1815

LIVRE III. — LA FRANCE CRUCIFIÉE

 

CHAPITRE I. — L'ARMÉE DE LA LOIRE.

 

 

I

Aux termes de la capitulation de Paris, l'armée devait se retirer derrière la Loire. Les 5 et 6 juillet, elle s'y achemina en deux colonnes, l'une dirigée sur Blois par Arpajon, Oysonville et Saint-Pérey-la-Colombe, l'autre sur Jargeau par Etampes et Orléans[1]. Cette marche s'opéra lentement et en désordre. Le désespoir, la colère étaient au cœur des soldats. Nulle discipline. Fantassins, dragons, hussards, canonniers désertaient en masse puisque l'empereur n'était plus là[2]. J'ai 81 déserteurs au 33e, et 87 au 86e, écrit Berthezène. Dans mon artillerie, la désertion est telle qu'il ne reste que six soldats du train. — Les désertions sont nombreuses dans la jeune garde et dans la cavalerie, écrit Drouot. La vieille garde se soutient bien. Elle attend le résultat des promesses que nous lui avons faites, elle espère beaucoup de la fermeté de la Chambre. Mais ce calme est un feu caché sous la cendre ; la moindre chose le fera paraître en explosion. — Il n'est pas possible de continuer à servir au milieu d'une pareille débâcle, écrit au général Vallin le prince de Savoie-Carignan, colonel du 6e hussards. Trouvez bon que je me rende dans mes foyers et veuillez recevoir ma démission[3]. En vain les généraux prodiguent les encouragements et les belles promesses dans des ordres du jour multipliés[4]. Les soldats n'ont plus foi ; un instinct sûr leur indique que tout est fini. Les menaces échouent comme les promesses. Elles sont sans effet, car elles sont sans sanction. Malgré les ordres de Davout, qui veut des exemples, le général de France n'ose point faire fusiller deux déserteurs, clans la crainte que la troupe ne refuse de se prêter à l'exécution. Il redoute un tumulte où tous les officiers seraient en péril[5].

Il n'avait point été stipulé dans la convention d'armistice que les Alliés s'établiraient sur la rive droite de la Loire, mais Blücher l'entendait ainsi. Le jour de la ratification, les commissaires prussiens déclarèrent aux commissaires français que la Loire devant servir de ligne de démarcation leur armée étendrait ses cantonnements jusqu'à la rive droite du fleuve[6]. Dès le 6 juillet, un parti de cavalerie, qui s'était posté à Bourg-la-Reine sous le commandement de Blankenburg, se mit en marche à la suite de l'arrière-garde française, et la talonna de si près que des coups de feu furent échangés[7].

Le 11 juillet, l'armée avait passé la Loire. Le 1er corps (d'Erlon) occupait Gien ; les 3e et 4e corps (sous Vandamme) étaient cantonnés entre Orléans et Jargeau ; le 2e (Reille), à Blois ; la cavalerie de Pajol, près de Gien ; la garde à pied, à la Ferté-Senneterre ; la garde à cheval, à Saint-Mesmin ; les dragons d'Exelmans, à Beaugency ; les cuirassiers de Milhaud et de Kellermann, à Chambord. Le grand parc filait vers Bourges. Davout qui, le 5 juillet, avait résigné ses fonctions de ministre de la guerre pour garder le commandement de l'armée de Paris en marche vers la Loire, avait son quartier-général à Orléans[8]. L'approche des Prussiens — le corps de Thielmann qui n'avait fait que traverser Paris avait déjà ses avant-postes à Neuville[9] —, la crainte qu'ils ne rompissent soudain l'armistice, imposaient des mesures de sûreté. Davout fit fortifier les ponts d'Orléans et de Jargeau et établir des épaulements pour des batteries pouvant battre la rive droite de la Loire. Les gués furent détruits, tous les bateaux durent venir s'amarrer à la rive gauche. Les troupes eurent l'ordre de se garder comme en présence de l'ennemi[10].

L'armée de la Loire présentait encore une force imposante. Malgré les désertions elle s'élevait à environ 72.000 fusils et sabres[11] ; et elle allait être renforcée par les dépôts et les mobilisés stationnés dans ces contrées, soit environ 15.000 hommes[12], et par les 10.000 soldats de l'armée de Lamarque[13] qui, désormais placée sous le commandement supérieur de Davout, se portait d'Angers sur Tours[14]. C'était ainsi une belle masse de près de 100.000 soldats avec 500 bouches à feu[15].

 

II

Pour empêcher les mutineries et les désertions en masse, les généraux avaient assuré aux troupes que la Commission exécutive et les Chambres restaient unies avec l'armée, qu'elles maintiendraient les droits de la nation, que la forme du gouvernement ne serait point changée et que le drapeau tricolore serait à jamais conservé[16].

Davout laissait dire, mais il n'avait point ces illusions. Bien qu'il n'eût pas été mêlé aux dernières manœuvres de Fouché pour la dissolution de la Chambre et la rentrée de Louis XVIII, il ne pouvait les désapprouver puisque, depuis dix jours, il s'était par raison converti au royalisme. S'il avait gardé le commandement de l'armée en retraite, c'était pour la conserver à la France en la donnant au roi. Il voulait que le roi eût dans l'armée un point d'appui, une force, une défense contre les exigences des Alliés. Si Davout avait tant fait que de livrer Paris sans combat, quand il eût combattu au nom du pays représenté par les Chambres, ce n'était pas pour engager une guerre sur la Loire, alors que par le fait de la restauration du roi cette guerre sans espoir eût été une rébellion. Et pour qui combattre ? L'empereur était prisonnier, les Chambres étaient dissoutes, Napoléon II était à Vienne. Pour le drapeau tricolore qui personnifiait les libertés, les vœux, les gloires guerrières, les conquêtes civiques, le droit nouveau de la France, la France elle-même ? Mais un drapeau n'est pas un gouvernement. Une armée sans gouvernement, disait très bien Davout, est quelque chose de monstrueux qui ne se conçoit pas. Ce serait la reproduction de ces bandes, de ces grandes compagnies dont du Guesclin délivra la France[17].

Dès le 6 juillet, à Savigny près Longjumeau[18], le prince d'Eckmühl chargea les généraux Gérard[19], Kellermann et Haxo de négocier à Paris le ralliement de l'armée au futur gouvernement royal. Par le choix de ces trois officiers généraux, qui représentaient, le premier l'infanterie, le second la cavalerie, et le troisième les armes spéciales, Davout voulait donner à leur mission la plus grande autorité. Dans sa pensée, ce n'était pas lui seulement, prince d'Eckmühl, général en chef, qui allait offrir de reconnaître le roi : c'était l'armée elle-même, les régiments, les officiers, les soldats. Davout entendait qu'en retour de cette soumission spontanée le gouvernement royal accorda à l'armée certaines garanties qui fussent aussi des garanties pour la France[20].

Gérard et Haxo — Kellermann, qui jugeait indispensable de rester avec sa cavalerie, ne les rejoignit que le 10 juillet — arrivèrent à Paris après la dissolution du gouvernement provisoire. Ils virent Fouché qui leur dit que l'armée serait traitée selon son honneur et ses intérêts, mais qu'elle devait renoncer au drapeau tricolore. Dans cet état de choses, écrivit Haxo à Davout, il faudrait assembler un conseil des principaux chefs et établir certaines bases, très modestes, d'après lesquelles nous pourrions négocier avec le roi si vous nous y autorisez par écrit[21]. Les circonstances pressaient. Pour ne point perdre de temps en discussions, Davout arrêta de lui-même les conditions à soumettre au gouvernement royal ; et, la pièce écrite de sa main et signée, il en fit passer des copies dans les états-majors afin que le plus grand nombre possible de généraux et de chefs de corps y missent leur signature. Environ quatre-vingts officiers généraux et officiers supérieurs consentirent à signer, mais non sans hésitation ou répugnance. Plusieurs refusèrent, nommément les généraux Delort et Valin. — Je serais massacré par mes cuirassiers ! dit le général Delort[22].

Le 10 juillet, Kellermann apporta à Paris les nouveaux pouvoirs qui l'autorisaient, lui et ses deux collègues, à traiter la soumission de l'armée aux conditions suivantes : 1° nul Français ne sera proscrit ni privé de son rang et emploi, soit civil soit militaire ; 2° l'armée sera conservée dans son état actuel tant que les étrangers resteront en France[23]. Des couleurs nationales, il n'était plus question. Davout s'était résigné à en faire le sacrifice.

Ce même jour, les trois commissaires furent reçus par le ministre de la guerre, Gouvion Saint-Cyr. — Il me paraît, dit-il, que le roi manquerait à sa dignité en paraissant faire le premier pas. Il ne peut agir qu'après une soumission formelle de l'armée... Soumettez-vous sans conditions. Je vous promets que vous serez contents du roi et qu'il fera peut-être plus encore que vous ne demandez. A l'objection des généraux qu'ils ne pouvaient faire leur soumission sans une déclaration préalable du roi, le ministre parut céder. On convint que l'acte de garantie et l'acte de soumission seraient simultanés et échangés l'un contre l'autre. Gouvion promit de soumettre le projet au conseil des ministres, au cours de la prochaine séance. Le lendemain, Gérard et ses collègues furent introduits aux Tuileries dans un salon contigu à la salle du conseil. Gouvion Saint-Cyr sortit un instant et leur dit que le roi et les ministres se refusaient absolument à entendre parler d'aucune condition. Le 12 et le 13 juillet, nouvelles démarches sans meilleur résultat auprès de Fouché, de Maison, de Dessoles, de Talleyrand, et, derechef, au ministère de la guerre. Gouvion affecta la raideur et même l'indifférence. Il ne voulut rien écouter. — Je vous ai dit vingt fois, dit-il d'un air dégagé, je vous répète pour la vingt et unième qu'il m'est défendu de recevoir de l'armée autre chose qu'une soumission pure et simple. Comptez d'ailleurs que le roi fera plus que vous ne désirez[24].

