I L'attaque du 30 juin contre les positions avancées du front nord de Paris n'avait été, au vrai, qu'une vigoureuse reconnaissance offensive. Selon les ordres exprès de Blücher, les Prussiens ne devaient s'engager à fond que si dès le début de l'action ils acquéraient la certitude d'enlever facilement et rapidement les retranchements. Au cas contraire, on romprait le combat et l'on se poilerait, par une marche de flanc, au sud de Paris où les Alliés savaient que les fortifications passagères étaient à peine ébauchées. Afin de tromper les Français, un rideau de troupes serait laissé entre Saint-Denis et le canal de l'Ourcq jusqu'à l'arrivée des têtes de colonnes anglaises qui viendraient occuper les emplacements quittés par les corps de Bülow et de Zieten[1]. Blücher disposait de l'armée anglaise comme s'il commandait les deux armées alliées. Il arrêta son nouveau plan avant de l'avoir soumis à Wellington ; il ne doutait pas que celui-ci n'y adhérât. Wellington, en effet, donna son consentement dans une entrevue à Gonesse, avec Blücher, l'après-midi du 30 juin[2]. Pour passer sur la rive gauche de la Seine, Blücher comptait jeter un pont à Argenteuil et se servir aussi des ponts de Bezons et de Chatou. Il pensait que le major de Colomb, détaché le 29 juin avec le 8e hussards et deux bataillons pour s'emparer de l'empereur à la Malmaison, aurait en même temps occupé ces deux ponts. Colomb, on l'a vu, était arrivé à Montesson (à une lieue et demie de la Malmaison) dix heures après le départ de Napoléon ; en outre, il avait trouvé les ponts de Bezons et de Chatou brûlés. Mais pendant sa halte à Mon tesson, la nuit du 29 au 30 juin, il avait appris que le pont du Pecq, que l'on s'occupait à détruire depuis la veille, existait encore. Le lendemain, dès six heures du matin, il y dirigea un parti de hussards qui fut repoussé par quelques tirailleurs du 95e. Entre neuf et dix heures, il arriva avec tout son monde. Le pont que l'on n'avait pas encore achevé de couper avait pour tous défenseurs 180 soldats. Les Prussiens les délogèrent après un assez vif combat et occupèrent Saint-Germain[3]. Colomb envoya aussitôt un rapport à Blücher qui s'empressa de faire tenir à Thielmann, en marche de Dammartin sur Gonesse, l'ordre de se porter à Saint-Germain où il serait suivi par Zieten et Bülow[4]. Le corps de Thielmann qui formait le troisième échelon de l'armée prussienne se trouva ainsi en former le premier. Dans la matinée du 1er juillet, Bülow gardait encore ses positions au nord de Paris, attendant l'armée anglaise qui s'avançait de Senlis et de Chantilly et dont les têtes de colonnes arrivèrent au Bourget à trois heures seulement[5]. Zieten, parti de Blanc-Mesnil dans la nuit, s'approchait du pont de Maison où il allait passer la Seine pour s'établir à Carrière-sous-Bois. Le corps de Thielmann était concentré à Saint-Germain ; le détachement du major de Colomb occupait Marly'. La brigade du lieutenant-colonel de Sohr (hussards de Brandebourg et hussards de Poméranie) marchait sur Versailles. Sohr avait reçu l'ordre de traverser la Seine sous Saint-Germain et de se jeter en partisan au sud de Paris jusque vers la route d'Orléans[6]. Malgré les précautions prises par Blücher pour masquer son changement de front, ces mouvements furent bientôt révélés à l'état-major français. Dès le 30 juin après midi, Davout apprit que l'ennemi était maitre du pont du Pecq. Le matin du 1er juillet, il fut instruit que des masses prussiennes avaient défilé toute la nuit dans Argenteuil, se dirigeant vers Saint-Germain ; avant midi, enfin, il savait le passage à Versailles d'un parti de cavalerie[7]. D'autres rapports signalaient que les Prussiens se maintenaient dans leurs positions au nord de Paris[8]. De ces multiples renseignements, Davout devait conclure que l'armée prussienne s'était divisée en cieux fractions dont l'une restait sur la rive droite et dont l'autre allait passer sur la rive gauche. Cette marche de flanc, où d'ailleurs l'ennemi se trouverait couvert par la Seine, et sa séparation en deux masses étaient une manœuvre assez hasardeuse. Peut-être fallait-il en profiter pour livrer bataille ? Mais Davout avait des raisons de ne point courir encore la chance des armes. Dans la nuit même, il avait adressé à Wellington et à Blücher une nouvelle proposition d'armistice[9], et il continuait de regarder cet armistice comme le seul moyen de salut tandis qu'il n'espérait d'une bataille qu'une victoire sans effet. Mais l'armée voulait combattre. Le prince d'Eckmühl y sentait des suspicions coutre lui. Il comprit la nécessité de raffermir par un semblant d'offensive son prestige et son autorité. Au reste, c'était un bon procédé pour obtenir une suspension d'armes que de montrer qu'on s'en pourrait passer ; un léger échec infligé à l'ennemi lui donnerait peut-être à réfléchir. En conséquence, Davout fit tenir l'ordre à Exelmans de rassembler toute la cavalerie bivouaquée sur la rive gauche et de la porter à la rencontre du parti prussien qui venait de traverser Versailles[10]. Le succès de l'entreprise paraissait certain ; et comme cette petite opération devait être exécutée par de la cavalerie, presque toujours à même de se dégager, elle ne pourrait, quoi qu'il arrivât, entraîner une action générale[11]. Les instructions durent être communiquées à Exelmans, à Montrouge, vers midi. Il combina un plan non seulement pour culbuter la cavalerie prussienne mais aussi pour la prendre au filet : ordre à la division Piré, avec un bataillon du 44e, de se porter par Sèvres et Vaucresson sur Rocquencourt clin de couper la retraite à l'ennemi ; ordre à la division Vallin de suivre ce mouvement ; ordre à la division Donon, colonne de gauche, de se diriger sur Fontenay-le-Fleury en tournant Versailles au sud-ouest. Exelmans se réservait, le commandement de la colonne centrale, formée de ses deux divisions de dragons, qui marcherait droit sur Versailles par Plessis-Piquet et Vélizy[12]. Le colonel de Sohr était entré à Versailles dans la matinée après de courts pourparlers avec le conseil municipal qui, bien que la garde nationale, forte de 1.200 hommes, fût en état de faire certaine résistance, ne voulut pas exposer la ville aux risques d'une occupation de vive force. Les hussards prussiens bivaquèrent sur la Place d'Armes où leur furent distribuées des rations de vivres et d'avoine. Vers trois heures seulement, ils remontèrent à cheval et s'éloignèrent par l'avenue de Sceaux et le pont Colbert[13]. Près de Villacoublay, les éclaireurs avertirent Sohr qu'un gros de cavalerie s'avançait de Plessis-Picquet. Presque aussitôt les 5e et 13e dragons, débouchant du bois de Verrières, fondirent sur les hussards tandis que le 20e manœuvrait pour les charger de flanc. Après un vif combat, les Prussiens se replièrent vers Versailles[14]. Au delà de Villacoublay, la route encaissée par endroits s'engage entre le bois des Gonards et le bois de Meudon. Cette configuration du terrain permet à l'arrière-garde ennemie de faire face avec un petit nombre de sabres aux nombreux escadrons d'Exelmans. Les hussards peuvent ainsi gagner Versailles sans se laisser entamer. Sohr espère y faire reprendre haleine à sa brigade. Mais les dragons suivent de trop près. Les habitants qui le matin criaient : Vive le roi ! crient : Vive l'empereur ! en voyant l'ennemi en déroute. Des croisées, les gardes nationaux fusillent les Prussiens. Une très courte halte sur la Place-d'Armes, puis les hussards dévalent comme un torrent par le boulevard de l'Empereur, enfilent la porte de Saint-Germain dont ils ont soin de fermer la grille derrière eux pour retarder la poursuite d'Exelmans, et galopent vers Saint-Germain[15]. Piré les attend sur la route, à Rocquencourt, avec son infanterie en embuscade et sa cavalerie prête à charger. Quand les fugitifs pénètrent dans le hameau, un feu à bout portant, soudain et terrible comme la foudre, frappe hommes et chevaux. Toutes les balles portent, les fantassins du 44e ne perdent pas un coup. Sous cette grêle de plomb le premier escadron s'arrête, tourne bride, reflue sur le gros de la colonne où se met une affreuse confusion. Sohr jette alors à travers champs, vers le Chesnay, les débris de ses régiments. Le 1er chasseurs à cheval se lance à la poursuite des Prussiens, les rejoint à mi-chemin, les charge de liane, et, au Chesnay, ils sont accueillis comme à Rocquencourt. Deux compagnies du 44e embusquées dans les maisons, derrière, les haies, derrière les murs des jardins, les fusillent à quelques mètres. Des habitants tiraillent côte à côte avec les soldats. Les femmes les animent au carnage. Debout sur une terrasse, la comtesse Hocquart crie : — Bravo ! Bravo ! Tuez-moi tous ces gens-là ! Accablés clans le village par la mousqueterie, cernés tout autour par les sabres des chasseurs à cheval, les Prussiens mettent bas les armes[16]. Ainsi furent détruits, sauf un demi-escadron qui réussit à s'échapper, les régiments des hussards de Brandebourg et des hussards de Poméranie, renommés dans l'armée prussienne comme les meilleurs cavaliers légers de l'Europe[17]. II Beaux coups de sabre donnés en vain ! Les chefs du gouvernement et les chefs de l'armée préparaient la capitulation. Dans la soirée du 30 juin, Macirone, l'émissaire de Fouché, avait rapporté une réponse verbale de Wellington à la lettre officielle du duc d'Otrante et à la lettre secrète que celui-ci avait fait écrire par Marschall. Dites à la Commission de gouvernement, avait répondu Wellington, que ce qu'ils ont de mieux à faire est de proclamer sur-le-champ le roi. Je ne puis traiter d'un armistice sous aucune autre condition. Leur roi est près d'ici ; qu'ils lui envoient leur soumission[18]. Un rapport des commissaires pour l'armistice, arrivé le même soir, contenait une dépêche de Wellington déclarant que les opérations de l'avinée prussienne étaient en tel état que le prince Blücher ne pouvait les arrêter[19]. Il ne fallait plus espérer un armistice. On était acculé à la bataille ou à la capitulation. De bataille, Fouché, maître de la Commission où il paralysait ceux de ses collègues qu'il ne dominait pas, ne voulait sous aucun prétexte. Mais il ne se sentait pas armé de pouvoirs suffisants, ni lui ni la Commission de gouvernement, pour conclure une capitulation sans le consentement, tout au moins tacite, de la Chambre. Afin de couvrir sa responsabilité, il s'avisa de convoquer d'urgence, aux Tuileries, en conseil extraordinaire, les bureaux des deux Chambres et plusieurs maréchaux et officiers généraux[20]. Naturellement, le prince d'Eckmühl fut invité à se rendre
à cette séance, et cela en termes particulièrement pressants, comme si l'on craignait
qu'il n'y vînt pas. Il nous paraît indispensable,
lui écrivit Fouché, que vous veniez un moment au
conseil qui sera tenu ce matin. La présence du gouverneur d'une place est
nécessaire au moment où il s'agit de stipuler définitivement sur son sort.
