COMPLICITÉ DES BUREAUX DE LA GUERRE I J'ai
démontré dans l'article précédent que le document cité par M. Cavaignac à la
tribune, et qui contenait le nom de Dreyfus, était un faux misérable. Je
crois que nul, après y avoir réfléchi, n'osera le contester, et je renouvelle
à M. Cavaignac le défi d'apporter ou de faire apporter par ses journaux la
moindre réponse un peu sérieuse aux raisons décisives qui ont été produites
de toutes parts, contre l'authenticité de cette pièce. Mais,
je le répète, non seulement il y a là un faux ; mais les conditions dans
lesquelles il s'est produit démontrent qu'il y a eu une complicité, plus' ou
moins étendue, des bureaux de la guerre. Sans
doute Esterhazy avait un intérêt direct à ce que cette pièce fausse fournît à
l'Etat-Major un point d'appui contre l'enquête du lieutenant-colonel
Picquart. Mais Esterhazy tout seul ne pouvait rien. D'abord
il fallait qu'il sût qu'il était mis en cause : et comment l'eût-il appris ?
Le lieutenant-colonel Picquart avait recueilli contre lui des preuves
décisives : mais il ne l'avait pas encore interrogé ; l'instruction
proprement dite n'était pas ouverte. Ce n'était donc pas par le colonel
Picquart, qui n'avait aucun intérêt à avertir avant l'heure Esterhazy, que
celui-ci a pu être mis en éveil. Evidemment,
si Esterhazy a été informé dès cette date, dès octobre et novembre 1896, des
charges relevées contre lui et des périls qu'il courait, c'est par les
bureaux de la guerre. II Il y
avait à l'Etat-Major des officiers compromis dans le procès Dreyfus : du Paty
de Clam surtout avait conduit l'instruction avec une partialité et une légèreté criminelles ; l'affaire Dreyfus se rouvrant,
il aurait eu des comptes terribles à rendre. De plus, le grand service qu'il
croyait avoir rendu à la faction cléricale de l'armée
tombait à rien si l'innocence de Dreyfus était reconnue ; les juifs
pouvaient reprendre pied dans l'armée et dans l'Etat-Major ; et les officiers
qui après avoir aidé à sa condamnation n'auraient pas su arrêter à temps
l'œuvre de réhabilitation tentée par le colonel Picquart auraient paru à la
Compagnie de Jésus de médiocres ouvriers. Donc,
dès lors, l'intérêt de ces hommes, j'entends l'intérêt le plus grossier et le
plus vil, était de faire cause commune avec le véritable coupable, avec le
véritable traître, Esterhazy. En le défendant, ils se défendaient. Quand
il y a une erreur judiciaire, une sorte de solidarité criminelle s'établit
entre les juges qui ont frappé l'innocent et le vrai coupable qui a bénéficié
de leur erreur : c'est l'intérêt commun du vrai coupable et des juges que
l'erreur ne soit pas reconnue ; et quand les juges ne se sont pas haussés,
par un effort de conscience, au-dessus de leur misérable amour-propre ou de
leur bas intérêt, cette solidarité monstrueuse du juge et du criminel aboutit
bientôt à une action commune. Le vrai
coupable et les juges se coalisent pour maintenir au bagne l'innocent : c'est
l'extrémité la plus violente et, semble-t-il, la plus paradoxale, mais la
plus logique aussi de l'institution de justice, quand une fois elle est
faussée par l'erreur et qu'elle ne consent pas elle-même à son redressement. C'est
ainsi que dès octobre et novembre 1896, à mesure que l'enquête du colonel
Picquart se hâte vers une crise, il se noue entre Esterhazy et les bureaux de
la guerre une agissante complicité. Le faux cité par M. Cavaignac est le premier produit de cette collaboration. Quelle
a été la forme exacte de celle-ci ? Quel a été, entre Esterhazy et du Paty de
Clam, le partage du travail ? Peut-être un jour le saurons-nous. Mais
qu'Esterhazy, averti du danger par l'Etat-Major, ait pris l'initiative des
faux, ou qu'au contraire les bureaux de la guerre en aient fait la commande
directe, il importe peu. Ce qui
est sûr, c'est que le faux de novembre 1896 n'est possible que par la
complicité des bureaux de la guerre. Il
fallait que le faussaire fût assuré d'avance qu'un faux aussi audacieux
recevrait bon accueil rue Saint-Dominique et ne se heurterait pas à trop de
défiance et d'esprit critique. Il
fallait aussi que le faussaire pût faire parvenir son œuvre par des voies
inaccoutumées sans passer par la filière ordinaire du service des
renseignements dirigé encore par le lieutenant-colonel Picquart. Il y avait
là comme un petit coup d'Etat d'espionnage qui n'était possible que par le
concours bienveillant des gens qui étaient dans la place. Enfin
il fallait que le faussaire eût l'assurance que le lieutenant-colonel
Picquart ne serait pas saisi du document et qu'il ne pourrait pas en
