscrits, que l'imprimeur en répondra et que l'un et l'autre seront responsables des suites de la publicité.

La déclaration de ces droits naturels, civils et politiques, telle qu'elle sera arrêtée dans les Etats généraux, deviendra la charte nationale el la base du gouvernement français.

 

Qu'on songe bien, après avoir lu ces chapitres du Cahier du Tiers Etat de Paris que, dans tous les bailliages et sénéchaussées de France, le Tiers Etat affirmait le même principe, adoptait la même méthode, proclamait les mêmes droits de l'homme et de la nation, la même nécessité du vote par tête, la même tactique de l'impôt subordonné au vote de la Constitution et on comprendra quelle force irrésistible et une, émanée de la conscience même du pays, portaient en eux les députés du Tiers.

 

 

 



[1] Cet article vise évidemment les détenteurs des offices de judicature et des charges du parlement, et sans doute aussi, sous une forme prudente, les ecclésiastiques dans lesquels la Révolution verra, selon le mot de Mirabeau, « des officiers de morale ».

[2] Précaution contre tout système de Haute Chambre aristocratique