Fouché ajoutait : Nous attendons le rapport que je
vous ai demandé sur notre situation militaire. Ce rapport se réduit à
répondre aux questions suivantes : 1° Pouvez-vous défendre toutes les
approches de Paris, même la rive gauche de la Seine ? 2° Pouvez-vous empêcher
l'ennemi d'entrer dans Paris ? 3° Pouvez-vous tenter un combat sur tous les
points sans compromettre le sort d'un million d'hommes ? 4° Combien de temps pouvez-vous
répondre du sort de la capitale ?[21] Ces questions,
grossièrement insidieuses, étaient faites pour rejeter sur le chef militaire
toute la responsabilité de la capitulation. Davout éventa l'embûche. Il
n'envoya point de rapport, et, pour ne pas avoir à répondre verbalement, il s'abstint
de venir à la séance[22]. Tout autant que
Fouché, le prince d'Eckmühl était déterminé à capituler l'épée au fourreau,
mais il ne lui convenait pas de paraître seul responsable de cette faillite. Le conseil se réunit aux Tuileries à neuf heures du matin. Fouché déclara la séance ouverte, et, sans autre préambule, il posa aux officiers généraux les questions déjà soumises à Davout dans sa lettre de la nuit : Etait-on en mesure de défendre toutes les approches de Paris ? Pouvait-on recevoir le combat sur tous les points à la fois ? Pour combien de temps pouvait-on répondre du sort de Paris ? — L'examen de ces questions, dit Quinette, semble nécessaire pour qu'on se détermine soit à une vigoureuse défense, soit à la proposition d'une capitulation purement militaire et où, je le crois, aucune question politique ne doit être mêlée[23]. Carnot prit la parole. En compagnie du général Grenier, il
venait de parcourir à cheval tout le périmètre de la défense ; l'uniforme de
simple grenadier de la garde nationale qu'il portait depuis quelques jours
était gris de poussière. — Paris, dit-il, est resté sans défense sur la rive gauche de la Seine. A
peine y aperçoit-on l'ébauche de quelques lignes. C'est de ce côté que
l'ennemi se prépare à porter tout son effort. Les Alliés peuvent, par une
attaque de vive force, se rendre en un instant maîtres de la capitale. A
supposer qu'ils échouent une première fois, une seconde fois même, ils
pourront sans cesse recommencer leurs attaques avec des troupes fraîches et
choisir les points les plus faibles et les instants les plus favorables.
Nous, au contraire, nous devrons être continuellement sur nos gardes à toutes
les avenues de la vaste enceinte que nous avons à défendre et toujours avec
les mêmes troupes, excédées de fatigues... Sommes-nous
libres, avons-nous le droit de jouer sur une carte le salut de Paris, alors que
le sort d'une seule bataille doit en décider, que nous pouvons succomber dans
cette bataille où nous n'aurons à opposer aux armées combinées des vainqueurs
de Mont-Saint-Jean que les malheureux débris échappés à cette sanglante
journée ; et qu'enfin, cette bataille, y fussions-nous victorieux, ne ferait
que différer la reddition jusqu'à l'arrivée des Autrichiens et des Russes.
L'ennemi s'avance toujours. Bientôt les Austro-Bavarois et les Russes
achèveront le blocus entre la Seine et la Marne. Quand les Alliés seront
retranchés autour de nous, il ne nous sera plus possible de déboucher pour
espérer une retraite vers la Loire. Il faudra que Paris se rende à discrétion
et que l'armée se fasse exterminer ou passe sous les Fourches caudines[24]. Carnot se
résignait à sacrifier Paris pour sauver l'armée, dernier espoir et dernier
rempart de la volonté nationale et de l'indépendance française. A cet exposé qui, dans la bouche de l'énergique Carnot, surprit sans doute plus d'un auditeur, le général Grenier ajouta quelques remarques non moins alarmantes. Fouché, était ravi. Il s'empressa de résumer, en les commentant à sa façon, les paroles de ses deux collègues ; il laissa entendre qu'après leurs rapports il paraissait impossible de songer à la résistance, et, cela dit ou plutôt cela insinué, il invita les membres du conseil à émettre leur avis. Soult, pour s'en l'aire un mérite aux yeux des royalistes
dont il songeait déjà à reconquérir la faveur, avait hâte de parler dans le
sens de la capitulation. — Non seulement,
dit-il, il y a impossibilité de se défendre sur la
rive gauche ; mais depuis que les Prussiens sont maîtres d'Aubervilliers, il
est très hasardeux de tenir derrière la digue, le long du canal qui joint
Saint-Denis à la Villette ; si l'ennemi venait à forcer cette digue, il
pourrait sans difficulté se porter sur La Chapelle et entrer dans Paris, par
la barrière de Saint-Denis, pêle-mêle avec nos troupes débandées. Il faut une
prompte démarche pour prévenir ce malheur. Le prince d'Essling apparemment, remarque Thibaudeau, pour bien marquer le contraste entre lui et le général
Masséna, rappela sa conduite héroïque au siège de Gènes. — Cette défense, dit-il, peut
donner quelque idée de ma ténacité à conserver les postes qui me sont
confiés. Mais dans la situation où se trouve Paris, je ne me chargerais pas
de le défendre un seul instant. L'opinion de Soult, de Masséna, de
Carnot surtout, imposait aux autres officiers généraux. Seul le maréchal
Lefebvre se prononça pour la résistance. Encore émit-il son avis d'un ton peu
résolu, et avec cette atténuation qu'il faudrait commencer par examiner si
les ouvrages de la rive gauche ne pourraient pas être très rapidement achevés[25]. Parmi les pairs et les députés présents, le sentiment dominant était la surprise. Après les messages multipliés de la Commission sur le ralliement de l'armée, les préparatifs de défense, l'accueil favorable fait aux plénipotentiaires, l'occupation de toutes les positions par les troupes animées du meilleur esprit, après les rapports de Laguette-Mornay, de Garat, de Mouton-Duvernet sur l'exaltation patriotique des soldats, après les adresses ardentes des fédérés cl des généraux, ils avaient peine à croire que l'on en Mt déjà réduit à l'extrémité. L'un d'eux dit qu'avant de rien décider il fallait connaître l'état des négociations diplomatiques. — Lord Wellington, déclara Fouché, montre beaucoup d'éloignement à traiter d'un armistice. Quelqu'un demanda si une capitulation n'entraînerait pas de graves conséquences au point de vue politique. Le nom des Bourbons fut prononcé. Fouché, embarrassé, répliqua que les bureaux des Chambres et les généraux avaient été convoqués pour délibérer sur la question militaire et non pour agiter des questions politiques, et qu'il les conjurait de s'en tenir à l'objet de la délibération. Carnot désespérait de la défense mais il espérait encore éviter les Bourbons. Il protesta contre les paroles de Fouché. Une assez vive altercation s'ensuivit. Soutenu par ses trois autres collègues de la Commission et approuvé secrètement par la majorité du conseil, Fouché l'emporta. On revint, sans aboutir à aucune conclusion, à l'examen des moyens de défense. Les membres des Chambres voyaient que la Commission ne cherchait qu'à répudier la responsabilité tic la situation désespérée où elle avait amené ou laissé venir les choses ; ils ne voulaient pas non plus assumer par un avis quelconque une part de cette responsabilité. Ils s'exemptèrent de donner leur opinion en déclarant que vu l'incompétence du civil sur les questions militaires, c'était à un conseil de guerre qu'il appartenait de prononcer[26]. Fouché tout de même était arrivé à ses fins. Si les Chambres, représentées par leur bureau, n'avaient point donné un assentiment formel à la capitulation, elles en avaient du moins admis, sans protester, l'éventualité immédiate ; et, en déclarant qu'il fallait soumettre la question à un conseil de guerre, elles avaient par cela même investi implicitement la Commission du pouvoir de traiter après avis du conseil de guerre. Restés seuls, Fouché et ses collègues s'empressèrent d'envoyer l'ordre à Davout de réunir le soir même, au quartier-général de la Villette, les généraux sous ses ordres qu'il croirait susceptibles d'éclairer la délibération, les généraux commandants en chef l'artillerie et le génie et tous les maréchaux présents à Paris[27]. Fouché qui connaissait bien les sentiments de la plupart des maréchaux comptait que leurs voix assureraient la majorité à l'avis le moins énergique. Mais pour plus de certitude, le duc d'Otrante fit décider que le conseil n'aurait point à voler la résistance ou la capitulation. li devrait seulement répondre à un questionnaire que lui-même rédigea et dont chacune des six questions, sauf deux relatives à l'état des fortifications et de l'armement, ne pouvaient être résolues que sous une forme dubitative, c'est-à-dire dans le sens de la reddition. Qui, en effet, peut savoir quel sera le résultat d'une bataille et combien de temps pourra résister une place dépourvue de fortifications permanentes ? Les membres des bureaux s'abstinrent de rendre compte aux Chambres de lu réunion tenue aux Tuileries. D'ailleurs, il ne semble pus que ce rapport aurait eu quelque action. Le bel élan des représentants dans la séance de la veille s'était déjà arrêté. A la séance du 1er juillet, Bory-Saint-Vincent prononça un discours énergique qu'il conclut en ces ternies : — Une main invisible cherche à influencer les négociations de vos ambassadeurs dans l'intérêt de la faction qu'il sert. Cette main invisible, cette main parricide, va vous mettre dans l'impossibilité d'attendre le résultat de ces négociations. Si vous n'ouvrez pas les yeux, vous deviendrez inévitablement les victimes de ce système de découragement, d'ambigüité et de mensonge. Fouché n'était pas nommé mais toute la Chambre comprit qu'il s'agissait de lui. Or cette accusation, si grave et si bien fondée, fut accueillie avec une indifférence réelle ou feinte. Les paroles de Bory-Saint-Vincent tombèrent dans un silence de glace, et quand Saussey demanda comme sanction que l'assemblée adressait un message au gouvernement pour l'inviter à rendre compte de tout ce qui se passait, sa motion fut rejetée presque à l'unanimité par un ordre du jour pur et simple[28]. On n'osait même plus soupçonner M. Fouché. On avait pour ce personnage une sorte de superstition. Les mêmes voix se retrouvèrent pour voter l'Adresse au
Peuple français qui avait été repoussée la veille routine dépourvue de
précision et de franchise. Or le seul changement que Manuel eût fait au texte
primitif consistait dans cette addition de deux lignes : Napoléon est éloigné ; son fils est appelé à l'empire par les
constitutions de l'Etat[29]. Cette très
équivoque incidence, perdue au milieu d'un paragraphe massif, n'était pas du
tout la déclaration formelle qui avait été réclamée par la majorité. — Je demande, avait dit Bérenger, que l'adresse se termine par ces mots : Vive Napoléon II[30]. Si cependant la
Chambre ne voulait pas des Bourbons, et c'était ces jours-là le sentiment qui
la dominait[31],
elle devait leur opposer un prince déterminé, Napoléon II ou le duc
d'Orléans, ou une entité définie comme la République, et non de vaines
professions de foi libérale et de stériles appels au droit des nations. III Le conseil de guerre convoqué à la Villette pour neuf heures ne se réunit que vers minuit. Dix-huit officiers généraux y avaient été appelés : Masséna, Soult, Moncey, Mortier, Kellermann, Lefebvre, Sérusier, Oudinot, Macdonald, Gouvion-Saint-Cyr, Grouchy, Vandamme, d'Erlon, Reille, Drouot, Gazon, Valée et Duponthon ; mais quelques-uns, nommément Macdonald, n'avaient pu ou voulu être présents à cette délibération[32]. Davout présidait. Il donna lecture du questionnaire rédigé par Fouché : 1° Quel est l'état des retranchements et de l'armement ? 2° Peut-on défendre toutes les approches de Paris y compris celles de la rive gauche ? 3° Pourrait-on recevoir le combat sur tous les points en même temps ? 4° En cas de revers, le prince d'Eckmühl pourrait-il réserver ou recueillir assez de moyens pour s'opposer à une entrée de vive force ? 5° Existe-t-il des munitions suffisantes pour plusieurs combats ? 6° Peut-on répondre du sort de la capitale et pour combien de temps ?[33] Le général Valée, commandant l'artillerie, exposa d'abord
l'état des fortifications. An nord, Paris présentait une défense redoutable.
Les ouvrages de la rive droite, consistant en redoutes, redans et lignes de
bastions et de courtines, étaient complètement achevés, sauf quelques-uns qui
pouvaient cependant assurer une sérieuse protection aux défenseurs. Sur la
rive gauche, on devait regarder les retranchements, dont la plupart étaient à peine ébauchés, comme
presque nuls. Valée donna ensuite, avec beaucoup de détails, les
renseignements les plus satisfaisants sur l'armement et les munitions. — Sur la rive droite, dit-il, il y a près de 400 bouches à feu en position ou réparties en batteries
mobiles. Les 1er et 2e corps et la garde ont, en outre, neuf batteries à pied
ou à cheval. Sur la rive gauche, il y a 43 pièces en position et une forte
réserve de pièces de 12, et les 3e et 4e corps commandés par le général
Vandamme ont 80 bouches à feu. Les munitions d'artillerie sont suffisantes.
