LES INSTITUTIONS SOCIALES ET LE DROIT CIVIL À SPARTE

 

II — LYCURGUE ET L’ÉGALITÉ SPARTIATE.

 

Les historiens anciens varient beaucoup sur l’époque à laquelle vécut Lycurgue. Thucydide donne la date de 830 avant J.-C. ; mais Hérodote le place 150 ans avant, et un grand nombre d’auteurs très sérieux, comme Timée et Xénophon, le font presque contemporain des premiers Héraclides[1]. Cette dernière opinion nous paraît préférable, à cause de la grande autorité d’Hérodote en tout ce qui touche les antiquités lacédémoniennes et puis parce que cette date reculée convient mieux à ce que nous savons de se réforme, Lycurgue est en effet bien certainement antérieur au groupe des sept sages, et la législation, à laquelle son nom est resté attaché, a un caractère tout différent de celle de Solon. Elle n’était pas écrite comme les lois de plusieurs législateurs qui ont pris rang parmi les poètes gnomiques. C’était même une maxime fondamentale des Spartiates de ne pas se servir de lois écrites : par là le respect de la tradition était mieux assuré. Hérodote raconte que Lycurgue appuya son couvre sur l’autorité de la Pythie de Delphes, le sanctuaire national des Doriens. Sa réforme gravée surtout dans les mœurs se résumait en quelques maximes sous forme d’oracles appelées Rhetrai, et elle se perpétuait dans un petit nombre d’institutions fort énergiques qui étaient conservées religieusement[2].

On comprend par cet exposé toute la difficulté qu’il y a à dire ce que fut l’œuvre de Lycurgue, à distinguer les institutions qu’il introduisit de celles qui existaient antérieurement et de celles qui se produisirent plus tard. Plutarque commence sa biographie pur cette remarque préliminaire qu’on ne peut rien dire de lui avec certitude : franche déclaration qui doit nous rendre indulgent pour sa critique, mais qui nous laisse toute latitude pour prendre seulement ce qu’il faut de ses récits, conçus à un point dé vue avant tout littéraire et dramatique[3].

En réalité, les historiens anciens ont des appréciations fort différentes sur l’importance et l’objet des réformes de Lycurgue : un d’eux, en décrivent la constitution de Sparte, ne le nommait même pas. Hérodote, dans un récit très court, mais qui paraît complet, indique tout ce que l’on sait de certain sur lui : Les Spartiates qui, et de tous les Grecs, vivaient sous les pires institutions, vécurent sous les meilleures après Lycurgue : il changea toutes les lois : il organisa les choses qui tiennent à la guerre, les énomoties, les triacades, les syssities, les éphores et la gérusie. Dans un autre passage où il décrit les prérogatives de la royauté et plusieurs points importants du Droit civil, il ne prononce même pas son nom. Nulle part, il n’est question du partage des terres et de l’égalité, que, suivant l’opinion courante, il passe pour avoir établi à Sparte[4].

Ce silence d’Hérodote sur un point aussi important et qui devait frapper l’attention par-dessus tout, est d’autant plus é remarquer que tous les écrivains postérieurs sont également rouets sur ce sujet. C’est dans Polybe, au II siècle avant J.-C., que se produit pour la première fois l’idée d’un partage des terres et d’une égalité sociale établie par Lycurgue comme base des institutions de Sparte. Cette idée tient la première place dans le récit de Plutarque et é partir de cette époque la figure de Lycurgue législateur prend des proportions grandioses dans l’imagination des historiens et des littérateurs.

En présence de cette. transformation de la légende de Lycurgue, M. Grote, l’éminent érudit anglais contemporain, a soupçonné le récit sur le partage des terres, attribué à Lycurgue, d’être une falsification historique, et il l’a démontré dans une dissertation dont nous acceptons pleinement les conclusions.

