I La guerre civile, si fort qu'il la détestât, n'inquiétait pas Napoléon, car il était certain de maîtriser rapidement les insurrections. Mais en 1815, il redoutait la guerre étrangère. C'était vers les frontières menacées par une septième coalition qu'il portait des regards anxieux[1]. Dès sa rentrée à Paris, il ordonna de fabriquer 300.000 fusils, étudia les moyens de tripler son armée, pourvut à l'approvisionnement et à l'armement des places, donna des instructions pour élever des redoutes sur le Rhin et à Lyon, pour fortifier Château-Thierry, pour augmenter les ouvrages de Soissons, de La Père, de Grenoble, et prescrivit la formation de cinq corps d'observation sur les frontières du Nord-Est, d'un sur celle des Alpes, d'un sur celle des Pyrénées et d'un corps de réserve[2]. En même temps qu'il se préparait à la guerre, qui lui paraissait imminente mais non point inévitable[3], l'empereur mettait tout en œuvre pour l'empêcher. Avant de quitter l'île d'Elbe, il avait chargé Murat de faire connaître à Vienne ses dispositions pacifiques. Dès son entrée à Lyon, il avait mandé à Joseph de déclarer aux ministres d'Autriche et de Russie près la Diète helvétique que le traité de Paris serait respecté[4]. Le 21 mars, Fouché, d'après ses ordres, écrivit à Marschall que le cabinet des Tuileries était disposé à recevoir du gouvernement anglais toute proposition qui assurerait une paix solide et durable[5]. Le 29 mars, Napoléon fit des avances plus sérieuses à l'Angleterre en décrétant l'abolition de la traite des noirs. Cette mesure que Louis XVIII avait admise en principe, mais dont il s'était obstiné à ajourner l'exécution à cinq années malgré les sollicitations du gouvernement britannique, auquel il devait tant[6], Napoléon la prit spontanément et la rendit exécutoire le jour même[7]. Le 20 mars, de grand matin, les ministres étrangers avaient été officiellement informés du départ du roi par une lettre de Jaucourt[8]. Jugeant inutile d'en référer à leur gouvernement, ils se décidèrent aussitôt à quitter Paris. Mais il fallait des chevaux de poste, et Lavallette avait prescrit de n'en fournir à personne sans un ordre exprès ; il fallait des passeports, et Jaucourt n'était plus là pour en donner. Les ministres des grandes puissances écrivirent à Rovigo qui transmit leurs lettres à Fouché, lequel pria les chefs de mission de s'adresser au duc de Vicence[9]. Ces démarches prirent du temps. Caulaincourt en profita pour demander une entrevue au baron de Vincent, ambassadeur d'Autriche, et à M. de Boudiakine, chargé d'affaires de Russie. Il voulait les assurer l'un et l'autre des intentions pacifiques de l'empereur, prier Vincent de se charger d'une lettre pour Marie-Louise et communiquer à Boudiakine le traité secret du 3 janvier dont Jaucourt avait laissé, étourdiment et imprudemment, un des originaux au ministère des Affaires étrangères[10]. De tous les diplomates présents à Paris, Vincent était le plus engagé avec les Bourbons[11]. Il déclina d'abord toute entrevue, puis cédant à de nouvelles sollicitations, il consentit à voir le duc de Vicence non point à l'ambassade ou au ministère, ce qui eût donné à la conférence un caractère officiel, mais chez une personne tierce, madame de Souza, veuve en premières noces du comte de Flahaut. Tout en ne dissimulant pas la ferme résolution des Alliés de détrôner Napoléon, il s'engagea à faire connaître à l'empereur d'Autriche les sentiments exprimés par Caulaincourt au nom de son souverain et accepta de prendre une lettre pour l'archiduchesse Marie-Louise. L'entrevue avec Boudiakine, auquel celui-ci avait commencé par se refuser, eut lieu chez une dame du palais de la reine Hortense, Mlle Cauchelet. Le ministre russe se montra fort surpris et très irrité de la pièce que Caulaincourt mit sous ses yeux, mais son langage n'en fut pas plus rassurant. — Si grand que puisse être, dit-il, le juste mécontentement de mon maître contre le roi de France, en apprenant l'existence de ce traité secret, je n'ose me flatter qu'il en résulte le moindre changement dans ses dispositions[12]. Napoléon connaissait l'affection du czar pour les deux enfants de Joséphine et pour la princesse Stéphanie de Bade, née Tascher de la Pagerie. Il invita Hortense à confirmer personnellement dans une lettre au czar son désir de redevenir l'allié et l'ami de la Russie et il fit écrire au prince Eugène et à la princesse de Bade de donner ou de transmettre à ce souverain les mêmes assurances d'amitié[13]. En dehors de cette diplomatie occulte, Napoléon écrivit officiellement aux souverains pour leur notifier son retour en France, leur en expliquer les causes et leur faire part de ses intentions pacifiques. ... La dynastie que la force avait rendue au peuple français n'était plus faite pour lui. Les Bourbons n'ont voulu s'associer ni à ses sentiments ni à ses mœurs. La France à dû se séparer d'eux.... Il me sera doux de ne connaître désormais d'autre rivalité que celle des avantages de la paix... La France se plaît à proclamer ce noble but de tous ses vœux. Jalouse de son indépendance, le principe invariable de sa politique sera le respect le plus absolu de l'indépendance des autres nations[14]. — C'est le loup devenu berger, allait dire Talleyrand avec un cruel à-propos[15]. Avant d'adresser à tous les souverains cette lettre circulaire, Napoléon avait écrit à l'empereur d'Autriche personnellement : ... Mes efforts tendent uniquement à consolider ce trône et à le léguer un jour, affermi sur d'inébranlables fondements, à l'enfant que Votre Majesté a entouré de ses bontés paternelles. La durée de la paix étant essentiellement nécessaire pour atteindre ce but sacré, je n'ai rien de plus à cœur que de la maintenir avec toutes les puissances, mais je mets un prix particulier à la conserver avec Votre Majesté... Je désire que l'impératrice vienne par Strasbourg... Je connais trop bien les principes de Votre Majesté pour n'avoir pas l'heureuse confiance qu'elle sera empressée, quelles que puissent être d'ailleurs les dispositions de sa politique, de concourir à accélérer l'instant de la réunion d'une femme avec son mari et d'un fils avec son père[16]. Paroles de paix, appels au droit de la France, serments du souverain, cri de cœur du père, les monarchies de droit divin étaient déterminées à ne rien entendre. Les cours et les cabinets avaient pris pour mot d'ordre la furieuse Déclaration du 13 mars qui mettait l'aventurier corse au ban de l'Europe, comme ennemi public et perturbateur du monde. Ce manifeste avait été lancé pour intimider les partisans que Napoléon pourrait trouver en France et pour donner ainsi un appui moral aux Bourbons. Mais quand on apprit l'entrée à Grenoble de l'homme de l'île d'Elbe, on commença à craindre que cet épouvantail ne suffit pas à arrêter sa marche. Trop vraisemblablement il faudrait passer des menaces aux actes. Le 17 mars, les plénipotentiaires d'Autriche, de Russie, d'Angleterre, de Prusse et de France eurent une conférence à l'effet de savoir quel parti on prendrait si Bonaparte parvenait à se rétablir à Paris. Les ministres décidèrent que l'on agirait selon l'esprit de la Déclaration du 13 mars et qu'une commission militaire devait être nommée pour étudier les moyens d'exécution. Cette commission, composée de Schwarzenberg, de Wellington, de Wolkonsky et de Knesebeck, se réunit le soir même. Seul des souverains — la chose est à noter — le czar assista à la séance[17]. Alexandre, qui se reprochait comme un crime vis-à-vis de l'Europe d'avoir invoqué en faveur de Napoléon le respect des traités, était devenu son ennemi le plus acharné. Le conseil de guerre posant en fait que les puissances ne traiteraient jamais avec Bonaparte conclut à la formation de trois armées de première ligne et de deux armées de réserve, des moyens prompts et immenses devant être employés[18]. On proposa aussi de renouveler une seconde fois le traité de Chaumont[19]. Les négociations marchèrent vite. Le 25 mars, les ministres d'Angleterre, d'Autriche, de Prusse et de Russie signèrent un traité d'alliance ayant pour but le maintien de la paix[20] et pour moyen la guerre. — Le langage diplomatique a ces surprises. — Aux termes du traité, les parties contractantes s'engageaient à tenir constamment en campagne chacune cent cinquante mille hommes tant que Bonaparte ne serait pas mis absolument hors de possibilité d'exciter des troubles, de renouveler des tentatives pour s'emparer du pouvoir suprême en France et de menacer la sûreté de l'Europe[21]. Dans une note annexée au protocole, les plénipotentiaires d'Autriche, de Prusse et de Russie eurent grand soin de faire cette réserve que, vu l'état des finances de leurs augustes maîtres, ceux-ci ne pourraient remplir les conditions du traité qu'après avoir réglé la question des subsides à recevoir de l'Angleterre. Par une convention additionnelle, signée le 30 avril, cette puissance s'engagea à partager pour les dépenses militaires de l'année courante la somme de cent vingt-cinq millions entre les besogneux souverains du Nord[22]. La Déclaration du 13 mars, dont ce traité n'était que la consécration pratique, avait été rédigée avant que l'on eût connaissance à Vienne des dispositions pacifiques de Napoléon. Quand parvinrent ses premières ouvertures, les souverains s'étaient déjà engagés, et de telle façon qu'il leur était presque impossible d'entrer en négociations avec l'homme que dans un premier mouvement d'effroi et de colère, ils avaient mis hors du droit des gens. Bien vraisemblablement, du reste, ils ne regrettèrent point leur précipitation, car s'ils ne pouvaient suspecter, pour le présent, la sincérité des paroles de l'empereur, ils ne pouvaient s'abuser non plus sur les desseins futurs du terrible capitaine. Qui croira, en effet, que Napoléon n'avait point l'espérance de déchirer un jour, à grands coups d'épée, l'humiliant traité de Paris ? Mais il voulait gagner du temps et choisir son heure. C'était donc de la bonne politique et de la bonne stratégie que de l'attaquer en flagrant délit d'organisation au lieu d'attendre qu'il eût affermi son pouvoir et refait son armée. La coalition n'en fut pas moins hâtée et facilitée par la réunion, dans une même ville, des souverains et de leurs ministres. L'impression que leur causa le débarquement de Napoléon fut d'autant plus vive qu'ils la ressentirent ensemble et au même instant. Ils s'effrayèrent et s'animèrent mutuellement, rivalisèrent par la rapidité des résolutions, la promptitude et l'énergie des mesures, et se précipitèrent dans la guerre avec une sorte de furie. Une croisade contre la France leur semblait le seul moyen de conjurer le péril. On la proposa à l'envi, et chacun s'empressa d'y entrer afin d'y entraîner son voisin. Revenus dans leur capitale, les souverains auraient vu les choses avec plus de sang-froid, arrêté leur conduite après plus de réflexion. En tout cas, les négociations auraient traîné, car il 'allait du temps pour avoir à Vienne les réponses de Saint-Pétersbourg, et ce retardement aurait peut-être permis à Napoléon de se faire écouter par le cabinet autrichien. Or, la neutralité de l'Autriche eût singulièrement affaibli la coalition si même elle n'eût empêché la guerre. A d'Elbe, Napoléon avait eu de tout cela une confuse prévision. Mais s'il lui paraissait avantageux d'attendre pour s'embarquer la dissolution du congrès, il craignait, d'un autre côté, que les plénipotentiaires ne se séparassent point avant de s'être mis d'accord sur sa déportation dans une île de l'Océan. De plus, les nouvelles, déjà anciennes, qu'il avait de Vienne, lui représentaient les différends entre les puissances au sujet de la Saxe et de la Pologne comme non encore aplanis ; il pouvait espérer arriver à Paris au milieu d'un conflit diplomatique. Enfin, il appréhendait de laisser le temps à Fouché d'exécuter au profit du duc d'Orléans ou du prince impérial un mouvement contre les Bourbons. C'étaient bien des raisons pour le déterminer à brusquer son départ[23]. II Dès que l'Europe sait Napoléon aux Tuileries, elle se regarde comme en état d'hostilité avec la France. Le 26 mars, deux dragons ayant passé par mégarde la frontière près de Maubeuge sont odieusement maltraités ; les soldats anglais les frappent ; arrachent les aigles des casques et les piétinent dans la boue. Le 29, cent trente-deux prisonniers de guerre revenant de Russie sont arrêtés à Tirlemont par les ordres du prince d'Orange et internés à Breda. Le 30, des Autrichiens tirent sur une barque qui longe de trop près, à leur gré, la rive droite du Rhin. Le 31, la commission austro-bavaroise, siégeant à Kreusnach, prohibe à peine de confiscation l'exportation en France des vivres, chevaux et munitions de guerre[24]. Il y a ordre d'arrêter Joseph à Prangins et Jérôme à Trieste. La princesse Elisa est conduite à Brünn, la reine Catherine est internée à Gœppingen, la princesse Pauline est retenue en Toscane[25]. Le droit des gens n'est pas violé seulement à l'égard des membres de la famille impériale. Des Prussiens arrêtent à Liège trois