Sur la rive droite, l'approvisionnement est au complet : 200 coups par pièce
de campagne, 300 coups par pièce de marine. Sur la rive gauche, il y a 100
coups par pièce. Cinq parcs, ensemble de 264 caissons, sont stationnés en
arrière des lignes. Tous les corps sont approvisionnés en cartouches d'infanterie,
et il en reste encore 2.016.000 en dépôt à Saint-Denis, à Vincennes, à
Montrouge, à l'Ecole militaire. La confection des cartouches est continuée à
raison de 300.000 par jour. Le personnel de l'artillerie est suffisant. Sans
compter les canonniers des corps d'armée, il y a 3 914 artilleurs pour le
service des pièces de position et des batteries mobiles[34]. Ces réponses aux première et cinquième questions, les seules auxquelles on pût répondre avec précision, étaient encourageantes. On passa à l'examen des autres questions. Plusieurs membres du conseil firent observer que celles-ci étaient absurdes, vagues ou captieuses, et que des esprits honnêtes, sincères et pratiques ne sauraient les résoudre. L'hypothèse que le combat fût porté à la fois sur tous les points du périmètre était déraisonnable. Etait-il possible de savoir ce qu'on pourrait rallier de monde après une bataille perdue ? Pouvait-on répondre de défendre avec succès une ville qui sur le tiers de la circonférence manquait de fortifications ? Et encore moins pouvait-on préciser le temps que se prolongerait cette résistance ? La discussion s'engagea alors non plus sur la possibilité mais sur l'utilité de la défense. Soult dit que le retour des Bourbons étant inévitable et partant nécessaire, il ne pensait pas qu'il fallût verser du sang et risquer le pillage et l'incendie de Paris pour retarder de quelques jours cette solution. Plutôt que de se laisser imposer le roi par les Alliés mieux valait le rappeler spontanément et obtenir de lui certaines garanties. — Pour qui et pourquoi nous battrions-nous ? demanda un autre maréchal. Gazan parla aussi pour les Bourbons. Lefebvre, Valée, d'Erlon protestèrent. Ils dirent que l'on devait se prononcer exclusivement sur la question militaire. Vandamme appuya leur avis, et fit une allusion aux enrichis qui ne voulaient plus se battre[35]. Si Davout avait dit alors sa pensée, qu'il était sûr de battre les Prussiens et de les rejeter en désordre sur l'armée anglaise avant qu'elle pût les seconder[36], il aurait inspiré une résolution militaire. Mais le prince d'Eckmühl jugeait inopportun et même nuisible cette victoire sans lendemain. S'il s'abstint peut-être d'approuver les raisons de Soult, du moins il garda le silence, et, dans une pareille discussion, le silence du président devait être interprété comme un acquiescement aux idées de reddition. Il était près de trois heures du matin. La lassitude, le découragement gagnèrent les plus énergiques. Vandamme lui-même finit par se rallier à l'opinion dominante[37]. Davout, à lui seul ou de concert avec quelques membres du conseil[38], rédigea en ces termes les réponses aux questions posées par Fouché : 1° l'état des retranchements et de leur armement sur la rive droite, quoique incomplet, est en général assez satisfaisant. Sur la rive gauche, les retranchements peuvent être considérés comme nuls. 2° On pourrait défendre les approches de Paris mais non indéfiniment, et l'on ne doit pas s'exposer à manquer de vivres et de retraite. 3° Il est difficile que l'armée puisse être attaquée sur tous les points à la fois ; mais si cela arrivait, il n'y aurait pas d'espoir de résistance. 4° Aucun général ne peut répondre des suites d'une bataille. 5° Il n'y a aucune garantie à cet égard[39]. En 1814, Paris sans une tranchée, sans un épaulement, sans une pièce de position, avait résisté onze heures avec 42.000 hommes à 110.000 Alliés ; il n'avait capitulé qu'au moment où l'ennemi abordait les barrières. En 1815, Paris, pour résister à un même nombre d'assaillants[40], avait 117.000 hommes, une inforçable ceinture de retranchements sur les deux tiers de son périmètre et plus de 600 bouches à feu. On se détermina à traiter avant même que l'ennemi eût achevé sa marche de concentration. Davout que son autorité de général en chef, ses talents militaires et son passé glorieux devaient faire l'âme de la défense se fit le promoteur de la reddition. Je ne doutais pas, a-t-il dit, que l'on ne pût gagner une bataille sous les murs de Paris et, consoler par un succès momentané les douleurs de la patrie. Si je n'avais écouté que l'intérêt de ma gloire militaire, je n'aurais pas hésité à profiter de la chance qui m'était offerte. Mais la victoire n'eût servi qu'à moi seul. La situation politique et militaire n'en eût pas été sensiblement changée, car l'ennemi avait d'énormes renforts qui n'auraient pas tardé à le rejoindre et à lui rendre la supériorité numérique. On n'en aurait pas moins été obligé de traiter après une inutile effusion de sang[41]. C'est pour épargner à la France la plus grande somme de maux que Davout transigea avec son devoir de gouverneur de place et de commandant d'armée. IV Dès quatre heures du matin, Davout transmit à la Commission de gouvernement la réponse du conseil de guerre au questionnaire qu'elle avait posé. Il y joignit deux lettres qui devaient la renseigner exactement sur les intentions des généraux en chef des armées alliées. Ces lettres, écrites en réponse à celles qu'il avait adressées la veille à Blücher et l'avant-veille à Wellington, lui étaient parvenues dans la nuit, peu avant lit réunion du conseil de guerre[42]. Blücher déclarait qu'il ne conclurait un armistice qu'à Paris et que s'il livrait l'assaut auquel il se préparait tous les excès des soldats exaspérés seraient à redouter. Il ajoutait cet outrage pour Davout : N'entraînez pas une nouvelle ville à sa ruine. Voulez-vous attirer sur vous les malédictions des habitants de Paris comme cela vous est arrivé à Hambourg ?[43] Wellington refusait aussi un armistice in statu quo, mais il exprimait le désir d'arrêter l'effusion du sang par une convention définitive[44]. Le gouvernement provisoire, qui sentait désormais sa responsabilité couverte par l'avis du conseil de guerre, s'empressa d'entamer de nouvelles négociations sur les bases de la reddition de Paris. Tandis que Davout écrivait officieusement à Wellington qu'il le priait de vouloir bien lui faire connaître les conditions auxquelles la paix pourrait avoir lieu[45]. Bignon, sur l'ordre de Fouché et de Caulaincourt, envoya aux commissaires pour l'armistice, qui depuis trois jours parlementaient sans résultat avec le général anglais, des instructions modifiant complètement les précédentes. Au lieu de l'armistice in statu quo, refusé tant de fois et avec tant de hauteur, ils devraient proposer une suspension d'armes qui aurait pour principale clause l'évacuation de Paris par l'armée française. A cet effet, trois projets de convention, que Caulaincourt prit le soin de rédiger lui-même, furent expédiés aux plénipotentiaires ; il leur était recommandé de ne les mettre en discussion que tour à tour et en commençant par le moins désavantageux. D'après le premier projet, Paris resterait neutre et l'armée française et l'armée alliée s'établiraient chacune à dix lieues de distance de cette ville. Dans le second, le cours de la Seine seul, mais avec un rayon neutre de trois lieues autour de Paris, serait la ligne séparative des armées. Le troisième projet, enfin, admettait la possibilité de l'occupation de Paris par les Alliés, sous la réserve — fort illusoire — qu'ils ne pourraient y entrer qu'après la décision des souverains[46]. Tout en faisant poursuivre les négociations officielles, Fouché prit soin d'en renouer de particulières. Ce même jour, il dépêcha à Wellington et à Blücher deux émissaires dont il s'était déjà servi, l'ex-colonel napolitain Macirone et le général Tromelin[47]. Selon son habitude, il les chargea de lettres ostensibles et de messages secrets. Les lettres à Wellington et à Blücher étaient conformes, sauf quelques petites différences de rédaction[48]. Il y exposait avec beaucoup d'habileté les raisons politiques pourquoi les Alliés devaient consentir à un armistice. Afin de ne se point compromettre aux yeux des Chambres qui avaient, après tout, proclamé Napoléon II, Fouché commençait par énoncer que l'état légal de la France était un gouvernement ayant pour chef le petit-fils de l'empereur d'Autriche. Mais il insinuait aussitôt que cet état de choses pouvait être changé si les puissances déclaraient qu'elles le regardaient comme incompatible avec la paix. On s'imagine peut-être, poursuivait-il, que la prise de Paris seconderait les vues que vous pouvez avoir de rétablir Louis XVIII ? Mais comment l'augmentation.des maux de la guerre, qu'on ne pourrait plus attribuer qu'à ce motif, serait-elle un moyen de réconciliation ?... L'intérêt même du roi est que tout reste en suspens... Aussi quoi de plus juste que de conclure un armistice ? Y a-t-il un autre moyen de laisser aux puissances le temps de s'expliquer et à la France le temps de connaître le vœu des puissances ?[49] Le message secret à Blücher consistait, selon l'expression
vague mais suggestive de Tromelin qui en était chargé, en explications[50]. On est mieux
renseigné sur les communications que Macirone devait faire à Wellington.