Avant de le suivre sur ce terrain nous voulons indiquer celles des réformes de Lycurgue sur lesquelles les anciens sont unanimes. Deux remarques préliminaires doivent être faites : la première, c’est qu’il est très certain que Lycurgue n’organisa pas de toutes pièces et à nouveau la société spartiate. Si Hellenicus ne le nommait pas en décrivant la constitution politique[5], c’est que la royauté, la gérusie, la division en tribus, en phratries, en races, existait avant lui : la raison le dit assez. D’un autre côté, le caractère exclusivement coutumier de la législation spartiate ne permet pas de penser qu’il ait modifié radicalement les lois civiles : il dut se borner à introduire dans la constitution un certain nombre d’éléments nouveaux et surtout à approprier les anciennes institutions à un but déterminé[6] ; la seconde, c’est qu’il., ne faut chercher dans la constitution de Sparte ni une œuvre absolument individuelle sens racines dans le poissé de la cité et sans analogues dans l’histoire des cités grecques, ni le type parfait des institutions de la race dorienne. La science est aujourd’hui revenue de cette opposition commode entre le génie ionien et le génie dorien : les faits (nous aurons plus d’un exemple à en alléguer), sont loin de confirmer cette donnée qui ne s’est introduite dans l’histoire qu’au plus fort de la guerre de l’Hégémonie entre Sparte et Athènes sous l’influence des orateurs athéniens qui voulaient avant tout surexciter les passions populaires[7].

La vérité est, croyons-nous, entre ces deux opinions trop tranchées l’une et l’autre.

Lycurgue parut à une époque où l’harmonie entre les chefs de races et la masse des hommes libres qui composaient ces races était complètement détruite : c’est ainsi qu’il faut entendre la lutte entre les pauvres et les riches dont parlent Plutarque et Isocrate. Son œuvre législative consista à transformer le gouvernement traditionnel des Eupatrides en un corps aristocratique où les anciennes familles de chefs conservaient encore une grande influence et notamment le droit exclusif d’être élus aux siéges de la gérusie[8], mais où cependant la niasse des hommes libres était délivrée de ce qu’il y avait de trop pesant dans le régime de la clientèle et formait désormais le corps de la cité sous le nom d’εxαλησια.

L’affaiblissement des anciennes relations de gentilité apparaît à plusieurs reprises comme l’œuvre essentielle de Lycurgue. Hérodote lui attribue l’institution des Éphores, après avoir dit qu’il organisa les tribus et les ôbes (I, 65). Nous nous rangeons à l’opinion d’O. Müller qui tient cette donnée pour exacte avec cette restriction que le pouvoir des Éphores, très faible à l’origine et limité à la police urbaine, ne reçut que plus tard le grand développement qu’on sait. Ce qu’il y avait d’important dans l’institution des Éphores, s’est que ces magistrats sortaient de l’assemblée des hommes libres, sans aucune condition de cens ni de naissance et représentaient directement le Δημοσ[9], et que surtout ils correspondaient à une nouvelle division de la cité en cinq tribus locales, division qui devait devenir peu à peu prédominante.

Lycurgue ne supprima pas les anciennes tribus et phratries ethniques, car dans les idées des anciens on n’aurait pas pu tes détruire sans abolir en même temps les cultes particuliers qui étaient le lien intime de ces agrégations, et attirer par-là sur la nation entière la vengeance redoutable de ces divinités offensées[10]. Lycurgue se borna à affaiblir leur rôle politique. Il l’affaiblit surtout en donnant pour base à l’armée les Syssities ou réunions des quinze personnes qui prenaient part ensemble aux repas publics. L’identité des Syssities militaires avec ces tables est aujourd’hui complètement démontrée. Nous reviendrons tout à l’heure sur l’importance politique qu’avaient les repas publics à Sparte. Il suffit ici de remarquer que cette organisation servant de base à l’armée les spartiates ne combattirent plus comme dans les temps anciens rangés par Phratries et γένη, le parent à côté du parent, le client à côté du chef, ainsi que l’a cru O. Müller, mais dans un ordre organisé d’après ces petites agrégations qui se recrutaient par le choix unanime de tous les convives et sans avoir plus aucun égard aux relations de parenté[11]. Il n’y a pas lieu de s’étonner qu’après Lycurgue les tribus et les phratries ethniques aient continué à subsister. L’histoire romaine nous présente deux exemples de la conservation des anciennes divisions à côté des nouvelles qui représentaient la forme politique de l’avenir. Quand Servius Tullius organisa une sorte de timocratie basée sur les centuries militaires, il laissa subsister les trois tribus des Rhamnenses, des Tatienses et des Luceres. plus tard, la constitution politique reposa sur les tribus locales, alors que les centuries et même les curies et les Gentes conservaient encore un rôle secondaire dans l’État.

