I A sa rentrée aux Tuileries, Napoléon avait trouvé presque tout le personnel de son ancien gouvernement. Il fit appeler les retardataires, et dans la nuit même il nomma ses ministres[1]. Bassano reprit la secrétairerie d'État, Decrès la marine, Gaudin les finances, et Mollien, non sans quelque hésitation, le trésor public. Molé, qui augurait mal de cet intermède, déclina l'honneur d'être de nouveau grand-juge e obtint le poste moins compromettant de directeur des ponts-et-chaussées. A son défaut, l'archichancelier Cambacérès fut chargé provisoirement de la justice. Davout commença par refuser le portefeuille de la guerre. L'empereur fit appel à son dévouement pour sa personne et à son patriotisme : le maréchal obéit. Il était, avant minuit, rue Saint-Dominique. La résistance de Caulaincourt fut plus difficile à surmonter. Le duc de Vicence était resté profondément attaché à Napoléon, mais c'était sur le champ de bataille qu'il voulait le servir, car il avait la sombre prévision que le rôle du ministre des relations extérieures de l'empire serait nul devant l'Europe en armes. Il avait été à la rencontre de Napoléon à mi-chemin de Fontainebleau, et durant le trajet, il avait respectueusement repoussé l'offre de ce portefeuille. Aux Tuileries, de nouvelles instances de l'empereur échouèrent encore. Ce fut seulement le lendemain que Caulaincourt se résigna à rentrer au ministère[2]. Bien que Rovigo eût montré peu de zèle et encore moins d'habileté dans les derniers mois de son administration, Napoléon lui proposa de reprendre la police générale. Rovigo refusa. Il voulait se faire prier ou il sentait la tâche au-dessus de ses forces et l'opinion contre lui. Les hommes politiques, les courtisans, les officiers, qui remplissaient dans cette soirée mémorable les salons des Tuileries, désiraient, désignaient, réclamaient Fouché. La reine Hortense elle-même parlait de lui avec enthousiasme. L'ordre d'arrestation lancé contre le duc d'Otrante par le gouvernement royal avait retourné en sa faveur l'opinion des bonapartistes. On croyait qu'il avait joué sa liberté et peut-être sa vie pour seconder l'entreprise de l'empereur. D'autres personnes, mieux renseignées, estimaient cependant qu'il fallait le nommer ministre pour avoir l'appui des anciens jacobins. Il enleva d'assaut son portefeuille en se présentant aux Tuileries le soir du 20 mars. Laissez entrer M. Fouché ! cria-t-on. C'est l'homme qu'il importe le plus à l'empereur de voir en ce moment. Ainsi annoncé, Fouché eut l'effronterie de dire qu'il avait fomenté, dans l'intérêt de Napoléon, la conspiration militaire du Nord. L'empereur ne se laissa pas abuser par cette imposture. Mais Fouché s'offrait. Il fallait le prendre ou se faire de lui un ennemi déclaré. Il avait d'ailleurs infiniment plus d'habileté, d'expérience et de ressources que Rovigo. L'empereur lui donna le ministère de la police. Toutefois, comme il se défiait du fourbe, il nomma à la préfecture de police et à l'inspection générale de la gendarmerie, postes où il se flattait que l'on pourrait le surveiller et le contenir, deux hommes dont il était sûr : Réal et Rovigo[3]. Restait à pourvoir à l'Intérieur. L'empereur n'y voulait point replacer Montalivet. Il balançait entre Costaz et Lavallette. A l'offre de l'empereur, Lavallette répondit par un refus motivé sur son désir de garder les postes où il pourrait rendre plus de services. Il ajouta ce bon conseil : Il faut au ministère un homme qui ait un nom éclatant dans la Révolution. C'était désigner Carnot dont le Mémoire au roi avait rajeuni la popularité. Napoléon, vraisemblablement, pensait déjà à Carnot. Depuis le 24 Janvier 1814, jour où ce grand patriote lui avait offert ses services pour défendre la France envahie, il ne le regardait plus comme un opposant. Il hésitait, néanmoins, devant ce nom révolutionnaire qui n'avait point passé, comme tant d'autres, par la savonnette à jacobin d'un titre impérial. Ce fut seulement le soir du 21 mars que Carnot fut appelé aux Tuileries. Carnot accepta le ministère en disant simplement à l'empereur que dans ce moment, il n'était pas permis de lui rien refuser[4]. Le lendemain, le Moniteur publia deux décrets concernant Carnot. Par le premier, Napoléon, qui voulait dérévolutionnaliser l'ancien membre du Comité de salut public, le nommait comte de l'empire pour sa défense d'Anvers ; par le second, il le nommait ministre de l'intérieur[5]. Le patriotisme avait engagé Carnot à accepter le portefeuille ; la raison politique l'empêcha de refuser publiquement le titre. Il comprit qu'un ministre de l'empereur n'avait pas le droit de discréditer les titres impériaux. Il se laissa donc appeler comte dans les actes officiels et dans les journaux, mais il ne signa jamais que Carnot, et malgré deux invitations du prince Cambacérès, il s'abstint de faire retirer les lettres patentes à la chancellerie[6]. Merlin reprit son siège de procureur général. M. de Bondy, que l'empereur avait remplacé à Lyon, devint préfet de la Seine, Champagny intendant des bâtiments et Montalivet intendant de la liste civile. Les anciens conseillers et maîtres des requêtes rentrèrent au conseil d'Etat que Ginou-Defermon, Boulay et Regnaud furent chargés de réorganiser. L'immuable Sauvo resta au Moniteur, mais Étienne escamota le Journal des Débats abandonné par Bertin l'aîné qui, dès le matin du 20 mars, avait pris la route de Belgique après avoir publié cette dernière catilinaire : C'est en vain que Buonaparte a promis l'Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté pour prix d'un honteux secours de l'étranger... La France sera délivrée par la France, ou la France cessera d'exister. Le néant vaudrait mieux pour elle que la honte de retomber sous le joug de son bourreau[7]. Le lendemain, on lisait dans la même feuille, rebaptisée Journal de l'Empire : La famille des Bourbons est partie cette nuit. Paris offre aujourd'hui l'aspect de la sécurité et de la joie. Les cris de : Vive l'empereur ! retentissent de toute part[8]. Le gouvernement impérial était constitué, mais plus des deux tiers de la France reconnaissaient encore l'autorité de Louis XVIII. Presque partout, il est vrai, on n'attendait que la nouvelle de l'arrivée de Napoléon aux Tuileries pour arborer le drapeau national. L'empereur, qui n'en doutait pas, s'inquiétait peu de n'avoir encore pour sujets que les habitants des quatorze départements qu'il avait, depuis Gap, traversés ou côtoyés dans sa course triomphale. L'important était de pousser au plus vite Louis XVIII hors des frontières pour empêcher une guerre civile dans le Nord, où les Anglais concentrés en Belgique et les Hollando-Belges du prince héréditaire d'Orange pouvaient seconder les populations royalistes. Dans la nuit du 20 au 21 mars, Napoléon écrivit à Davout de télégraphier au commandant des places de la 16e division militaire d'en refuser l'entrée au roi, aux princes et à leurs agents[9]. En même temps, il donna l'ordre verbal à Exelmans de réunir ce qu'il pourrait de cavalerie et de se mettre à la poursuite des débris de l'armée royale[10]. II Le roi, qui voyageait en poste, avait dès le premier jour devancé de deux étapes sa Maison militaire, ces troupes marchant à l'allure ordinaire sous le commandement du comte d'Artois, du duc de Berry et de Marmont. En quittant Paris, il comptait aller à Lille où il était entendu que les Chambres seraient convoquées et la résistance organisée. Mais chemin faisant, Louis XVIII réfléchit, et soit qu'il jugeât la lutte inutile, soit qu'il craignit pour sa personne, le résultat de ses méditations fut que le plus simple et le mieux serait peut-être de gagner tout de suite l'Angleterre. En attendant de prendre une détermination, il quitta la route directe de Lille par Amiens et vint coucher à. Abbeville ; là, il se trouvait à proximité de Dieppe et de Boulogne[11]. Le lendemain, 21 mars, après une longue délibération à laquelle prit part Macdonald, qui venait de rejoindre le roi, il fut arrêté que décidément on irait s'enfermer dans Lille. Blacas envoya à Marmont l'ordre de continuer sa marche vers cette ville avec la Maison militaire qui, très péniblement, chevauchait alors sous la pluie et dans la boue entre Noailles et Beauvais[12]. Nommé le 16 mars commandant en chef des troupes stationnées dans le département du Nord, le duc d'Orléans était à Lille depuis le 19. Comme à Cambrai, comme à Douai, comme à Valenciennes, il y avait trouvé les maisons pavoisées de blanc, les habitants criant : Vive le roi ! et les troupes soumises, mais impressionnées, mécontentes et surtout fort inquiètes d'une occupation éventuelle des places fortes par les Anglo-Belges[13]. Le 22 mars, le prince déjeunait avec le maréchal Mortier, qui avait le commandement en second, quand on remit à celui-ci un billet de Macdonald l'informant que le roi arriverait à Lille dans une heure[14]. A midi, en effet, Louis XVIII franchit la porte dite de Béthune. Il était accompagné de Blacas, de Berthier, de Macdonald, du duc de Duras, du prince de Poix et du comte de Jaucourt ; un peloton de gardes du corps l'escortait. Beaucoup de Lillois dont l'attention avait été éveillée par les mouvements des troupes, qui sortaient des casernes pour aller former la haie, s'étaient portés sur le passage du roi et poussaient des acclamations. Mais pas un seul cri ne s'éleva des rangs. Les soldats tenaient les yeux fixés à terre comme s'ils ne voulaient même pas voir le cortège royal[15]. Louis XVIII remarqua avec un certain effroi ce contraste entre l'attitude de la population et celle de la troupe. A peine descendu de voiture, il réunit en conseil les personnages de sa suite et demanda au duc d'Orléans et à Mortier s'il était en sûreté à Lille. Le prince répondit que les dispositions des habitants étaient bonnes mais que celles de la garnison étaient douteuses, et qu'en conséquence il ne pouvait affirmer que le roi fût en sûreté. — Mais, interrogea anxieusement Louis XVIII, il n'y a pas danger immédiat ? — Non, Sire, reprit Mortier, mais ce danger peut se présenter d'un moment à l'autre. Quant à présent, je réponds que Votre Majesté ne court aucun danger. Blacas ayant alors suggéré l'idée de faire sortir la garnison de la place et d'en confier la défense à la garde nationale et à la Maison du roi, le duc d'Orléans répliqua qu'il n'y avait que 1.200 hommes de garde nationale et que d'ailleurs les troupes, très probablement, n'obéiraient pas à l'ordre d'évacuer Lille. Il ajouta que loin d'appeler à Lille la Maison militaire, il fallait au contraire la diriger sur un autre point, car toute l'armée ayant en haine les compagnies nobles, la garnison s'opposerait certainement à leur entrée[16]. La garnison était en effet mal disposée et, chose qu'on ignorait à l'état-major, Drouet d'Erlon, qui s'était évadé de la citadelle, se cachait chez le colonel Treillard et se tenait prêt à soulever les troupes[17]. Néanmoins, le duc d'Orléans poussait peut-être le tableau au noir. Il s'efforçait de se dérober à la responsabilité que le séjour du roi dans une ville où il avait le commandement en chef faisait peser sur lui. Toute sa dialectique tendait à éloigner Louis XVIII. Que le monarque fugitif allât où il voulût, peu lui importait pourvu qu'il quittât Lille. Mortier qui craignait de partager la responsabilité du prince appuya ses paroles : — Les troupes de ligne, dit-il, saisiront avec plaisir l'occasion d'en venir aux mains avec la Maison militaire de Votre Majesté[18]. Pendant cette conversation, qui dura trois heures sans aboutir, un officier anglais remit aux avancées un message pour le duc d'Orléans. C'était une lettre du prince d'Orange, portant qu'il massait ses troupes sur la frontière, mais qu'il était bien déterminé à respecter le territoire français à moins que le roi n'eût besoin de son assistance. Cette lettre était évidemment inspirée par la Déclaration des puissances, du 13 mars, que l'on venait seulement de recevoir à Lille mais qui avait été publiée la veille à Bruxelles. Le duc d'Orléans communiqua le billet à Louis XVIII. Après avoir longuement réfléchi, le roi y fit donner une réponse dilatoire[19]. Le roi dîna à six heures. Le prince de Condé était arrivé. Il demanda gravement si le roi ferait le lendemain, Jeudi-Saint, la cérémonie du lavement des pieds[20]. Au sortir de table, on rouvrit la délibération. Le duc d'Orléans prit la parole, et après avoir résumé tout ce qui avait été dit dans la journée, il conclut que vu le mauvais esprit des troupes et l'impossibilité de faire entrer dans la place la Maison militaire, le roi ne pouvait pas rester à Lille. Il devait, à son avis, se rendre à Dunkerque. Dans cette place, petite mais très forte, la population n'était pas moins royaliste qu'à Lille, les quatre cents hommes formant toute la garnison seraient contenus facilement par la Maison militaire enfin, grâce à la mer, on resterait toujours en communication avec l'Angleterre et les Pays-Bas. Blacas et les maréchaux approuvèrent ce conseil, le roi parut persuadé : le départ fut fixé à minuit. Mais une demi-heure après qu'on s'était séparé, Louis XVIII lit prévenir le duc d'Orléans qu'il avait changé d'avis et préférait rester à Lille. Il persista dans cette résolution toute la matinée du lendemain malgré de nouvelles instances du duc d'Orléans. Celui-ci commençait à désespérer quand, vers midi, le roi le fit appeler et lui annonça que décidément il partirait à trois heures, mais qu'au lieu d'aller à Dunkerque il irait à Ostende d'où il pourrait, selon les circonstances, s'embarquer pour Douvres ou revenir à Dunkerque par mer[21]. Le roi pensait qu'il ne serait guère plus en sûreté à Dunkerque qu'à Lille ; c'est pourquoi il avait contre mandé son départ, la nuit précédente. Son désir secret était de se réfugier en Angleterre pour y attendre les événements en toute sécurité. Il n'osait pas l'avouer franchement. Delà, ses tergiversations incessantes qui étaient feintes et ses continuels changements d'idée qui n'étaient qu'apparents. C'est ainsi qu'aux Tuileries, il avait semblé hésiter pendant huit jours entre tous les partis, alors qu'il était absolument déterminé à quitter Paris si Napoléon s'en approchait. Après que le roi eut annoncé sa résolution d'émigrer, Macdonald lui dit : — Sire, j'ai fait loyalement tout ce qui a dépendu de moi pour maintenir l'autorité de Votre Majesté et pour la retenir dans ses Etats. Elle veut les abandonner. Je la conduirai en sûreté jusqu'à la frontière, mais je n'irai pas plus loin. Je ne lui serais plus qu'un être à charge. Il peut sur venir tel événement à l'intérieur, en son absence quine peut durer que quelques mois, et je pourrai lui être en France beaucoup plus utile qu'ailleurs[22]. Mortier exprima à Louis XVIII la même détermination de rester en France, sans toutefois invoquer les mêmes motifs ; il ajouta qu'il priait le roi de lui indiquer quelle conduite il devrait suivre, après son départ, comme gouverneur de la 16e division militaire. — Faites ce que les circonstances vous indiqueront, dit le roi. Si elles vous obligent à mettre une autre cocarde à. votre chapeau, faites-le. Vous conserverez toujours la mienne dans votre cœur, et je suis sûr que vous la reprendrez dans l'occasion. — Je conserverai toujours dans mon cœur le souvenir des bontés de Votre Majesté, se contenta de répondre Mortier. Le duc d'Orléans demanda à son tour les ordres du roi. — Ma foi, vous pouvez faire tout ce que vous voudrez. — Eh bien, repartit le prince, puisque Votre Majesté me laisse cette latitude, je resterai dans la place aussi longtemps que je conserverai quelque espoir de pouvoir y soutenir sa cause. Je crains que ce ne soit pas bien long. Puis je me rendrai en Angleterre pour y rejoindre ma femme et mes enfants[23]. A trois heures, le roi monta en voiture. Les acclamations du peuple le saluèrent une dernière fois, mais à la sortie de la ville un incident se produisit. Les soldats de garde ne voulaient pas ouvrir la porte. Mortier dut rappeler sévèrement l'officier à l'obéissance et menacer les hommes. Le maréchal et le duc d'Orléans accompagnèrent le roi jusqu'au bas des glacis, puis ils rentrèrent dans la place. Les voitures passèrent la frontière à Menin. L'escorte de cuirassiers s'arrêta et le maréchal Macdonald prit congé du roi en lui disant : — Au revoir, Sire, dans trois mois[24]. Combien de sang français allait couler pour que ce souhait se réalisât ! Aussitôt que Macdonald fut de retour à Lille, le duc d'Orléans l'appela à une conférence où se trouvaient réunis Mortier, les généraux et les chefs de corps. Il fut démontré qu'il n'y avait plus rien à faire et que de plus longs efforts ne mèneraient qu'à compromettre le prince et ceux qui les tenteraient avec lui. Le duc d'Orléans se