I Le soir de la bataille de Ligny, l'empereur n'avait pas cru pouvoir poursuivre l'ennemi plus loin que la ligne Brye-Sombreffe. L'armée prussienne, dont l'aile droite et l'aile gauche se repliaient en assez bon ordre et qui continuait d'occuper ces deux villages par des détachements, semblait encore capable d'une sérieuse résistance. Il y avait à craindre la venue d'un corps de réserve débouchant par la route de Namur. Enfin Napoléon était sans nouvelles de son aile gauche. De toute la journée, le prince de la Moskowa ne lui avait pas envoyé une seule dépêche[1]. L'empereur savait par des avis indirects qu'il y avait eu combat aux Quatre-Bras. Mais le maréchal Ney avait-il été vainqueur ? Les présomptions étaient plutôt qu'il avait été contenu, sinon repoussé, puisque les ordres prescrivant un mouvement sur les derrières de l'armée prussienne n'avaient point été exécutés. C'étaient beaucoup de raisons pour ne point risquer l'aventure d'une poursuite de nuit[2]. L'empereur se contenta donc de prescrire à Grouchy qui, d'après ses instructions, était venu aux ordres à Fleurus vers onze heures, de faire suivre l'ennemi à la pointe du jour par les corps de cavalerie de Pajol et d'Exelmans[3]. Le 17 juin, vers sept heures du matin, Flahaut revint de Frasnes et fit à l'empereur, qui déjeunait, le récit de la bataille des Quatre-Bras[4]. A peu près à la même heure, on reçut au quartier-impérial une dépêche de Pajol, datée de Balâtre, quatre heures du matin, et portant qu'il suivait l'ennemi qui était en pleine retraite vers Liège et Namur. Pajol ajoutait qu'il avait déjà fait beaucoup de prisonniers[5]. Ainsi, entre sept et huit heures au plus tard, l'empereur était renseigné sur les Prussiens comme sur les Anglais. Les premiers se repliaient vers Liège et Namur ; les seconds tenaient encore leurs positions des Quatre-Bras. Ces renseignements étaient-ils cependant suffisamment complets et précis ? Etait-ce la masse de l'armée prussienne ou un corps isolé qui battait en retraite vers Namur ? Etait-ce une arrière-garde qui occupait les Quatre-Bras ou toute l'armée de Wellington ? Napoléon ne jugea pas qu'il fût assez bien informé pour prendre un parti. Grouchy était venu aux ordres ; il lui fit dire de l'attendre pour l'accompagner sur le champ de bataille de Ligny où il se disposait à aller voir les troupes[6]. En même temps, il fit écrire à Ney par Soult : ... L'empereur se rend au moulin de Brye où passe la grande route qui conduit de Namur aux Quatre-Bras. Il n'est donc pas possible que l'armée anglaise puisse agir devant vous. Si cela é lait, l'empereur marcherait directement sur elle par la route des Quatre-Bras, tandis que vous l'attaqueriez de front, et cette armée serait en un instant détruite. Ainsi instruisez Sa Majesté de ce qui se passe devant vous... L'intention de Sa Majesté est que vous preniez position aux Quatre-Bras ; mais si, par impossible, cela ne peut avoir lieu, rendez compte sur-le-champ, avec détails, et l'empereur s'y portera ainsi que je vous l'ai dît. Si, au contraire, il n'y a qu'une arrière-garde, attaquez-la et prenez position. La journée d'aujourd'hui est nécessaire pour terminer cette opération et pour compléter les munitions, rallier les militaires isolés et faire rentrer les détachements[7]. Les projets de l'empereur se bornent donc, pour la journée du 17, à l'occupation des Quatre-Bras par Ney et au ravitaillement de l'armée. Sans doute, si Wellington est resté en l'air aux Quatre-Bras, il profitera de ce coup de fortune pour marcher contre les Anglais et les exterminer ; mais il doute fort que son circonspect adversaire ait commis une pareille faute. Ney débusquera sans peine des Quatre-Bras l'arrière-garde qui s'y maintient encore, et l'armée française restera tout le jour immobile dans ses bivouacs. On pourrait employer mieux un lendemain de victoire. Aussi Napoléon ne persiste pas longtemps dans l'idée de laisser tant de repos à ses troupes, un tel répit à l'ennemi. C'était son intention à huit heures, comme en témoigne la lettre de Soult au maréchal Ney ; mais à huit heures et demie, avant de monter en voiture, il médite d'autres projets. Il envoie à Lobau l'ordre de porter au soutien de Pajol sur la route de Namur la division d'infanterie Teste avec sa batterie[8] ; il fait diriger vers les Quatre-Bras une reconnaissance de cavalerie, pour s'assurer si les Anglais occupent encore en forces cette position[9]. Il quitte le château de Fleurus, bien décidé à n'y plus rentrer. Déjà dans l'entourage impérial, on dit que l'on va suivre les Prussiens vers Namur et les Anglais vers Bruxelles[10]. L'empereur, en effet, a conçu cette double manœuvre, mais il n'en a pas encore déterminé le mode d'exécution. Il veut de nouveaux renseignements. Il va les attendre sur le champ de bataille de la veille, au milieu de ses soldats à qui il sait qu'il ne peut jamais trop se montrer. Un peu avant neuf heures, l'empereur monta en voiture[11]. Sa lourde berline cheminait à travers les sillons trop lentement et avec de rudes cahots. Il la quitta, si fatigué qu'il fût, dit Grouchy, et prit son cheval. Il parcourut Ligny, Saint-Amand, les abords de La Haye. Des blessés prussiens en grand nombre étaient restés pêle-mêle avec les cadavres. L'empereur leur parla, leur fit distribuer de l'eau-de-vie, quelque argent, et donna devant eux les ordres les plus précis pour qu'ils fussent relevés sans retard et pansés avec les mêmes soins que les Français. Un officier supérieur prussien gisait, horriblement mutilé, à la place même où il était tombé la veille. L'empereur appela un paysan qui se trouvait à quelques pas et lui dit d'un ton grave : — Crois-tu à l'enfer ? Le Belge, terriblement intimidé, balbutia un oui. — Eh bien ! si tu ne veux pas aller en enfer, prends soin de ce blessé que je te confie ; autrement, Dieu te fera brûler ; il veut qu'on soit charitable. La recommandation, conclut un des témoins de cette scène, n'était pas inutile, car autant les Belges mettaient d'empressement à soigner nos blessés, autant ils montraient de répulsion à secourir les Prussiens qui s'étaient fait haïr[12]. Arrivé à la hauteur du moulin de Bussy, l'empereur passa devant le front des troupes rangées sans armes à la tête des bivouacs. Il s'arrêtait pour féliciter les chefs de corps, les officiers, les soldats. Ces derniers poussaient à sa vue des acclamations si retentissantes qu'elles furent entendues à plus de trois kilomètres par le général von Graben en observation devant Tilly[13]. Cette tournée, achevée, l'empereur mit pied à terre et s'entretint assez longuement avec Grouchy et plusieurs généraux de l'état de l'opinion à Paris, du Corps législatif, de Fouché, des Jacobins. Quelques-uns de ses auditeurs admiraient la liberté d'esprit qu'il conservait en des circonstances si graves ; d'autres étaient un peu inquiets de le voir perdre son temps à parler politique, égarant sa pensée sur des objets étrangers à ceux qui semblaient devoir l'occuper exclusivement. Grouchy n'osait cependant pas pressentir l'empereur sur les opérations projetées pour la journée. Déjà au départ de Fleurus, il lui avait demandé des ordres, et Napoléon avait répondu avec humeur : — Je vous les donnerai quand je le jugerai convenable[14]. II L'empereur n'est pas si absorbé par les menées des libéraux de la Chambre qu'il en oublie l'ennemi. Il a reçu de nouveaux renseignements. C'est d'abord une lettre de Ney, portant que les Anglais, en position en avant des Quatre-Bras, tiennent le bois de Bossu, Gémioncourt, Piraumont, et montrent huit régiments d'infanterie et deux mille chevaux[15]. Ces masses, l'empereur ne saurait en douter, sont non une arrière-garde, mais la première ligne de Wellington, présent avec son armée. Peu après, entre dix et onze heures, l'officier commandant la reconnaissance envoyée vers les Quatre-Bras rapporte que les Anglais occupent encore ce point, leur gauche couverte par de la cavalerie avec laquelle il a eu un engagement[16]. Il arrive aussi des informations sur la retraite des Prussiens. Une dépêche de Pajol apprend qu'il s'est emparé, en avant du Mazy, sur la route de Namur, de huit pièces de canon et de nombreuses voitures[17] ; une dépêche d'Exelmans fait connaître qu'il marche avec ses deux divisions de dragons et ses batteries à cheval sur Gembloux, où l'ennemi s'est massé[18]. Il était à peu près onze heures. L'empereur prit enfin ses dispositions définitives. Il prescrivit à Lobau de porter le 6e corps[19] à Marbais afin de seconder l'attaque du maréchal Ney sur les Quatre-Bras en débordant le flanc gauche des Anglais : Drouot reçut l'ordre de faire suivre le mouvement par toute la garde[20]. L'empereur dit dors au maréchal Grouchy : — Pendant que je vais marcher aux Anglais, vous allez vous mettre à la poursuite des Prussiens. Vous aurez sous vos ordres les corps de Vandamme et de Gérard, la division Teste, les corps de cavalerie de Pajol, d'Exelmans et de Milhaud[21]. Dès le premier instant, Grouchy sentit le poids plus que l'honneur de cette mission. Au cours de sa longue carrière, il n'avait jamais exercé un si grand commandement. C'était comme général de cavalerie qu'il avait accompli ses beaux faits d'armes et conquis sa renommée. Il avait le coup d'œil du champ de bataille, la vision lucide et prompte des points faibles, la conception des mouvements soudains et décisifs. Mais il était l'homme d'une seule heure, d'une seule manœuvre, d'un seul effort. Tacticien, mais tacticien momentané, local et spécial, il n'était point fait pour la conduite et les responsabilités des opérations stratégiques. Le pis, c'est qu'il avait conscience de son infériorité comme commandant d'armée agissant isolément. Ce sentiment allait le paralyser. En outre, il savait ou il soupçonnait que Gérard et surtout Vandamme, dont il connaissait le caractère intraitable, étaient mécontents de se trouver sous ses ordres. Quelle autorité aurait-il sur des lieutenants qui manquaient de confiance en lui ? Maréchal de France, Grouchy ne pouvait cependant, ni même ne voulait, par respect pour soi-même, décliner la mission dont il augurait déjà les difficultés et les périls. Un refus était au fond de sa pensée ; il n'osa pas le formuler[22]. Si, comme il le prétend, il fit observer à l'empereur que les Prussiens, ayant commencé leur retraite dans la nuit ou à la pointe du jour, il allait être bien difficile de retrouver leurs traces et de s'opposer à leurs desseins[23], Napoléon ne dut pas manquer de lui répliquer quelque chose comme ceci : Pajol[24] est en marche à la suite de l'ennemi depuis trois heures du matin ; il lui a pris, dès cinq ou six heures sur la route de Namur, des hommes, des bagages et du canon. Exelmans[25], qui a suivi un corps d'infanterie prussienne massé à Gembloux, a certainement maintenant retrouvé le contact. Donc, si les têtes de colonnes de Blücher peuvent avoir huit ou dix heures d'avance sur vous, votre cavalerie talonne les arrière-gardes. Il est même très possible que l'empereur ait ajouté, comme l'affirme Grouchy : — Toutes les probabilités me portent à croire que c'est sur la Meuse que Blücher effectue sa retraite. Ainsi dirigez-vous de ce côté[26]. Les rapports de Pajol et d'Exelmans semblaient, en effet, confirmer la présomption que selon les principes de la stratégie les Prussiens se repliaient sur leur base d'opérations. Grouchy parti pour donner ses ordres, l'empereur réfléchit qu'il fallait plus de cavalerie avec la fraction principale de l'armée. Il se détermina à reprendre à son lieutenant la division Domon, du corps de Vandamme, et le corps de cuirassiers de Milhaud. En l'absence du major-général, qui était encore au quartier-impérial de Fleurus[27], il dicta à Bertrand un ordre pour Grouchy, enjoignant à celui-ci de diriger sans retard sur Marbais ces trois divisions de cavalerie[28]. Peu d'instants après — il pouvait être onze heures et demie
ou onze heures trois quarts —, l'empereur crut devoir développer et préciser
par écrit les instructions verbales qu'il venait de donner au maréchal
Grouchy[29].