négociants de Beaune. Des soldats badois arrêtent à Lœrach un des frères Kœchlin, de Mulhouse, et le mènent en prison, les fers aux pieds. Entre Forbach et Wissembourg, les patrouilles de cavalerie se font un jeu d'entrer sur le territoire français et de sabrer les douaniers[26]. Bien que selon les instructions de Decrès les bâtiments naviguent jusqu'à nouvel ordre sous pavillon royal[27], les Anglais leur donnent la chasse. En quinze jours, cinquante bâtiments de commerce et barques de pêche sont capturés sur les côtes de l'Océan et de la Manche[28]. Dans la Méditerranée, la Dryade est attaquée par trois navires anglais. Le 29 avril, le vaisseau the Rivoli, de 84, s'approche à deux portées de canon de la frégate la Melpomène, hisse le pavillon britannique et l'assure par cinq coups à boulets ; puis, tandis que le capitaine Collet, surpris par cette agression, commande le branle-bas, le bâtiment anglais s'avance à portée de pistolet et lâche toute sa bordée à mitraille. Après une demi-heure de combat, la Melpomène a ses basses vergues coupées, sa mâture chancelante, sa cale inondée, sa soute à poudre traversée au-dessous de la ligne de flottaison par un boulet de 68, et cinquante hommes de son équipage tués ou blessés. Les Anglais capturent la frégate et la conduisent à Palerme[29]. Dès le 30 mars, on interdit le passage aux courriers diplomatiques. Les dépêches de Caulaincourt, les lettres de l'empereur, sa circulaire aux souverains sont arrêtées à Kehl, à Mayence, à Saint-Jean-de-Maurienne[30]. Bientôt toutes les frontières sont fermées même aux correspondances privées et aux journaux[31]. On élève autour de la France, traitée en pestiférée et mise en quarantaine, les murailles d'un immense lazaret. Pour forcer ce blocus, l'empereur eut recours à des émissaires secrets. Le général de Flahaut, M. de Montrond, familier de Talleyrand, M. de Saint Léon, créature de Fouché, le baron de Stassart, ancien préfet de Vaucluse et des Bouches-de-la-Meuse, devenu chambellan de l'empereur d'Autriche, se chargèrent des dépêches que les courriers de cabinet n'avaient pu réussir à passer. Flahaut fut arrêté à Stuttgard ; Stassart, à Linz. Muni d'un passeport au nom d'un abbé italien, Montrond put gagner Vienne[32]. Mais il ne s'agissait pas seulement de porter aux souverains les paroles de l'empereur ; il fallait les faire écouter. La circulaire du 4 avril était bien parvenue à Londres, et Castlereagh avait répondu à Caulaincourt : Le prince régent a décliné de recevoir la lettre qui lui a été adressée[33]. Cette lettre que le prince anglais ne daignait pas même ouvrir était signée : Napoléon. A Vienne, on était dans les mêmes dispositions. Metternich
déposa toutes cachetées sur la table du congrès les lettres prises au baron
de Stassart. Après en avoir entendu la lecture, les plénipotentiaires furent
unanimes à déclarer qu'il n'y avait pas à y répondre[34]. Montrond ne
réussit pas mieux. Il vit Talleyrand et tenta de le détacher de la cause des
Bourbons ; il vit Metternich, il vit Nesselrode. Talleyrand lui dit : — Lisez la Déclaration du 13 mars. Elle ne contient pas un
mot qui ne soit mon opinion. Metternich lui dit : Nous ne voulons même pas de la Régence. Nesselrode
lui dit : — Point de paix avec Bonaparte[35]. Alexandre évitait même de s'exposer à recevoir quelque communication secrète de l'empereur des Français. Depuis trois mois, il avait coutume de se promener chaque jour à pied avec le prince Eugène. Quand il apprit qu'une lettre de Napoléon adressée à l'ex vice-roi d'Italie avait été interceptée, il cessa brusquement de le voir. Mis en demeure de donner sa parole de ne point quitter l'Allemagne, Eugène refusa d'abord, objectant qu'il n'était pas prisonnier de guerre, puis il se résigna et partit pour Munich où il retrouva sa femme et ses enfants[36]. Peu de temps après, Boudiakine remit au czar la copie du traité secret du 3 janvier que lui avait communiquée Caulaincourt. Cette grave révélation, tout en irritant le souverain russe contre Louis XVIII et son conseiller Talleyrand, ne le désarma pas à l'égard de Napoléon. — Cela ne me fera pas retirer un seul soldat en deçà de nos frontières, dit-il à Nesselrode[37]. Tout ce que gagna Napoléon à la divulgation du traité, et ce résultat lui importait peu, fut d'affermir le czar dans l'idée qu'il avait depuis la seconde émigration de Louis XVIII et qui consistait à mettre le duc d'Orléans sur le trône de France. Cette solution eût satisfait à la fois ses aspirations libérales et sa rancune très légitime contre le signataire du traité du 3 janvier. Il s'en ouvrit à l'ambassadeur d'Angleterre, lord Clanarty. — L'Europe, lui dit-il, ne peut être tranquille tant que la France ne le sera pas, et la France ne le sera qu'avec un gouvernement qui lui convienne. Le duc d'Orléans concilierait tout. Il est Français, il est Bourbon ; il a servi, étant jeune, la cause constitutionnelle ; il a porté la cocarde tricolore que l'on n'aurait jamais dû quitter. Il réunirait tous les partis. Les cours de Londres et de Vienne, où l'on regardait la reconnaissance de tout gouvernement autre que le gouvernement légitime comme une concession au jacobinisme, étaient peu disposées à adopter ces idées. Castlereagh et Metternich admettaient bien que telle circonstance pût surgir qui les contraignît à accepter une substitution de la branche cadette à la branche aînée, mais ils n'envisageaient cette conjoncture qu'avec regret. Le czar, se voyant seul de son avis, finit par y renoncer[38]. Avant de quitter Vienne, Montrond, qui tout en ayant l'air de ne pas prendre sa mission au sérieux s'efforçait de la bien remplir, avait eu plusieurs entretiens avec Méneval et lui avait remis les lettres de Caulaincourt et le billet de Napoléon adressé à Marie-Louise. Méneval, d'accord avec Mme de Montesquiou, brûla ce billet. Il savait que s'il le donnait à l'ex-impératrice, celle-ci le communiquerait, sans même le lire, à l'empereur d'Autriche. Elle avait depuis longtemps avoué à Méneval que Metternich avait obtenu d'elle l'engagement de remettre à son père toutes les lettres qu'elle recevrait de Napoléon. L'impératrice est vraiment bonne, mais elle est bien faible, écrivit le 8 avril Méneval à Caulaincourt. Il est fâcheux qu'elle n'ait pas eu un meilleur entourage[39]. Méneval hésitait à dire toute la vérité[40]. La vérité, c'est que si Marie-Louise fut profondément troublée à la nouvelle du débarquement au golfe Jouan, elle ne ressentit qu'une angoisse égoïste. Indifférente à la perte comme au triomphe de Napoléon, elle n'envisageait ces deux alternatives que par rapport à elle-même. Si l'entreprise échouait, elle craignait que la souveraineté de Parme, obtenue avec tant de peine, ne lui fût retirée. Si Napoléon recouvrait l'empire et s'imposait à l'Europe, elle ne s'effrayait guère moins en pensant qu'il lui faudrait monter encore une fois sur le trône instable de France, recommencer la vie d'apparat et d'agitation dont l'éloignaient sa nature tranquille et ses goûts modestes. En cette femme, fille d'empereur et femme d'empereur, il y avait une petite bourgeoise, née pour vivre dans un intérieur agréable entre un mari, des enfants et un clavecin. Combien elle préférait aux pompes et aux grandeurs soucieuses des Tuileries l'existence obscure et paisible qu'elle s'était promise de mener avec son bien-aimé, le comte Neipperg, dans le joli ermitage de Parme. Elle n'avait pas la force de se séparer de cet homme fatal. Puis, elle redoutait les indiscrétions de son entourage, elle se rappelait les torts qu'elle avait eus envers l'empereur. La pensée de se retrouver devant Napoléon la remplissait de crainte et de confusion[41]. Ce fut Neipperg qui apprit le premier à Marie-Louise, au retour d'une sentimentale promenade à cheval, que Napoléon s'était évadé de l'île d'Elbe. On imagine aisément quelle ligne de conduite il suggéra à l'ex-impératrice. S'il fut moins brutal que l'archiduc Jean, qui dit à sa nièce : — Ma pauvre Louise, je te plains, et ce que je désire, pour toi et pour nous, c'est qu'il se casse le cou, il n'en fut que plus persuasif. Le 8 mars, la nouvelle s'étant répandue à Schönbrunn, des domestiques français crièrent : Vive l'empereur ! Neipperg les menaça de les faire pendre. On se contenta de les envoyer à la frontière, et la gouvernante du petit prince, Mme de Montesquiou, fut priée de ne point lui parler de l'événement. Le même jour, Metternich eut un entretien avec Marie-Louise qui se rendit une heure après à Vienne, auprès de son père. Neipperg aidant, la cour d'Autriche n'eut point de peine à vaincre les derniers scrupules de l'ex-impératrice. Le 12 mars, elle écrivit à Metternich, sous la dictée de Neipperg, une lettre officielle portant qu'elle était tout à fait étrangère aux projets de Napoléon et qu'elle se mettait sous la protection des puissances. Au dire de Méneval, très véridique en général, cette déclaration, qui fut communiquée aussitôt aux souverains et aux plénipotentiaires, semblait être attendue par eux pour rédiger le manifeste contre Napoléon[42]. Ce manifeste fut, en effet, signé le lendemain, 13 mars, et il est possible que Metternich ne se fût pas associé à un acte qui assimilait l'époux de la fille de son souverain à un criminel en rupture de ban, si celle-ci eût déclaré que, comme femme de Napoléon et impératrice des Français, elle voulait rejoindre l'empereur. Marie-Louise déclara précisément le contraire. En récompense, le général Neipperg fut nominé maréchal de la cour, titre qui lui donnait le privilège de monter dans la même voiture que l'archiduchesse[43]. Bien avant le retour de l'île d'Elbe, et à l'insu de l'empereur, Fouché, parait-il, avait conçu le projet de faire enlever le roi de Rome. Selon Méneval, des émissaires étaient même venus à Vienne dans ce dessein[44]. Quoi qu'il en soit, la cour d'Autriche appréhendait un complot. Le 18 mars, l'empereur François déclara à sa fille que dans les circonstances présentes le jeune prince devait résider à Vienne. Marie-Louise, qui avait déjà accepté d'abandonne r son fils pour obtenir la souveraineté de Parme, consentit sans peine à cette séparation anticipée. L'enfant fut conduit au palais impérial de Vienne. Deux jours plus tard, à la suite d'une fausse alerte qui fit soupçonner à tort le colonel de Montesquiou d'une tentative d'enlèvement dont sa mère aurait été complice, le grand-chambellan Vrbna signifia à celle-ci l'ordre de l'empereur de cesser incontinent ses fonctions. Malgré ses prières et ses protestations, madame de Montesquiou dut obéir et livrer à une gouvernante autrichienne J'enfant qu'elle n'avait pas quitté un seul instant depuis sa naissance. Redoutant quelque horrible projet, elle exigea l'attestation, signée de deux médecins, que le fils de Napoléon sortait de ses mains en bonne santé[45]. Le petit prince pleura beaucoup. A toute minute, il appelait maman Quiou. Quand Méneval partit pour Paris, au commencement de mai, il vint le voir une dernière fois et lui demanda s'il avait quelque chose à faire dire à son père. L'auguste enfant jeta un regard de défiance sur sa nouvelle gouvernante et sur les Autrichiens qui se trouvaient là puis il se retira silencieusement à l'autre extrémité de la pièce, dans l'embrasure dune fenêtre. Méneval l'y suivit. Alors le petit prince, l'attirant tout contre la croisée, lui dit très bas : — Monsieur Méva, vous lui direz que je l'aime toujours bien[46]. III Dans les casernes de Bruxelles, on criait : Vive l'empereur ! à Gand, le peuple se moquait des émigrés ; à Liège, à Mayence, à Aix-la-Chapelle, à Trèves, à Spire, à Luxembourg, les populations molestées par les Prussiens préparaient des cocardes tricolores. En Piémont, des soldats désertaient pour s'engager dans l'armée française. En Westphalie et dans le Mecklembourg, où Napoléon avait aboli le servage et les corvées féodales, son nom était resté cher aux petits. A Dresde, on illumina quand on apprit l'évasion de l'île d'Elbe[47]. Mais les voix isolées des partisans de Napoléon se perdaient dans l'immense clameur de l'Allemagne, au cœur de laquelle la crainte d'une nouvelle invasion avait réveillé la haine des Français[48]. Les journaux publiaient la Déclaration du Congrès, le manifeste mystique du roi de Prusse, les proclamations gallophages de Justus Grüner[49], en les accompagnant d'effroyables menaces et de lourdes invectives contre la France. Du Rhin à l'Oder, tout le pays retentissait des aboiements de la presse tudesque : Les Français s'imaginent ne pas avoir été vaincus, il faut leur donner la conviction qu'ils le sont. Ce n'est qu'en leur ôtant pour un siècle l'envie de faire fortune par la guerre qu'on empêchera ce peuple turbulent d'inquiéter ses voisins. — Nous avons eu tort de ménager les Français. Nous aurions dû les exterminer tous. Oui, il faut exterminer cette bande de 500.000 brigands. Il faut faire plus : il faut mettre hors la loi le peuple français. — Cette fois, il faut partager la France... Le monde ne peut rester en paix tant qu'il existera un peuple français. Changeons-le en