retrouver la source. C'est
en ce sens et dans ces limites que les bureaux de la guerre sont responsables
de ce premier faux. Je ne
sais si jamais une information exacte et une analyse profonde permettront de
discerner les responsabilités individuelles. Il y a, à coup sûr, dans le
crime commun des bureaux bien des degrés et bien des nuances. Les
uns, en relation personnelle et directe avec Esterhazy, ont participé
immédiatement au faux. D'autres lui ont ménagé les facilités d 'accès,
l'accueil propice. D'autres encore se sont bornés à fermer les yeux, à
accepter complaisamment l'œuvre imbécile et informe qu'on leur proposait. Enfin,
il en est peut-être qui ont été si heureux de recevoir le document décisif
qui sauvait la haute armée de l'humiliation de l'erreur, que la passion a
aboli en leur esprit tout sens critique et créé en eux, même au profit du
faux le plus inepte, une sorte de sincérité. Mais ce
qui est certain et ce qui importe, c'est que ce faux n'est explicable que par
une première coalition de la rue Saint-Dominique avec le traître Esterhazy. Ce qui
est certain aussi, c'est que du Paty de Clam, qui était particulièrement
compromis dans l'affaire Dreyfus, et que nous retrouverons tout à l'heure
dans la plus détestable machination, a dû être dès le début l'agent principal
de cette coalition criminelle. III Celle-ci
dans sa besogne frauduleuse ne devait pas s'arrêter à ce premier papier.
Cette lettre fausse de M. de Schwarzkoppen à M. Panizzardi (ou
inversement) avait
eu son office. Elle était destinée surtout à fournir à l'État-Major, un
instant ébranlé par l'enquête de Picquart, un point d'appui pour la
résistance, un prétexte à se ressaisir. Après
les lettres un peu trop abandonnées, et les concessions dangereuses du
général Gonse, il fallait reprendre ou raffermir les esprits. Il
était temps de clore la période des incertitudes et des demi-aveux, et le
document brutal oh était inscrit le nom de Dreyfus devenait comme un point de
cristallisation autour duquel les volontés, un moment
incertaines, allaient se fixer de nouveau. Apporter
à des hommes qui craignent de s'être trompés et qui ne veulent pas en
convenir la preuve trompeuse qu'ils ont été dans le vrai, mettre le mensonge
au service des prétentions d'infaillibilité n'est pas, après tout, d'une
grande audace. Esterhazy et du Paty de Clam pouvaient, sans trop de péril,
tenter ce premier coup. Mais
cela ne suffisait pas. Il ne suffisait pas non plus d'expédier au loin le
colonel Picquart. Malgré tout, son enquête demeurait. Malgré tout, le petit
bleu adressé par M. de Schwarzkoppen à Esterhazy, l'écriture d'Esterhazy
identique à celle du bordereau, les détestables renseignements recueillis sur
le traître, tout cela subsistait. Il
était donc urgent de discréditer l'enquête du colonel Picquart et le colonel
Picquart lui-même. C'est à quoi, dès son départ, les conjurés vont s'employer
en fabriquant d'autres pièces fausses. IV Le
colonel Picquart quitte Paris vers le 15 novembre 1896, trois jours avant
l'interpellation Castelin. Il part, pour une sorte d'exil mal dissimulé,
laissant derrière lui, dans les bureaux de la guerre, des ennemis
implacables, laissant son œuvre et son nom exposés à tous les assauts, à
toutes les calomnies. Il n'a qu'un moyen de défense : ce sent les lettres
qu'en septembre dernier, tout récemment, lui écrivait le général Ganse. Ces
lettres, il les confiera, quelques mois plus tard, à son ami Leblois ; s'il
vient à périr au loin ou si l'on abuse de son absence forcée pour dénaturer
ses intentions et ses actes, ce sera là, pour lui ou pour sa mémoire, une
sauvegarde, une suprême réserve d'honneur. A peine
est-il parti que les bureaux de la guerre saisissent et décachètent sa
correspondance. Et, dès les premiers jours, dès le 27 novembre 1896, les
conjurés, manœuvrant au ministère de la guerre pour le compte du traître
Esterhazy, s'imaginent qu'un trésor est tombé en leurs mains. C'est
une lettre écrite au colonel Picquart et qui contient des expressions
énigmatiques où du Paty et les autres découvrent ou veulent découvrir un sens
compromettant. Que
l'on veuille bien suivre ici avec attention, car cette aventure, qui
ressemble à un mauvais roman feuilleton, est de l'histoire, la plus
douloureuse, la plus humiliante, la plus poignante. Voici
donc, d'après le général de Pellieux déposant en cour d'assises, ce que
contenait cette lettre (tome I, page 265) : Je
me rappelle quelques expressions. Elle commençait ainsi : « Enfin le grand
œuvre est terminé et Cagliostro est devenu Robert Houdin...