Pendant ces négociations, les journaux, tous plus royalistes que le roi, publiaient des nouvelles tendancieuses contre l'armée. A les en croire, l'aimée était à la veille de se dissoudre d'elle-même, et, en attendant, elle se livrait partout sur son passage au pillage et aux pires excès. Les soldats français n'étaient plus que des brigands : les brigands de la Loire. Les gazettes dénommaient avec une satisfaction à peine déguisée les corps prussiens qui traversaient Paris pour aller observer les débris de l'armée, rebelle, autrement dit pour en délivrer le pays[25]. D'autre part, le général Milhaud, qui pressentait une réaction politique et qui se sentait, comme régicide, encore plus exposé aux vengeances que ses camarades, avait pensé se couvrir en faisant, avant quiconque dans l'armée, acte d'adhésion pleine et entière à l'autorité royale. Dès le 9 juillet, quelques instants après avoir contresigné les pouvoirs aux commissaires de l'armée, il avait écrit à Gouvion Saint-Cyr pour le prier de mettre sous les yeux du roi sa soumission pure et simple ainsi que celle des officiers et soldats de ses huit régiments de cuirassiers[26]. Cette soumission particulière était sans importance effective, car sauf sept ou huit officiers généraux et supérieurs Milhaud n'avait consulté personne au 4e corps de cavalerie, et, si Davout avait voulu le démasquer, les cuirassiers auraient abandonné leur indigne chef pour se rallier au drapeau tricolore. Mais l'acte avait beaucoup de gravité comme effet moral, le conseil des ministres devant en conclure que l'armée était désunie et que d'autres adhésions suivraient celle-ci[27].

Chaque jour, les commissaires rendaient compte à Davout de leurs infructueuses démarches et des bruits vrais ou faux qui couraient à Paris. Ils lui apprirent l'adhésion de Milhaud et lui firent savoir que les Russes et les Autrichiens, ne se regardant pas comme liés par la convention du 3 juillet, se disposaient à marcher offensivement vers la Loire. Désespérant de mener à bien leur mission et envisageant avec un esprit quelque peu troublé les périls qui menaçaient l'armée, ils engagèrent Davout à leur donner des pouvoirs pour une soumission sans conditions en s'en remettant à la bonté du roi[28]. Le maréchal n'était pas moins alarmé. Soit qu'il partageât la confiance de ses délégués en cette parole de Gouvion Saint-Cyr : le roi fera plus qu'on ne demande ; soit plutôt qu'il ne vit d'autre issue qu'une soumission pure et simple, si malheureuses qu'en pussent être les conséquences[29], il prit brusquement un parti. Le 13 juillet dans la nuit, il adressa cette lettre aux généraux Gérard, Kellermann et Haxo : Je reçois seulement à l'instant votre lettre. Il faudrait perdre des instants trop précieux pour réunir les généraux. Vous avez conquis par votre conduite l'estime de tous les militaires français. Aussi, dans les circonstances graves où nous nous trouvons, le parti que vous prendrez aura l'assentiment de tous. Si vous jugez qu'une soumission pure et simple soit utile à notre malheureuse patrie, faites-la, mais sauvez l'honneur à l'armée[30]. A la réception de cette lettre qui leur donnait carte blanche, Gérard et ses collègues, sans plus réfléchir, remirent à Gouvion Saint-Cyr une adresse au roi qu'ils avaient rédigée d'avance[31].

Ce même jour, 14 juillet, Davout assembla au château de la Source les généraux et les colonels dont les troupes cantonnaient à proximité. Il voulait leur faire ratifier la décision qu'il venait de prendre. Le colonel Carrion-Nisas donna lecture d'un acte de soumission à envoyer à Paris, et Davout invita les assistants à le signer. Il y eut des résistances. Cette adhésion, objectèrent plusieurs généraux, semblait prématurée ; il fallait au moins attendre le retour des délégués de l'armée. Davout reprit la parole. — La soumission unanime des troupes, dit-il, est des plus urgentes. Il faut que le faisceau de toutes nos signatures marque notre force et notre union. Les armées de l'Europe se sont ruées sur la France pour la mettre à feu et à sang ; il n'y a plus d'espoir de les chasser par les armes. Seul, le gouvernement de Louis XVIII peut arrêter la dévastation et le morcellement de la France. C'est pourquoi l'armée doit se rallier à lui. L'intérêt public seul dicte ma conduite. On ne me verra jamais aller à la cour ni accepter aucun emploi. Je vivrai dans la retraite en consacrant le reste de mes jours à l'éducation de mes enfants. Les officiers se laissèrent convaincre. Ils signèrent à tour de rôle, après toutefois avoir exigé la suppression d'une phrase offensante pour Napoléon. Seul, le général Dejean fils refusa sa signature. Le prince d'Eckmühl insista. Je vous en prie, dit-il, je vous l'ordonne au nom de votre père que vous désolerez, au nom de la France ! Très tranquillement, Dejean répondit : — Mon père est un brave homme, j'aime beaucoup mon pays ; mais je ne signerai pas[32].

Davout fit envoyer dans tous les quartiers-généraux des copies de l'acte de soumission. Les premières signatures données à la Source déterminèrent la plupart des officiers à signer aussi. Quelques-uns cependant envoyèrent leur démission ou refusèrent obstinément leur signature[33]. En somme, l'adhésion du corps d'officiers presque tout entier fut plus facile à obtenir qu'on n'aurait pu le croire dix jours auparavant, quand l'armée avait quitté Paris. Reille fut chargé de porter au roi l'acte de soumission. Il l'avait signé sans difficulté. — Je ne tiens pas, avait-il dit, à être de la queue de Bonaparte[34].

Restait à donner connaissance aux troupes de la résolution prise pur leurs chefs, et, comme première sanction, à leur enlever les drapeaux de l'empire et à leur faire prendre la cocarde blanche. Davout s'y décida le 16 juillet[35]. Grand émoi parmi les généraux au moment de communiquer son ordre du jour. Quelques-uns demandèrent des délais, alléguant que le changement de cocarde ne pouvait s'opérer subitement, qu'il fallait agir avec prudence, lenteur et adresse. L'armée se dissoudra, écrivit Freind. La cocarde blanche est odieuse au soldat. — Rien n'est plus nuisible pour le soldat, écrivit Bachelu. Je diffère l'exécution de vos ordres, écrivit Clausel. Il faut que j'y prépare les troupes, mais mes précautions seront inutiles. Le moment où les soldats seront obligés de prendre la cocarde blanche sera celui de la perte totale de mes troupes. Le général Decaen me mande qu'il a les mêmes appréhensions. — Pas un soldat ne restera sous les drapeaux si l'on ne conserve les couleurs nationales, écrivit Lamarque. Henri IV ne balança pas d'aller à la messe. Je suis persuadé que pour éviter la guerre civile, il aurait consenti à porter une étole sur sa cote d'armes[36].

Plutôt que de faire prendre à ses canonniers la cocarde des émigrés, le colonel Duchand résigna son commandement en laissant ce pathétique ordre du jour où vibrait le cœur de l'armée : Officiers, sous-officiers et canonniers de la garde impériale, recevez mes adieux. Depuis que j'ai l'honneur de vous commander, vous êtes toute ma gloire. Nos efforts, notre courage ont été inutiles... Mes camarades, j'ai supporté jusqu'à ce jour l'affreux malheur de voir notre patrie souillée par l'étranger sans pouvoir verser encore mon sang pour la venger, mais de nouvelles circonstances viennent m'imposer des conditions auxquelles je ne puis souscrire. Mes principes, mon honneur, mon âme tout entière s'y opposent. Non, je ne vous tiendrai jamais un autre langage qu'aux champs de Waterloo, et ce ne sera pas moi qui placerai dans vos rangs un nouvel étendard[37].

Les généraux et les chefs de corps n'imitèrent pas Duchand ; ils obéirent. Mais la désertion devint telle que l'on n'évalua plus l'armée qu'à 45.000 hommes[38]. Les soldats les plus soumis retirèrent en murmurant leur cocarde tricolore, mais sans la remplacer ; d'autres la conservèrent au shako et se bornèrent à la recouvrir d'une rondelle de soie ou de coton que d'ailleurs ils enlevèrent et remirent tour à tour pendant trois mois, selon l'humeur ou l'occasion. A Blois, les troupes accueillirent par des Vive l'empereur ! l'ordre du jour de Davout, se débandèrent et parcoururent la ville en maltraitant les passants suspects de royalisme. A Tours, le 12e de ligne saccagea les maisons que décoraient des drapeaux blancs. Mêmes tumultes, mêmes violences à Chinon, à La Châtre, à Confolens, à Angoulême, à Châteauroux, à Gannat, à Saint-Amand, à Romorantin, à Poitiers, à Saint-Pourçain, à Clermont-Ferrand[39]. La soumission de l'armée, lit-on dans un rapport du 24 juillet, du préfet d'Indre-et-Loire, n'existe pas de fait[40]. Davout écrivit dans un ordre du jour : Quelque peine qu'on éprouve du changement de cocarde, il ne peut être un prétexte au brigandage et à la désertion[41]. Davout pourtant, s'il condamnait les violences des soldats, comprenait leur douleur : Le roi, dit-il plus tard, a fait une grande faute en sacrifiant les couleurs nationales. Le soldat, habitué à obéir passivement, se serait résigné sans trop de répugnance au changement de gouvernement. Mais le changement de cocarde le révolta parce qu'il vit une humiliation pour lui dans la proscription de couleurs honorées par tant de victoires. Les lui enlever, c'est comme si on vouait à l'oubli tous ses glorieux services, comme si on condamnait son passé[42]. A Nantes, un gendarme se tira un coup de pistolet au cœur, en disant qu'il ne voulait pas survivre à cette honte[43].

