1815

LIVRE III. — LA FRANCE CRUCIFIÉE

 

CHAPITRE V. — LA FIN DU DRAME.

 

 

I

Richelieu prit le pouvoir dans les pires circonstances. D'un côté, l'Europe imposant un traité funeste ; de l'autre, la France occupée et ravagée par l'ennemi, divisée et agitée par des passions furieuses, peuplée de mécontents et de factieux, d'oppresseurs et d'opprimés. Depuis que Fouché avait lu au roi ses trop véridiques rapports, les choses ne s'étaient pas modifiées. C'était le même antagonisme entre les partis, la même animosité entre les individus, les mêmes désordres et les mêmes attentats.

Paris, où tout se passe en chansons jusqu'à ce que gronde l'émeute, était relativement calme. On se bornait à nommer Louis XVIII : Louis l'Inévitable, le roi de l'étranger, le roi sans royaume, le roi des Tuileries, à prédire qu'il n'en n'aurait pas pour vingt-quatre heures après le départ des Alliés, à porter des œillets rouges, à se passer un pamphlet intitulé : Recette contre la rage royale et à s'amuser d'une caricature où Louis XVIII était représenté à genoux devant les souverains occupés à dépecer la France. Le peuple, il est vrai, faisait des manifestations plus bruyantes et plus brutales. On criait : Vive l'empereur ! dans le jardin des Tuileries ; on restait la tête couverte au passage du roi et sur le parcours des processions ; on arrachait leurs insignes à des décorés du Lys ; on remplaçait dans les bénitiers l'eau lustrale par de l'encre. Le soir de la saint Louis, des Prussiens dansaient avec de bons Français dans la rue Geoffroy-Lasnier ; on les arrosa d'une mansarde avec une potée d'eau sale, pour ne pas dire plus[1]. Ces incidents provoquèrent d'assez nombreuses arrestations, cinq par jour, en moyenne, pendant trois mois[2], mais ils faisaient peu de bruit et ne troublaient pas le cours de la vie parisienne où aux distractions ordinaires des belles dames s'ajoutaient les plaisirs nouveaux de visiter le camp anglais du Bois de Boulogne et d'aller entendre au Luxembourg la musique militaire prussienne[3].

En province, la réaction est plus vexatoire et plus menaçante ; on y parle derechef des biens nationaux et des droits féodaux, on y souffre davantage, aussi, les maux de l'invasion. Il en résulte une exaspération plus grande contre le roi à qui l'on attribue les ravages des Alliés comme le triomphe de la contre-révolution[4]. Tout l'Est et tout le centre de la France, depuis les Cévennes et les Alpes jusqu'au littoral normand, retentissent des cris : A bas le roi ! Vive l'empereur ! A bas les Bourbons ! Dans un millier de villages de trente départements, on abat les drapeaux blancs[5]. A Belfort, à Sarrebourg, on souille l'écusson royal. En Lorraine, les bourbonistes craignent de porter publiquement la décoration du Lys. A Metz, on brûle le soir, sur une place, l'effigie de Louis XVIII. A Toul, on inscrit sur l'hôtel du marquis de V... : Trahison, correspondance avec l'ennemi, vente du sang français, voilà les titres de la noblesse d'aujourd'hui. A Bordeaux, où cependant le royalisme domine et opprime, ii faut fermer un musée de figures de cire pour éviter les insultes aux bustes du roi et des princes. A Lyon, le 23 novembre, on arrête quatre individus qui tirent à la cible sur un portrait gravé de Louis XVIII ; l'un d'eux dit aux gendarmes : — Si c'était lui en personne, je le fusillerais de même. Le jour de la Saint-Louis, la moitié des habitants de Dommartin (Meurthe) crient : Vive l'empereur ! autour du feu de joie ; la même manifestation a lieu à Limoges. A Boulogne-sur-Mer, on distribue deux cents cocardes tricolores ; à Elbeuf, on se dispute ces brochures d'un colporteur : l'Evangile selon Saint-Napoléon, la Résurrection de la Violette, le Départ du grand homme. A Moulins, le 13 septembre, un gros rassemblement parcourt les rues en chantant la Marseillaise en criant : Vive l'empereur ! A Caen, le même jour, douze jeunes gens crient : Vive Bonaparte ! Vivre et mourir pour lui ! Les cent ouvriers d'une filature de Lodève chantent journellement des chansons contre le roi ; un beau dimanche, ils font monter sur une estrade une femme couronnée et un enfant, et les acclament comme Marie-Louise et Napoléon II. Au Fousseret (Haute-Garonne) et à boiterie (Dordogne), la population chasse des gendarmes venus pour arrêter des soldats coupables d'avoir conservé leur vieille cocarde tricolore. A Saint-Flour, on contraint un gendarme à crier : Vive l'empereur[6] !

Dans la bouche des paysans, ce cri-là est plus qu'une protestation ; c'est une espérance. Napoléon est déjà à Sainte-Hélène que la foi populaire le croit encore près des frontières françaises. On attend son retour. Mainte fois, en divers lieux, le bruit se répand qu'il est revenu. On dit que pour chasser les Bourbons et les Alliés, il amène 200.000 Turcs et 200.000 Américains. A la fin d'août, un faux Napoléon se fait acclamer dans les villages de l'Ain[7].

On poursuit et l'on condamne. Pour les cris séditieux ou le port de la cocarde tricolore, les peines s'élèvent à six mois, à un an, à deux ans de prison, parfois à cinq ans de bannissement[8]. Mais la sévérité de la justice n'arrête point ces manifestations. Il en est de plus terribles : le feu. Pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre, les incendies se multiplient dans les campagnes. Meules, bois, forêts brûlent un peu partout. Des rapports de divers préfets, il ressort que ces nombreux incendies sont l'effet de la haine des factieux contre l'ordre de la noblesse[9].

Dans les départements du nord, de l'ouest, du midi, ce sont d'autres scènes. Tandis que, en Auvergne, le pays est si révolutionnaire que les nobles et les riches cherchent asile dans les villes[10], dans la Flandre française, des paysans se réfugient dans les bois pour éviter les persécutions des royalistes exaltés[11]. Un certain Sans-Peur fait afficher cet avis : Tremblez, Jacobins, nous mettrons vos têtes sur nos baïonnettes. Vive le roi ! A Armentières, le 16 septembre, la foule se porte chez l'ex-maire pour le pendre ; mais comme il s'est enfui, on ne peut que piller sa maison. Le 30 septembre, le commandant de gendarmerie fait sortir furtivement de Lille quatre bonapartistes notoires pour les soustraire aux vengeances[12].

L'Ouest où Blancs et Bleus, royaux et fédérés, sont restés en armes forme deux camps ennemis. On est en état de guerre, écrit le préfet d'Ille-et-Vilaine[13]. Dans les villes, les chouans ne sont pas redoutables ; à peine s'ils osent même les traverser, car on leur crie au passage : Hou ! Hou ! A bas les brigands ! A bas les assassins ! et la garde nationale a des fusils[14]. Mais ils sont, les maîtres dans la campagne. Ils désarment les gendarmes, arrêtent les diligences, saisissent les caisses des douanes, des perceptions, des salines. Ils s'acharnent surtout contre les acquéreurs de biens nationaux. On prend leurs bestiaux, leur volaille, leur farine, leur foin, leur mobilier agricole ; à la suite de quoi on les rançonne. On en tue même un, à Légé, — pour l'exemple. Certains chefs subalternes s'arrogent des droits que n'a pas le roi de France. L'un d'eux rassemble à Saint-Gille une grosse bande de chouans portant cocarde verte et blanche, couleurs du comte d'Artois, et fait savoir dans les environs que si d'ici quinze jours les gens qui ne conviennent plus au département n'en sont pas sortis, il saura les y contraindre. Un autre ordonne par voie d'affiches l'annulation des ventes de biens prétendus nationaux et le rétablissement de la dime[15].

Dans le Midi, il y a deux gouvernements : le gouvernement nominal du roi, le gouvernement effectif du duc d'Angoulême. Investi par Louis XVIII de pleins pouvoirs dans les 7e, 8e, 9e, 10e et 11e divisions militaires, le prince nomme et destitue à tort et à travers préfets et généraux, organise des corps de volontaires, établit des tribunaux d'exception, lève des taxes arbitraires[16]. Les royalistes opposent sa fermeté à la faiblesse du roi. Ils ne pensent que par lui, ils ne reconnaissent que son autorité, ils n'obéissent qu'à ses ordres et à ses créatures. C'est de l'idolâtrie, écrit de Bordeaux le comte de Tournon. La couleur blanche ne parait digne du royalisme que si elle est liserée de vert[17]. Aux Tuileries, on s'inquiète, on s'effraye, on accuse le frère du roi de vouloir séparer les provinces du Midi pour s'y tailler un royaume. Pour mettre un terme à cette anarchie, le roi fait écrire par Vitrolles au duc d'Angoulême qu'il désire le revoir à Paris[18].

Les pays méridionaux sont toujours souillés de sang. Si, l'assassinat s'est ralenti[19], selon l'heureuse expression du préfet de Vaucluse, il ne s'est pas arrêté. A la descente du Rhône, vers l'ile May, ce dialogue s'engage le 25 août entre deux mariniers qui sont sur une barque et, cinq prêtres qui sont sur une autre : — A bas la cocarde blanche ! à bas le fromage blanc !Tu voudrais bien en avoir sur ta table, du fromage blanc ! Vive l'empereur !Va donc le retrouver à Sainte-Hélène, ton empereur ! Alors les mariniers prennent des fusils au fond de la barque, tirent sur les prêtres et en tuent deux[20]. Le curé d'Eymen (Drôme) est assassiné par des protestants[21]. A Perpignan, on égorge deux scieurs de long bonapartistes[22]. A Montauban, la populace massacre quatre sous-officiers des lanciers rouges de la garde qui regagnaient désarmés leurs foyers[23]. Une bande formidable de quatre cents hommes et femmes parcourt l'Hérault, pillant et incendiant, les fermes et les maisons des bonapartistes[24]. On brûle le temple de Saint-Affrique dans l'Aveyron[25]. Nîmes vit toujours sous la Terreur. Dans la nuit du 16 au 17 octobre, on assassine deux artisans protestants et on blesse grièvement la femme d'un troisième[26]. Le 12 novembre, le général Lagarde procède, sur un ordre de Paris, à la réouverture du temple fermé depuis quatre mois. La foule, en majorité composée de femmes, s'ameute alentour, criant : A bas les grilleurs ! A bas les protestants. Nous leur en f..... tant qu'ils n'y reviendront pas ! La gendarmerie est repoussée, le général Lagarde tombe, atteint à bout portant d'un coup de pistolet ; les émeutiers forcent la grande porte du temple, brisent le mobilier, poursuivent et maltraitent les protestants[27]. Aux environs d'Avignon, Pointu et sa bande continuent leurs exploits ; ils vont pillant et rançonnant. Le 11 septembre, ils assassinent un jeune homme de dix-sept ans : — Ton père était bonapartiste. Tout ce parti doit mourir[28]. Dans la ville même, le 18 octobre, on met à sac la maison de l'ancien président de la fédération[29]. Les 11, 13 et 27 décembre, la foule se porte aux prisons pour en finir avec les bonapartistes et les jacobins. Le préfet s'enfuit tandis que les gendarmes tiennent tête à l'émeute. L'arrivée du comte de Damas avec de la troupe rend quelque calme à la ville, mais, écrit-il, il faut se contenter pour toute répression du repentir des criminels[30]. Partout, à Montpellier où l'on distribue des brochures qui prêchent le meurtre, à Marseille où l'on signe des pétitions réclamant le supplice de Masséna et où s'organise une procession populaire en réjouissance de l'exécution du maréchal Ney, à Tarascon, à Perpignan, à Nîmes, à Toulon, les autorités appréhendent un massacre dans les prisons[31].

Au mois d'août, il y a eu un combat à Ners entre 1.500 Cévenols et des volontaires royaux soutenus par un bataillon autrichien. A la suite de cette rencontre où une quarantaine d'hommes ont été tués ou blessés, les Autrichiens ont désarmé les Cévennes, y ont pris 15.000 fusils[32]. Mais à l'ouest comme à l'est du Rhône on redoute encore la guerre civile. Le 7 novembre, une rixe éclate à Calvisson entre les habitants et des gantes nationaux royalistes du Gard. Un royaliste est tué, un autre blessé[33]. Dans le Var et entre Arles et Tarascon, des fédérés en armes tiennent la campagne[34]. Le préfet de Lyon écrit : Dans l'Ain, l'Isère, le Beaujolais, la Bourgogne, le Dauphiné, l'exaspération est extrême, et Lyon, étant au centre, sera le rendez-vous de tous les mécontents. Ils sont effrayés des massacres du Midi et pensent que pour se sauver, ils n'ont plus qu'à recourir aux armes. Le général Donnadieu écrit de Grenoble : Les quatre cinquièmes de l'Isère sont bonapartistes et révolutionnaires. Si les sauvages d'Avignon venaient ici, cela entraînerait une guerre civile[35].

Aux inquiétudes causées par l'hostilité d'une bonne partie des Français et par le zèle royaliste, vraiment excessif, des gens de l'Ouest et des gens du Midi, s'ajoutaient celles qu'inspirait l'armée. L'armée dont on achevait d'opérer le licenciement n'était plus une force ; elle était encore un danger. L'empereur la tenait dans les moelles. Non seulement à l'armée de la Loire, mais aux armées des Alpes, du Jura, du Var, des Pyrénées, de la Vendée, dans les places-fortes, dans les garnisons, l'ordre de prendre la cocarde blanche avait provoqué des tumultes, des révoltes, des désertions en masse. L'effervescence durait. Il n'y avait plus de discipline, les mutineries étaient fréquentes. La troupe subissait les couleurs royales avec horreur, comme une livrée détestable[36]. La captivité de l'empereur, le licenciement, la douleur et la honte de la France occupée causaient une tristesse profonde. Des officiers mirent en signe de deuil un crêpe à leur bras gauche[37]. Le deuil de la gloire, tous, officiers et soldats, le portaient sur leur visage sombre et abattu. Depuis Calais jusqu'à Paris, écrivait une Anglaise, la comtesse Granville, je n'ai pas vu sourire un soldat français[38].