Elles étaient de deux sortes : écrites et verbales. Une note de Fouché,
autographe mais non signée, portait : L'armée
résiste parce qu'elle est inquiète. Rassurez-la, elle sera dévouée. Les
Chambres s'opposent pour la même raison. Rassurez chacun, vous aurez tout le
monde. Afin d'être bien compris, il faut s'expliquer ; par conséquent ne pas
entrer à Paris avant trois jours, afin que pendant ce temps on puisse tout
préparer. Les Chambres seront gagnées, croiront à leur indépendance et
consentiront à tout[51]. Cette note,
suffisamment explicite, pouvait se passer de commentaires. Macirone devait
cependant ajouter celui-ci : Le duc d'Otrante et ses
amis doivent compter avec l'armée où il y a de graves suspicions. Davout est
gagné aux Bourbons. Il assure que l'armée cédera s'il y a des promesses de
douceur et qu'elle deviendra facilement dévouée au roi. Fouché et Davout
s'engagent à envoyer l'armée hors Paris, au point, si éloigné que ce soit,
que l'on voudra désigner. L'armée et la Chambre une fois séparées, toutes
deux consentiront très vite à accepter les propositions de Fouché' et de
Caulaincourt de reconnaître Louis XVIII, pourvu que le roi garantisse la charte
et promette une amnistie[52]. Pendant que Fouché, Caulaincourt et Bignon rédigeaient ces dépêches et donnaient des instructions, et que courriers et émissaires se mettaient en route, l'ennemi continuait ses mouvements contre Paris. Le corps de Thielman marchait de Saint-Germain, par Versailles et Plessis-Piquet, sur Châtillon. Le corps de Zieten se dirigeait par Marly, Vaucresson et Sèvres sur les Moulineaux. D'Argenteuil, où il était arrivé dans la nuit, Bülow se portait par Saint-Germain sur Versailles. La réserve et la cavalerie de Wellington étaient encore auprès de Louvres ; mais dès la veille, les 1er et 2e corps anglais avaient occupé au nord de Paris, depuis Pierrefitte jusqu'à Bondy, les positions quittées par les Prussiens[53]. Les Anglais avaient là, en face d'eux, les corps de d'Erlon et de Reille qui continuaient d'assurer la défense entre Saint-Ouen et la Villette. Davout, jugeant avec raison que la principale attaque se ferait au sud de Paris, transféra son quartier général à la barrière d'Enfer et porta sur la rive gauche la garde et les cuirassiers de Kellermann pour servir de réserve à l'armée de Vandamme[54]. Les troupes placées sous le commandement de Vandamme occupaient Montrouge, Vaugirard, Vanves, Issy et les Moulineaux, avec des partis de cavalerie vers Gentilly et Arcueil, un bataillon à Châtillon et la division Bulot à Bellevue[55]. Vers midi, la division Steinmetz, tête de colonne du corps de Zieten, débusqua de Sèvres le bataillon du 111e que Bulot y avait posté en grand'garde. De là, elle se porta vers Bellevue où elle s'engagea contre la division Bulot qui, conformément aux ordres de Vandamme, se replia pas à pas sur Vaugirard[56]. En même temps, deux détachements de la division Jagow attaquaient les ponts de Saint-Cloud et de Sèvres. On y avait pratiqué des coupures, élevé des barricades, et ils étaient défendus par un bataillon du 2e de ligne et un détachement de lanciers polonais dont les hommes mirent pied à terre et firent très efficacement le coup de feu. Fantassins et cavaliers, embusqués derrière les barricades des ponts, dans l'île Séguin, sur les berges et dans les maisons de la rive gauche, accueillirent les Prussiens par une fusillade si nourrie et si bien ajustée que l'ennemi, après plusieurs assauts, renonça à l'attaque. Le colonel Trippe, qui commandait là, cite dans son rapport des habitants de Sèvres et de Saint-Cloud comme ayant combattu avec autant de vaillance et d'entrain que les soldats[57]. Sur les trois heures, le corps de Zieten, Steinmetz en tête, déboucha devant les Moulineaux, le corps de Thielman devant Châtillon. Thielman craignant, selon ses propres paroles, d'engager prématurément une action générale se détermina à garder l'expectative jusqu'au lendemain. Mais Zieten plus entreprenant, fit attaquer les Moulineaux par Steinmetz et Pirch. La division Vichery résista pendant deux heures, se replia dans Issy, puis opéra une contre-attaque qui fut repoussée. A la nuit, les Prussiens s'avançant en deux colonnes, par les Moulineaux et Clamart, assaillirent Issy et Vanves et en rejetèrent les défenseurs vers Vaugirard. En même temps, les avant-postes de Thielman vinrent occuper Chatillon que la grand'garde française, se jugeant tout à fait en l'air, avait quitté à la chute du jour[58]. Malgré ces succès, Blücher n'osa pas ordonner pour le lendemain matin l'attaque de Paris. Lui si audacieux, si ardent, lui qui l'avant-veille avait précipité son mouvement vers la rive gauche avant même de s'entendre avec Wellington, il se prenait maintenant à temporiser. Il savait ses troupes très fatiguées ; il voyait son armée séparée de l'armée anglaise par un fleuve et quatre lieues de terrain et exposée à une attaque de flanc ; il redoutait, en cas d'échec, d'être obligé à une retraite excentrique pour regagner sa ligne d'opérations. Dans cette situation hasardeuse, il hésitait à livrer une grande bataille sans avoir l'assurance que les Anglais étaient prêts à passer la Seine à Argenteuil sur un pont de bateaux, qu'il n'y avait pas de corps français aux environs du mont Valérien, et que, enfin, il n'arrivait pas de renforts à Paris par les routes d'Orléans et de Lyon[59]. Il prescrivit donc à ses généraux de rester jusqu'à nouvel ordre dans leurs positions : Zieten entre Meudon et Issy, Thielman entre Bagneux et Châtillon, Bülow à Versailles[60]. Ces ordres venaient d'être expédiés lorsqu'un officier anglais apporta au feld-maréchal une lettre de Wellington relative à la question d'armistice[61]. Wellington avait d'abord été aussi opposé que Blücher lui-même à toute suspension d'armes. Dans la crainte que l'abdication ne fût un piège il ne voulait point laisser à Napoléon le temps de refaire une armée[62]. Sa promesse aux commissaires français, dans ses deux premières entrevues, l'après-midi et le soir du 29 juin, qu'il consulterait Blücher sur la possibilité d'un armistice, n'était qu'une courtoise échappatoire[63]. Mais à sa troisième entrevue, dans la matinée du 1er juillet, les commissaires lui apprirent que l'empereur avait quitté Paris l'avant-veille afin de s'embarquer à Rochefort pour les Etats-Unis[64]. Tout aussitôt Wellington changea d'opinion. Désormais sans crainte d'un dernier effort de la France sous la main de Napoléon, il comprit qu'un armistice aboutirait infailliblement à la prompte reddition de Paris et à la rentrée du roi. Il n'y avait donc plus d'intérêt, pour lutter de quelques jours ce dénouement heureux, à risquer une attaque à coup sûr très meurtrière et peut-être périlleuse. Wellington, qui avait observé les positions et les retranchements, jugeait la ville presque inabordable au nord et voyait de grandes difficultés à venir appuyer en temps opportun les mouvements des Prussiens sur la rive gauche[65]. Pour les vainqueurs de Waterloo quelle humiliation d'être battus par les Parisiens ! Il chargea donc le général Müffling, attaché à son état-major comme commissaire prussien, d'envoyer en son nom une lettre à Blücher pour l'engager à accorder l'armistice. Müffling se hâta d'écrire, mais Blücher, toujours opposé à cette suspension d'armes, différa de répondre. Dans la soirée du 2 juillet, aucune dépêche du quartier-général prussien n'était arrivée à Wellington[66]. Impatient, un peu irrité même, celui-ci rédigea une longue lettre où il exposa sans réticences toutes les raisons militant pour l'armistice. ... Il me semble, écrivit-il, qu'attaquer Paris avec les forces que vous et moi avons à présent sous nos ordres serait risquer beaucoup. Il serait impossible de le faire an nord avec quelque espoir de succès. Il faudrait donc que mon armée traversât deux fois la Seine et gagnât le bois de Boulogne avant de pouvoir faire l'attaque, et même alors, si nous réussissions, nos pertes seraient très sérieuses. Il faut nous exposer à des pertes quand cela est nécessaire, mais ici ce n'est pas nécessaire. En attendant quelques jours, nous aurons l'armée du prince de Wrède et avec elle les souverains qui décideront du parti à prendre... Les conditions que je crois devoir être mises à l'armistice sont : 1° que nous restions dans nos positions ; 2° que l'armée française se retire derrière la Loire ; 3° que la garde de Paris soit remise à la garde nationale jusqu'à ce que le roi de France en ordonne autrement... Sans doute nous n'aurons pas la vaine gloire d'entrer à Paris à la tête de nos armées victorieuses. Mais nous opérerons tranquillement la restauration de Sa Majesté sur son trône, ce que nos souverains ont toujours regardé comme le résultat le plus avantageux pour nous tous[67]. Quand cette façon de mémorandum parvint au quartier-général de Versailles, Blücher était au lit. Gneisenau ne crut pas devoir réveiller le vieux Maréchal, mais frappé des raisons exposées dans la lettre, il écrivit sur-le-champ à Wellington que cette question demandant de sérieuses délibérations il la soumettrait au prince le lendemain de très grand matin[68]. Dans cette même nuit, le général de Tromelin qui avait été retenu longtemps aux avant-postes prussiens apporta à Versailles la lettre de Fouché. A son réveil, le 3 juillet au point du jour, Blücher trouva la lettre de Wellington et la lettre du duc d'Otrante. Après avoir consulté Gneisenau, il accepta en principe une suspension d'armes d'un seul jour, paraissant céder à la demande de Fouché quand en réalité il déférait aux conseils de Wellington. Mais il ne démordait pas pour cela de l'idée qui l'animait et le dominait depuis le début de la campagne. Il voulait entrer une seconde fois à Paris à la tête de l'armée prussienne. Plus rigoureux que Wellington, il donna à entendre qu'il poserait comme condition à un armistice de plus d'un jour l'occupation de la ville par ses troupes. Tromelin était trop satisfait du succès de sa mission, succès qu'il avait la fatuité de s'attribuer, pour rien objecter à cette exigence. Il repartit pour Paris vers cinq heures du matin avec l'engagement verbal de Blücher d'accorder une suspension d'armes[69]. V La Commission de gouvernement était restée une partie de la nuit en permanence aux Tuileries. Elle attendait anxieusement quelque réponse aux lettres et aux messages envoyés à Wellington et à Blücher. Les heures passaient. Aucun avis, nulle communication des quartiers-généraux ennemis, mais la nouvelle de Montrouge, confirmée par la canonnade qui dura jusqu'à minuit, que les Prussiens avaient pris position à deux mille toises du mur d'octroi. Au point du jour, on n'en pouvait douter, ils engageraient la dernière bataille. Mais Fouché n'était jamais à bout d'expédients. Quand chacun désespérait, il proposa de nommer une commission de trois membres qui adresserait incontinent au général prussien commandant les premières lignes une demande d'armistice à l'effet de traiter la capitulation. On n'avait plus le loisir, à son avis, d'attendre des généraux en chef des armées alliées un acquiescement plus on moins douteux à des conditions meilleures. Il désigna comme membres de cette commission Bignon, ministre intérimaire des affaires étrangères, Bondy, préfet de la Seine et Guilleminot, chef de l'état-major de Davout. Mandés aussitôt aux Tuileries, Bignon et Bondy reçurent leurs pouvoirs et partirent sans larder pour le quartier-général de Davout. Ils devaient y rejoindre Guilleminot et inviter le prince d'Eckmühl à envoyer un parlementaire[70]. Le canon grondait. Dès avant le lever du soleil, le feu avait repris. L'occupation d'Issy par les Prussiens donnant à Vandamme des inquiétudes pour sa droite, il avait, d'accord avec Davout, prescrit au général Vichery de reprendre cette position en préparant l'attaque par une très violente canonnade[71]. Le prince d'Eckmühl s'attendait à être contraint à la bataille. Il avait pris ses dispositions pour recevoir sévèrement l'ennemi. Les 3e et 4e corps, la cavalerie et la garde étaient ainsi répartis : la division Lefol à cheval sur la route d'Orléans, à la hauteur du Grand-Montrouge ; la division Teste dans le parc et le village du Grand-Montrouge, flanqués à la droite par les dragons d'Exelmans et toute la cavalerie légère ; les divisions Berthezène et Habert un peu en arrière, entre Montrouge et Vaugirard ; les divisions Vichery et Pédieux à Vaugirard ; la division Hulot entre Vaugirard et la Seine ; les cuirassiers de Kellermann et de Milhaud dans la plaine de Grenelle ; la garde, en réserve, sur le chemin de l'École militaire au Petit-Montrouge. Enfin, à deux heures du matin, ordre avait été envoyé à Neigre d'amener sur l'esplanade des Invalides les batteries de réserve et le parc de la place du Trône, et à Reille de se porter au Champ-de-Mars avec le 2e corps ; seules les troupes du 1er corps (d'Erlon) et de la garnison devaient rester sur la rive droite qui ne semblait pas menacée[72]. Bignon et Bondy arrivèrent dans la plaine de Montrouge vers six heures du matin. A. la droite, la canonnade et la mousqueterie étaient très vives. La division Vichery, soutenue maintenant par la division Bulot, se ruait pour la troisième fois à l'assaut du village et du parc d'Issy où les Prussiens tenaient intrépidement[73]. Davout était à cheval, la lorgnette à la main, un peu en arrière de la