décida à partir dans la nuit[25]. Auparavant, en qualité de commandant en chef des troupes stationnées dans le département lu Nord, il rédigea cette circulaire qui fut transmise par Mortier aux officiers généraux[26] : Je vous préviens, mon cher général, que les malheureuses circonstances où nous nous trouvons ayant déterminé le roi à sortir de France cet après-dîner, je vous dégage de l'observation des ordres que je vous avais transmis en son nom. Je m'en rapporte à votre jugement et à votre patriotisme pour faire ce que vous croirez le plus convenable aux intérêts de la France[27]. Cette lettre n'était peut-être pas d'un Bourbon, mais elle était d'un Français. Quand le duc d'Orléans eut exprimé son intention de quitter la ville, Mortier lui confia avoir reçu dans la journée l'ordre d'arrêter le roi et les membres de sa famille qui se trouveraient à Lille. Le maréchal, ajoute Louis-Philippe dans son Journal, me pria de n'avoir aucun égard à ce qu'il venait de me dire et de rester à Lille aussi longtemps que si je n'en avais pas eu connaissance[28]. La confidence n'était point faite cependant pour retenir le duc d'Orléans. Il est même présumable que si Mortier parla de ces prétendus ordres, ce fut afin de presser le départ du prince[29], car il n'y a aucune preuve qu'ils aient été envoyés[30]. Tout au contraire, une lettre écrite par Davout le 23 mars à Exelmans — seul document authentique qui existe sur cette question — est ainsi conçue : Il est nécessaire que les troupes impériales se présentent sous les murs de Lille avec la cocarde tricolore... Si le roi y était encore, on le laisserait aller en Belgique avec les princes et ceux qui voudraient le suivre[31]. Le comte d'Artois et le duc de Berry, qui cheminaient avec la Maison militaire, ne furent pas menacés davantage. La cavalerie d'Exelmans avait l'ordre de presser la retraite des gardes du corps et des compagnies rouges, mais sans les attaquer. Dès le 23 mars, les vedettes avaient pris le contact avec l'arrière-garde de la colonne royale, dont la marche était retardée par les cavaliers démontés et une batterie à pied qu'escortaient les Cent-Suisses. Si Exelmans eût voulu, dit Marmont, il aurait pu causer beaucoup de désordre et nous faire éprouver d'assez grandes pertes, niais il n'avait pas l'ordre d'agir avec vigueur. Tout se passa d'une manière très pacifique[32]. Le 21 mars, cependant, il y eut une alerte. Le 3e régiment de lanciers s'étant engagé étourdiment au milieu des troupes royales qui faisaient halte aux portes de Béthune, gardes du corps, mousquetaires, suisses, chevau-légers, volontaires royaux de l'Ecole de droit coururent tumultueusement aux armes. La Maison militaire, bien qu'elle eût semé sur la route un grand nombre de traînards et d'éclopés, comptait encore plus de 3.000 hommes[33]. Les lanciers se formèrent en bataille en criant : Vive l'empereur ! Le duc de Berry, exaspéré, galopa vers eux, suivi seulement de quelques officiers, et apostropha rudement un chef d'escadrons qui portait la croix de Saint-Louis. Puis s'approchant, l'épée nue, d'un brigadier, il lui en appuya la pointe sur la poitrine en disant : — Crie : Vive le roi !... Un grade, deux grades. Crie : Vive le roi ! Le lancier effaçant le corps et rabattant du bois de sa lance l'épée du prince, cria : Vive l'Empereur ! De plus en plus furieux, Berry s'élança alors vers un autre lancier qui était sorti du rang : — Reste dans le rang ou je te f... mon sabre dans le ventre jusqu'à la garde. Le soldat recula et se tut. De leur côté, les officiers du prince, nommément le général Piquet, tentaient par des moyens moins violents mais non plus efficaces d'embaucher les lanciers. A la fin, le colonel fit faire demi-tour à son régiment et le porta en arrière[34]. Les troupes royales, rentrées dans Béthune, allaient se remettre en marche vers Lille quand on apprit que le roi avait quitté cette ville pour gagner la frontière et que la garnison avait pris la cocarde tricolore. Les princes et Marmont résolurent tout aussitôt de se rendre également en Belgique. Ils partirent incontinent avec environ trois cents gardes du corps et mousquetaires choisis parmi les mieux montés. Quant aux trois mille autres soldats-officiers formant la Maison militaire, le comte d'Artois décida de les licencier. Vraisemblablement, il craignait que l'argent ne manquât pour entretenir à l'étranger un corps aussi nombreux. Le général de Lauriston, qui après la mort de Nansouty avait été nommé capitaine des mousquetaires gris, fut chargé du licenciement. L'opération commença dès le lendemain, 25 mars, non sans résistance et sans tumulte. Les gardes du corps, les chevau-légers, les volontaires criaient à la trahison et accusaient Lauriston de les avoir vendus à Bonaparte. Deux cents s'évadèrent de Béthune, dont les portes étaient fermées par ordre supérieur, et émigrèrent. Les autres se résignèrent à rendre chevaux et armes et reçurent des feuilles de route régulières[35]. En regagnant leurs foyers, quelques-uns eurent à subir des vexations et même des mauvais traitements de la part des détachements qu'ils croisaient sur les chemins et des paysans chez lesquels leurs uniformes n'étaient pas plus aimés que dans l'armée. Plusieurs de ces gardes, il est vrai, ranimaient les rancunes par leur arrogance persistante, leurs in jures et leurs menaces contre l'empereur qu'ils parlaient d'assassiner. C'étaient eux souvent qui provoquaient les rixes. Près de Beauvais, le 30 mars, un garde de la compagnie écossaise, qui avait conservé son sabre, en menaça un charretier peu disposé à crier : Vive le roi ! Celui-ci l'abattit à ses pieds d'un coup de manche de fouet[36]. III Pendant les cinq jours qui s'étaient écoulés entre la rentrée de Napoléon aux Tuileries et le licenciement de la Maison du roi à Béthune, on avait reconnu le gouvernement impérial dans les deux tiers de la France. Le drapeau tricolore fut arboré le 21 mars à Laon, à Bar-sur-Ornain, à Troyes, à Rouen ; le 22, à Beauvais, à Amiens, à Châlons-sur-Marne, à Besançon, à Caen ; le 23, à Strasbourg, à Nancy, à Mézières, à Clermont-Ferrand ; le 24, à Lille, à Verdun, à Tours, à La Rochelle, à Nantes, à Brest, à Saint-Brieuc, à Cherbourg[37]. Dans plusieurs villes, on n'avait même pas attendu l'arrivée des courriers de Paris pour se prononcer. A Chaumont, on prit dès le 18 mars les couleurs nationales. Le 19, on célébrait solennellement à Fort-l'Ecluse le retour de Napoléon. Le 20, la foule acclamait à Epernay les régiments en révolte qui allaient rejoindre l'empereur sous les ordres du général Rigau. Le 21, le général Pinoteau proclama l'empire à Périgueux devant les troupes et la population enthousiastes[38]. A Rennes, depuis le 19 mars, on se concertait pour un mouvement bonapartiste. Le 22, les généraux Piré et. Bigarré et les colonels signifièrent au duc de La Trémoille envoyé par le duc de Bourbon dans l'Ille-et-Vilaine afin d'y lever des volontaires royaux, que le vœu du peuple et de l'armée était de proclamer Napoléon. Le prince et le préfet quittèrent aussitôt la ville tandis qu'on y saluait le drapeau national par cent et un coups de canon. Le lendemain seulement les nouvelles de Paris arrivèrent à Rennes[39]. Presque partout, la Révolution s'opéra pacifiquement, souvent avec le concours même des autorités civiles et militaires nominées par le roi. A Strasbourg, c'est le maréchal Suchet qui proclame l'empire ; à Lille, c'est Mortier ; à Rouen, c'est Jourdan ; à Cherbourg, c'est Vedel ; à Troyes, c'est Boyer de Rebeval ; à Bourges, c'est Amey ; à Brest, c'est l'amiral Bouvet. Ils reconnaissent le fait accompli de cette restauration avec l'empressement qu'ils ont mis à reconnaître le fait accompli de la précédente. Augereau qui, le 16 avril 1814, a dit à ses soldats en parlant du drapeau royal : Arborons cette couleur vraiment française, leur dit, le 22 mars 1815 : c'est en vain que sur nos drapeaux blancs, on chercherait quelque souvenir honorable[40]. Plus d'un préfet montre le même zèle et manifeste les mêmes sentiments. Le 21 mars, le préfet de l'Aisne rend la liberté aux généraux Lallemand et à leurs complices détenus dans la citadelle. Le 24, le préfet de l'Oise prescrit la mise sous séquestre des biens des émigrés, en exécution des décrets de Lyon. Le préfet de la Corrèze informe Carnot qu'il a reçu en même temps des ordres de l'empereur et des ordres du due d'Angoulême mais qu'il n'obéira qu'aux premiers. D'autres, comme le préfet de la Seine-Inférieure, écrivent à Paris pour témoigner leur dévouement à l'empereur et lui faire part de la satisfaction de leurs administrés, surtout dans les campagnes où l'on craignait le rétablissement des biens féodaux[41]. Le peuple, en effet, célèbre joyeusement la chute des Bourbons. Dans la Nièvre, dans l'Allier, dans le Haut-Rhin, dans l'Aisne, dans la Marne, dans l'Aube, dans l'Yonne, il y a des danses, des illuminations, des feux d'artifice. A Saint-Brieuc, on plante des arbres de la liberté. A Montmédy, on porte processionnellement les bustes de Napoléon et de Marie-Louise. Au théâtre de Nancy, on déclame les strophes de Madame Azaïs : La souche de sa dynastie C'est l'arbre de la liberté ! Dans les rues de Rennes illuminées, on promène le drapeau tricolore en chantant la Marseillaise. De Clermont à Brioude, des feux sont allumés sur les montagnes[42]. Dans plusieurs villes, la résistance des chefs de l'armée aux ordres venus de Paris provoqua des séditions. A Châlons, le corps de Victor abandonna ce maréchal qui s'enfuit en Belgique[43]. A Metz, malgré les ordres de Davout, Oudinot s'opposa à la proclamation de l'empire. De concert avec le préfet, M. de Vaublanc, il arrêta les journaux et les lettres, fit publier à son de cloche la Déclaration des puissances, consigna les casernes, interdit le port de la cocarde tricolore sous peine d'emprisonnement. Le 23 mars, le bruit courut que le duc de Berry était caché chez le préfet qui voulait livrer la place aux Prussiens. La garde nationale et le peuple se portèrent en désordre devant l'Hôtel de Ville, criant : A bas Oudinot La tête du préfet ! A mort les traîtres ! Le général Durutte apaisa l'émeute en déclarant que toutes les mesures de défense étaient prises et qu'il répondait de la place. Le lendemain, Oudinot averti qu'une nouvelle sédition, à laquelle allaient se mêler les troupes, était au moment d'éclater, se résigna à céder. Le drapeau tricolore fut arboré sur tous les édifices au bruit des salves d'artillerie[44]. Vaublanc resta en fonctions jusqu'à sa destitution ; Oudinot se retira à Bar d'où il s'empressa d'écrire à Suchet et au colonel Jacqueminot pour les supplier de le faire rentrer en grâce auprès de l'empereur[45]. A Thionville, ce même jour, 24 mars, la garnison se révolta contre le général Curto qui avait excité ses colères en disant dans une proclamation : Si Buonaparte se trouvait en face de moi, je le percerais de mon épée. Dans la soirée, les soldats parcourent les rues aux cris de : Vive l'empereur ! A mort le royaliste ! A une heure du matin, deux compagnies d'infanterie se forment en bataille devant la demeure du général, qui est réveillé par ce commandement inquiétant : Voltigeurs, chargez vos armes. Il ne nous échappera pas, le royaliste. Curto tente de haranguer les soldats qui l'interrompent par des clameurs furieuses ; puis le capitaine lui signifie qu'if a l'ordre des officiers de la garnison de le faire pendre ou jeter dans la Moselle pour avoir dit qu'il tuerait de sa main le grand empereur. Ce capitaine, qui était ivre, finit par se calmer et proposa à Curto de le conduire hors de la ville. Celui-ci ne se fit pas prier, mais au passage du pont-levis, il eut encore à subir les violences des soldats qui voulaient le forcer à se mettre à genoux pour crier : Vive l'empereur ![46] Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr courut les mêmes périls. Nommé le 19 mars au commandement de la 22e division militaire en remplacement de Dupont, il était arrivé le 21 à Orléans, où Pajol avait déjà fait prendre la cocarde tricolore[47]. Gouvion commença par mettre Pajol et plusieurs officiers aux arrêts de rigueur, puis en ayant ainsi imposé à la troupe, il la força de reprendre la cocarde blanche. Le préfet du Loiret, Alexandre de Talleyrand, et le maire le secondèrent dans cette tentative de résistance. Ils mirent à sa disposition la caisse du payeur général, arrêtèrent les nouvelles de Paris, firent répandre le bruit que Napoléon venait d'être assassiné aux Tuileries. Ils avaient aussi promis au maréchal l'appui de la garde nationale, mais les gardes et leurs officiers déclarèrent formellement qu'ils ne voulaient pas prendre parti pour les Bourbons. Le 22 mars, Gouvion reçut une lettre de Davout lui ordonnant de proclamer l'empereur. Il mit la lettre dans sa poche et fit arrêter l'aide de camp qui l'avait apportée. Cependant les troupes frémissaient d'impatience et de colère. La nuit du 23 au 24 mars, on prit les armes dans les casernes en proférant des menaces contre Gouvion. Quant à Dupont, qui s'était concilié les soldats en leur laissant reprendre leur vieille cocarde, ils voulaient seulement le prier de les conduire à l'empereur, et, s'il s'y refusait, l'emmener de force, attaché sur son cheval. Dupont et Gouvion s'empressèrent de quitter Orléans. Le maréchal, qui s'était échappé déguisé en meunier, fut poursuivi par ses soldats[48]. Ces résistances isolées, dues seulement aux généraux et aux préfets et en opposition avec le sentiment public, n'étaient ni inquiétantes ni durables. La prise d'armes que tentèrent en Vendée le duc do Bourbon et quelques chefs royalistes aurait pu être au contraire un extrême embarras sinon un grave péril. Mais le mouvement avorta presque aussitôt qu'il fut projeté. Envoyé à Angers le 13 mars, comme gouverneur général des divisions militaires de l'Ouest, le duc de Bourbon ne s'était occupé jusqu'au 21 que du recrutement de bataillons de volontaires royaux qui devaient être dirigés sur Orléans pour renforcer le corps d'armée de Dupont. Le prince et le comte d'Autichamp, qui commandait la subdivision de Maine-et-Loire, songeaient bien à provoquer un soulèvement général, niais ils étaient paralysés par les ordres formels des Tuileries où l'on craignait que la formation d'une nouvelle armée vendéenne ne mécontentât le parti constitutionnel. Dans la nuit, du 21 au 22 mars, le duc de Bourbon apprit le départ du roi. Cet événement lui rendait sa liberté d'action. Il revint au projet d'armer la Vendée et la Bretagne. Dans la pensée du prince ou plutôt dans celle de ses conseillers, car il pensait peu par lui-même, l'insurrection s'étendrait des deux rives de la Loire jusqu'à la Garonne où elle se relierait au mouvement royaliste de la Guyenne, du Languedoc et de la Provence. L'usurpateur aurait en armes contre lui presque la moitié des Français[49]. A Angers, cependant, les nouvelles de Paris avaient consterné les blancs et exalté les bleus ; déjà ceux-ci en voulaient beaucoup au duc de Bourbon à cause de la contribution de 2.500.000 francs qu'il avait imposée à la ville pour l'armement des volontaires et qui portait principalement sur les acquéreurs de biens nationaux. La garnison et le peuple étaient pour l'empereur, la garde nationale déclarait qu'elle resterait neutre, les volontaires royaux eux-mêmes semblaient suspects. Le général d'Autichamp conseilla au duc de Bourbon de se rendre à Beaupréau où il serait en sûreté et au centre même du pays qu'il voulait insurger. Le prince partit le 23 mars à trois heures du matin[50]. Resté à Angers pour y maintenir l'autorité royale, d'Autichamp reconnut bien vite que la partie n'était plus tenable. Le colonel de gendarmerie Noireau, qui venait de recevoir de Davout l'ordre de prendre le commandement d'Angers, avait été acclamé dans les casernes. Dans cette journée du 23 mars, d'Autichamp licencia les volontaires royaux, puis craignant de ne pouvoir gagner Beaupréau sans passeport, il alla tout franchement en demander un au colonel Noireau. Celui-ci le reçut à merveille et profita de l'entretien pour exhiber l'ordre qui lui avait été envoyé de faire arrêter le duc de Bourbon. Il se hâta d'ajouter qu'il ne se résoudrait à exécuter cet ordre qu'à la dernière extrémité mais que le prince, autant pour sa sûreté personnelle que dans l'intérêt de la malheureuse Vendée, agirait prudemment et patriotiquement en quittant au plus tôt la France. D'Autichamp, intimidé et d'ailleurs fort découragé, accepta de porter au duc de Bourbon une lettre de Noireau conçue à peu près dans ces termes. Arrivé à Beaupréau dans la matinée du 24 mars, il y trouva le prince avec une garde de quelques centaines de paysans et un état-major composé du chevalier Jacques, d'Auguste de La