Le licenciement s'opéra avec beaucoup de lenteur. Comme presque en toutes choses, il y avait la question d'argent. Les caisses étaient vides, et le gouvernement jugeait inutile de payer complètement des hommes dont on n'avait plus besoin tandis que les soldats refusaient de rendre leurs armes avant de recevoir leur solde arriérée et leur masse. Ils se firent payer de force. On devait aux troupes de l'armée du Rhin et de la garnison de Strasbourg, réduites ensemble à 19.000 hommes depuis le départ des mobilisés, 2 millions 200.000 francs. Rapp, malgré plusieurs lettres très pressantes au ministre de la Guerre, n'avait pu réunir que le quart de cette somme. Le 2 septembre, cinq cents sous-officiers de tous les régiments s'assemblèrent sur la place d'Armes. Le sergent Dalousi, du 7e léger, les harangua : — Si vous me promettez de m'obéir aveuglément, de vous abstenir de tout désordre, de respecter les propriétés, je vous jure sur ma tête que l'armée sera payée. Nommé par acclamation général en chef, Dalousi prit comme chef d'état-major le tambour-major du 58e et désigna parmi les sous-officiers ceux qui remplaceraient temporairement les officiers à la tête des régiments et des bataillons, escadrons, batteries, compagnies et sections. Chaque officier fut consigné sous la garde d'un factionnaire ; devant l'hôtel de Rapp, de qui l'on craignait la résistance, on mil un bataillon entier avec six pièces de canon chargées à mitraille. Le nouveau général compléta ses dispositions en indiquant les points de la ville que devaient occuper les troupes, et en ordonnant qu'il fût fait de très nombreuses patrouilles. La plus sévère discipline était prescrite ; il y avait peine de mort contre tout soldat surpris en maraude ou trouvé dans un cabaret. Ces mesures militaires prises, Dalousi manda l'inspecteur aux revues et le receveur général qui lui présentèrent, l'un l'état des sommes nécessaires pour mettre la solde au courant, l'autre le montant de son avoir en caisse. Il convoqua ensuite le conseil municipal et invita poliment mais très résolument le maire à aviser aux moyens de procurer l'argent qui manquait. Malgré l'ordre qui régnait en ville — jamais troupes ne s'étaient montrées plus disciplinées —, les habitants étaient dans la terreur. En quelques heures, à la demande du maire, ils souscrivirent un emprunt. Aussitôt, Dalousi fit lire aux troupes ce laconique ordre du jour : Tout va bien. Les habitants financent, les paiements sont commencés. Le 4e septembre, les sommes afférentes à chaque régiment ayant été versées chez les officiers payeurs, Dalousi passa en revue toute l'armée et la lit défiler devant lui. Après quoi, les troupes regagnèrent en ordre les casernes où elles rentrèrent sous l'autorité de leurs chefs[39].

L'exemple donné par l'audacieux sergent fut suivi un peu partout[40]. A l'armée du Jura, chaque corps envoya une députation de quatre soldats à Lecourbe ; pour faire droit aux réclamations, il dut ordonner la vente de chevaux et de subsistances[41]. A Montluçon, les éclaireurs de l'ex-garde emprisonnèrent leur colonel et se donnèrent pour chef un maréchal-des-logis qui réussit à les faire payer[42]. Les grenadiers, le 3e chasseurs à pied, les dragons, les lanciers et les chasseurs à cheval de la garde, le 5e et le 23e de ligne, le 15e léger, d'autres régiments encore obtinrent leur solde par des moyens à peu près analogues[43].

Au 2e chasseurs à pied, la chose tourna tragiquement pour le chef de la révolte. C'était un lieutenant nommé Rosey qui avait les plus beaux états de service. Entre autres actions d'éclat mémorables, il avait reconnu l'ile de Grabowno en en faisant le tour à la nage sous le feu des Russes[44]. Le 24 septembre, le commandant Fayette était venu à Bourganeuf afin de recruter, parmi les chasseurs, des soldats pour la garde royale, Rosey, très ardent bonapartiste, se prit de querelle avec lui et le souffleta. Mis, en attendant pis, aux arrêts de rigueur sur l'ordre du général Hanrion, il fut délivré par ses soldats qui l'entraînèrent à prendre le commandement pour obtenir leur solde. Rosey ne sut pas résister. Il fit arrêter Hanrion et tous les officiers, prit la caisse du corps, la caisse du percepteur qui contenait 3.000 francs, donna un napoléon à chaque homme, et partit avec 400 chasseurs pour Guéret afin d'y exiger une contribution comme Dalousi l'avait fait à Strasbourg. En route, il se ravisa et proposa aux chasseurs de le suivre dans la montagne où ils mèneraient la guerre de partisans. Les soldats hésitèrent, réfléchirent et, finalement, revinrent presque tous à Bourganeuf. Cinquante seulement restèrent avec Rosey ; ils l'abandonnèrent peu à peu. Le 29 septembre, quand la gendarmerie l'arrêta dans le Puy-de-Dôme, il n'avait plus que neuf hommes[45]. Rosey fut condamné à mort. Au moment d'aller au supplice, il s'enfonça dans la région du cœur un vieux clou arraché à la muraille. Mais ce clou, long seulement de quinze lignes, n'atteignit pas le cœur. Un chirurgien pansa sommairement le condamné qui, trop affaibli par la blessure pour marcher, fut porté sur une civière au lieu de l'exécution. Comme il ne pouvait se tenir debout, on le fusilla assis sur une chaise[46].

La juste prétention de toucher la solde arriérée n'était pas chez tous les soldats le seul motif de conserver leurs armes. Ceux qui étaient originaires du Midi ou de l'Ouest craignaient de mauvais traitements des paysans royalistes quand ils rentreraient dans leurs foyers. Les chasseurs à cheval de la garde, écrivait Macdonald, refusent de se séparer. Ils disent qu'on veut les licencier pour les faire égorger individuellement dans le Midi[47]. Malheureusement ces craintes n'étaient pas chimériques. A Montpellier, on l'a vu, la populace massacra quatre lanciers rouges. Sur bien d'autres points du Midi et de la Vendée, beaucoup de soldats licenciés eurent à subir des vexations, des insultes, de lâches violences. Clarke lui-même, si peu charitable qu'il fût aux débris du bonapartisme, crut devoir s'entendre avec les ministres de l'intérieur et de la police pour mettre un ternie à ces actes odieux. Cette aveugle animosité contre tout ce qui porte l'habit militaire, écrivait-il dans une circulaire confidentielle, peut avoir les plus graves conséquences[48].

 

II

Les négociations diplomatiques, interrompues le 22 septembre[49] par suite du changement de ministère, reprirent presqu'aussitôt. Richelieu jugeait qu'il fallait les terminer vite car le czar qui se flattait d'avoir couronné son œuvre de justice par le traité de la Sainte-Alliance, signé le 26 septembre[50], était pressé de rentrer dans ses États. Les plénipotentiaires anglais, bien qu'un peu mécontents de la retraite de Talleyrand à qui, selon Liverpool, Louis XVIII aurait dû laisser la responsabilité d'une paix humiliante, se montraient favorables au nouveau cabinet. Aucune jalousie, écrivait Castlereagh, ne doit induire l'Angleterre à affaiblir le ministère du duc de Richelieu[51]. Richelieu avait l'amitié personnelle du czar. Il ne s'était même déterminé à accepter le ministère que sur l'assurance de celui-ci qu'il le seconderait dans les dernières négociations. Mais Alexandre était si souvent intervenu depuis deux mois en faveur de la France, et toujours avec succès, qu'il sentait lui-même ne pouvoir guère aller au delà. La déférence que ses alliés lui avaient témoignée l'obligeait désormais à de grands égards envers eux. Ils avaient tant cédé qu'il y aurait eu abus à les contraindre de céder encore. Pour donner prétexte à une suprême intervention, le cabinet russe imagina de faire écrire au czar par Louis XVIII une lettre désespérée où il déclarait qu'il descendrait du trône plutôt que de consentir à ternir son antique splendeur par un abaissement sans exemple. Armé de cette lettre dont la minute avait été rédigée sous ses yeux, et que Louis XVIII avait copiée d'une belle écriture sans en penser un seul mot, le czar réussit à faire adoucir les conditions de l'ultimatum[52]. Les plénipotentiaires renoncèrent aux forts de Joux et de l'Ecluse et à la place de Charlemont, réduisirent de 800 millions à 700 millions l'indemnité de guerre et consentirent que le plus long terme de l'occupation fût fixé à cinq années[53].

Richelieu ne voulait céder ni Condé ni Givet. Il batailla avec beaucoup d'habileté et obtint gain de cause. Mais les Alliés demandèrent alors que l'indemnité fût rétablie à 800 millions. Richelieu repoussa ce marchandage. Le matin du ler octobre, il eut avec Wellington un entretien particulier où ils tombèrent d'accord sur les questions demeurées en litige, et, le lendemain dans l'après-midi, il signa avec les ministres des quatre puissances les préliminaires de la paix[54]. Restaient quelques points de détails à régler ; cela traîna plus de six semaines. Le 20 novembre, le traité fut enfin signé.

Les conditions définitives étaient : 1° la cession des villes et territoires de Landau, Sarrelouis, Philippeville et Marienbourg, du département du Mont-Blanc et de quelques districts limitrophes de la Suisse, soit quatre places fortes et 395 lieues carrées ; 2° le démantèlement de Huningue ; 3° l'occupation, pendant cinq ans au plus et trois ans au moins, d'une ligne militaire le long de la frontière par 15.0000 hommes nourris, entretenus et soldés par la France ; 4° une indemnité de guerre de 700 millions[55]. En ajoutant à ces 700 millions une somme de 350 millions pour l'entretien de l'armée d'occupation pendant trois ans seulement et une autre somme évaluée à 386 millions, tant pour les réquisitions des Alliés en nature et en numéraire durant les quatre mois écoulés depuis leur entrée en France que pour les indemnités consenties afin qu'ils cessassent ces réquisitions, c'était un total de 1.636 millions[56], sans compter les pertes subies par l'enlèvement du matériel et des approvisionnements des places fortes, d'une valeur de 21.763.000 francs[57], les pillages, les incendies, les spoliations et les dilapidations de toutes sortes.

Quand Richelieu eut mis d'une main tremblante sa signature au bas des préliminaires, il rentra au Conseil. Il était pâle comme un mort. Il avait dû se contenir devant les étrangers ; il éclata : — Je suis déshonoré ! Après ce que je viens de consentir, je mériterais de porter nia tête sur l'échafaud !... Pouvais-je faire autrement ? A quoi la France, aujourd'hui, est-elle en état de résister ?... Pourquoi faut-il que j'aie remis les pieds dans mon malheureux pays ? Mieux valait cent fois aller mourir au fond de l'Asie ![58] Richelieu se condamnait injustement. Talleyrand ayant accepté en principe une cession territoriale, une indemnité et une occupation, il se trouvait lié : il ne pouvait, lui qui représentait la conciliation, se montrer plus intransigeant que son prédécesseur. Et grâce à l'amitié personnelle du czar, grâce aussi à l'estime qu'imposaient sa personne et sa loyauté, il avait assez facilement arraché des mains haineuses et rapaces de l'étranger cent millions de francs, quatre forteresses et quarante-cinq lieues carrées de territoire français. Il est présumable que Talleyrand, à force de marchander, aurait obtenu les mêmes concessions, car au point où les choses en étaient arrivées, les Alliés, sans doute, n'eussent point rompu pour des questions de quotités[59]. Mais en signant le traité, Talleyrand n'aurait pas eu le cri douloureux de Richelieu.

 

III

La paix était faite avec l'Europe ; il fallait maintenant pacifier la France. Le gouvernement royal, stimulé par la nouvelle Chambre, y mit tout son cœur. La session parlementaire ouverte le 7 octobre, la Chambre témoigna aussitôt, par son adresse au roi, l'esprit qui l'animait : C'est notre devoir de solliciter votre justice contre ceux qui ont mis le trône en péril... Nous vous supplions que la justice marche où la clémence s'est arrêtée. Que ceux qui aujourd'hui encore, encouragés par l'impunité, font parade de leur rébellion soient livrés à la juste sévérité des tribunaux... Nous ne parlerons pas à Votre Majesté de la nécessité de ne confier qu'à des mains pures les différentes branches de votre autorité, les ministres qui vous entourent nous présentent à cet égard de rassurantes espérances[60].

Les ministres, ou du moins la majorité d'entre eux, avaient en matière de répression et d'épuration les mêmes idées que la Chambre. Le 12 octobre, Clarke fit signer au roi une ordonnance instituant une commission chargée d'examiner la conduite des officiers de tout grade qui avaient servi pendant l'usurpation[61]. On allait organiser la nouvelle armée, et Clarke entendait qu'aucun officier de l'armée des Cent Jours ne pût exercer de commandement sauf avis favorable de la commission. Cette commission offrait toutes les garanties aux meilleurs royalistes. Elle était composée du maréchal Victor, émigré à Gand ; du général de Lauriston, capitaine des mousquetaires noirs ; du général Bordessoulle, émigré à Gand ; du général prince de Broglie, qui avait gagné son grade à l'armée de Condé, et de l'adjudant-commandant de Querelles, ancien chef de chouans[62]. Au reste, les pouvoirs des commissaires étaient étroitement limités. Ils devaient se borner à classer les officiers en dix-neuf catégories établies par le ministre lui-même. Tous les officiers, sans exception, qui n'avaient pas suivi Louis XVIII ou quitté le service après son départ, devaient être portés sur cette liste de suspects. Mais l'indulgence du roi permettrait de rappeler à l'activité, à mesure des besoins, ceux d'entre eux qui seraient rangés dans les dix premières catégories, c'est-à-dire ceux qui avaient abandonné le service militaire vingt jours après l'arrivée de Bonaparte, ceux qui avaient refusé de signer l'Acte additionnel, ceux qui n'avaient fait qu'un service sédentaire, et d'autres encore. La onzième catégorie comprenait les officiers de tous grades qui avaient commandé dans les armées d'opérations. Ceux-ci paraissaient bien compromis et semblaient devoir attendre longtemps leur réintégration dans les cadres. Ainsi Clarke faisait un crime à des officiers français d'avoir combattu aux frontières les Prussiens et les Anglais. Que ne ressuscitait-il, pour les dégrader, les morts de Waterloo ? Quant aux officiers classés dans les neuf dernières catégories, ils seraient à jamais exclus de Farinée. Ces réprouvés étaient les officiers de tous grades qui avaient signé des adresses à l'usurpateur ou commandé des corps de fédérés ou de partisans ; les généraux et les commandants de place qui s'étaient déclarés pour Bonaparte avant le 23 mars ; les officiers généraux et supérieurs qui avaient réprimé les mouvements royalistes ou marché contre les armées royales du Midi et de l'Ouest ; en fin, les officiers à la demi-solde qui avaient quitté leurs foyers pour se joindre à la troupe de l'ile d'Elbe[63].