ligne de bataille. Des généraux qui l'entouraient lui parlaient avec beaucoup d'animation. Les troupes semblaient inquiètes, turbulentes, colères ; leurs propos, leurs yeux ardents témoignaient l'impatience d'aborder l'ennemi. Bignon exposa à Davout l'objet de sa mission. Davout parut hésiter. Il dit qu'il était en bonne position, et qu'il pourrait obtenir un avantage marqué en faisant une attaque générale. A ces mots, à cette espérance de victoire, Bignon déjà ému par l'attitude belliqueuse des soldats, sentit battre son cœur : — Monsieur le maréchal, s'empressa-t-il de dire, si vous avez l'espoir d'un succès, un sentiment français me porte à ne point vous presser dans un sens contraire. C'est à vous de juger ce que vous avez à faire. Le visage de Davout s'assombrit. Ce n'était pas là son compte, remarque Bignon. Il sentait le besoin d'un arrangement, il le voulait ; mais pour ne pas perdre sa popularité auprès de quelques têtes ardentes et de la foule à leurs ordres, il aurait voulu avoir la main forcée. Le prince d'Eckmühl réfléchit quelques instants, puis, sans mot dire, il éperonna sou cheval et s'éloigna nu galop dans la direction de Vaugirard en passant devant le front de bataille. Il revint une heure après et dit aux commissaires qu'il avait envoyé en parlementaire le général Revest, chef de l'état-major de Vandamme[74]. Presque aussitôt, Revest qui avait été reçu par Zieten à Issy, et lui avait transmis verbalement la demande d'armistice, arriva avec un officier prussien porteur d'une lettre pour Davout. Zieten, comme s'il était irrité d'avoir à donner une réponse à peu prés conciliante, l'avait rédigée en termes insolents. Je ne suis nullement autorisé, écrivait-il, à accepter un armistice pour traiter la reddition de la ville. Je n'ose même point annoncer cette demande à Son Altesse le maréchal Blücher. Mais, cependant, si les députés du gouvernement déclarent à mon aide de camp qu'ils veulent rendre la ville aujourd'hui même et que l'armée française veut se rendre aussi, j'accepterai une suspension d'armes. Zieten ajoutait qu'il priait les trois députés du gouvernement d'attendre aux avant-postes français la réponse du prince Blücher[75]. Au passage des deux parlementaires, à sept heures moins un quart, le feu avait cessé sur toute la ligne. Vers huit heures, l'ennemi replia à la hauteur d'Issy les troupes qu'il avait avancées au sud-ouest de Vaugirard[76]. En attendant la réponse de Blücher, Bignon et Bondy causaient sur le terrain avec Davout, Guilleminot et plusieurs officiers généraux venus tour à tour se mêler au groupe de l'état-major. Drouot, grave et sombre, reconnaissait la nécessité d'un accord. Mais la plupart de ses camarades repoussaient cette idée avec indignation. Ils voulaient absolument la bataille. Exelmans et Flahaut se faisaient remarquer parmi les plus animés ; ils demandèrent à Bignon s'il voulait les déshonorer ? Les mêmes sentiments dominaient chez les troupes. Derrière les faisceaux qu'ils avaient formés, les soldats parlaient à voix basse, exprimant leur surprise et leur irritation de ce brusque arrêt du feu qui sentait la trahison[77]. Plus tard dans la matinée, un second parlementaire prussien fut amené à Davout. Il apportait une nouvelle lettre de Zieten, conçue en termes beaucoup moins discourtois, par laquelle les commissaires français étaient invités, au nom du prince Blücher, à se rendre au château de Saint-Cloud afin d'y traiter la reddition de Paris[78]. Les commissaires français arrivèrent à trois heures après midi au château de Saint-Cloud. Blücher s'y était rendu de son côté avec Gneisenau et Nostiz. On attendit Wellington qui parut bientôt, accompagné de Müffling et du colonel Hervey[79]. Dès que ces deux officiers eurent été désignés comme commissaires des armées prussienne et anglaise, la délibération commença en présence de Wellington et de Blücher[80]. Bignon, d'accord avec Caulaincourt et Fouché, avait préparé un projet de convention en vingt-deux articles. Il le soumit à Wellington qui exigea des modifications capitales. Le projet avait été conçu dans le dessein d'épargner à Paris l'occupation étrangère et de garantir, avec la sécurité des Chambres, l'indépendance de leur vote pour le choix d'un souverain. Les généraux alliés entendaient obtenir plus d'avantages de la capitulation. Blücher était obstinément résolu à faire entrer ses troupes dans Paris. Wellington voulait que l'armistice eût pour effet certain la restauration de Louis XVIII. En conséquence, l'armée française devrait être envoyée dans des cantonnements assez éloignés pour qu'elle ne pût exercer aucune influence sur les décisions que l'on prendrait à Paris. Séparé de l'armée, le gouvernement serait sans pouvoir et tout à la merci des Alliés. En outre, Wellington était déterminé à ne souffrir aucune clause qui pût le moins du monde engager ou même embarrasser les souverains et le roi de France. L'acte conclu à Saint-Cloud devait être une convention utilitaire pure et simple, ne comprenant aucun préliminaire de paix[81]. La discussion s'engagea dès la lecture des premiers articles. Bignon proposait que l'armée française établît ses cantonnements à quelque distance de Paris, et que les armées alliées n'entrassent dans la ville qu'après qu'il en aurait été référé aux souverains. Wellington et Blücher exigèrent que l'armée française se replia immédiatement derrière la Loire, et que toutes les barrières de Paris fussent remises aux troupes alliées le 6 juillet ; les ouvrages de Montmartre devraient être livrés le juillet, et Saint-Denis, Saint-Ouen, Neuilly dès le 3. Ils ne discutèrent point le maintien de la garde nationale pour le service intérieur de Paris, mais il y eut des objections sur l'article X : Les commandants en chef des armées prussienne et anglaise s'engagent à respecter et à faire respecter le gouvernement, les autorités nationales et à ne s'immiscer en rien dans les affaires intérieures du gouvernement et de l'administration de la France. Wellington fit remplacer cette clause par celle-ci : Les commandants en chef des armées anglaise et prussienne s'engagent à respecter et à faire respecter par leurs subordonnés les autorités actuelles tant qu'elles existeront. Ce n'était guère s'engager, car dans l'esprit de Wellington l'existence de la Commission de gouvernement et des Chambres serait de courte durée ; si les événements ne les mettaient pas dans la nécessité de se dissoudre d'elles-mêmes, il suffirait d'une ordonnance de Louis XVIII. A l'article XI : Les propriétés publiques seront respectées, Blücher, qui avait son idée, fit ajouter cette restriction : à l'exception de celles qui ont rapport à la guerre. Il imposa en outre la suppression de l'article XIV qui stipulait une garantie complète pour les monuments, les bibliothèques et les musées. — Je compte bien reprendre, dit-il, ce qui est propriété prussienne, et avec d'autant plus de raison que le roi de France avait promis l'année dernière à mon souverain de lui rendre des objets d'art, et qu'il n'a rien rendu du tout. Sur la proposition de Bignon d'insérer dans l'article une exception qui garantît les objets d'art sauf ceux à restituer à In Prusse, Wellington protesta : — L'Angleterre n'a pas perdu d'objets d'art, mais le roi des Pays-Bas et les princes allemands dont les contingents sont dans mon armée se trouvent dans un cas différent. Je ne puis prendre pour les souverains que des engagements relatifs au militaire[82]. Les commissaires français avaient pour instructions de céder sur tout sauf sur l'article XII, garantie ou prétendue garantie contre les vengeances royalistes trop clairement annoncées dans la proclamation de Cambrai dont Fouché et ses collègues venaient de recevoir un exemplaire[83]. Cet article était conçu ainsi : Seront pareillement respectées les personnes et les propriétés particulières. Les habitants, et en général tous les individus qui se trouveront dans la capitale, continueront à jouir de tous leurs droits et libertés sans pouvoir être inquiétés ni recherchés en rien relativement aux fonctions qu'ils occupent ou auraient occupées et à leur conduite et à leurs opinions politiques. La Commission de gouvernement attachait une si grande importance à cette clause que les commissaires avaient l'ordre de rompre si elle était repoussée[84]. Wellington l'accepta sans même se donner la peine de la discuter. Pour lui, la clause était sans conséquence car, à ses yeux, elle n'engageait que les Alliés et seulement jusqu'au jour où l'autorité du roi serait substituée à la leur[85]. Il s'abstint de dire sa pensée. Mais pour la pénétrer il suffisait de la moindre clairvoyance, car aussitôt après avoir acquiescé à l'article XII, sans y rien objecter, Wellington exigea la suppression de l'article XIII qui en était la sanction. Il portait : Les personnes qui, à dater de ce jour jusqu'à l'évacuation du territoire, voudraient sortir de France recevront des généraux étrangers des passeports et toutes sûretés pour leurs personnes et leurs propriétés[86]. Quelle valeur avait donc l'article XII pour Wellington et Blücher, puisqu'ils ne voulaient même pas s'engager à donner des passeports aux Français qui chercheraient à fuir la justice du roi ? La Commission de gouvernement attendait aux Tuileries le retour des commissaires. Pour employer utilement son temps, elle décida que la somme de 140.000 francs qu'elle s'était attribuée pour ses dépenses du mois de juillet serait incontinent payée aux diverses parties prenantes, à titre de gratification. Il ne faut jamais s'oublier ! Les commissaires arrivèrent entre neuf et dix heures. Fouché qui connaissait le pouvoir des mots sur les hommes écrivit en tête de l'acte de capitulation le mot : Convention. Cela fait, il rédigea un message en termes assez ambigus, y joignit une copie de cette convention, plusieurs pièces relatives aux négociations antérieures, les deux proclamations de Louis XVIII, et envoya le tout à la Chambre qui était également restée en permanence[87]. La lecture de ces diverses pièces, faite en comité secret, fut accueillie, semble-il, sans émotion[88]. Les quelques velléités d'agir que la Chambre avait manifestées le 29 juin étaient tombées. Cette assemblée à qui les événements avaient donné la puissance de la Convention voulait décidément se renfermer dans un rôle constitutionnel. A la séance de l'après-midi, Félix Desportes ayant dit : — Des bruits alarmants circulent... Je demande à vous entretenir de mesures de salut public, on avait refusé de l'entendre, et le président Lanjuinais avait clos l'incident par ces paroles vraiment incroyables en la circonstance, quand les Prussiens menaçaient Vaugirard et les Anglais la Chapelle : — Le salut public est dans le plus prompt achèvement de la constitution[89]. Dans la séance publique du lendemain, cette Chambre dévirilisée montra un pareil abandon d'elle-même. Elle entendit sans une protestation le message officiel du gouvernement où Fouché osait dire : Les moyens de défense étant épuisés, il était impossible d'empêcher les Alliés de pénétrer de vive force dans Paris, et où il avait l'effronterie de témoigner sa satisfaction qu'en évitant l'effusion du sang, la Commission de gouvernement n'eût rien sacrifié ni des principes d'indépendance politique, ni de l'honneur national, ni de la gloire des armées françaises. Garat, l'avant-veille encore hostile à Fouché, désormais gagné à lui, déclara que l'on ne pouvait rien obtenir de plus avantageux que cette convention à laquelle le gouvernement avait apporté des soins extrêmes, et le général Solignac proposa de voter des remerciements à l'armée dont l'attitude ferme et courageuse avait permis d'obtenir une convention honorable que l'on était loin de pouvoir espérer. La proposition fut adoptée[90]. Un peu plus, la Chambre aurait voté des remerciements à Fouché lui-même. |
[1] Ordre de Blücher à Bülow et à Zieten, Gonesse, 29 juin (entre 4 et 6 heures du soir) : ... Si l'attaque ne réussit pas, les troupes marcheront par leur droite vers Argenteuil... Les avant-postes resteront sur leurs emplacements... Le but de ce mouvement est d'attaquer Paris pur le côté le plus faible, tandis que l'armée anglaise occupera nos positions actuelles. (Cité par von Ollech, Geschichte des Feldzuges von 1815, 360-361. — Cet ordre qui prescrivait de commencer dès le matin du 30 le mouvement vers la droite fut modifié par de nouveaux ordres (30 juin, au matin et au soir), portant que le corps de Zieten se mettrait en marche seulement à 10 heures du soir, et le corps de Bülow le lendemain 1er juillet, après l'arrivée des Anglais. (Ordres cités par von Ollech, 366, 367, 368.)
[2] Von Ollech, 354. — Wellington, conseillé par Müffling, avait pensé un instant à arrêter le passage de ses troupes à Creil et Pont-Sainte-Maxence et à les faire filer sur la rive droite de l'Oise pour traverser la Seine à Poissy et ne porter, de là, au sud de Paris. Mais d'après les instructions de Blücher, Grolemann écrivit le 30 juin à Müffling que l'armée prussienne avait déjà commencé un mouvement pour passer sur la rive gauche de la Seine et qu'en conséquence l'armée anglaise devait continuer sa marche par Chantilly, Louvres et Gonesse afin de relever l'armée prussienne au nord de Paris. (Müffling à Gneisenau, Louvres, 30 juin, Grolemann à Müffling, Gonesse, 30 juin (Lettres citées par von Ollech, 362, 364).