» Et à la fin de la lettre il y avait cette phrase : « Tous les jours, le
demi-dieu demande s'il ne peut pas vous voir. » Voilà les points importants
de cette lettre. « Cette lettre était écrite en espagnol et signée G... » Du
coup, les amis d'Esterhazy s'imaginèrent qu'il y avait là des allusions à
l'enquête du colonel Picquart. Ils
s'imaginèrent ou feignirent de s'imaginer que le demi-dieu représentait un
personnage mystérieux, travaillant dans l'ombre à la réhabilitation de
Dreyfus et dont le colonel Picquart aurait été l'allié et l'agent. Ou plutôt
ils pensèrent qu'un jour ou l'autre ils pourraient donner à cette lettre ce
tour et ce sens : c'était un trait qu'ils pourraient empoisonner à loisir.
Joyeux, ils prirent copie de cette lettre et envoyèrent ensuite l'original au
colonel Picquart. Or,
cette lettre, nous pouvons le dire tout de suite, était la plus innocente du
monde. Elle était écrite par M. Germain Ducasse, secrétaire d'une vieille
demoiselle, Mlle Blanche de Comminges, parente et amie du colonel Picquart,
et les mots mystérieux étaient tout simplement des allusions à des
plaisanteries de société, qui avaient cours dans le cercle d'amis de Mlle de
Comminges. Le «
demi-dieu » n'était ni de près ni de loin un personnage du futur « syndicat »
Dreyfus : c'était le surnom amical donné au capitaine Lallemand, officier
d'ordonnance du général des Garets. Sur ce point,
il n'y a pas l'ombre d'un doute. Un an
plus tard, en octobre 1897, quand. le colonel
Picquart fut rappelé de Tunisie et qu'il fut interrogé par le général de
Pellieux sur cette lettre, il donna l'explication que je viens de dire et le
capitaine Lallemand, appelé en témoignage, en confirma l'exactitude. Le
général de Pellieux accepta, sans objection aucune, sans réserve, les paroles
de ce dernier. Je le répète : il n'y a là-dessus ni l'ombre d'un doute ni la
plus légère contestation. UNE LETTRE FAUSSE I Oui,
mais un mois après, l'interprétation erronée et fantastique que les bureaux
de la guerre voulaient donner à cette lettre prenait corps dans une pièce
fausse. Une lettre, signée Speranza, était adressée, le 15 décembre
1896, au colonel Picquart. Cette
lettre contenait ces mots : « Depuis votre malencontreux départ, votre œuvre
est comprise ; le demi-dieu attend des instructions pour agir. » Que cette
lettre soit un faux, ceci encore n'est plus contesté. On peut
discuter sur la qualité juridique de ce faux. On peut essayer de soutenir,
comme l'ont fait les amis d'Esterhazy et de du Paty de Clam, que ce n'est pas
un faux proprement dit, parce que le mot Speranza ne représente pas un
personnage réellement existant. On peut
se risquer à dire, comme l'ont fait Vervoort et Rochefort en leur
bienveillance attendrissante pour le délicieux uhlan, que cette pièce
frauduleuse, destinée à perdre le colonel Picquart et à le déshonorer, n'est
qu'une plaisanterie ingénieuse, une mystification dans le genre de celles de Lemice-Terrieux. On peut
même penser que M. Bertulus, le juge d'instruction saisi de ce faux, a été
téméraire en supposant que le faussaire avait cru que le mot Speranza était
espagnol et qu'en signant de ce mot il avait voulu rattacher cette lettre
fausse à la lettre authentique du 27 novembre, écrite en espagnol. Sur
tous ces points, la discussion, en effet, est ouverte, et ce ne sont pas les
non-lieux de complaisance rendus à huis clos par la chambre des mises en
accusation qui peuvent la fermer. Mais,
pour notre objet, peu nous importe. Car
il y a un fait qui ne peut pas être discute, et qui ne l'est pas. C'est que
cette lettre est fausse. C'est qu'elle a été écrite et adressée au colonel
Picquart par quelqu'un qui voulait le perdre. Le général de Pellieux, après
enquête, l'a reconnu lui-même, comme il a reconnu que deux télégrammes
adressés, un an plus tard, au colonel Picquart étaient des faux. Tandis
que le colonel Picquart attribuait ces faux à Esterhazy, le général de
Pellieux, lui, déclarait devant la cour d'assises, qu'après enquête à la
préfecture de police, il les attribuait à Souffrain (tome I, page