peuples de Neustrie, de Bourgogne, d'Aquitaine. — Point de traités avec les Français. La proscription prononcée par le congrès contre le chef devra s'étendre à toute la nation. Il faut les exterminer, les tuer comme des chiens enragés[50]. Avec plus d'habileté, les journaux anglais séparaient la cause de la France de celle de Buonaparte et donnaient les raisons qui imposaient la guerre. N'avons-nous donc aucun intérêt, disait le Sun, au repos de l'Europe ni au sort de la France ? Pouvons-nous rester tranquilles quand la maison de notre voisin brûle ? Le bonheur de tous les peuples tient au trône des Bourbons. — Si les malheurs attachés à l'usurpation du Corse sanguinaire, disait le Times, atteignaient seulement ceux qui se sont mis bassement sous son joug, nous pourrions désirer que l'on abandonnât ces misérables aux calamités qu'ils ont si bien méritées. Mais le but pour lequel ses compagnons de scélératesse ont appelé ce brigand, ce monstre chargé de tant de crimes et d'horreurs, est le pillage de l'Europe. Le Morning Post, l'Evening Star, l'Observer, le Courrier tenaient le même langage[51]. Au milieu de ce déchainement un seul journal, le Morning Chronicle, osa prendre la défense de Napoléon et réclamer pour la France le droit d'avoir 1P gouvernement qu'elle voulait : Napoléon a reconquis en quinze jours le trône dont il n'avait pu être renversé par toute l'Europe qu'après un si grand nombre d'années. Il n'est rien de pareil dans l'histoire.... L'attention du Parlement sera certainement attirée par la politique condamnable qui tend à renouveler la guerre. Il n'est d'aucune importance qu'un Bonaparte ou un Bourbon soit sur le trône de France[52]. Dans le Parlement, la politique de non-intervention eut aussi d'ardents défenseurs parmi les pairs et les députés que Dudley appelait les whigs napoléonistes et qui regardaient Bonaparte comme l'héritier de la Révolution et le gardien des principes d'égalité. Dès le 16 mars, Whitbread, un des leaders du parti, avait protesté d'avance contre toute mesure qui pourrait impliquer l'Angleterre dans la guerre civile commencée sans doute en France. Le 3 avril, il déclara que le manifeste des Puissances, du 13 mars, devait être apocryphe puisque l'on y sanctionnait la doctrine de l'assassinat. — Pour l'honneur de mon pays, s'écria-t-il, j'espère qu'aucun Anglais n'a signé une pareille pièce. Quelques jours plus tard, de graves débats s'engagèrent au sujet du Message, par lequel le prince régent informait le Parlement qu'il avait donné des ordres de mobilisation et qu'il était entré en communication avec les alliés de l'Angleterre pour garantir la sécurité européenne. A la Chambre des Lords, le marquis de Lansdown, le marquis de Wellesley, frère de Wellington, lord Stanhope dénoncèrent ces menaces de guerre comme une atteinte à la liberté des peuples. A la Chambre des Communes, les whigs parlèrent au nom du même principe. — Il est impossible de justifier cette guerre, dit sir Francis Burdett. L'honorable lord Castlereagh appelle le débarquement de Bonaparte : une invasion ! A-t-on jamais vu trente millions d'âmes envahies par un seul homme ? Bonaparte a été reçu comme un libérateur. Le peuple français déteste l'ancien ordre de choses : il craignait de le voit rétablir par un roi qui se disposait à violer ses engagements. Les Bourbons ont perdu le trône par leurs propres fautes. Ce serait une mesure monstrueuse de faire la guerre à une nation pour lui imposer un souverain dont elle ne veut pas. Laissons les Français arranger leurs affaires eux-mêmes. Derechef Whitbread s'éleva avec véhémence contre la Déclaration du 13 mars, provocation à l'assassinat qui déshonorait le caractère anglais, et proposa d'ajouter à l'Adresse de confiance, que la Chambre allait voter en réponse au Message, un amendement engageant le prince régent à faire tous ses efforts pour conserver la paix. L'amendement fut repoussé par deux cent vingt voix contre trente-sept[53]. La Chambre ignorait encore l'existence du traité signé à Vienne le 25 mars, mais en votant cette Adresse, elle le ratifiait d'avance. Avec la ténacité anglaise, les whigs luttèrent pour la non-intervention presque jusqu'au premier grondement du canon. Le 28 avril, à l'occasion des impôts demandés au Parlement par le cabinet, Whitbread, Ponsonby, Tierney combattirent de nouveau la politique ministérielle. Ponsonby rétorqua le sophisme de Castlereagh et de Liverpool, que l'on faisait la guerre à Bonaparte et non à la France : Quelle subtilité ! Comment supposer que la France n'interviendra pas dans la guerre, quand cette guerre est déclarée à l'homme que le peuple français a voulu avoir pour chef. — Il n'est pas vrai, ajouta Tierney, que Bonaparte ait été ramené seulement par les soldats. Le peuple ne lui est pas moins attaché que l'armée. Le 1er mai, les habitants de la Cité adressèrent aux Communes une pétition où il était dit que le rejet prémédité de la paix, le refus de négocier, l'insulte au souverain actuellement sur le trône de France, la guerre et l'accroissement continu des taxes étaient d'une politique semblable à la folie même. Après des débats ardents et prolongés, Castlereagh fit rejeter cette pétition. La discussion reprit le 23 mai, quand les ministres communiquèrent au Parlement le texte du traité. A la Chambre haute, lord Guy se prononçant avec énergie contre une guerre entreprise pour proscrire l'homme que le peuple, autant que l'armée, avait choisi comme le maitre de ses destinées, et pour le remplacer par Louis XVIII émit la proposition d'une Adresse pacifique. Sa motion réunit quarante-trois voix sur cent cinquante-six votants. Parmi ces quarante-trois voix était celle de lord Byron[54]. L'opposition des whigs eut cependant pour résultat d'éclairer le ministère. Il sentit que si les Chambres étaient déterminées à voter une guerre ayant pour objet la sécurité européenne, elles seraient hostiles à une guerre dynastique menée pour les Bourbons. Par une distinction singulièrement subtile, le Parlement admettait avec lord Liverpool que l'on porterait atteinte aux droits d'une nation libre en imposant Louis XVIII à la France, mais qu'en lui interdisant de conserver Bonaparte, ou laissait ces droits saufs et entiers. Castlereagh envoya à Vienne la Déclaration suivante : Le soussigné, en échangeant les ratifications du traité du 25 mars dernier, a ordre de déclarer que l'article VIII doit être entendu comme obligeant les parties contractantes à faire des efforts communs contre le pouvoir de Napoléon Bonaparte, mais qu'il ne doit pas être entendu comme obligeant S. M. B. à poursuivre la guerre dans le but d'imposer à la France aucun gouvernement particulier. Quel que soit le désir du prince régent de voir S. M. T. C. rétablie sur le trône et quel que soit son empressement à contribuer, de concert avec ses alliés, à un si heureux événement, il se croit, néanmoins obligé de faire cette déclaration, autant dans les intérêts de S. M. T. C. en France que pour se conformer aux principes sur lesquels le gouvernement britannique a réglé invariablement sa conduite[55]. Les plénipotentiaires d'Autriche, de Prusse et de Russie adhérèrent à cette Déclaration[56] ambiguë et fallacieuse : ambiguë, parce que tout en proclamant qu'ils ne s'obligeaient pas à restaurer Louis XVIII, les souverains protestaient de leur désir de le voir rétabli sur son trône et de leur empressement à contribuer à un si heureux résultat ; fallacieuse, parce que cette guerre, qui, selon les paroles des souverains, n'était pas entreprise dans le but d'imposer à la France aucun gouvernement particulier, devait, dans leur pensée, avoir pour résultat le rétablissement de Louis XVIII. Le cabinet de Vienne ne voulant point de la régence[57], le czar ayant renoncé à ses vues sur le duc d'Orléans[58] et aucune des puissances n'admettant l'idée d'une seconde république française, la royauté des Bourbons était nécessairement appelée à remplacer l'empire. Le droit d'exclusion que s'arrogeait l'Europe équivalait au droit de désignation qu'elle se défendait de vouloir exercer[59]. Interdire à la France de conserver Napoléon, c'était implicitement lui imposer Louis XVIII. IV Tous les États de l'Europe entrèrent dans la coalition. La Suisse elle-même prit parti. Le président de la Diète écrivit à Caulaincourt : La Suisse ne peut, par la reconnaissance du gouvernement actuel de la France, suivre un système opposé à celui de toutes les puissances de l'Europe... Lorsque la France, en paix avec elle-même, aura retrouvé le bonheur sous un gouvernement stable et reconnu par l'Europe, le vœu le plus sincère de la Suisse sera rempli[60]. Dès les premiers jours d'avril, les troupes espagnoles commencèrent à se masser sur la frontière ; le 2 mai, Ferdinand VII publia une déclaration de guerre au nom de la justice, de l'humanité et de la religion[61]. Dans l'Europe ameutée, Napoléon n'avait qu'un seul allié : Murat. Et non seulement cet allié était débile, égoïste et peu sûr, mais par sa précipitation à prendre les armes il allait se perdre irrémédiablement sans être d'aucun secours à l'empereur. Le 24 ou le 25 février, Napoléon avait dépêché au roi de Naples le chevalier Colonna. Colonna avait la mission d'annoncer le prochain départ de Napoléon et de signer un traité de garantie, si le roi l'exigeait ; il était muni de pleins pouvoirs à cet égard. En retour, Napoléon demandait à Murat d'assurer personnellement le ministre d'Autriche de ses dispositions pacifiques, et d'envoyer en même temps un agent de confiance pour faire au cabinet de Vienne une déclaration analogue. Ces démarches, avait ajouté l'empereur, ne devront pas empêcher Murat de se préparer à la guerre, car si l'Autriche prenait parti pour Louis XVIII, l'entrée en ligne de soixante mille Napolitains obligerait cette puissance à une diversion importante[62]. Colonna arriva à Naples le 1er mars, et le 5 on apprit l'évasion de l'île d'Elbe[63]. Murat s'empressa d'appeler au palais le comte Mier, ministre d'Autriche, mais bien loin de lui faire part du message de l'empereur (il craignait sans doute de se compromettre), il lui déclara que sa politique resterait entièrement subordonnée à celle de l'Autriche et que rien ne pourrait le faire dévier de ce principe. — Je voudrais savoir, dit-il, la marche que votre gouvernement compte suivre en cette occurrence afin de m'y conformer. Le même jour, il manda à ses ministres à Vienne et à Londres de faire la même déclaration au cabinet autrichien et au Foreign office[64]. La reine Caroline ne paraissait pas mieux disposée pour Napoléon. — Comme sœur de l'empereur, dit-elle à Mier, je ne puis souhaiter sa mort, mais j'aurais bien désiré qu'il se tînt tranquille à l'île d'Elbe[65]. Cependant, les nouvelles du débarquement au golfe Jouan, de la marche rapide de Napoléon, de son entrée à Grenoble vinrent bientôt troubler Murat. Avec son imagination galopante, il vit Napoléon non seulement restauré sur le trône de France mais faisant trembler l'Europe et lui imposant ses volontés. Grisé par le succès de l'empereur, il songea à agir comme lui. Napoléon entreprenait de conquérir la France avec une poignée de grenadiers. Lui, qui avait une armée de soixante mille hommes et qui se croyait aussi populaire dans la Péninsule que son beau-frère pouvait l'être au delà des Alpes, ne devait-il pas tenter de conquérir l'Italie ! A son premier appel, cent cinquante mille patriotes se lèveraient dans les Légations, en Toscane, à Modène, à Milan ; alors, il ne craindrait personne. Mais il fallait se presser, il fallait chasser les Autrichiens en même temps que Napoléon chasserait les Bourbons. Autrement, l'empereur réunirait de nouveau l'Italie à la France, et lui, Joachim, resterait roi de Naples comme devant. Un mois plus tôt, il eût été bien heureux que la possession de ce royaume lui fût reconnue par le congrès, mais à l'heure présente l'insensé voulait profiter des événements pour se faire roi d'Italie[66]. Dès le 8 mars, Murat prépara son entrée en campagne. Tous les disponibles de l'armée furent rappelés ; on organisa les milices ; la garde royale et les troupes de ligne reçurent l'ordre de se tenir prêtes à partir pour rejoindre dans les Marches le corps d'occupation. On subvint aux premières dépenses avec les fonds des différentes administrations, on vida jusqu'à la caisse des hôpitaux. Murat ne pouvant cacher à Mier ces préparatifs de guerre s'efforça de lui persuader que loin d'avoir aucune intention hostile contre l'Autriche, il mobilisait, ses troupes afin de pouvoir la seconder comme en 1811. Mais le ministre autrichien n'était pas dupe. Le 12 mars, il écrivit à Metternich : Tout prouve que le roi a pris son parti... Il tâchera de soulever l'Italie et d'en prendre possession ; il faudra donc qu'il se batte avec nous... Ma position ici devient très embarrassante[67]. Murat quitta Naples le 17 mars ; le 19, il était à Ancône avec le gros de son armée, tandis qu'une division, destinée à opérer en Toscane, marchait de Gaëte sur Rome par Terracine. Le roi avait fait demander à la Curie