Soult n'était pas encore arrivé. Bertrand prit de nouveau la plume et écrivit
sous la dictée de l'empereur : Rendez-vous à
Gembloux avec les corps de cavalerie des généraux Pajol et Exelmans, la
cavalerie légère du 4e corps, la division Teste et les 8e et 4e corps
d'infanterie. Vous vous ferez éclairer dans la direction de Namur et de
Maëstricht, et vous poursuivrez l'ennemi. Eclairez sa marche et
instruisez-moi de ses mouvements de manière que je puisse pénétrer ce qu'il
veut faire. Je porte mon quartier-général aux Quatre-Chemins, où ce matin
étaient encore les Anglais. Notre communication sera donc directe par la
route pavée de Namur. Si l'ennemi a évacué Namur, écrivez au général
commandant la 2e division militaire à Charlemont de faire occuper cette ville
par quelques bataillons de garde nationale. Il est important de pénétrer ce
que veulent faire Blücher et Wellington et s'ils se proposent de réunir leurs
armées pour couvrir Bruxelles et Liège en tentant le sort d'une bataille.
Dans tous les cas, tenez constamment vos deux corps d'infanterie réunis dans
une lieue de terrain, ayant plusieurs débouchés de retraite ; placez des
détachements de cavalerie intermédiaires pour communiquer avec le
quartier-général[30]. D'après cette lettre, le maréchal Grouchy devait : 1° concentrer toutes ses forces à Gembloux, point intermédiaire entre Namur, Liège et Wavre ; 2° s'éclairer vers Namur et Maëstricht, directions de retraite de l'ennemi probables mais non certaines ; 3° se mettre sur les traces des Prussiens et pénétrer leurs desseins en les poursuivant ; 4° savoir si Blücher avait pour objectif de se réunir aux Anglais. — Sans doute, l'empereur ne traçait pas à son lieutenant, autant qu'il l'aurait fallu, la conduite à tenir dans toutes les éventualités ; mais il ne pouvait douter que Grouchy, qui par sa position même, sur le flanc de l'armée, était manifestement destiné à la couvrir contre un retour offensif, ne manœuvrât de façon à s'en faire le bouclier. Napoléon avait pourvu à Blücher. Restait Wellington. Il fit écrire à Ney par Soult, qui venait de rejoindre l'état-major impérial, qu'il eût à attaquer les Anglais sur-le-champ, et que lui-même allait le seconder[31]. Il était midi. Les têtes de colonnes devaient avoir atteint Marbais. L'empereur remonta à cheval et prit la route des Quatre-Bras, où marchaient, ardents à combattre, les soldats de Lobau, toute la garde, les divisions Domon et Subervie et les cuirassiers de Milhaud. III Napoléon, Soult, Grouchy, tout l'état--major pensaient que les Prussiens faisaient retraite vers la Meuse ; c'était vers la Dyle. La veille, à la nuit close, tandis que leurs troupes se ralliaient entre la route de Namur et la Voie romaine, Zieten, Pirch Ier, et d'autres généraux, ne recevant plus aucun ordre, étaient accourus à Brye ; ils croyaient y trouver Blücher. En ce moment, les dragons, qui avaient ramassé le feld-maréchal sur le champ de bataille, l'amenaient tout meurtri de sa chute et à demi évanoui dans une chaumière de Mellery. Son état-major n'avait aucune nouvelle de lui ; on ignorait s'il était prisonnier ou libre, mort ou vivant. La consternation régnait ; tous les regards se fixaient, anxieux, sur Gneisenau, à qui, Blücher absent, appartenait le commandement en raison de son ancienneté de grade. Quel parti allait-il prendre ? Voudrait-il abandonner ses lignes de communications sur Namur pour tenter de nouveau de se réunir aux Anglais par une marche parallèle ? Se résignerait-il, pour se replier sur sa base d'opérations, à laisser Wellington seul contre l'armée française et à bouleverser le plan de campagne arrêté depuis deux mois ? Gneisenau se tenait à cheval au milieu du chemin qui rejoint au nord de Brye la route de Namur ; à la clarté de la lune, il consultait malaisément sa carte. Après un court examen, il dit : — En retraite sur Tilly et Wavre[32]. Quelques jours plus tard, Wellington écrivit emphatiquement au roi des Pays-Bas : Ce fut le moment décisif du siècle[33]. De même, les historiens militaires allemands ont exalté la retraite sur Wavre à l'égal des plus belles conceptions stratégiques. Il faut en rabattre. Cette détermination marque chez Gneisenau la fermeté dans les revers et l'intelligence des nécessités de la guerre ; mais quand il prescrivit ce mouvement, il n'en prévoyait certainement pas les immenses conséquences. Il n'avait pas dès alors le projet de rejoindre l'armée anglaise pour couvrir Bruxelles. S'il pensait qu'à Wavre les Prussiens pourraient se retrouver en rapport d'opérations avec les Anglais, il n'était nullement assuré que se présenterait cette circonstance, qui était subordonnée à la ligne de retraite que choisirait Wellington et à d'autres éventualités encore. Il ne comptait pas, en tout cas, reprendre l'offensive trente-six heures après sa défaite[34]. C'est surtout comme position d'attente, comme point de concentration, qu'il indiqua Wavre, dont la Dyle rendait la défense facile. Le mouvement n'était pas si audacieux que les Allemands l'ont prétendu. Si Gneisenau abandonnait ses lignes de communications sur Namur et Liège, il allait s'en ouvrir de nouvelles par Tirlemont et Louvain sur Maëstricht, Cologne, Wezel, Munster, Aix-la-Chapelle. Dès la matinée du 17 juin, on envoya des estafettes dans ces diverses places pour en faire venir des munitions, et l'ordre fut transmis à Liège de diriger le parc de siège sur Maëstricht[35]. Gneisenau n'avait donc point rompu les ponts derrière lui, comme le dit le général von Ollech[36], ou plutôt il les avait rompus, mais avec la certitude d'en établir d'autres le lendemain. Les corps de Zieten et de Pirch Ier vinrent bivouaquer entre Tilly, Mellery et Gentinnes ; trois bataillons de Jagow restèrent en grand'garde à Brye, sous le commandement du quartier-maître général Grolemann. L'avis de la retraite sur Wavre fut envoyé à Thielmann, qui avait replié ses troupes au nord de Sombreffe, tout en continuant d'occuper cette position par un fort détachement, et à Bülow qui, sachant déjà la bataille perdue, avait arrêté son corps d'armée sur la Voie romaine, la tête à Baudeset. En arrivant à Mellery, Gneisenau y retrouva Blücher. Il était couché sur de la paille dans une chaumière écartée, prenant de temps à autre quelques gorgées de lait[37]. Le 17, au point du jour, toute l'armée décampa. Les corps de Zieten et de Pirch, que venaient de rallier les trois bataillons de grand'garde à Brye, gagnèrent Wavre par Gentinnes, Villeroux et Mont-Saint-Guibert ; le colonel de Sohr fut laissé provisoirement derrière Tilly avec deux régiments de cavalerie. Arrivé devant Wavre entre onze heures et midi, Zieten fit passer ses troupes sur la rive gauche de la Dyle et les établit à Bierges et alentour. Pirch arrêta les siennes sur la rive droite ; elles bivouaquèrent entre Aisemont et Sainte-Anne[38]. De Sombreffe, Thielmann se porta d'abord à Gembloux ; jugeant ses troupes très fatiguées, il prit position un peu au-delà de ce village et, fort imprudemment, resta immobile depuis sept heures du matin jusqu'à deux heures après midi. Ii reprit enfin sa marche, passa par Corbais, traversa seulement à huit heures le pont de Wavre et vint camper à la Bavette (une demi-lieue au nord de Wavre). La cavalerie de Lottum et la division Borke, qui formaient l'arrière-garde de ce corps, n'arrivèrent même en vue de Wavre que longtemps après minuit ; elles durent bivouaquer sur la rive droite de la Dyle[39]. Bülow, dont les troupes étaient en colonne sur la Voie romaine, avait ordre de s'établir à Dion-le-Mont (une lieue au sud-est de Wavre). Il marcha assez lentement. A dix heures du soir, son mouvement n'était pas encore achevé[40]. IV La retraite de la grand'garde prussienne établie à Brye, et par conséquent des corps de Pirch et de Zieten, échappa absolument à l'attention des vedettes en position devant le moulin de Bussy. De toute la matinée, les petits-postes de cavalerie ne firent aucun mouvement, pas une reconnaissance, pas même une patrouille[41]. A la droite française, vers Tongrinne, les hussards de Pajol se montrèrent plus vigilants. Dès deux heures et demie du matin, ils avertirent leur général que l'ennemi quittait ses positions. Pajol lit aussitôt monter à cheval les deux régiments qu'il avait conservés sous son commandement immédiat[42] et s'élança à la poursuite des Prussiens sur la route de Namur. C'était malheureusement une fausse direction. Il croyait être sur les traces du corps de Thielmann ; il suivait des traînards, un convoi de parc, une batterie égarée[43]. Au-delà du Mazy, vers cinq ou six