Rochejaquelein, d'Andigné, de Saint-Hubert et d'un assez grand nombre de capitaines de paroisses comme Turpeau et Désiré Nicolas. La lettre de Noireau produisit une certaine impression sui le due de Bourbon, mais d'Autichamp eut beau protester qu'il ne conseillait de déposer les armes que pour les reprendre bientôt, quand les paysans seraient revenus de leur saisissement et que la guerre commencerait aux frontières, les chefs vendéens s'emportèrent contre lui. C'est une indignité, disaient-ils, qu'un officier général si dévoué à son roi se soit chargé de la sommation d'un gendarme, intimant à un prince du sang l'ordre de quitter la France. Le comte d'Autichamp irrité revint à Angers d'où il se retira dans sa terre de La Roche-Faton[51]. Les partisans de l'insurrection promettaient que cinquante mille hommes se lèveraient au premier coup de tocsin, affirmaient que l'on avait pris les armes dans l'arrondissement de Redon, qu'il y avait douze cents paysans réunis dans la Mayenne, six mille dans le Maine-et-Loire. D'Autichamp parti, ils se rendent maîtres de l'esprit du prince. A l'issue du conseil, le duc de Bourbon prescrit à La Rochejaquelein d'insurger les Deux-Sèvres et de marcher sur Saumur, envoie l'ordre à Canuel de s'emparer de Châtellerault, nomme Sapinaud et Suzannet au commandement de la Vendée et de la Loire-Inférieure, signe une proclamation appelant aux armes tous les hommes de dix-huit à cinquante ans et portant que tout parlementaire de Buonaparte sera réputé embaucheur et jugé sur l'heure par un conseil de guerre[52]. Mais l'insurrection était plus facile à ordonner qu'à effectuer. Dans les provinces de l'Ouest il existait de profondes divisions. En général, tous les hommes au-dessus de trente-cinq ans tenaient aux principes de la Révolution, et si les survivants de la chouannerie et des anciennes armées catholiques avaient conservé leurs sentiments pour leurs seigneurs et pour le roi, ils paraissaient néanmoins peu disposés à mener de nouveau la guerre civile[53]. Le 25 mars, des renseignements arrivent à Beaupréau qui calment l'exaltation des chefs royalistes et font réfléchir le duc de Bourbon Suzanne et La Boche Saint-André déclarent que les départements de la Loire-Inférieure et de la Vendée ne prendront pas les armes. Le prince de la Trémoille a dû quitter Bennes où l'on promène par les rues le buste de Napoléon. Dans le Pays de Retz, le neveu de Charette ne peut réussir à entraîner un seul homme. La gendarmerie a arrêté au Pont-de-Cé un convoi de poudre destiné aux Vendéens[54]. A Nantes, l'ordre d'embarquer pour Saint-Florent dix pièces de canon, trois mille fusils et quatre millions de cartouches a provoqué l'émeute. Après avoir résisté au mouvement, le général Foy s'est mis à sa tête et a proclamé l'empire. La populace lance des pierres contre la préfecture et contre les hôtels des royalistes qui refusent d'illuminer[55]. Les habitants d'Ancenis s'arment pour repousser les chouans. Les tisserands de Cholet annoncent qu'ils pendront à la corde du clocher le premier brigand qui voudra sonner le tocsin. Les maires de diverses communes des environs de Beaupréau se présentent en députation au quartier général pour conjurer le duc de Bourbon de quitter le pays[56]. Ces démarches et ces nouvelles portèrent le trouble dans l'esprit du prince, mirent le découragement et la discorde dans son état-major et provoquèrent des défections parmi les paysans qui formaient sa garde Le duc de Bourbon s'empressa de dépêcher au colonel Noireau le chevalier d'Auteuil, son aide de camp, avec pleins pouvoirs pour négocier[57]. Puis le bruit s'étant répandu qu'un parti de six cents gendarmes et dragons marchait sur Beaupréau, il s'enfuit nuitamment[58]. Le 26 mars, tandis que d'Auteuil stipulait à Angers la libre sortie de France du duc de Bourbon, celui-ci était déjà arrivé à Fontenay. Il y resta le temps de communier, car c'était le jour de Pâques, et de dire aux royalistes du pays que l'on n'en serait pas là si le roi avait fait tomber deux ou trois têtes[59]. De Fontenay, le duc de Bourbon gagna les Sables-d'Olonne où il s'embarqua pour Santander[60]. Cinq jours après la rentrée de Napoléon à Paris, toute résistance avait cessé en France, de l'Océan au Rhin et de la Manche aux sources de la Loire. IV Le Midi était encore en armes. La guerre civile s'y préparait sous les auspices de la duchesse d'Angoulême qui fanatisait par sa présence les royalistes de Bordeaux, du baron de Vitrolles qui jouait au proconsul à Toulouse et du duc d'Angoulême qui levait une armée sur les confins du Languedoc et de la Provence. Le gouvernement impérial était renseigné par les autorités royalistes elles-mêmes. Jusqu'au 23 mars, les ministres de l'empereur reçurent des lettres de préfets et de généraux où ceux-ci, ignorant encore le départ de Louis XVIII, les informaient de tout ce qui se passait et manifestaient leur dévouement au meilleur des rois et leur mépris pour l'usurpateur[61]. Instruit de la situation de Bordeaux, Davout donna l'ordre le 22 mars au général Clausel de partir en poste pour cette ville afin d'y prendre le commandement en remplacement de Decaen et de proclamer l'empire[62]. Le duc et la duchesse d'Angoulême, qui avaient entrepris un voyage de propagande dans le Midi, étaient arrivés à Bordeaux le 5 mars. Reçus en grand gala, ils assistaient à un bal donné par la Chambre de commerce quand leur parvint l'avis du débarquement de Napoléon. Le duc d'Angoulême partit le lendemain, 10 mars, pour Nîmes, afin d'y prendre le commandement qui venait de lui être attribué de l'aile droite de l'armée royale[63]. La duchesse resta à Bordeaux. Cette femme d'esprit étroit mais de cœur vaillant allait y montrer sa virile énergie. D'ailleurs, nul ne prévoyait encore que Bordeaux pût être menacé. On regardait la tentative de Buonaparte comme le dernier effort d'une rage impuissante. La fête qui devait avoir lieu le 12 mars, anniversaire de l'entrée du duc d'Angoulême à Bordeaux avec les Anglais de Wellington, fut célébrée en toute quiétude. Les jours suivants, les nouvelles prirent de la gravité. Le baron de Valsuzenay, préfet de la Gironde, le général Decaen, encore sincèrement dévoué au roi, le maire, le trop fameux Lynch, s'occupèrent d'organiser des compagnies de volontaires et d'officiers à la demi-solde. La duchesse d'Angoulême secondait ses partisans en s'efforçant de se populariser par divers moyens assez éloignés de son caractère, écrivait Mlle d'Uzès à sa mère. Les caisses publiques étaient vides. Une souscription fut ouverte qui monta en un seul jour à 700.000 francs — sur le papier, car l'argent comptant étant rare, on ne put recueillir qu'une infime partie des sommes souscrites[64]. On était dans l'attente anxieuse des événements lorsque, le 23 mars, arriva le baron de Vitrolles. Au moment du départ du roi, il avait été chargé d'aller réorganiser la résistance dans le Midi. Il comptait établir à Toulouse le siège du gouvernement royal. De là, il correspondrait avec les préfets, appellerait les populations aux armes, lèverait des contributions extraordinaires et fournirait argent et combattants aux armées du duc de Bourbon, de Gouvion-Saint-Cyr et du duc d'Angoulême. En attendant un renfort d'Espagnols que ce bon Français se préparait à demander au cabinet de Madrid, il voulait employer seulement des volontaires royaux et des gardes nationales. Les régiments de ligne seraient disloqués, répartis en petits détachements et enfin licenciés. Vitrolles exposa ces projets à la duchesse d'Angoulême, à Lainé, qui venait aussi d'arriver de Paris, à Lynch, au préfet, au général Decaen. Chacun y donna son assentiment. Seul Decaen fit quelques objections, licencier la garnison de Bordeaux lui paraissant impossible. Il dit qu'à l'exception d'un bataillon détaché au fort de Blaye, dont l'esprit était mauvais, les deux régiments qui la composaient (le 8e et le 62e de ligne) resteraient probablement fidèles, mais qu'ils se mutineraient au premier ordre de licenciement. Le général consentit d'ailleurs à l'envoi à Blaye d'un bataillon de garde nationale qui contiendrait les soldats et les empêcherait de livrer la place. Le lendemain, tandis que Vitrolles partait pour Toulouse après avoir réquisitionné, au profit de la duchesse d'Angoulême, une somme de 400.000 francs en dépôt chez le consul anglais et provenant de droits de douane, un fort détachement de gardes nationaux fut dirigé sur la citadelle de Blaye. Mais le gouverneur leur en refusa l'entrée, sous prétexte qu'il ne voulait pas introduire dans la place de pareils bandits. A lire entre les lignes d'un rapport de Lynch, il semble en effet que pendant la route les gardes nationaux avaient mérité cette qualification par leur indiscipline et leurs excès[65]. Le 29 mars, on apprit que Clausel, arrivé l'avant-veille à Angoulême où déjà flottait le drapeau tricolore, marchait sur Bordeaux. (Ses forces se montaient à douze gendarmes !) Decaen ordonna aussitôt au vicomte de Pontac, colonel de la garde nationale, de se porter avec 500 gardes et volontaires et deux canons à Saint-Vincent et à Saint-Pardou pour défendre le passage de la Dordogne. On avait encore foi dans la résistance. Les officiers de la garde nationale donnèrent un banquet aux officiers de la ligne qui répondirent par des Vive le roi ! au toast du général Donnadieu : A la ville de Bordeaux. Puisse le grand exemple qu'elle donne faire rougir et trembler les traîtres[66]. Mais l'épreuve approchait. Dans la matinée du 31, Clausel prit position à Cubzac sur la rive droite de la Dordogne. Il avait reçu des renforts : dix brigades de gendarmerie et une forte compagnie de voltigeurs détachée de la citadelle de Blaye où l'envoi d'un émissaire avait suffi pour faire déclarer la garnison. Entre Cubzac et Saint-Vincent existait un pont volant ; sur l'ordre de Pontac, l'inspecteur du port l'avait rendu innavigable. Quelques voltigeurs de Clausel montèrent en barque, abordèrent le pont et y placèrent le drapeau tricolore. Les royalistes répondirent à cette bravade par une grêle de balles. Les voltigeurs regagnèrent la rive droite, mais le feu des gardes nationaux ne s'arrêta point et bientôt une vingtaine de coups de canon appuyèrent leur fusillade. Les soldats avaient l'ordre formel de ne point tirer. Ils y obéirent d'abord, mais voyant tomber plusieurs de leurs camarades, ils ripostèrent. Un royaliste fut blessé. Clausel fit cesser le feu et obtint non sans peine du commandant de la rive ennemie l'envoi d'un parlementaire. C'était Gaye de Martignac fils. Clausel lui dit qu'il était maître d'entrer à Bordeaux quand il le voudrait, mais que par respect pour la duchesse d'Angoulême, il désirait attendre qu'elle eût quitté la ville Il ajouta que personne ne serait inquiété pour sa conduite passée ou ses opinions, sauf le comte Lynch à qui il conseillait de passer à l'étranger. L'entretien terminé, le général Clausel chargea Gaye de Martignac d'une lettre pour les autorités civiles et militaires de Bordeaux, dans laquelle il déclarait qu'il les rendait responsables des malheurs que pourrait entraîner la résistance[67]. Martignac remit ce message à la duchesse d'Angoulême afin de lui donner la faculté de le communiquer ou de le garder secret. Madame fit appeler Decaen, le préfet, Lynch et Lainé, et après une première délibération, on réunit à l'Hôtel de Ville le conseil général Pt le conseil municipal. Les conseillers discutèrent sans conclure ; la très grande majorité inclinait en secret à la soumission. Une nouvelle conférence eut lieu devant la duchesse d'Angoulême. Lainé opina ardemment pour la résistance. Decaen était découragé et soucieux. — J'ai réuni ce soir même chez moi, dit-il, les officiers supérieurs, et je leur ai demandé si la troupe combattrait avec la garde nationale pour la cause du roi. Ils ont répondu négativement. Je leur ai demandé si du moins elle resterait neutre ; ils m'ont dit qu'ils n'oseraient pas répondre que les soldats vissent tranquillement tirer sur leurs frères d'armes. — Alors, s'écria Lainé, faites partir vos régiments pour Bayonne. — Ils n'obéiront pas. Le général Harispe confirma les paroles de Decaen et ajouta que deux mille Bordelais étaient prêts à se joindre aux soldats contre la garde nationale. La duchesse d'Angoulême, le visage sillonné de larmes, n'intervenait dans la discussion que pour répéter sans cesse que sa personne n'était pas en cause, qu'elle était disposée à donner sa vie, si ce sacrifice pouvait conserver Bordeaux au roi, mais qu'elle était prête à partir si sa présence devait inutilement faire courir des dangers à la ville. Il était près de minuit. On pensait à ajourner la décision au lendemain, quand on apprit que les gardes nationaux et les volontaires, qui avaient si bien tiraillé dans la journée à Saint-Vincent et dont Martignac avait dit qu'ils se feraient tuer jusqu'au dernier avant de livrer le passage de la Dordogne, venaient d'abandonner leurs postes sans même avoir été attaqués. Un délai de vingt-quatre heures fut aussitôt demandé à Clausel, pour que le départ de madame la duchesse d'Angoulême pût s'effectuer avec tous les honneurs dus à son rang[68]. Le lendemain, une lueur d'espoir revint aux partisans de la résistance. Le major de Mallet, que la fuite des gardes nationaux avait laissé en l'air à Saint-Loubès, était rentré à Bordeaux avec le détachement du 8e de ligne au lieu d'obéir aux ordres de Clausel. De cette preuve de fidélité, on conclut que les rapports de Decaen sur l'esprit de la garnison étaient exagérés. De jeunes volontaires royaux, députés par leurs camarades, supplièrent Madame de leur permettre de mourir pour elle. D'autres personnes l'assurèrent qu'elle n'aurait qu'à se montrer aux soldats pour les entrainer. Decaen et Harispe ayant affirmé derechef que tout ordre serait nul et que toute démarche serait inutile et peut-être même dangereuse à cause de l'exaltation bonapartiste, la duchesse d'Angoulême les interrompit : Je vais aller visiter les casernes, dit-elle, je jugerai par moi-même de la disposition des troupes. Les généraux se turent ; ils étaient profondément émus tant il y avait dans ces paroles sans emphase de véritable grandeur et presque d'héroïsme[69]. La visite aux casernes fut douloureuse comme une montée de calvaire. Madame quitta le palais, escortée par un grand nombre d'officiers et par un détachement de volontaires royaux. Elle entra d'abord à la caserne de Saint-Raphaël. Les troupes étaient sous les armes. La princesse passa devant le front des compagnies du 62e, respectueuses mais froides et sombres, puis s'adressant aux officiers qui avaient formé le cercle : — J'exige que vous parliez avec franchise. Êtes-vous disposés à seconder la garde nationale dans les efforts qu'elle veut faire pour défendre Bordeaux ?... Les officiers gardèrent le silence. — Vous ne vous souvenez donc plus des serments que vous avez renouvelés il y a si peu de jours entre mes mains ! S'il existe encore parmi vous quelques hommes qui s'en souviennent, qu'ils s'avancent !... Vous êtes bien peu nombreux. N'importe ! On connaît du moins ceux sur qui l'on peut compter. Au moment où Madame allait regagner sa voiture, plusieurs soldats s'approchèrent d'elle : — Nous ne souffrirons pas qu'on vous fasse du mal. Nous vous défendrons. — Il ne s'agit pas de moi, s'écria durement la princesse. Il s'agit du roi. Voulez-vous le servir ? — Dans tout ce que nos chefs nous commanderont pour la patrie nous obéirons, mais nous ne voulons pas de guerre civile et jamais nous ne nous battrons contre nos camarades. A la caserne du 8e de ligne, la troupe se montra moins soumise encore, et au Château-Trompette, le chef de poste déclara que la duchesse d'Angoulême n'entrerait que sans escorte ; seuls quelques officiers pourraient l'accompagner. Elle n'hésita pas à s'engager sous la voûte obscure de la vieille forteresse. Les soldats étaient en bataille dans la cour, silencieux et farouches. — Ne me reconnaissez-vous plus, s'écria Madame, moi que vous nommiez votre Princesse !... Adieu ! Après vingt ans d'exil, il est bien cruel de s'expatrier encore... Je n'ai cessé de faire des vœux pour le bonheur de ma patrie, car je suis Française, moi !... Et vous, vous n'êtes plus Français... Allez, retirez-vous. L'insulte venait d'une femme. Les soldats se continrent. Un seul dit : — Je ne réponds rien parce que je sais respecter le malheur. Frémissante de colère et dévorant ses larmes, la princesse rentra dans la ville[70]. Un tout autre spectacle l'y attendait. Une revue de la
garde nationale avait été commandée pour trois heures. La milice et les
volontaires, formés en ligne sur les quais de la Garonne, dont chaque maison
était pavoisée à la couleur royale, criaient avec frénésie : Vive le roi !