[3] Rapport de Colomb (cité par von Ollech, 357). Colonel Régeaud à Davout, Saint-Germain, 30 juin, au matin et Paris, 30 juin, après-midi. Lanthounet à Davout, Versailles, 1er juillet. (Arch. Guerre.)
[4] Ordres de Blücher à Thielmann, 29 juin et 30 juin (cités par von Ollech, 361 et 366).
[5] Ordre de Wellington, 30 juin (Supplementary Dispatches, X, 636). Bülow à Ryssel, le Bourget, 1er juillet, 3 heures et demie (cité par von Ollech, 377). La relève complète du corps de Bülow ne fut opérée qu'à dix heures du soir.
[6] Rapport de Sohr à Blücher (entre Versailles et Vélizy), 1er juillet (cité par von Ollech, 379). Damitz, III, 99-100. Cf. La Brigade du colonel von Sohr (Revue de Cavalerie, septembre 1895).
[7] Rapports à Davout du colonel Régeaud, Paris, 30 juin ; d'Allix, Saint-Denis, 30 juin ; du maire de Colombes, 1er juillet. Ordre d'Exelmans, 1er juillet. (Arch. Guerre.)
[8] Allix à Davout, Saint-Denis, 1er juillet. Rapport de l'Observatoire de Montmartre, 1er juillet. (Arch. Guerre.)
[9] Comme on le verra plus loin, les réponses de Blücher et Wellington ne parvinrent à Davout que dans la soirée du 1er juillet.
[10] Ordre d'Exelmans, Montrouge, 1er juillet. (Arch. Guerre.) — L'ordre de Davout n'existe pas aux Archives de la Guerre. Il est probable qu'il était adressé à Vandamme et que celui-ci le transmit à Exelmans.
[11] Dans l'armée, au contraire, il semble que l'on croyait à une action générale dont le mouvement d'Exelmans devait être le prélude. Il y a des indices de cette opinion dans la brochure du général Fressinet (Appel aux générations, 16-18), dans les Souvenirs militaires du général Petiet (234), lequel ne fit d'ailleurs que reproduire littéralement, quant à cela, l'assertion de Fressinet, et dans le Consulat et l'Empire, de Thibaudeau (X, 459). En outre, Exelmans dans cet ordre du 1er juillet dit : Le général Hubert (division Piré) se liera par la droite avec les troupes du prince d'Eckmühl qui doivent passer par les ponts de Neuilly et de Saint-Cloud. On va jusqu'à dire que Davout, aussitôt après le départ d'Exelmans, donna contre-ordre à Vandamme, à Drouot et à d'Erlon qui, en conséquence, restèrent dans leurs cantonnements.
Malgré ces on-dit, malgré même le texte d'Exelmans, je maintiens que Davout, qui ne voulait combattre mita la dernière extrémité et qui niellait toute son espérance dans une réponse favorable à la demande d'armistice, écrite par lui-même quelques heures auparavant, n'était nullement résolu à engager eue action générale, le 1er juillet. Mais, il est possible qu'il y pensât pour le lendemain, au cas où l'armistice serait refusé. En admettant qui Exelmans, quand il a écrit : Les troupes du prince d'Eckmühl qui doivent passer la Seine, n'ait pas mal interprété les instructions de Davout, qu'il n'ait point pris un simple projet pour une décision ferme, on peut croire que si même les troupes de Drouot et de d'Erlon eussent passé les ponts ce jour-là, c'eût été, dans l'idée de Davout, non pour un combat mais pour une démonstration. Il n'y a d'ailleurs aux Archives de la Guerre aucune pièce portant, à la date du 1er juillet, ordre ou contre-ordre pour un passage de la Seine. Le général Hulot (rapport communiqué par le baron Hulot) dont la division, le 1er juillet, occupait Bellevue, point le plus avancé de la ligne de Vandamme, mentionne avait l'ordre de ne point quitter cette position. Pasquier (Mém., III, 304) dit : Davout était convenu avec Fouché d'éviter un engagement général. Enfin, aucun historien militaire, ni Jomini, ni Clausewitz, ni Damitz, ni von Ollech, n'admet que Davout eût ce jour-là la moindre velléité d'engager une bataille.
J'ajoute que le 1er juillet les Prussiens ne se trouvaient pas, il sen fallait de beaucoup, dans une situation aussi critique que le représentent, d'après des données l'inertes, Fressinet et Thibaudeau. Si Bülow était isolé au nord de Paris, il pouvait se replier sur l'armée anglaise dont l'avant-garde arriva à deux heures et demie au Bourget. (Bülow à Ryssel, le Bourget, 1er juillet, trois heures.) Quant aux corps de Zieten et de Thielman, ils étaient massés sous la forte position de Saint-Germain, leur gauche couverte par la boucle de la Seine, et ils pouvaient, s'il le fallait, se mettre en retraite sur la rive droite de ce fleuve par les ponts du l'œil et de Maison. Les Français, eux, débouchant de Neuilly et de Saint-Cloud, n'auraient en aucun passage pour se porter sur la rive droite de la Seine, les ponts de Bezons et de Chatou étant détruits.
[12] Ordre d'Exelmans, Montrouge, 1er juillet, et état des troupes sous les ordres d'Exelmans, le 1er juillet (Arch. Guerre.)
[13] Manuscrit de Jouvencel, maire de Versailles (Bibliothèque de Versailles).
[14] Rapport de Sohr à Blücher (entre Versailles et Vélizy), 1er juillet et rapport de Klinkowstroëm, colonel des hussards de Brandebourg (s. l. n. d.). (Cités par von Ollech, 379). Rapport d'Exelmans. (Moniteur, 3 juillet.) Cf. Damitz, II, 100-104.
[15] Rapport d'Exelmans et rapport de Klinkowstroëm (précités). Damitz, II, 104-105. Von Ollech, 383-384. Médard-Bonnard, Mém., II, 363-364. La brigade de hussards de Sohr. (Revue de Cavalerie, septembre 1895.)
[16] Rapport d'Exelmans (Moniteur, 3 juillet). Rectification de Piré au rapport d'Exelmans. Déposition du colonel Simoneau (du 1er chasseurs). Note sur la rectification de Piré. (Arch. Guerre, à la date du 1er juillet.) Rapport de Klinkowstroëm, colonel de hussards de Brandebourg (cité par von Ollech, 384.) Mme Vigée-Lebrun, Souv., II, 302. Cf. Damitz, II, 106-108, et Revue de Cavalerie, septembre 1895.
[17] Blücher, rapporte von Ollech (383), qualifia d'incroyable la destruction de la brigade de Sohr. Il faut bien remarquer, cependant, que cette brigade, forte, au début de la campagne, de 1.020 hommes, avait le 1er juillet tout au plus 750 sabres. Bien qu'elle ait été engagée ce jour-là contre le tiers à peine des troupes d'Exelmans, elle se trouva dans les deux actions, à Villacoublay comme à Rocquencourt, en grande infériorité numérique.
Le soir du 1er juillet, la division Piré et le 2e corps de cavalerie s'établirent en arrière de Versailles (ordre d'Exelmans, Versailles, 1er juillet, minuit. Arch. Guerre.) Le lendemain de bonne heure, ces troupes rentrèrent dans les lignes françaises, ramenant un grand nombre de chevaux et 437 prisonniers, parmi lesquels le lieutenant-colonel de Sohr, blessé à la cuisse, et le colonel Klinkowstroëm. (Etat des prisonniers rendus en vertu de la capitulation, 6 juillet. Arch. Guerre.)
[18] Macirone, Faits intéressants relatifs à la mort du roi Murat et à la capitulation de Paris, 38-42.
Wellington avait fait la même réponse, mais sous une forme moins tranchante, eus commissaires pour l'armistice. Partis de Paris, on l'a su, dans la nuit du 27 au 28 juin, ces commissaires, Boissy-d'Anglas, Flaugergues, Valence, Andréossy et La Besnardière, eurent deux entrevues avec Wellington le 20 juin : la première à Etrées, dans l'après-midi ; la seconde à Louvres, dans la soirée. Wellington leur dit en propres termes : Dès que la France aura un chef de gouvernement, la paix sera vite conclue. Avec Napoléon II, l'Europe ne pourrait jouir d'aucune sécurité. Les puissances ne prétendent point intervenir dans le choix du prince que pourrait faire la France, mais si ce prince était dans le cas d'alarmer la tranquillité de l'Europe, il serait nécessaire aux puissances d'obtenir des garanties. Seul Louis XVIII me semble réunir toutes les conditions qui empêcheraient l'Europe d'exiger des garanties pour sa sécurité. Sans le dire positivement, Wellington laissait entendre que ces garanties consisteraient en une cession de territoire. (Lettre des commissaires à Bignon, Louvres, 1er juillet, citée par Ernouf, 225-226. Cf. le rapport de Wellington à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet, Dispatches, XII, 529-531.)
C'est dans la première de ces entrevues que les plénipotentiaires français dirent que le gouvernement serait disposé à livrer Napoléon à l'Angleterre où ii l'Autriche. Wellington répondit : — Si telle est l'intention du gouvernement, il ferait bien niions de m'envoyer tout de suite Bonaparte, à moi ou au prince Blücher. Alors les commissaires hésitèrent et dirent que Napoléon devait être parti ou qu'il serait parti avant qu'ils ne pussent regagner Paris. La conversation en resta là.
[19] Lettre des plénipotentiaires pour l'armistice à Bignon, Gonesse, 30 juin, 1 heure ½ du matin. (Citée par Ernouf, 223). Dépêche de Wellington aux plénipotentiaires, quartier-général du prince Blücher (Gonesse, 29 juin, 11 heures ½ du soir et rapport à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet. Dispatches, XII, 322, 529-530).
[20] Les maréchaux Masséna, commandant la garde nationale, Soult et Lefebvre ; les généraux Mouton-Duvernet, commandant la 1re division militaire (en remplacement d'Andréossy, en mission), Gazan, de la Chambre des pairs, Duponthon, directeur des fortifications, et Evain, un des commandants en sous-ordre de l'artillerie. Cette convocation semble avoir été faite par Fouché seul, car il n'en est pas trace ni dans les procès-verbaux, ni dans la correspondance de la Commission de gouvernement, mais le procès-verbal du 1er juillet mentionne avec certains détails cette séance extraordinaire et cite les noms des personnages qui y assistaient.
Le choix de ces officiers généraux était quelque peu incohérent. Pourquoi Soult et pas Mortier, pourquoi Lefebvre et pas Moncey ? Pourquoi Gazan plutôt que Drouot, et Evain de préférence à Valée et à Neigre ?
[21] Lettre de Fouché, Paris, 1er juillet (citée par Davout, Mémoires manuscrits).
[22] Mémoires manuscrits de Davout. — Davout invoqua colonie prétexte à son abstention la nécessité où il se trouvait de rester parmi ses troupes ; mais ses réflexions sur la lettre de Fouché donnent à entendre clairement que le véritable motif était de n'avoir pas à énoncer son opinion devant le conseil.
D'après une note de Clément, du Doubs, secrétaire de la Chambre des représentants en 1815 (citée par Gab. de Chénier, Hist. du maréchal Davout, 607-613, par Mme de Blocqueville, le Maréchal Davout, IV, 176-181, et par Émile Montégut, le Maréchal Davout, 220-224), Davout aurait assisté à la séance du 1er juillet. Il y aurait même eu une altercation avec Thibaudeau qui semblait l'accuser de ne point vouloir combattre : — Je ne demande qu'à me battre, aurait répondu Davout avec emportement ; je suis prêt à livrer bataille dés demain, si le gouvernement m'y autorise. Et, Fouché lui ayant demandé s'il croyait pouvoir répondre de la victoire, Davout aurait dit : — Oui, monsieur le président, j'ai une armée de 73.000 hommes, pleins de cour et de patriotisme. Je réponds de la victoire et de repousser les armées anglaise et prussienne, si je ne suis pas tué dans les deux premières heures.