heures du matin, il atteignit cette colonne, sabra un escadron du 7e uhlans qui s'y était joint, prit les canons et les voitures. Il ne poussa guère plus loin que les Isnes sur la route de Namur, n'y voyant plus rien. Fort incertain de ce qu'il devait faire, il envoya des reconnaissances dans diverses directions et s'arrêta de sa personne à la croisée de la grande route et du chemin de Saint-Denis. A midi seulement, informé par de faux rapports que l'ennemi battait en retraite non sur Namur, mais sur Saint-Denis et Leuze, c'est-à-dire sur Louvain, il se dirigea de ce côté. Grâce à l'arrivée du 1er hussards, qui avait rejoint vers neuf heures, et de la division Teste, que venait de lui envoyer l'empereur, ses forces s'élevaient alors à trois régiments de cavalerie, quatre régiments d'infanterie et deux batteries[44]. La brigade de dragons de Berton, du corps d'Exelmans, s'était mise en mouvement peu après que l'arrière-garde de Thielmann avait évacué Sombreffe. Mais au lieu d'entrer dans ce village et de prendre la route de Gembloux, Berton s'engagea à la suite de Pajol, sur la route de Namur. D'ailleurs, il ne dépassa pas le ruisseau de l'Orneau, des paysans lui ayant dit que l'armée prussienne battait en retraite par Gembloux et qu'il y avait encore là beaucoup de troupes. Berton s'empressa de transmettre cet avis au général Exelmans et attendit de nouvelles instructions. Il aurait dû le communiquer aussi à Pajol, qui se trouvait à 1.500 mètres en avant de lui. L'ordre de se porter sur Gembloux parvint assez vite à Berton. Il reprit sa marche et arriva devant le village à neuf heures. Des vedettes prussiennes se tenaient sur la rive gauche de l'Orneau ; au-delà de Gembloux, on apercevait des masses ennemies au repos[45]. Bientôt Exelmans, amenant ses trois autres brigades de cavalerie, rejoignit Berton. Il estima assez judicieusement à 20.000 hommes les Prussiens bivouaqués derrière Gembloux. Il avait plus de 3.000 dragons et deux batteries à cheval ; et Pajol se trouvait à six kilomètres sur la droite avec 1.400 hussards, 3.000 fantassins et deux batteries. Exelmans ne pensa point à l'avertir que les Prussiens occupaient Gembloux, avis qui eût épargné à son camarade une marche excentrique de vingt kilomètres (aller et retour) dans la direction de Leuze[46]. Il ne fit aucune démonstration pour contraindre les Prussiens à démasquer leurs projets. Il ne tira pas un coup de canon sur ces masses, pas même un coup de fusil contre les vedettes. Il se borna à observer l'ennemi[47] — très distraitement, comme on verra plus loin. Enfin, négligence en vérité impardonnable, il omit de prévenir tout de suite Grouchy, ou l'empereur, qu'il était en présence d'un des corps de Blücher[48]. Malgré ces fautes, les choses n'étaient point gravement compromises. A midi, au moment où l'empereur réitérait par écrit à Grouchy l'ordre de poursuivre les Prussiens, leur armée se trouvait divisée. Les corps de Zieten et de Pirch étaient concentrés à Wavre, le corps de Bülow, en marche de Baudeset, n'avait pas encore dépassé Walhain[49], le corps de Thielmann faisait halte près de Gembloux, à portée du canon d'Exelmans. L'inattention des vedettes françaises, l'insouciance des officiers commandant les grand'gardes, le temps perdu dans la matinée, les fausses indications sur la ligne de retraite des Prussiens, tout pouvait être réparé si Exelmans était vigilant et actif et si Grouchy hâtait sa marche et comprenait bien sa mission. V En quittant l'empereur, vers onze heures et demie, près du
moulin de Bussy, Grouchy envoya par le colonel de Blocqueville l'ordre au
général Vandamme, à Saint-Amand, de porter promptement le 3e corps au Point-du-Jour,
intersection des routes de Namur et de Gembloux. En même temps, il dépêcha à
Exelmans vers Gembloux un autre aide de camp, le capitaine Bella, pour avoir
des nouvelles[50].
Il se rendit ensuite à Ligny, voulant donner lui-même ses instructions à
Gérard. Chemin faisant, il croisa le maréchal. Soult qui allait rejoindre
l'état-major impérial. Il eut avec lui un court entretien qui porta seulement
sur les divisions de cavalerie que, d'après le premier ordre de Bertrand,
qu'il venait de recevoir, il devait détacher de son armée et diriger sur
Marbais[51].
Quand il se fut éloigné, Soult dit à l'un de ses aides de camp : — C'est une faute de distraire une force aussi considérable
de l'armée qui va marcher contre les Anglais. Dans l'état où leur défaite a
mis les Prussiens, un faible corps d'infanterie, avec la cavalerie d'Exelmans
et de Pajol, suffirait pour les suivre et les observer[52]. Soult, qui
d'ailleurs s'abusait sur le désarroi de l'armée prussienne, blâmait la trop
grande force du détachement mis sous les ordres de Grouchy, mais il ne
critiquait pas la direction donnée à la poursuite de l'ennemi. A Ligny, Grouchy trouva Gérard de méchante humeur. Il était, paraît-il, fort dépité de n'avoir pas reçu le bâton de maréchal à la suite de la bataille, et sans doute assez mécontent de se voir détaché sous les ordres de Grouchy[53]. Conformément à la seconde dépêche de Bertrand, qui lui était parvenue, le maréchal donna l'ordre à Gérard de suivre le 3e corps sur Gembloux[54]. Il ne semble pas, quoi qu'en dise Grouchy, que l'irritation de Gérard ait entraîné ce dernier à différer dans une mauvaise intention le mouvement prescrit[55]. Pour mettre ses troupes en marche, il était bien forcé d'attendre que tout le corps de Vandamme eût achevé de défiler. Or l'écoulement d'un corps d'armée de trois divisions d'infanterie avec artillerie, génie et train, durait au moins une heure à cette époque où les distances entre les divers éléments de la colonne étaient cependant moindres qu'aujourd'hui. S'il y eut des retards dans le départ du 4° corps, la faute en incombe à Grouchy lui-même. Les 3e et 4° corps devant suivre la même route, et le corps de Vandamme se trouvant à Saint-Amand-la-Haye, à 2.000 mètres à vol d'oiseau sur la gauche de Ligny où était bivouaqué le corps de Gérard, c'est Gérard et non Vandamme que Grouchy aurait dû mettre d'abord en marche. On eût gagné ainsi plus d'une heure. On a dit que Grouchy voulait ménager l'amour-propre de Vandamme, dont il redoutait le mauvais caractère. Belle raison ! Il fallait que Grouchy se sentît bien peu d'autorité ! La veille et l'avant-veille, à l'aile gauche, le 2e corps avait formé tête de colonne au lieu du 1er corps ; et dans la garde on marchait toujours la gauche en tête, sans que les grenadiers en fussent humiliés. Le corps de Vandamme chemina avec une lenteur vraiment incroyable. De Saint-Amand au Point-du-Jour, par Ligny et Sombreffe, il y a 6.300 mètres. Or la tête de colonne du 3° corps, qui avait levé ses bivouacs de Saint-Amand avant midi, atteignit le Point-du-Jour au plus tôt à trois heures. On avait donc marché à l'allure de deux kilomètres à l'heure[56]. Grouchy arriva au Point-du-Jour à peu près en même temps que la tête de colonne de Vandamme[57]. Ce qu'il avait fait depuis l'instant où il avait quitté Gérard à Ligny, distant du Point-du-Jour de moins d'une lieue, on ne peut se l'expliquer. En tout cas, il n'avait pas songé à envoyer quelques escadrons en reconnaissance vers Gentianes[58]. L'empereur lui avait pourtant dit : C'est à vous de retrouver les traces de l'ennemi[59]. Au Point-du-Jour, ou à Sombreffe, l'aide de camp Bella, de retour de sa mission près d'Exelmans, rejoignit Grouchy[60] ; Exelmans lui avait remis à Gembloux, entre une heure et deux heures, une lettre pour le maréchal, portant qu'il observait l'armée ennemie massée sur la rive gauche de l'Orneau, et qu'il suivrait les Prussiens dès qu'ils se mettraient en marche[61]. Cet avis si important, il fallait se hâter d'en profiter. Grouchy devait courir au triple galop à Gembloux, voir de ses yeux ce qui se passait et diriger, en personne, lui si bon manœuvrier de cavalerie, les mouvements des quatre brigades de dragons. Il se contenta de s'y acheminer au petit pas avec tout le corps de Vandamme que suivait, le corps de Gérard[62]. Les troupes continuaient à marcher très lentement. Il y a sept kilomètres du Point-du-Jour à Gembloux. Vandamme y arriva seulement à sept heures[63], Gérard à neuf[64]. Nonobstant la marche traînante de ces corps d'armée, ils auraient pu atteindre Gembloux deux heures plus tôt et simultanément, si Grouchy leur eût prescrit de se porter sur ce village en deux colonnes. Gérard aurait pris le chemin du Point-du-Jour, Vandamme aurait gagné la Voie romaine au-dessus de Sombreffe. Le corps de Thielmann était parti depuis longtemps, et Exelmans, dont