libre passage pour cette colonne ; Pie VII refusa son autorisation, et à l'approche du corps napolitain, il partit précipitamment pour Gênes, accompagné, dit Lucien Bonaparte, ou plutôt emmené par le corps diplomatique[68]. Après être resté huit jours à Ancône, Murat continua sa marche vers Bologne. Le 29 mars, il reçut entre Fano et Pesaro[69] une lettre absolument incohérente de Joseph Bonaparte où ce prince le conjurait de seconder par les armes et par la politique le généreux mouvement de la nation française et de donner des assurances pacifiques à l'Autriche tout en marchant aux Alpes. C'était lui dire de demeurer en paix avec cette puissance en envahissant des provinces occupées par elle[70] ! Au reste, ces maladroits et imprudents conseils n'eurent point l'influence que Murat y a attribuée après sa défaite[71], puisque, le 29 mars, il avait déjà fait acte d'hostilité en dépassant la ligne de démarcation établie entre les armées autrichienne et napolitaine[72]. Arrivé le 30 à Rimini, il publia un appel aux armes pour l'affranchissement et l'unité de l'Italie. Dans ce manifeste emphatique, le nom de Napoléon n'était pas prononcé. Mais si Murat ne voulait pas évoquer dans l'esprit des Italiens le souvenir de l'empereur, ni surtout celui du vice-roi Eugène, ses précautions étaient prises en France, pour s'assurer l'appui de son redoutable beau-frère. En quittant Naples, il avait dépêché à Paris le comte de Bauffremont avec mission de déclarer à l'empereur qu'il pouvait compter sur lui[73]. Murat ne doutait pas du succès, et, de fait, sa folle expédition s'annonçait heureusement. Les avant-postes autrichiens se repliaient à l'approche de sa cavalerie, les patriotes s'agitaient, Bologne, Padoue, Brescia, Venise, Milan étaient dans la fièvre, les gardes du corps de Parme se rebellaient en criant : Vivo l'empereur ! Le 2 avril, le roi entra à Bologne, évacuée la veille par 9.000 Autrichiens. Le 4 avril, il força le passage du Panaro et vint coucher à Modène ; à sa droite le général Ambrosio s'emparait de Ferrare et, à sa gauche, le général Pignatelli occupait Florence[74]. Mais les succès des Napolitains étaient comptés. Tandis que Murat dispersait son armée en plusieurs détachements, les Autrichiens se concentraient derrière le Pô. Il épuisa dans de sanglantes attaques contre la tête de pont d'Ochiobello les 20.000 hommes restés sous son commandement immédiat. Bientôt les Autrichiens, passant de la défensive à l'offensive, contraignirent le roi à se replier sur Bologne, puis sur Rimini, puis sur Ancône. Murat espérait ramener son armée dans les Abruzzes pour y mener une guerre de chicanes. Il ne le pouvait plus. Après leurs victoires des 9 et 10 avril, les Autrichiens s'étaient divisés. Pendant que Neipperg avec 16.000 hommes suivait Murat sur la route du littoral, Bianchi, s'avançant par la Toscane et les Etats de l'Eglise à la tête de 12.000 soldats, vint lui couper la retraite à Tolentino. La bataille dura deux jours, les 2 mai et 3 mai, et se termina par la déroute des Napolitains. Entraînés par Murat, ils avaient montré de l'élan dans la première journée ; ils ne résistèrent pas à l'attaque décisive. Ils laissèrent sur le champ de bataille leur artillerie, leurs bagages et 1.000 tués, blessés ou prisonniers. Murat chercha vainement la mort sous les balles et jusque sur les baïonnettes autrichiennes. Pendant la retraite, son armée entra en dissolution ; il y eut en huit jours vingt mille déserteurs. Le 11 mai, Murat rallia derrière le Volturno une dizaine de mille hommes. C'était ce qui restait des quarante mille soldats qu'il avait au début de la campagne[75]. A Castel di Sagro, Murat fut rejoint par le général Belliard. L'empereur l'avait envoyé le 22 avril pour exprimer au roi de Naples son mécontentement qu'il eût engagé les hostilités, car lui voulait la paix, mais pour l'assurer néanmoins de son intention de le seconder[76]. Belliard conseilla à Murat de fortifier Capoue où il pourrait soutenir un long siège. Le roi hésita, pensa à traiter, perdit du temps. D'ailleurs, ses derniers soldats étaient abattus, démoralisés, incapables de la moindre résistance ; plusieurs généraux parlaient d'abdication et semblaient prêts à trahir ; partout la révolte menaçait ; enfin, pour éviter un bombardement, la reine venait de livrer à l'escadre anglaise les vaisseaux et l'arsenal de Naples. Après avoir souffert les mêmes angoisses que Napoléon à Fontainebleau, Murat apprit le 18 mai que les Autrichiens n'étaient plus qu'à une marche. Il rentra éperdu à Naples : — Madame, dit-il à la reine, ne vous étonnez point de me voir vivant : je n'ai pas pu mourir[77]. En vertu d'une convention conclue avec le capitaine Robert Campbell, commandant l'escadre britannique. Caroline et ses enfants devaient. se rendre à bord du Tremendous pour être ramenés en France. Le 19 mai, Murat quitta Naples, déguisé en matelot, gagna Ischia et réussit à s'y embarquer sur un bâtiment danois qui le conduisit à Cannes. Il loua une maison aux environs de Toulon. Ironie des choses la villa où ce roi détrôné, ce général sans armée, ce Français sans patrie, passa trois mortelles semaines à attendre sa femme et ses enfants, qu'il adorait et qu'il ne devait plus revoir, s'appelait Plaisance[78]. L'armée autrichienne entra à Naples le 23 mai tandis que la reine Caroline était emmenée prisonnière à Trieste ; l'amiral Exmouth avait refusé de ratifier la convention conclue par son subordonné[79]. Ainsi, un mois avant que le premier coup de canon fût tiré sur les frontières du Nord, les 90.000 Autrichiens concentrés en Italie étaient devenus disponibles pour se porter vers les Alpes françaises. Murat espérait avoir un commandement dans l'armée impériale, mais au lieu d'une lettre de service, il reçut un envoyé de l'empereur, M. de Baudus, qui l'invita à rester en Provence jusqu'à nouvel ordre. L'empereur, lui dit Baudus, ne peut appeler auprès de lui ni employer dans son armée un homme qui, il y a un an, a combattu les Français. Il vous blâme aussi d'avoir entrepris votre récente campagne contre sa volonté. L'an dernier, selon ses paroles, vous avez perdu la France en paralysant les 60.000 soldats du prince Eugène. Cette année, vous l'avez compromise en attaquant prématurément les Autrichiens[80]. Murat adressa une nouvelle lettre à l'empereur : .... Vous m'avez fait écrire par le duc de Vicence et vous avez ajouté de votre propre main : Je vous soutiendrai de toutes mes forces... Après avoir perdu ma couronne pour vous, je veux verser la dernière goutte de mon sang à votre service[81]. Les récriminations de Murat étaient injustes. On a vu qu'il était entré en campagne pour réaliser son rêve de la couronne d'Italie et nullement pour seconder Napoléon, dont les instructions lui prescrivaient au contraire de ne point engager la guerre. L'empereur, qui proclamait son désir de rester en paix avec l'Europe et de maintenir le traité de Paris, ne pouvait vouloir que Murat violât ce traité en envahissant l'Italie. Rapprochés des paroles qu'il lui avait fait transmettre par Colonna, ces mots : Je vous soutiendrai de toutes mes forces signifiaient qu'il lui donnerait son appui mais au cas seulement où Murat entreprendrait la guerre de concert avec la France[82]. Dans son irritation très légitime, l'empereur s'exagérait d'ailleurs les conséquences du coup de tête de Murat. Sans doute, la campagne du roi de Naples, fort inutile en avril, aurait occupé en juin l'armée autrichienne des duchés et contraint peut-être celle de la Haute-Italie à ajourner ses opérations dans les Alpes. Mais Napoléon s'illusionnait en croyant que l'Autriche avait repoussé ses ouvertures parce que l'agression des Napolitains lui en avait fait suspecter la sincérité[83]. Qu'importait à l'Europe que les paroles de paix de Napoléon fussent sincères ou trompeuses, puisque l'Europe était irrévocablement déterminée à y répondre par des coups de canon ! V En quittant Lille, Louis XVIII était d'abord allé à Ostende avec le secret désir de s'y embarquer pour l'Angleterre. On lui rappela le conseil du duc d'Orléans de se retirer à Dunkerque, et il affecta un instant d'en avoir la velléité. Il laissa Blacas risquer bien inutilement la vie d'un garde de la Porte, le baron de Lascours, que l'on envoya à Dunkerque pour s'aboucher avec le maire et les royalistes. Lascours fut arrêté et traduit devant un conseil de guerre, qui d'ailleurs l'acquitta. Louis XVIII apprit sans regret l'insuccès de cette entreprise à laquelle il n'avait jamais songé sérieusement[84]. Pour reconquérir son trône il ne comptait, selon le joli mot du duc d'Orléans, que sur le moyen anodin d'un million de baïonnettes étrangères[85]. Le 27 mars, il écrivit à l'empereur d'Autriche : ... Je n'ai trouvé dans mes troupes que l'impatience d'aller servir un chef dont le nom leur rappelle et semble leur promettre encore la conquête et la dévastation de l'Europe... Les intentions généreuses manifestées dans la Déclaration du 13 mars ne me permettent pas de douter que les puissances, intéressées à maintenir l'Europe dans le repos, ne se hâtent d'étouffer dans sa naissance le germe des plus affreuses calamités... C'est avec la plus entière confiance que je sollicite votre appui pour moi et mon peuple opprimé [86]. Dans l'entourage du roi, on se montrait très opposé à son projet d'aller en Angleterre. Louis XVIII céda à contre cœur, et le 31 mars, il partit pour Gand où le prince d'Orange lui avait offert d'établir sa résidence. Le comte d'Artois, les ducs de Duras, de Poix, d'Havré, de Luxembourg, de Levis, Berthier, Marmont, Victor, les généraux Maison, de Beurnonville, Bordessoulle, Donnadieu, Louis de La Rochejaquelein, Thibaut de Montmorency, le chancelier Dambray, Blacas, Jaucourt, Louis, Beugnot, Bourrienne, Clarke, Chateaubriand, Gaétan de La Rochefoucauld, le comte de Bruges, Roux-Laborie, Bertin l'aîné, Lally-Tollendal, de Sèze, les préfets Capelle et Vaublanc, Anglès, Mounier, Guizot accompagnèrent le roi ou le rejoignirent bientôt. Pozzo di Borgo, Goltz, Vincent et les autres représentants des puissances, jadis accrédités à Paris, vinrent reprendre leur poste diplomatique auprès de Louis XVIII. Il y eut à Gand une véritable cour[87]. Il y avait aussi un véritable gouvernement auquel ne manquait qu'un pays à gouverner. Ma correspondance avec les départements ne me donnait pas grande besogne, dit Chateaubriand, qui en l'absence de l'abbé de Montesquiou, émigré en Angleterre, avait par intérim le portefeuille de l'intérieur. Beugnot, ministre de la marine, et Louis, ministre des finances, n'étaient point non plus fort occupés. Clarke pouvait du moins donner des ordres, faire des règlements et combiner des plans de campagne, car il y avait une armée royale : 802 gardes du corps, mousquetaires, Suisses, volontaires de l'Ecole de droit et soldats déserteurs, cantonnés à Alost et aux environs sous le commandement du duc de Berry[88]. Pour augmenter cette petite troupe, Clarke et ses agents multipliaient les appels à la désertion parmi les corps français stationnés sur la frontière. Des émissaires de Gand, des douaniers belges, des royalistes de Lille et de Cambrai distribuaient des proclamations où l'on promettait, outre une bonne solde et de bons cantonnements, 80 francs à chaque cavalier monté et 20 francs à chaque fantassin qui rejoindrait l'armée royale. Voilà le prix que mettent ces misérables à un vainqueur d'Austerlitz et de la Moskova ! disait Lobau dans un ordre du jour[89]. Au reste, ces appels n'étaient guère entendus : du 1er avril au 10 mai, il y eut en tout vingt-huit déserteurs à l'étranger[90]. Seul de ses collègues du cabinet, le comte de Jaucourt avait autant de besogne que si l'on était encore à Paris. Il recevait et visitait les diplomates accrédités à Gand, correspondait avec les ministres français à l'étranger, tous restés à leur poste, écrivait à Talleyrand, lui donnant des nouvelles de la cour, lui demandant des conseils et lui soumettant des projets. Il négociait, sollicitait, intriguait partout : aux quartiers généraux des Alliés pour obtenir l'admission de commissaires royaux dans les états-majors ; à Madrid pour presser l'entrée en campagne de l'armée espagnole ; à Berne pour le recrutement de quatre régiments suisses à lever pour le roi au compte de l'Angleterre ; à Bruxelles pour la formation d'un corps de volontaires hollando-belges ; à Londres pour l'envoi en Vendée d'armes et de munitions de guerre[91]. On sentit le besoin d'un Moniteur. Bertin l'aîné fonda le Journal Universel et publia dans le premier numéro les deux ordonnances du roi, antidatées de Lille, 23 mars. L'une portait défense à tout Français de payer au gouvernement dit impérial aucune espèce d'impôt ; l'autre licenciait l'armée française[92]. C'est dans cette feuille, augmentée ce jour-là d'un supplément de quatre pages, que parut l'interminable rapport de Chateaubriand sur l'état de la France. L'auteur de Buonaparte et les Bourbons y dressait à nouveau l'acte d'accusation de Napoléon et opposait aux crimes du second Genséric les bienfaits du souverain que ses sujets avaient appelé leur père. Lally-Tollendal donnait au Moniteur de l'émigration des articles de doctrine, et le reste du journal, qui, d'ailleurs, ne paraissait que deux fois par semaine, était rempli de renseignements vrais ou faux sur Paris, d'attaques contre Bonaparte et de renseignements sur l'étranger où l'on dénombrait complaisamment les armements des Alliés[93]. De son côté, Bourrienne qui avait été nommé ministre à Hambourg employait les loisirs que lui laissaient ses fonctions diplomatiques à écrire de petits articles pour le Correspondant de Hambourg. Il y démontrait les dangers que Bonaparte faisait courir à l'Europe et la nécessité d'une prompte intervention ; il combattait en même temps les idées de vengeances et de démembrement prêchées par la presse rhénane. Est-ce bien servir la cause de l'Europe, disait-il, que d'exaspérer les Français, de leur mettre les armes à la main alors qu'ils n'aspirent qu'au moment de célébrer la chute du tyran ?