 

III

Le roi n'avait pas voulu donner de garanties à l'armée parce qu'il n'aurait pu tenir ses engagements. Il était dans la dépendance de l'ennemi. A la paix de Paris, en 1814, les Alliés avaient espéré le licenciement de l'armée française[44] ; les événements de 1815 leur donnaient l'occasion et le pouvoir de l'exiger. Ils trouvèrent un prétexte dans l'ordonnance du roi, datée de Lille, 23 mars, qui licenciait tous officiers et soldats passés sous le commandement de Napoléon Bonaparte et de ses adhérents[45]. Les ministres alliés exposèrent que la conservation de l'armée impériale était incompatible avec la paix publique en France et en Europe. Sa défection au retour de Bonaparte prouvait qu'il était impossible de compter sur elle. L'apparition d'un drapeau tricolore suffirait encore à la soulever. N'avait-elle pas assez prouvé qu'elle était irréconciliable avec la maison de Bourbon ! Pour se délivrer de cette armée de rebelles, il n'y avait qu'à mettre à exécution l'ordonnance du 23 mars. Dans cette question, insinua Metternich, les intérêts du roi sont inséparables de ceux des Alliés. A toutes ces mauvaises raisons, Nesselrode ajouta la raison du plus fort. Le traité d'alliance conclu à Vienne, le 23 mars, écrivit-il, a été dirigé contre Bonaparte, contre ses adhérents et surtout contre Vannée française, dont l'ambition désordonnée et la soif de conquêtes ont plusieurs fois troublé l'Europe. Déterminés par le besoin de la paix universelle, l'empereur de Russie et ses alliés font du licenciement de cette armée une condition impérative[46].

Talleyrand, soit légèreté, soit indifférence, céda sans discussion. Il s'abstint même de soumettre cette question si grave au conseil des ministres, et s'en fut tout droit exposer au roi, seul à seul, la nécessité et les avantages du licenciement. Dominé par les souvenirs cruels qu'avait laissés en lui la défection de l'armée et par les craintes que, malgré des démarches de leurs chefs, lui inspiraient encore les troupes ennemies de son drapeau, Louis XVIII donna son assentiment. Pour lui, il y avait dans ce sacrifice quelque chose d'une délivrance. Pas plus que Talleyrand, il ne comprit qu'en achevant de désarmer la France il allait la livrer pieds et poings liés à toutes les violences de la soldatesque, à toutes les convoitises de l'Europe. Talleyrand dut cependant mettre dans le secret le ministre de la guerre. Gouvion Saint-Cyr commença par s'emporter. Il parla de démission. Il dit, prétend-on, que bien loin de licencier l'armée, qui offrait de se soumettre et qui était la dernière sauvegarde du pays, il fallait la fortifier en jetant dans ses rangs les troupes royales de l'Ouest[47], comme l'avaient proposé plusieurs chefs vendéens[48]. Talleyrand eut aisément raison de cette ardeur en faisant appel au génie organisateur du maréchal. — Le licenciement, dit-il, est une question de forme. On ne peut contester au roi le droit d'avoir une armée. Vous en organiserez une nouvelle où vous ferez rentrer les meilleurs officiers et tous les bons soldats. Cette opération permettra d'écarter, sans que personne ait le droit de se plaindre, ceux qui pourraient être regardés comme dangereux. L'armée sera momentanément réduite, c'est vrai ; mais elle deviendra un corps d'élite, sûr et fidèle, admirable base sur laquelle on reconstruira plus tard, selon les besoins du pays. D'ailleurs, cela ne peut être autrement. Les souverains l'exigent. Il n'y a pas moyen de refuser[49]. Toutes ces négociations furent menées à la chaude. La seule journée du 11 juillet paraît y avoir suffi, car les souverains n'étaient arrivés à Paris que dans la soirée du 10, et, dès le 12, Metternich, dans une lettre officielle à Talleyrand, parlait du licenciement de l'armée comme d'une chose résolue[50].

Gouvion Saint-Cyr dut agir envers l'armée avec plus de ménagements que les Alliés n'en avaient pris envers le roi. Il se garda de révéler aux envoyés de Davout le projet de dissolution, car il jugeait dangereux d'apprendre aux chefs, comme aux soldats, que la soumission qu'on attendait d'eux aurait pour conséquence un licenciement immédiat et total. Davout, on l'a vu, se résigna, à une soumission pure et simple. Mais Gouvion craignit encore qu'à l'annonce du licenciement, l'armée, soulevée par les généraux eux-mêmes, ne se mît en pleine révolte. Avant de faire connaître clairement le dessein du gouvernement, il voulait disloquer les corps d'armée et les divisions, de façon à rendre plus difficiles une entente commune et un mouvement général[51]. Le 19 juillet il écrivit à Davout : Le roi reçoit la soumission pure et simple que vous lui avez adressée des généraux, officiers et soldats qui sont au delà de la Loire. Cet acte a fixé l'attention bienveillante de Sa Majesté, et, très prochainement, je vous ferai part des ordres qu'elle a donnés pour la réorganisation de l'armée. En conséquence, Sa Majesté m'a donné les ordres les plus positifs pour la dislocation des troupes dans le plus bref délai, comme mesure préparatoire à l'exécution de son ordonnance du 23 mars dernier[52]. Davout comprit que le mot réorganisation de l'armée signifiait licenciement. Il répondit à Gouvion que les ordres pour la dislocation seraient exécutés, bien que d'ailleurs il y eût peu de mesures à prendre à cet égard, la nécessité de faire subsister les troupes l'ayant déjà contraint à étendre beaucoup les cantonnements. Il ajouta que pour ce qui regarderait le licenciement, il demandait l'envoi de commissaires spéciaux, car il priait le roi d'accepter sa démission[53]. Davout taisait le motif de cette résolution. C'était un amer découragement et une profonde douleur. Afin de conserver l'armée à la France, il avait trempé dans d'indignes intrigues, maîtrisé ses colères guerrières, renié sa foi politique, abandonné son drapeau, trahi la confiance de ses camarades, perdu le respect et l'affection des soldats, terni sa gloire. Et tous ses efforts et tous ses sacrifices aboutissaient précisément à la destruction de l'armée. Qui dit que ce jour-là le vainqueur d'Auerstaedt n'eut pas la vision de la bataille qu'il aurait pu livrer sous Paris pour venger Waterloo ?

Aux souffrances morales de Davout s'ajoutaient des alarmes causées par les mouvements menaçants des troupes alliées. Tant qu'il resterait général en chef, il voulait faire respecter la ligne de ses cantonnements, assurer la sécurité, de son armée et des contrées dont il avait la garde. Or, les Prussiens interceptant presque toutes les communications avec Paris, il était sans nouvelles suivies du gouvernement sur les desseins des Alliés, et, d'après les rapports des avant-postes, l'ennemi paraissait se disposer à passer la Loire sur plusieurs points, de Bourbon-Lancy à Amboise[54]. Davout non moins irrité qu'inquiet prit des mesures pour repousser la force par la force : ordre de faire sauter les ponts à la première alerte, d'en retrancher les débouchés, de barricader les routes, de multiplier les reconnaissances, de tenir les troupes prèles à marcher[55]. Le 22 juillet, l'avant-garde autrichienne du corps de Frimont ayant passé la Loire à Bourbon-Lancy, le prince d'Eckmühl écrivit au général Delcambre : J'aime à croire qu'il n'y a dans ceci qu'un malentendu. Si le mouvement continuait, il faudrait replier sur Bourges les troupes du jet corps. Je rallierais la garde à pied et à cheval et le corps du général Vandamme, et l'ennemi recevrait, je l'espère, le prix de sa perfidie. En même temps, il écrivait au général autrichien Radivojevich qui déjà occupait Moulins : Le roi pour accélérer la paix a donné des ordres de dislocation, et c'est au moment où ces ordres sont, eu exécution que je reçois du général Milhaud un rapport m'annonçant l'arrivée à Moulins d'une partie de votre corps. Le service du roi, l'honneur et la sûreté de Farinée me font un devoir de suspendre mes mouvements jusqu'à ce que ce malentendu ait été réparé. Si, contre toute attente, ce mouvement était offensif, je serais innocent devant Dieu et devant les hommes, envers mon roi et envers ma patrie, des suites qu'il pourrait avoir[56]. Les Autrichiens se hâtèrent de repasser la Loire.

 

IV

Les exaltés du parti royaliste trouvaient que l'on tardait trop à punir. La proclamation de Cambrai qui réservait aux Chambres d'exercer cette justice ne satisfaisait point leur fureur carnassière. Ces délais allaient donner aux bonapartistes les plus compromis des occasions de fuir, et, en outre, les justes colères pouvant s'assoupir avec le temps, on risquait que dans deux ou trois mois les Chambres ne fussent disposées à la clémence. La Némésis royale n'aurait plus son compte de victimes. Dans le inonde de la noblesse, dans l'entourage des princes, jusque dans les appartements du roi, on déclamait avec indignation contre cette justice boiteuse. Au ministère de la police, aux Tuileries, arrivaient des brassées de dénonciations anonymes et des conseils de répression[57]. Les journaux, enfin, publiaient chaque jour des nouvelles tendancieuses, des notes perfides, des insinuations meurtrières contre les hommes de l'empire et de la Révolution[58].

Peut-être le roi et les ministres auraient temporisé jusqu'à la réunion des Chambres[59]. Mais comme pour l'armée, ils devaient compter avec la volonté des puissances. Or, par une contradiction paradoxale, les cabinets russe et anglais, qui depuis l'arrivée du roi à Gand jusqu'à son retour à Paris s'étaient efforcés d'éloigner de son conseil le parti de l'émigration, s'alliaient à ce parti pour demander des supplices et des proscriptions. Dès le 30 juin, Liverpool écrivait dans un Mémorandum : Il faut punir exemplairement ceux qui ont soutenu le mouvement de Bonaparte. Pour les conspirateurs non militaires, il faut punir de mort les plus coupables et de l'exil les moins coupables. Le 7 juillet, il écrivait de nouveau à Castlereagh pour s'informer de la décision qu'on allait prendre à l'égard des complices de Bonaparte[60]. Enfin, le 13 juillet, les ministres alliés remirent à Talleyrand une note invitant le gouvernement français à donner des éclaircissements sur les mesures à prendre contre les membres de la famille Bonaparte et autres individus dont la présence était notoirement incompatible avec l'ordre public[61].