Le garde des sceaux et le ministre de la police ne voulaient pas se laisser surpasser par le ministre de la guerre. D'ailleurs un peu inquiets du trouble où se trouvait le pays, ils jugeaient -utile d'imposer aux mécontents. Coup sur coup, le 16 et le 18 octobre, Barbé-Marbois et Decazes présentèrent à la Chambre deux projets de loi, l'un sur la répression des cris, discours et écrits séditieux, l'autre sur la suspension de la liberté individuelle. La proposition de Decazes pour laquelle il avait demandé l'urgence fut votée dans une effusion de joie par 294 députés contre 56. Le Voyer d'Argenson ayant dit incidemment que des protestants avaient été massacrés dans le Midi, les deux tiers de la Chambre se levèrent furieux en criant : C'est faux ! C'est faux ! et exigèrent le rappel à l'ordre. L'honnête Lainé, ce grand citoyen, dit Hyde de Neuville, qui eut été Aristide à Athènes et Caton à Rome, ne se fit aucun scrupule de prononcer ce rappel à l'ordre[64].

La loi sur les cris séditieux et provocations à la révolte souleva l'orage. On la trouvait trop clémente. Le ministre de la justice qualifiait délit ce qui était crime aux yeux des bons royalistes et ne demandait comme peine qu'un emprisonnement de trois mois à trois ans. Il fallait pour le moins la déportation. Une commission nommée dans les bureaux amenda en ce sens le projet de loi. Mais les carnivores de l'extrême droite s'indignèrent. — La peine de mort est seule applicable, déclara le comte de Ses-maisons. Un avocat, nommé Piet, dit d'une voix douce que la substitution de la peine de mort à celle de la déportation se réduisait à bien peu de chose. Figarol, président de chambre à la cour de Pau et député des Hautes-Pyrénées, se borna, plein de miséricorde, à demander pour les coupables les travaux forcés à perpétuité. Mais Sallabery, le marquis de Montcalm, le marquis de Castel-Bajac, d'autres encore, réclamèrent la peine de mort et la séquestration des biens. Le texte de la commission, qu'avait rédigé Pasquier, finit par l'emporter[65].

Au cours des débats, le député Daubers avait insinué que des cours spéciales seraient bien plus expéditives. Avec elles, dit-il, il n'y a point recours en cassation et l'exécution a lieu dans les vingt quatre heures[66]. Frappé de la justesse de cette remarque, Clarke présenta le 17 novembre un projet de loi pour l'établissement de cours prévôtales. L'austère Royer-Collard accepta pour la circonstance la fonction de commissaire du roi. Malgré la vive opposition de Le Voyer d'Argenson, de Roy, de Catelan, cette loi qui dépossédait le roi du droit de grâce en ordonnant l'exécution immédiate des condamnés, fut votée par 290 voix contre 10. La Chambre eut cependant la pudeur de couper la parole à Duplessis de Grenedan, député d'Ille-et-Vilaine, quand il proposa cet amendement inattendu : Dans l'exécution des jugements prévôtaux, on appliquera le supplice du gibet[67].

 

IV

Les journaux célébraient le supplice de Murat, fusillé en Calabre[68]. La cour d'assises de la Seine venait de condamner à mort le comte Lavallette[69]. La Chambre des pairs jugeait le maréchal Ney.

Ney avait quitté Paris le 6 juillet, muni de plusieurs passeports à son nom et aux noms de Falize et de Neubourg. A Lyon, il apprit que les routes conduisant en Suisse étaient gardées par les Autrichiens. Il rétrograda vers Paris et s'arrêta quelques jours aux eaux de Saint-Albans, hésitant sur ce qu'il allait faire. Le 24 ou le 25 juillet, une personne de confiance envoyée par la princesse de la Moskowa l'engagea à se réfugier chez une parente de celle-ci qui habitait le château de Bessonies, sur les confins du Cantal et du Lot. Il y arriva le 29. Mais en route il avait été reconnu. Un misérable dénonça au préfet du Cantal le passage d'un individu ressemblant au maréchal Ney. Le zélé fonctionnaire lança les gendarmes sur la piste. Le 3 août, Ney fut arrêté[70].

Ce sera un grand exemple, dit Talleyrand en apprenant cette arrestation. Gouvion Saint-Cyr réclama à Fouché le prisonnier, comme justiciable des conseils de guerre, en s'engageant à le faire conduire à Paris sous bonne et sûre escorte. Le prince de la Moskowa fut écroué à la Conciergerie le 19 août, jour de l'exécution de La Bédoyère[71]. Déjà on s'était occupé de la formation du conseil de guerre[72]. Les maréchaux Moncey, Masséna, Augereau, Mortier, les généraux Maison, Claparède, Villale, furent désignés pour y siéger. Masséna se récusa, alléguant sa mauvaise santé ; Augereau écrivit qu'il était alité. Le ministre maintint ses choix. Mais Maison, très bien en cour, fut dispensé sur son observation que son ancienneté de grade ne l'appelait pas à ces fonctions ; on nomma à sa place le général Gazan[73]. Jourdan reçut l'ordre de présider le conseil de guerre en remplacement de Moncey. Celui-ci était fermement résolu à ne point juger son camarade Ney. Il commença par invoquer comme excuses son état de santé et la perte d'un œil. Gouvion Saint-Cyr le menaça de lui appliquer l'article VI de la loi du 13 brumaire an V, portant destitution et emprisonnement contre quiconque refuse de siéger dans un conseil de guerre sans motif légitime. Moncey ayant répondu qu'il subirait ces peines, Louis XVIII lui dépêcha Vitrolles pour vaincre sa résistance[74]. Il resta inébranlable et exposa au roi, dans une lettre aussi digne que respectueuse, les motifs de son refus : Puis-je être le juge d'un accusé à qui nos lois donnent le droit de me récuser puisqu'il ne peut ignorer que c'est moi qui, le premier, ai fait passer dans les mains de Votre Majesté la preuve matérielle de la défection, et qui en ai manifesté hautement mon indignation ? Puis-je être le juge du maréchal Ney lorsque la malveillance peut se croire autorisée à m'accuser moi-même en nie voyant dépouillé de mes places de ministre d'État, de pair de France, d'inspecteur général de la gendarmerie, de président du collège électoral du Doubs et de toute marque de confiance ? Enfin, il n'est pas impossible que Votre Majesté m'eût rendu un jour la justice que j'ai quelques droits d'attendre d'Elle. N'aurait-on pas pu donner au retour de vos bontés un motif contraire à mon honneur !... En persévérant dans ma résolution, je m'expose peut-être à toute la rigueur de Votre Majesté, mais quelle serait son opinion sur mon compte si, après avoir parcouru une carrière sans reproche, je cessais dans mes derniers jours d'écouter la voix de ma conscience[75]. La réponse de Louis XVIII fut cette ordonnance royale : M. le maréchal Moncey est destitué ; il subira une peine de trois mois d'emprisonnement[76].

L'instruction, bien que l'on s'efforçât de la mener rondement, fut très lente. Le conseil de guerre ne put se réunir que le 9 novembre. Le maréchal Ney ne voulait point être jugé par un tribunal militaire. Ces b...-là ! dit-il, ils me fusilleraient comme un lapin. Les défenseurs élevèrent un déclinatoire fondé sur l'incompétence du conseil de guerre. Ils plaidèrent que le prince de la Moskowa était pair de France à l'époque où avaient eu lieu les faits incriminés, que d'ailleurs il n'avait pas perdu sa qualité de maréchal, et que, en conséquence, il devait être déféré à la Chambre des pairs. Ces propositions étaient contestables. Mais, trop heureux d'échapper à l'obligation de juger, de condamner Ney, les membres du conseil de guerre se déclarèrent incompétents après un quart, d'heure de délibération. Autour du roi, on cria à la trahison ; dans le public, on dit que les juges militaires avaient montré la sagesse de Ponce-Pilate[77].

Le mot était cruel ; il paraît juste. L'empressement que mirent Jourdan, Augereau et les autres à accueillir le déclinatoire est une forte présomption que, quoi qu'on en ait dit, ils eussent condamné le maréchal. S'ils avaient cru possible de rendre un autre verdict, ils ne se seraient pas dessaisis. Le général de Rochechouart, qui veilla à l'exécution de Ney, dit que les membres du conseil de guerre étant à peu près aussi coupables que l'accusé, n'auraient pas osé voter la mort[78]. A considérer la misérable faiblesse humaine, l'état de suspicion où se trouvaient ces juges les aurait plutôt engagés à la sévérité. Et, d'ailleurs, la défection de Ney étant évidente, un tribunal militaire pouvait-il ne pas appliquer la loi ? Ney avait donc mieux à espérer de la Chambre des pairs où les juges moins étroitement asservis à la lettre de la loi, et plus indépendants puisqu'ils étaient nommés à vie, pourraient écouter leur cœur et leur raison.

Mais le gouvernement allait créer au Luxembourg une atmosphère de terreur. En notifiant à la Chambre des pairs l'ordonnance royale qui enjoignait de procéder sans délai au jugement du maréchal Ney, Richelieu prit le ton d'un accusateur public, et d'un accusateur public requérant au nom de l'étranger. Ce n'est pas seulement au nom du roi, dit-il avec véhémence, c'est au nom de la France depuis longtemps indignée, c'est même au nom de l'Europe que nous venons vous conjurer et vous requérir à la fois de juger le maréchal Ney... La Chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation. Elle doit être prompte, car il importe de retenir l'indignation qui de tous côtés se soulève. Vous ne souffrirez pas qu'une plus longue impunité engendre de nouveaux fléaux[79]. Dans le langage du premier ministre, jugement signifiait condamnation, et condamnation signifiait mort. Tout le monde le comprit. Le jeune Rémusat écrivit à sa mère : Ce discours a enchanté Mme de Ch... Cette affaire va le mieux du monde. Il est à croire que l'accusé sera exécuté quand vous recevrez cette lettre[80].

Il y eut cependant quelques délais, au vif déplaisir des tricoteuses du beau monde qui disaient si joliment : Pourquoi le faire languir et nous aussi ? Le procès ne commença que le 21 novembre. On lut l'acte d'accusation, la défense présenta des moyens préjudiciels auxquels il fut passé outre, puis, nonobstant l'opposition acharnée du procureur-général Bahut, la Chambre, le 23 novembre, ajourna les débats au 4 décembre pour permettre à l'accusé de faire citer de nouveaux témoins[81].

Dans les séances des 4 et 5 décembre, il ressortit manifestement de l'interrogatoire du maréchal comme des dépositions des témoins, même les plus hostiles, que Ney avait agi sans préméditation. Parti de Paris avec la ferme résolution d'arrêter Napoléon, il avait tout fait pendant cinq jours pour maintenir son faible corps d'armée dans l'obéissance et pour déboucher sur le flanc de la colonne bonapartiste. Mais voyant la révolution nationale gagner autour de lui tout le peuple des villes et des campagnes, le drapeau tricolore flotter à tous les clochers, la moitié de ses troupes en marche pour rejoindre l'empereur et l'autre moitié prête à se mutiner, il perdit la tête, céda au courant[82]. — Est-ce vous qui auriez marché ? dit-il à Bourmont qui, cité comme témoin, le chargeait d'autant plus que lui-même était jusqu'à un certain point complice de sa défection. Est-ce vous qui auriez marché ? Je ne vous en crois pas capable[83]. Au demeurant, la défection de Ney avait été sans conséquences. Ce n'était pas lui qui avait livré son armée ; c'étaient les soldats qui avaient entraîné leur chef.

Mais s'il n'y avait pas eu préméditation, s'il n'y avait eu que vertige, entraînement, force majeure, le crime d'attentat, selon les termes de l'accusation, ou plutôt de défection, n'en était pas moins patent. De l'avis de Berryer et de Dupin, avocats de Ney, une condamnation plus ou moins sévère était inévitable. Aussi comptaient-ils sur un moyen péremptoire qui aurait fait tomber l'accusation et, conséquemment, soustrait le maréchal à toute poursuite présente ou ultérieure. C'était l'article XII de la convention de Saint-Cloud, portant que tous les individus qui se trouvaient alors à Paris ne pourraient être inquiétés pour leurs fonctions, leur conduite ou leurs opinions[84].

Ney et ses défenseurs se faisaient beaucoup d'illusions sur cette clause. Le 3 juillet, les chefs des armées anglaise et prussienne avaient conclu une convention exclusivement militaire qui ne touchait en rien aux affaires politiques[85]. Wellington connaissait, la proclamation de Cambrai, et il devait au moins présumer les intentions du cabinet anglais à l'égard des complices de Bonaparte[86]. Il ne pouvait donc résoudre, de sa propre autorité, la question de l'amnistie. La convention, écrivait-il dès le 14 juillet à lord Liverpool, ne lie que ceux qui y sont parties : d'un côté l'armée française, de l'autre les armées alliées sous les ordres du prince Blücher et de moi. L'article XII ne peut pas être regardé et n'a jamais été compris comme devant lier d'autres personnes et d'autres autorités[87]. La preuve qu'il avait entendu ainsi l'esprit de l'article XII, c'est son refus formel d'admettre l'article XIII qui en aurait été la sanction en obligeant les généraux étrangers à donner des passeports et à garantir toutes sûretés aux personnes qui voudraient quitter la France. Devant la Chambre des pairs, Bignon, Bondy et Guilleminot, signataires de la capitulation de Paris, interprétèrent l'article XII comme une garantie pour les individus non seulement pendant les premiers jours de l'occupation mais aussi après le retour du roi[88]. Mais ni Fouché, qui avait veillé à la rédaction de la convention, ni Davout, qui l'avait ratifiée, n'avaient eu cette opinion. Autrement, Fouché n'aurait pas, le 5 juillet, insisté auprès de Wellington pour que le roi accordât une amnistie pleine et entière ; Davout n'aurait pas, le 9 juillet, posé comme condition à la soumission de son armée un engagement du roi que nul Français ne serait proscrit[89]. Quand les Alliés invitèrent impérativement Louis XVIII à des mesures contre les bonapartistes, Talleyrand et Fouché, qui d'abord répugnaient à la répression, n'eurent point l'idée d'opposer à cette outrageuse demande l'article XII de la capitulation. Avant le procès de Ney, aucun accusé, aucun proscrit ne pensa être garanti par cet article, ni La Bédoyère fusillé en août, ni Lavallette condamné en novembre, ni Drouot constitué prisonnier, ni Grouchy, Lefebvre-Desnoëttes, Laborde, Mouton-Duvernet, Lallemand, et Clauzel en fuite. Ney lui-même, qui, au mois de-juillet, avait cherché à gagner la Suisse sous un faux nom, ne se croyait pas alors couvert par la capitulation. A la veille du procès devant la Chambre des pairs, le maréchal et ses défenseurs regardaient si bien le texte de l'article XII non comme décisif, mais comme sujet à discussion, qu'ils s'efforcèrent d'obtenir de Wellington une interprétation favorable. La princesse de La Moskowa s'y employa avec un dévouement passionné. Elle vit Wellington, elle écrivit à lord Rolland, à lord Liverpool, au Prince Régent, elle fit supplier le czar par Jomini. Elle reçut cette réponse : On n'a jamais compris et il n'a pu être compris que l'article XII empêcherait le gouvernement français d'alors, ni tout autre gouvernement français qui lui succéderait, d'agir comme il le jugerait convenable à l'égard des personnes présentes à Paris[90].