Comme conséquence de l’affaiblissement des relations de gentilité, Lycurgue diminua la durée des impuretés légales résultant de la mort, la longueur des deuils, la magnificence des funérailles ; en un mot, tout ce qui dans la religion domestique pouvait servir de réunion trop fréquente ou trop marquante aux anciennes agrégations[12]. 11 pouvait y voir aussi l’avantage d’affaiblir les impressions de crainte qui s’attachant naturellement à la mort, et qu’il fallait autant que possible éloigner de l’âme d’un peuple essentiellement guerrier.

La guerre et la conquête : voilà les grands ressorts de l’établissement de Lycurgue. Il passait pour l’auteur de la tactique spartiate ; mieux que cela, il avait laissé à ses compatriotes un esprit de politique guerrière, dans lequel ils ne furent surpassés que par les Romains. Au milieu de la guerre du Péloponnèse, Brasides disait : Nous sommes un petit nombre au milieu d’une foule d’ennemis, nous ne pouvons nous maintenir qu’en combattant et qu’en étant vainqueurs[13].

Le génie de Lycurgue consiste à avoir compris la force prépondérante qu’une cité organisée militairement pouvait acquérir au milieu des peuples divisés de la Grèce, et à avoir merveilleusement approprié toutes les institutions à ce but. Il mérite en définitive le môme genre d’admiration qui s’attache au fondateur de la secte des Haschischtins. C’est là le trait original de se physionomie, et ceux qui en ont fait un philosophe égalitaire, à la manière des Platoniciens ou des Stoïciens du IIIe siècle, l’ont complètement défigurée.

Aristote, Platon, tous les anciens disent très nettement que les lois sur l’éducation et les repas publics étaient conçues en vue de la guerre et de la domination. Jusqu'à la virilité, les jeunes gens étaient isolés de leurs parents et soustraits à toute influence de leur part. L’État, la patrie devaient être avant tout dans leur pensée, et en même temps on les pliait à une obéissance passive vis-à-vis du corps gouvernant[14]. Arrivés à l’âge mûr, alors que fondant eux-mêmes une famille, des intérêts et des sentiments particuliers eussent pu se développer chez eux, des institutions très énergiques entretenaient dans leur âme un patriotisme farouche qui frappait d’étonnement les anciens eux-mêmes, quelque grande que fût partout alors l’absorption de la famille et de l’individu par l’État.

Les repas publics, si fameux chez tous les historiens, étaient la pierre angulaire de tout le système.

Ces repas, sous les noms divers de syssities, phidities, andries, étaient une des institutions les plus anciennes et les plus répandues dans le monde Helléno-pélasgique ; ils consistaient en une sorte de cène dans laquelle les citoyens se partageaient les victimes offertes aux dieux de la cité et entretenaient par cette espèce de communion le lien religieux et social qui les faisait membres de la même cité. M. Fustel de Coulanges qui, dans son beau livre sur La Cité antique, a admirablement fait ressortir le caractère religieux du droit public et privé des anciens, nous paraît exagérer une idée juste en présentait les fameux repas publics de Sparte comme n’ayant pas d’autre portée que les repas sacrés des autres villes grecques, d’Athènes notamment. Sans doute ils avaient un caractère religieux et se rattachaient au culte de la cité, sans doute encore il est absurde de s’imaginer les Spartiates vivant et mangeant toujours en commun[15], mais il est non moins certain que Lycurgue avait transformé dans un but politique et militaire l’institution qui existait dans le vieux droit religieux.

En l’absence complète de lois écrites, les coutumes et les anciennes mœurs se conservaient et se propageaient dans ces repas où les vieillards avaient seuls le droit de prendre la parole et où les gérontes, les hommes les plus riches et les plus considérables, les rois eux-mêmes ne pouvaient se dispenser de se rendre. Dans la cité spartiate il n’y avait point d’assemblée publique où l’on délibérait. Les citoyens ne pouvaient voyager et les étrangers n’étaient admis qu’autant que les magistrats jugeaient leur présence inoffensive ; les rhéteurs, les écrivains étaient proscrits et l’on n’avait encouragé quelques poètes, comme Tyrtée et Terpandre, qu’autant qu’ils s’étaient faits les instruments, de la politique gouvernementale[16] ; l’éducation de la jeunesse était également entre les mains des magistrats : dans un système si bien lié, aucune idée nouvelle ne pouvait arriver aux jeunes générations, et elles devaient recevoir facilement les impressions que les anciens s’appliquaient à leur donner dans ces repas, où la simplicité de la table n’excluait pas une certaine mise en scène. Lisez dans Athénée les extraits des auteurs qui avaient écrit sur ce sujet et vous vous convaincrez que c’est là que se sont produits tous ces apophtegmes laconiens qui étaient la tradition vivante de la cité et dans lesquels les anciennes coutumes prenaient une forme dramatique éminemment propre à frapper les esprits[17].