Cette demande impérative fut soumise au roi et discutée d'abord entre lui, Talleyrand et Fouché. Talleyrand conseillait d'y opposer la proclamation de Cambrai dont il était l'auteur et qui chargeait les Chambres de désigner les coupables. Fouché se montra plus accommodant[62]. Ce n'est pas qu'il inclinât à des représailles. Bien loin de là il eût voulu une amnistie générale[63]. Mais il avait d'implicites engagements avec les Anglais et avec les ultras qui avaient, les uns et les autres, préparé et assuré son entrée, à mieux dire son intrusion, dans le nouveau cabinet. En outre, Fouché se sentait quelque peu menacé par la déclaration de Cambrai puisqu'il avait été ministre de Napoléon avant le 23 mars. Personnellement, il avait intérêt que cette question des poursuites judiciaires fût décidée une fois pour toutes tandis qu'il était au pouvoir. Plus lard, on ne savait. Combien de temps se maintiendrait ce ministère ? quelle durée aurait la protection du comte d'Artois et quel esprit animerait les Chambres ? Si Fouché était à bas, ne pourrait-on pas le comprendre dans les proscriptions au même titre que Carnot, Caulaincourt, Rovigo et autres complices du gouvernement usurpateur ? Il était donc sage, puisqu'il en avait l'occasion, de dresser lui-même la liste des proscrits : il serait sûr que son nom ne s'y trouverait point. Fouché d'ailleurs se payait de ce sophisme qu'il valait mieux faire prononcer à la justice du roi qu'à la vengeance des pairs et des députés royalistes, et qu'en sacrifiant cinquante ou soixante individus ou en sauverait mille[64]. Puis n'était-il pas urgent de calmer les alarmes provoquées par la déclaration de Cambrai chez les officiers et les fonctionnaires restés dès le 20 mars au service de Napoléon ? Le bruit courait que les poursuites judiciaires s'étendraient à 2.000, à 3.000, à 4.000 personnes[65], Une ordonnance royale limitant le nombre des coupables et les désignant nominativement rendrait la sécurité à la masse des gens qui se sentaient suspects[66].

Talleyrand avait résisté mollement, comme il était capable de résister. Il céda. Louis XVIII donna son assentiment sans difficulté. Fouché fut chargé ou se chargea de dresser la liste de proscription[67]. Il semble qu'il y fut aidé par Vitrolles[68] et par d'autres personnages. — Les noms pleuvent des gouttières des Tuileries, disait-il[69]. Peu de jours après, il apporta au conseil une liste qui comprenait une centaine de noms[70], si arbitrairement choisis, pour la plupart, que l'on aurait pu les croire tirés au sort. Les ministres ne firent point d'objection à l'ordonnance projetée, car les plus modérés, comme Pasquier, estimèrent que l'impunité complète était impossible et que la désignation de certains coupables s'imposait[71]. Mais ils protestèrent contre les choix irraisonnés et surtout contre le grand nombre de noms qui grossissaient la liste. Chacun usa de son influence pour en faire rayer un ou cieux. C'est ainsi que furent épargnés Benjamin Constant, Montalivet, le général Grenier, le général Durosnel, Etienne, Mme de Souza, Mme Hamelin, le duc de Vicence, d'autres encore que l'on ne sait pas. La liste se trouva un peu réduite, mais bien qu'ils se fussent d'abord récriés contre les désignations arbitraires de Fouché, ses collègues maintinrent sur ces tables de proscription les noms de quantité de gens qui n'avaient rien fait pour y être portés[72]. Le roi approuva. Le 21 juillet, il rendit une ordonnance déférant aux conseils de guerre dix-neuf généraux sous l'accusation de trahison envers le roi avant le 23 mars ou d'attaque à main armée contre le gouvernement, et mettant trente-huit autres personnes sous la surveillance de la police jusqu'au jour où il aurait été statué par les Chambres sur leur bannissement ou leur comparution devant les tribunaux[73].

Le roi avait déclaré dans la proclamation de Cambrai que les auteurs de la révolution du 20 mars seraient désignés par les Chambres aux poursuites judiciaires ; il avait déclaré encore qu'il promettait lui qui n'avait jamais promis en vain de pardonner tout ce qui s'était passé après le 23 mars[74]. En rendant l'ordonnance du 24 juillet, Louis XVIII manqua cieux fois à sa parole de roi. Il désigna lui-ultime les coupables, et il comprit parmi eux des généraux, des fonctionnaires, des députés qui jusqu'après le 23 mars étaient demeurés étrangers à tout.

Des cinquante-sept personnages portés sur les listes de proscription, trente et un pouvaient are déférés aux tribunaux pour avoir plus ou moins secondé Napoléon dans sa marche vers Paris ou accepté de lui des fonctions publiques avant le 23 mars. C'étaient Ney, La Bédoyère, les deux frères Lallemand, Drouet d'Erlon, Lefebvre-Desnoëttes, Ameil, Brayer, Mouton-Duvernet, Debelle, Bertrand, Drouot, Cambronne, Allix, Fressinet, Lamarque, Piré, Arrighi, Dejean fils, Exelmans, puis Rovigo, Lavallette, Bassano, Boula), de la Meurthe, Thibaudeau, Regnaud, Carnot, Pommereuil, Réal, Merlin de Douai, Ginou-Defermon[75]. Mais à s'en tenir à l'esprit comme à la lettre de la proclamation de Cambrai, il ne devait are exercé aucune poursuite contre Soult, Clausel, Lobau, Grouchy, Vandamme et Forbin-Janson, restés sans emploi plus ou moins longtemps après que Louis XVIII avait quitté la France[76] ; ni contre Hullin rétabli le 24 mars dans le commandement de la place de Paris qu'il occupait en 1814[77] ; ni contre Marbot, Delaborde et Gilly qui ne s'étaient déclarés que les 24 mars, 4 avril et 5 avril[78] ; ni contre l'adjudant-commandant Mellinet, nommé le 28 avril chef de l'état-major de la division Barrois[79] ; ni contre Haret, nommé préfet des Landes le 6 avril ; ni contre Cluys, modeste capitaine, aide de camp de Rovigo ; ni contre Méhée, rédacteur, pendant les Cent Jours, du Patriote de 89 ; ni contre Dirat, soupçonné de collaborer au Nain Jaune ; ni contre Lelorgne d'Ideville[80], aussi inconnu à ses contemporains qu'il l'est à nous-mêmes ; ni contre Courtin, qui ne commit d'autre crime que de garder sous l'empire les fonctions qu'il avait sous la royauté et de plisser de procureur du roi procureur impérial. Des milliers de fonctionnaires étaient dans ce cas-là. Sous quel prétexte, enfin, englober parmi les complices du 20 mars Lepelletier, Barrère, Arnault, Garreau, Bouvier-Dumolard, Durbach, Bory Saint-Vincent, Garnier de Saintes et Félix Desportes, élus députés dans le courant de mai ?

En tout cela, la rancune et la vengeance avaient plus de part que la justice. On ne pardonnait pas à Clausel d'avoir contraint la duchesse d'Angoulême à quitter Bordeaux, à Delaborde d'avoir arrêté Vitrolles, à Gilly d'avoir fait prisonnier le duc d'Angoulême, à Grouchy de s'être constitué le geôlier de ce fils de France. On reprochait à Soult le mauvais succès de ses mesures contre Napoléon aussitôt après le débarquement au golfe Jouan. Déjà au premier retour du roi, Vandamme était suspect. Pendant son court passage à la préfecture de police, aux derniers jours de la Commission exécutive, Courtin avait surpris des secrets. On en voulait à Haret de ses articles du Nain Jaune. Méfiée était un septembriseur, Barrère, Garreau, Garnier de Saintes étaient régicides, Hullin était un des juges du duc d'Enghien. Bouvier-Dumolard avait fait condamner comme calomniateur l'écrivain royaliste Alphonse de Beauchamp. Durbach, un des chefs de l'opposition parlementaire sous la première Restauration, avait prononcé clans la Chambre des Cent Jours une philippique contre les Bourbons. Félix Desportes avait combattu les motions de Manuel, porte-paroles du duc d'Otrante. Arnault s'était déclaré pour les mesures de sûreté générale et pour la prise en considération de l'adresse des fédérés. Félix Lepelletier avait demandé ii la Chambre de proclamer Napoléon sauveur de la Patrie. En pleine tribune, enfin, Bory Saint-Vincent avait dénoncé Fouché.

Autant que les actes on incriminait les opinions, la vie passée, les contingences. On saisissait l'occasion pour frapper les gens que l'on haïssait et pour se délivrer des gens que l'on redoutait, bonapartistes déterminés, libéraux gênants, révolutionnaires dangereux. Mais à ce compte-là cette liste de mort et de bannissement était bien courte. C'est par centaines qu'il y aurait fallu inscrire des noms. Pourquoi Barrère et pas Cambon, pourquoi Carnot et pas Cambacérès, pourquoi Garreau et pas Drouet, pourquoi Clausel et pas Decaen, pourquoi Delaborde et pas Travot, pourquoi Gilly et pas Chartran ? Mais la proscription n'était pas close.

 

V

Le bruit que l'on projetait ces mesures se répandit le 20 juillet dans les états-majors de l'armée de la Loire. Davout refusa d'y croire et fut confirmé dans son optimisme par un aide de camp de Gouvion Saint-Cyr. Celui-ci l'assura, au nom du ministre de la guerre, que les nouvelles qui couraient sur des proscriptions étaient tout à fait fausses, qu'aucune persécution n'aurait lieu, que quelques personnes seraient seulement privées de la faculté de rester à Paris, et d'approcher le roi. Davout fit connaître officiellement ces paroles dans les divers états-majors pour y calmer les alarmes. Drouet d'Erlon qui, dès le 22 juillet, avait écrit au prince d'Eckmühl qu'il quittait son commandement afin de se mettre en sûreté, resta à la tête de ses troupes[81].

On en était là le 27 juillet, quand des exemplaires imprimés de l'ordonnance de proscription parvinrent fortuitement à Davout. Il n'y avait plus à douter. Le maréchal ressentit une douleur profonde et, d'autant plus amère qu'il ne pouvait s'affranchir de tout remords. Ces officiers voués au supplice ou au bannissement et dont il avait charge comme général en chef, c'était lui qui dupe de Vitrolles, de Fouché et de Gouvion Saint-Cyr, les avait amenés d'abord à déserter la défense de Paris, ensuite à faire leur soumission au roi ; c'était lui qui les avait deux fois désarmés et les livrait maintenant à la vindicte des tribunaux militaires. Indigné, désespéré, il écrivit sur-le-champ à Gouvion Saint-Cyr une protestation où se retrouvaient sa grandeur et sa fermeté passées. Sa lettre commençait par cette déclaration de la plus offensante ironie : Si je devais ajouter quelque foi, monsieur le ministre, à tout ce que vous avez dit, je devrais supposer que cette liste de proscription est fausse. Davout revendiquait noblement la responsabilité des actes imputés aux généraux sous son commandement : Ils n'ont fait qu'obéir aux ordres que je leur ai donnés en ma qualité de ministre de la guerre. Il faut donc substituer mon nom aux leurs... Puissé-je attirer sur moi seul tout l'effet de cette proscription ! C'est une faveur que je réclame dans l'intérêt du roi et de la patrie... Je vous somme, monsieur le maréchal, sous votre responsabilité aux yeux du roi et de toute la France, de mettre cette lettre sous les yeux de Sa Majesté[82].