265). Mais
que le faux soit de Souffrain ou d'Esterhazy, il y a faux, de l'aveu même
des ennemis les plus acharnés du colonel Picquart. Or, ce
faux est destiné à faire croire que le colonel Picquart, d'accord avec le « demi-dieu »,
joue un rôle louche et machine une entreprise coupable. Il ne peut donc
avoir été écrit que par un homme qui donne au mot demi-dieu un sens suspect. Or,
comme nous venons de voir que les bureaux de la guerre avaient interprété
ainsi, par erreur, la lettre du 27 novembre décachetée et copiée par eux, le
faux, qui donne corps à cette interprétation erronée, a été certainement
commis par les bureaux de la guerre ou sur leurs indications. Libre
au général de Pellieux de dire que le faussaire est l'agent de police
Souffrain. Le juge d'instruction Bertulus affirme le contraire ; il
affirme qu'il y a pour toute cette série de faux, et notamment pour les
télégrammes ultérieurs, des charges suffisantes contre Esterhazy, sa
maîtresse Mme Pays, et du Paty de Clam. En tout
cas, Souffrain n'avait aucun intérêt direct et personnel à fabriquer ce faux
; il ne pouvait travailler que pour le compte des intéressés, c'est-à-dire
Esterhazy et les officiers compromis de l’État-Major. Et surtout il était
impossible qu'il donnât au mot « demi-dieu » le sens compromettant qu'il lui
donne dans la lettre frauduleuse du 15 décembre, s'il n'avait pas su que les
bureaux de la guerre avaient trouvé à ce mot un sens suspect dans la lettre
authentique, ouverte et transcrite par eux, du 27 novembre. La
lettre frauduleuse et fabriquée du 15 décembre fait donc écho à la lettre
authentique du 27 novembre, telle que les bureaux de la guerre l'avaient comprise ou
avaient affecté de la comprendre. Si donc
le général de Pellieux avait voulu mener son enquête jusqu'à la vérité, il ne
se fût pas arrêté à Souffrain : et dans l'hypothèse où celui-ci était le
faussaire immédiat, il eût cherché quels étaient ses inspirateurs et ses
conseillers. Il a
tourné court, parce que c'est rue Saint-Dominique même qu'il eût trouvé les
vrais coupables. Il est impossible qu'ils soient ailleurs. Dans
l'entourage du colonel Picquart et de Mile de Comminges, tout le monde savait
quel était le vrai sens du mot « demi-dieu ». Pour se risquer à employer ce
mot « demi-dieu » dans la lettre fausse du 15 décembre, en un sens absolument
inexact et compromettant, il fallait savoir que les officiers d'Etat-Major,
acharnés contre Picquart, avaient déjà donné au même mot, dans la lettre du
27 novembre, la même signification compromettante. C'est
donc dans les bureaux de la guerre qu'est l'origine certaine de cette lettre
certainement fausse.
C'est là qu'est le nid de la vipère. II Et la
monstrueuse machination de mensonge qui a pris dans son engrenage toutes les
institutions de notre pays continue avec une incroyable audace. Après avoir
inspiré et accueilli la fausse lettre des attachés militaires afin d'accabler
Dreyfus, les bureaux de la guerre, au service du traître Esterhazy,
fabriquent une fausse lettre afin de perdre Picquart, qui a révélé
l'innocence du condamné, la trahison de l'autre. Un faux
en novembre contre Dreyfus, un faux en décembre contre Picquart : les
faussaires ne chôment pas ; les stratèges de mensonge et de trahison gagnent
bataille sur bataille... Et ce
qui aggrave le crime des bureaux de la guerre contre Picquart, ce qui
démontre, dans le faux commis contre lui, une sorte de préméditation profonde
et une absolue perversité, c'est que cette lettre fausse on ne la transmet
pas au colonel Picquart. De la
lettre authentique mais mal interprétée du 27 novembre, on s'était borné à
prendre copie : on l'avait recachetée et envoyée au colonel. Mais celle-ci,
on la garde. On n'en prend pas copie ; on n'en prend pas photographie : la
photographie pourtant aurait suffi à accuser plus tard le colonel Picquart. Non, on
retient l'original, et on laisse ignorer au colonel Picquart que cette lettre
lui a été adressée. Il ne la connaîtra qu'un an plus tard, entre les mains du
général de Pellieux. Pourquoi ? Parce