1° Davout dans ses Mémoires manuscrits dit formellement qu'il n'assista pas à cette séance.
2° Le procès-verbal de la Commission de gouvernement ne mentionne pas sa présence.
3° Carnot qui, lui, était présent, dit (Exposé de ma conduite politique, 41) : Le prince d'Eckmühl ne put se trouver là parce qu'il fallait qu'il fit tête à l'ennemi.
4° Thibaudeau, qui lui aussi assistait à la séance et qui en a fait le récit (X, 459-461), ne mentionne pas la présence de Davout, ni par conséquent sa prétendue altercation avec lui.
5° Le général Pellet qui se trouvait le 1er juillet sous les ordres du prince d'Eckmühl rapporte (Souvenirs, 239) que Davout ne put se trouver au conseil parce qu'il était à la tête des troupes.
6° Alphonse de Beauchamp, Fleury de Chaboulon et Villemain, seuls contemporains qui, sans en avoir été témoins, aient parlé avec détails de la séance du 1er juillet, n'y mentionnent point la présence de Davout.
[23] Procès-verbaux de la Commission de gouvernement, séance du 1er juillet. (Arch. nat., AF. IV, 1933.)
[24] Carnot, Exposé de ma conduite, 39-42. Notes de Ransonnet, aide de camp de Carnot, et lettre de Carnot à son frère, Magdebourg, s. d. (Papiers de Carnot, communiqués par le capitaine Sadi Carnot.) Cf. Thibaudeau, X, 460, le procès-verbal de la Commission de gouvernement et Mathieu Dumas, Mém., III, 582.
[25] Carnot, 42-43. Thibaudeau, X, 461.
[26] Procès-verbaux de la Commission de gouvernement, séance du 1er juillet. (Arch. nat., AF. IV, 1933.) Carnot, Exposé de ma conduite politique, 39-43. Thibaudeau, X, 460-461. Notes de Ransonnet, aide de camp de Carnot, et lettre de Carnot à son frère, Magdebourg, s. d. (Papiers de Carnot.)
[27] Procès-verbaux de la Commission de gouvernement, séance du 1er juillet. (Arch. nat., AF. IV, 1933.)
[28] Séance du 1er juillet. (Moniteur, 2 juillet.) — Saussey avait même ajouté : J'aurais bien une motion, plus grave que le salut public me dicterait, mais je la garde pour un autre moment ! et Bory-Saint-Vincent avait repris : Dans la situation vii nous sommes, le silence est un crime ! Mais tout cela n'émut pas la Chambre paralysée par sa foi aveugle en Fouché.
[29] Séance du 1er juillet. (Moniteur, 2 juillet.)
[30] Séance du 30 juin. (Moniteur, 1er juillet.)
[31] Les Jacobins, les Chambres, Carnot, sont encore dans leur entêtement. Plutôt mourir, plutôt perdre Paris que de rappeler les Bourbons ! Barante à sa femme, 29 juin (Souv., II, 163 et 157, 161). Les Chambres ont montré constamment la haine qui les animait contre la famille royale. L. de Massacré, Du Ministère, 4.
[32] Circulaire aux officiers généraux susnommés, Paris, 1er juillet. (Arch. nat., AF., IV, 908). Macdonald à Davout, Paris, 1er juillet. (Arch. Guerre). Cf. la délibération du 1er juillet de la Commission de gouvernement (Procès-verbaux des séances, Arch. nat., AF. IV, 1934) par laquelle il est prescrit à Davout de réunir les généraux commandants en chef l'artillerie et le génie et les généraux commandant les corps d'armée sous ses ordres qu'il estime susceptibles d'éclairer la délibération. Selon ces instructions, Davout ne devait donc pas convoquer les divisionnaires. Mais il y a doute pour les généraux commandent les corps de cavalerie : Exelmans, Milhaud, Kellermann, Pajol. En tout cas, il fut laissé libre de le faire ou de ne point le faire, car même parmi les commandants de corps d'armée il pouvait n'appeler que ceux qu'il croirait susceptibles d'éclairer la délibération. Pajol (Pajol, III, 268) dit que son père vint à la Villette ainsi qu'Exelmans. On peut l'admettre pour Pajol, mais non pour Exelmans qui, à minuit, était demeuré à Versailles au milieu de sa cavalerie. (Voir son ordre, Versailles, juillet, minuit. Arch. Guerre).
A remarquer que seul des maréchaux présents à Paris, Ney ne fut point convoqué. Ses paroles à la Chambre des pairs l'avaient tout à fait déconsidéré. Accusé de trahison, dit Caulaincourt (Sismondi, Notes sur les Cent-Jours, 6), il n'aurait plus été peut-être en sûreté au milieu de ses soldats. Aussi en aucun commandement ni dans la défense de Paris, ni dans la retraite derrière la Loire.
[33] Questions à poser au conseil de guerre. (Procès-verbaux de la Commission de gouvernement, séance du 1er juillet. (Arch. nat., AF. IV, 1933.)
[34] Journal manuscrit du général Valée (communiqué par M. le général de Salles).
[35] Journal manuscrit du général Valée (communiqué par le général de Salles). Note pour Carnot, s. d. (2 juillet). (Papiers de Carnot communiqués par le capitaine Sadi Carnot). Soult, Mém. justificatif, 30. Gazan à Clarke, 22 mars 1816 (Arch. Guerre, dossier de Ney). Mémoires manuscrits de Barras (communiqués par M. George Duruy). Thibaudeau, X, 461-162. Cf. F. de Chaboulon, II, 333-336 et Villemain, Souv., II, 460.
[36] Mémoires manuscrits de Davout (comm. par le général duc d'Auerstaedt). Cf. Déposition de Davout devant la Chambre des pairs, (Procès de Ney, II, 157) : J'avais une belle armée, bien disposée... Toutes les chances que peut prévoir un général en chef n'étaient favorables.
[37] Général Fressinet, Appel aux générations, 35. Mémoires manuscrits de Davout. Note à Carnot, précitée. Cf. F. de Chaboulon, II, 337. Villemain, Souv., II, 461.
[38] Selon Thibaudeau (X, 462), le conseil se sépara sans avoir formulé une délibération ; nombre d'officiers généraux étant partis, il fui dressé un procès-verbal des l'épouses qui fut signe par ceux qui étaient restés.
Cette assertion parait inexacte. Il n'y eut pas, à proprement parler, de procès-verbal régulier. Il y eut une simple réponse aux questions. Et cette réponse, dont l'original se trouve aux Archives nationales (AF. IV, 1936), est, entièrement de la main de Davout et elle est signée de lui seul. Elle est jointe à un billet de Davout ainsi conçu : 2 juillet, quatre heures du matin. Je vous transmets la réponse ans questions relatives à nos moyens de résistance, d'après le conseil qui a été tenu cette nuit.
[39] Dépense aux questions posées par la Commission de gouvernement, pièce signés de Davout et datée 2 juin [pour 2 juillet] trois heures du matin, (Arch. nat., AF. IV, 1930.)
On remarquera que dans cette pièce il n'est pas fait de réponse à la cinquième question : Existe-t-il des munitions suffisantes pour plusieurs combats ? question sur laquelle le général Valée avait donné des renseignements très rassurants. Je signale cette émission, duc sans doute à quelque inadvertance, sans en prétendre rien conclure.
[40] On a vu qu'en entrant en France Blücher et Wellington n'avaient plus que 145.000 ou 150.000 soldats. Comme ils avaient détaché pour les sièges des places du Nord le corps de Pirch (réduit à 20.000 hommes environ) et le corps du Prince Frédéric des Pays-Bas [16.000 hommes], ils leur restait à peine devant Paris, de 105.000 à 110.000 combattants, car ils avaient dû laisser encore en route un minimum de 5 pour 100 de leur effectif, malades, traînards et petits détachements, chargés de garder les lignes de communications.
[41] Mémoires manuscrits de Davout (communiqués par le général duc d'Auerstaedt).
[42] Davout à la Commission de gouvernement, quartier-général de la Villette, 2 juillet, 4 heures du matin. (Arch. nat., AF. IV, 1136.)
[43] Blücher à Davout, Gonesse, 1er juillet. (Cité par von Ollech, Geschichte des Feldzuges von 1815, 370-371.)
[44] Wellington à Davout. (Louvres), 1er juillet (Dispatches, XII, 524).
[45] Davout à Wellington, 1er juillet (Supplementary Dispatches, X, 645). — Cette lettre, datée du 1er juillet (Davout l'avait écrite avant la réunion du Conseil de guerre, comme s'il en préjugeait la décision !), ne fut envoyée que le 2, après que le prince d'Eckmühl l'eût soumise à la Commission de gouvernement. (Lettre de Davout à la Commission, 2 juillet, 4 heures du matin, Arch. nat., AF., IV, 1936).
[46] Minutes de Caulaincourt (2 juillet) ; dépêche de Bignon aux plénipotentiaires, Paris, 2 juillet ; lettres des plénipotentiaires à Bignon, Vaux d'Herland, 3 juillet. Citées par Ernouf, d'après les papiers de Bignon, La capitulation de Paris, 64-63, 253-254, 257.
[47] Macirone à Wellington, aux avant-postes anglais du Bourget, 3 juillet, 6 heures ½ du matin (Supplementary Dispatches of Wellington, X, 653). Cf. Macirone, Faits intéressants, 41-45. Mém. de Fouché, II, 436. Thibaudeau, X, 363-366.
[48] Les principales différences consistent dans la transposition des paragraphes. Ces changements, de nulle importance, peuvent s'expliquer par le désir de Fouché de paraître avoir pris la peine d'écrire deux lettres différentes.
[49] La lettre à Blücher est citée dans les Mémoires de la vie publique de M. Fouché, duc d'Otrante, pp. 104 à 111 ; la lettre à Wellington dans le tome X (p. 641-642) du Supplementary Dispatches of Wellington. — L'une et l'autre portent la date du 1er juillet, mais Fouché ne les écrivit vraisemblablement que le matin du 2 juillet, et, en tout cas, elles ne furent envoyées que dans l'après-midi de ce jour. Les lettres précitées de Bignon aux plénipotentiaires et de Macirone à Wellington ne laissent aucun doute à cet égard.
[50] Note de Tromelin au président de la Commission de gouvernement (Fouché), 3 juillet. (Arch. nat., AF, IV, 908.)
[51] Note de Fouché (2 juillet), citée par Macirone, Faits intéressants, 44-45.
[52] Macirone à Wellington, aux avant-postes du Bourget, 3 juillet, 6 heures 1/2 du matin. (Supplementary Dispatches of Wellington, X, 653.) — Retenu aux avant-postes anglais, Macirone s'était déterminé à envoyer à Wellington, au lieu de la porter lui-même, la lettre du duc d'Otrante. Il avait joint à cette lettre y seulement ostensible selon son expression, non point la note de Fouché, mais une lettre personnelle où il résumait et commentait cette note selon les instructions qu'il avait reçues. (Macirone, Faits intéressants, 45.)
[53] Ordres de Blücher pour le 2 juillet, Saint-Germain, 1er juillet. Ordre de Zieten, 1er juillet. Thielman à Steinmetz, Vélizy, 1er juillet (Cités par von Ollech, 386-388). Ordres de Wellington pour le 1er juillet, Louvres, 30 juin (Supplementary Dispatches, X, 636).
Dans cet après-midi du 2 juillet, il y eut des engagements entre les avant-postes français et anglais. (Rapports de l'Observatoire de Montmartre. Arch. Guerre.)
[54] Davout à Reille, la Villette, 2 juillet (Arch. Guerre). Davout à la Commission de gouvernement, barrière d'Enfer, 2 juillet (Arch. nat., AF, IV, 1936). — Ces différents mouvements ne furent achevés que dans la soirée. Pour les faciliter, ordre avait été donné de construire un pont de bateaux en face des Invalides. (Commission de gouvernement à Carnot-Feulins, 2 juillet, 9 heures du matin. Arch. nat., AF. IV, 1933.)