Toute généreuse qu'elle était, la lettre de Davout ne pouvait avoir comme effet que de le compromettre sans sauver aucun de ses compagnons d'armes[83]. Pour toute réponse, il reçut de Gouvion l'avis que le maréchal Macdonald était nommé à sa place commandant des divers corps d'armée stationnés au delà de la Loire[84]. Le duc de Tarente avait poussé son dévouement pour le roi jusqu'à accepter la tâche difficile et douloureuse et l'honneur peu enviable de dissoudre l'armée. Il avait, dit-il, mis comme condition qu'il ne serait point l'instrument des mesures qui pourraient être prises contre les individus. C'est possible, mais des instructions de Gouvion Saint-Cyr, postérieures à l'entretien qu'il avait eu à ce sujet avec Louis XVIII, lui prescrivaient cependant d'éloigner les généraux compris dans la seconde liste et de les faire remplacer, et d'exécuter la teneur de la première liste[85]. Macdonald arriva à Bourges le 31 juillet. Le lendemain, Davout et les officiers généraux dont les troupes occupaient la ville ou les environs immédiats lui firent une visite de corps. Il leur dit : — Que ceux qui ont le malheur d'être portés sur les fatales ordonnances songent à leur sûreté. Ils n'ont pas un instant à perdre. D'un moment à l'autre, il peut arriver des porteurs de mandats dont je ne serai pas maître d'arrêter l'exécution. Le soir même, en effet, des gardes du corps en habits bourgeois se présentèrent secrètement au quartier-général, munis d'ordres d'arrestations à remettre aux commandants de gendarmerie. Ils exhibèrent leurs instructions au maréchal. — Gardez-vous de vous montrer, leur dit-il, car dans la disposition actuelle des esprits, je ne répondrais pas de vous. Laissez-moi les calmer. Demain nous verrons. En attendant restez ici ; je vais vous faire donner à manger et préparer à coucher. Les gardes du corps protestèrent qu'ils devaient exécuter incontinent les ordres du roi, et qu'ils ne craignaient rien. — Alors, répliqua Macdonald en riant, pourquoi êtes-vous déguisés ? Ils se résignèrent à l'hospitalité du maréchal qui, pour plus de sûreté, les mit sous clé. Il accourut chez Davout et l'engagea à envoyer dans les cantonnements pour avertir les officiers menacés ; ils pourraient ainsi fuir pendant la nuit[86].

Lefebvre-Desnoëttes ayant coupé ses moustaches de général de cavalerie légère partit sous le nom d'un commis-voyageur. Ameil, également rasé, se déguisa en marchand forain. Delaborde, qui torturé par la goutte pouvait à peine se traîner, trouva asile dans une ferme des environs de Bourges où de braves paysans le cachèrent jusqu'au jour où il put quitter la France. — C'est mon grand-père qui dort après bien des nuits de douleur, dit la fermière aux gendarmes. Exelmans, Brayer, Lallemand jeune, Fressinet, Marbot se hâtèrent aussi de quitter l'armée. D'autres, comme La Bédoyère, Drouet d'Erlon, Allix, Piré. Dejean fils, Lamarque, étaient partis dès la veille ou l'avant-veille. Malgré tous les conseils, Drouot alla se constituer prisonnier à Paris. De tous les généraux proscrits, il ne restait le 6 août, à l'armée de la Loire que Vandamme. Fort de sa conscience et des services qu'il avait rendus, il ne voulut se démettre de son commandement que sur un ordre exprès de Macdonald. Il reçut cet ordre le 7 août et quitta aussitôt son quartier-général[87].

Pour obtenir de l'armée une soumission sans conditions, Gouvion Saint-Cyr avait affirmé que le roi ferait pour l'armée beaucoup au delà de ce qu'elle désirait. L'armée se soumit. Quinze jours plus tard, ses principaux chefs étaient disgraciés comme Davout, proscrits comme Drouet d'Erlon, voués au supplice comme Ney, et elle-même, disloquée, fractionnée par petits détachements de 500, de 300, de 200 hommes[88], n'ayant plus ni cohésion, ni force, ni vie collective, elle était parquée jusqu'à sa complète dissolution entre la Loire, les monts d'Auvergne et l'Océan[89], de façon à laisser l'ennemi maître de la France.

 

 

 



[1] Guilleminot à Reille et à Vandamme, 4 juillet. (Arch. Guerre.) — Les deux colonnes, mises en marche à une journée d'intervalle, suivirent la même route jusqu'à Arpajon. Là la colonne de Reille se dirigea sur Oysonville, tandis que celle de Vandamme continua sur Etampes. Une troisième colonne que formaient le grand parc et tous les équipages de l'armée se porta directement sur Gien et Bourges.

[2] Général Pécheux à Vandamme, Arpajon, 7 juillet, (Arch. Guerre.)

[3] Rapport de Berthezène, 7 juillet. Vallin à Davout, 7 juillet. Davout à Guilleminot, 8 juillet. Cf. Vandamme à Davout, 7 juillet, et d'Escrivieux à Davout, 9 juillet. (Arch. Guerre.)

[4] Ordres du jour de Vandamme, de Revest, de Radet, de Davout, 5, 7, 8, 10 juillet. (Arch. Guerre.)

[5] D'Escrivieux à Davout, Orléans, 10 juillet. (Arch. Guerre.)

[6] Grundler à Davout, 4 et 5 juillet. (Arch. Guerre.)

[7] Gneisenau à Blankenburg, 4 juillet (cité par von Ollech, 396.) Radet à Davout, Longjumeau. 6 juillet. (Arch. Guerre.) — Le détachement de Blankenburg était formé de quatre escadrons de la landwehr de Poméranie.

[8] Tableau des cantonnements de l'armée de la Loire, au 11 juillet. Davout à Vandamme, Orléans, 10 juillet. (Arch. Guerre. Armée de la Loire.)

[9] Von Ollech, Geschichte des Feldzuges von 1815, 398.

[10] Ordres de Davout, Orléans, 10, 11 et 12 juillet. (Arch. Guerre.)

[11] Il n'existe pas aux Archives de la Guerre de situation générale pour l'armée de la Loire pendant le commandement de Davout. Il n'y a même qu'une seule situation particulière. C'est celle, à la date du 14 juillet, des troupes de Vandamme (3e et 4e corps d'infanterie, division Teste et cavalerie de Domon et de Valin). Elle donne 20.587 officiers et soldats. A ces 20.587 hommes, il convient d'ajouter les corps d'Erlon et Reille, les débris du 6e corps, la garde à pied et à cheval, les quatre corps de cavalerie, les dépôts de la garde et de la ligne, les canonniers de la marine, les mobilisés et retraités qui s'élevaient au 1er juillet à 57.000 hommes environ. En en défalquant 10 p. 100 pour les désertions, resteraient 51.300 hommes, soit avec les troupes de Vandamme, 71.887 hommes.

[12] Dépôts d'Orléans, Tours, Blois, Bourges, Poitiers, Saumur, Angers, etc., etc. État des dépôts stationnés à Orléans ou dirigés sur Orléans, 30 juin ; 11.202 hommes (Papiers de Carnot.) — 1er bataillon de mobilisés d'Indre-et-Loire, 2e de l'Indre, 1er et 2e de la Haute-Marne, 3e et 4e de la Côte-d'Or, etc., etc. (Commissaire des guerres à Davout, Auxonne, 26 juin. Marchant à Mouton-Duvernet, Paris, 3 juillet. Guilleminot à Vandamme, 11 juillet. Arch. Guerre.)

[13] 10.078 officiers et soldats (situation au 5 juillet. Arch. Guerre).

[14] Davout à Lamarque, 11 juillet. (Correspondance de Davout, IV, 505-506.) — Par un arrêté du 6 juillet, la Commission de gouvernement avait mis sous le commandement de Davout, non seulement l'armée de Lamarque, mais aussi l'armée des Pyrénées occidentales (Clausel), et l'armée des Pyrénées orientales (Decaen). On pourrait donc compter les troupes formant ces deux armées, bien que fort éloignées d'Orléans, dans l'effectif de l'armée de la Loire.

[15] Davout à Lamarque, 11 juillet. (Corresp., IV, 505-596.) Cf. Davout à sa femme, 12 juillet (citée par de Blocqueville, IV, 250) : Ma belle armée pourra encore rendre de grands services à notre malheureuse patrie.

[16] Vandamme à Davout, 6 juillet. Chef d'état-major de Vandamme, à Berthezène, 6 juillet. Ordre du jour de Radet, 8 juillet. Davout à Guilleminot, 8 juillet. (Arch. Guerre, Armée de la Loire.)

[17] Mémoires manuscrits de Davout (comm. par le général duc d'Auerstaedt).

[18] Le quartier-général était ce jour-là à Longjumeau, Davout avait poussé jusqu'à son château de Savigny-sur-Orge, pour y voir sa femme et ses enfants.

[19] Gérard, à peu près guéri de la blessure reçue le 18 juin à l'attaque de Bierges, avait quitté Paris avec l'armée le surlendemain de la capitulation, mais sans reprendre de commandement.

[20] Mémoires manuscrits de Davout. Davout aux généraux Gérard, Haxo, Valmy, Savigny, 7 juillet. (Arch. Guerre.) — Dans ses Mémoires, Davout dit qu'il réunit le 6 juillet à son château de Savigny ces trois généraux. Mais, d'après sa lettre du 7 juillet, il semble que Kellermann ne vint pas à la convocation et que le maréchal lui transmit ses ordres par écrit.

[21] Gérard et Haxo, à Davout, Paris, 8 juillet (Arch. Guerre), et Gérard, Haxo et Kellermann à Davout, Paris, 10 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26.)