que s'il recevait cette lettre fausse, il s'inquiéterait, il devinerait le
piège : il demanderait une enquête immédiate ; il vaut mieux tisser à coup
sûr, dans un coin obscur des bureaux de la guerre, la toile de mensonge ; et
plus tard, quand on le croira sans défense, on le prendra. En
gardant cette lettre, les bureaux de la guerre attestent qu'ils la savaient
fausse. A aucun degré ils n'ont été dupes. C'est dans un mensonge
parfaitement délibéré qu'ils se réservent, à l'heure propice, de faire tomber
le colonel Picquart. III Et l'on
nous demande de garder, en face de ces crimes qui s'enchaînent, le sang-froid
et la mesure ! Et l'on
ose dire qu'en dénonçant les scélératesses inouïes qui déshonorent la France
et l'armée, nous sommes les ennemis de l'armée et de la France ! Et le
député Bourrat, élu comme socialiste, demande au conseil général des
Pyrénées-Orientales qu'on nous ferme la bouche et qu'on nous brutalise ! Honte
et défi à ceux qui s'imaginent nous faire peur ! L'énormité du crime fait des
indignations à sa mesure, et j'espère bien que nous trouverons dans notre
conscience une force inépuisable de vérité, de droiture et de courage, comme
les criminels qui font la loi à la France ont trouvé dans la lâcheté publique
une force inépuisable de mensonge et de trahison. Mais
merci à ceux qui nous avertissent de contenir notre colère et de laisser
parler, de laisser agir la seule force du vrai, mesurée et invincible ! Et
quelle parole d'invective, quel cri de révolte peut égaler enfin sur l'esprit
des hommes le seul effet du drame et de sa marche logique ? L'innocent
condamné au plus atroce supplice par la rencontre terrible des passions du
dehors et des combinaisons des bureaux de la guerre ; puis, quand la vérité
apparaît, la haute armée se refusant à reconnaître l'erreur et conduite
ainsi, pour supprimer la révolte du vrai, à ajouter les pièces fausses aux
pièces fausses et à continuer sans fin le mensonge par le mensonge, dans
l'intérêt de la trahison impunie. Bourrat
peut déposer contre nous des vœux : il n'arrachera pas de l'histoire le crime
qui s'y développe avec une logique implacable et une sorte de force
organique. Ce crime est d'une belle vitalité, je l'avoue, et d'une belle
poussée ; et ceux qui entrent à son service peuvent se promettre sans doute
quelques années triomphantes. Il approprie et façonne à sa loi toutes les
forces du pays, les conseils de guerre, la haute armée, la magistrature
civile, les ministères modérés, les ministères radicaux, la presse,
l'opinion, le suffrage universel et Bourrat lui-même. Mais,
malgré tous ces appuis, le monstrueux système de trahison et de mensonge
croulera bien un jour et la France réveillée demandera sans doute des comptes
aux adorateurs d'Esterhazy qui veulent aujourd'hui exterminer à son profit
tous les hommes libres. En
attendant, acte est donné à Bourrat de sa requête aux pouvoirs publics pour
nous faire interner ou déporter. IV Donc la
lettre fausse du 15 décembre est soigneusement gardée dans un tiroir du
ministère pour éclater au jour propice contre le colonel Picquart. Elle est
contre lui une première amorce à laquelle, quand il le faudra, d'autre faux
viendront se rattacher. Mais
pendant près d'un an l'affaire Dreyfus semble rentrer en sommeil. Il n'y a
pas d'interpellation à la Chambre ; il n'y a pas de polémiqués dans les
journaux ; le colonel Picquart, promené de mission lointaine en mission
lointaine, est, en quelque sorte, hors de l'action. Seul,
M. Scheurer-Kestner poursuit silencieusement son enquête, sans que rien
encore en parvienne au dehors. Le péril semble écarté, ou tout ou moins
ajourné. L'atelier des faussaires suspend donc ses opérations. Les
bureaux de la guerre, munis déjà de la première lettre fausse, en déduisent
sournoisement, comme il résulte de la correspondance échangée en juin 1897
entre le lieutenant-colonel Henry et le lieutenant-colonel Picquart, tout un
système d'accusation contre le colonel Picquart : mais c'est le travail
obscur qui précède les crises. La
crise éclate en novembre 1897, quand la France apprend que M.