[94] Talleyrand prisait plus les articles de Bourrienne que ceux de Bertin et de Lally-Tollendal, et même que ceux de Chateaubriand. Il écrivait à Jaucourt : Le journal de Bourrienne est beaucoup mieux fait que celui de Gand. Il faudrait appeler Bourrienne à Gand et lui faire rédiger un journal de l'Europe. Il sait dire ce qu'il faut pour l'Allemagne sans déplaire à la France[95]. Peut-être Talleyrand s'abusait-il sur ce point comme sur beaucoup d'autres. On lisait peu en France le Hamburgischen Korrespondenten, et en Allemagne on répondait à Bourrienne : Vous voulez nous persuader que Buonaparte est un loup enragé et les Français des agneaux. Nous les connaissons : ils ne valent pas mieux que lui[96]. Si peu nombreux que fussent les réfugiés de Gand, ils formaient deux partis. Les émigrés de tradition, qui se groupaient autour du comte d'Artois, disaient comme jadis à Coblentz : Nous en avons pour trois semaines. Ils comptaient sur un retour à l'ancien régime, se flattaient d'être rétablis dans leurs privilèges, méconnus en 1814, et parlaient de refuser tout quartier aux soldats rebelles et de passer au fil de l'épée les habitants des villes qui feraient résistance. Malgré ces riantes pensées, ce n'était point la gaîté de Coblentz, car on avait vingt-cinq ans de plus. Les émigrés de circonstance, les constitutionnels, ne doutaient pas de rentrer un jour en France, sous un régime ou sous un autre. Mais ce jour était-il prochain ou éloigné ? personne ne se hasardait à le dire. En attendant, ministres sans ministère, préfets sans préfecture, généraux sans commandement vivaient fort économiquement. Ils eurent une chambre pour deux et prirent pension à 3 francs par tête. Les grands jours, ils se permettaient une petite débauche. Chateaubriand, Beugnot, Beurnonville, Capelle, Guizot, Louis, Roux-Laborie allaient manger une matelote de poissons blancs dans une guinguette des bords de la Lys. C'était dans les deux coteries à qui se jetterait la première pierre. A la modeste table d'hôte des constitutionnels, on récriminait sur les infractions à la charte, et sur les faveurs accordées aux émigrés ; on rappelait les craintes inspirées aux acquéreurs, les imprudences de la noblesse de clocher et du clergé provincial. Au pavillon de Marsan, car, dit Chateaubriand, il y avait à Gand un pavillon de Marsan, on ripostait ironiquement : Nous voilà encore une fois dehors. A qui la faute ? On ne peut s'en prendre ni à nos principes qu'on a repoussés ni à nos personnes qu'on a écartées. Vous avez fait prévaloir votre système et vous n'avez pas su nous défendre. Un système différent n'aurait pas fait pis et il n'est pas démontré qu'il n'eût pas fait mieux[97]. Si l'on était divisé sur la ligne politique à suivre au retour en France, on ne l'était pas moins sur la conduite à tenir en attendant qu'on y fût. Fallait-il garder un rôle passif et laisser agir les Alliés, ou combattre comme en 92 à côté de leurs armées ? Le roi se rendrait odieux à la France, écrivait Talleyrand, s'il donnait lieu de croire que c'est pour lui que la guerre est entreprise. Mais les partisans de l'action objectaient que la coopération à la campagne d'une nouvelle armée de Condé serait le gage de l'entente du roi avec les souverains et de son rétablissement sur le trône de France[98]. Les puissances décidèrent la question en faisant connaître à Gand leur désir formel que la petite armée d'Alost ni même les princes individuellement ne prissent point part à la guerre. On laissait Louis XVIII libre d'agir en Vendée, où l'Angleterre avait déjà envoyé des armes aux insurgés, mais sur les frontières du Nord et de l'Est, les Alliés entendaient opérer seuls. Les généraux en chef refusèrent même, d'après les ordres des souverains, d'admettre à leur quartier général les commissaires royaux que Louis XVIII avait nommés à l'effet de seconder les armées alliées sur le territoire français en tout ce qui dépendrait de l'administration intérieure et des réquisitions[99]. Les Alliés avaient contre l'admission des commissaires des raisons d'ordre pratique et des raisons d'ordre moral. Ils craignaient des conflits entre leurs ordonnateurs et ces délégués, et les inconvénients qui en résulteraient pour le service des subsistances ; ils estimaient que la présence des représentants du roi sous les drapeaux étrangers compromettrait sa cause aux yeux des Français[100]. C'était d'ailleurs l'avis des constitutionnels émigrés ; c'était celui de Talleyrand qui écrivit à Louis XVIII : Rien ne pourrait contribuer davantage à aliéner les sentiments des sujets de V. M. que l'opinion qu'on leur laisserait prendre sur la cause de la guerre. Il ne faut pas qu'ils puissent jamais attribuer à V. M. les maux dont la guerre va les accabler[101]. Il existait enfin un motif secret. Les cours, tout en ne cessant point de traiter Louis XVIII en roi de France et en étant parfaitement déterminées à le rétablir sur son trône, ne voulaient cependant pas le reconnaître comme allié et belligérant. A Berlin et à Vienne, on pensait déjà à exiger de la France une cession de territoire[102], et, en droit, on ne pouvait conquérir sur un allié. C'est pourquoi l'adhésion que Louis XVIII avait d'abord été invité à donner au traité d'alliance du 25 mars ne fut admise que d'une façon incomplète, si toutefois elle le fut[103]. C'est pourquoi aussi les plénipotentiaires avaient glissé dans la Déclaration du 12 mai cette phrase grosse de menaces : Il ne s'agit plus aujourd'hui de maintenir le traité de Paris, il s'agirait de le refaire. Les puissances se trouvent rétablies envers la France dans la position où elles étaient le 31 mars 1814. Cette Déclaration par laquelle le congrès, tout en protestant de son respect pour b traité de Paris, marquait son droit de le réviser, Talleyrand eut l'étourderie ou la faiblesse d'y apposer sa signature[104]. Malgré les lettres optimistes de Talleyrand, les bonnes paroles de Wellington, les assurances officielles de Pozzo, de Vincent et de sir Charles Stuart, Louis XVIII avait des heures d'inquiétude. L'exclusion de ses commissaires, les déclarations de l'Angleterre et des autres puissances qu'elles ne poursuivraient pas la guerre pour imposer une dynastie à la France, les projets de démembrement exposés dans les proclamations haineuses de Justus Grimer et dans les Philippiques de Stein et de Goërres[105], l'appréhension de manquer quelque jour d'argent — il avait pu emporter de Paris tout au plus cinq millions[106] —, les velléités du czar de mettre le duc d'Orléans sur le trône[107], la conduite de ce prince qui, nonobstant les sollicitations et même les ordres de son souverain, s'obstinait à rester en Angleterre, loin du commerce compromettant des émigrés de Gand[108], tout cela ne laissait pas de troubler Louis XVIII. Le roi, écrivait le 23 mai Pozzo à Nesselrode, est dans ce moment très alarmé sur son sort. — Ils sont si tourmentés à la cour de Gand, écrivait-il encore le 4 juin, que j'ai besoin de les soutenir contre mille alarmes[109]. Louis XVIII n'en garde pas moins son attitude majestueuse, sa superbe à la Louis XIV. Il mendie l'appui des souverains du ton dont il donnerait des ordres à ses grands vassaux. Louis était roi partout, dit Chateaubriand ; son nom était son diadème. A Gand, il maintient les coutumes et l'étiquette des Tuileries, Chaque matin, ce roi in partibus donne audience à l'un ou à l'autre de ses ministres, même au ministre de la marine. Chaque après-midi, il fait sa promenade habituelle, en calèche à six chevaux lancés ventre à terre, avec une escorte de gardes du corps. Deux ou trois fois par semaine, il y a dîner et réception à la cour. Le comte d'Artois désigne quelques personnages pour son whist, et le roi, qui ne joue plus, juge les coups. Le dimanche, Louis XVIII va en grand cortège entendre la messe à la cathédrale de Saint-Baven, frappant d'admiration les bons Gantois par son frac à grosses épaulettes d'or, son cordon du Saint-Esprit et ses guêtres de velours rouge. Il semble que rien ne soit changé à sa vie ni à sa position. Il parait être, non en exil, mais en villégiature. Il reçoit les ambassadeurs avec la même affabilité hautaine, le même orgueil bourbonien ; et quand sur la route de Bruxelles ou dans les rues désertes de Gand, il rencontre lord Wellington, ce généralissime en qui reposent toutes les espérances de l'Europe et les siennes propres, il lui fait d'un imperceptible mouvement de tête un petit signe protecteur[110]. Louis XVIII avait dans son droit une foi inébranlable. A Vérone, à Mittau, à Hartwell, jamais il n'avait désespéré. A plus forte raison ne le pouvait-il pas à Gand. Là il n'est plus un fugitif comme en Italie, un proscrit gênant comme en Russie, un prétendant éventuel comme en Angleterre. Aux yeux de l'Europe, il est le roi de France. Il a des ambassadeurs dans toutes les capitales, des représentants de toutes les cours sont accrédités auprès de sa personne, son plénipotentiaire, le prince de Talleyrand, signe l'acte final du congrès de Vienne, et si les puissances ont pris les armes bien plutôt pour assurer leur propre sécurité que pour lui rouvrir les Tuileries, ce n'en est pas moins à son profit qu'un million de soldats marchent vers les frontières de la France. |
[1] Napoléon admettait la possibilité d'une attaque immédiate : Je suppose, écrivait-il à Davout, le 27 mars, que vous avez donné des ordres pour que, en cas d'événements imprévus, les généraux Reille et d'Erlon se retirent derrière la Sambre... Comme il serait possible que nos communications avec Strasbourg fussent interceptées, il ne faut laisser dans cette ville que le nécessaire. (Correspondance, 21.733).
[2] Napoléon, Correspondance, 21.652, 21.702, 21.707, 21.713, 21.791, 21.733, 21.737, etc. Davout, Correspondance, 1481, 1484. Napoléon à Davout, 26 mars. (Arch. Guerre, carton de la Correspondance de Napoléon.)
[3] F. de Chaboulon, Mémoires, I, 330. — Napoléon, Correspondance, 21.750, 21.856, 21.862.
Caulaincourt lui-même, si pessimiste qu'il fût d'ordinaire, gardait quelque espoir de conserver la paix. Il montre bien ses illusions dans sa lettre à l'empereur, du 25 mars : Beaucoup d'éléments s'opposent aujourd'hui à la reconstitution de l'ancienne croisade de Vienne... Il y a des dissensions intestines entre tous les membres de l'ancienne coalition... L'Autriche hésitera à s'engager dans une guerre qui, si elle était heureuse, affermirait la Russie et la Prusse dans leurs usurpations ; et dans sa lettre au cardinal Fesch, du 8 avril : Jusqu'à présent la question de la guerre est encore indécise. (Arch. Aff. étr., 672 et 1801.)
[4] Napoléon, L'île et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 24). Montholon, Récits, II, 37. F. de Chaboulon, Mém., I, 210. Cf. Joseph à Murat, Pranuins 16 mars. (Arch. Aff. étr., 1801.) — A Lyon, Napoléon avait aussi écrit à Marie-Louise une lettre dans le même sens. (Rapport de Méneval, 18 mai, Arch. Aff. étr., 1802.)
[5] Fouché à Marschall, 21 mars. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[6] Traité de Paris, art. additionnel, I. Protocoles des conférences des 20 et 28 janv. 1815. (D'Angebert, 173, 661-663, 685-686.) Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 288-289.
[7] Décret impérial, Moniteur, 20 mars.
[8] Circulaire de Jaucourt aux ministres accrédités. Paris, 19 mars. (Arch. des Aff. étr., 646.)
[9] Lettres des ambassadeurs et ministres à Rovigo, à Fouché et à Caulaincourt, Paris, 22 et 23 mars. Cf. Lettres des ministres à Jaucourt, Paris, 21 mars. (Arch. des Aff. étr., 1801 et 646.)
Le ministre de Danemark ne réclama ses passeports que le 4 avril. Les ministres de Bade et de Nassau demeurèrent assez longtemps en France, sur leur demande, sous la protection du droit des gens. Les ministres des Etats-Unis et de Turquie crurent devoir rester à leur poste. Le personnel des autres légations quitta Paris, du 23 au 28 mars. Caulaincourt à Napoléon, et ministre de Danemark à Caulaincourt, 1er et 4 avril. (Arch. des Aff. étr., 1801.) D'Erlon à Davout, Lille, 29 mars (Arch. Guerre).