Vive Madame ! La princesse fit arrêter ses chevaux et se tenant debout dans
la calèche, elle dit : — Je vous remercie de votre
zèle et de votre dévouement. Mais je viens vous demander un dernier
sacrifice. Promettez-moi de m'obéir. — Nous
le jurons ! — On ne peut compter sur la
garnison. La défense est impossible. Vous avez assez fait pour l'honneur.
Conservez au roi des sujets fidèles pour un temps plus heureux... Je vous ordonne de ne plus combattre. Des cris et
des protestations s'élevèrent autour de la voiture. On voulait combattre et
mourir pour cette vaillante femme. Des menaces contre les traîtres,
c'est-à-dire contre Decaen, Harispe et l'inspecteur des gardes nationales
Puységur, se mêlaient aux acclamations. La duchesse d'Angoulême regagna son
palais au milieu de ce tumulte qui aboutit à une sanglante échauffourée. Les
volontaires s'exaltaient pour la résistance, mais les gardes nationaux, bien
que royalistes pour la plupart, s'accommodaient fort bien de la soumission.
La compagnie du capitaine Troplong s'étant mise en mouvement afin de se
rendre au lieu ordinaire de ses rassemblements et d'y rompre les rangs, un
détachement de volontaires cria : à la trahison ! et sans autre explication
fit feu sur les gardes. Le capitaine tomba raide mort, les miliciens
ripostèrent ; des deux côtés, il y eut des tués et des blessés. Accouru au
bruit de la fusillade, Decaen faillit être massacré. La mêlée menaçait de devenir
générale, quand à la nouvelle que la troupe sortait des casernes, le calme se
rétablit. Peu après, Clausel qui s'était avancé jusqu'à la Bastide, d'où il
avait vu sur la rive gauche du fleuve le combat des gardes nationaux, donna
un signal auquel on répondit du Château-Trompette en hissant le drapeau
tricolore. La duchesse d'Angoulême partit dans la soirée ainsi que le comte Lynch. Le lendemain matin, 2 avril, elle entendit la messe à Pauillac, puis elle monta sur le sloop de guerre The Wanderer mis à sa disposition par le consul anglais. Les volontaires royaux à cheval qui l'avaient escortée de Bordeaux à Pauillac l'accompagnèrent en barques jusqu'au bâtiment, criant sans cesse : Vive Madame ! Vive Madame ! La princesse très émue leur distribua les rubans de sa robe. Comme il n'y en avait pas assez pour tous les volontaires, elle arracha les plumes blanches de son chapeau et les leur jeta[71]. A Toulouse, cependant, Vitrolles avait mis à exécution son plan d'un gouvernement central du Midi. Il s'agita beaucoup sans faire grand'chose. Il adressa des lettres aux préfets, aux généraux et aux trésoriers des quarante départements de la rive gauche de la Loire et de la rive droite du Rhône, mais seuls ceux des huit ou dix départements limitrophes entrèrent en correspondance avec lui, et encore la moitié d'entre eux n'attendaient que le moment de le trahir. Il écrivit journellement au duc d'Angoulême, mais il ne lui envoya ni argent ni soldats, et par contre le prince lui dépêcha, pour le seconder, le comte Etienne de Damas, son ancien gouverneur, ce qui créa dans le gouvernement central une gênante dualité de pouvoirs. Il fit appeler le maréchal Pérignon, retiré dans une petite terre des environs, et l'institua son ministre de la guerre, mais le vieux Pérignon, qui n'avait pas fait campagne depuis 1799 et dont la gloire était oubliée autant que l'intelligence était affaiblie, n'eut ni influence ni activité. Il prit comme ministre des finances un de ses amis, receveur général à. Carcassonne, mais cet homme pusillanime lui déclara qu'il ne voulait pas être pendu et se hâta de se dérober à ces hautes et compromettantes fonctions. Il expédia des messages à Madrid et aux capitaines-généraux de Navarre et de Catalogne pour presser le passage de la frontière par les Espagnols, mais le gouverneur de Perpignan intercepta ces dépêches. Il fonda un Moniteur, en tout semblable à celui de Paris même par les fausses nouvelles — mais on soupçonna cette feuille d'être mal renseignée. Il arrêta la distribution des journaux et des lettres particulières, et pour plus de sûreté emprisonna les courriers, mais les habitants de Montauban s'ameutèrent contre les gendarmes qui menaient à Toulouse la malle contenant leur correspondance, et il n'empêcha pas le général Chartran, chargé d'une mission de l'empereur, d'entrer déguisé à Caussade, à Montauban, à Toulouse, à Montpellier, à Béziers et à Carcassonne. Il déclara qu'il ferait fusiller les receveurs généraux qui refuseraient de lui ouvrir leur caisse, mais ceux-ci s'étant abstenus de venir à Toulouse pour s'excuser, sa menace resta sans effet et le laissa sans argent. Il voulut mobiliser la garde nationale, mais les miliciens déclarèrent qu'ils ne marcheraient que s'ils étaient appuyés ; or la garnison ne comptait pas mille hommes, et elle ne voulait pas de guerre civile, avait dit le général Delaborde. Il s'occupa d'organiser des volontaires, mais il put à peine en recruter quatre ou cinq cents. Il ordonna la formation de cours prévôtales et rédigea, selon son expression, un code de guerre civile où des peines sévères étaient portées contre tout village qui laisserait des soldats en nombre inférieur à celui de la population y passer une seule nuit, mais ces ordonnances et ces règlements restèrent lettre morte. Il prescrivit de diriger sur Narbonne quatre compagnies d'artillerie renvoyées comme suspectes de l'armée du duc d'Angoulême, mais son ordre fut transmis de telle sone que les canonniers entrèrent à Toulouse[72]. Sevrés de toute nouvelle, les fonctionnaires civils et les officiers généraux éludaient les ordres de Vitrolles ou les exécutaient sans vigueur, afin de ne point trop se compromettre ni vis-à-vis de lui ni vis-à-vis de l'empereur. Avant de prendre énergiquement parti pour la résistance ou pour la révolution, ils voulaient savoir comment les choses tourneraient[73]. Vitrolles avait trop d'esprit pour s'abuser sur l'effet d'une dictature, qu'il ne lui déplaisait pas néanmoins d'exercer une fois dans sa vie. Il voyait l'incendie s'étendre autour de lui. Nous sommes bien malades ! écrivait-il le 2 avril au vicomte de Montmorency. Déjà on avait proclamé l'empire à Mende, à Albi, à Auch, à Cahors, où la population faillit assommer le duc de La Force à cause de sa cocarde blanche, à Rodez où les habitants empêchèrent un bataillon de volontaires royaux d'entrer dans la ville, à Castillonnès où la foule s'agenouillait devant l'aigle d'une enseigne d'aubergiste en disant : Nous avons retrouvé notre père. Et le lendemain et le surlendemain, Montpellier, Carcassonne, Béziers, Caussade, Foix, Pau, Tarbes, Agen, Perpignan, Toulouse même allaient voir le drapeau tricolore[74]. Le court proconsulat de Vitrolles prit fin le 4 avril. Un officier entra chez lui avec une escouade de grenadiers et lui signifia qu'il était son prisonnier. Une heure après, devant les troupes en bataille, le générai Delaborde proclama l'empereur. La population de Toulouse, qui comptait 50.000 habitants dont 3.000 gardes nationaux et 500 volontaires, tandis que la garnison s'élevait à peine à un millier d'hommes, y compris les officiers à la demi-solde, ne manifesta aucune velléité de résistance. Tout se passa tranquillement[75]. Depuis la veille, Vitrolles était informé que le général Delaborde, qui avait eu le 1er avril une conférence avec le général Chartran, émissaire de l'empereur, préparait un mouvement. Delaborde lui avait même fait donner l'avis par le préfet de quitter la ville pour éviter une prochaine arrestation. Mais soit que Vitrolles, comme il le prétend, ne voulût point déserter le poste qu'il s'était donné lui-même, soit, comme l'a affirmé Delaborde, qu'il attendît pour se mettre en route que 40.000 francs qui venaient de lui être comptés en argent par le payeur de la division fussent convertis en traites, il resta à Toulouse. On lui donna pour prison une chambrette de la caserne d'artillerie d'où il entendait les canonniers crier sous sa fenêtre : Quand le fusillerons-nous, le coquin ? Puis, sur un ordre de Davout, il fut transféré au donjon de Vincennes. Le comte de Damas reçut un passeport pour l'Espagne, Delaborde jugeant ses capacités peu dangereuses. Le préfet résigna ses fonctions, et le maréchal Pérignon, qui avait refusé de s'associer au mouvement de la garnison, se retira dans sa terre de Montech[76]. V En apprenant les événements de Bordeaux, l'empereur avait dit de la duchesse d'Angoulême : C'est le seul homme de sa famille[77]. Le duc d'Angoulême montra cependant que lui aussi était un homme Parti de Bordeaux le matin du 10 mars, il avait en dix jours passé ou séjourné à Agen, à Montauban, à Toulouse, à Montpellier, à Nîmes, à Pont-Saint-Esprit, à Avignon, à Marseille, à Toulon, et était revenu après cette rude tournée à son quartier-général de Nîmes. Le prince fut accueilli presque partout avec enthousiasme par la population, avec froideur par les troupes. Les régiments stationnés à Montpellier, à Avignon et à Tarascon manifestaient de telles dispositions que l'on crut prudent de ne point les employer. Le 63e de ligne, en garnison à Nîmes, avait le même esprit. Le duc d'Angoulême ayant distribué de l'argent aux soldats, ils le burent à la santé de Napoléon, et le comte de Bruges ayant fait part au colonel qu'il y avait vingt croix pour son régiment, celui-ci refusa d'établir un état de propositions[78]. On se croyait assuré, il est vrai, de la fidélité du 1er régiment étranger, du 14e de chasseurs et des 10e, 58e et 83e de ligne ; et sept ou huit mille volontaires du Var, des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse, du Gard, de l'Hérault étaient déjà enrôlés[79]. Dans les deux tiers de la France. le peuple presque tout entier acclamait l'empire, et la bourgeoisie tenait pour la royauté ; mais dans le Midi — et particulièrement dans le Gard, où la question religieuse se mêlait à la question politique — la division existait parmi les classes populaires comme parmi les classes moyennes, et c'était chez les paysans et chez les ouvriers qu'il y avait le plus d'exaltation royaliste. Sauf quelques vieux chevaliers de Saint-Louis, les gardes à cheval et un faible bataillon d'étudiants de Montpellier, les volontaires n'appartenaient donc pas à l'élite de la population. Ils n'avaient point de chemises, leurs pantalons étaient en loques et ceux qui possédaient une paire de souliers voulaient ne servir que comme officiers. On les arma tant bien que mal. Quant à l'habillement, beaucoup d'entre eux reçurent, pour tout uniforme, une fleur de lys de drap rouge. Les paysans donnèrent à ces volontaires le sobriquet de miquelets[80]. Dès son arrivée à Nîmes, le duc d'Angoulême avait projeté de marcher sur les derrières de Bonaparte et de réoccuper Lyon ; mais une dizaine de jours s'étaient passés avant qu'on eût armé et organisé les bataillons de volontaires. La nouvelle du départ du roi ne changea pas sa résolution. Malgré cet événement, la reprise de Lyon eût produit une très grande impression en France, et avec les dix ou douze mille hommes déjà sous les armes, que l'on espérait renforcer bientôt au moyen des gardes nationales, des volontaires et des dépôts de la Lozère, de l'Ardèche, de l'Aveyron et de la Haute-Loire, l'expédition pouvait réussir. Napoléon ayant emmené presque la totalité des troupes qui s'étaient ralliées à lui, Lyon et Grenoble se trouvaient à peu près sans garnison. Suivant le plan arrêté avec Masséna, le vicomte de Bruges, le baron de Damas et les généraux d'Aultanne, Compans, Ernouf et Rey, l'armée royale devait opérer en trois colonnes. Le corps de droite, commandé par Ernouf et fort de 5.000 hommes — 58e et 83e de ligne, 3.000 gardes nationaux des Bouches-du-Rhône et du Var et une batterie d'artillerie —, déboucherait par Sisteron, surprendrait ou tournerait Grenoble et se porterait sur Vienne. Le corps du centre, composé du 10e de ligne, du 14e de chasseurs, du 1er Régiment étranger (La Tour d'Auvergne), de quatre escadrons de volontaires à cheval, de six bataillons de volontaires du Gard, de Vaucluse et de l'Hérault et de deux batteries du 3e d'artillerie, en tout 5.500 fusils et sabres, était sous les ordres immédiats du duc d'Angoulême. Il devait passer le Rhône à Pont-Saint-Esprit et remonter ce fleuve jusqu'à Vienne où il ferait sa jonction avec la colonne d'Ernouf pour marcher vers Lyon. Le corps de gauche, en formation sous Rey, s'avancerait par la rive droite du Rhône tandis qu'à l'extrême gauche Compans, avec les dépôts et les gardes nationales de la Haute-Loire, le seconderait s'il était besoin et contiendrait l'Auvergne[81]. Les royalistes avaient l'ardeur et la confiance. On disait : La guerre civile est l'espoir des Français. Les volontaires à cheval se promettaient d'enfoncer au premier choc la cavalerie impériale. Le comte de Guiche, attaché à l'état-major, écrivait à sa mère : ... Je me sens inspiré. Voici mon pressentiment : dans un mois le roi de France sera dans sa capitale ! Il nous faudra pendre et fusiller plusieurs de ces indignes hommes. L'ivraie doit être jetée au feu. Alors nous serons tous purs et dignes de notre roi[82]. Le 29 mars, la tête de colonne du duc d'Angoulême déboucha de Pont-Saint-Esprit sous les ordres du vicomte d'Escars et entra à Montélimar. La population était dans l'épouvante. On disait que les miquelets allaient massacrer tous les bonapartistes et mettre la ville au pillage[83]. Le lendemain, à la sortie de Montélimar, les royaux virent s'avancer une troupe ennemie d'environ 400 hommes : fusiliers-vétérans, officiers à la demi-solde, sous-officiers en retraite et gardes nationaux volontaires (la plupart de ceux-ci sans cartouches). C'était tout ce que le général Debelle avait eu le temps de rassembler pour la défense du département de la Drôme. Un parlementaire de Debelle ayant été d'abord reçu à coups de fusils par les tirailleurs, puis renvoyé hautainement par le vicomte d'Escars, le combat s'engagea. Après cinq ou six heures d'une mousqueterie peu meurtrière, le général Debelle ordonna la retraite. A ce moment, un garde national criant : A la trahison ! le frappa d'un coup de baïonnette dans les reins. On se replia sur Loriol, où des renforts arrivèrent dans la soirée et le lendemain : un bataillon du 39e détaché de la garnison de Lyon, 200 gardes nationaux de la Drôme et 10e gardes d'honneur levés à Valence par un garde général nommé Kresly. Un demi-escadron du 14e chasseurs, qui avait abandonné d'Escars après le combat de Montélimar, vint aussi se joindre aux impériaux. Bien que la blessure de Debelle fût très légère, il remit le commandement au colonel d'artillerie Noël et partit pour Valence afin, dit-il, d'y presser l'organisation des gardes nationales[84]. Dans la matinée du 2 avril, l'armée du duc d'Angoulême arriva en vue de Loriol. Menacées par des forces quintuples, les troupes qui occupaient ce village se replièrent derrière la Drôme. Le colonel Noël soutint la retraite en s'établissant au débouché du pont avec deux pièces et le bataillon du 39e. Quelques volontaires et officiers à la demi-solde se postèrent en tirailleurs sur les berges. Pendant qu'on fusillait d'une rive à l'autre, deux