Scheurer-Kestner croit à l'innocence de Dreyfus, qu'il en a recueilli les
preuves et qu'il va saisir le gouvernement de la question. Aussitôt,
vif émoi et affolement dans le groupe d'Esterhazy et de du Paty de Clam. Immédiatement,
Esterhazy, comme nous l'avons vu, porte à la Libre Parole, sous le pseudonyme
de Dixi, un système de défense qui, bien analysé, contient des aveux
décisifs. Immédiatement
aussi, l'atelier des faussaires reprend ses opérations. FAUX TÉLÉGRAMMES I Le 10
novembre, à Sousse, en Tunisie, le colonel Picquart reçoit à la fois une
lettre vraie, authentique, du commandant Esterhazy, et deux télégrammes faux. Dans sa
lettre, Esterhazy lui disait en substance : « J'ai reçu ces temps derniers
une lettre dans laquelle vous êtes accusé formellement d'avoir soudoyé des
sous-officiers pour vous procurer de mon écriture. J'ai vérifié le fait ; il
est exact. On m'a informé aussi du fait suivant : vous auriez distrait des
documents de votre service pour en former un dossier contre moi. Le fait du
dossier est vrai. J'en possède une pièce en ce moment-ci. Une explication
s'impose. » Ainsi,
Esterhazy, se sentant protégé par les bureaux de la guerre, sachant que
ceux-ci organisent contre le colonel Picquart tout un système d'accusation,
paie d'audace. C'est sur un ton arrogant et menaçant qu'il écrit à l'homme
qui a rassemblé les preuves de sa trahison. Cette lettre suffirait à
démontrer que, dès cette époque, les bureaux de la guerre étaient complices
d'Esterhazy. Comment,
en effet, sinon par eux, Esterhazy pouvait-il savoir qu'un dossier avait été
formé contre lui par le colonel Picquart ? Comment, sinon par eux, pouvait-il
savoir que celui-ci avait rassemblé des spécimens de son écriture ? Chose
prodigieuse au moment où j'écris, on poursuit le colonel Picquart pour avoir,
dit-on, communiqué à son ami Leblois le dossier de la trahison d'Esterhazy ;
et rien ne le prouve. Mais cette lettre d'Esterhazy démontre que les bureaux
de la guerre communiquaient au traître lui-même le dossier établissant sa
trahison, et nul n'a songé, je ne dis pas à inquiéter, mais à interroger
là-dessus Esterhazy et les bureaux de la guerre. II Les
deux télégrammes faux qui parvenaient en même temps que la lettre d'Esterhazy
au colonel Picquart étaient ainsi conçus : Le
premier, signé Speranza, comme la lettre fausse de décembre 1896,
disait : « Tout est découvert ; votre œuvre est compromise ; affaire
grave. » Le
second, signé Blanche, disait : « On a des preuves que le petit
bleu a été fabriqué par Georges. » Que les
deux télégrammes soient faux, personne ne le conteste. Il était vraiment trop
absurde que des amis du colonel Picquart lui télégraphient, en clair, qu'il
était un faussaire et qu'on en avait la preuve. D'ailleurs,
il est inutile d'insister, puisque le général de Pellieux lui-même, et dans
son enquête et dans sa déposition devant la cour d'assises, a reconnu que
les deux télégrammes étaient faux. Ici
encore, Rochefort et Vervoort ne veulent voir que des gentillesses. Et
c'était pourtant la plus abominable manœuvre. Ces
deux télégrammes étaient destinés à faire croire que le colonel Picquart
avait organisé contre Esterhazy une machination scélérate. Ils étaient
destinés notamment à faire croire que le petit bleu, c'est-à-dire la lettre
écrite par M. de Schwarzkoppen à Esterhazy, et qui mit le colonel Picquart en
éveil, était l’œuvre de celui-ci. Et pour
le dire en passant, il faut bien que les bureaux de la guerre ne puissent
rien objecter de sérieux à l'authenticité du petit bleu pour qu'ils en soient
réduits à le discréditer par des manœuvres frauduleuses. Car
c'est bien des bureaux de la guerre, directement ou indirectement, que
procèdent ces deux dépêches. Qu'elles aient été envoyées par Esterhazy
lui-même ou par ses complices de l'Etat-Major il faut que les bureaux de la
guerre soient intervenus. La
première dépêche, celle qui est signée Speranza, fait suite évidemment à la
fausse lettre du 15 décembre, également signée Speranza. Le faussaire a voulu
simuler une continuité de correspondance. Mais comment pouvait-il savoir, sinon
par les bureaux de la guerre, que ceux-ci détenaient une lettre adressée
au colonel Picquart et signée Speranza ? Et comment le faussaire qui a signé
Blanche aurait-il pu parler du petit bleu, s'il n'avait su par les bureaux de
la guerre qu'au dossier de trahison recueilli par le colonel Picquart contre
Esterhazy figurait le petit bleu de M. de Schwarzkoppen ? Non
seulement donc il est incontestable et incontesté que ces deux dépêches sont
des faux, mais il est certain que ces faux supposent la complicité des
bureaux de la guerre
; et, au passage encore, je demande à M. Cavaignac comment il n'a pas eu de
doute sur l'authenticité de la pièce inepte qui contenait le nom de Dreyfus
quand il est certain que les bureaux de la guerre ont collaboré à la