[22] Mémoires manuscrits de Davout. Guilleminot aux commandants de corps d'armée et de corps de cavalerie, Angerville, 9 juillet (cité par Pajol, Pajol, III, 408-409.) Kellermann à Davout, Etampes, 9 juillet (cité par Vigier, Davout, II, 405).

[23] Instructions et pouvoirs donnés par le maréchal Davout aux généraux Gérard, Kellermann et Haxo (Angerville, près Etampes), 9 juillet (d'après une copie du général Roussel d'Hurbal, Arch. Guerre, Armée de la Loire).

[24] Gérard, Kellermann et Haxo, à Davout, Paris, 10 juillet, s. d. [11 juillet], 12 juillet et 13 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26.)

[25] Davout à Haxo, Gérard et Kellermann, Orléans, 11 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26.) Mémoires manuscrits de Davout. Journal général, 9 et 11 juillet. Journal des Débats, 10 juillet. Quotidienne, 11 juillet.

[26] Milhaud à Gouvion Saint-Cyr, Angerville, 9 juillet. (Arch. Aff. étrangères, 691.)

Le 8 décembre suivant, au moment où les bureaux de la Chambre discutaient le bannissement des régicides, Milhaud jugea qu'il n'avait pas assez fait pour se donner des droits à la clémence royale. Il écrivit à Clarke, retint-nu ministre de la guerre, que dès le 8 juin 1815 il avait envoyé sa soumission au roi et lui avait fait demander en peine temps des ordres pour son corps de cavalerie. Il ajouta qu'en 1814 il avait devancé Marmont dans la défection, puisque dans la journée du :i avril il avait envoyé par écrit son adhésion au gouvernement provisoire. (L'adhésion écrite de Marmont est seulement du 3 avril au soir ou du 4 avril au matin.)

Or, dans sa lettre à Clarke qui est conservée à son dossier (Arch. Guerre), Milhaud a menti deux fois : 1° la lettre d'adhésion au gouvernement provisoire est non du 3 avril 1814, mais du 8 avril (Journal des Débats, 11 avril 1814) ; et le 8 avril Napoléon avait déjà abdiqué ; 2° son acte de soumission au roi est non du 28 juin 1815, mais du 9 juillet (ainsi que le prouve sa lettre à Gouvion Saint-Cyr écrite à Angerville). Le 28 juin, d'ailleurs, Milhaud marchait en retraite de Compiègne sur Paris, avec les Prussiens à ses trousses. Il avait a s'occuper de choses tout autrement pressantes qu'une soumission au roi, et il est même très probable que ce jour-là il ignorait que Louis XVIII fût rentré en France.

Mais il est parfois bon de se calomnier. Grâce à sa lettre à Clarke — et, aussi, il est vrai, à sa soumission anticipée du 9 juillet — Milhaud fut du très petit nombre des régicides ayant servi Napoléon, pendant les Cent Jours qui obtinrent de rester en France nonobstant la loi de proscription.

[27] Gérard, Kellermann et Haxo à Davout, Paris, 12 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26.) Mémoires manuscrits de Davout. — Talleyrand, en effet, s'empressa de communiquer la lettre de Milhaud aux ministres alliés. (Metternich à Talleyrand, Paris, 1er juillet. Arch. étrang., 690.)

[28] Gérard Kellermann et Haxo à Davout, Paris, 10, 11, 12, 13 et 14 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26.)

[29] Dans ses Mémoires manuscrits, Davout dit que ce fut la soumission séparée de Milhaud qui le détermina. La connaissance de cet acte, dont il s'exagérait d'ailleurs la gravité, put en effet influer sur sa résolution.

[30] Davout à Gérard, Kellermann et Haxo, château de la Source (près Olivet), 13 juillet. (Davout, Corresp., IV, 590.)

[31] Adresse au Roi, Paris, 14 juillet, Gérard, Kellermann et Haxo à Davout, 14 juillet. (Arch. nat., F1e, I, 26). Cf. les mêmes au même, Paris, 11 juillet, ibid.)

[32] Davout à Vandamme, La Source, 14 juillet ; à Clausel, 15 juillet. (Arch. Guerre.) Adresse de l'armée au roi, La Source, 14 juillet. (Davout, Corresp., IV, 598). Petiet, Souv. milit., 244-245. Berthezène, Souv., II, 409. Général Fressinet, Appel aux générations, 68-69. Mémoires manuscrits de Davout.

[33] Davout à Fressinet, à Clausel, à Lamarque, 15 et 16 juillet. (Corresp., IV, 599-602, 603.) Circulaire de Gressot aux généraux de l'armée de la Loire, 13 juillet (pour 14 juillet). Vandamme à Davout, 16 et 18 juillet. Général Nicolas à Davout, 18 juillet. (Arch. Guerre.) — Chose inexplicable sinon par une erreur de date, la circulaire du Gressot est datée du 13 juillet. Cette lettre d'envoi de l'acte de soumission ne saurait être antérieure à la rédaction même de cet acte qui est du 14 juillet.

[34] Berthezène, Souv., II, 409. Cf. Davout à Vandamme, 20 juillet. (Corresp., IV, 609.)

[35] Ordre du jour de Davout, faubourg d'Orléans, 16 juillet. (Arch. Guerre.)

[36] Bachelu, Freind, Clausel, Lamarque, Vandamme à Davout, 17 au 20 juillet. (Arch. Guerre.)

[37] Ordre du jour, Baugy, derrière la Loire, 23 juillet. (Copie du temps, collection H. Houssaye.)

[38] Projet pour les cantonnements des troupes composant l'armée de la Loire, Bourges, 27 juillet (Arch. Guerre). Ce projet, écrit à Davout, le général Guillaume, est établi pour 30.000 fantassins et 15.000 cavaliers. S'il en existe davantage, ou en mettra davantage dans les chefs-lieux de sous-préfecture. — L'évaluation n'était pas de beaucoup inférieure au nombre réel. Un état de situation de 15 août. (Arch. Guerre) donne comme effectif total 53.603 officiers et soldats, dont 10.087 pour les parcs de l'artillerie et du génie, le train et les ouvriers d'artillerie.

[39] Drouot, Vandamme, Ambert, Bachelu, Chemineau, Berthezène, Lamarque, Dosnon à Davout, 16 au 31 juillet. Rapports à Macdonald, 1er au 15 août. Note à Gouvion Saint-Cyr, Tours, 16 juillet. Gressot à divers généraux, 19 juillet. Sous-préfet de Maurine à Préfet du Cantal, 10 août. (Arch. Guerre.) Extraits de la correspondance des préfets, 15 juillet-31 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3771). Davout à Hamelinaye, 15 juillet, à Lamarque, 18 juillet, à d'Erlon, 24 juillet. (Correspondance, IV, 603, 607, 620.) Petiet, Souv. milit., 248-249. Mémoires manuscrits de Davout. — Les troubles de Tours sont du 13 juillet, par conséquent antérieurs à l'ordre de Davout pour la cocarde blanche : mais ils eurent cette même cause, car Hamelinaye avait pris sur lui d'ordonner le changement de cocarde.

[40] Extrait de la correspondance des préfets, 23 au 28 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[41] Ordre du jour de Davout, faubourg d'Orléans, 20 juillet. (Arch. Guerre.) — La veille, Davout écrivait à sa femme (Lettre citée par Mme de Blocqueville, Davout, IV, 265) : Les soldats prennent la cocarde bien mieux que je n'osais l'espérer. Il n'y a pas eu de désertions. Davout se montrait, en vérité, bien optimiste.

[42] Mémoires manuscrits de Davout.

[43] Analyse de la correspondance des Préfets, du 18 au 20 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[44] Metternich à l'empereur d'Autriche, Paris, 11 avril 1014. (Metternich, Mém., II, 471-472.) Beugnot à Louis XVIII, 13 mai 1816. (Arch. Aff. étrang., 646.)

[45] Journal universel (de Gand), 14 avril. — Comme je l'ai fait remarquer, cette ordonnance fut rendue, à Gand, postérieurement au 1er avril et antidatée : Lille, 23 mars.

[46] Note de Nesselrode, s. d. (10 ou 11 juillet) (d'après une copie, papiers de Carnot). Metternich à Talleyrand, 12 juillet. (Arch. Aff. étrang., 690). Pasquier, Mém., 354. Rapport confidentiel à Wellington, 19 juillet (Supplement. Dispatches, XI, 45). Cf. Hobhouse, Lettres, II, 242, et Wellington à Castlereagh, Paris, 23 septembre (Dispatches, XII, 641) et Journal du lieutenant Woodberry (343) à la date du 8 juillet : Nous n'empêcherons le retour de Bonaparte qu'en occupant le pays pendant quelques années et en exigeant le licenciement de l'armée. Manifestement, cet officier se faisait l'écho des propos que tenaient les Alliés.

[47] Gay de Vernon, Gouvion Saint-Cyr, 395-396. Pasquier, Mém., III, 355.

[48] Sapinaud, La Rochejaquelein et autres avaient fait exprimer à Lamarque le vœu unanime des chefs vendéens de se réunir à ses troupes pour combattre comme Français toutes les tentatives des puissances qui auraient pour but le démembrement de la France. (Delaage à Lamarque, 3 juillet. [Arch. Guerre]. Davout à Lamarque, Corresp., IV, 590-591).

J'avoue que j'ai quelques doutes sur l'unanimité de ce nom et la validité de cette proposition. Cette démarche fut faite dans les derniers jours de juin, alois que le gouvernement provisoire était au pouvoir et que Louis XVIII s'avançait en France avec l'armée anglaise. Comment les Vendéens pouvaient-ils se proposer de combattre ceux qui ramenaient le prince pour qui ils avaient pris les armes ? Eu outre, malgré celte patriotique démonstration, beaucoup d'émigrés continuèrent de tenir la campagne contre les troupes françaises au mépris du traité de Cholet. Voir à ce sujet la correspondance de Famée de l'Ouest et la correspondance générale, du 27 juin au 23 juillet (Arch. Guerre), Lamarque, Souvenirs, III, 67-72, et Canuel, Mém. sur la Guerre de Vendée, 300-327.

[49] Pasquier, Mémoires, III, 355-356.