Il n'en est pas moins vrai que l'article XII était équivoque, et que l'interprétation qu'y avaient donné le roi et les Alliés leur était également injurieuse puisque le roi en avait profité pour assouvir les vengeances de son parti et puisque la bonne foi des Alliés s'en trouvait suspectée. Et c'est précisément pour ménager l'honneur de Louis XVIII et l'honneur de Wellington que, le 6 décembre, Richelieu signa avec tous les membres du cabinet et fit tenir au président de la Chambre une note en forme de réquisitoire interdisant formellement la lecture de la convention militaire et toute discussion à ce sujet.

Le chancelier Dambray obéit. Aux premiers mots de Berryer sur la convention de Saint-Cloud, il l'arrêta : — En vertu de mon pouvoir discrétionnaire, je défends aux défenseurs de raisonner d'un traité auquel le roi n'a eu aucune participation[91]. Dupin intervint : — Mais il est permis d'invoquer le traité du 20 novembre. En vertu de ce traité, Sarrelouis ne fait plus partie de la France. M. le maréchal Ney est né à Sarrelouis. Il est sous la protection du droit général des gens. Il est toujours Français d'intention, mais il est né dans un pays qui n'est plus soumis au roi de France[92]. Le maréchal s'était brusquement levé. Il s'écria d'une voix éclatante : — Je suis Français, je mourrai Français !... Jusqu'ici ma défense a paru libre, je m'aperçois qu'on l'entrave. Je remercie nies généreux défenseurs, mais je les prie de cesser plutôt de nie défendre tout à fait que de me défendre imparfaitement... Je suis accusé contre la foi des traités et on ne veut pas que je les invoque. Je fais comme Moreau. J'en appelle à l'Europe et à la postérité ![93]

Bellini prononça son réquisitoire, puis la Chambre se forma en comité secret pour délibérer. Les pairs présents étaient au nombre de cent soixante et un.

Sur la première question : Le maréchal Ney a-t-il reçu des émissaires dans la nuit du 13 au 14 mars ? cent onze pairs répondirent affirmativement, quarante-sept négativement. Trois, Lanjuinais, d'Aligre et Nicolaï, protestèrent, alléguant qu'ils ne pouvaient juger en conscience, attendu le refus qu'on avait fait à l'accusé d'entendre sa défense sur la convention du 3 juillet.

Sur la deuxième question : Le maréchal Ney lu le 14 mars une proclamation aux troupes les invitant à la défection ? il y eut cent cinquante-huit voix pour l'affirmative. Lanjuinais, d'Aligre et Nicolaï protestèrent de nouveau.

Le président posa la troisième question : Le maréchal a-t-il commis un attentat à la sûreté de l'État ? Lanjuinais dit : Oui, mais couvert par la capitulation de Paris. D'Aligre et Nicolaï s'abstinrent. Cent cinquante-sept pairs dirent : Oui. Un pair dit : Non. C'était le plus jeune de la Chambre, il était royaliste de sentiment et de tradition, il comptait parmi ses aïeux trois maréchaux de France, son père était mort sur l'échafaud révolutionnaire. Il s'appelait Victor de Broglie[94].

Dans cette assemblée où régnaient avec la terreur la haine et la vengeance, ce vote audacieux, défi au sentiment unanime, avait quelque chose d'héroïque. Le duc de Broglie rendit sa protestation plus significative et plus éclatante encore en en donnant les raisons. Il dit : — Pas de crime sans intention criminelle. Je ne vois dans les faits justement reprochés au maréchal Ney ni préméditation ni dessein de trahir. Au dernier moment, il a cédé à l'entraînement qui lui paraissait général et qui ne l'était que trop en effet. C'est une faiblesse que l'histoire appréciera sévèrement mais qui ne tombe point, dans le cas présent, sous la définition de la loi. Il est des événements qui dépassent la justice humaine[95].

On vota sur la peine. Cinq pairs, d'Aligre, Nicolaï, Brigode, Sainte-Suzanne, Choiseul-Stainville, s'abstinrent en proposant de recommander Ney à la clémence du roi. Dix-sept, dont Lanjuinais, Broglie, Berthollet, Fontanes, Lally-Tollendal, Montmorency, les généraux Curial et Gouvion, votèrent la déportation. — C'était le salut, car, ainsi que d'autres condamnés, le maréchal eût été gracié après la Terreur blanche. — Cent trente-huit pairs votèrent la mort selon les formes militaires. Une hôte féroce, le comte Lynch, rugit : — La guillotine ![96]

Le général Dupont, sur qui pesait le souvenir de la capitulation de Baylen, fut comme Lynch impitoyable. Marmont qui avait précisément commis le crime imputé à Ney, mais avec cette différence qu'au .lieu de se laisser entraîner par ses soldats pour aller à Napoléon il avait traîtreusement stipulé de livrer son corps d'armée à l'ennemi, jugea que aucun coupable ne pouvait être puni avec plus de justice[97]. C'était dans la logique humaine.

Parmi les cent trente-huit, pairs qui votèrent la mort, il y eut encore les maréchaux Pérignon, Kellermann, Sérurier, Victor, l'amiral Ganteaume, les généraux Compans, Maison, La Tour-Maubourg, Dessolles, Beurnonville, Soldés, Monnier, Lauriston. Il y eut Molé, Laplace, d'Aguesseau, Beauharnais, Tascher, Carnier, Barthélemy, Séguier. Lemercier et tant d'autres qui avaient rampé avec des places, des titres, des cordons et des dotations dans la grasse servitude impériale. Il y eut Desèze que le procès de Louis XVI avait rendu sans doute inaccessible à la pitié. Il y eut enfin Chateaubriand.

Ney avait été ramené au second étage du palais, dans la petite pièce à fenêtres grillées qui lui servait de prison[98]. Il soupa de bon appétit, et comme un de ses gardes en paraissait surpris, il dit : — Je suis sûr que M. Bellart ne dîne pas avec autant d'appétit que moi. Il brûla quelques papiers en fumant un cigare, se coucha tout babillé et s'endormit. A trois heures et demie du matin, le chevalier Cauchy, Secrétaire-archiviste de la Chambre des pairs, le réveilla pour lui donner lecture de l'arrêt. C'étaient dix pages d'écritures, et Cauchy ne passait pas un mot. — Au fait ! au fait ! s'écria Ney impatienté. Laissez-là toutes ces formules. Il apprit froidement qu'il serait fusillé le matin même[99]. La Chambre avait décidé que l'exécution aurait lieu dans les formes prescrites par le décret du 12 mai 1793, c'est-à-dire dans la journée. On avait hâte d'en finir. Depuis quinze jours, le bruit courait que des officiers complotaient l'évasion du maréchal[100]. Les plus grandes précautions avaient été prises. 5.000 hommes de garde nationale étaient tenus prêts à marcher, les postes du Luxembourg, étaient renforcés par une compagnie entière de sous-officiers vétérans, de nombreuses patrouilles de gendarmes parcouraient les rues avoisinantes. Comme on ne se fiait pas aux gendarmes, des gardes du corps et des officiers de la garde royale, vêtus de capotes bleues de soldats, faisaient faction dans le couloir qui donnait accès à la chambre de Ney. Dans sa chambre même, il devait subir jour et nuit la présence de deux gardes du corps portant l'uniforme des grenadiers de La Rochejaquelein[101].

Peu après Cauchy, le tout jeune général de Rochechouart (il avait vingt-sept ans), un brillant émigré récemment nommé commandant de la place de Paris et chargé en cette qualité d'assurer l'exécution du jugement, entra chez Ney. Il venait l'informer que le roi l'autorisait à recevoir trois personnes seulement, sa femme, son notaire et son confesseur. — Je verrai d'abord mon notaire, dit Ney ; je recevrai ensuite ma femme et mes enfants. Quant au confesseur, qu'on me laisse tranquille. Je n'ai pas besoin de prêtraille. Un des faux grenadiers de La Rochejaquelein osa, chose en vérité surprenante, élever la voix : — Vous avez tort, Monsieur le maréchal. Je n'ai jamais été si hardiment au feu qu'après avoir recommandé mon tune à Dieu. — Tu as peut-être raison, mon brave, dit Ney en lui frappant sur l'épaule ; et se tournant vers le colonel de Montigny, adjudant du palais, il le pria de faire venir un prêtre qu'il recevrait après la maréchale[102].

Vers cinq heures du matin, la princesse de La Moskova arriva avec sa sœur, Mme Gamot. Au seuil de la porte, elle jeta un grand cri et tomba défaillante dans les bras du maréchal. Il l'assit sur ses genoux, l'embrassa, s'efforça de la consoler. Elle sanglotait et ne l'entendait pas. Quand elle eut repris un peu de calme, Ney la porta dans un fauteuil, et se promena de long en large en raisonnant sur sa destinée : — Je me suis sacrifié pour empêcher la guerre civile. J'ai fait comme Curtius, je me suis précipité dans le gouffre !Ah ! tu seras vengé ! s'écria la maréchale. — Non, mon amie. Tu apprendras le pardon à tes enfants... Qu'est-ce que la mort ! Les enfants qu'on était allés chercher entrèrent dans la chambre, les trois aînés seuls, dont le plus pigé avait douze ans ; on n'avait pas voulu réveiller le quatrième. Il les embrassa plusieurs fois de suite. Il luttait en vain contre l'attendrissement, il avait hâte de voir finir cette scène qui le torturait. Mme Ney ayant dit au milieu de ses sanglots : — Mais tu auras la grâce, j'irai me traîner aux pieds du roi ! il saisit l'occasion : — Si tu veux faire cette démarche, mon amie, il est temps de partir. Leurs larmes se mêlèrent. Ils s'embrassèrent encore, lui, sachant que c'était pour la dernière fois, elle, gardant une suprême espérance en la miséricorde royale[103].

Quand la maréchale fut partie, on introduisit l'abbé de Pierre, curé de Saint-Sulpice. Puis, laissé seul avec ses gardiens, Michel Ney se jeta sur son lit et s'endormit aussi tranquillement qu'à la veille d'une bataille[104].

Il s'éveilla de lui-même, avec une exactitude militaire, à huit heures un quart. Rochechouart pria l'abbé de Pierre d'avertir le condamné. — Je suis prêt, dit Ney dès que le prêtre parut. Il descendit d'un pas ferme le petit escalier qui menait à la cour d'honneur. Il faisait un vrai temps de décembre, sombre, humide, glacial. Voilà une vilaine journée, dit le maréchal, et il monta avec l'abbé de Pierre et deux officiers de gendarmerie dans un fiacre que l'on avait fait chercher. L'escorte était nombreuse, gendarmes, grenadiers de La Rochejaquelein, sous-officiers vétérans, gardes nationaux à pied et à cheval. On gagna lentement, par le jardin, l'extrémité de l'allée de l'Observatoire que fermait une grille. A cinquante mètres au delà de cette grille, la voiture s'arrêta. — Déjà arrivé ! dit Ney, qui croyait être fusillé dans la plaine de Grenelle comme tous les condamnés militaires. Les troupes se formèrent. Le maréchal refusa avec hauteur de se laisser bander les yeux et de se mettre à genoux : — Un homme comme moi ne se met pas à genoux. Il demanda à l'adjudant-commandant Saint-Bias où il devait se placer. Celui-ci ayant désigné un mur en construction, il alla s'y adosser. Au commandement de Saint-Bias, le peloton d'exécution, formé de douze sous-officiers vétérans, prit la position de : Apprêtez armes ! Ney porta la main sur son cœur, lit un pas en avant et dit d'une voix assurée : — Français, je proteste contre mon jugement. Mon honneur !... — Joue ! Feu ! commanda Saint-Bias, oubliant dans sa précipitation que selon les règlements il devait donner avec l'épée le signal de mort. Ney tomba. Les tambours battirent, les troupes crièrent : Vive le roi[105] !

La maréchale Ney était aux Tuileries. Pendant plus d'une heure, elle était restée debout, seule avec sa sœur, au bas de l'escalier de Flore, au milieu des gardes et des valets assis sur les banquettes. — Il est impossible que vous voyiez le roi, lui avait dit un exempt des gardes du corps ; cela pourrait troubler son déjeuner. Le ministre de la guerre, Clarke, passa pour monter chez le roi. Elle courut à lui, s'accrocha à son uniforme. Il se dégagea brutalement, et, sans dire un mot, gravit l'escalier. Enfin un officier la conduisit à l'appartement particulier du duc de Duras, Premier gentilhomme. Elle le supplia en sanglotant de la mener chez le roi, ou, s'il ne pouvait la recevoir, chez la duchesse d'Angoulême. Duras était ému, mais il avait des ordres qu'il n'osait enfreindre. La princesse de La Moskowa, cependant, ne voulait point quitter le château. Elle continuait d'attendre, désespérément. A dix heures, quand tout était consommé, le duc de Duras reçut de la part du roi l'avis que l'audience sollicitée par Mme Ney serait désormais inutile. Il dit à l'oreille de Mme Gamot : — Il n'est plus temps ! Alors celle-ci, indignée, saisit nerveusement sa sœur par le bras en s'écriant : — Viens ! ta place n'est pas ici ! La veuve du maréchal Ney comprit. Elle tomba évanouie sur le plancher[106].

 

IV

Ce soir-là, le duc de Berri trouva à propos d'aller à la Comédie-Française. Son entrée fut applaudie, et le marquis de P... lui dit en se frottant les mains : — Encore deux ou trois petits pendus, Monseigneur, et la France sera à vos pieds ![107]

Le vieil émigré pensait à Lavallette qui attendait depuis quinze jours dans une cellule de la Conciergerie l'issue de son pourvoi. Condamné par la cour d'assises, Lavallette redoutait moins la mort que le mode de supplice. ... Mourir pour nous, vieux soldats, est peu de chose, écrivit-il à Marmont. Nous avons bravé la mort sur de nobles champs de bataille. Mais la Grève ! Oh ! cela est horrible ! Au nom de notre ancienne amitié, au nom de nos anciens périls, ne souffrez pas qu'un de vos compagnons d'armes monte à l'échafaud. Qu'un piquet de braves grenadiers termine ma vie[108]. Marmont porta cette lettre au roi qui la lut en entier et dit sèchement : — Non, il faut qu'il soit guillotiné[109]. Louis XVIII n'était plus le souverain débonnaire de 1814. La peur de la Chambre, la peur de la Cour, la peur des Alliés, la peur du bonapartisme, la peur du jacobinisme, la peur du duc d'Orléans, la peur du comte d'Artois, la peur d'un troisième exil, la peur de ses amis comme de ses ennemis avaient rendu impitoyable ce roi avant tout soucieux de son repos.