[10] Reinhart, à Talleyrand, Bruxelles, 28 mars (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 370). — C'était le traité d'alliance secrète conclu contre la Russie et la Prusse par l'Angleterre, l'Autriche et la France. A vrai dire, c'est Reinhart, directeur des chancelleries qui avait oublié d'emporter cette pièce, mais Jaucourt n'était pas moins coupable puisqu'il avait omis de donner des ordres à cet égard.
[11] Tandis qu'à la lettre circulaire de Jaucourt les invitant à rejoindre le roi à Lille, les ministres avaient répondu en ces termes : J'irai demander à ma cour de nouveaux ordres relatifs au poste honorable que j'occupe auprès de S. M. T. C. Vincent avait écrit, lui : Je me rends directement à Vienne sans cesser pour cela de me considérer comme accrédité en ma qualité auprès de la personne du roi. Lettre des ministres à Jaucourt, Paris, 21 mars. (Arch. Aff. étr., 646.)
[12] F. de Chaboulon, Mémoires, I, 991-333. Méneval à Caulaincourt, Vienne, 4 avril. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[13] F. de Chaboulon, Mémoires, I, 333. Dans une lettre de Caulaincourt à Eugène, du 26 mars (Arch. des Aff. étr., 1801) il n'est pas question d'une démarche à faire par le prince auprès du czar. Caulaincourt lui parle seulement du désir de l'empereur de maintenir la paix et l'invite à rentrer vite en France. Mais d'après une lettre de Méneval à Caulaincourt, Vienne, 8 avril (Arch. Aff. étr., 1801), une autre lettre avait été expédiée de Paris à Eugène le 22 mars. C'est de celle-ci que parle vraisemblablement Fleury de Chaboulon.
[14] Lettre circulaire de Napoléon aux souverains, 4 avril (Correspondance, 21.760). — Le même jour, Caulaincourt adressa aux ministres des Affaires étrangères des puissances de l'Europe une circulaire conçue dans le même sens. Le 30 mars, il avait envoyé aux représentants de la France à l'étranger une autre circulaire leur annonçant que les fonctions dont les avait chargé le gouvernement royal étaient expirées, et se terminant en ces termes : Si au moment de quitter la cour auprès de laquelle vous résidez, vous êtes dans le cas de voir le ministre des Affaires étrangères, vous lui ferez connaitre que S. M. a renoncé aux idées de grandeur qu'elle pouvait avoir antérieurement conçues. Le 27 mars, il avait écrit personnellement à Metternich : Nous voulons la paix. S. M. me charge d'en donner à votre cour l'assurance formelle. (Arch. des Aff. étr., 1801.) — Il existe aussi, dans le même volume, un projet de lettre de Caulaincourt à Nesselrode : L'empereur Alexandre ne devrait-il pas dire : J'étais l'ennemi de Napoléon, je n'étais pas l'ennemi des Français. Quel exemple, quelle pacification générale !...
[15] Villemain, Souvenirs contemporains, II, 134.
[16] Napoléon à l'empereur d'Autriche, 1er avril. (Correspondance, 21.753.)
[17] Wellington à Castlereagh, Vienne, 18 mars (Dispatchs, XII, 271-272). Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 17 et 19 mars. (Correspondance avec Louis XVIII, 350-352.)
[18] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 19 mars (Correspondance avec Louis XVIII, 352, 357).
[19] Wellington à Castlereagh, Vienne, 18 mars (Dispatchs, XII). Talleyrand à Louis XVIII et à Jaucourt, Vienne 19 mars (Correspondance avec Louis XVIII, 352 et note de la p. 353). — Le traité de Chaumont du 1er mars 1814 avait été déjà renouvelé à Londres le 29 juin 1814. Mais, à Londres, les puissances signataires, ne se proposant plus que de garantir les arrangements territoriaux énoncés en principe dans le traité de Paris, stipulèrent que chacune d'elles maintiendrait seulement sous les armes 75.000 hommes jusqu'à la fin du congrès. A Vienne, le 25 mars, il s'agissait de recommencer la guerre contre Napoléon. En conséquence, un nouveau traité semblable sur presque tous les points à celui de Chaumont devait être signé.
[20] Art. VII.
[21] Traité signé à Vienne, le 25 mars 1815 (D'Angebert, 971-973).
[22] Note sur les subsides, 25 mars. Convention additionnelle, 30 avril. (D'Angebert, 971. 1129-1130.)
Un article secret du traité du 25 mars portait que dans le cas où l'Angleterre ne pourrait fournir au complet son contingent de 150.000 hommes elle aurait la faculté de payer au taux de 30 livres st. par an pour chaque homme, jusqu'à la concurrence du nombre stipule. Or, comme l'Angleterre pouvait envoyer sur le continent 50.000 soldats, au maximum, c'étaient 7s millions qu'elle devait donner aux Allies en plus des 123 millions déjà convenus. — On a dit aussi que les trois puissances profitèrent de la circonstance pour réclamer au gouvernement anglais environ 10 millions de livres st., reliquat de ce qu'il redevait pour l'entretien des armées coalisées en 1813 et 1814.
[23] Cf. Fleury de Chaboulon, Mémoires, I, 126, 140-141, et Montholon, Récits, 202, 204, 362, 368.
[24] Général de Saint-Geniès à Davout, Maubeuge, 27 mars. Suchet à Davout, Strasbourg, 1er avril. Drouet à Davout et rapport joint, Lille, 2 avril. (Arch. Guerre.) Davout à Napoléon, 4 avril (Arch. nat., AF. IV, 1937).
[25] Catherine à Jérôme, Trieste, 29 mars, et Gœppingen, 6 Juin (Correspondance du roi Jérôme, VII, 34, 179). Caulaincourt à Decrès, 13 mai ; au grand-duc de Toscane, 24 mai. (Arch. Aff. étr., 1802.)
[26] Sous-préfet de Beaune à Caulaincourt, 17 avril. Ordre du jour de Rapp, Strasbourg, 26 mai. (Arch. Aff. étr., 1802.) Nicolas Kœchlin à Rapp, Mulhouse, 17 mai. (Arch. Guerre.)
[27] Decrès aux préfets maritimes, Paris, 22 mars. (Arch. Guerre.)
[28] Clausel à Davout, Bordeaux, 8 avril. Vedel à Davout, Caen, 12 avril. (Arch. Guerre.) Rapports à Decrès et de Decrès, du 9 au 25 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1941.) Beaucoup de ces bâtiments furent cependant relâches après un séjour plus ou moins long dans les ports anglais.
[29] Rapport du commandant de la Dryade, golfe Jouan, 22 mai. Procès-verbal de Collet, à bord, 30 avril. Collet au préfet maritime de Toulon, Palerme, 10 mai. (Arch. Aff. étr., 1802.)
[30] Dépêches de Desbureaux à Caulaincourt. Strasbourg, 2, 4, 8 avril. Cf. Caulaincourt à Desbureaux, et au ministre de Bade, 2 et 5 avril. Rapports des courriers Vanier et Chamberlan. Gérard à Davout, Metz, 9 avril. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[31] Jaucourt à Talleyrand, Ostende, 27 mars (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 356, note). Rapport d'un Inspecteur des postes à Lavallette (Paris, 27 avril), sur l'interruption des communications postales entre Douvres et Calais à partir du 4 avril. Directeurs des postes de Strasbourg et de Sarrbrück à Lavallette, 19 et 21 avril. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[32] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 13 avril et 5 mai (Correspondance avec Louis XVIII, 377). Méneval à Caulaincourt, Vienne, S avril. Rapport de Méneval à Napoléon, Paris, 18 mai. Caulaincourt à Metternich, 16 avril. Clancarty à Castlereagh, Vienne, 6 mai. Fouché à Caulaincourt, s. d. (Arch. Aff. étr., 1801 et 1802.)
Flahaut portait des lettres de Napoléon aux empereurs d'Autriche et de Russie et à Marie-Louise et la circulaire de Caulaincourt aux agents français à l'étranger. — Saint-Léon, une lettre de Fouché à Metternich. — Montrond une lettre de Napoléon à Marie-Louise et des lettres de Caulaincourt à Méneval et à Mine de Montesquiou, et vraisemblablement trois lettres du même à Metternich, à Talleyrand et à Nesselrode qui existent à l'état de projets aux Archives des Aff. étrangères (1801). — Stassart, une lettre de Napoléon à l'empereur d'Autriche et une de Caulaincourt à Metternich.
[33] Castlereagh à Caulaincourt, Downstreet, 8 avril (Arch. Aff. étr., 1802).
[34] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 5 mai (Correspondance, 420).
Déjà l'empereur d'Autriche avait communiqué aux plénipotentiaires plusieurs lettres écrites de l'île d'Elbe à Marie-Louise par Napoléon, et un billet qu'il lui avait envoyé de Lyon le 12 mars. Rapport de Méneval à Napoléon, Paris, 18 mai 1815 (Arch. Aff. étr., 1802). Talleyrand à Louis XVIII, Vierne, 23 mars (Correspondance, 362).
[35] Nesselrode à Pozzo, Vienne, 22 avril (Pozzo, Correspondance, I, 105). Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 13 avril (Correspondance, 380-381). Cf. Rapport de Méneval à Napoléon, 18 mai (Arch. Aff. étr., 1802).
[36] Méneval à Caulaincourt, Vienne, 7 avril. Rapport de Méneval à Napoléon, Paris, 7 mai (Arch. Aff. étr., 1801 et 1802). Cette lettre interceptée était datée du 22 mars. — D'après une lettre de Rapp à Davout (Strasbourg, 8 avril, Arch. Aff. étr., 1801), un courrier français de Vienne passa à Strasbourg le 7 avril, apportant à l'empereur une lettre du prince Eugène. Nous avons inutilement cherche ce document aux Affaires étrangères et dans les papiers de la Secrétairerie d'Etat.
[37] Nesselrode à Pozzo, Vienne, 13 mai. Pozzo à Nesselrode, Bruxelles, 23 mai. (Pozzo, Correspondance, I, 168, 115-116.) Wellington à Castlereagh, 19 mai. (Dispatchs, XII, 404-405.) Cf. Castlereagh à Wellington, Londres, 27 mars et 8 avril. (Dispatchs of Castlereagh, II.)
[38] Talleyrand à Louis XVIII, 23 avril (Correspondance avec Louis XVIII.) Cf. le même au même, Vienne, 14 mai (Ibid.). Nesselrode à Pozzo, Heidelberg, 17 juin (Pozzo, Correspondance, I). Wellington à Castlereagh, Bruxelles, 11 avril ; à Metternich, 20 mai. Castlereagh à Wellington, Londres, 20 mai. (Dispatchs of Wellington, XII et Supplément, X, 60-61, 80-81.) Clancarty à Castlereagh, Vienne, 19 mai (Dispatchs of Castlereagh, II).
[39] Méneval à Caulaincourt, Vienne, 7 et 8 avril. Anatole de Montesquiou à Caulaincourt, Vienne, 8 avril. Rapport de Méneval à Napoléon. Paris, 18 mai (Arch. Aff. étr., 1801 et 1802).
[40] Méneval fut plus explicite, sans l'être tout à fait, dans son rapport du 18 mai. Et auparavant, vers le 15 avril, ne voulant pas laisser aux amis de l'empereur des illusions, qui pouvaient être funestes, sur la possibilité d'un accord avec l'Autriche, il avait écrit secrètement à Lavallette pour lui apprendre que Marie-Louise, livrée à Neipperg qui était maitre de son esprit autant que de sa personne, était déterminée à ne jamais revoir Napoléon. Je ne crois pas, ajoutait-il en post-scriptum, que vous puissiez dire la vérité à l'empereur. Cependant faites de cette lettre l'usage qui vous paraîtra convenable. — Lavallette, qui analyse cette lettre dans ses lié-moires (II, 177-130) et dit qu'elle fui communiquée à l'empereur, ne donne pas le nom du signataire. Il le désigne par l'astérisque : ***. Mais tout porte à croire que cet homme si exactement renseigné et très attaché à l'empereur était Méneval.
[41] Méneval à Caulaincourt, Vienne, 7 et 8 mars. Rapport de Méneval à Napoléon, Paris, 18 mai. (Arch. Aff. étr., 1801, 1802.) Méneval, Mém., II, 246-248, 253, 257-258, 296, 214, 332, 365. 366. Maria Luise und der Herzog von Reichstadt, 155-166, 169-178. — Sur le caractère de Marie-Louise. Cf. Méneval, Mémoires, II, 183. Générale Durand, Souvenirs, 192. Lettres intimes de Marie-Louise aux comtesses de Colloredo et de Creneville (Vienne, 1887, in-8°) : Je voudrais pouvoir comme vous garder le silence toute ma vie sur la politique (18 sept. 1809). — Nous ne manquons pas d'amusements dans une aussi grande ville que Paris, mais les moments que je passe le plus agréablement sont ceux- où je suis avec l'empereur et où je m'occupe toute seule (1er janv. 1811). — Il y a toujours beaucoup de fêtes. Je ne les regrette pas. Je suis même contente que ma position m'empêche d'y aller (3 déc. 1814). — Cette vie tranquille me réussit bien. Vous savez que je n'ai jamais aimé le grand monde, et je le hais maintenant plus que jamais. Je suis heureuse dans mon petit coin (12 mars 1815), etc., etc.