fabrication des pièces fausses. III Mais ce
n'est pas tout : et des circonstances précises permettent d'affirmer, avec
une probabilité voisine de la certitude, que les deux télégrammes sont
l'œuvre d'Esterhazy lui-même et de son complice du Paty de Clam. En
effet, la lettre d'Esterhazy reçue en Tunisie par le colonel Picquart
contenait une erreur d'adresse. Elle était adressée à Tunis, tandis que le
colonel était à Sousse. De plus, elle contenait une faute d'orthographe : le
nom du colonel Picquart y était écrit Piquart, sans
C. Or, la
dépêche signée Speranza et que le colonel recevait le même jour,
contenait la même erreur d'adresse et la même faute d'orthographe que la
lettre d'Esterhazy. Elle était adressée à Tunis et elle orthographiait : Piquart. La lettre d'Esterhazy et la fausse dépêche
Speranza viennent donc de la même main. La
seconde dépêche signée Blanche était au contraire adressée à la
véritable adresse, c'est-à-dire à Sousse. Et elle contenait la véritable
orthographe, c'est-à-dire Picquart. La seconde dépêche venait donc d'un
faussaire connaissant plus exactement la situation militaire et personnelle
du colonel Picquart que le premier, ou du même faussaire plus exactement
renseigné. Le
cousin du commandant Esterhazy, Christian Esterhazy, a fait à ce sujet,
devant le juge d'instruction Bertulus, une déposition tout à fait précise. Il
affirme que pendant toute cette crise le commandant du Paty de Clam et le
commandant Esterhazy étaient en relations presque journalières : et c'est lui
qui leur servait d'intermédiaire. Il
affirme que la dame voilée, dont nous allons parler bientôt et qui
communiquait à Esterhazy des dossiers secrets du ministère, n'était autre que
du Paty de Clam lui-même. Et, en
même temps, voici ce qu'il dépose sur les faux télégramme Blanche et Speranza
: « Le commandant m'en a parlé souvent, ainsi que du Paty. C'est pour
compromettre Picquart, dirent-ils, et pour le débusquer, qu'ils imaginèrent
le subterfuge. Deux télégrammes lui furent envoyés sur le conseil de
du Paty de Clam. Le premier, celui de « Speranza », a été dicté par le
colonel, écrit par Mme Pays, mis à la poste par le commandant Esterhazy.
Mais, dans la même journée, le colonel du Paty de Clam fait part au commandant
Esterhazy de ses craintes que le télégramme transmis n'arrive point à
destination, par suite d'une erreur d'orthographe faite au nom du colonel
Picquart et dont il s'est aperçu trop tard en consultant l'Annuaire
militaire. On avait oublié le C. Et comme il était nécessaire de poursuivre
l'aventure, qu'il ne fallait pas abandonner ce dessein pour une cause si
futile, on décida d'expédier un second télégramme. Le colonel du Paty
de Clam l'écrivit ou le dicta — mes souvenirs sont ici un peu moins précis —
et le commandant l'envoya. Il était signé Blanche. » Je ne
discute pas la moralité de Christian Esterhazy. Evidemment puisqu'il a
accepté, pendant des mois, le rôle suspect que lui faisait jouer son cousin,
elle est médiocre. D'autre
part, le juge Bertulus affirme dans son ordonnance du 28 juillet dernier : « qu'il
résulte de l'information que le lieutenant-colonel du Paty de Clam a eu des
relations répétées avec Walsin Esterhazy, la fille
Pays et Christian Esterhazy. » Il
affirme « que les dires de ce dernier sont formels et corroborés notamment
par la carte postale cotée 27 sous scellés A ». Et si
l'on nous objecte que la chambre des mises en accusation a écarté le système
du juge Bertulus comme insuffisamment fondé, il nous serait aisé de répondre
que la magistrature continue le système d'étouffement pratiqué dans l'affaire
Dreyfus. Partout
le huis clos, dans le procès Dreyfus, dans le procès Esterhazy ; quand on est
obligé, comme dans le procès Zola, de poursuivre au grand jour de la cour
d'assises, on Inutile la poursuite pour mutiler la preuve. Dans l'article de
Zola, où tout se tient, on ne relève qu'une phrase ; puis on trouve que c'est
trop et au second procès Zola, devant la cour de Versailles, on ne poursuit
plus qu'un membre de phrase. Partout
la nuit, le silence forcé, l'étranglement. Il
n'est pas étrange que la chambre des mises en accusation, voyant que
l'implacable engrenage du vrai allait prendre du Paty après Esterhazy, et
après ceux-ci d'autres, ait arrêté net et cassé le mécanisme. IV Mais
nous avons une autre réponse et plus décisive. Pourquoi ne poursuit-on pas
Christian Esterhazy ? Il affirme sous serment devant les juges, il affirme
publiquement dans un journal que du Paty de Clam est bien la dame vouée, que
c'est lui qui a communiqué à Esterhazy des documents secrets. Il
affirme sous serment devant le juge et publique-nient dans un journal que du
Paty de Clam a participé h la confection des pièces fausses et on ne le
poursuit pas pour faux témoignage ! Et du