Sauf chez les ultras, Lavallette avait l'universelle sympathie. Son procès avait ému Paris plus encore que celui du maréchal Ney dont, à vrai dire, il avait fallu la mort tragique pour faire resplendir de nouveau l'auréole de gloire qui s'était ternie sur son front[110]. Tout le monde voulait sauver Lavallette, non seulement Marmont, mais Pasquier, mais d'Hauterive, mais la princesse de Vaudémont, mais Gérando, mais Molé, mais Barbé-Marbois, mais Decazes, mais le roi de Bavière lui-même[111]. On multiplia les démarches. Sollicité de tous côtés, Richelieu consentit à remettre au roi un mémoire où d'Hauterive avait exposé toutes les raisons de justice et de politique pour une commutation de peine. Plus de cent mille personnes en France sont aussi coupables que lui, concluait-il. Sa mort n'ajouterait rien à l'exemplaire de la condamnation[112]. Au risque d'une disgrâce, Marmont força la consigne pour introduire la comtesse Lavallette dans la salle des gardes, aux Tuileries, à l'heure où le roi entendait la messe. Quand il sortit de la chapelle, elle tomba à ses pieds, en lui tendant un placet. — Madame, dit le roi, je prends part à votre grande douleur. Mais j'ai des devoirs qui me sont imposés, et je ne puis m'empêcher de les remplir. Des gardes du corps eurent l'impudeur de crier : Vive le roi ! Mme Lavallette demeurée à genoux tendit un second placet à la duchesse d'Angoulême, qui suivait Louis XVIII. Celle-ci l'évita par un écart, en lui lançant un regard furieux[113]. La pieuse princesse, l'Antigone française comme on l'appelait, s'était engagée à ne point demander au roi de faire grâce[114].

Les plus haut, placés parmi les amis de Lavallette ne pouvaient le saliver. Mais ce que n'avait pu faire la coalition de la pitié, l'audace d'une femme l'accomplit. Le 20 décembre, veille du jour fixé pour l'exécution[115], Mme Lavallette vint dîner avec son mari à la Conciergerie. Elle amenait sa fille Joséphine, âgée de douze ans. Dans la cellule, elle enleva son chapeau et son grand manteau fourré, retira de son réticule une jupe de taffetas noir, et dit : — Il n'en faut pas davantage pour vous déguiser parfaitement. A sept heures sonnant, vous sortirez en donnant le bras à Joséphine. Vous aurez soin de marcher bien lentement, et, en traversant le greffe, vous vous couvrirez le visage avec ce mouchoir... Prenez garde, en passant sous les portes, qui sont si basses, de ne point accrocher les plumes de mon chapeau car tout serait perdu. Elle expliqua ensuite que Lavallette trouverait dans la cour ouverte la chaise à porteurs dont elle se servait d'ordinaire, — Mme Lavallette souffrante depuis douze ans pouvait à peine marcher — et qu'il serait rejoint aussitôt par M. de Baudus qui le ferait monter en cabriolet et le mènerait jusqu'en un lieu de sûreté. Averti seulement depuis la veille de ce projet sublime et insensé, Lavallette résistait. Il jugeait l'entreprise impraticable, et surtout il se révoltait à la pensée d'abandonner sa femme malade aux brutalités des geôliers. — Point d'objections, dit simplement Mme Lavallette. Si vous mourez, je meurs[116].

L'évasion s'effectua de point en point comme l'avait combinée Mme Lavallette. Le prisonnier sortit sans difficulté de la Conciergerie, trouva la, chaise à porteurs, la quitta à quelque distance pour monter dans un cabriolet où un habillement de laquais était préparé et qui le conduisit à l'angle de la rue Plumet et de l'avenue de Breteuil. Là, il suivit à pied Baudus jusqu'à la rue du Bac. Celui-ci lui avait trouvé un refuge où personne, et surtout le duc de Richelieu, ne pouvait penser à le chercher. C'était, dans l'hôtel même du ministère des Affaires étrangères, l'appartement particulier du caissier Bresson. Pendant la Révolution, de braves paysans vosgiens avaient donné asile à Bresson proscrit et à sa femme, et, en reconnaissance, Mme Bresson avait fait vœu de sauver un condamné politique. Baudus connaissait ce serment. Il parla de Lavallette à cette noble femme qui lui répondit dans une effusion de cœur : — Qu'il vienne. Mon mari est sorti, mais je n'ai pas besoin de le consulter. Il m'approuvera[117].

Cette évasion romanesque fut pour Paris un soulagement et une joie. On aurait illuminé ! dit le duc de Broglie. Des bandes de peuple couraient les rues en chantant, les dames de la Halle s'enthousiasmaient pour Mme Lavallette[118]. Mais profonde consternation à la Cour et grande fureur à la Chambre. L'État semblait mis en péril et la royauté menacée. — Vous verrez qu'ils diront que c'est nous ! s'écria Louis XVIII. Richelieu écrivit à Decazes : Il faut absolument retrouver Lavallette, coûte que coûte, car sans cela l'effet serait affreux. Des députés demandèrent qu'une commission fût nommée dans la Chambre afin de recueillir tous les renseignements sur la conduite des ministres et de lui en rendre compte. Cette proposition qui, on l'espérait au Palais Bourbon, devait avoir pour résultat la mise en accusation du garde des sceaux et du ministre de la police, fut prise en considération. On voyait des gens aussi désolés de l'évasion de Lavallette, dit Boni de Castellane, que s'ils eussent dû entrer à la Conciergerie pour subir le sort qui lui était réservé. La comtesse Lavallette, malgré son état maladif, resta emprisonnée un mois dans la cellule malsaine qu'avait occupée le maréchal Ney. Allait-on la guillotiner à la place de son mari ? La petite Joséphine Lavallette avait été l'amenée au couvent. Ses compagnes la regardèrent avec horreur pour avoir aidé à sauver son père. On la mit en quarantaine. Les mamans l'appelaient la petite scélérate[119].

En exaspérant la Chambre, l'évasion de Lavallette eut pour effet de faire amender dans le sens le plus rigoureux le projet de loi sur l'amnistie[120]. Aux termes de l'ordonnance royale du 24 juillet, les officiers généraux compris dans l'article premier devaient être traduits en conseil de guerre sans que les Chambres eussent à intervenir. Déjà La Bédoyère et Ney étaient fusillés, Lavallette promis à l'échafaud, Debelle, Drouot, Cambronne sous les verrous, les autres en fuite. Mais il restait à fixer le sort des trente-sept individus désignés par l'article Il comme devant rester sous la surveillance de la police jusqu'à ce que les Chambres statuassent sur ceux d'entre eux qui devraient ou sortir du royaume ou être déférés à la justice. Dès le mois de novembre, La Bourdonnaie, Hyde de Neuville, Duplessis de Grénedan et quelques fanatiques de l'extrême-droite avaient pris prétexte de cette disposition pour élaborer divers projets de loi qui y étaient absolument contraires. La Chambre, prétendaient-ils, ne connaît pas les individus, mais elle spécifie les crimes. En conséquence, elle n'a pas à statuer sur les mesures à prendre contre chacun des criminels désignés nominativement dans l'article II, mais elle doit supplier le roi d'étendre les exceptions à l'amnistie. D'après le projet de La Bourdonnaie seraient exclus de l'amnistie : 1° Les officiers généraux, commandants de places et préfets qui avaient passé à Bonaparte antérieurement à l'époque dont la date serait fixée par les Chambres. 2° Les titulaires des grandes charges administratives et militaires pendant l'interrègne. 3° Les régicides qui avaient renoncé à l'amnistie proclamée dans la charte de 1814 ; par le fait d'avoir accepté des fonctions 'le l'usurpateur, siégé dans ses Chambres ou signé son acte additionnel, ils devaient être regardés comme régicides relaps. Le jugement de tous ces individus ressortirait, selon leurs qualités, aux conseils de guerre, aux cours d'assises ou aux cours prévôtales. Les juges appliqueraient des peines variant de la mort à la déportation. Les biens des contumax seraient mis sous séquestre jusqu'à leur décès. Dans les comités secrets où il développa sa proposition, La Bourdonnaie la soutint par des arguments à la Marat. Le moment de la justice est arrivé. Qu'elle soit prompte et terrible pour que la tranquillité renaisse... Pour arrêter les trames criminelles, il faut des fers, des bourreaux, des supplices... Ce ne sera qu'en jetant une erreur salutaire dans l'âme des rebelles et des conspirateurs que vous préviendrez leurs coupables projets. Ce ne sera qu'en faisant tomber la tête de leurs chefs que vous isolerez les factieux... Défenseurs de l'humanité, sachez répandre quelques gouttes de sang pour en épargner des torrents[121].

Quelques gouttes de sang ! La Bourdonnaie n'était pas si économe ! Le vote de son projet eût entraîné la mort ou la déportation de plus de onze cents personnes. Le bruit s'en répandit dans Paris. Ou afficha sur la porte du Palais Bourbon : Amnistie est accordée à tous les Français excepté à un tiers qui sera roué, à un tiers qui sera pendu et au troisième tiers qui rouera et pendra les autres ![122] Richelieu s'alarma. Pour prévenir le dépôt de cette proposition sanguinaire, il déposa lui-même un projet de loi d'amnistie, différant peu de l'ordonnance royale du 24 juillet. Les poursuites seraient continuées contre les individus compris dans l'article Ier ; et les personnes comprises dans l'article II seraient tenues, sans distinction, de sortir de France sous deux mois. Les dispositions de l'ordonnance étaient cependant aggravées par l'adjonction d'un article qui portait que la présente amnistie ne serait pas applicable aux personnes contre lesquelles auraient commencé des poursuites avant la promulgation de la loi[123].

Pour présenter le projet d'amnistie, Richelieu choisit le 8 décembre, lendemain de l'exécution du maréchal Ney. Il pensait sans doute à ces dompteurs qui n'entrent dans les cages qu'après le repas des animaux féroces. La Chambre accueillit les paroles du ministre par des Vive le Roi ! Mais elle élut dans ses bureaux une commission en majorité hostile au projet ministériel. Cette commission l'amenda de telle sorte que le 21 décembre, quand le rapporteur le communiqua à la Chambre, il n'était pas reconnaissable. Ce n'était plus une loi d'amnistie ; c'était une loi de proscription. On y avait introduit toutes les exceptions précédemment proposées par La Bourdonnaie, ainsi qu'un article en vertu duquel le trésor public se porterait partie civile contre les condamnés pour requérir l'indemnité du préjudice causé à l'État. Le produit de ces sommes serait appliqué au paiement des contributions de guerre. C'était le rétablissement de la confiscation. La discussion dura jusqu'au 6 janvier. Richelieu résista, batailla, l'emporta tic neuf voix sur les amendements relatifs aux exceptions et aux condamnations pécuniaires, mais il dut accepter le bannissement à perpétuité des régicides relaps. L'ensemble de la loi fut voté par 334 voix contre 32[124].

Aux termes de l'article V, l'amnistie n'était pas applicable aux personnes contre lesquelles avaient été commencées (les poursuites. Les jurisconsultes du bureau de la Justice militaire déclarèrent qu'un simple écrou motivé ou même un ordre d'arrestation suffirait pour établir un commencement de poursuites. En conséquence, le 11 janvier 1816, veille du jour où fut promulguée la loi, Clarke envoya par le télégraphe plusieurs ordres d'arrestation[125].

La loi d'amnistie donna une ardeur nouvelle à la vengeance, un élan nouveau à la répression. Sauf Drouot et Cambronne qui furent acquittés, Grouchy, sur la cause duquel le conseil de guerre se déclara incompétent, mais qui néanmoins ne rentra pas en France, et Laborde dont l'identité n'était point suffisamment établie, les dix-neuf officiers généraux désignés dans l'article Ier de l'ordonnance du 24 juillet furent tous condamnés à mort par contumace ou effectivement. Le dernier en date de ces condamnés, le général Mouton-Duvernet, fut fusillé à Lyon le 27 juillet 1816. Le comte de Damas, gouverneur de Lyon, le préfet, le général d'Armagnac, président du conseil de guerre, demandaient sa grâce ; le roi dit qu'il ne voulait pas intervertir le cours ordinaire de la justice[126]. Les trente-neuf personnes comprises dans l'article II durent s'expatrier, ainsi que presque leurs les régicides. Carnot et beaucoup d'anciens conventionnels moururent en exil. Neuf mille condamnations politiques furent prononcées par les cours d'assises, les conseils de guerre, les tribunaux correctionnels et les cours prévôtales[127]. On procéda en conscience à la juste épuration réclamée par la Chambre : destitutions de préfets, de sous-préfets, de centaines de maires, de 1.000 juges de paix ; révocations ou suspensions de 265 recteurs, régents et professeurs[128] ; exclusion de l'Institut de Monge, de Lakanal, de David et de dix-huit autres académiciens ; élimination des cours et tribunaux de 55 présidents, de 41 procureurs généraux et avocats généraux, de 202 conseillers et de 1.400 juges[129]. En vertu de l'article V de l'amnistie, on poursuivit les généraux Marchand, Travot, Porret de Morvan, Morand, Radet, Decaen, Chartran, Rigaud, Bonnaire, Gruver, le contre-amiral de Linnois, l'adjudant-commandant Boyer et le capitaine Thomassin. Les conseils de guerre prononcèrent la peine de mort contre Morand, Porret de Morvan et Rigaud, contumax. Radet fut condamné à neuf ans de détention, et Bonnaire à la déportation. — Bonnaire subit la dégradation militaire à grand spectacle, sur la place Vendôme, à une heure après-midi. — Boyer, Gruger et Travot furent condamnés à mort, mais le roi daigna commuer leur peine en vingt années de détention. Travot dont les Vendéens eux-mêmes disaient la bonté et citaient les actes de clémence[130] devint fou dans sa prison. Chartran fut fusillé à Lille le 22 mai 1816, quatorze mois après les événements qui l'incriminaient.

Les royalistes ne voulaient point oublier. Nonobstant l'œuvre de restauration nationale accomplie plus tard, sous le gouvernement des Bourbons, la France, elle aussi, se souvint. Quinze ans après ces jours néfastes, elle releva le drapeau tricolore, le drapeau de la Révolution et de l'Épopée. 1830 fut la revanche de 1815.