[42] Méneval, Mémoires, II, 246-248. 255, 260, 323. Cf. Rapport de Méneval à Napoléon, Paris, 18 mai. (Arch. Aff. étr., 1801). Maria-Luise und Herzog von Reichstadt, 167-170, et Gazette d'Augsbourg, 22 mars. — Bausset (Mémoires, III, 189-191) rapporte par ouï dire que, le 7 ou le 8 mars, l'empereur Alexandre vint mystérieusement, trouver Marie-Louise et lui demanda si elle désirait rentrer en France ou rester à Vienne, à quoi l'archiduchesse répondit que c'était à son père de décider. Bausset ajoute que vraisemblablement le czar n'était pas de bonne foi et voulait seulement s'assurer des intentions secrètes de l'empereur d'Autriche.
[43] Maria-Luise und Herzog von
Reichstadt, 170.
[44] Méneval, Mémoires, II, 264-265.
[45] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne 20 mars (Correspondance avec Louis XVIII, 358). Méneval à Caulaincourt et à Napoléon, Vienne, 7 mars, et Paris, 28 mai. (Arch. Aff. étr., 1801, 1802.) Lettre de Vienne, 12 avril (Arch. Guerre). Maria Luise und Herzog von Reichstadt, 175-179. — L'auteur de ce dernier ouvrage et le correspondant de la Gazette d'Augsbourg (n° du 27 mars) croient à la réalité de la tentative d'enlèvement, mais Méneval explique avec des détails précis l'incident qui donna lieu à cette fausse alerte.
[46] Méneval, Mémoires, II, 325-327.
[47] Allgemeine Zeitung, 27 mars. Rapport de Vienne, s. d. (postérieur au 8 avril). Note d'un officier revenant de Sibérie, 27 mars. Rapports des commandants de Longwy, du Quesnoy, de Maubeuge, 2 et 7 avril et 23 mai. Rapport de Saint-Amant, 15 avril. Note de Chambéry, 24 mars. Dessaix à Davout, Lyon, 24 mars. (Arch. Guerre.) Rapport de Dresde, 25 mars. Note de deux attachés portugais, Strasbourg, 4 avril. Rapport du baron de Salila, Paris, 18 mai. (Arch. nat. AF. IV, 1936, et AF. IV, 1938.)
[48] Caraman à Talleyrand, Berlin, 21 mars et 20 avril. (Arch. Aff. étr., Prusse, 253.) Ameil à Grundler, Mézières, 20 avril. (Arch. Guerre.) Rapport d'un voyageur, Paris, 18 avril. Lettre de Bethmann, Huningue, 13 avril. (Arch. nat., F. 7, 3774, et AF. IV, 1937.) — L'étranger, écrit Bethmann, est pénétré du petit au grand de l'idée que l'existence de Napoléon sur le trône de France est incompatible avec la tranquillité de l'Europe. Il faudra des années pour déraciner cette idée. Le souvenir de la domination humiliante qu'a subie l'Allemagne pendant dix ans y a développé un esprit national devant lequel toutes les petites jalousies fédératives disparaissent... La guerre est inévitable.
[49] Quatre ou cinq proclamations, plus violentes les unes que les autres, furent attribuées par les journaux allemands à Justus Grüner, gouverneur du pays de Berg. Vraisemblablement sur une invitation de Vienne, où l'on craignait que ces proclamations, reproduites dans le Moniteur de Paris, ne soulevassent la France, Grüner déclara apocryphe celle datée de Düsseldorf, 13 avril, où il était dit : Braves Allemands, prenons les armes pour diviser cette terre impie et pour nous indemniser par le partage de ses provinces de tous nos sacrifices... Nos princes acquerront des vassaux que nos baïonnettes maintiendront dans une terreur nécessaire. Grüner n'a pas nié d'ailleurs son autre proclamation commençant ainsi : Babylone, que l'on avait eu la grandeur d'âme d'épargner, a reçu Buonaparte avec une joie criminelle : Babylone tombera et sous ses ruines fumantes.... (Journal de Francfort, 31 mars.)
[50] Allgemeine Zeitung, 19 et 25 mai. Correspondant de Nuremberg, 1er avril. Gazette d'Ausgbourg, 25 mars, 12 avril. Mercure du Rhin, 15, 19, 27, 28 mars, 3 et 5 avril. Journal de Francfort, 3 mai.
[51] Sun, 17 mars. Times, 24 mars (Cf. 10, 15, 16, 22 mai, etc.). Evening Star, 19 mai. Morning Post, 11 mai. Observer, 28 mai. Courrier, 1er avril, 9 et 20 mai.
[52] Morning Chronicle, 17 et 25 mars, 1er mai ; cf. 23, 24, 25 mars, 3, 21, 22, 24, 29 mai, etc., etc. — Voici encore de curieux extraits de ce journal : Bonaparte se fait très peu garder. Il donne pour raison que Louis XVIII ayant été appelé Louis le Désiré, il est décide à savoir lequel des deux est le véritable Désiré. — Questions à lord Castlereagh : Le traité de Fontainebleau a-t-il été fidèlement exécute par les Alliés ? A-t-on payé à Bonaparte et à sa famille une part quelconque de la pension qui leur avait été garantie ? N'a-t-on pas eu le projet de le déporter ? — Les patriotes anglais pensent que c'est moins contre Bonaparte que contre l'esprit de liberté que s'unissent les potentats du continent.
[53] Parliamentary debates, XXX, 230, 338, 360-371, 435-463.
[54] Parliamentary debates, XXX, 954-905, 1003-1014 ; XXXI, 316-371, 400-447.
C'est au cours de ces débats que Castlereagh, pour entraîner un vote favorable en prouvant la duplicité de Napoléon, produisit une prétendue dépêche de Bassano à Caulaincourt, datée du 19 mars 1814 et portant : Quand même l'empereur signerait la cession des places de guerre (Anvers, Mayence et Alexandrie) son intention n'est cependant pas de les livrer. (Parliamentary debates, XXXI, 405). Bassano protesta dans le Moniteur du 13 mai contre la publication de ce document qu'il argua de faux. Le faux, en effet, sautait aux yeux, car cette prétendue dépêche, dont il existe une copie aux Arch. Aff. étr. (France, 668), contient des expressions étrangères, le protocole final y manque ; enfin elle est datée de Paris, 19 mars, alors que le 10 mars Bassano était avec l'empereur à Fère-Champenoise.
Lord Castlereagh, qui usait sans scrupule de toutes les armes, produisit aussi des lettres adressées par Napoléon à Murat en 1813, mais dont un faussaire, l'abbé Fleuriel, employé au cabinet de Blacas, avait changé la date et quelques phrases. Ces falsifications leur donnaient une toute autre signification que celle qu'elles avaient réellement. — Voir à ce sujet Parliamentary Debates, XXXI, 147-150, le Moniteur, des 9 et 14 mai ; Ernouf, Bassano, 653-656 ; et la Note à Caulaincourt, 20 mai. (Arch. Aff. étr., 1802.)
[55] Déclaration de Castlereagh, Londres, 25 avril. (D'Angebert, 975-976, 1175-1177.) Cf. Castlereagh à Wellington et à Clancarty, Londres, 8 avril (Dispatchs of Castlereagh, II), et Clancarty à Castlereagh, Vienne, 6 mai. (Times, 23 mai.)
[56] Office uniforme des cabinets de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin, Vienne, 6 mai. (D'Angebert, 1176-1177.)
[57] Gentz, Dép., II, 170. Metternich, Mémoires, I, 203. Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 23 avril (Correspondance avec Louis XVIII, 407). — La conduite de l'empereur d'Autriche envers sa fille et son petit-fils en mars et en avril 1815 confirme bien ces témoignages.
[58] Talleyrand, Correspondance avec Louis XVIII, 407-409. Nesselrode à Pozzo, Heidelberg, 17 juin (Pozzo, Correspondance, I, 168).
[59] C'est dans ce sens que sir Charles Stuart fut officiellement chargé par le prince régent d'expliquer à Louis XVIII la contre-déclaration (Jaucourt à Talleyrand, Gand, 25 avril ; Arch. Aff. étr., 646, et à Talleyrand, Correspondance avec Louis XVIII, 379, note) et que l'entendaient l'Autriche et la Prusse. Seul, le czar prit un peu au sérieux cet acte diplomatique et admit, comme possible, une autre solution que le retour du roi légitime. Toutefois, comme il le faisait écrire par Nesselrode à Pozzo, il ne favorisait de ses vœux et même de tous ses moyens une la restauration de Louis XVIII (Pozzo, Correspondance, 168.).— Jaucourt était donc fondé à écrire à ses agents (Circulaire du 29 mai, Arch. Aff. étr., 647) : Les puissances s'interdisent de prescrire à la France le choix d'un souverain, puisque, en effet, il n'y en a point à choisir.
[60] Président de la Diète à Caulaincourt, Zurich, 20 avril (Arch. Aff. étr., 1801).
[61] Manifeste du roi d'Espagne, Madrid, 2 mai. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[62] Napoléon, L'Ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 24). Cf. Montholon, Récits, II, 37.
[63] Napoléon, L'Ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 24). Francechetti, Mém. sur les événements de Naples, 22-24, notes. Mier à Metternich, Naples, 5 mars. (Cité par Helfert, Murat und reine letzen Kämpfe, Appendice.)
[64] Mier à Metternich, Naples, 5 et 9 mars (citées par Helfert). Wellington à Castlereagh, Vienne, 2) mars. (Dispatchs, XII, 278.)
[65] Lettre précitée de Mier à Metternich, Naples, 9 mars. — Dans une autre lettre, du 16 mars, Mier rapporte que Caroline lui dit : J'ai soutenu jadis l'alliance française jusqu'à la dernière extrémité, car j'étais persuadée que nos intérêts l'exigeaient, mais les événements ont dû changer notre politique. Notre salut dépend de notre union avec l'Autriche et j'y tiens de cœur et d'âme. Si l'Autriche est disposée à s'opposer aux succès possibles de Napoléon, le roi devra se joindre à elle.
[66] Mier à Metternich, Naples, 9 et 12 mars. (Cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, Appendice.) Pepe, Mém., I, 253. Jérôme à la reine Catherine. s. l., 15 juillet. (Mém. du roi Jérôme, VII, 15.) Napoléon, Correspondance, XXXI, 116-117.
[67] Mier à Metternich, Naples, 9, 12 et 16 mars, à Gallo, 12 mars. Gallo à Mier, 14 mars (cité par Helfert, Appendice). Cf. la Note de Campo, Chiaro à Metternich, Vienne, 8 avril (D'Angebert, 1047).
[68] Gallo à Mier, Naples, 17 mars (cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, Appendice). Pepe, Mémoires, I, 256. Artaud, Hist. de Pie VII, III, 122. Notes de Lucien Bonaparte (Arch. Aff. étr., 1815).
[69] Pepe, Mémoires, I, 257. Cf. la lettre de Jérôme à la reine Catherine (Mémoires du roi Jérôme, VII, 14) où il est dit que Jérôme rencontra Murat le 28 mars entre Sinigaglia et Fano.
[70] Joseph à Murat, Prangins, 16 mars (Arch. Aff. étr., 1801). — Cette lettre, incompréhensible et tout à fait opposée aux instructions que Joseph avait reçues de Napoléon, ne figure pas dans la Correspondance du roi Joseph. L'éditeur de cette Correspondance a évité, en ne l'y insérant pas, d'avoir à l'expliquer.
[71] Lettre de Belliard à Davout, Casteldi, 12 mai (citée par Yung, Lucien Bonaparte, III, 267).
[72] Lettre de Metternich au prince de Cariati, Vienne, 4 avril (citée par Helfert, Murat und seine letzen Kämpfe) : Le roi de Naples ayant franchi la ligne qu'il occupait dans la marche d'Ancône, cette démarche ne peut être considérée que comme une agression... Cf. Wellington à Castlereagh, Vienne, 28 mars (Dispatchs, XII), et la lettre de Jérôme à la reine Catherine (Mémoires du roi Jérôme, VII, 15) : Murat me dit (le 28 mars) : Je fais la guerre à l'Autriche, et à l'heure qu'il est les hostilités sont commencées.
[73] Gazette de Vienne, 13 avril (citée par le Journal Universel, de Gand, n° 4). Cf. Napoléon à Decrès, 30 avril (Arch. nat., AF. IV, 907).
[74] Orloff, Mém. sur le royaume de Naples, II, 442-445. Pepe, Mém., I, 259-261. Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 48, 50. Méneval, Souvenirs, II, 318-319.
[75] Lettre de Belliard à Davout, Castel di Sagro, 12 mai (citée par Yung, Lucien Bonaparte, III, 266). Rapports officiels de Vienne (Journal Universel, de Gand, n° 5, 11, 13, 15). Cf. Helfert, 43 et 64.
[76] Note de Pervinquière d'après les papiers de Belliard, s. d. (Arch. Guerre, carton de la correspondance de Napoléon, avril 1815). Cf. Mém. de Belliard, II, 219, 235, et Napoléon, Correspondance, 21.784.
Quand Napoléon dépêcha Belliard à Naples, il était sous l'impression des premiers succès de Murat et il n'avait plus guère d'espoir de rester en paix avec l'Europe. De là cette promesse plus ou moins sincère de seconder le roi de Naples quoique celui-ci eût agi au mépris de ses instructions.
[77] Mémoires de Belliard, II, 221, 234-238. Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 68-69). Nouvelles officielles de Vienne. (Journal Universel, n° 19.)
[78] Rapport de Vatel, valet de chambre de Murat, cité dans le supplément de Francechetti, 41-45. Mémoires de Belliard, II, 221. Cf. Rapport de Rome et nouvelles de Vienne (Journal Universel, de Gand, n° 16 et 19).