[55] Rapport du général Hulot (comm. par le baron Hulot). Steinmetz à Thielman, et Thielman à Steinmetz, 2 juillet, (cité par von Ollech, 388.) Cf. Ordre de Vandamme, 3 juillet, trois heures du matin (Arch. Guerre).
[56] Rapport du général Hulot (précité). Steinmetz à Thielman, 2 juillet, trois heures, (cité par von Ollech, 388). Cf. Damitz, III, 117-119.
[57] Rapports du colonel Trippe et du général de Pully, Boulogne, 4 juillet. (Collection H. Houssaye.) Damitz, III, 110. Cf. Von Ollech, 387.
[58] Thielman à Steinmetz, 2 juillet (cité par von Ollech, 388.) Gneisenau à Wellington, Versailles, 2 juillet dans la nuit. (Supplementary Dispatches, X, 651.) Rapport de Hulot, précité. Rapport de l'Observatoire de Saint-Sulpice, s. d. (2 juillet), cinq heures du soir. (Arch. Guerre.) Damitz, II, 119-123.
[59] C'est du moins ce qui semble résulter des ordres très détaillés de Blücher pour la journée du 3 juillet (cités par von Ollech, 393). — Sur la fatigue des troupes prussiennes, voir le rapport de Thielman à Blücher, Saint-Germain, 1er juillet (cité par von Ollech, 379) et von Ollech, 375 : Des soldats exténués restèrent sur les chemins.
C'était ce jour-là, 2 juillet, que Blücher, semble-t-il, était dans une position assez aventurée, et non, comme on l'a dit, le 1er juillet, où les corps de Zieten et Thielman étaient massés sous Saint-Germain, ne présentant nullement le flanc à une attaque des Français et ayant leur retraite assurée par les ponts du Pecq et de Maison.
[60] Ordre de Michel pour le 3 juillet, Versailles, 1er juillet (cité par von Ollech, 393).
[61] Gneisenau à Wellington, Versailles, 2 juillet (dans la nuit). (Supplementary Dispatches of Wellington, X, 651.) — Von Ollech (393) précise bien que les ordres pour le 3 juillet étaient déjà données, bereits ausgegeben, quand arriva la lettre de Wellington.
[62] Wellington à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet (Dispatches, XII, 529).
[63] Wellington, dans sa conférence avec Blücher, à Gonesse, pendant la nuit du 29 juin, lui parla en effet de cette demande d'armistice, mais sans insister nullement pour l'y faire consentir. Les deux généraux en chef d'accord pour la refuser, Wellington envoya aux commissaires français une réponse négative. (Wellington aux commissaires, Gonesse, 29 juin, 11 heures ½ du soir. Rapport à Bathurst, Gonesse, 2 juillet. Dispatches, XII, 522 et 529.)
[64] Post-scriptum de la lettre des commissaires à Bignon, Louvres, 1er juillet. Lettre des mêmes au même, Louvres, 1er juillet, 8 heures du soir. (Cités par Ernouf, 227, 229-230,) Wellington à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet. (Dispatches, XII, 529.)
[65] Saint-Denis et Montmartre sont fortifiés très fortement, le canal de l'Ourcq est rempli d'eau avec parapet et batteries. Je ne pense pas que nous puissions attaquer cette ligne. — J'espère que le prince Blücher sentira comme moi que c'est une nécessité de consentir à l'armistice. Wellington à lord Beresford, Gonesse, 2 juillet ; à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet, (Dispatches, XII, 529, et 533.) Cf. Lettre du même à Blücher, Gonesse, 2 juillet, et rapport à Wellington, 1er juillet. (Supplementary Dispatches, X, 650, 826) et Woodberry, Diary, à la date du 3 juillet : Paris est considéré par nos officiers du génie comme presque imprenable.
[66] Wellington aux commissaires français, Gonesse, 2 juillet, 7 heures du matin, 1 heures après-midi, et 9 heures et demie du soir. (Dispatches, XII, 528.)
[67] Wellington à Blücher, Gonesse, 2 juillet (dans la soirée). (Dispatches, XII, 526.)
[68] Gneisenau à Wellington, Versailles, 2 juillet (dans la nuit). (Supplementary Dispatches, X, 651.)
[69] Rapport de Tromelin au président de la Commission du gouvernement. s. l. n. d. (Paris, 3 juillet, au matin). (Arch. nat., AF. IV, 908.)
[70] Procès-verbaux de la Commission de gouvernement, séance du 2 juillet. Commission de gouvernement à Davout, 3 juillet, une heure du matin. Rapport de Bignon sur les négociations, s. l. n. d. (3 juillet) (Arch. nat., AF. IV, 1933 et AF. IV, 908.) Ernouf, la Capitulation de Paris (d'après les papiers de Bignon), 89-90. cf. La lettre de Zieten, citée plus loin.
[71] Von Ollech, 394. Damitz, II, 128-129. Ordre de Valée au colonel d'artillerie Duchand, Montrouge, 3 juillet, trois heures du matin. (Registre de corresp. de Valée.)
[72] Davout à Reille, Petit-Montrouge, 3 juillet, deux heures du matin. Dispositions générales de Vandamme, Petit-Montrouge, 3 juillet, trois heures du matin. Rapport de Milhaud, Maison-Blanche, 3 juillet. (Arch. Guerre.) Valée à Neigre, Montrouge, 3 juillet (Registre de corresp. de Valée).
[73] Von Ollech, 394. Damitz, II, 128-129. Wellington à Bathurst, Gonesse, 4 juillet. (Dispatches, XII, 541.) Rapport du général Hulot. (Comm. par M. le comte Hulot.)
Le général Vichery fut blessé dans cette attaque.
[74] Note de Bignon, citée par Ernouf, 93. Rapport de Bignon sur les négociations d'armistice s. l. n. d. (3 juillet) (Arch. nat. AF. IV, 908).
[75] Lettre de Zieten à Davout, s. l. n. d. (Citée par Ernouf, 94.) Rapport précité de Bignon. (Arch. nat., AF. IV, 908.)
[76] Rapport sur la position des armées, 3 juillet, huit heures du matin. (Arch. Guerre.)
[77] Note de Bignon, citée par Ernouf, 96. Grandier, sergent au 56e de ligne, à son frère, Paris, 4 juillet. (collection H. Houssaye.) Cf. Petiet, Souv., 241-242. Coignet, Cahiers, 414. Rapport de Réal, 3 juillet (Arch. nat., AF. IV, 1934), Drouot à Davout, Arthenay, 8 juillet (Arch. Guerre).
[78] Rapport de Bignon, s. l. n. d. (3 juillet) (Arch. nat., AF. IV, 908.) Note de Bignon (citée par Ernouf, 95-96). Blücher à Zieten [3 juillet, au matin]. (Cité par von Ollech, 395.)
Blücher, on l'a vu, avait eu quelques heures auparavant un entretien avec le général Tromelin et avait consenti à un armistice de vingt-quatre heures sans conditions. La nouvelle demande, faite par les Français, d'une suspension d'armes qui aurait pour conclusion la capitulation de Paris, ne pouvait donc que lui faire grand plaisir. Dans sa lettre à Zieten, il ne cache pas sa satisfaction.
[79] Rapport Tromelin à Fouché, s. l. n, d, (Paris, 3 juillet.) Arch. nat., AF. IV, 908.
[80] C. de W (Müffling), Histoire de la campagne de 1815, 51. Notes de Bignon (citées par Ernouf, 96, 100, 101, 107).
[81] Notes de Bignon (citées par Ernouf, 99-100) C. de W. (Müffling). 01-52. Cf. Wellington à lord Bathurst, Gonesse, 2 juillet et 4 juillet (Dispatches, X, 532-537, 541), et lettres des commissaires français à Bignon, Louvres, juillet (au matin) et 1er juillet, huit heures du soir (citées par Ernouf, 220-227, 229-230).
[82] Müffling, 52-53. Notes de Bignon et projet définitif de la convention du 13 juillet, cités par Ernouf, 100-109. Wellington à Castlereagh, 23 septembre (Dispatches, XII, 641.)
[83] ... Le sang de mes enfants a coulé par une trahison dont les annales du monde n'offrent pas d'exemple. Je dois donc excepter du pardon les instigateurs et les auteurs de cette trame horrible. Ils seront désignés à la vengeance des lois. Proclamation du roi, Cambrai, 28 juin.
Wellington avait reçu un exemplaire de cette proclamation. Il le remit aux commissaires français, qui l'envoyèrent à Paris où il arriva le 2 juillet. (Lettres des commissaires à Bignon, Louvres, juillet, et de Bignon aux commissaires, Paris, 2 juillet, citées par Ernouf, 225-226 et 252.)
[84] Notes de Bignon (citées par Ernouf, 99). Cf. Dépositions de Davout, de Bondy et de Guilleminot devant la Chambre des pairs. (Procès de Ney, II, 156, 158-159.)
Fouché comprenait la nécessité de rassurer ses collègues et les membres des Chambres et les officiers généraux dont plusieurs se sentaient très menacés. C'est pourquoi il avait prescrit d'insister pour l'adoption de l'article XII. Mais que cette garantie fut réelle ou seulement apparente peu lui importait pourvu qu'elle leur fit illusion pendant quelques jours. Si peut-être même il n'avait point voulu que la clause fut rédigée de façon à engager non seulement les Alliés mais le roi, c'était dans la crainte que Wellington ne la repoussât ; et c'est certainement ce qui serait advenu.
[85] Wellington à Bathurst, 4 et 13 juillet. (Dispatches, XII, 541, 557.)
[86] Notes de Bignon et projet du texte définitif de la convention du 3 juillet. (Cités par Ernouf, 100 à 109. Cf. Müffling, 53.)
[87] Procès-verbaux de la Commission de gouvernement (séance dit neuf heures du soir.) Arch. nat. AF. IV, 1033.) Message de la Commission aux Chambres, 3 juillet. (Arch. nat. AF. IV, 202.) Séance de la Chambre du 3 juillet (Moniteur, 4 juillet) et Choix de rapports et discours prononcés à la tribune nationale, XXI, 303-304. — Dans le registre de correspondance de la Commission de gouvernement, la convention et les proclamations du roi ne sont point citées parmi les pièces adressées à la Chambre avec le message. Mais le compte rendu de cette séance de nuit (dans le Choix des rapports et discours) mentionne expressément la réception de toutes ces pièces.
La Chambre était restée en séance, Lanjuinais ayant annoncé qu'il attendait une communication importante du gouvernement. Aucun historien n'a fait mention de celle séance de nuit à la Chambre, Le message de Fouché qui y fut lu n'était pas destiné à la publicité. En voici les passages essentiels : La Commission ne pouvait opposer aux armées étrangères que les négociations et les combats. Les négociations ont été suivies avec activité. Mais fit disproportion du nombre limite notre résistance. Elle doit s'arrêter au moment on elle me servirait plus qu'a compromettre l'élite de nos braves et le sort de la capitale... Toutefois, les négociations ne sont pas interrompues. Vous jugerez vous-mêmes de l'état des choses par les pièces que nous avons l'honneur de mettre sous les yeux de la Chambre. — Fouché voulait ainsi donner à entendre que les négociations continuaient au quartier-général des souverains pour les conditions de la paix, et que la capitulation de Paris n'était qu'un incident.
A la séance de nuit de la Commission de gouvernement, Fouché fit prendre plusieurs mesures en conséquence de la capitulation. On nomma Masséna gouverneur de Paris pour entrer en fonctions dès que Davout quitterait la ville avec l'armée ; on donna des ordres pour empêcher tout mouvement séditieux ; on visa enfin des propositions pour des grades et pour la Légion d'honneur.
[88] Rapports et discours, XXI, 303. — La Chambre des pairs que Fouché, avec raison, comptait pour rien, n'eut communication de ces pièces que le lendemain. (Moniteur, 5 juillet.)
[89] Séance de la Chambre du 3 juillet (Moniteur, 4 juillet).
[90] Séance de la Chambre du 4 juillet. (Moniteur, 5 juillet.) Cf. pour quelques différences dans les termes, Rapports et discours à la tribune nationale, XXI, 303-304, et Les deux Chambres de Buonaparte, 293-300.