Mais les repas publics avaient encore une portée plus large, qu’Aristote a indiquée dans ces termes expressifs : Le législateur en Crète et à Lacédémone a rendu commune la jouissance des richesses par les repas publics[18].

Dans les constitutions aristocratiques, où le pouvoir appartenait à une minorité, la concorde entre les membres de cette minorité était la condition essentielle de la conservation du gouvernement. Démosthène l’a dit avec un grand éclat de parole : Dans les oligarchies la concorde ne s’obtient que si tous ceux qui sont maîtres de l’État sont placés sur un pied d’égalité, tandis que dans les démocraties la liberté populaire est sauvegardée par l’émulation qui porte les citoyens éminents à se disputer les honneurs donnés par le peuple[19].

Cette sorte d’égalité reconnue nécessaire aux aristocraties consistait non seulement dans une égale participation aux honneurs publics, mais encore dans une espèce d’égalité sociale qui supprimait ou au moins atténuait les froissements résultant de la différence de naissance ou de fortune. L’établir et la maintenir était pour les législateurs anciens un difficile problème qu’ils avaient essayé de résoudre par différentes combinaisons.

Un groupe d’anciens législateurs, au milieu desquels on distingue Phidon à Corinthe et Philolaüs à Thèbes, avaient voulu obtenir ce maintien du corps aristocratique par une certaine égalité des possessions foncières, non pas en remanient la division du territoire par des partages — on n’a pas d’exemple de pareil partage avant les révolutions démagogiques du IIIe siècle — mais en posant un maximum à l’acquisition des biens et en prenant des mesures pour que le nombre des familles et des lots de terre demeura toujours le même. Ils arrivaient à ce résultat par des lois somptuaires, par la défense d’aliéner le patrimoine, enfin par des règlements sur la population qui prévenaient les excédants de naissance. Par ces divers moyens les familles qui formaient le corps politique (πολιτενμα) conservaient le même état de fortune ; car l’appauvrissement de la minorité gouvernante en présence de l’enrichissement des classes exclues du pouvoir était le grand écueil de cette forme politique[20].

Lycurgue n’eut pas recours aux mêmes procédés. Aristote lui reproche formellement d’avoir été inconséquent avec le principe de sa constitution en ne pas prévenant la concentration des patrimoines, en ne pas faisant de règlements sur la population, enfin en ne pas soumettant les femmes à une discipline publique[21].

Il s’était inspiré de préférence de l’exemple des cités crétoises qui, elles aussi, étaient constituées aristocratiquement et avaient le même besoin d’égalité, mais qui ne cherchaient nullement à atteindre ce but par la limitation de la richesse. Les cités crétoises possédaient un communal très étendu, cultivé par une classe spéciale de serfs, dont les produits pourvoyaient exclusivement aux repas publics et servaient, en outre, à nourrir les familles des citoyens. Indépendamment de leur fortune privée, tous les citoyens étaient donc assurés d’une certaine subsistance par ce droit de jouissance. Des moyens très énergiques pour prévenir l’accroissement de la population rendaient fixe cet état de choses[22].

Le communal de Sparte était assez étendu ; seulement, il consistait presque exclusivement en montagnes forestières qui procuraient aux Spartiates le plaisir de la chasse fort apprécié par eux[23], mais dont le revenu était insuffisant pour pourvoir aux repas publics. Chaque citoyen y contribuait pour sa quote-part avec les revenus de son fonds. Plutarque indique le nombre de médimnes eginétiques d’orge et d’huile qu’ils devaient apporter par mois à la table commune. La chère qu’on y faisait était très frugale et ne recevait de complément qu’avec les produits et accessoires de la pécha et de la chasse, recueillis, sur les communaux. Dans ces conditions, l’institution des repas publics, à Sparte, était moins : égalitaire qu’en Crète, Aristote le constate expressément[24].

