HISTOIRE SOCIALISTE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE DEUXIÈME. — LES ÉLECTIONS ET LES CAHIERS

 

 

 

Après quelques remises et quelques tâtonnements, la convocation des Etats généraux fut décidément fixée au 4 mai 1789. C'est dans une fièvre extraordinaire de pensée que se firent les élections. Depuis 1614 la nation n'avait pas été convoquée : et entre 1614 et 1789 il y avait plus que l'abîme du temps. La nation tout entière se porta aux élections avec tant d'ardeur, elle annonça d'emblée un propos si délibéré et si véhément de s'assurer des garanties et de fonder la liberté ; elle aborda si vaillamment dans d'innombrables livres et opuscules tous les problèmes, que la Cour fut prise d'épouvante et machina des plans de contre-Révolution au moment même où, acculée par la force des choses, elle ouvrait la Révolution.

Puériles résistances ! En vain le Parlement effrayé aussi et-scandalisé, condamna-t-il au feu les brochures révolutionnaires : le mouvement était irrésistible. Le règlement royal avait décidé que le Tiers Etat à lui seul aurait autant de députés que les autres ordres, le clergé et la noblesse réunis. Et, bien que cette proportion fût loin de répondre à la proportion réelle des forces, elle suffisait à assurer la primauté du Tiers. Aussi est-ce avec une confiance entraînante qu'il prit part aux opérations électorales. Et malgré la brièveté des délais, il put partout, en ses Cahiers, formuler sa pensée de réforme avec une ampleur et une précision admirables ; car dès longtemps elle était prête : et de toutes les communautés, de tous les bailliages, de toutes les villes, ce sont les mêmes vœux qui s'élèvent, ou plutôt les mêmes sommations.