les vedettes n'étaient séparées de celles de l'ennemi que par le ruisseau de l'Orneau[65], avait laissé filer les Prussiens sur sa gauche sans s'apercevoir à temps de leur retraite[66]. À deux heures, Thielmann avait levé ses bivouacs du nord de Gembloux ; à trois heures seulement, Exelmans entra dans le village avec les dragons[67]. Les Prussiens n'étaient pas encore bien loin. Il aurait pu reprendre le contact qu'il avait perdu par sa faute. Il ne sut pas réparer son très coupable manque de vigilance. Au lieu de pousser des partis dans toutes les directions et de suivre avec le gros de ses forces celui qui aurait retrouvé les traces de l'ennemi, il alla simplement prendre position à Sauvenière, à une petite lieue au nord de Gembloux, satisfait d'avoir capturé près de là un parc de quatre cents bœufs[68]. Pendant cet après-midi, Grouchy avait montré peu d'activité ; l'inertie d'Exelmans le paralysa tout à fait. Il remit au lendemain la poursuite des Prussiens. Le corps de Vandamme avait fait seulement treize kilomètres et le corps de Gérard à peine dix. Or, bien qu'on eût encore près de deux heures de jour, Grouchy arrêta ses troupes. Il fit bivouaquer l'infanterie de Vandamme autour de Gembloux et celle de Gérard en arrière de ce village[69]. Le maréchal a allégué comme excuses le mauvais état des chemins et la pluie qui tombait à torrents[70]. Mais du côté de Wavre et de Dion-le-Mont, les chemins n'étaient pas meilleurs, et les Prussiens marchaient sous la pluie battante. Exelmans, cependant, s'était déterminé vers six heures à envoyer à la découverte la brigade Bonnemains sur Sart-à-Walhain et le 15e dragons sur Perwez[71]. Bonnemains dépassa Sart-à-Walhain et jeta des partis vers Nil-Saint-Vincent et Tourinnes. Ce dernier village était encore occupé par une arrière-garde prussienne. Après avoir observé pendant près d'une heure cette infanterie, qui ne bougeait pas, les dragons rétrogradèrent ; ils s'établirent au bivouac à Ernage. Là vers dix heures, un paysan vint rapporter à Bonnemains que l'ennemi avait évacué Tourinnes, se dirigeant vers Wavre. Bonnemains en rendit compte. De retour de Perwez, le colonel du 15e dragons fit savoir aussi que les troupes prussiennes en retraite marchaient sur Wavre[72]. Ces rapports ne parvinrent à Grouchy que fort avant dans la nuit. Mais, dès six heures, il savait par une lettre de Pajol que la colonne ennemie, qui avait semblé d'abord se diriger sur Namur, marchait vers Louvain[73]. Et, entre sept et huit heures, il avait lui-même recueilli à Gembloux des renseignements importants. Si ces informations ne concordaient pas toutes, si, selon quelques-unes, les Prussiens s'acheminaient par Perwez sur Liège ou Maëstricht, selon la plupart ils se dirigeaient sur Wavre pour rejoindre Wellington vers Bruxelles[74]. De la dépêche de Pajol et de l'ensemble des renseignements donnés par les habitants de Gembloux il résultait donc : en premier lieu, que l'ennemi ne battait pas en retraite sur Namur, comme on l'avait cru le matin ; en second lieu, qu'il marchait soit sur Louvain, Maëstricht ou Liège, soit sur Wavre, mais bien plus vraisemblablement sur ce point, et avec le dessein de se réunir à l'armée anglaise. Dans ces circonstances, il fallait en tout cas se diriger sur Wavre, car si les Prussiens se repliaient vers Liège, Maëstricht ou Louvain, ils se mettaient eux-mêmes hors de cause pour deux jours au moins, tandis que, s'ils se ralliaient à Wavre en vue d'une jonction avec l'armée de Wellington, il y avait danger imminent pour l'empereur. Donc Grouchy devait et pouvait[75], dès huit heures du soir, porter la cavalerie d'Exelmans à Walhain et à Sart-à-Walhain, le corps de Vandamme à Ernage et le corps de Gérard à Saint-Géry. Non seulement, par ce mouvement, il eût établi son armée dès le soir même à une lieue plus près de Wavre, mais en faisant doubler incontinent le 4e corps sur le 3e pour le porter à Saint-Géry, il se fût donné la faculté de marcher le lendemain, sans perte de temps, en deux colonnes parallèles. De plus, à Saint-Géry, le 4e corps se serait trouvé tout placé pour gagner rapidement Mont-Saint-Guibert et les ponts de Mousty et d'Ottignies si Grouchy, au soleil levant, avait cru devoir se diriger sur Wavre par la rive gauche de la Dyle. Grouchy ne comprit pas que Wavre était son objectif immédiat et qu'il devait sacrifier l'espoir douteux d'atteindre les Prussiens, s'ils battaient en retraite vers Liège, à la nécessité de couvrir le flanc de l'armée impériale s'ils manœuvraient pour rejoindre les Anglais. A dix heures du soir, il écrivit à l'empereur : ... Il paraît, d'après tous les rapports, qu'arrivés à Sauvenière les Prussiens se sont divisés en deux colonnes : l'une a dû prendre la route de Wavre, l'autre colonne paraît s'être dirigée sur Perwez. On peut peut-être en inférer qu'une portion- va rejoindre Wellington et que le centre, qui est l'armée de Blücher, se retire sur Liège, une autre colonne avec de l'artillerie ayant fait sa retraite sur Namur. Le général Exelmans a l'ordre de pousser ce soir six escadrons sur Sart-à-Walhain et trois escadrons-sur Perwez. D'après leurs rapports, si la masse des Prussiens se retire sur Wavre, je les suivrai dans cette direction, afin qu'ils ne puissent gagner Bruxelles et de les séparer de Wellington. Si, au contraire, mes renseignements prouvent que la principale force prussienne a marché sur Perwez, je me dirigerai par cette ville à la poursuite de l'ennemi[76]. Bien que Grouchy dise dans cette lettre qu'il se prépare, selon les nouvelles de la nuit, à marcher soit sur Wavre, soit vers Liège, il ne prend aucune disposition en vue du premier de ces mouvements. Ses ordres pour le lendemain — ordres à Exelmans et à Vandamme de se porter à Sart-à-Walhain ; ordre à Pajol de se diriger du Mazy sur Grand-Leez ; ordre à Gérard de suivre le 3e corps à Sart-à-Walhain et d'envoyer sa cavalerie à Grand-Leez, l'ennemi se retirant sur Perwez[77] — témoignent que, oubliant Wellington et négligeant Wavre, c'est dans la direction de Liège qu'il s'obstine à chercher l'ennemi. |
[1] Non seulement Ney n'envoya aucune nouvelle à l'empereur dans l'après-midi du 16 juin, mais quand, à 6 heures du soir, l'aide de camp de Soult, le commandant Baudus, ayant rempli sa mission, voulut retourner près de Napoléon pour lui en rendre compte, il le retint sous prétexte qu'il avait besoin d'officiers d'état-major. Baudus ne revint à Fleurus que vers 2 heures du matin et peut-être même plus tard. (Notes de Baudus, comm. par M. de Montenon.)
Il faut rejeter cette assertion de Gourgaud (Camp. de 1815, 72) : A 11 heures du soir, l'empereur reçut à Fleurus le rapport de ce qui s'était passé aux Quatre-Bras. L'empereur expédia sur-le-champ au maréchal Ney l'ordre de poursuivre au point du jour l'armée anglaise, aussitôt qu'elle commencerait la retraite nécessitée par la perte de la bataille de Ligny.
Tout cela est inexact : 1° L'envoi d'un rapport de Ney le soir du 16 est contredit par cette lettre, datée du 17, au matin, du quartier-impérial de Fleurus, et envoyée au Ministère des Affaires étrangères à Paris : On n'a pas le rapport du maréchal Ney. (Arch. Affaires étrangères, 1802.) 2° L'envoi, dans la nuit, à Ney, d'un ordre d'attaque pour la matinée du 17 est contredit par cette lettre de Soult, datée de Fleurus, 17 juin, au matin (Registre du major-général) : Le général Flahaut, qui arrive à l'instant, fait connaître que : vous êtes dans l'incertitude sur les résultats de la journée d'hier. Je crois cependant vous avoir prévenu de la victoire. — Si l'ordre d'attaquer les Anglais le 17 avait été envoyé à Ney dans la nuit, ce maréchal n'aurait pas été dans l'incertitude sur les résultats de la bataille de Ligny, comme le disait Flahaut. D'autre part, ces paroles de Soult : Je crois cependant vous avoir prévenu, sont plutôt l'excuse d'une négligence que l'énoncé d'un fait. Ainsi Ney ne reçut, dans la nuit du 16 au 17, aucun avis et, encore moins, aucun ordre. Egale incurie partout ! Ney néglige d'envoyer son rapport sur ses opérations, et Soult oublie d'informer Ney de la victoire remportée à Ligny.
[2] Clausewitz (der Feldzug von 1815, 95) approuve l'empereur en cette circonstance.
[3] Des deux récits de Grouchy (Observations, 10, et Relation succincte, 17) il résulte : 1° que Grouchy vit l'empereur à Fleurus à 11 heures du soir, le 16 ; 2° que l'empereur lui enjoignit de faire suivre l'ennemi par la cavalerie la nuit même ou le lendemain de très grand matin. — C'est donc à tort que Charras accuse Napoléon d'avoir négligé de donner ces ordres.