Paty de Clam restant, malgré les décisions secrètes des juges, sous le coup
de cette accusation publique, ne le traduit pas en justice pour laver son
honneur ! Quoi
! un officier est accusé devant toute l'armée, devant tout le pays, d'avoir,
de concert avec Esterhazy le traître, fabriqué des faux pour perdre un autre
officier ! Et personne ne s'émeut ! C'est
l'aveu le plus éclatant, le plus décisif de la culpabilité de du Paty de Clam. Oui, c'est lui qui avec
Esterhazy est le faussaire Et
quand on pense que l'homme qui s'est dégradé à ces besognes est le principal
inspirateur et directeur des poursuites contre Dreyfus, quand on pense aussi
qu'il est le conseiller intime de M. Cavaignac, les conséquences vont loin. Et ce
n'est pas tout ; de même qu'au moment des poursuites contre Dreyfus, les
bureaux de la guerre se sont servis de la Libre Parole pour ameuter la foule
en lui jetant le nom de l'officier juif et pour rendre la condamnation
inévitable, de même que dès le 29 octobre 1894, violant le secret de
l'instruction, ils renseignaient la Libre Parole pour forcer la main du
ministre et mettre en branle les passions antisémites, de même maintenant, en
novembre 1897, quand il faut par des pièces fausses perdre Picquart et
maintenir au bagne Dreyfus innocent, les bureaux de la guerre sont en
communication affectueuse avec la Libre Parole. Esterhazy
et du Paty de Clam lui portent directement les faux télégrammes adressés au
colonel Picquart et, pour le perdre plus vite, elle les publie avant
qu'elle ait pu en avoir connaissance de Tunisie. En
effet, la Libre Parole des 15, 16 et 17 novembre 1897 parle en termes
très clairs de ces télégrammes compromettants pour le colonel Picquart. Or,
celui-ci les a reçus à Sousse le 11 novembre. Immédiatement, devinant
l'abominable manœuvre dirigée contre lui, il télégraphie à son général à
Tunis pour dénoncer le faux sans retard ; il va à Tunis, et écrit au
ministre, mais tout cela lui prend jusqu'au 15 ; sa lettre n'a donc pu
arriver à Paris que le vendredi 19. Or, c'est le 17, le 10 et même le 15 que la
Libre Parole publiait des détails sur les télégrammes. Elle ne pouvait
donc les tenir que des auteurs mêmes des pièces fausses. Voilà
les monstrueuses et frauduleuses coalitions qui depuis quatre ans font la loi
à l'opinion et à la France dans l'affaire Dreyfus ; voilà les manèges et les
crimes qui prolongent le premier crime et perpétuent le supplice d'un
innocent. V Ainsi,
jusqu'à l'évidence, un système de faux, manié par Esterhazy et du Paty de
Clam avec la complaisance et la complicité des bureaux de la guerre,
fonctionne depuis 1896. Il se
marque d'abord par la prétendue lettre de M. de Schwarzkoppen ou de M.
Panizzardi en octobre ou novembre 1896, par le faux imbécile et grossier où
le nom de Dreyfus est en toutes lettres, et que M. Cavaignac a eu l'audace ou
l'inconscience de porter à la tribune de la Chambre. Puis,
le système de faux se marque en décembre 1896, par la fausse lettre Speranza
du 15 décembre destinée à perdre le colonel Picquart, détenteur redoutable de
la vérité. Enfin,
après un chômage de dix mois coïncidant avec l'apparent sommeil de l'affaire
Dreyfus, les faussaires rentrent en scène le 10 novembre 1897, par les faux
télégrammes Blanche et Speranza destinés à perdre décidément le
colonel Picquart au moment où il est appelé en témoignage dans l'enquête sur
Esterhazy. L'histoire
s'étonnera plus tard de cette continuité impunie dans le crime. Elle
s'étonnera que cet enchaînement d'actes criminels ait pu se développer, que
cet engrenage de crimes ait pu fonctionner dans une société qui ose se dire
humaine. Pour
maintenir quand même une condamnation injuste et abominable, toute une
besogne de faussaires se déroule. C'est le crime au service du crime. Et
tantôt, comme pour la fausse lettre de l'attaché militaire, si inepte
pourtant, les pouvoirs publics sont dupes, ou affectent d'être dupes. Tantôt,
comme pour la fausse lettre Speranza, et les faux télégrammes Speranza
et Blanche, ils sont bien obligés eux-mêmes de reconnaître qu'il y a
faux. Mais
toujours ils assurent aux faussaires la même impunité. Toujours ils évitent
de regarder jusqu'au fond de cet abîme de peur d'y trouver la vérité, et
qu'elle soit terrible. Mais
tôt ou tard, que les criminels de tout ordre, traîtres, faussaires, complices
des traîtres et des faussaires, que tous, d'Esterhazy aux généraux, et des
généraux aux ministres, soient bien avertis, tôt ou tard du fond de l'abîme
la vérité monte, meurtrie, gémissante, blessée, mais victorieuse enfin et
implacable. Et comme pour épuiser toutes les variétés du faux, voici que du Paty de Clam et Esterhazy, après avoir fabriqué de faux papiers, vont fabriquer de fausses personnes : la « Dame voilée » est une sorte de faux vivant et en action, où l'impudence des faussaires atteint au plus haut degré. |