 

J'ai terminé l'histoire de celte année tragique, comparable aux pires époques de la Ligue et de la guerre de Cent ans, alors que la France désunie et épuisée risquait de tomber dans la vassalité du roi d'Espagne ou sous le sceptre des rois d'Angleterre. En 1815, plus d'armée, un pays sans défense, un roi sans pouvoir, soixante départements occupés, les villes rançonnées, les campagnes ravagées, les habitants fuyant dans les bois, l'autorité aux mains de l'ennemi, la France sous le coup du démembrement, la guerre civile menaçant de s'ajouter à la guerre étrangère, les trois quarts de la population souffrant avec horreur le joug insolent du parti victorieux, les haines politiques et les fureurs religieuses exaltées jusqu'à l'incendie et à l'assassinat. Ici le bâton des Prussiens, là le couteau des égorgeurs royalistes ; partout l'oppression, la honte, la misère, la terreur et la désolation. Quelques années de paix, et la France avait reconstitué son armée et sa marine, augmenté sa production agricole, doublé sa production industrielle, recouvré la richesse, repris son rang parmi les grandes nations. Quand un pays résiste tant de fois à de pareilles catastrophes, quand il triomphe de pareilles crises, c'est qu'il a une vitalité miraculeuse et d'inconnaissables réserves de forces et d'énergie. La raison commande de n'en jamais désespérer. Comment mettre en doute les destinées d'un peuple qui depuis dix siècles est allé de résurrection en résurrection ? C'est la pensée qui m'a soutenu et fortifié en racontant ces événements. J'y ai pris une foi plus robuste et plus ardente dans la Fortune de la France.

 

Paris, 1900-1901.

 

FIN DU TROISIÈME ET DERNIER VOLUME

 

 

 



[1] Rapports de police, septembre à décembre. (Arch. nat., F. 7, 3773, F. 7, 3775, F. 7, 3793.) Rapports du police militaire, 27 octobre, 13 novembre. Rapport de d'Espinois, 23 décembre. (Arch. Guerre.) Comtesse Granville, Lettres, I, 65, 69.

[2] 177 arrestations, du 20 sont au 20 septembre ; 146, du 20 septembre au 21) octobre ; 163, du 20 octobre au 20 novembre. Les mois suivants, le nombre tombe à 73 et 70. (Etat des personnes arrêtées, fin décembre.) (Arch. nat., F. 7, 36211.)

Un rapport de police du mois de novembre porte : la loi sur les manifestations séditieuses impose aux malveillants.

[3] Rapport de police militaire, 14 septembre. (Arch. Guerre.) Comtesse Granville, Lettres, I, 70. — J'ai cependant plaisir à constater que Wellington ayant jugé à propos de donner un grand bal le 1er août, les femmes de la noblesse s'abstinrent d'y aller, encore que M. de Mesnard, aide du camp du duc de Berri, leur ait conseillé de s'y rendre en masse. Lady Granville parle de ce bal singulier où il y avait quatre cents hommes et à peine une quarantaine de femmes, dont huit ou dix Françaises seulement. Parmi celles-ci, la comtesse de N*** dansait avec entrain ; elle dit à quelqu'un qui lui demandait comment elle se portait : — Aussi bien que l'un peut être après avoir dansé sur les ruines de sa patrie.

[4] Dans les campagnes on craint le rétablissement de la dilue et des droits seigneuriaux. Analyse tic la Correspondance des préfets, 29 juillet. (Arch. nat., F, 7, 3044 b). — Les royalistes oui contre eux les acquéreurs de biens nationaux, le paysans qui craignent le retour des droits féodaux et les petits bourgeois qui exècrent les nobles par vanité. Rapport sur l'esprit de la 18e division militaire, 1er octobre. (Arch. Guerre.) — Je pense que le roi se maintiendra si ses courtisans et sa famille ne le contraignent pas à prendre quelque mesure qui alarme sérieusement les propriétaires de biens nationaux. (Wellington à Liverpool, 14 nov. Dispatches, XII, 691.) — La nation indignée fait retomber sur l'infortuné Louis XVIII les malheurs dont il est la première victime. Général Gordone Wellington, 26 juillet (Suppl. Dispatches, XI, 64). — 8.000 émigrés dépossédés dans les Pyrénées-Orientales, 4.000 acquéreurs. Il est impossible de mettre tout cela d'accord. Préfet, Perpignan, 4 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) — Les paysans qui étaient heureux sous l'empire sont aujourd'hui inquiets et mécontents. Gazette d'Augsbourg, 30 septembre. — L'opposition règne dans toutes les campagnes. Préfet de l'Isère, 29 décembre. (Arch. nat.) — A Epinal, où règne un faux esprit national, on confond la restauration avec les maux de l'invasion. Préfet des Vosges, 12 oct. (Arch. nat., F. 3775.) — Ce qu'il y a de plus affreux, c'est que la plupart de ceux qui souffrent s'obstinent à regarder le roi comme la cause de leurs maux et qu'ils regrettent toujours celui-là seul qui en est l'auteur et attachent ainsi à sa tête proscrite une coupable espérance. Cayrol à Gouvion, Nevers, 14 août. (Arch. Guerre.) — Le parti de l'usurpateur est loin d'être abattu. Préfet de la Loire, 6 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) — L'esprit bonapartiste et républicain a fait de grands progrès depuis un an. Général de Vioménil à Clarke, 4 octobre. (Arch. Guerre.) — Le pire, c'est que dans l'idée du peuple les malheurs de l'occupation sent attribués au gouvernement. Préfet de Seine-et-Marne, 22 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[5] Analyse de la correspondance des préfets, août-novembre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Extraits de la correspondance ministérielle, août-novembre. (Arch. Guerre.)

Les départements où ces cris et ces actes se renouvellent le plus souvent sont l'Isère, l'Ain, le Rhône, le Jura, la Côte-d'Or, la Nièvre, l'Yonne, l'Aube, la Marne, la Haute-Marne, les Vosges, la Meurthe, la Meuse, les Ardennes, l'Aisne, la Seine-Inférieure, l'Orne, la Manche, les Côtes-du-Nord, les Deux-Sèvres, les Charentes, l'Allier, la Creuse, le Puy-de-Dôme, la Loire, la Corrèze, le Cantal, la Lozère, l'Aveyron, et même, chose imprévue, les Landes et les Basses-Pyrénées.

[6] Analyse de la correspondance des préfets, 10 et 29 sept., 2, 3, 4, 5, 6, 9, 11. 17, 21 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Extraits de la correspondance ministérielle, 14, 17, 29 août, 1er, 26 sept., 4 octobre, 21 et 24 nov. (Arch. Guerre.)

[7] Analyse de la correspondance des préfets, août-octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Extraits de la correspondance ministérielle, août-octobre. (Arch. Guerre.)

[8] Analyse de la correspondance des préfets, 27 et 28 août, 13 sept., 18, 19, 28, 29, 30 oct., 2 décembre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Extraits de la correspondance ministérielle, 8, 15, 19, 27 octobre. (Arch. Guerre.) — Le tribunal de Bourg ayant condamné à un an de prison un individu coupable d'avoir crié : Vive l'empereur ! le procureur du roi en appela a minima, la peine n'ayant aucune proportion avec la gravité du délit.

[9] Analyse de la correspondance des préfets, du 16 août au 2 décembre. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[10] Préfet du Puy-de-Dôme à Pasquier, 25 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[11] Préfet du Nord à Parquier, 13 août. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[12] Placard affiché à Armentières. Commandant de gendarmerie de Lille à Gouvion Saint-Cyr, 1er octobre. (Arch. Guerre.) Préfet du Nord à Pasquier, 16 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[13] Rapport du 22 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774). Cf. Rapport d'Angers, 13 octobre (F. 7, 3775). Puymaigre, Souv., 205-206.

Voici un fait qui témoigne la rage des passions à cette époque. A Saint-Malo, le 18 juillet, une femme discutant avec un jeune homme nommé Veissière, s'écrie : — Ah ! je voudrais tuer tous les Bonapartistes ! Veissiére prend dans sa poche un pistolet chargé et le lui passe en disant : — Tuez-moi donc, car j'en suis un. La femme saisit l'arme et fait feu à bout portant. (Rapport de Saint-Malo, 18 juillet. Arch. nat., F. 7, 3774.)

[14] Préfet de Nantes à Gouvion Saint-Cyr, 28 juillet. Colonel Huché au même, Rennes, 4 août. Général Barbou à Clarke, Lorient, 8 octobre. Vicomte de Pontbriand au même, Plancoët, 21 octobre. (Arch. Guerre.)

[15] Lamarque à Gouvion Saint-Cyr, Tours, 24 juillet. Gouverneur de la 13e division militaire au même, 25 juillet. Colonel Ruché au mime, Rennes, 26 juillet. Rapports de Guingamp, 22 août ; de Loudéac, 27 août ; de Nantes, 28 août ; d'Angers, 30 août ; de Niort, 30 oct. et 15 nov. ; de Vitré, 18 nov. ; de Vannes, 17 nov. (Arch. Guerre.) Rapports des préfets de la Loire-Inférieure, de la Vendée, des Deux-Sèvres, 21 août, 27 septembre, 1er et 6 octobre. (Arch. nat., F. 7. 3774 et F. 7, 3775.) Circulaire de Pasquier aux préfets des départements de l'Ouest, 20 septembre (citée dans Choix de rapports, opinions et discours, XXI, 495-501.)

[16] Barante, Souvenirs, II, 178-179. Castellane, Journal, I, 300. Vitrolles, III, 211212. Lady Granville, Letters, I, 71. Analyse de la corresp. des préfets, 2 août. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[17] Rapport sur des départements du Midi, 2 juillet. (Arch. Guerre.) Tournon à Barante, Bordeaux, 30 juillet. (Barante, Souv., II, 184.) Vitrolles, III, 213.

[18] Vitrolles, III, 212-215. Barante, II, 79. Rapports à Wellington, 7 août. (Supplementary Dispatches, XI, 107.)

[19] Rapport du préfet du Vaucluse, 17 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[20] Rapport du lieutenant de gendarmerie, Saint-Etienne, 27 août. (Arch. Guerre.)

[21] Préfet de la Drôme à Vaublanc, 3 novembre. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[22] Préfet des Pyrénées-Orientales à Vaublanc, 2 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[23] Ricard à Clarke, 21 octobre. (Arch. Guerre.) Rapport de Montauban, 23 oct., (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[24] Général Briche à Gouvion, Montpellier, 16 sept. (Arch. Guerre.)

[25] Rapport à Gouvion Saint-Cyr, 3 sept. (Arch. Guerre.)

[26] Rapport de la gendarmerie de Nîmes, 17 oct. (Arch. Guerre.) Préfet de Nîmes à Vaublanc, 19 et 25 oct. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[27] Proclamation du préfet du Gard, 12 nov. Rapports de Briche, de Vassimon, Nîmes, 13 et 17 nov. Barbé-Marbois à Clarke, 23 nov. (Arch. Guerre.) Lauze de Perret, Causes des troubles du Gard. Journal général, 21 novembre. Journal des Débats, 24 novembre.

[28] Préfet de Vaucluse à Parquier, 11 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[29] Rapport de la 8e division militaire, 20 oct. (Arch. Guerre.)

[30] Préfet de Vaucluse à Clarke, 11 et 13 déc. Damas à Clarke, 18 déc. Corsin à Clarke, 28 déc. (Arch. Guerre.)

[31] Analyse de la correspondance des préfets, 4 et 22 sept., 11, 13 et 17 oct., 14 déc. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Briche à Clarke, Montpellier, 23 sept. et 28 nov. (Arch. Guerre.)

[32] Général Vaugier à Gouvion Saint-Cyr, Nîmes, 23 août. Frimont à Schwarzenberg, Nîmes, 27 août. (Arch. Aff. étr., 691). Rapport de Bianchi, 27 août. Rapport du commandant de gendarmerie, Nîmes, 19 sept. (Arch. Guerre). — Dans son rapport, Bianchi dit que tous les prisonniers cévenols furent fusillés par ordre du général autrichien Starhenberg. (Sur le combat de Ners, voir Bernis, Précis de ce qui s'est passé dans le Gard, 71-72, et Lauze de Perret, Causes des troubles du Gard, 327-350, 377.)

[33] Journal général, 20 novembre.

[34] Rapport de la 8e division militaire, 20 septembre et 27 nov. (Arch. Guerre).

[35] Préfet du Rhône à Fouché, 6 sept. Donnadieu à Clarke, Grenoble, 20 déc. (Arch. Guerre.)

[36] Rapports et lettres du 15 juillet au 30 octobre. (Correspondance générale et Armées des Alpes, du Jura, des Pyrénées, etc. Arch. Guerre.) Analyse de la correspondance des préfets, juillet-octobre (Arch. nat., F. 7, 3774 et F. 7, 3775).

[37] Extrait de la correspondance des préfets, 3 août. (Arch. Nat., F. 7, 3044B.)

[38] I have not scen a smile upon any french soldiers face the whole way. Comtesse Granville, Letters, I, 60.

[39] Préfet du Bas-Rhin à Gouvion Saint-Cyr, 2 et 4 sept. Général Dubreton au même, Strasbourg, 5 sept. (Arch. Guerre). Précis de la conduite de Dalousi, rédigé par lui-même, Brest, mai 1817. (Arch. Guerre, à la date du 2 sept. 1815.) Cf. Rapp, Mém., 379-401, Général Goulart, Mém., 330-336. Préfet à Pasquier, Strasbourg, 5 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

Dalousi (et non Dalhouzy, comme on écrit généralement) ne subit aucune punition. Licencié avec le 7' léger, il passa un 'nuis pins tard à la Légion de la Loire. Il fut nommé sous-lieutenant en 1823, lieutenant en 1824, capitaine en 1835. Il était sergent de 1812, après avoir fait toutes les campagnes de la Grande Armée depuis 1805. (Dossier de Dalousi. Arch. Guerre.)

[40] L'affaire de Strasbourg monte toutes les têtes. Je reçois de partout des nouvelles d'insubordinations et de révoltes des troupes dont le paiement de la solde en retard et de la masse parait être l'objet ou le prétexte. Macdonald à Clarke, 1er octobre. (Arch. Guerre.)

[41] Lettre de Belfort, 22 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775.)

[42] Préfet de l'Allier, 6 oct. (Arch. nat., F. 7, 3774). Rapport de gendarmerie, Montluçon, 6 oct. (Arch. Guerre.)

[43] Sous-préfet d'Aubusson à Clarke, 27 sept. Préfet de la Corrèze à Clarke, 30 sept. Macdonald à Clarke, 1er oct., et 8 oct. Rapport de gendarmerie de Selle-sur-Cher, 2 oct. D'Autichamp à Clarke, Poitiers, 4 oct. Rapport du sous-préfet de Brives, 5 oct. (Arch. Guerre.) Analyse de la corresp. des préfets, 23, 25, 30 sept., 4 oct. (Arch. nat., F. 7, 3775). Cf. Macdonald à Clarke, 2 oct. (Arch. Guerre.) : On ne saignera pour mettre la solde au courant si les révoltés l'exigent, car je n'ai aucun moyen d'action contre eux.

[44] Dossier de Rosey (Arch. Guerre.)

[45] Rapports de la gendarmerie de Guéret, 26 sept. Sous-préfet de Bourganeuf au préfet de la Creuse, 26 sept. Préfet de la Creuse à Macdonald, 27 sept. Rapport de Hanrion, 26 sept. Macdonald à Clarke, 27 et 30 sept. et 8 oct. (Arch. Guerre). Maire de Limoges à Vaublanc, 26 sept. (Arch. nat., F. 7, 3775).