compagnies de voltigeurs du 10e de ligne, profitant d'une tranchée parallèle à la Drôme pour se défiler, atteignirent le pont. Alors, soit que ces hommes eussent réellement l'intention de passer aux impériaux, soit qu'ils employassent la plus odieuse des ruses de guerre, ils crièrent : Vive l'empereur ! et s'engagèrent sur le pont au pas de charge. Les soldats du 39e leur ouvrirent leurs rangs ; les deux troupes fraternisèrent. Mais les grenadiers du 10e avaient suivi de près le mouvement des voltigeurs. Le bataillon du 39e, sans nulle défiance, se disposait à les accueillir comme il avait accueilli leurs camarades, lorsque parvenus aux deux tiers du pont, ils crièrent : Ils sont à nous ! Vive le roi ! et firent une décharge à bout portant. Cette agression avait-elle été concertée avec les voltigeurs, comme le prétendirent les soldats du colonel Noël, ou fut-elle seulement le résultat d'une méprise, comme on a cherché à l'établir dans les rapports subséquents ? Les grenadiers, a-t-on dit, croyaient leurs camarades prisonniers ; ils ont tiré pour les délivrer[85]. Quoi qu'il en soit, l'attaque eut un plein succès. Les impériaux lâchèrent pied en désordre, abandonnant leurs canons. Le 10e de ligne fit trois cents prisonniers[86]. En récompense de ce fait d'armes, le duc d'Angoulême promut au grade supérieur dix officiers et sous-officiers du régiment et distribua aux soldats trente-trois croix de la Légion d'honneur[87]. Tandis que les fuyards du pont de Loriol se repliaient sur Romans, puis sur Saint-Marcellin[88], l'armée royale poursuivit sa marche vers Lyon. Le 3 avril, le général Monnier, qui commandait l'avant-garde, poussa jusqu'aux bords de l'Isère, occupa Romans et détacha sur la rive droite deux bataillons du Gard. Le même jour, le duc d'Angoulême entra à Valence avec le gros des troupes. Il fut reçu assez froidement. Le peuple était anti-bourbonien ; la bourgeoisie, qui avait peu de confiance dans le succès de cette expédition, craignait les représailles populaires si elle manifestait trop ouvertement ses opinions[89]. La marche de l'armée royale, connue à Lyon depuis plusieurs jours, avait jeté l'inquiétude dans la masse de la population et ranimé les royalistes. Peu nombreux mais très ardents et très actifs, ils amplifiaient les forces et les succès du duc d'Angoulême, colportaient la Déclaration des puissances, annonçaient l'entrée des Piémontais en Savoie, des Espagnols en Gascogne, des Anglais à Toulon, et prophétisaient que la prise de Lyon, et le châtiment des bonapartistes qui s'y trouvaient seraient bientôt suivis de la chute de l'usurpateur. Déjà quelques-uns criaient Vive le roi ! dans les rues. Le gouverneur, le général Dessaix, était malade au lit ; le préfet Fourier n'avait ni considération, ni autorité, ni énergie ; le maire ne cachait même pas son attachement aux Bourbons et l'état-major de la garde nationale faisait des vœux pour le duc d'Angoulême. Quant aux troupes, qui se composaient de trois bataillons du 39e et du 49e et de quelques cavaliers du 13e de dragons, elles ne présentaient pas un millier de baïonnettes. Au reste, l'attitude expectante des autorités alarmait plus encore les Lyonnais que la faiblesse de la garnison. Les ouvriers des faubourgs auraient suffi à défendre Lyon.. Mais le préfet, le maire, peut-être bien le général Dessaix lui-même, avaient peur de leur donner des armes[90]. Malgré les dépêches pressantes de Debelle, de La Salcette, gouverneur de Grenoble et de Dessaix, qui, il est vrai, étaient infidèlement transmises par l'employé du télégraphe de Lyon[91], l'empereur ne s'inquiéta point d'abord de l'expédition du duc d'Angoulême. Ce fut seulement dans la soirée du 30 mars que grâce à l'avocat Teste, venu de Nîmes à franc étrier, il en comprit l'importance[92]. Il n'y avait pas un mois que Napoléon avait traversé le Dauphiné et le Lyonnais. Les acclamations des habitants résonnaient encore à ses oreilles. Il comprit qu'il fallait là moins des soldats qu'un chef avisé et énergique, qui sût se servir de l'esprit du pays pour créer une armée avec la population. Le général de Grouchy, qui s'était déjà présenté aux Tuileries, se trouvait sans emploi. Il avait les plus beaux états de services ; à Vauchamps, l'année précédente, il avait changé en déroute la retraite de Blücher ; il était, avec Davout, Vandamme, et Exelmans, un des rares officiers généraux de grand mérite qui eussent à se plaindre du roi. Napoléon lui donna l'ordre de partir pour Lyon comme commandant supérieur des 7e et 4.9e divisions militaires, avec pouvoirs extraordinaires. Piré, Mouton-Duvernet et le général de gendarmerie Radet, tous trois sûrs et zélés, furent désignés pour le seconder[93]. Grouchy arriva à Lyon le 3 avril. Le lendemain, on ne criait plus Vive le roi ! dans les rues. Il avait mis la ville en état de siège, imposé au maire, réconforté le préfet, suspendu le conseil municipal, destitué cinquante officiers de la garde nationale et donné des armes à 5.000 volontaires qui s'étaient présentés dans une seule journée. Piré, avec 500 hommes du 6e léger, un escadron des dépôts et trois pièces de canon, s'avançait contre l'armée royale, et 20.000 gardes nationaux du Jura, de l'Ain, de Saône-et-Loire de la Haute-Saône, de la Côte-d'Or marchaient au secours de Lyon[94]. Les Hautes-Alpes et l'Isère s'étaient défendues toutes seules contre les 5.000 hommes d'Ernouf. Les paysans avaient pris le fusil et la fourche pour combattre à côté des 600 soldats des généraux Chabert et Proteau. Ceux qui n'avaient pas d'armes se tenaient sur les hauteurs, à l'entrée des défilés, prêts à faire rouler des rochers sur les assaillants. Les Dauphinois, écrivait le comte de Saint-Priest au duc d'Angoulême, nous regardent les uns comme d'honnêtes fous qui n'ont aucun espoir de succès, les autres comme des brigands... Les habitants tirent sur nos soldats isolés. Cela prouve ce qu'on est en droit d'attendre d'eux dans une retraite. L'expédition d'Ernouf échoua complètement. Ses deux régiments de ligne, le 58e et le 83e, passèrent aux impériaux entre Gap et Saint-Bonnet. Repliés à Sisteron, Ernouf et son lieutenant Loverdo voulurent reprendre l'offensive avec les seuls volontaires marseillais. Le général Proteau, en position derrière la Durance, attendit leur feu, puis dans une contre-attaque leur tua 60 hommes, fit une centaine de prisonniers et enleva un drapeau. Ernouf rallia ses volontaires débandés et se mit en retraite vers Marseille[95]. Sur le flanc gauche et sur les derrières de l'armée du duc d'Angoulême, les choses ne tournaient pas mieux pour la cause royale. Au lieu de venir menacer Lyon par la rive droite du Rhône, Compans et Rey avaient adressé leur soumission à l'empereur. Le chef d'escadrons de Castel-Bajac, envoyé dans la Lozère avec un peloton de chasseurs pour lever des volontaires, était attaqué, blessé et fait prisonnier par la garde nationale de Langogne. Dans l'Ardèche, le général Laffitte mettait en déroute la bande du colonel Magnier. Les habitants d'Issoire arrêtaient une colonne de miquelets qui marchait sur le Puy. A Mende, le peuple menaçait de mort les royalistes qui voulaient prendre les armes. A Avignon, le 6e de ligne était prêt à se révolter. A Montpellier, le général Ambert venait de proclamer l'empire, malgré l'opposition bruyante mais inoffensive de la population[96]. Enfin, le 3 avril, le drapeau tricolore avait été arboré à Nîmes. Après s'être concerté avec le commandant de la garde nationale, qui lui répondit de ses six cents hommes, le colonel Teulet, du 63e, fit assembler le régiment dans la cour de la caserne et s'approchant de la 1re compagnie de grenadiers, il dit seulement : —Grenadiers, vive l'empereur ! Le cri fut répété jusqu'à la gauche. Un arrêta les généraux Briche et Pélissier. Contenue par la troupe, la population royaliste ne tenta aucune résistance. Le soir, les protestants illuminèrent[97]. Ces nouvelles contraignirent le duc d'Angoulême à battre en retraite. Le 5 avril, il replia ses avant-postes sur la rive gauche de l'Isère et fit couper le pont de Romans, et le 7, à deux heures du matin, il évacua Valence. Sa petite armée entra en dissolution. Le lie de chasseurs, sauf un peloton de vingt-cinq hommes formant l'escorte du prince, fit demi-tour et rallia le général Piré qui avait passé l'Isère. Le commandant de l'artillerie et le colonel du 40° de ligne déclarèrent que la plupart de leurs hommes ne voulaient plus se battre. Deux bataillons de volontaires se débandèrent ; la défection gagna même le Royal.-étranger. En arrivant à Montélimar, on apprit que la citadelle de Pont-Saint-Esprit, où le général Merle avait été laissé avec un bataillon du Gard, un bataillon des Bouches-du-Rhône, un bataillon du Royal-étranger et six pièces de canon, était au pouvoir des impériaux[98]. Le général Gilly, relevé de son commandement de Nîmes par le duc d'Angoulême et exilé dans une propriété des environs, était rentré dans la ville le lendemain de la révolution bonapartiste. Le 6 avril, il avait fait partir pour Pont-Saint-Esprit le 10e de chasseurs, envoyé de Montpellier par le général Ambert, et le 7, il s'était mis lui-même en marche avec le 63e. A son al rivée, le matin du jour suivant, le 10e de chasseurs était déjà maître de Pont-Saint-Esprit. Abandonné par les volontaires et menacé par les canonniers, le comte de Vogüé à qui le général Merle, très opportunément pour soi-même, avait remis le commandement in extremis, s'était replié sur Orange avec une poignée d'hommes fidèles[99]. Pris entre deux feux, le duc d'Angoulême n'avait plus d'autre ressource que de gagner par les Alpes les frontières du Piémont ou de capituler. Dans la nuit du 7 au 8 avril, il dépêcha son chef d'état-major d'Aultanne à Pont-Saint-Esprit, avec pleins pouvoirs pour traiter. Reçu par le colonel Saint-Laurent, du 10e de chasseurs, qui commandait en attendant l'arrivée de Gilly, d'Aultanne demanda que duc d'Angoulême pût librement continuer sa route, avec le 10e de ligne, jusqu'à Marseille où il s'embarquerait ; sous cette condition, les gardes nationales et les volontaires seraient immédiatement licenciés et l'artillerie rejoindrait l'armée impériale. Ces clauses étaient acceptées en principe, et d'Aultanne en avait déjà averti par lettre le duc d'Angoulême, quand arriva le général Gilly qui déclara n'y pouvoir souscrire. Il était, en effet, tout au moins imprudent de laisser le duc d'Angoulême aller à Marseille où l'on reconnaissait encore le gouvernement royal et où régnait une grande exaltation. Gilly proposa comme lieu d'embarquement le port de Cette et exigea que le 10e de ligne prit incontinent les cantonnements qui lui seraient assignés. Le duc d'Angoulême ayant adhéré à ces nouvelles clauses, la capitulation fut signée dans la soirée du 8 avril. Le lendemain, cinquante chasseurs du 10e, désignés pour servir d'escorte au prince, vinrent le prendre à La Pallud où s'étaient arrêtés l'état-major et les débris de l'armée royale. Vers neuf heures du soir, le duc d'Angoulême monta en voiture à, destination de Cette ; mais à Pont-Saint-Esprit, il reçut un billet de Grouchy le priant en termes respectueux de suspendre son voyage jusqu'après la réception des ordres de l'empereur. Grouchy donnait ce motif que lui, général en chef, n'avait pas eu de part à la capitulation et qu'il ne pouvait la ratifier sans en référer à Paris[100]. A en croire Grouchy, il s'était présenté aux Tuileries avant son départ pour Lyon, et l'empereur gui avait expressément recommandé de faire prisonnier le duc d'Angoulême. Napoléon, dit-il, pensait à l'échanger contre Marie-Louise[101]. Quoi qu'il en soit, Grouchy, tout en agissant à Lyon avec vigueur, avait eu le tort d'adresser des messages trop alarmants au ministre de la guerre et de lui demander des renforts dont il pouvait se passer[102]. Cela suffit à faire douter de son énergie. Le 3 avril, l'empereur dépêcha son aide de camp Corbineau pour le seconder ou plutôt pour le surveiller, et le lendemain le maréchal Suchet reçut l'ordre de se rendre à Lyon afin d'y prendre le commandement supérieur. De général en chef, Grouchy allait devenir lieutenant de Suchet[103]. Il comprit que sous peine de voir le bâton de maréchal lui échapper, le moment était venu de montrer du zèle. Aussi, quand arrivé à Montélimar avec l'avant-garde de Piré dans la nuit du 8 au 9 avril, il reçut la nouvelle de l'occupation de Pont-Saint-Esprit, s'empressa-t-il d'écrire à Gilly : Pour achever ce qui est si bien commencé, faites sur-le-champ passer le Rhône à vos troupes afin de couper la route aux insurgés qui se trouveront pris entre vous et la colonne que je conduis. Si déjà l'ennemi avait dépassé Mornas, mettez-vous en toute hâte à sa poursuite[104]. Puis, apprenant quelques heures après qu'une capitulation venait d'être signée, il accourut à Pont-Saint-Esprit pour empêcher le départ du duc d'Angoulême[105]. Grouchy assura au baron de Damas que si contre toute apparence la vie du prince pouvait être menacée, il le ferait évader. — Je risquerai ma tête, dit-il, pour sauver la sienne[106]. En attendant, le duc d'Angoulême fut gardé à vue chez le maire par un capitaine de gendarmerie qui prétendit s'installer dans la chambre même du prisonnier. Damas obtint de Grouchy que cet hôte incommode se retirât dans la pièce contiguë, déjà occupée par des gendarmes. Le 10 avril, le général Radet, envoyé de Lyon, fut chargé de la garde du duc d'Angoulême. Il le traita avec respect et commença par défendre aux gendarmes de le troubler en buvant et en causant à haute voix. Il n'en maintint pas moins la plus rigoureuse surveillance, averti que des royalistes de Pont-Saint-Esprit conspiraient de faire évader le prince sous des vêtements de femme[107]. Dans la matinée du 11 avril, le duc de Bassano remit à
l'empereur une dépêche de Grouchy, datée de Montélimar et annonçant que le duc
d'Angoulême venait de conclure avec le général Gilly une convention en vertu
de laquelle le prince devait s'embarquer à Cette[108]. L'empereur eut
d'abord la pensée de garder, s'il en était temps encore, le duc d'Angoulême
comme otage. Mais après une courte discussion, il céda aux conseils de
Bassano qui soutint avec une grande fermeté qu'il fallait exécuter la
capitulation. Napoléon exigea seulement qu'il y fût ajouté une clause
stipulant que les diamants de la couronne, emportés par le roi, seraient
restitués à la France. — Ce que je propose à Votre
Majesté vaut tous les diamants du monde ! répondit Bassano. Puis il
s'empressa d'écrire la dépêche suivante : Tâchez,
s'il est possible, de faire ajouter à la capitulation une clause formelle qui
porte que les diamants de la couronne seront restitués. Dans tous les cas,
faites exécuter la capitulation[109]. Sur ces
entrefaites, une nouvelle dépêche de Grouchy, où il informait l'empereur
qu'il attendrait ses ordres pour ratifier la convention[110], fut transmise
au bureau de Paris. La dépêche de Bassano n'était pas encore expédiée. Chappe
en différa l'envoi, jugeant que le message de Grouchy, qu'il fit sur-le-champ
remettre au duc de Bassano, pouvait modifier les intentions de l'empereur.