Selon Jomini (185, 188), qui d'ailleurs fait erreur en disant que ces ordres à Grouchy furent donnés seulement le 17 au matin, l'empereur aurait également prescrit au général de Monthyon, chef de l'état-major-général, de faire poursuivre l'ennemi dans la direction de Tilly et de Mont-Saint-Guibert. La chose est possible, car si Napoléon avait pensé à faire explorer le terrain à sa droite, il avait dû penser aussi à le faire explorer devant le centre et devant la gauche. Mais Monthyon négligea d'assurer l'exécution de ces ordres. Les documents prussiens témoignent qu'aucune reconnaissance n'eut lieu dans la matinée du 17 vers Tilly et Mont-Saint-Guibert.
[4] Note de Flahaut (dans le Général Flahaut, par F. Masson, 23). Cf. Soult à Ney, Fleurus, 17 juin (Registre du major-général) : Le général Flahaut, qui arrive à l'instant.... — Cette lettre n'a pas d'indication horaire ; mais il y est dit : L'empereur se rend au moulin de Brye. Or nous savons par Grouchy (Observ., 10, et Relat. succ., 18), et par une lettre datée du quartier-impérial de Fleurus, 9 heures du matin, 17 juin (Arch. Aff. étrangères, 1802), que Napoléon quitta Fleurus entre 8 et 9 heures. La lettre de Soult fut donc écrite vers 8 heures du matin, et l'assertion de Flahaut, que lui, Flahaut, quitta Frasnes à 1 heure du matin est inexacte. Il en partit seulement vers 4 heures et arriva à Fleurus vers 6 heures.
[5] Dépêche de Pajol, en avant de Balâtre, 17 juin, 4 heures du matin. (Papiers du général G.) — Cette dépêche, adressée à Grouchy, avait été envoyée ou apportée par lui au quartier-impérial. J'ai des raisons certaines pour l'affirmer.
[6] Grouchy, Observations, 10 ; Relation succincte, 18.
[7] Soult à Ney, Fleurus, 17 juin. (Registre du major-général.) — On vient de voir que cette lettre, qui ne porte pas d'indication horaire, fut écrite vers 8 heures du matin.
[8] Je vais me mettre en marche avec la division Teste, que Sa Majesté vient de m'envoyer. Pajol à Grouchy, en avant du Mazy, 17 juin, midi. (Arch. Guerre, Armée du Nord.)
Du point où était bivouaqué Teste le matin du 17, entre Brye et Sombreffe, au Mazy où il était arrivé avant midi, il y a 2 lieues. Teste avait donc reçu l'ordre de mouvement au plus tard vers 9 heures, et cet ordre avait nécessairement été expédié de Fleurus avant 9 heures. Une lettre datée du quartier-impérial de Fleurus, 19 juin, 9 heures du matin (Arch. Aff. étrangères, 1802), porte d'ailleurs : Lobau (on veut dire : une des divisions de Lobau) suit l'ennemi qui fuit.
[9] Grouchy, Observations, 11-12 ; Relation succincte, 1, 19. Gourgaud, 73, 74.
[10] Quartier-général de Fleurus, 17 juin. — Il est 9 heures du matin. Nous montons à cheval pour suivre l'ennemi sur Namur et Bruxelles. Hier toute la maison de l'empereur est venue avec nous au feu... Si le général Delort avait été un peu soutenu, il prenait en un quart d'heure cinquante pièces de canon. Mais tout cela se fera aujourd'hui. (Arch. Aff. étrangères, 1802.)
Cette lettre, ou plutôt cette note sans suscription ni signature, mais qui a tous les caractères d'authenticité, fut écrite vraisemblablement au duc de Vicence soit par le général Fouler, écuyer de l'empereur (il y a d'autres lettres de Fouler analogues), soit par un officier de l'état-major impérial, soit encore par un attaché au cabinet de Bassano. Elle démontre que, dès avant son départ de Fleurus, Napoléon avait conçu la double manœuvre qui fut opérée dans la journée. Cela est confirmé par la lettre de Soult à Davout, Fleurus, 17 juin (Registre du major-général) : ... L'empereur remonte à cheval pour suivre les succès de la bataille de Ligny. Cette lettre fut écrite un peu après le départ de l'empereur, c'est-à-dire entre 9 et 10 heures. Nous savons par les notes de Baudus, aide de camp de Soult (communiquées par M. de Montenon), que le major-général n'accompagna pas l'empereur dans sa visite au champ de bataille, et le rejoignit plus tard au moulin de Bussy.
[11] Note précitée. (Arch. Aff., 1802.) Grouchy, Observ., 10 ; Relat. succ., 18. Lettre du général Baudrand citée par Grouchy, App. VIII, 63. — D'après les traditions locales, Napoléon aurait quitté le château à 8 heures. — Le général von Green, en observation à Tilly, écrivit à midi à Gneisenau : ... L'armée française faisait la soupe. Peu après 9 heures, une grande suite devint visible. Les soldats se levèrent et on entendit de cris de : Vive l'empereur ! (Rapport cité par von Ollech, Geschichte des Feldzuges von 1815, 168-169.)
[12] Grouchy, Observations, 11 ; Relation succincte, 18. Lefol, Souvenirs, 69. Notes précitées de Baudus.
[13] Grouchy, Observations, 11 ; Relation succincte, 18. Rapport de von Gröben, Tilly, 17 juin (cité par von Ollech, 169).
[14] Grouchy, Observations, 11 ; Relation succincte, 18.
[15] Ney à Soult, Frasnes, 17 juin, 6 heures et demie du matin. (Papiers du général G.) — Cette dépêche ne parvint à Soult, à Fleurus, qu'après le départ de l'empereur. Soult la lui fit transmettre sur le champ de bataille de Ligny.
[16] Gourgaud, 73-74. Grouchy, Observations, 11-12 ; Relation succincte, 19. — Selon Gourgaud, cette reconnaissance rentra à 10 heures ; selon Grouchy, à midi seulement. C'est, de la part de Grouchy, une inexactitude voulue. Comme on le verra plus loin, le maréchal, à midi, avait quitté l'empereur depuis au moins une demi-heure.
[17] De la lettre de Pajol à Grouchy, le Mazy, 17 juin, midi (Arch. Guerre), il résulte qu'il avait envoyé au maréchal : 1° à 3 heures, un aide de camp pour lui annoncer qu'il se mettait à la poursuite de l'ennemi ; 2° du Mazy entre 6 et 7 heures, une dépêche portant qu'il s'était emparé par la route de Namur de voitures et de 8 pièces. En outre, il lui avait écrit de Balâtre, à 4 heures, pour annoncer qu'il avait déjà fait des prisonniers. (Cette lettre de Balâtre est dans les papiers du général G.)
C'est de la dépêche du Mazy (entre 6 et 7 heures) qu'il est question ici.
[18] J'ai eu l'honneur de vous informer ce matin du mouvement que j'ai fait sur Gembloux pour y suivre l'ennemi qui y est massé... Exelmans à Grouchy, le 17 juin. (Arch. Guerre.) — Il ressort de cette dépêche, qui fut écrite devant Gembloux entre midi et 2 heures, que, dans la matinée, Exelmans avait informé Grouchy du mouvement qu'il avait opéré entre 8 et heures du matin. Cf., sur ce point, général Berton, Précis des Batailles de Fleurus et de Waterloo, 47, et Journal du général Bonnemains. (Arch. Guerre.)
[19] Le 6e corps ne comprenait plus que les divisions Simmer et Jannin, la division Teste ayant été, le matin, détachée avec Pajol.
[20] Gourgaud, 75. Cf. la lettre de Soult à Ney, en avant de Ligny, 17 juin midi (citée par le duc d'Elchingen, Documents inédits, 44) : L'empereur vient de faire prendre position en avant de Marbais à un corps d'infanterie et à la garde pour seconder vos opérations, et le rapport de von Gröben, de Tilly, 17 juin, midi (cité par von Ollech, 168) : Une grande quantité de troupes (le 6e corps) se met en mouvement vers Marbais. De nouvelles quantités de troupes (la garde) suivent plus tard dans la même direction. — Gourgaud dit que le mouvement de Lobau commença à 10 heures. Je crois que ce fut à 11 heures.
[21] Je donne ici l'esprit, et non la lettre, des paroles de l'empereur qui ont été rapportées de dix façons différentes.
Dans le premier en date de ses écrits (Observations, 12), Grouchy dit simplement : L'empereur me donna l'ordre de me mettre à la poursuite du maréchal Blücher. — Dans ses Fragments historiques (4) et dans sa Relation succincte (19 et Appendice I, 17), il rapporte en ces termes l'ordre verbal de l'empereur : Mettez-vous à la poursuite des Prussiens. Complétez leur défaite en les attaquant dès que vous les aurez joints, et ne les perdez jamais de vue. Je vais me réunir au maréchal Ney pour attaquer les Anglais, s'ils tiennent de ce côté-ci de la forêt de Soignes. Vous correspondrez avec moi par la route pavée (route de Namur aux Quatre-Bras). — Grouchy dans le même ouvrage (Appendices IV, 4, et VIII, 63) cite aussi ce témoignage du colonel de Blocqueville : L'empereur donna l'ordre au maréchal Grouchy de poursuivre l'ennemi vers Gembloux et Wavres, et ce témoignage du général Baudrand : L'empereur dit : Vous allez prendre les 3e et 4e corps d'armée, une division du 6e, la cavalerie, etc., et vous entrerez ce soir dans Namur.
Autres versions, naturellement, dans les relations de Sainte-Hélène. Gourgaud (75) dit : L'empereur donna l'ordre de poursuivre vivement les Prussiens, de culbuter leur arrière-garde, de ne point les perdre de vue et de déborder leur aile droite, de façon à être toujours en communication avec le reste de l'armée. Dans ses Mémoires pour servir à l'histoire (107), Napoléon a écrit : Grouchy devait suivre Blücher l'épée dans les reins pour l'empêcher de se rallier. Il avait l'ordre positif de se tenir toujours entre la route de Charleroi et Blücher afin d'être constamment en communication et en mesure de se réunir à l'armée. Si l'ennemi se retirait sur la Meuse, il devait le taire observer par la cavalerie de Pajol et occuper Wavre avec le gros de ses troupes.