D'après la lettre du maire de Limoges, Rosey aurait souffleté non le commandant Fayette, mais le fameux colonel d'Ambrugeac qui, replacé pour la forme à la tête du 10e de ligne, recruta des hommes pour la garde royale dont il fut nommé, à la formation, commandant de la 1re brigade d'infanterie, avec le grade de maréchal de camp.

[46] Jugement rendu le 16 novembre par le 2e conseil de guerre de la 21e division militaire, (Dossier de Rosey). Colonel de gendarmerie Castelli à Clarke, Bourges, 24 nov. (Arch. Guerre.)

Rosey avait été condamné à mort le 16 octobre par le 1er conseil de guerre. Le jugement cassé en révision, Rosey fut condamné de nouveau le 16 novembre. Les neuf chasseurs de la vieille garde eurent dix ans de fer.

[47] Macdonald à Clarke, 2 oct. (Arch. Guerre.)

[48] Circulaire aux gouverneurs des divisions militaires, 21 nov. (Arch. Guerre.) Cf. Circulaire du préfet du Nantes, 16 déc. (Arch. Guerre.)

[49] Consulter à ce sujet la lettre, des plénipotentiaires à Richelieu, 27 oct. (Arch. Aff. étr., 692.)

[50] Le traité de la Sainte-Alliance fut signé à Paris par l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse et le czar en personnes. Le roi de France et le Prince Régent y donnèrent peu à peu leur accession.

Ce célèbre traité, d'un mysticisme sublime et insensé à entendre lord Castlereagh, n'était rien autre chose, d'abord, qu'une pompeuse déclaration d'alliance fraternelle et indissoluble entre les souverains pour le maintien de la religion et de la paix en Europe. Le czar avait conçu cet acte sous l'inspiration d'idées généreuses et même libérales. C'est plus tard seulement, grâce à Metternich et plus encore sons l'action des événements, que la Sainte-Alliance devint selon le mot fameux la ligue des rois contre les peuples.

[51] Castlereagh à Liverpool, 28 sept. et 1er oct. Liverpool à Castlereagh, 29 sept. (Supplementary Dispatches of Wellington, XI, 175, 180, 183.) Pasquier, Mém., III, 433, IV, 3. Villèle, Mém., I, 332.

[52] Louis XVIII au czar, Paris, 23 sept. (Cité dans la Corresp. de Pozzo di Borgo, I, 209-211). Comtesse Edling, Mém., 211-245. A. Maggiolo, Pozzo di Borgo, 219-221. — Selon une note de la Correspondance de Pozzo et le livre de Maggiolo, ce fut Pozzo qui eut l'idée de cette lettre et qui la rédigea après accord mitre les deux souverains. Selon la comtesse Edling, qui donne beaucoup de détails, la lettre fut concertée à l'Elysée entre Capo d'Istria et Richelieu. La minute en fut aussitôt rédigée, avec l'assentiment du czar, par le frère de la comtesse Edling, Alexandre Stourdza, et Richelieu la porta à Louis XVIII qui la copia.

[53] Nouvelles propositions des ministres alliés, s. d. [27 ou 28 sept.] (Arch. Aff. étr., 692.)

[54] Note, sommaire sur les objets en discussion, 29 sept. Aperçu de Plat de la négociation (note entièrement de la main du Richelieu, s. d. 29 ou 30 sept.) Procès-verbal de la conférence du 2 oct. (Arch. Affaires étrangères, 692.) Wellington à Richelieu, Paris, 1er oct. (Dispatches, XII, 653.)

[55] Traité de paix entre la France d'une part et la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie, de l'autre, signé à Paris, le 20 novembre 1815. (Arch. Affaires étrangères, 692.)

[56] Note de Richelieu, s. d. [29 ou 30 sept.] (Arch. Aff. étr., 692.) — Richelieu écrit : 1 736 millions, car ce jour-là il craignait encore que l'indemnité de guerre ne fût maintenue à 600 millions.

Un détail inconnu, je crois : Le roi s'engagea à payer secrètement 120.000 francs par mois pour l'entretien des troupes russes (en sus des sommes stipulées) en considération des bons offices rendus par la Russie au cours des négociations et notamment du sacrifice qu'elle a consenti à faire sur la partie de la contribution de guerre affectée à l'entretien de ses troupes. Ces 120.000 francs furent payés chaque mois sur les fonds secrets. (Richelieu à Corvetto, 13 janv. 1816, et Corvetto à Richelieu, 16 janv. Arch. Aff. étr., 691.)

[57] Etat des effets d'artillerie enlevés dans les places, s. d. (Arch. Aff. étr., 647.)

[58] Pasquier, Mém., IV, 4.

[59] Selon Vitrolles (Mém., III, 242), l'arrivée au pouvoir du duc de Richelieu ne changea rien, quoiqu'on ait pu dire, aux exigences des vainqueurs. Ce n'est pas exact ; mais ce qui l'est moins encore, c'est l'on-dit passé légende d'après lequel on aurait dû à Richelieu la conservation de la Flandre, de la Lorraine, de l'Alsace, de la Franche-Comté, en un mot de toute la partie titi territoire français teinté eu bleu sur la carte, prussienne dont j'ai parlé précédemment, Pasquier dans une lettre citée par d'Angebert (1550), rapporte que le czar remit une copie de cette carte à Richelieu en lui disant : Voilà la France telle que mes alliés voulaient la faire. Il n'y manque que ma signature, et je vous promets qu'elle y manquera toujours. Le czar aurait dû dire non : il n'y manque, mais : il n'y a manqué ; car au moment où Richelieu devint ministre, les Alliés avaient renoncé depuis phis d'on mous a demander les provinces qu'ils convoitaient nu mois de juillet. La carte n'était plus qu'un document pour l'histoire. Le texte même de l'ultimatum du 20 septembre en est la preuve indiscutable.

[60] Moniteur, 17 octobre. — Les jacobins blancs ont le dessus contre le roi. Malgré la loi salique, c'est la duchesse d'Angoulême qui règne. Lettre de Paris. (Gazette de Cassel, 12 octobre.)

[61] Moniteur, 19 octobre.

[62] Moniteur, 19 octobre.

[63] Instruction du ministre de la Guerre pour la commission, 6 novembre (Moniteur, 15 nov.). — L'instruction de Clarke établissait quatorze catégories dont la quatorzième se subdivisait en six. C'étaient donc bien en réalité dix-neuf catégories.

[64] Moniteur, 19 et 24 oct. Guizot, Mém., I, 106-107. Hyde de Neuville, Mém., II, 143.

[65] Moniteur, 29, 30 et 31 oct. Pasquier, Mém., IV, 11-12. Fiévée, Session de 1815, 149-174.

[66] Époque de 1815 ou choix de propositions, etc., 38.

[67] Séances des 17 nov., 4 et 5 déc. (Moniteur, 18 nov., 8 déc.). Guizot., Mém., I, 119.

La Chambre vota encore à cette époque une proposition de Hyde de Neuville (Bonald, rapporteur) sur la suspension de l'inamovibilité des juges. Mais cette résolution fut repoussée par la Chambre des pairs par 91 voix contre 44. Chateaubriand, partisan des mesures les plus réactionnaires, prononça un discours pour l'adoption. — Malgré le rejet de cette proposition, un très grand nombre de magistrats furent éliminés au moyen et sous le prétexte d'une réorganisation générale des cours et tribunaux. (Bérenger, De la justice criminelle en France, 230-231.)

[68] Journal Général, Journal des Débats, Quotidienne, Gazette de France, 30 octobre au 14 novembre, — Voici le ton : Murat était le paillasse rte Buonaparte. Cette burlesque imitation n'a jamais éclaté plus follement que dans l'équipée dont la fin a été celle de sa vie... Ce qui est factieux, c'est que Buonaparte n'ait pas trouvé à Cannes comme Murat au Pizzo le sort qu'ils méritaient si bien tous les deux.

Murat, après sa rencontre sur la route de Marseille avec la colonne de Verdier, était rentre dans la villa des environs de Toulon, il y resta jusqu'à la fin de juillet. Apprenant alors que les royalistes allaient l'arrêter, il se cacha dans la campagne et réussit à s'embarquer pour la Corse, le 21 août. Il y trouva un refuge chez le général Franceschetti, à Vescoveto dont les habitants en armes imposèrent aux gendarmes pendant un mois. Mais cette situation ne pouvait s'éterniser. Chassé d'Italie, proscrit en France, mis hors la loi en Corse, sans nouvelles d'un émissaire qu'il avait dépêché à Metternich pour avoir des sauf-conduits, Murat se jugea perdu. Cette perspective lui inspira le dessein de tenter dans le royaume de Naples l'aventureuse expédition que Napoléon avait faite en France an mois de mars. Il affréta une felouque et cinq barques pontées et s'y embarqua le 29 septembre avec une dizaine d'officiers et 200 Corses. Pendant la traversée, la tempête — ou la trahison — dispersa les barques. Il débarqua au Pizza, avec vingt-six officiers et soldats. C'était un dimanche et un jour de marché. La populace, ameutée par le capitaine de gendarmerie, se rua contre Murat et sa petite troupe. Murat fut jeté dans un cachot de la forteresse. Le 13 octobre arriva de Naples l'ordre de traduire le général Murat devant une commission militaire et d'exécuter la sentence un quart d'heure après qu'elle serait rendue. Murat refusa fièrement de comparaître devant les juges. Ils prononcèrent sa condamnation à 4 heures. A 4 heures et demie il fut fusillé. Il mourut le sourire aux lèvres, bravant la mort comme il l'avait fait sur tous les champs de bataille.

[69] Le 21 novembre. — Le jury reconnut l'accusé coupable d'usurpation de fonctions publiques et de complicité dans l'attentat commis an mois de mars contre la personne du roi.

[70] Decazes à Talleyrand, 14 juil. (Arch. Aff. étr., 69l.) Interrogatoire de Ney devant le conseil de guerre (Procès de Ney, I, 26.) Préfet du Cantal à Gouvion Saint-Cyr, Aurillac, 4 août. (Arch. Guerre.)

[71] Barante, Souvenirs, 228-229. Gouvion Saint-Cyr à Fouché, 14 août. (Arch. Guerre, dossier de Ney.) — Marmont rapporte (Mém., VII, 188) que Louis XVIII gémit avec lui de l'arrestation de Ney. On sera peu touché par les gémissements de ces deux personnages dont l'un ne voulut pas ou n'osa pas grâcier Ney et dont l'autre le condamna à mort.

[72] Lettre au roi (minute qui paraît de Gouvion Saint-Cyr), 19 août. Note pour le général Brenier, 29 août. (Arch. Guerre.)

[73] Augereau, Maison à Gouvion Saint-Cyr, 22 et 23 août (Arch. Guerre, dossier de Ney.) — Quelques jours avant la réunion du conseil de guerre, Masséna tenta encore de se récuser en invoquant ses différends avec Ney à l'armée de Portugal (Minute, Archives du prince d'Essling), mais le conseil n'admit point la récusation.

[74] Moncey à Gouvion et Gouvion à Moncey, 22, 24, 25 août. Moncey au roi, 20 août (Arch. Guerre, dossier de Ney.)

[75] Moncey à Louis XVIII, 26 août (Arch. Guerre, dossier de Ney.)

Plusieurs historiens ont cité, au lieu de cette lettre, un manifeste déclamatoire où il est dit : La postérité juge dans la même balance les rois et les sujets... L'échafaud ne fit jamais d'amis... Où étaient les accusateurs du maréchal Ney quand il parcourait tant de champs de bataille ?... etc., etc. Cette prétendue lettre de Moncey, d'ailleurs invraisemblable, est apocryphe. Non seulement elle n'existe ni en original ni même en copie aux Archives de la Guerre, mais Moncey lui-même à pris soin de la désavouer dans le recueil même qui l'avait publiée : J'ai bien eu l'honneur d'écrire au roi en août 1815, mais je dois à la vérité, de déclarer que la copie publiée n'est point celle de ma lettre. (Bibliothèque historique, tome VII (1819, p. 322.)

[76] Ordonnance royale du 23 août (Moniteur, 1er sept.) — Moncey subit sa peine à la citadelle de Ham. Au mois de juillet 1816, il fut réintégré dans son grade.

[77] Procès de Ney, I, 55, 69. Jourdan à Clarke, 10 nov. Note de police militaire, 11 nov. (Arch. Guerre, dossier de Ney.) Rapport de police, 13 nov. (Arch. nat., F. 7, 3799.) Ch. de Rémusat à sa mère, 13 nov. (Corresp., I, 100. Dupin, Mém., I, 33. Cf. Discours de Richelieu à la Chambre des pairs, le 11 novembre : ... La décision du conseil de guerre devient un triomphe pour les factieux...

[78] Rochechouart, Souvenirs, 429-430. — La déclaration d'incompétence fut votée par cinq voix contre deux. Les deus dissidents étaient les généraux Villade et Claparède. D'après Rochechouart, il semble que ceux-ci voulaient garder la cause afin de pouvoir acquitter le maréchal. Et cependant Gazai qui vota l'incompétence fut révoqué le 10 novembre de ses fonctions d'inspecteur de la division militaire qui furent données à Claparède. (Gazan à Gérard, 10 août 1830. Arch. Guerre, dossier de Ney.)

[79] Moniteur, 12 novembre. — Le conseil de guerre s'était déclaré incompétent le 10 novembre à quatre heures du soir. Dès le matin du 11, les ministres firent signer an roi l'ordonnance déférant Ney à la Chambre des pairs, et, dans l'après-midi du même jour, Richelieu communiqua cette ordonnance. On n'allait pas plus vite quand régnait la loi du Prairial !

[80] Ch. de Rémusat à sa mère, Paris, 16 nov. (Correspondance, I, 109.)

[81] Procès de Ney, II, 84-96.

[82] Sur tous ces faits, voir le premier volume de 1815.

[83] Procès de Ney, II, 119. Dumoulin, Histoire complète du Procès du maréchal Ney, II, 134-135. — Bourmont s'attira cette autre réponse de Ney : C'est une infamie général, de dire que j'avais d'avance l'intention de trahir. (Dumoulin, II, 132.)

[84] J'ai donné le texte de cet article ainsi que tous les détails sur la Convention au chapitre La Capitulation de Paris.

[85] Wellington à Bathurst, Gonesse, 4 juillet (Dispatches, II, 541).

[86] Mémorandum de Liverpool, 30 juin (Supplementary Dispatches of Wellington, X, 630) : ... Il faut punir exemplairement ceux qui ont secondé le mouvement de Bonaparte... Il faut punir de mort les plus coupables et de l'exil les moins coupables. Sans doute, le 11 juillet, Wellington ne connaissait pas ce mémorandum, mais il connaissait l'esprit qui régnait à Cambrai et au cabinet de Londres.