[79] Rapport du capitaine Thurn (Journal Universel, de Gand, n° 19). Cf. bulletin du quartier général, Heidelberg, 31 mai (Arch. guerre).
[80] Journal d'un officier général de l'état-major de Murat (cité dans les Mémoires de Guillemard, II, 256-259). Napoléon, Correspondance, 21.826 (Cette note de Napoléon, postérieure au 23 mai, est datée par erreur : 19 avril). Caulaincourt à Napoléon, 12 et 16 juin. (Arch. Aff. étr., 1801.)
[81] Journal d'un officier général de l'état-major de Murat, précité. Cf. la lettre de Napoléon à Murat, s. d. (fin mars). (Correspondance, 21.745.) Dans sa lettre de Cannes, Murat attribue cet autre mot à Napoléon : Mettez-vous en campagne ; mais ce mot ne se trouve pas dans la lettre de l'empereur.
[82] Colonna avait été autorisé, le 25 février, à conclure avec Murat un traité d'alliance offensive et défensive, mais sous la condition formelle que ce traité ne serait mis à exécution qu'autant que la paix ne pourrait être maintenue avec les puissances. Napoléon, L'Ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 94, cf. 115-116). Cf. Montholon, Récits, II, 37-38. Las-Cases, Mémoires, II, 274. Mémoires de Belliard, II, 219, et la note de Pervinquière, avril 1815. (Arch. Guerre, carton de la correspondance de Napoléon.)
[83] Montholon, Récits, II, 38. Las-Cases, Mémoires, II, 275.
[84] Blacas à Lascours, Ostende, 29 mars. Cf. de Dunkerque à Drouet, 31 mars (Arch. Guerre). Cf. Fleury de Chaboulon, 379-380.
[85] Duc d'Orléans à sir Charles Stuart, Richemond, 30 mai 1815 (Mon Journal, 132).
[86]
Louis XVIII à l'empereur d'Autriche, Ostende, 27 mars. (Arch. Aff. étr., 646.)
[87] Chateaubriand, Mém., VI, 389-402, 406. Beugnot, Mém., II, 237-357. Marmont, Mém., VII, 104-106, 111-112. Bourrienne, Mém., X, 249. Guizot, Mém., I, 82. Jaucourt à Talleyrand, Gand, 18, 22, 25 avril. Extraits de rapports, 5 mai. (Arch. Aff. étr., 646 et 1802.)
Plusieurs de ces personnages ne firent que passer à Gand. Marmont et Victor se fixèrent à Aix-la-Chapelle, Bourrienne alla à Hambourg, Berthier à Bamberg, La Rochejaquelein à Londres, puis en Vendée.
[88] Officiers et soldats : Maison du roi : 619 ; — Volontaires royaux : 125 ; — Cavaliers démontés et infanterie de ligne : 58.
(Situation de l'armée royale au 22 avril, envoyée par Jaucourt à Fagel, le 23 avril. Arch. Aff. étr., 646.)
On a vu que le comte d'Artois n'avait emmené avec lui que 300 cavaliers environ. Les autres passèrent la frontière individuellement ou par petits groupes quand on licencia à Béthune la Maison militaire.
[89] Placards et proclamations imprimés, s. d. (mai). Vandamme à Davout, 7 juin. Ordre du jour de Lobau, 19 mai. (Arch. Guerre. Armée du Nord.) Drouot à Davout, 1er mai. (Arch. nat., AF. IV, 1938.)
[90] 2 chefs de bataillon, 2 capitaines, 2 lieutenants et leurs ordonnances ; 13 lanciers du 4e régiment, embauches par un de ces officiers, et 7 soldats de différents corps (Etat des désertions à l'étranger, du 1er avril au 10 mai, et Drouet à Davout, 1er mai, Arch. nat., AF. IV, 1936, et AF. IV, 1938).
Postérieurement au 10 mai, il y eut encore quelques déserteurs, entre autres le fils du chancelier Dambray, capitaine au 1er lancier. (Reille à Davout, 17 mai. Arch. nat. F. 7, 3774.)
[91] Correspondance de Jaucourt, du 8 avril au 4 juin. (Arch. Aff. étr., 646.)
[92] Comme l'a fait remarquer le duc d'Orléans (Mon Journal, 109 et 123) il est bien évident que si Louis XVIII avait rendu à Lille son ordonnance de licenciement, il en aurait informé ce prince et le maréchal Mortier qui avaient le commandement des troupes.
[93] Journal Universel (de Gand), 20 numéros, du 14 avril au 21 juin.
[94] Hamburgischen Korrespondenten, du 8 avril au 16 juin, et notamment 11, 15, 19 avril, 2 et 17 mai
[95] Talleyrand à Jaucourt, Vienne, 17 mai. Cf. 2 et 6 mai. (Arch. Aff. étr., 680.)
[96] Allgemeine Zeitung, 16 mai.
[97] Rapports sur Gand, 5 mai et 9 juin. (Arch. Aff. étr., 1802, et Arch. Guerre, Armée du Nord.) Rapport à Louis XVIII, 15 mai. (Arch. Aff. étr., 641.) Guizot, Mém., I, 78-79, 83-84. Chateaubriand, Mém., VI, 398-402, 427. Beugnot, Mém., II, 237-238, 244-248. Cf. Nesselrode à Pozzo, Vienne, 1er mai (Correspondance, de Pozzo, 112), et Jaucourt à Talleyrand, Gand, 24, 25 et 30 avril, 2 et 6 mai. Talleyrand à Jaucourt, Vienne, 17 mai (Arch. Aff. étr., 646 et 680).
[98] Talleyrand à Louis XVIII, 14 et 17 mai et juin (s. d.) (Correspondance avec Louis XVIII, 423, 425, 477). Talleyrand à Jaucourt, Vienne, 13 mai. Jaucourt à Talleyrand, 18, 25 et 28 avril ; à Fagel, 20 avril ; à Castries, 4 mai. (Arch. Aff. étr., 646, 647.) Duc d'Orléans à Louis XVIII, 25 avril ; à Lally-Tollendal, 22 mai (Mon Journal).
[99] Nesselrode à Pozzo, 13 et 24 mai et 4 juin. (Pozzo, Correspondance, I, 143, 148, 158.) Wellington à Metternich, 15 juin (Dispatchs, XII, 467). Jaucourt à Talleyrand, 28 avril, 30 mai ; à Castries, 4 mai. (Arch. Aff. étr., 646, 647.)
Des instructions secrètes (Arch. Aff. étr., 647) enjoignaient aux commissaires désignés : Marmont, Beurnonville, Capelle, Roger de Damas, La Tour du Pin, etc., de mettre sous séquestre les biens des principaux complices de la rébellion et de se montrer sévères et inflexibles envers les hommes dangereux, ces actes de rigueur devant inspirer une terreur salutaire.
[100] Nesselrode à Pozzo, 4 juin et 14 juin (Pozzo, Correspondance, 158-160, 163-164). Metternich à Talleyrand, 24 juin (Metternich, Mémoires, II 520). Talleyrand à Louis XVIII, juin, s. d. (Correspondance avec Louis XVIII, 479).
[101] Talleyrand à Louis XVIII, 17 mai (Correspondance, 425).
[102] Cf. la Note de Gagern, 13 avril (D'Angebert, 1073-1074), les journaux allemands, notamment le Mercure du Rhin, de mars à juin, et les Mémorandums de Humboldt, de Metternich et de Hardenberg, août (Arch. Aff. étr., 672).
[103] Sur la proposition de Talleyrand, on avait inséré dans le traité du 25 mars l'article suivant : Le roi de France sera invité à donner son adhésion au traité et à faire connaître quels secours les circonstances lui permettront d'apporter à l'objet du présent traité. Le 25 mars, on croyait encore à Vienne que Louis XVIII n'avait pas quitté Paris, ou du moins qu'il s'était retiré dans quelque place forte avec un noyau de troupes fidèles. On le considérait encore comme roi de facto. Mais le 28 mars, quand les plénipotentiaires reçurent une note de Talleyrand portant qu'il se trouvait suffisamment autorisé par la teneur de ses instructions à adhérer au nom de S. M. T. C. à chacune des stipulations du traité, la situation de Louis XVIII avait changé et les idées des Alliés s'étaient modifiées en conséquence. Louis XVIII n'étant plus roi que de jure, il ne pouvait remplir les conditions du traité, c'est-à-dire coopérer avec son armée aux opérations militaires En outre, les puissances comprenaient qu'elles allaient avoir à faire de grands efforts, et elles pensaient déjà à s'en dédommager, les unes par des contributions de guerre, les autres par quelque accroissement territorial. La note de Talleyrand fut donc simplement annexée au protocole de la séance du 28 mars, et ce fut tout.
Il y eut en quelque sorte accession officieuse mais non accession officielle. Il n'y eut rien d'analogue aux traités d'alliance avec le Portugal (8 avril) qui s'engageait à fournir 30.000 hommes ; avec la Sardaigne (9 avril) qui s'engageait à fournir 15.000 hommes ; avec la Bavière (15 avril) qui s'engageait à fournir 60.000 hommes ; avec les Pays-Bas (25 avril) qui s'engageaient à fournir 50.000 hommes, etc., etc.
Voir sur cette question la Note sur l'accession au traité du 25 mars, s. d., la Note de d'Hauterive, 11 mars 1816 (Arch. Aff. étr., 672 et 648) et le discours de lord Liverpool à la chambre des Lords, 20 février 1816. (Parliamentary debates, XXXII, 631-663.)
[104] Protocole de la séance du 12 mai (D'Angebert, 1181-1188). — Cette Déclaration ou plutôt ce rapport, rédigé par Gentz et approuvé par les plénipotentiaires dans une séance dont le procès-verbal fut rendu public, était destiné à répondre au rapport du 2 avril des présidents de section du Conseil d'Etat impérial, publié dans les journaux français des 13 et 14 avril.
Le rapport-manifeste du Conseil d'Etat, rédigé par Regnand sous la dictée de Napoléon, exposait ceci : 1° le fond et la forme de la Déclaration du 13 mars prouvent que cette pièce a été fabriquée par les ministres de Louis XVIII ; 2° le traité de Fontainebleau ayant été violé par les Bourbons et par les puissances alliées, Napoléon était en droit de le considérer comme rompu ; 3° l'empereur a quitté l'ile d'Elbe pour délivrer la France d'un gouvernement qui s'était rendu odieux ; 4° l'empereur et la France veulent la paix et l'exécution du traité de Paris ; 5° il n'y a donc rien de change dans les rapports internationaux, et les puissances n'ont aucun droit d'assigner à la France un autre gouvernement que celui qu'elle a librement choisi.
La réponse de Gentz concluait ainsi : 1° la déclaration du 13 mars a été dictée aux puissances par des motifs de justice ; 2° ces motifs subsistent dans toute leur force ; 3° l'offre de Napoléon de ratifier le traité de Paris ne saurait donc, sous aucun rapport, changer les dispositions des puissances.
[105] Jaucourt dans des lettres à Talleyrand (18 avril) et à Goltz (8 mai) se plaint du langage furieux des Prussiens (Arch. Aff. étr., 646, 647).
[106] Les quatorze millions de traites, que sur le conseil de Vitrolles on avait fait passer à Londres dès le 14 mars, furent protestées en Angleterre par le gouvernement impérial. Louis XVIII n'avait donc à Gand que cinq millions ou quatre millions et demi en or et en argent qui avaient été chargés sur des fourgons au départ des Tuileries. Il est vrai que le roi possédait, comme suprême ressource, les diamants de la couronne, évalués à douze millions. Note, Gand, 5 mai. (Arch. Aff. étr., 680.) Pozzo à Nesselrode, Bruxelles, 17 avril. (Correspondance, 92.) Cf. Vitrolles, II, 339-340.
Avec ces quatre millions et demi, il fallait suffire à l'entretien de la Maison du roi et de la petite armée d'Alost, au traitement des agents diplomatiques et consulaires. Jaucourt, d'ailleurs, écrivit aux premiers qu'on ne pouvait accorder que 12.000 fr. par ambassadeur, et aux seconds : Je ne puis envoyer d'argent. Que ceux qui n'ont pas de ressources quittent leur poste ; que ceux qui en ont y restent. Ils seront payés et récompensés plus tard. (Jaucourt au Mis de Ronay, 2 mai.) Circulaire aux consuls, 22 mai (Arch. Aff. étr., 646, 647).
[107] Talleyrand informé par Clancarty et par Metternich des projets du czar en avait instruit Louis XVIII (Correspondance, 397-414), non point qu'il fût véritablement inquiet des dispositions de la Russie, mais afin de démontrer au roi qu'il y avait nécessité pour lui d'affirmer des principes constitutionnels.
[108] Correspondance du duc d'Orléans avec Louis XVIII, Blacas, Lally-Tollendal, Wellington et Stuart. (Duc d'Orléans, Mon Journal, 116, se, Wellington à Castlereagh, Bruxelles, 11 avril (Dispatchs, Supplement, X, 00-61). Jaucourt à Talleyrand, 6 et 26 mai. (Arch. Aff. étr., 646.)
[109] Pozzo, Correspondance, I, 118, 170.
[110] Chateaubriand, Mémoires, VI, 416-417. Beugnot, Mémoires, II, 258-253. Marmont, Mémoires, VII, 51. Guizot, Mémoires, I, 85. Correspondance de Gand (Journal de l'Empire, avril), Rapports sur Gand, 5 mai et 2 juin. (Arch. des Aff. étr., 1802.)