[50] Metternich à Talleyrand, Paris, 12 juillet. (Arch. Aff. étrangères, 690.)

Gouvion prépara un projet d'ordonnance sur la réorganisation d'une nouvelle armée. Ce projet fut soumis aux Allies le 13, le 14 ou le 15 juillet. (Note de Talleyrand aux ministres alliés, et projet y annexé, s. d. [13, 14 ou 15 juillet.] (Arch. Aff. étrang., 663,) Et le 16 juillet, le roi signa cette ordonnance qui d'ailleurs ne fut rendue publique que dans le courant du mois suivant. Elle avait pour préambule : Considérant qu'il est urgent d'organiser une nouvelle armée, attendu que d'après notre ordonnance du 23 mars, celle qui existait se trouve licenciée...

[51] L'ordonnance royale du 16 juillet sur le licenciement et la réorganisation de l'armée fut rendue publique seulement le 12 août (Moniteur de ce jour), quand la dislocation était complète et que les opérations du licenciement étaient commencées par Macdonald. Encore Macdonald se plaignit-il de cette publication qu'il jugeait prématurée. Il aurait fallu laisser ces ordonnances secrètes jusqu'à la dissolution, écrivit-il à Gouvion Saint-Cyr, le 12 août. (Arch. Guerre.)

[52] Gouvion Saint-Cyr à Davout, 19 juillet. (Arch. Guerre.)

[53] Davout à Gouvion Saint-Cyr, faubourg d'Orléans, 21 (Arch. Guerre.) Cette lettre, reproduite dans la Correspondance de Davout (IV, 611), présente beaucoup de différences avec le texte original.

[54] Lettres à Davout de De France, Delort, Vandamme, Janin, Teste, Milhaud, Pegot, 21 et 22 juillet. (Arch. Guerre.) Davout à Vandamme, 20 juillet, à Gouvion, 21 et 23 juillet, (Corresp., IV, 609, 611, 617.)

[55] Davout à Lamarque, à Teste, à Milhaud, à Lefebvre-Desnoëttes, à Vandamme, du 18 au 21 juin. (Corresp., IV, 607-608, 612-615, 617-618.) Cf. Mémoires manuscrits de Davout.

[56] Davout à Gouvion Saint-Cyr, Bourges, 25 juillet (Corresp., IV, 623).

[57] Lettres à Fouché, du 11 au 20 juillet (Arch. Nat. F. 7. 3200 4, F. 7, 3053). Rapport confidentiel à Carnot, 13 juillet. (Papiers de Carnot.) Notes manuscrites de Rousselin (Collection Bégis). Pasquier, Mém., III, 307-368. Talleyrand, Mém., III, 251. Mém. de Fouché, II, 300-383.

[58] En ramenant le fléau de l'Europe, en attirant sur la France tous les maux qui l'accablent, ces odieux conspirateurs ont commis le crime le plus exécrable qui peut-être ait été accompli sur la terre. — Ces guerriers qui ont résolu le monstrueux problème de la valeur sans honneur sont mille fois plus étrangers à la France que les étrangers qu'ils y ont amenés. — Au gouvernement provisoire, M. Carnot a persévéré dans la révolte plus opiniâtrement qu'aucun autre. — Le maréchal Ney a plusieurs fois été accueilli à Lyon par les cris : A bas le traitre !La soumission du maréchal Davout n'est pas ce qu'on disait. Il a méconnu tout récemment un courrier du roi. — Un parti qui se nourrit de sang depuis un quart de siècle ne peut vouloir que le mal. — Qu'on nous rende la sécurité. Avec toute la France, nous conjurons les ministres de ne pas laisser subsister le principe du mal. — Le roi, dont la vertu n'est pas moindre que la bonté, saura sacrifier le plaisir de pardonner à quelques-uns pour rendre justice à tous. (Journal des Débats, Quotidienne, Gazette de France, Journal Général, II, 12, 13, 14, 17, 19, 21, 20, 23 juillet).

Encore les journaux étaient-ils relativement modérés. Pour connaitre toute la fureur royaliste, il faut lire les brochures publiées en juillet, août, septembre et octobre 1815. Voici quelques extraits :

Tous les conspirateurs et rebelles doivent être frappés de mort. Ce serait une injure atroce de l'espèce humaine que de laisser subsister des Ney, des Davout, des Fouché, des Carnot et quelques centaines d'individus de celte espèce. Quant au reste des coupables, ils doivent être expulsés de France et isolés dans les mines de la Suède et de la Sibérie pour y finir leurs jours dans les fers et l'ignominie (Le Retour des Alliés en France, 30-32, 38). — Il faut que tous les conspirateurs meurent. (La Bouisse, Seconde lettre aux Français, 12.) — Il faut casser l'armée rebelle et solder un nombre considérable de Suisses. Il faut faire des grands coupables un châtiment éclatant, le roi doit la justice avant la clémence. (Considérations sur une année de l'Histoire de France, 151-152.) — Lorsque les princes pardonnent aux méchants, ils exposent les gens de bien... Il serait juste que les contributions de guerre fussent levées mur ceux qui ont provoqué la défaite. (J. Michaud, Histoire de Quinze Semaines, 74-75.) — Espérons que les coupables trouveront enfin le châtiment qu'ils ont mérité par tant d'infamies. C'est à eux de paver las frais de la guerre et d'être envoyés comme otages dans les déserts du Nord. (Histoire du Cabinet des Tuileries, 12.) — Le roi n'avait pas le droit d'écrire dans la proclamation de Cambrai qu'il promet de pardonner aux Français égarés... Le roi serait un spoliateur s'il ne faisait restituer les biens nationaux à leurs légitimes propriétaires. (Marquis de Chabannes, Lettre au prince de Talleyrand, 3, et Aux Français, 60.) — Il faut prendre toutes les précautions pour que les chefs du parti jacobin ne puissent plus bouger, et il n'y a que les morts qui ne reviennent pas. (Comte de Barruel-Beauvert, Lettres, III, 267.) — La mort n'est pas suffisante pour les Ney, les Grouchy, les La Bédoyère, les Soult, les Lefebvre-Desnoëttes. Il faut que les cent plus grands coupables périssent sur l'échafaud et que 3.000 à 4.000 personnes soient bannies. (Procès-verbal d'une Assemblée tenue à Paris sous la présidence de l'Honneur, de la Fidélité et de la Justice, 52, 65.)

[59] Cf. Vitrolles, III, 144-145. Talleyrand, Mém., III, 250-251. Pasquier, Mém., III, 367-368. Hobhouse, Lettres, II, 242.

[60] Liverpool à Castlereagh, Londres, 30 juin et 7 juillet (Supplementary Dispatches of Wellington, X, 630, 675.) — Le 15 juillet Liverpool écrivait encore : Il faudrait un sévère exemple des gens qui ont ramené Bonaparte.

[61] Pozzo à Talleyrand, Paris, 13 juillet. (Arch. Aff. étrang., 691.) Rapport confidentiel à Wellington, 19 juillet. (Suppl. Dispatches, XI, 45. (Cf. Vitrolles, III, 145-146. Hobhouse, Lettres, II, 242. Pasquier, Mém., III, 367-368. Hyde de Neuville, Mém., II, 126. Mémoires manuscrits de Davout.

[62] Vitrolles, III, 146. Talleyrand, III, 251.

[63] Note du duc d'Otrante sur la situation de la France, 20 juillet (citée dans les Mémoires sur la vie publique de M. Fouché, 119-135), Fouché à Wellington, Dresde, 1er février 1816 (citée dans les Letters and Dispatches, de Castlereagh, III, 213-2411. Cf. Hobhouse, Lettres, II, 242-243. Lettres de Fouché à Molé, janvier 1819 ; à Gaillard, 23 février, 28 mars 1818. (Citées par Madelin d'après les papiers de Gaillard.) — M. Madelin (Fouché, II, 454) fait remarquer avec raison que l'Indépendant, journal rédigé par Jay, sous l'inspiration de Fouché, publia à ce moment plusieurs articles destinés à excuser sinon à justifier les hommes qui avaient pris part au gouvernement révolutionnaire et au gouvernement des Cent Jours.

[64] Notes de Rousselin (collection Bégis). Pontécoulant, Mém., IV, 8-9. Mémoires manuscrits de Davout. Cf. Fiévée (La Session de 1815, 265) : Fouché a signé cette ordonnance et il ne s'y est pas compris !

[65] Lettre à Fouché, s, d. (12 juillet) (Arch. nat., F. 7, 3053.) Les royalistes disent que malgré le roi qui est très bon, il faut, pour le bonheur de la France, assassiner plusieurs milliers d'hommes très violents. — Chef d'escadron de gendarmerie Paoli à Davout, 9 juillet (Arch. Guerre) : D'après la voix publique, tous les soldats venant de l'île d'Elbe seront fusillés. — Benjamin Constant à Mme Récamier (Lettes, 200) : On ne parle que de punir et de punir beaucoup. — Lavallette (Mém., II, 201) : On élevait la liste de proscription au nombre de 2.000 personnes. — (Souv., II, 189-190) : Beaucoup de royalistes et des plus sages, comme Roger Collard, avaient pensé d'abord qu'il serait indispensable de bannir les hommes actifs et marquants du parti bonapartiste ou de l'opinion révolutionnaire. — Rapport confidentiel à Wellington, 17 juillet (Supplemenatry Dispatches, XI, 41) : On dit que le roi partira pour Péronne afin de n'être pas à Paris au moment des proscriptions.

[66] Circulaire de Fouché aux Préfets, 29 juillet. (Arch. Aff. Etrang., 691) : S. M. pour ne pas laisser le soupçon s'étendre a voulu désigner les prévenus et en limiter le nombre. Il y a donc sécurité pour tous.

[67] Notes de Rousselin. (Collection Bégis.) Parquier, II, 368. Vitrolles, III, 146. Barante, Souv., II, 190.

[68] Vitrolles (III, 146) prétend qu'il ne connut la liste que le jour où Fouché la communiqua au conseil des ministres. Mais des le 18 juillet une note publiée dans le Moniteur dénonçait comme complices de Bonaparte seize personnes dent douze furent comprises dans l'ordonnance du 24 juillet. Or, à cette époque, Vitrolles avait la haute direction du Moniteur. Ou la note en question avait été rédigée par lui, ou elle avait été combinée par lui et Fouché, ou elle lui avait été communiquée par celui-ci. Vitrolles avait donc, en tout cas, connaissance du projet de proscriptions nominatives et il était d'accord avec Fouché.