Toute discussion sur la teneur de cet ordre verbal est absolument oiseuse, puisque, un quart d'heure ou une demi-heure, au plus tard, après l'avoir donné, l'empereur envoya à Grouchy un ordre écrit cité plus loin. C'est dans cet écrit, et non dans des paroles plus ou moins inexactement rapportées, que l'on trouve la véritable pensée de Napoléon.
[22] Des différents récits de Grouchy (Observations, 12 ; Remarques, 10 ; Relation succincte, 19-20, 23), il ressort que le maréchal ne reçut point sans embarras ni sans déplaisir la mission de poursuivre les Prussiens. Ce sentiment m'a été confirmé par M. G. de Molinari, ancien rédacteur en chef du Journal des Débats, qui a connu Grouchy en 1845. Le maréchal ne cachait pas dans la conversation, qu'il était regrettable que l'empereur lui eût confié ce commandement, pour lequel il ne se sentait point fait. Edgar Quinet (Camp. de 1815, 166) a pour ainsi dire mis en scène cet état d'esprit du maréchal Grouchy : Grouchy s'élança aux pieds de l'empereur et lui dit : Sire, prenez-moi avec vous et donnez ce commandement au maréchal Ney. — C'était bien en effet le secret désir de Grouchy, mais il n'y a pas apparence qu'il rait exprimé. Imagine-t-on Ney rappelé des Quatre-Bras où il est supposé aux prises avec les Anglais ? les deux fractions de l'armée changeant de nouveau de chef ? la poursuite des Prussiens retardée de trois heures encore ? Tout cela pour donner le temps à Ney de venir à Ligny prendre le commandement ! C'est une absurdité.
[23] Grouchy, Observations, 12-13 ; Relation succincte, 19-20.
A en croire Grouchy, il aurait dit en outre que les troupes seraient très lentes à se mettre en mouvement ; qu'elles n'avaient pas été prévenues qu'elles marcheraient ce jour-là ; qu'il y avait des escouades à la corvée de vivres ; que l'infanterie avait démonté ses fusils pour les nettoyer ; que la cavalerie (la division Maurin) avait ses chevaux dessellés.
Je doute fort que Grouchy ait osé, devant l'empereur, émettre de si pitoyables objections. Comment des soldats, qui n'avaient pas bougé depuis le réveil, avaient-ils commencé, seulement à 10 heures, à nettoyer leurs armes ? D'ailleurs, il ne fallait pas tant de temps pour remonter les fusils. Quant à la cavalerie dont les chevaux étaient dessellés, il suffisait de cinq minutes pour les resseller.
Je doute aussi que le maréchal ait conseillé à Napoléon de le garder près de lui pour couvrir son flanc droit (comme il l'assure, Relat. succ., 20), en marchant par la rive gauche de la Dyle pour empêcher la jonction des Anglais et des Prussiens (comme l'aide de camp Bella, questionné en 1841 par Grouchy, prétend que le maréchal le lui a dit dans la soirée du 17 juin, Append. IV, 42). Ce sont là des assertions après coup. Grouchy ne pouvait conseiller à l'empereur de l'employer à couvrir le flanc droit de l'armée, puisque Napoléon le chargeait précisément de cette opération. Mais il fallait pour cela retrouver les Prussiens. Grouchy le reconnait (Observ., 12), Napoléon lui dit : C'est à vous de découvrir la route prise par Blücher. Grouchy dit encore (Fragm. histor., 31) : Quand je quittai l'empereur, il était incertain si ce serait sur Bruxelles ou sur Namur que je devrai me porter. Ainsi, de l'aveu de Grouchy lui-même, il n'était nullement lié par les instructions de l'empereur. Comment donc, si, comme le prétend le maréchal, il avait eu dès midi l'idée de marcher par la rive gauche de la Dyle, ne le fit-il pas le lendemain de grand matin, quand tous les renseignements recueillis l'engageaient à le faire ?
On remarquera enfin que dans les déclarations du général Baudrand et du colonel de Blocqueville, présents à cet entretien (déclarations citées par Grouchy en ses volumineux appendices), il n'est point dit que Grouchy, ait fait la moindre objection à Napoléon.
[24] Pajol, comme je l'ai dit, avait envoyé trois dépêches à Grouchy avant 7 heures du matin. — Les huit canons prussiens étaient arrivés au quartier-impérial avant 8 heures et demie. (Grouchy, Relat. succ., 17.)
[25] Exelmans avait écrit de Sombreffe, vers 8 heures, qu'il marchait sur Gembloux, et, dès 9 heures, la brigade Berton se trouvait en position devant ce village, en face du corps de Thielmann. (Exelmans à Grouchy, Gembloux, 17 juin, et Journal du général Bonnemains. Arch. Guerre.) Berton, Précis, 47.
[26] Grouchy, Relation succincte, 19, et Appendice I, 18.
[27] Notes manuscrites du colonel Baudus : Le major-général, qui n'avait pas fini d'expédier les ordres lorsque Napoléon monta à cheval (pour aller à Ligny), resta encore assez longtemps à Fleurus, et n'arriva sur le champ de bataille qu'au moment où la tête des colonnes du maréchal Grouchy allait s'engager dans la direction qui leur avait été donnée.
[28] Ordre à Grouchy, Ligny, 17 juin, dicté par l'empereur au Grand-Maréchal en l'absence du major-général. (Arch. Guerre.)
[29] Des historiens assurent que c'est la réception d'un rapport du général Berton qui engagea Napoléon à donner de nouvelles instructions à Grouchy, et ils citent comme unique référence la brochure de ce général. Or, dans son Précis des Batailles de Fleurus et de Waterloo, Berton dit (p. 47) : J'appris là (près de l'Orneau) que l'armée prussienne se retirait par Wavres, et qu'il y avait encore beaucoup de monde à Gembloux. J'en rendis compte, et je reçus l'ordre de me porter de suite sur Gembloux. J'étais devant cette ville à 9 heures du matin. Il en rendit compte, non point à Napoléon, mais à Exelmans, et c'est à la suite de ce rapport qu'Exelmans porta tous ses dragons à Gembloux et informa Grouchy du mouvement, au moment de l'opérer. (Lettre précitée d'Exelmans à Grouchy.) Grouchy à son tour en instruisit Napoléon, mais entre 9 et 10 heures du malin. L'empereur ne reçut donc aucun rapport de Berton. Jamais un simple général de brigade n'envoyait directement des rapports à l'empereur, à moins qu'il n'eût été chargé par lui d'une mission déterminée.
[30] Au maréchal Grouchy, Ligny, 17 juin, dicté par l'empereur au Grand-Maréchal en l'absence du major-général. (Arch. Guerre. Armée du Nord.)
Cette lettre, non plus que la précédente, écrite également par Bertrand, ne portent pas d'indication horaire ; mais il est aisé de démontrer qu'elles furent écrites l'une et l'autre entre onze heures et demie et midi, c'est-à-dire entre le moment où Grouchy quitta Napoléon après avoir reçu l'ordre verbal et le moment où Soult rejoignit l'empereur en avant de Ligny.
1° Dans sa réponse aux propres questions de Grouchy l'aide de camp Bella dit (Relat. succ., Appendice IV, 41) : L'empereur vous fit écrire, peu de temps après que vous l'aviez quitté, de marcher vers Gembloux. Cette lettre était de la main du général Bertrand.
2° La mention portée sur les deux lettres écrites par Bertrand : en l'absence du major-général, prouve que si Napoléon les a, par dérogation, dictées au Grand-Maréchal, c'est faute de pouvoir les faire écrire par Soult, qui ne l'avait pas encore rejoint. Le colonel Baudus, aide de camp de Soult (notes manuscrites, comm. par de Montenon), dit en effet : Le major-général, qui n'avait pas fini d'expédier les ordres lorsque Napoléon monta à cheval, resta encore assez longtemps à Fleurus.
Reste à fixer l'heure à laquelle Grouchy quitta l'empereur et l'heure à laquelle Soult rejoignit celui-ci :
Le rapport du général prussien von Gröben, adressé vers midi de Tilly à Wavres (cité par von Ollech, 169) porte : Une quantité de troupes est en mouvement sur la route de Fleurus dans la direction de Gembloux. (Ces troupes sont celles de Grouchy.) — Le général Rogniat, commandant le génie de l'armée, dit (Réponse aux notes critiques de Napoléon, 270) : L'armée quitta le champ de bataille de Ligny en deux colonnes, entre 11 heures et midi. Je puis l'attester comme témoin oculaire. — Baudus (notes précitées) dit que, lorsque Soult se rendit de Fleurus à Ligny (où il arriva un peu avant midi, comme je le démontre plus loin), il vit les colonnes de Grouchy en marche.
Donc Grouchy avait reçu l'ordre verbal et quitté l'empereur pour exécuter cet ordre, entre onze heures et onze heures et demie.
D'autre part, il est évident que Soult rejoignit Napoléon au moulin de Bussy un peu avant midi, puisque l'ordre qu'il écrivit d'après les instructions de l'empereur au maréchal Ney porte : en avant de Ligny, 17 juin, midi. (Arch. Guerre. Armée du Nord.)
J'ajouterai, à titre de simple curiosité, que la lettre de Bertrand à Grouchy précisant les ordres verbaux, laquelle, je le répète, n'a point d'indication horaire dans la copie des Archives de la Guerre, porte, dans la Relation succincte de Grouchy : Vers 3 heures. C'est là une interpolation des plus condamnables.
On sait d'ailleurs que Grouchy ne retrouva cette lettre si importante et si décisive et ne la publia (en 1843) qu'après qu'elle eût été produite au débat par Pascallet dans sa Notice biographique sur le maréchal Grouchy (Paris, 1842). En 1819, Grouchy écrivait imperturbablement : Telles sont, mot pour mot, les seules dispositions des ordres verbaux) qui m'aient été communiqués, les seuls ordres que j'aie reçus ! (Observ., 13.) Et encore (p. 30) : Si je ne publie pas les ordres que j'ai reçus, c'est qu'ils ne me furent transmis que verbalement. En vérité, on ne saurait manquer de mémoire avec plus d'à-propos !