[87] Wellington à Liverpool, Paris, 13 juillet. (Dispatches, XII, 537.)

[88] Dépositions de Bondy et de Guilleminot devant la Chambre des pairs (Procès de Ney, II, 158-159.) Déposition écrite de Bignon, 5 déc. (citée par Ernouf, La Capitulation de Paris, 131.) — Il faut remarquer que c'est comme témoins à décharge dans le procès de Ney que ers trois personnages exprimèrent cette opinion. Il s'agissait de saurer le maréchal. Quelle que fût le fond de leur pensée, ils devaient chercher à faire violence au texte de la capitulation, selon l'expression du duc Victor de Broglie, dont l'opinion, on verra pourquoi, a beaucoup d'importance sur cette question.

[89] Devant la Chambre des pairs où il fut cité comme témoin, Davout, ce n'est pas douteux, aurait néanmoins déclaré, pour le salut de Ney, qu'il donnait à l'article XII l'interprétation la plus large. Mais le président Dambray interdit de parler sur cette question.

[90] La maréchale Ney à Liverpool, 13 nov., au prince régent, 13 nov., à Charles Stuart, 16 nov. Liverpool à la maréchale, 21 nov. Lord Holland à Liverpool, 23 nov. Stuart à Castlereagh, 4 déc. (Supplementary Dispatches of Wellington, XI, 231, 232, 236, 243, 245, 253.) Mémorandum de Wellington, 14 nov., et note sur la visite de la maréchale Ney (Dispatches, XII, 1191.) Jomini à la maréchale Ney, s. d. (Archives du prince de la Moskowa.)

[91] Réquisitoire, 6 déc., cité par Welschinger (d'après la pièce des Archives nationales, CC. 500), Le maréchal Ney, 305-306. — Ce réquisitoire porte aussi la signature du procureur général Bellart qui l'avait rédigé.

[92] Procès de Ney, II, 179-180. — Il était stipulé dans les conventions qu'aucun individu né dans les pays cédés ou restitués ne pourrait être inquiété ni troublé dans sa personne à cause de sa conduite ou de ses opinions politiques. De là le moyen misérable moyen : produit par Dupin.

[93] Procès de Ney, II, 180. — Les mots je suis Français, je mourrai Français jaillirent spontanément de la boucle de Ney. Mais sa protestation sur les entraves à sa défense avait été concertée, pendant une suspension d'audience, avec Ses avocats, avertis par Lally-Tollendal glue le président s'opposerait à toute discussion sur l'article XII. Cette protestation avait été rédigée par Dupin et remise au maréchal qui la copia sur un bout de papier qu'il plaça au fond de son chapeau. (Voir les Mém. de Dupin, I, 43, où l'autographe est reproduit). En parlant, Ney ajouta le mot malencontreux sur Moreau qui ne se trouve pas dans la pièce autographe.

[94] Duc de Broglie, Souvenirs, I, 230-231.

[95] Demoulin, Histoire complète du procès du maréchal Ney, II, 330-332. — Le livre de Dumoulin fut saisi, pour avoir cité les opinions et les votes émis en comité secret.

[96] Dumoulin, Histoire du Procès du maréchal Ney, 332. — C'est Duvergier de Hauranne (Hist. du gouvernement parlementaire, III, 303) qui a révélé le vote de Lynch. J'ai parlé de ce Lynch dans 1814. Nommé maire de Bordeaux et créé comte par l'empereur, il lui témoigna sa reconnaissance, en même temps qu'il manifesta son patriotisme, en livrant la ville aux Anglais le 12 mars 1814.

[97] Marmont, Mémoires, VII, 189.

[98] Journal de service extraordinaire pour la garde du maréchal Ney. (Archives du prince de La Moskowa.) Welschinger, Le maréchal Ney, 245.

[99] Journal de service pour la garde du maréchal Ney. (Archives du prince de La Moskowa.) Rapport de l'inspecteur des prisons Laisné (cité par Welschinger, Le maréchal Ney, 321, 329). Lettre du duc de Gramont à Reiset (cité par Reiset, Souv., III. 277-278). Berryer père, Mém., I, 376.

[100] Sur ce complot ou prétendu complot, rapport de Despinois à Clarke, 28 nov. (Arch. Guerre.) Barante, Souvenirs, III, 230. Pontécoulant, Souv., IV, 19, et Ch. De Rémusat à sa mère, Paris, 21 nov. (Corresp., I, 112-113) : ... On fait courir une foule de bruits alarmants. On a arrêté les généraux Colbert, Belliard, Ornano et deux autres.

On cherchait aussi à intimider les pairs par des lettres menaçantes. Sur une statue du Luxembourg fut collée cette affiche : Comme tu jugeras Ney, tu seras jugé. (Rapport de police, 7 déc., Arch. nat., F. 7, 3799.)

[101] Major général de la garde nationale à Despinois, 6 déc. Oudinot à Despinois, 7 déc. (Arch. Guerre, dossier de Ney.) Journal de service extraordinaire pour la garde du maréchal Ney. (Archives du prince de La Moskowa.) Factures d'uniformes (citées par le comte de La Bédoyère, Le maréchal Ney, 150-152.) Rochechouart, Souv., 432. Cf. Dupin, Mém., I, 39. Berryer père, Mém., I, 376.

Les pseudo-grenadiers de La Rochejaquelein, étaient quatre, de façon à se relever deux par deux auprès du maréchal. Quant aux gardes du corps et aux officiers de la garde royale employés à monter la garde tour à tour dans le corridor, sous l'uniforme de simples soldats, ils étaient au nombre de quarante-cinq. M. de La Bédoyère cite leurs noms.

[102] Journal de service extraordinaire pour la garde du maréchal Ney. (Archives du prince de La Moskowa.) Rochechouart, Souv., 432-433. Cf. Lettre du duc de Gramont, précitée, et le rapport de Despinois à Clarke, 7 déc. (Arch. Guerre, dossier de Ney.)

[103] Note de Mme Gamot. (Archives du prince de La Moskowa.) Cf. Journal de service pour la garde du maréchal Ney, et rapport de l'inspecteur Laisné précités.

[104] Rochechouart, Souvenirs, 438

Au feu le plus vif, écrit Castellane, le maréchal Ney était sublime. Le matin du 7 décembre aussi, Ney fut sublime. Il y a cent et cent exemples de condamnés mourant fermement, bravement. Mais je n'ai vu citer nulle part un homme qui ait dormi pour occuper l'heure qui le séparait du supplice. Et le sommeil de Ney n'était pas la somnolence de l'être abattu. Rochechouart dit expressément qu'il dormit d'un sommeil tranquille. Il y a là une maitrise de soi-même, une domination sur les nerfs, un commandement de l'âme à la nature, en vérité admirables.

[105] Rapport de Saint-Bias à Rochechouart, 7 décembre. (Archives du prince de la Moskowa.) Rapport de Despinois à Clarke, 7 déc. (Arch. Guerre, dossier de Ney.) Rochechouart, Souv., 434-443, et lettres échangées entre Despinois et Rochechouart (citées ibid.) Lettre du duc de Gramont (citée par Reiset, Souv., III, 279-281). Journal Général, 8 déc.

C'est par précaution que Ney fut fusillé près du Luxembourg, pour ainsi dire furtivement. On craignait une tentative de délivrance dans la plaine de Grenelle. (Rochechouart, Souv., 437.)

Le bruit courut à Paris que les vétérans qui avaient fusillé Ney étaient des gardes du corps revêtus de l'uniforme de vétérans (Coulmann, Réminiscences, I, 92, et Fournier-Verneuil, Curiosité et Indiscrétion, 174.) C'est sans doute le fait de gardes du corps, déguises en vétérans, employés à la garde du maréchal au Luxembourg qui donna naissance à cette rumeur. Je la crois mal fondée. L'ordre très précis et très détaillé de Despinois, du 7 décembre (cité par Rochechouart, Souv., 434-436) concerne manifestement une compagnie de vétérans organisée et non un groupe de gardes du corps : Pour l'exécution, il sera commandé dans la compagnie de sous-officiers vétérans, quatre sergents, quatre caporaux et quatre fusiliers, les plus anciens de service.

[106] Note de Mme Gamot (Archives du prince de La Moskowa.) Cf. Lettre du duc de Gramont au général de Reiset (citée par Reiset, Souv., III, 282-283.)

[107] Comtesse Granville, Letters, I, 109. — Le propos ne devait point déplaire au duc de Berri qui, à en croire Castellane (Journal, I, 309), aurait dit : On va faire la chasse aux maréchaux, il faut en tuer au moins huit.

[108] Lettre de Lavallette à Marmont (citée par Marmont, Mém., VII, 191.)

[109] Marmont, VII, 191-192.

[110] La défection de Ney, après sa promesse à Louis XVIII de ramener Napoléon dans une cage de fer, et son cri de sauve qui peut ! à la Chambre des pairs le 22 juin, avaient déchaîné l'opinion contre lui. Un revirement total se fit aussitôt après sa mort. (cf. rapports de police, 15 août, 13, 17, 22 nov., 4, 5, 6, 7, 8 et 9 déc., Arch. nat., F. 7, 3773 et F. 7, 3799.) Wellington au czar, 8 déc. (Dispatches, XII. 713.) — Etienne Arago m'a redit, il y a vingt ans, ce mot shakespearien d'un homme du peuple devant le cadavre de Ney : On l'a débarbouillé avec son sang.

[111] Lavallette, Mém., II, 265, 265-269. Barante, Souv., III, 231-232. Pasquier, Mém., IV, 43. Manuscrit de Lechat. Note de d'Hauterive, s. d, [déc.] (Arch. Aff. étr., 617.)

[112] Mémoire à S. E. le duc de Richelieu par d'Hauterive, 14 déc. Notes de d'Hauterive relatives à ce mémoire, s. d. D'Hauterive à N..., s. d. [du 16 au 19 déc.] (Arch. Aff. étr., 617.)

[113] Marmont, Mémoires, VII, 191-197.

[114] D'Hauterive à N..., s. d. [du 16 au 19 déc.] (Arch. Aff. étr., 647) : ... Priez notre bon, cher et saint philanthrope (Richelieu) de ne point répéter la phrase que vous m'avez citée et qui n'a pu être dite (par la duchesse d'Angoulême) que dans un premier mouvement. Une princesse renommée par sa piété ne peut pas avoir pensé qu'elle pouvait prendre un engagement contre la pitié.

[115] Le bourreau avait déjà reçu des ordres, ainsi que le prouve un contre-ordre du parquet, Paris, 21 déc. (nuit du 20 au 21) citée par H. d'Ideville, la Comtesse de Lavallette, 59.

[116] Lavallette, Mémoires, II, 278-280, 285-290. — Il faut lire tout ce récit dans Lavallette. Il n'est point chapitre de roman plus attachant ni plus émouvant.

[117] Lavallette, Mémoires, II, 291-305. — Bandus, archiviste au ministère des Affaires étrangères, avait été précepteur des enfants du roi Murat.

Lavallette resta caché chez Bresson jusqu'au 7 janvier 1816, et quitta Paris, le lendemain, sous l'uniforme d'un officier anglais, en compagnie du général Wilson qui le conduisit jusqu'à Mons. De là, Lavallette gagna la Bavière.

Le général Wilson et deux autres Anglais furent poursuivis comme complices de l'évasion de Lavallette et condamnés, le 23 avril, a trois mois de prison. Le guichetier Eberle, reconnu coupable d'avoir, par sa négligence, facilité l'évasion d'un condamné à la peine capitale, eut deux ans de prison. Quant à Baudus et à Bresson, on ignorait alors leur participation à l'événement.

[118] Rapport de police, 23, 24 déc. (Arch. nat., F. 7, 3799.) Rapport de Despinois, 25 déc. (Arch. Guerre.) Duc de Broglie, Souv., I, 320. Lavallette, Mém. (d'après un récit de M. Bresson), II, 300. Barante, Souv., II, 233.

[119] Note anonyme, s. d. [fin déc.] (Arch. Aff. étr., 647.) Richelieu à Decazes, 21 déc. (citée par E. Daudet, Louis XVIII et le duc Decazes, 102.) Séance de la Chambre, 23 déc. (Moniteur, 24 déc.) Benjamin Constant, Journal, 160. Fiévée, Session de 1815, 297-300. Boni de Castellane, Journal, 304. Barante, Souv., II, 233. Duc de Broglie, Souv., I, 319. Lavallette, Mém., II, 304, 312-314. Guizot, I, 133.

[120] Note anonyme, s. d. [fin décembre] (Arch. Aff. étr., 647.)

[121] Villèle à son père, 26 nov., 2 et 3 déc. (Mém., I, 381-396.) Ch. de Rémusat à sa nièce, 28 nov. (Corresp., I, 138.) Hyde de Neuville, Mém., II, 156-157, 159-160. Pasquier, Mém., IV, Fiévée, Session de 1815, 267. Guizot, Mém., I, 123. Barère, Mém., III, 238-239. Barère prétend que La Bourdonnaie rédigea sa proposition sous l'inspiration secrète de Louis XVIII. Cela parait tout à fait inexact.

[122] Ch. de Rémusat à sa mère, 28 nov. (Correspondance, I, 138.)

[123] Pasquier, Mémoires, III, 56-57. Projet de loi. (Moniteur, 9 décembre.)

[124] Séances des 8 et 27 décembre, 2, 4, 5 et 6 janvier (Moniteur). Villèle à son père, 10, 14, 25, 26, 29, 31 déc. et 7 janv. (Mém., I, 396-445.) Fiévée, Session de 1815, 269-294. Parquier, Mém., IV, 57-65. Guizot, Mém., I, 123-126. Hyde de Neuville, Mém., II, 161-164.

Sur la motion de Lally-Tollendal, la Chambre des pairs déclara superflu de discuter cette loi qui fut votée d'acclamation par 120 voix contre 21.

[125] Note du bureau de la justice utilitaire à Clarke, 11 janv. 1816. (Arch. Guerre.) Ordre de Clarke, 11 janv. 1816. (Arch. Guerre, dossier de Travot.)

[126] Damas à Clarke, 17, 19, 20, 23, 24 juillet. Préfet du Rhône à Clarke, 19 juillet. D'Armagnac à Clarke, 19 juillet. Clarke à Damas, 18, 19, 21, 24 juil. (Arch. Guerre. dossier de Mouton-Duvernet.)

[127] Bérenger, De la justice criminelle en France (in-8°, 1818), 589-590.

[128] Époque de 1815, ou choix de propositions et rapports, etc., 495.

[129] Bérenger, 230-231.

[130] Dépositions de Caillé, de Lepineraye, de Duvivier, de Lelasseur, de la veuve Nozeau, de Dubouchet, etc. (Arch. Guerre, dossier de Travot.)