Aussi Lycurgue pour maintenir la cohésion dans la cité promulgua les lois somptuaires les plus énergiques. Ce genre de règlements était fort en honneur dans les états grecs, et Aristote montre leur utilité dans les établissements aristocratiques où ils maintenaient les fortunes et prévenaient bien des inimitiés intestines. Il en existait à Marseille, et Solon en avait porté à Athènes. A Corinthe, Périander, un siècle environ après Philolaüs et probablement lorsque des changements dans le niveau des fortunes tendaient à troubler l’ordre politique que ce dernier avait établi, Périander, disons-nous, établit une magistrature chargée de punir ceux qui auraient un train de dépense plus fort que ne le comportait leur fortune. C’était bien indiquer le but essentiellement conservateur des lois somptuaires[25].

Mais nulle part ces lois ne furent plus précises ni plus longtemps observées qu’à Sparte. Lycurgue avait été jusqu’à défendre aux citoyens le possession des métaux précieux : ils étaient réservés au trésor de l’État alimenté par les tributs des Périœques que cette défense n’atteignait pas, non plus que le reste de la discipline civique[26]. Xénophon, Thucydide : Platon constatent le résultat de ces lois par ces paroles expressives, qu’il n’y avait plus à Sparte aucun avantage à être riche[27]. Enfin comme conséquence de la fraternité qui devait exister entre tous les citoyens, chacun pouvait librement se servir des esclaves, des chevaux, des chiens de chasse et même des menues provisions d’autrui[28].

Telle était l’égalité qu’avait établie Lycurgue, S’il ne s’était pas préoccupé de limiter la population et si en dehors dés lois somptuaires il n’avait pas pris d’autres mesures pour maintenir la fortune des familles, c’est qu’il comptait sur la guerre pour agrandir le territoire, augmenter le nombre des citoyens et leur assurer une richesse suffisante à l’accomplissement de leurs devoirs civiques. Mais aussi, quand les conquêtes qui tirent la prospérité de Sparte ne furent plus possible, sa chute fut aussi irrémédiable que rapide.

Ajoutez à cela le développement qu’il avait donné aux jeux publics et qui faisaient du temps de paix comme une fête perpétuelle, et vous aurez une idée de la communauté de plaisirs et d’habitudes sociales qui devait atténuer la différence, résultant de l’inégalité des richesses.

 

 

 



[1] Xénophon, Gouvernement de Lacédémone, c. XI. Timée, dans Plutarque, Lycurgue, c. I. Cicéron, Tusculanes, V, c. III, Brutus, X, V. Sur l’époque de Lycurgue la dissertation chronologique insérée dans le volume des Chronographes grecs, de Didot.

[2] Hérodote, I, 65. Plutarque, Lycurgue, XIII, XXIX. Aristote, Politique, II, c. VI, § 16, c. VII, § 6.

[3] Si nous n’ajoutons que très peu de foi à la vie de Lycurgue, nous acceptons sans hésitation les données contenues dans les vies d’Agésilas, de Lysandre, d’Agis, de Cléomène, car pour ces époques Plutarque a pu avoir des renseignements sûrs.

[4] Les travaux de la science moderne ont rendu un témoignage éclatant à la véracité d’Hérodote. Son procédé de composition le place bien au-dessus de tous les autres historiens anciens. A propos de chaque ville et de chaque famille il reproduit scrupuleusement les légendes que ces villes et ces familles conservaient sur elles-mêmes. Or, ces légendes intimement liées à la religion, faisant même partie des rituels, avaient un caractère de fixité que sont loin de présenter les traditions populaires modernes. D’ailleurs Hérodote avait séjourné longtemps à Sparte, III, c. 55.

[5] Cité par Strabon, VIII, c. V, § 5.

[6] Sur ce caractère de la législation de Lycurgue, v. M. Grote, Hist. de la Grèce, t. III, p. 280. (trad. franç.) et Thirlwall, Hist. des origines de la Grèce, p. 231.

[7] C’est Ottfried Müller qui a surtout contribué à populariser cette idée. M. Grote en fait une très juste critique, Hist. de la Grèce, t. III, ch. VI, p. 262. Isocrate, Panathenaiq., t. II, p. 531, éd. Auger, constate l’analogie des anciennes institutions d’Athènes avec celles de Sparte. D’autre part, il y avait autant de différences entre Athènes et Sparte qu’entre Sparte et Argos, Corinthe, Mégare, villes d’origine dorienne.

[8] Ce point important de la constitution Politique de Sparte ressort avec évidence de la comparaison de ces passages de la Politique d’Aristote, VIII, ch. V, § 8, II, ch. VI, § 14-15, c. III, § 10, VI, c. VII, § 5, Cf. Diodore Sicul., XI, c. 50.