Bassano le craignait, car trois des ministres étaient accourus aux Tuileries
pour engager l'empereur à ne pas se dessaisir d'un otage aussi précieux que
le duc d'Angoulême, ils rappelaient la proclamation du roi, du 6 mars,
ordonnant de courir sus à Napoléon, et assuraient qu'un pareil acte
autorisait des représailles. D'ailleurs, le prince n'avait-il pas fomenté la
guerre civile, fait couler le sang français ? L'empereur était ébranlé ;
peut-être allait-il regarder la lettre inattendue de Grouchy comme une
sollicitation de la Fortune, un ordre de la Destinée ? Sans hésiter devant la
responsabilité, Bassano fit transmettre sur-le-champ sa dépêche par Chappe et
ne remit à Napoléon celle de Grouchy que dans la soirée, quand l'obscurité
empêchait toute communication télégraphique. L'empereur demanda à Bassano si
sa dépêche était partie : Oui, Sire. — Et avant de l'expédier aviez-vous reçu celle-ci ? —
Oui, Sire. Il y eut un moment d'imposant silence,
puis l'empereur dit : — Vous avez bien fait[111]. Pour Napoléon,
le refus du czar Alexandre, en 1813, de ratifier la capitulation de Dantzig
était un précédent à invoquer et non un exemple à suivre. Par suite des retards dans la transmission télégraphique, l'ordre de ratifier la capitulation n'arriva à Pont-Saint-Esprit que le 14 avril. Le lendemain, le duc d'Angoulême partit pour Cette sous l'escorte de deux escadrons de gendarmerie, commandés par le général Radet. Quand il monta en voiture, une rixe fut sur le point de se produire entre les habitants, les uns criant : Vive notre bon prince ! les autres voulant empêcher ces cris. Le même antagonisme existait dans tout le département du Gard. Radet redoutait des embuscades sur la route de Nîmes, car d'après plusieurs rapports, des royalistes avaient conspiré d'enlever le prince et quelques misérables s'étaient apostés pour le massacrer. La voiture de tête risquant d'être attaquée la première, Radet s'y plaça et donna l'ordre aux gendarmes de se rallier, à la moindre alerte, à la seconde voiture occupée par le prince. Ces précautions furent heureusement inutiles. Le duc d'Angoulême arriva sans encombre à Cette où il s'embarqua pour l'Espagne, le 16 avril, sur un bâtiment suédois. Il emmena avec lui une suite de dix-sept personnes. Radet l'accompagna jusqu'aux chaloupes, et ayant su que le prince souffrait sur mer, il fit porter à bord de la Scandinavie une caisse d'oranges, de citrons et de médicaments[112]. Le général Radet n'avait pas eu plus d'attentions pour le Pape lui-même ! La capitulation de La Pallud fit tomber les dernières
résistances. Masséna craignant que le marquis de Rivière, commissaire du roi,
n'ouvrît le port de Toulon aux Anglais[113], s'était rendu
de Marseille dans cette ville, le 2 avril, et avait refusé, sous divers
prétextes, d'envoyer au duc d'Angoulême les deux régiments de ligne qui en
formaient la garnison. Le 11 avril, il se décida à proclamer l'empire. Il y
eut Te Deum, salves d'artillerie, illuminations. Les troupes de
l'armée et de la marine parcoururent la ville, musique en tête, escortant un
char que traînaient des ouvriers ceints d'écharpes tricolores et où se
tenaient debout. à côté du buste de Napoléon, les grenadiers de l'île d'Elbe
faits prisonniers à Antibes. Si les lâches
déserteurs de la patrie, écrivait le maire de Toulon avec un grand
luxe d'adjectifs, avaient vu ce beau spectacle, ils
renonceraient à leurs criminelles espérances et sauraient qu'aucune puissance
humaine ne saurait désormais faire fléchir un pays libre sous le joug
humiliant des vieilles monarchies[114]. Déjà des
séditions bonapartistes avaient éclaté à Antibes, à Draguignan, à Fréjus, et
Avignon, Tarascon, Arles avaient arboré le drapeau tricolore[115]. Il ne restait plus à soumettre que Marseille. Le préfet, M. d'Albertas, le maire, M. de Montgrand, le marquis de Rivière, le général Bruslart, qui venait de débarquer de Corse, le comte de La Tour-du-Pin qui, arrivé de Vienne, annonçait la prochaine entrée en France de 750.000 Alliés, excitaient la population à résister. Le 11 avril, un parlementaire de Grouchy faillit être assommé par les portefaix, et le marquis de Rivière le renvoya au général avec cette déclaration que trente mille Marseillais étaient sous les armes et qu'il allait appeler les Anglais dans la ville. Grouchy mit ses troupes en mouvement[116]. D'ailleurs, malgré le retour des 1.500 volontaires qu'Ernouf ramenait de Sisteron et qui criaient : Aux armes ! sur la Cannebière, la résolution des autorités avait faibli. Masséna ayant dépêché au préfet l'ordre de reconnaître l'empire, le conseil municipal craignit de voir la ville attaquée et par l'armée de Grouchy et par la garnison de Toulon ; il se résigna à faire sa soumission. Masséna et Grouchy en furent informés par des députations du conseil. Les Marseillais ne virent pas sans révolte tomber le drapeau blanc. En entrant dans la ville, le 15 avril, la tête de colonne du 6e de ligne fut reçue par des Vive le roi ! Les soldats durent croiser la baïonnette pour se frayer passage à travers la foule ameutée[117]. Le 16 avril, une salve de cent coups de canon tirée dans toutes les villes de France annonça au pays la fin de la guerre civile[118]. Selon la volonté de l'empereur, il n'y eut aucune répression. On n'établit point de commission militaire, personne ne fut déféré aux tribunaux. Napoléon se borna à destituer le colonel d'Ambrugeac, du 10e de ligne, les généraux d'Aultanne, Ernouf, Monnier, Briche, Loverdo, et les préfets du Var, des Bouches-du-Rhône, des Basses-Alpes, de Vaucluse, du Gard, qui avaient si ardemment secondé le duc d'Angoulême[119]. Quant aux gardes nationaux et aux volontaires de l'armée royale, gradés ou non gradés, ils reçurent des feuilles de route régulières pour regagner leurs foyers[120]. Malheureusement, les paysans du Midi étaient plus vindicatifs que Napoléon. Pendant les vingt-cinq fours de cette prise d'armes, les miquelets, par leurs propos furieux, leurs menaces, leurs exactions et parfois leurs mauvais traitements, avaient exaspéré leurs ennemis politiques, irrité les indifférents, terrorisé toute la contrée[121]. On n'attendit pas la défaite des royaux pour les attaquer. A Nîmes, le 24 mars, un fanatique poignarda en plein jour, place de la Comédie, un volontaire du bataillon de Montpellier. Dans plusieurs villages des Cévennes et des Alpes, les habitants arrêtèrent et désarmèrent des détachements de miquelets ou fusillèrent avec eux[122]. Après la capitulation de La Pallud, quand on vit revenir les volontaires, sans armes, marchant isolément ou par petits groupes, les rancunes et les haines se réveillèrent. Avec leur mine patibulaire et leurs propos menaçants, ils avaient sans doute causé plus de peur qu'ils n'avaient fait de mal, mais les lâches sont accoutumés à se venger de leur peur. Un grand nombre de ces malheureux furent insultés, battus, repoussés des villages comme des chiens enragés, pourchassés dans les champs comme des bêtes fauves. Dans la Lozère, des montagnards cévenols se postèrent sur une hauteur, à l'entrée du défilé de Pompidou, pour faire rouler des rochers sur les volontaires à cheval de Toulouse ; par bonheur, ces jeunes gens prirent un autre chemin. A Yeuset, à Saint-Chaptes, on tua des royalistes. A Arpaillargues, quatre volontaires nîmois furent abattus à coups de fusil, puis achevés par des femmes ; elles s'amusèrent, après les avoir mis nus, à les retourner avec leurs fourches, à les mutiler, à leur enfoncer des ciseaux et des broches dans les yeux[123]. Ces abominations allaient amener trois mois plus tard d'épouvantables représailles. |
[1] Les décrets de nomination, datés du 20 et du 21 mars, parurent dans le Moniteur des 21 et 22. Plusieurs ministres prirent possession de leur poste dans la nuit même. (Une dépêche de Davout à Ney est datée du 20 mars.) En apprenant à Real qu'il l'avait nommé préfet de police l'empereur lui dit : — Tout le monde doit être à son poste en ce moment. Ne tardez pas à vous rendre au vôtre. — J'y serai demain matin, répondit Real. L'empereur répliqua : — Vous irez ce soir même (Notes manuscrites de Rousselin, collection Régis.)
[2] Notes de Rousselin, précitées. Mollien, Mémoires, IV, 186. Lavallette, Mém., II, 164. Fleury de Chaboulon, Mém., II, 259-261. De Chénier, Davout, 432-436 Cf. Lettre de Davout à Soult (citée par Mme de Blocqueville, Davout, IV, 157). Bulletin des Lois, 21 mars. Fragment des Mémoires de Molé. (Revue de la Révolution, XI, 89, 91.)
[3] Rovigo, Mémoires, VII, 385-387. Fragment des Mémoires de Molé, précité. Lavallette, Mém., II, 163. Fleury de Chaboulon, Mém., I, 261. Montholon, Récits, II, 187, 188, 202, 308. Cf. Mémoires de Fouché, II, 314-316. Napoléon, Œuvres de Sainte-Hélène (Correspondance, XXXI, 92), et les Notes précitées de Rousselin.
[4] Carnot, Exposé de ma conduite politique, 22. Carnot à Napoléon, 22 mars. (Carnot, Correspondance, 17-20.) Lavallette, II, 164. Notes précitées de Rousselin. Mémoires sur Carnot par son fils, II, 408-410. — D'après ce dernier ouvrage, Napoléon aurait écrit dès Fontainebleau à Carnot pour le mander aux Tuileries et l'aurait vu une première fois le 21 à midi, mais sans lui parler encore du ministère.
[5] Moniteur, 22 mars. Les deux décrets sont antidatés. Rendus seulement le 21 mars dans la soirée, ils portent la date du 20 mars.
[6] Carnot, Correspondance avec Napoléon, 21-27. Mémoires sur Carnot, II, 427-424.
[7] Journal des Débats, 20 mars. — Cet article, plus violent encore et plus perfide que celui de Benjamin Constant publié le 19 mars, est attribué à Charles Nodier.
[8] Journal de l'Empire, 21 mars.
[9] Napoléon, Correspondance, 21, 692. Conformément à cet ordre, Davout expédia le 21 à 6 h. 42 m. du matin la dépêche suivante : L'empereur est à Paris. Il a nommé pour son ministre de la guerre le maréchal prince d'Eckmühl. Il prescrit de refuser l'entrée des places au roi, aux princes et à tous les agents des Bourbons. (Arch. Guerre.)
[10] Exelmans à Davout, Saint-Denis, 21 mars. (Arch. Guerre.)
[11] Général Blanmont à Davout, Abbeville, 23 mars. (Arch. Guerre.) Lettre de Blacas, Abbeville, 20 mars (citée par le duc d'Orléans, Mon Journal, 81-82). Journal Universel, de Gand, n° 1. Marmont, Mém., VII, 98-99. Ordre de marche pour les 20 et 21. Saint-Denis, 20 mars. (Registre de Macdonald, Arch. Guerre.) — D'après le témoignage du duc d'Orléans (96-97) et de Macdonald (Souvenirs, 374-375), le comte d'Artois, découragé et voyant la marche piteuse de la Maison militaire, avait eu aussi l'idée d'aller s'embarquer à Dieppe avec tous les mousquetaires et gardes du corps que pourraient contenir les transports. Il envoya le général Ricard au roi pour lui demander son assentiment. Mais Ricard ne put rejoindre le roi qu'à Lille.
[12] Blacas à Marmont, Abbeville, 21 mars. Général Blanmont à Davout, Abbeville, 23 mars (Arch. Guerre). Journal Universel, de Gand, n° 1. Marmont, Mémoires, VII, 99. Macdonald, Souvenirs, 369-371.
[13] Duc d'Orléans, Mon Journal, 61, 62, 65, 67, 70. Cf. 90, 94 et lettre à Blacas, Lille, 22 mars (citée, ibid., 83).
[14] Duc d'Orléans, 85. Cf. Macdonald, 372-373. — Le 20, le duc d'Orléans avait appris par une dépêche télégraphique de Paris, qu'il ordonna de tenir secrète, la rentrée imminente de Napoléon aux Tuileries, et dans la nuit du 21 au 22, il avait reçu un courrier de Blacas lui annonçant que le roi était à Abbeville, fort indécis sur le lieu où il allait se retirer (Mon Journal, 78, 82-84).
[15] Lettre de Jaucourt, Ostende, 25 mars (Arch. Aff. étr., 646). Duc d'Orléans, Mon Journal, 6-87, Journal Universel, de Gand, n° 1. Macdonald, Souvenirs, 373.
[16] Duc d'Orléans, Mon Journal, 86, 90-93. Cf. Macdonald, Souvenirs, 374-376, Journal Universel, de Gand, n° 1. Lettre de Jaucourt, Ostende, 25 mars (Arch. Aff. étr., 646).
[17] Drouet à Davout, Lille, 23 mars. (Arch. Guerre.)
[18] Duc d'Orléans, Mon Journal, 93-94.
[19] Duc d'Orléans, 87-89, 95.
Le lendemain, 23 mars, en quittant Lille, Louis XVIII écrivit au prince d'Orange : Sensible aux sentiments que vous m'exprimez, c'est avec confiance et sécurité que je vois les armées de mes alliés sur les frontières de mes États, mais j'espère qu'elles n'entreront pas en France. (Dispatchs of Wellington, Supplément, IX, 620.) — Cette lettre est assez inexplicable, étant donnée celle que le roi écrivit quelques jours plus tard à l'empereur d'Autriche : C'est avec la plus entière confiance que je sollicite votre appui pour moi et mon peuple opprimé. Ostende, 27 mars (Arch. Aff. étr., 646).
[20] Macdonald, Souvenirs, 376.
[21] Duc d'Orléans, Mon Journal, 95, 97-105. Cf. Macdonald, Souvenirs, 372.
[22] Macdonald, Souvenirs, 378. — Le duc d'Orléans (Mon Journal, 106) prête au maréchal des paroles d'un caractère tout autrement élevé, mais il faut bien suivre la version du duc de Tarente lui-même.
[23] Duc d'Orléans, Mon Journal, 106-107.
[24] Duc d'Orléans, Mon Journal, 107. Mortier à Davout, Lille, 24 mars. Macdonald à Davout, Paris, 27 mars (Registre de Macdonald, Arch. Guerre). Blacas à Talleyrand, Bruges, 24 mars (Mém. de Talleyrand, III, 129-130). Macdonald, Souvenirs, 380.
[25] Duc d'Orléans, 107. Macdonald, 281.
[26] Mortier aux officiers généraux de la 16e division militaire, Lille, 23 mars (Arch. Guerre).
[27] Un exemplaire de cette lettre circulaire, datée de Lille, 23 mars, et adressée au général Lahure, commandant à Douai, se trouve aux Arch. de la Guerre. Le texte en est parfaitement conforme à celui que le duc d'Orléans donne dans son journal.