Depuis que j'ai écrit cela (mars 1904), j'ai appris par M. Frédéric Masson que le manuscrit de la note du Moniteur, entièrement de la main de Vitrolles, a passé en janvier 1904 dans une vente d'autographes.

[69] C'est, Vitrolles lui-même qui cite ce mot (III, 138) en protestant que c'était une mauvaise défense de Fouché.

[70] Talleyrand dit : plus de cent ; Vitrolles : soixante ; Pasquier : un nombre exagéré ; Hyde de Neuville : cent dix ; Barante : trois cents.

Selon Barante (II, 190) et Pasquier (III, 569), Fouché fit une liste très nombreuse et soutint que la mesure n'aurait aucun avantage si on ne l'exécutait dans ces proportions ; il voulait arriver par là à un abandon complet de toute proscription. C'est possible, car Fouché pouvait espérer obtenir ainsi du roi une amnistie générale qui refit couvert lui-même dans l'avenir. Mais le stratagème était bien hasardeux. Ni Talleyrand, ni Vitrolles, ni Rousselin, ni Davout (ce dernier très favorable à Fouché), ne prêtent ce projet au duc d'Otrante. Lui-même ne se l'est pas attribué dans sa lettre justificative à Wellington.

À en croire un rapport confidentiel à Wellington, du 19 juillet (Supplementary Dispatches, XI, 45), les souverains eux-mêmes auraient exigé la proscription de deux cents personnes. Ce rapport ajoute : Le conseil a réduit la liste à quatre-vingts. On ne sait si les souverains s'en contenteront. Le czar parait particulièrement inquiet et impatient sur ce point.

[71] Pasquier, Mémoires, II, 368, 369.

[72] Pasquier, III, 369. Vitrolles, III, 147-148. Fragment des Mémoires de Decazes cité par E. Daudet, Louis XVIII et Decazes, 64-66.) Talleyrand, Mém., III, 251. Barante, Souv., II, 190-191.

[73] Ordonnance du roi, 24 juillet (publiée dans la Gazette Officielle, le 23 juillet et dans le Moniteur et les autres journaux de Paris le 26 juillet) :

Voulant par la punition trou attentat sans exemple, mais en graduant la peine et limitant le nombre des coupables, concilier l'intérêt de uns peuples, la dignité de notre couronne et la tranquillité de l'Europe avec ce que nous devons a la justice et à l'entière sécurité de tous les autres citoyens, avons ordonné et ordonnons :

Art. Ier. Les généraux et officiers dont les noms suivent qui ont trahi le roi avant le 23 mars ou qui ont attaqué la France et le Gouvernement à main armée, et ceux qui, par violence, se sont emparés du pouvoir, seront arrêtés et traduits devant les conseils de guerre compétents.

Art. II. Les individus dont les noms suivent sortiront dans trois jours de la ville de Paris et se retireront dans l'intérieur de la France, dans un lieu que notre ministre de la police leur indiquera et on ils resteront sons la surveillance en attendant que les Chambres statuent sur ceux qui devront ou sortir du royaume ou être livrés à la poursuite des tribunaux.

Seront sur-le-champ arrêtés ceux qui ne se rendraient pas au lieu qui leur sera assigné par notre ministre de la police.

Art. III. Les individus qui seront condamnés à sortir du royaume auront la faculté de vendre leurs biens dans le délai d'un an. (Sans être une dérogation formelle à l'article de la Charte, abolissant la confiscation, cette disposition n'en était pas moins une atteinte très grave an droit de propriété.)

Art. IV. Les listes de tous les individus auxquels les articles I et II pourraient être applicables sont et demeurent closes, par les désignations nominales contenues dans ces articles, et ne pourront jamais être étendues à d'antres pour quelques causes et sous quelques prétextes que ce puisse être, autrement que dans les formes et suivant les lois constitutionnelles auxquelles il n'est expressément dérogé que pour ce cas seulement.

[74] Le roi aux Français, Cambrai, 28 juin.

[75] Sur la conduite de la plupart de personnages pendant la marche de Cannes à Paris, en leur présence aux Tuileries dans la nuit du 20 mars, ou encore leur entrée dans le gouvernement impérial avant le 23 mars, voir le tome 1er de 1815. J'ajoute que Mouton-Duvernet s'était rallié à l'empereur à Lyon, que Fressinet avait reçu une mission de Davout dès le 21 ou le 22 mars, qu'Ameil avait été arrêté à Auxerre le 15 ou le 16 mars comme émissaire de l'empereur et que Pommereuil fut nommé conseiller d'État le 22 ou le 23 mars.

[76] Soult venu aux Tuileries le 26 mars, nommé major-général le 9 mai. — Clausel envoyé à Bordeaux le 26 mars. — Lobau et Vandamme nommés à l'armée du Nord les 20 et 27 mars. Grouchy envoyé à Lyon le 31 mars. — Forbin-Janson, volontaire royal jusqu'après l'entrée du roi en Belgique, attaché à l'état-major impérial le 20 mai.

[77] Lamarque à Gouvion Saint-Cyr, Tours, 27 juillet. (Arch. Guerre).

[78] Marbol, colonel du 7e hussards, fit prendre la cocarde tricolore le 24 mars. (Dupuy, Souv. milit.) — Sur Delaborde et Gilly, voir le premier volume de 1815.

[79] Etat des services de Mellinet, cité par G. Bastard, Le général Mellinet, Appendice.

[80] Je n'ai trouvé nulle part de renseignement sur Lelorgne d'Ideville. Un aimable correspondant m'a écrit qu'il avait été attaché comme interprète, en 1812, à l'état-major impérial. J. J. Coulmann, dans la Défense des Bannis, p. 47, dit : MM. Lelorgne d'Ideville et Cluys pourraient chercher vainement la cause de la peine qui les frappe : qu'a leur conduite de particulier et quelle suprême raison d'état a porté le duc d'Otrante à les arracher de l'obscurité de leurs emplois ?

[81] Circulaire de Davout aux commandants de corps d'armée, Bourges, 25 juillet. Davout à Gouvion Saint-Cyr, Bourges, 21 juillet ; à Vandamme, 28 juillet (Arch. Guerre.) Davout à d'Erlon, 23 et 24 juillet ; à Gouvion Saint-Cyr, 27 juillet ; à Lamarque, 28 juillet. (Davout, Corresp., IV, 616, 620, 629, 633.)

[82] Davout à Gouvion Saint-Cyr, Bourges, 27 juillet. (Corresp., IV, 629-632).

[83] Je n'espère pas beaucoup de la lettre que j'ai écrite au ministre ; mais il était de mon devoir de le faire... Davout à Vandamme, Bourges, 29 juillet (Arch. Guerre).

[84] Davout à Gouvion Saint-Cyr, Bourges, 1er août. (Corresp., IV, 635.) Ordre du jour de bavent, Bourges, 1er août (Arch. Guerre). — Dès le 25 juillet, Macdonald avait reçu les premières ouvertures pour le commandement de ramée de la Loire (Gouvion Saint-Cyr à Macdonald, 25 juillet, Arch. Guerre).

[85] Macdonald, Souvenirs, 403-404. Gouvion Saint-Cyr à Macdonald, 30 juillet. (Arch. Guerre.)

[86] Macdonald, Souvenirs, 404-405, 409-410. — Macdonald trouva Davout occupé à des préparatifs de départ. Le prince d'Eckmühl partit le lendemain, 2 août, pour une petite maison de campagne des environs, en attendant de revenir à son château de Savigny sur Orge. (Davout à sa femme, Bourges, 2 août, cité par Mme de Blocqueville, Le maréchal Davout, IV, 272.) — D'abord interné à Savigny, Davout fut plus tard envoyé en surveillance à Louviers.

[87] Mémoires manuscrits de Davout. Macdonald, Souv., 405-409. Petiet, Souv. milit., 255-256. Procès de La Bedoyère, 20, 22, 74, 81-82. Procès de Drouot, 56. Mémoire pour le général Delaborde. Exposé de la conduite du général Vandamme. Ordre du jour de Lamarque, 30 juillet. Macdonald à Vandamme, 4 août. Colonel Humbert à Davout, 4 et 5 août. (Arch. Guerre.)

Des autres officiers généraux portés sur la liste de proscription, Bertrand était avec Napoléon sur le Northumberland en partance pour Sainte-Hélène ; — Rovigo et Lallemand aîné, qui s'étaient embarqués à Rochefort sur le Bellérophon, étaient contre tout droit retenus prisonniers à Torbay en attendant d'être envoyés en captivité au fort de Malte ; — Loban et Cambronne étaient prisonniers de guerre. — Ney était réfugié dans un château du Lot ; — Grouchy se tenait caché dans une chaumière du Calvados ; — Soult était en surveillance dans le Tarn ; — Mouton-Duvernet était réfugié aux environs de Montbrison ; — Clausel avait trouvé un refuge chez des amis à Niort ; — Gilly commandait encore à Montpellier, et Arrighi en Corse ; — Debelle s'était constitué prisonnier à Grenoble ; — Lavallette enfin, que l'ordonnance royale rangeait arbitrairement parmi les généraux, était détenu à la Conciergerie.

[88] Projet pour les cantonnements de l'armée de la Loire, Bourges, 27 juillet. (Arch. Guerre.) — Le plus gros détachement (1.200 hommes) était cantonné à Tours.

[89] La ligne de démarcation qu'avaient imposée les Alliés, était formée par la Loire, l'Allier, l'Ardèche et le Rhône. (Les ministres alliés à Talleyrand, Paris, 24 juillet. Arch. Guerre). Mais les limites fixées peur les cantonnements français devaient être encore resserrées. Bientôt les Bavarois et Wurtembergeois occupèrent le Loiret, l'Allier, le Puy-de-Dôme, et les Autrichiens la Loire, la Haute-Loire, le Cantal, la Lozère, le Gard, l'Ardèche. (Protocoles des séances des 27 juillet, 6 et 19 août, cités par d'Angebert, 1469, 1493, 1501. Damitz, II, 199, 200).