[9] Aristote, passages cités. Il ajoute que le mode d’élection des Éphores était aussi puéril que celui des Géronies. Notez aussi le passage où Aristote représente Lycurgue comme sorti de la classe moyenne (Politique, VI, c. IX, §§ 9 et 10).

[10] Les Spartiates avaient là-dessus les mêmes croyances que les autres Grecs. Nous dirons plus loin l’importance qu’avait chez eux le culte des ancêtres. Ils rendaient des honneurs à de nombreux héros, à Astrabacus, Hérodote, VI, 89 ; à Maton, Daton, Keraon, Hyacinthe, Athénée, II, p. 89, II, p. 439. V. d’autres exemples dans Pausanias. Lycurgue reçut les honneurs divins après sa mort, Hérodote, I, 68.

[11] La démonstration de l’identité des Syssities militaires avec les Syssities civiles (Hérodote, I, 68 ; Polyæn, II, 3-11) a été faite dernièrement d’une façon définitive par M. Bielchowsky, dans un opuscule intitulé de Spartanorum Syssistiis Vratislaviœ, 1869. M. Caillemer a mis en relief les principales idées de cet opuscule dans un important article publié dans la Revue critique d’Histoire, n° du 30 octobre 1869.

[12] Plutarque, Lycurgue, XXVII ; Instituta Laconic., 18. Apophtegm. Laconica, Lycurgue, 26. Héraclide de Pont, II, 8, dans le t. II des Fragments des historiens grecs, de Didot.

[13] Thucydide, IV, 126.

[14] Aristote, Politique, IV, ch. 11, § 5, ch. XIII, 11 (éd Barthélemy Saint-Hilaire). Ethic., X, c. 9, § 13 (éd. Didot). Platon, Lois, I, passim. Xénophon, Gouvernement de Lacédémone, c. VI. Isocrate, Panathenaic., passim. Plutarque, Lycurgue, c. 16-24.

[15] La Cité antique, p. 494 et suiv. Denys d’Halicarnasse, II, c. 23 ; compare les phidities spartiates aux repas sacrés des curies à Rome. Cf. Hérodote, VI, c. 57.

[16] Sur cet emploi politique des poètes dans le Gouvernement de Sparte, v. Plutarque, Lycurgue, c. IV, c. VI. Institut. Laconic., XVII. Clément d’Alexandrie-Stromates, I (sur Terpandre).

[17] Athénée, IV, ch. VIII et IX, éd. Casaubon. Plutarque, Lycurgue, X, XII. Xénophon, Gouvernement de Lacédémone, c. V, X.

[18] Politique, II, ch. II, § 10.

[19] Démosthène contre Leptine, § 107, éd. Didot.

[20] Des lois semblables existaient à Locres, à Leucade et dans beaucoup d’autres villes. Le caractère de ces anciennes législations est mis en relief par Aristote, Politique, II, ch. IV et V.

[21] Politique, II, ch. VI, § 8, § 10, § 18. Cp., II, ch. III, § 5.

[22] Sur les institutions crétoises. Aristote, Politique, II, c. VII. V. Athénée, I. XV, c. 16, chanson d’Hybrias Crétois.

[23] Hérodote, VI, 57. Pausanias, III, ch. 20. Platon, Lois, I, p. 209, édit. Didot. La plupart des cités grecques avaient laissé les forêts et les montagnes dans le domaine collectif, et cela dans un but d’aménagement et de conservation pour les sources et les bois.

[24] Aristote, Politique, II, ch. V1, § 21.

[25] Strabon, IV, ch I, § 6. Aristote, Politique, VI, c. XII, S§ 9, VII, ch. V, § 33. Sur Périander, voir Héraclide de Pont πολιτέια Κορυνθιων dans le t. II des Fragments des historiens grecs de Didot.

[26] Sur la défense faite aux citoyens de posséder des métaux précieux, voir les remarquables observations d’O. Müller t. II, p. 206 à 241. M. Grote partage complètement ses appréciations.

[27] Thucydide, I, 6. Xénophon, Gouvernement de Lacédémone, c. VIII. Platon, Lois, III, t. II, p. 813, éd. Didot.

[28] Aristote, Politique, II, ch. II, § 4. Xénophon, op., c. VI et VII.