D'après Fleury de Chaboulon, Mémoires, I, 306, le duc d'Orléans aurait dit en quittant la France au colonel Athalin, l'un de ses aides de camp : — Allez reprendre la cocarde nationale. Je m'honore de l'avoir portée et je voudrais pouvoir la porter encore. D'après Barante (Souvenirs, 120), le prince aurait demandé à voir la cocarde que le général Albert avait dans sa poche et aurait dit en soupirant : — Je ne me suis jamais battu que pour celle-là. Il est certain que dans l'armée, en mars et en avril 1815, on attribuait des propos semblables au duc d'Orléans. Les officiers à les soldats, dit le chevalier d'Arthez, parlent avec beaucoup d'éloges du duc d'Orléans. On répète ses dernières paroles en quittant la France. Rapport à Wellington, 9 avril (Dispatchs of Wellington, Supplément, X, 57).
[28] Duc d'Orléans, Mon Journal, 108 Cf. le Journal Universel, de Gand (n° 1), qui relate le même fait d'après une lettre du duc d'Orléans.
[29] Cf. Rovigo, Mém., VII, 391, et la lettre de Davout à Exelmans, 23 mars (Correspondance, 1492) : ... Je sais positivement que le maréchal Mortier est très bien dispose et qu'il n'attend que l'apparition de l'armée impériale pour se déclarer.
[30] Ni dans la correspondance de Napoléon (lettres publiées et lettres inédites conservées dans les différentes archives) ni dans aucune pièce des Archives Nationales, des Archives de la Guerre et des Archives des Affaires étrangères, il n'y a le moindre indice de cet ordre. Comment, s'il lui eût été transmis, Mortier n'y eût-il pas fait allusion dans sa lettre du 24 mars à Davout (Arch. Guerre) où il rend compte des événements de Lille et du départ du roi ? On doit remarquer encore que la lettre de Napoléon à Davout du 21 mars (Correspondance, 21692) porte : Faites connaitre au commandant de la 16e division militaire (Mortier) que le roi se dirigeant du côté de Calais, il ait à réunir ses troupes et à marcher dessus pour dissiper les rassemblements et reprendre les trésors que portent les agents du roi ; et que la dépêche, du 21 mars, de Davout aux commandants des places fortes du Nord (Arch. Guerre), porte : L'empereur prescrit de refuser l'entrée des places au roi, aux princes et aux agents des Bourbons. Il n'est pas question là d'arrestation. — On peut rappeler enfin la lettre de Napoléon à Grouchy, 11 avril (Correspondance, 21.796) : Constant dans les dispositions qui m'avaient porté à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous donniez des ordres pour que le duc d'Angoulême soit embarqué à Cette.
[31] Davout à Exelmans, Paris, 23 mars (Correspondance, 1492).
Voilà un document décisif qui prévaut contre tous les racontages. Il est bien dit dans le Journal Universel, de Gand (n° 1), qu'avant que Mortier eût reçu l'ordre de Davout, le préfet du Nord avait reçu un premier ordre analogue par le télégraphe. Mais Fleury de Chaboulon (Mém., I, 305) affirme que cette dépêche, attribuée calomnieusement à Bassano, ne fut jamais, envoyée ; et dans ses Notes sur les Mém. de Fleury, Napoléon dit : Le duc de Bassano n'a pas été chargé de transmettre au préfet de Lille l'ordre de faire arrêter le roi. Un tel ordre n'aurait pas passé par l'autorité civile, c'est au commandant militaire y Lille qu'il eût été adressé. Ainsi, ces instructions, si elles eussent été envoyées, l'auraient été à Mortier par Davout. Or la lettre précitée de Davout prouve qu'il ne les envoya pas. Davout ne pouvait écrire en même temps à Mortier d'arrêter le roi et à Exelmans de le laisser partir pour la Belgique.
Cette question d'un ordre d'arrêter le roi a été souvent discutée. Thiers dit que Mortier avait reçu non l'ordre positif d'arrêter Louis XVIII, mais des pouvoirs pour l'arrêter si la chose paraissait nécessaire. Viel-Castel pense que l'empereur se proposait seulement d'effrayer le roi et de le pousser plus promptement hors du territoire. Ces conjectures sont plausibles, mais ni Thiers ni Viel-Castel n'ont eu connaissance de la lettre de Davout à Exelmans. Autrement, il est probable qu'ils auraient purement et simplement révoqué en doute l'envoi de ce prétendu ordre. Pour nous, tant qu'on ne produira pas à l'appui de l'existence de cet ordre un document de la valeur de la lettre de Davout, nous continuerons à croire qu'il n'a pas été donne.
[32] Marmont, Mémoires, VII, 101. Guillemin, Le Patriotisme des Volontaires, 51. Exelmans à Davout, Saint-Denis, 21 mars, et Amiens, 24 mars (Arch. Guerre). Cf. Fleury de Chaboulon, Mémoires, I, 304 : Les ordres donnés à Exelmans portaient seulement de pousser pied à pied, hors de la France, le roi et les princes. Jamais il ne lui fut commandé de s'assurer d'eux. — Dans les Notes sur les Mémoires de Fleury de Chaboulon, Napoléon a dit, il est vrai : Les ordres donnés à Exelmans étaient ce qu'ils devaient être. Faire prisonniers la garde, les princes et le roi si cela était possible. Toute autre conduite eût été un crime envers la France. Mais c'est là une de ces fanfaronnades de dureté coutumières à Napoléon dans ces Notes qu'il ne faut consulter qu'avec une extrême réserve. Il en existe deux textes différents, qui sont souvent contradictoires, et la Commission de la Correspondance ne les a pas reproduites dans les Œuvres de Sainte-Hélène, parce qu'elle n'y a reconnu ni le style ni la pensée de Napoléon. Ce qui est certain, c'est que sur ces quarante-huit Notes, plus de trente sont manifestement inexactes ou absolument paradoxales. On jugera de la singulière disposition d'esprit où se trouvait Napoléon quand il les écrivit en lisant les Notes sur les pages 23, 24, 27, 29, 30. Ou l'empereur fait de l'ironie, ou il est sous l'influence de quelque aberration.
[33] Cf. Rapport d'un courrier, 21 mars. Blanmont et Testé à Davout, Abbeville et Arras, 23 mars. Guillemin, Le Patriotisme des Volontaires, 55.
[34] Rapports à Davout du colonel du 36 lanciers et de l'aide de camp Laloy, Lille, 26 mars, et Arras, 25 mars (Arch. Guerre). Cf. Marmont, Mém., VII, 101. Guillemin, Le Patriotisme des Volontaires royaux, 59-63. Teste à Davout, Arras, 24 mars. (Arch. Guerre.) — Le 3e lanciers ne faisait point partie de la division Exelmans. Le général Teste sachant que la Maison militaire emmenait douze pièces de canon avait de sa propre autorité envoyé à Arras ce régiment pour les reprendre.
[35] Marmont, Mémoires, VII, 101-102. Guillemin, Le Patriotisme des Volontaires royaux, 66-77. Exelmans à Davout, Doullens, 25 mars. D'Erlon à Davout, Lille, 25 et 27 mars. (Arch. Guerre.) — Le Journal Universel, de Gand (n° 1), rapporte naturellement les choses d'une façon toute différente. A l'entendre, la Maison militaire n'aurait pu suivre les princes à cause du mauvais étai des chemins. Rentrée à Béthune, elle y aurait été cernée par les impériaux et bientôt après licenciée contre la volonté du comte d'Artois !
[36] Extraits des lettres des préfets de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise, 25 et 30 mars et 1er avril (Arch. nat., F. 7, 3147). Guillemin, le Patriotisme des Volontaires royaux, 78-81. Général Blanmont à Davout, Abbeville, 29 mars. (Arch. Guerre.)
[37] Correspondance générale du 21 au 26 mars (Arch. Guerre). Extraits de la Correspondance des préfets, aux mêmes dates (Arch. Nat. F. 7, 30442, F. 7, 3147, F. 7, 3740, F. 7, 3774). Rapport de Viotti (Procès du général Rigau, 18).
[38] Général Chabert à Drouot, Chaumont, 31 mars. Procès-verbal. Fort-l'Ecluse, 19 mars. Général Dosnon à Davout, Châlons, 22 mars. Général Pinoteau à Napoléon, Périgueux, 21 mars. (Arch. Guerre.)
[39] Caffarelli à Davout, Rennes, 24 mars (Arch. Guerre).
[40] Proclamations d'Augereau, Valence, 16 avril 1814, et Caen, 22 mars 1815. (Arch. Guerre.)
[41] Extraits de la Correspondance des préfets, du 22 au 30 mars (Arch. nat., F 7. 30442, F. 7, 3147, et F. 7, 3774). Malouet à Davout, Laon, 21 mars (Arch. Guerre).
[42] Extraits de la Correspondance des préfets du 23 au 31 mars (Arch. nat., F. 7, 3747, F. 7, 3740. et F. 7, 3774). Général Laurent à Dumonceau, Montmédy, 24 mars. Carnot à Davout, Auxerre, 23 mars. Dosnon à Davout, Epernay, 23 mars. Caffarelli à Davout, Rennes, 24 mars (Arch. Guerre). Azaïs, Napoléon et la France, 2e appendice, 3-4.
[43] Cf. Rigau à Davout, Châlons, 22 mars. Dosnon à Davout, 23 mars (Arch. Guerre). Déposition de Victor et rapport de Viotti (Procès de Rigau, 8, 18). — Le 5e hussards, le 12e chasseurs et le 12e de ligne quittèrent Chatons le 20 mars ; le 11e chasseurs les suivit le 21. Ce fut le 21 dans la soirée que Victor partit.
[44] Oudinot à Davout, Metz, 23 mars. Vaublanc à Carnot, Metz, 26 mars. Arch. nat., AF. IV, 1939, et F. 7, 3774). Major Raus à Davout, 27 mars (Arch. Guerre). Rapport de Davout à Napoléon, 3 avril. (Arch. Guerre. Carton de la corresp. de Napoléon.)
[45] Oudinot à Suchet et à Jacqueminot, Bar, 28 mars. (Arch. nat., AF. IV, (1739.)
[46] Journal au général Curto (Arch. Guerre, Correspondance génér. à la date du 23 mars). — Arrêté le 29 mars, Curto fut envoyé en surveillance à Metz, d'où il s'évada plus tard, prévenu que les fédérés voulaient le tuer comme royaliste.
[47] Ordre de Clarke, 19 mars. Rapport de l'aide de camp de Pajol à Davout, Paris, 23 mars. — Dès le 17 mars un régiment avait pris spontanément la cocarde tricolore. Pajol la fit prendre le 20 aux autres troupes rassemblées à Orléans.
[48] Davout à Carnot, à Gouvion, à Bouet, à Pajol, 21, 22, 23 et 25 mars. Rapports à Davout de Tirion, de Maisonneuve, de Morieu, de fouet. de saunier et de Bernard, 23, 21, 25 et 26 mars. (Arch. Guerre.) Cf. Relation de la générale Dupont (citée par Nettement, Souvenirs de la Restauration, 87-88).
[49] D'Autichamp, Mémoire sur la campagne de la Vendée en 1815, 10-12. Cf. Canuel, Mémoire sur la guerre de Vendée, 5-9, 19-20.
[50] D'Autichamp, II-12, 25. Rapport de l'abbé Jagot (cité par d'Autichamp, 11). Lettre du préfet et lettres particulières Angers, 22, 23 et 24 mars (Arch. nat., F. 3147, F. 7, 3740, F. 7, 3774). Commissaire des guerres à Davout, Angers, 23 mars (Arch. Guerre).
[51] Colonel Noireau au duc de Bourbon, Angers, 23 mars. Rapport de Noireau à Davout, Angers, 26 mars (Arch. Guerre). D'Autichamp, Mémoires, 14-20, 27, Cf. Canuel, Mémoires, 11-12. Relation de d'Andigné (Arch. Guerre, Armée de l'Ouest). — Le comte d'Autichamp, écrit Noireau, a été insulté et outragé. Il a quitté furieux Beaupreau... Il a tous les droits à une récompense nationale. Je vous prie de mettre sa belle conduite sous les yeux de l'empereur.
[52] Rapport du commandant Frémiet, 23 mars. Proclamation et ordres du duc de Bourbon, Beaupréau, 24 mars (Arch. Guerre). Cf. d'Autichamp, Mémoires, 18-19.
[53] Général Foy à Davout, Nantes, 24 mars (Arch. Guerre). Rapport sur la situation de l'Ouest, 28 mars (Arch. nat. F. 7, 3-40). Cf. d'Autichamp, Mém. sur la Campagne de 1815 dans la Vendée, 16, 20.
[54] D'Autichamp, Mémoires, 20, 26. Caffarelli à Davout, Rennes, 24 mars. Général Callier à Davout, Napoléon-Vendée, 29 mars (Arch. Guerre).
[55] Foy à Davout, Nantes, 24 et 27 mars. Général Brouard à Davout, Nantes, 25 mars. Relation de d'Andigné (Arch. Guerre). Foy à Intérieur, Nantes, 24 mars (Arch. nat. F. 7, 3147). — Sur les sentiments de Foy à cette époque, comparez ses lettres précitées à Davout et l'Expose de sa conduite redite par lui-même, qui se trouve aux archives de la Guerre à la date du 3 septembre 1815.
[56] Maire de Cholet à Davout, 25 mars. Morand à Davout, Saintes, 7 avril. Lettres d'Ancenis, 28 mars. Rapport de Noireau et de Brouard, 27 et 28 mars. (Arch. Guerre). Lettre d'Angers, 23 mars. (Arch. nat., F. 7, 3174).
[57] Rapport de Noireau à Davout, Angers, 26 mars (Arch. Guerre). — Le billet du duc de Bourbon autorisant d'Auteuil à expliquer ses intentions à M. Noireau est daté Beaupreau, 26 mars. C'est un lapsus, car le prince partit de Beaupreau le 25, à 10 heures du soir.
[58] Noireau à Davout, Angers, 27 mars (Arch. Guerre).
[59] Chef d'escadrons Voisin à Davout, Fontenay, 27 mars. — Voisin ajoute que le duc de Bourbon s'informa si les officiers du 2e hussards avaient fait maigre pendant la Semaine-Sainte.
[60] Cf. Foy à Davout, Nantes, 27 mars (Arch. Guerre), et lettre du duc d'Angoulême (Journal Universel, de Gand, n° 10).
[61] Arch. Guerre (Correspondance générale du 20 au 23 mars). Extraits de la Correspondance des préfets aux mêmes dates (Arch. nat., F. 7, 3740, et F. 7, 3774).
[62] Davout à Clausel, 22 mars (Arch. Guerre).
[63] Harispe à Soult, Bordeaux, 7 et 8 mars. Ambert à Soult, Montpellier, 16 mars (Arch. Guerre). Préfet de Bordeaux à Montesquiou, 11 mars (Arch. nat., F. 7, 3147).
[64] Mlle d'Uzès à sa mère, Bordeaux, 20 et 23 mars. Préfet de Bordeaux à Montesquiou, 21 mars (Arch. nat., F. 7, 3710, et F. 7, 3774). Rapport de Lynch (cité dans l'appendice de l'Exposé justificatif, de Clausel, 99-100). Martignac, Bordeaux en 1815, 7-9. Cf. Clausel à Davout, 21 mai (Arch. Guerre).
[65] Vitrolles, Mémoires, II, 366-374. Martignac, Bordeaux en mars 1815, 10-12. Rapport de Lynch (Exposé justificatif de Clausel, 109-101). — Sur les demandes de troupes à l'Espagne de Vitrolles et du duc et de la duchesse d'Angoulême, voir les lettres de Decaen à Harispe, Bordeaux, 29 mars, et de Clausel à Davout, Bordeaux, 4 avril (Arch. Guerre), et les lettres du duc d'Angoulême et de Vitrolles saisies à Bordeaux par Clausel publiées dans le Journal de l'Empire du 9 avril.
[66] Rapport de Clausel à Davout, Saint-André-de-Cubzac, 1er avril (Arch. Guerre). Clausel, Exposé justificatif, 14, 16. Martignac, 13-16. Rapport de Lynch, précité, 103-104.
[67] Rapport de Clausel à Davout, Saint-André-de-Cubzac, 1er avril (Arch. Guerre). Exposé justificatif de Clausel, 16-23. Rapport de Lynch (Ibid. appendice, 103-104). Martignac, Bordeaux en 1815, 17-22.