[31] Soult à Ney, en avant de Ligny, 17 juin, à midi (cité par le duc d'Elchingen, Docum. inédits, 44) : L'empereur vient de faire prendre position à Marbais à un corps d'infanterie et à la garde impériale. Sa Majesté me charge de vous dire que son intention est que vous attaquiez les ennemis aux Quatre-Bras pour les chasser de leur position, et que le corps qui est à Marbais secondera vos opérations. Sa Majesté va se rendre à Marbais, où elle attend vos rapports avec impatience.
Cette fois, l'ordre est formel. Il ne s'agit plus pour Ney, comme il était prescrit dans la lettre de Soult, de 8 heures du matin, de prendre position aux Quatre-Bras, s'il n'y a qu'une arrière-garde et d'attendre, en prévenant l'empereur, si l'armée anglaise est là tout entière. Maintenant, quoi qu'il ait devant lui, Ney doit attaquer.
Comme on voit, cette lettre à Ney, datée de Ligny, midi, est écrite par Soult. Ce n'est plus Bertrand qui tient la plume, comme pour les deux ordres à Grouchy.
[32] Rapport de Gneisenau au roi de Prusse, Wavre, 17 juin, 2 heures. (Cité par von Ollech, Geschichte des Feldzuges von 1815, 162, sqq.) Wagner, Plan des Batailles, IV, 46. Damitz, Camp. de 1815, I, 143. Von Ollech, 155157. Delbrück, Das Leben des Grafen von Gneisenau, II, 191.
[33] Rapport de Wellington au roi des Pays-Bas (19 et 20 juin) dont la copie fut envoyée le 24 juin au roi de Würtemberg. (Cité par Pfister, Ans dem Lager der Verbündeten 1814 und 1815, 371.)
[34] Même après que Wellington eut pris position à Waterloo et eut demandé à Blücher de le seconder, Gneisenau, comme on le verra plus loin, hésita beaucoup à engager l'armée prussienne dans cette nouvelle opération. — Dans son rapport au roi de Prusse du 17 juin (précité), Gneisenau ne laisse nullement entendre qu'il ait prescrit la retraite sur Wavre en vue d'une action ultérieure de concert avec Wellington.
[35] Damitz, I, 210.
[36] Von Ollech, 157.
[37] Rapport de Gneisenau, Wavre, 17 juin, 2 heures (précité). Wagner, IV, 47. Damitz, I, 142, 145-147, II, 206-209. Von Ollech, 157.
[38] Rapport de Gneisenau, Wavre, 17 juin, 2 heures. Wagner, IV, 46,54, 55. Damitz, II, 207, 226. Von Ollech, 166-167.
[39] Wagner, IV, 46, 55. Damitz, II, 207-209. Von Ollech, 167. — Damitz blâme justement Thielmann pour sa trop longue halte à Gembloux, tout en disant que ce général savait que Bülow, en marche à une lieue de lui, de Baudeset sur Dion-le-Mont, le soutiendrait était attaqué. Mais il ne s'agissait pas pour Thielmann ni pour Bülow, de risquer à Gembloux une action où ils pourraient avoir à combattre toute l'armée française ; il s'agissait de se concentrer au plus vite à Wavre en dissimulant aux Français leur direction de retraite.
[40] Rapport de Bülow à Blücher, Dion-le-Mont, 17 juin, 10 heures du soir. (Cité par von Ollech, 167-168.) Damitz, II, 209-210. — D'après les renseignements recueillis par Grouchy et consignés par lui (Arch. Guerre, Armée du Nord, 18 juin), Bülow prit par Walhain et Corroy. C'est d'ailleurs le chemin le plus direct de Baudeset à Dion-le-Mont, et en outre, si Bülow eût passé à Corbais, il eût entravé la marche de Thielmann, qui, lui, devait forcément traverser ce village. Selon les rapports des habitants (Grouchy à Napoléon, Gembloux, 17 juin, et Walhain, 18 juin, Arch. Guerre), les corps de Thielmann et de Bülow marchèrent en plusieurs colonnes, car il passa des Prussiens à peu près dans tous les villages, sur une largeur de 10 à 12 kilomètres.
[41] Rapport de von Gröben à Gneisenau, Tilly, 17 juin, vers midi. (Cité par von Ollech, 169-379.)
[42] Le 1er hussards (division Soult) n'avait pas encore rallié, et la division Subervie avait été détachée à la gauche.
[43] La veille, vers la fin de la bataille, la batterie à cheval n° 14 (corps de Pirch) ayant épuisé ses munitions, s'était repliée à l'est de Sombreffe, près d'une colonne du grand parc qui, venue de Namur, s'était arrêtée là Avant le lever du soleil, batterie et colonne, vraisemblablement dans la crainte de ne pouvoir gagner Sombreffe, avaient pris la direction de Namur ; en route ils avaient été rejoints par un escadron isolé du 7e uhlans. Damitz, II, 215-216. Cf. Wagner, IV, 55, et von Ollech, 172.
[44] Pajol à Grouchy, en avant du Mazy, 17 juin, midi. (Arch. Guerre.) Cf. Pajol, le Général Comte Pajol, III, 212-213, 218, et Damitz, II, 216.
[45] Berton, Précis, 47. — Berton insinue que s'il suivit Pajol sur la route de Namur, ce fut d'après les ordres d'Exelmans ou du général de division Strols, et non suivant sa propre inspiration. Il prétend aussi que les paysans lui dirent que les Prussiens se repliaient par Gembloux sur Wavre, et qu'il avertit Exelmans de cette direction de retraite. C'est là une addition plus ou moins involontaire. Si Exelmans avait su, à 8 heures du matin, que la direction de retraite était Wavre, peut-on admettre qu'il n'en eût pas prévenu Grouchy dans la première lettre qu'il lui envoya à cette heure-là ni dans la seconde écrite l'après-midi, ni enfin au cours de la conversation avec Bella, aide de camp du maréchal. (Lettre d'Exelmans à Grouchy, 17 juin, Arch. Guerre, et Grouchy, Relat. succ., App. III, 22.)
[46] Si Pajol avait reçu cet avis, vraisemblablement il se serait porté à la droite d'Exelmans, sur la rive droite de l'Orneau, menaçant le flanc de Thielmann.
[47] Exelmans à Grouchy, 17 juin. (Devant Gembloux, de midi à 2 heures.) Journal du général Bonnemains. (Arch. Guerre, Armée du Nord.) Berton, Précis, 48.
[48] Selon la lettre précitée d'Exelmans, laquelle ne porte point d'indication horaire, il avertit Grouchy, vers 8 heures, qu'il se portait à Gembloux pour y suivre l'ennemi. Mais après avoir donné cet avis il n'envoya plus aucune nouvelle, sinon dans cette lettre même qui fut écrite entre midi et 2 heures, et que Grouchy dit avoir reçue seulement vers 4 heures. (Relat. succ., Appendice III, 22.)
Or les renseignements de 8 heures étaient insuffisants pour déterminer l'empereur, car ils le laissaient dans le doute si l'ennemi serait encore à Gembloux quand Exelmans y arriverait. Si, au contraire, à 9 heures et demie, Exelmans eut envoyé une seconde dépêche portant qu'il avait devant lui, à Gembloux, un corps prussien de 20.000 hommes au bivouac, cet avis eut très vraisemblablement engagé Napoléon à prendre des dispositions une heure plus tôt.
[49] Les renseignements recueillis par Grouchy à Walhain (Arch. Guerre, Armée du Nord, 18 juin) portent que le passage à Walhain du corps Bülow a fini le 17, à 3 heures après-midi. Ces renseignements concordent avec les documents allemands, d'après lesquels la tête de colonne de Bülow n'atteignit pas Dion-le-Mont avant 8 heures du soir.
[50] Grouchy, Observations, 13. Déclarations de Blocqueville et de Bella. (Relation succincte, Appendice IV, 4, 40-41.)
[51] Grouchy, Observations, 13. Cf. notes manuscrites de Baudus. (Comm par M. de Montenon.)
[52] Notes manuscrites de Baudus. Cf. général Petiet, Souvenirs, 202.
[53] Grouchy, Relation succincte, 22-23. Cf. Fragm. histor., 9, 10.
[54] Grouchy, Relation succincte, 22. Gérard, Dernières Observ., 56. — Gérard dit qu'il était alors environ 1 heure. Il était certainement moins que cela, Grouchy ayant quitté l'empereur vers 11 heures et demie et ayant causé très peu de temps avec Soult.
Grouchy s'attribue l'idée du mouvement de Gembloux, alors qu'il l'ordonna, cela est évident, pour se conformer aux instructions de la seconde lettre de Bertrand. La preuve, c'est qu'en quittant l'empereur Grouchy envoya l'ordre à Vandamme de se porter au Point-du-Jour, et qu'une demi-heure plus tard, après avoir reçu la lettre en question, il ordonna à Gérard d'aller à Gembloux.
[55] J'étais indigné. Au lieu de demander ses chevaux, Gérard avait ordonné de lui préparer à diner. Grouchy, Relation succincte, 23. Cf. 24-25.
En vérité, Gérard avait bien le temps de diner, puisqu'avant de monter à cheval il lui fallait attendre que le 3e corps fût arrivé à la hauteur de Saint-Aillaud et que tout l'écoulement en fût achevé. Le général Hulot (Rapport communiqué par le baron Hulot) dit que le 6e corps reçut vers 1 heure l'ordre de se préparer à marcher et qu'il commença son mouvement dès que le 3e corps eut déblayé la route.
[56] Tout document manquant pour expliquer la lenteur extraordinaire de cette marche, je ne chercherai pas à le faire. Je me bornerai à établir que Vandamme, parti avant midi de Saint-Amand, n'arriva au Point-du-Jour que passé 3 heures.
Il est prouvé qu'il leva ses bivouacs avant midi : 1° par le rapport de von Graben, adressé vers midi de Tilly à Wavre (cité par von Ollech, 169) : Une quantité de troupes est en mouvement sur la route de Fleurus dans la direction de Gembloux. — 2° Par les Notes critiques (270) de Rogniat, commandant en chef le génie : L'armée quitta le champ de bataille en deux colonnes entre 11 heures et midi. — 3° Par les Souvenirs manuscrits de Baudus, qui rapporte que, lorsque Soult se rendit de Fleurus au moulin de Bussy (où il arriva avant midi, je l'ai démontré précédemment), il vit les colonnes de Grouchy en marche. — 4° Par Berthezène, divisionnaire de Vandamme, qui dit dans ses Souvenirs (II, 290) que la petite armée de Grouchy se mit en marche vers midi.
D'autre part, le général Bulot (Rapport précité) dit que la queue du 3e corps avait dépassé Ligny à 3 heures. En calculant une heure et quart pour l'écoulement de ce corps d'armée, il est présumable que si la queue avait dépassé Ligny à 3 heures, la tête y était arrivée à 1 heure trois quarts. De Ligny au Point-du-Jour, il y a une lieue. Donc en admettant même que le corps de Vandamme ait marché beaucoup plus vite à partir de Ligny qu'il ne l'avait fait jusque-là la tête de la colonne put arriver au Point-du-Jour au plus tôt à 3 heures.
[57] Grouchy, Relation succincte, 23.
[58] La division Vallin, du corps Gérard, était disponible pour cette opération.
[59] Grouchy, Observations, 12.
[60] Grouchy, Relation succincte, 23. Déclaration de Bella. (Appendice IV, 40).
[61] Exelmans à Grouchy. Gembloux, 17 juin. (Arch. Guerre.) On a vu que la lettre d'Exelmans fut écrite au plus tard à 2 heures, c'est-à-dire avant que Thielmann eût repris sa marche.
[62] J'arrive ici avec les corps de Vandamme et de Gérard. Grouchy à Exelmans, Gembloux, 17 juin, 7 heures du soir. (Arch. Guerre.) — Dans ses diverses relations, Grouchy prétend qu'il se rendit à Gembloux au galop, devançant la colonne d'infanterie. Sa lettre à Exelmans prouve que cette assertion est inexacte.
[63] Lettre de Grouchy précitée. — Arrivée au Point-du-Jour vers 3 heures, l'infanterie de Vandamme ne put mettre quatre heures à parcourir sept kilomètres. Vraisemblablement, elle avait fait une assez longue halte au Point-du-Jour.
[64] Rapport de Hulot (comm. par le baron Hulot).
[65] Berton, Précis, 47-48. Cf. la lettre précitée d'Exelmans.
[66] Assurément, Exelmans n'eût pu, avec ses 3.300 dragons et même avec le concours des 4.500 fantassins et cavaliers de Pajol (s'il eût pensé à prévenir celui-ci dès midi), couper la route, vers Ernage ou Walhain, aux 20.000 hommes de Thielmann. Thielmann l'eût contenu avec son arrière-garde et aurait continué sa marche sur Wavre. Mais, en suivant de près les Prussiens sans s'engager à fond, Exelmans aurait su, dès 3 heures, qu'ils se repliaient sur Wavre, et ces renseignements transmis à Grouchy auraient contraint le maréchal à manœuvrer autrement qu'il ne fit.
[67] Berton, 48-49. Cf. Wagner, IV, 35. Damitz, II, 208. Journal de la brigade Bonnemains. (Arch. Guerre, à la date du 3 juin.)
[68] Berton, 49. Cf. Grouchy à Napoléon, Gembloux, 17 juin, 10 heures et quart. (Arch. Guerre.)
[69] Grouchy (Relation succincte, 24) prétend que Vandamme établit son corps d'armée à une lieue et demie au-delà de Gembloux. C'est encore une erreur de mémoire. Lefol (Souv., 75), dont le témoignage concorde avec celui de Vandamme (Lettre à Grouchy, Gembloux, 17 juin, et ordre du jour, Gembloux. 18 juin, Arch. Guerre), dit expressément que les troupes du 3' corps bivouaquèrent autour de Gembloux, sauf les états-majors, qui logèrent dans ce village. — La position des bivouacs de Gérard est indiquée dans le rapport de Hulot (comm. par le baron Hulot).
[70] Grouchy, Relation succincte, 25. — Le maréchal invoque aussi l'obscurité de la nuit, oubliant que le corps de Vandamme s'arrêta à Gembloux à 7 heures du soir, et qu'à cette époque de l'année, même par une forte pluie, il fait assez clair pour marcher jusqu'à 8 heures et demie.
[71] Journal de Bonnemains. (Arch. Guerre.) Berton, Précis, 49. — Grouchy dit dans sa lettre à Napoléon (Gembloux, 17 juin, 10 heures du soir qu'Exelmans envoya ces reconnaissances sur son ordre. Cela n'est pas certain, car : 1° il n'est rien prescrit de pareil dans la lettre de Grouchy à Exelmans (Gembloux, 7 heures du soir) ; — 2° nous savons par la lettre de Bonnemains à Exelmans (Ernage, 10 heures du soir) que Bonnemains qui avait poussé jusqu'à Tourinnes et qui était resté environ une heure devant ce village, était déjà en marche rétrograde dès 8 heures du soir. Comme de Sauvenière à Tourinnes il y a près de 2 lieues, Bonnemains avait dû certainement partir de Sauvenière avant 7 heures, soit avant l'arrivée de Grouchy à Gembloux.
[72] Bonnemains à Chastel, Ernage, 17 juin, 10 heures et quart du soir. (Arch. Guerre.) Journal de la brigade Bonnemains. Berton, Précis, 49.
[73] Pajol à Grouchy, en avant du Mazy, 17 juin, midi. (Arch. Guerre.) Grouchy (Relat. succ., 24) constate qu'il reçut cette lettre avant d'arriver à Gembloux.
[74] Renseignement recueilli à Gembloux, 17 juin. (Arch. Guerre, Armée du Nord.)
Ce renseignement est reproduit ainsi que deux autres de même nature dans le livre de Grouchy, Relat. succ., Appendice II, 21-22. Là comme dans la copie des Archives de la Guerre, ce renseignement porte : Troisième renseignement recueilli à Gembloux. En réalité, il devrait porter : Premier renseignement (recueilli à Gembloux). Il est manifeste que ce renseignement de Gembloux est antérieur aux deux autres de Sart-à-Walhain où il est dit : hier, 17 juin. De plus, Grouchy (Relat. succ., 25, 27, 33) dit expressément que les premiers renseignements furent recueillis à Gembloux vers 7 heures du soir, le 17 ; les seconds, à Sart-à-Walhain, dans la nuit ; et les troisièmes à Sart-à-Walhain, le 18, vers 10 heures du matin. Enfin les trois lettres de Grouchy à l'empereur, 17 juin, 10 heures du soir, 18 juin, 6 heures, et 18 juin, 11 heures du matin (Relat. succ., Appendice II, 3-6), reproduisent en partie et successivement ces trois renseignements. Il est aisé de reconnaître par là que le renseignement qui porte faussement le n° 3 fut le premier reçu, celui qui porte le n° 1 le second, et celui qui porte le n° 2 le troisième.
[75] Grouchy pouvait faire exécuter ce mouvement sans excéder les forces de ses troupes, ni lasser leur patience. Seuls les dragons d'Exelmans auraient eu à quitter leur cantonnement ; le corps de Vandamme commençait à peine à s'établir au bivouac, et le corps de Gérard était encore en marche. Avant d'arriver à Gembloux, Gérard aurait fait tête de colonne à gauche pour prendre le chemin qui mène à Saint-Géry.
[76] Grouchy à Napoléon, Gembloux, 17 juin, 10 heures du soir. (Arch. Guerre, Armée du Nord.)
Dans sa Relation succincte (Appendice II, 3-4), Grouchy cite cette lettre, mais avec une rédaction un peu différente. Au lieu de : ... Si la masse des Prussiens se retire sur Wavre, je les suivrai dans cette direction afin qu'ils ne puissent gagner Bruxelles et de les séparer de Wellington, on lit : ... je les suivrai dans cette direction et les attaquerai dès que je les aurai joints. Le marquis de Grouchy (Mém. de Grouchy, IV, 58-59 et 263-264) a cité aussi la lettre de 10 heures du soir avec cette seconde rédaction, en ajoutant qu'il en a l'original sous les yeux. Il veut dire sans doute la minute ; car l'original d'une lettre reste généralement dans les mains de celui qui a reçu la lettre. La copie des Archives de la Guerre porte cependant en marge : d'après la minute, et Gérard a cité cette lettre (Dernières Observations, 15-16) dans la première rédaction avec cette mention : Certifié conforme à l'original qui nous a été remis par l'empereur Napoléon et qui est entre nos mains : (Signé) général Gourgaud. Enfin il m'a été communiqué une autre copie, provenant des papiers de Sainte-Hélène, qui est conforme à la copie des Archives de la Guerre.
On a beaucoup discuté sur les deux rédactions de cette lettre. Je crois bien que c'est le texte de la copie des Archives de la Guerre, qui est authentique. Mais pour moi la question est de peu d'importance. Dans l'un et l'autre textes, Grouchy commence par parler d'un mouvement possible des Prussiens par Wavre pour rejoindre Wellington. Qu'il dise ensuite : Je les suivrai afin qu'ils ne puissent gagner Bruxelles et de les séparer de Wellington, ou : Je les suivrai et les attaquerai dès que je les aurai joints, c'est le même sens. Grouchy n'en annonce pas moins qu'il attaquera les Prussiens en marche ; et l'empereur, au reçu de la lettre, n'en aura pas moins l'assurance que Grouchy manœuvrera pour s'opposer à un mouvement de flanc des Prussiens.
[77] Ordres de Grouchy à Exelmans, à Vandamme, à Pajol et à Gérard. Gembloux, 17 juin, au soir et 10 heures du soir. (Arch. Guerre.)
Il est à remarquer que, dans ces divers ordres, il est question plusieurs fois de Perwez, et pas une seule fois de Wavre.