[68] Rapport de Lynch (Exposé justificatif de Clausel, appendice, 105-107). Martignac, Bordeaux en mars 1815, 23-34. Relation des événements de Bordeaux (Journal Universel, de Gand, n° 10). Rapport de Clausel à Pavout Saint-André-de-Cubzac, 1er avril (Arch. Guerre).
[69] Martignac, Bordeaux en mars 1815, 36-39. Rapport de Lynch, précité, 108. Relation des événements de Bordeaux (Journal Universel, de Gand, n° 10).
[70] Relation des événements de Bordeaux (Journal Universel, de Gand, n° 10). Cf. Martignac, Bordeaux en 1815, 38-41, et rapport de Lynch (Exposé justificatif de Clausel, appendice. 108). — La légende et l'imagination ont amplifie les événements de cette journée d'une foule de détails dont il n'est l'ait aucune mention dans les documents contemporains. Disons encore que l'auteur de la Relation du Journal Universel, très véridique sauf sur ce point, prête à la princesse une parole assez inexplicable. Elle aurait dit aux soldats du 8e : — Est-ce bien au régiment d'Angoulême que je parle ? Or le 8e de ligne était le régiment de Condé. C'était le 5e (en garnison à Grenoble) qui portait le nom de régiment d'Angoulême.
[71] Rapport du commissaire général de Marine, Bordeaux, 5 avril. (Arch. Guerre.) Relation des événements de Bordeaux, précitée.
[72] Vitrolles, Mémoires, II, 381-413. Lettres interceptées de Vitrolles à la duchesse d'Angoulême et au baron de V., Toulouse, 31 mars, fer et 2 avril (Journal de l'Empire, 9 avril). Mémoires pour le général Delaborde, 13-16, 22-23. Circulaire préfectorale, Agen, 31 mars. Delaborde à Davout, Toulouse, 4 et 6 avril. Général Cassagne à Davout, Toulouse, 8 avril. Général Clapier à Davout, Bayonne, 4 avril. Général Laffitte à Davout, Foix, 8 avril. (Arch. Guerre.) Rapport de Chartran à Napoléon, Paris, s. d. (dossier de Chartran, Arch. Guerre). Cf. Lettres des préfets de Toulouse et de Rodez et du sous-préfet de Béziers, 18, 21 mars et 5 avril. (Arch. nat., F. 7, 3774.)
[73] Nous parlons d'une façon générale. Ainsi MM. de Villeneuve-Bargemont, préfet de Montauban, Trouvé, préfet de Carcassonne, de Villeneuve, préfet de Tarbes (ce dernier faillit être massacré par la population), le général Poujet, commandant le département de l'Aude, et même le maréchal Pérignon secondèrent sincèrement Vitrolles.
[74] Lettres précitées de Vitrolles (Journal de l'Empire, 9 avril). Mémoires pour le général Delaborde, 17. Rapport de Delaborde à Davout, Toulouse, 4 et 6 avril. Rapport de Chartran, s. l. n. d. C' de Cahors à Davout, 2 avril. Préfet du Lot à Davout, 2 avril. Général Ambert à Davout, Montpellier, 3 avril. Dutat à Lucotte, Castillonnès, 3 avril. Schiner à Davout, Tarbes, 5 avril. Col Luc à Davout, Rodez, 6 avril. Darricau à Davout, Perpignan, 6 avril, etc. (Arch. Guerre.)
[75] Delaborde à Davout, Toulouse, 4 avril (Arch. Guerre). Vitrolles, Mémoires, II, 420, 425. Mémoires pour le général Delaborde, 16, 29. — Vitrolles lui-même ne mentionne pas qu'il y ait eu aucune opposition de la part de la population de Toulouse, royaliste mais inerte.
[76] Delaberde à Davout, Toulouse, 4 avril. Rapport précité de Chartran (Arch. Guerre). Mémoires pour le général Delaborde, 15-13. Vitrolles, II, 418-420, 428. Villèle, Mémoires, I, 296. Davout, Correspondance, 1556, 1562.
[77] Mémoires inédits de Barras (communiqués par M. Georges Duruy).
[78] Lettres à Soult et à Clarke, de Lapoype, Agen, 11 mars ; de Laplane, Montauban, 11 mars ; de Delaborde, Toulouse, 12 mars ; de Masséna, Marseille, 17 mars, etc. Rapport de l'avocat Teste à Bertrand, Paris, 29 mars. Rapport du colonel Teulet, Nîmes, 4 avril. (Arch. Guerre.)
[79] Masséna à Clarke, Marseille, 17 mars. Rapport de Teste à Bertrand, Paris. 29 mars (Arch. Guerre). Cl. Lettres interceptées du duc à la duchesse d'Angoulême, Pont-Saint-Esprit, 30 et 31 mars (Journal de l'Empire, 9 avril.) Relations des opérations du duc d'Angoulême (Journal Universel, de Gand, n° 13.)
[80] Général Merle à d'Aultanne, Nîmes, 23 mars. Rapport précité de Teste (Arch. Guerre). Mémoire manuscrit du général Merle (cite par Braquehay, Le général Merle, 202-203). Durand, Marseille et Nîmes en 1815, I, 39-40. II, 47-48, 59, 69. III, 7-9, 17-22. Cf. sur l'esprit, de Nîmes, lettres du préfet du Gard, 28 février. (Arch. nat., F. 7, 3147). Suchet à Davout, Nîmes, 22 avril, Fouché à Davout, 10 mai (Arch. Guerre).
[81] Lettres interceptées du duc à la duchesse d'Angoulême. Pont-Saint-Esprit, 31 mars (Journal de l'Empire, 9 avril). Relation des opérations du duc d'Angoulême (Journal Universel, de Gand, n° 13). Mémoire manuscrit de Merle (cité par Braquehay, Le général Merle, 203). Rapport de Teste à Bertrand, Paris, 29 mars. Masséna à Clarke, Marseille, 17 mars. Lettres et ordres du duc d'Angoulême, d'Aultanne, d'Ernouf, Nîmes, Pont-Saint-Esprit, Aix et Sisteron, du 15 au 28 mars. Rivière à d'Aultanne, Toulon. 22 mars Situation du général Berge, 9 avril. (Arch. Guerre.) Rapport de Mouton à Davout, Paris, 28 mars (Dossier de Mouton, Arch. Guerre).
[82] Lettre de Montpellier, 23 mars (Arch. nat. F 7, 3774). Général Laffitte à Davout, Foix, 8 avril. (Arch. Guerre.) Lettre interceptée de Guiche, Pont-Saint-Esprit, 29 mars (Journal de l'Empire, 9 avril.)
[83] Lettre interceptée du duc à la duchesse d'Angoulême, Pont-Saint-Esprit, 30 mars. (Journal de l'Empire, 9 avril.) Déposition de Kresly. (Procès de Debelle, 18-19.)
[84] Rapports de Debelle, Loriol, 31 mars, et Valence, 12 avril. Rapport des officiers du bataillon d'élite de la Drôme, 4 avril (Arch. Guerre). Opérations de l'armée du duc d'Angoulême (Journal Universel, de Gand, n° 13). Interrogatoire de Debelle et déposition de d'Escars et de Kresly (Procès de Debelle, 13, 15-16, 19-20). Journal du colonel Noël (comm. par M. Noël).
Pour cette vaine, défense de la Drôme, Debelle eut le double malheur d'être relevé de son commandement par Napoléon et déféré au conseil de guerre (qui le condamna à mort) par le gouvernement de Louis XVIII. Berryer insinua devant le conseil de guerre que le général avait quitté son poste de Loriol parce que, pris d'un soudain accès de repentir, il ne voulait plus combattre l'armée royale. On peut s'étonner, en effet, qu'un général abandonne son commandement devant l'ennemi pour aller sur les derrières organiser des gardes nationales. Quoi qu'il en soit, Debelle se rendit suspect aux deux partis, et les contradictions flagrantes qui existent entre ses rapports à Davout et ses réponses au président du conseil de guerre ne sont point faites pour éclaircir sa conduite.
[85] Cf. Rapport des officiers, sous-officiers et soldats du bataillon d'élite de la Drôme, 4 avril. Rapports de Debelle, 3, 8 et 11 avril. Rapport du colonel du 10e de ligne, 4 mai. (Arch. Guerre.) Journal du colonel Noël.
Le colonel Noël et les officiers du bataillon d'élite accusent formellement les soldats du tee de ligne d'avoir agi par trahison. Debelle, qui d'ailleurs n'assistait pas à l'action, mais qui fut renseigné par les officiers du 30e, présente les faits de la même façon. Debelle ajoute même que le 10e aborda le pont la crosse en l'air et un petit drapeau tricolore déployé Mais le maréchal Suchet, chargé de faire une enquête, conclut dans son rapport (Lyon, 18 avril, Arch. Guerre) qu'il y eut méprise et non trahison. En conséquence, le colonel d'Ambrugeac, du 10° de ligne, destitué puis incarcéré, fut mis en liberté.
Il faut remarquer cependant que jusque vers le milieu de mai, le 10e de ligne persista dans son royalisme. 300 hommes désertèrent quand il fallut prendre la cocarde tricolore. Parmi ceux qui restèrent au corps beaucoup criaient Vive le Roi ! en passant dans les villages, et quelques-uns menaçaient de tirer sur l'empereur. (Dessaix à Davout, 24 avril.
Colonel Higon à Davout, 26 avril. Note au ministre, 3 mai. Fouché à Davout, 18 mai. Davout à Napoléon, 22 mai. (Arch. Guerre.) Le 14 mai, Suchet, qui avait pourtant innocenté le 10e de ligne dans son rapport du 18 avril, demanda son licenciement à l'empereur. (Suchet à Davout, 14 mai. Arch. Guerre.) Napoléon se contenta de doubler l'effectif des bataillons de guerre en y versant le dépôt et un grand nombre de rappelés ; puis il passa le régiment en revue, place du Carrousel, et le harangua ainsi : Soldats du 10e de ligne, je ne suis pas content de vous... Nous allons entrer en campagne. Vous marcherez à l'avant-garde et vous n'aurez pas de cartouches. Les soldats crièrent : Vive l'empereur ! Nous avons nos baïonnettes ! et, à Waterloo, ils firent bravement leur devoir dans le corps de Lobeau. Le 10e de ligne n'en conserva pas moins pendant très longtemps un mauvais renom. Sous Louis-Philippe encore, plus d'un soldat qui sortait de ce régiment hésitait à avouer qu'il avait servi au 10e de ligne.
[86] Rapport de Debelle, Romans, 3 avril (Arch. Guerre). Relation de la campagne du duc d'Angoulême. (Journal universel de Gand, n° 13).
[87] Ordre du duc d'Angoulême, Valence, 5 avril. (Arch. Guerre.)
[88] Rapports de Debelle, Romans, 3 avril, et Valence, 11 avril. (Arch. Guerre.)— D'après ces rapports, Debelle informé à Valence, le 2 avril au matin, de l'attaque de Loriol, s'était rendu non au pont de Loriol, mais en amont, à Crest, qui était également menace par une colonne de 500 volontaires de l'Hérault. Informé là de la prise du pont de la Drôme, il se replia sur Romans qu'il évacua presque aussitôt et sans même prendre le soin de détruire le pont de l'Isère.
[89] Relation de la campagne du duc d'Angoulême (Journal Universel de Gand, n° 13) ; Déclaration du docteur Ganière, Saint-Rambert, 5 avril. Rapport du colonel d'Ambrugeac, 4 mai. (Arch. Guerre.)
[90] Dessaix à Davout, Lyon, 22, 23, 28 mars et 15 avril. Rostolland à Davout, Paris, 4 avril. Rapport de Grouchy, Pont-Saint-Esprit, 11 avril. (Arch. Guerre.) Rapport de Mouton, vers le 10 avril (Dossier de Mouton).
[91] Lettre au colonel Kœchlin, Lyon, 13 avril. (Arch. Guerre.)
[92] Napoléon, Correspondance, 21.749. Cf. Davout, Correspondance, 1520, 1524, 1526. Rapport de Teste à Bertrand, Paris, 29 mars. (Arch. Guerre.)
[93] Napoléon, Correspondance, 21.749. Davout, Correspondance, 1524, 1525, 1526.
[94] Rapports et lettres de Grouchy, Lyon et Pont-Saint-Esprit, 3, 4, 5 et 12 avril. Rapport de Moutons, 10 avril. Lettre précitée au colonel Kœchlin. Dessaix à Davout, 6 avril. Gruyer à Davout, Vesoul, 30 avril. Davout à Suchet, 10 avril. (Arch. Guerre.) Lettres des préfets, 5 et 15 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1935.)
[95] La Salcette à Dessaix et à Davout, Grenoble, 21 et 31 mars, 3 et 7 avril. Ernouf à d'Aultanne, Sisteron, 29 mars, et Gap, 31 mars. Col du 58e à Gardanne, Saint-Bonnet, 19 mars. Lettre, ordre du jour et rapport de Proteau, Gap, 4, 9 et 10 avril. Suchet à Davout, Lyon, 13 avril. (Arch. Guerre.) — Lettres interceptées d'Ernouf, de Saint-Priest et du préfet normand (Journal de l'Empire, 13 avril.)
[96] Colonel Viriaud à Dessaix, Clermont, 1er avril, Gal Bail à Davout, Mende, 21 mars. Ordre du jour d'Ambert, Montpellier, 2 avril. Sous-préfet à Davout, Issoire, 8 avril. Rapport de Berton, Nîmes, 16 avril. (Arch. Guerre.) Journal Universel, de Gand, n° 13. Mémoire manuscrit du général Merle (cite par Braquehay, Le général Merle, 205-206). Préfet de Mende à Carnot, 4 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1935.)
[97] Rapport du colonel Teulet, Nîmes, 4 avril. (Arch. Guerre.)
[98] Relation des opérations du duc d'Angoulême (Journal universel, de Gand, n° 13.) Mémoire manuscrit de Merle (cité par Braquehay, Le général Merle, 207-209). Cf. Rapport de Grouchy à Napoléon, Pont-Saint-Esprit, 12 avril. Rapport du colonel d'Ambrugeac, 4 mai. (Arch. Guerre.)
[99] Ambert à Davout, Montpellier, 7 et 8 avril. Capitaine Dubarry à Suchet, 22 avril. (Arch. Guerre.) Mémoire manuscrit de Merle, précité. Rapport de Davout à Napoléon, Paris, s. d. (Arch. nat., AF. IV, 1937.)
[100] Rapport de Grouchy, Pont-Saint-Esprit, 12 avril. (Arch. Guerre.) Rapport précité de Davout. (Arch. nat., AF. IV, 1937.) Lettre du duc d'Angoulême au roi et rapport de Damas (Journal universel, de Gand, n° 10 et 13).
La conduite de Grouchy fut approuvée par le maréchal Suchet qui s'empresse, de lui écrire : Il n'y a pas le moindre doute que vous reteniez le duc d'Angoulême jusqu'à ce que vous receviez des ordres de l'empereur. Suchet à Grouchy, Lyon, 10 avril, 5 h. du soir (Arch. Guerre).
[101] Note de Grouchy, s. l. n. d. (Mémoires de Grouchy, III, 299-309.) Cf. Marquis de Grouchy, Mémoires de Grouchy, III, 247-248. — L'assertion de Grouchy qui n'a rien d'invraisemblable en soi (bien que Napoléon dût penser à demander le prince impérial plutôt que Marie-Louise en échange du duc d'Angoulême ; peut être infirmée cependant : 1° par la lettre de Grouchy à Suchet (10 avril) : Je me suis refusé à ratifier la capitulation avant de savoir les intentions de l'empereur. Fais-les moi connaître, si tes instructions, sans doute plus étendues que les miennes, prévoient le cas qui arrive ; 2° par la dépêche de Grouchy à Napoléon (10 avril) : Incertain s'il entre dans la volonté de V. M. de laisser sortir de France le duc d'Angoulême, je ne ratifie point cette capitulation ; 3° par une seconde lettre à Suchet (11 avril) : Dès que je saurai les intentions de l'empereur quant au duc d'Angoulême.... Au cas où Grouchy aurait reçu en quittant Paris les instructions dont il parla plus tard dans sa Note, il semble qu'il n'eût pas écrit dans ces termes à Napoléon et à Suchet. Il faut remarquer toutefois que le 9 avril, il ne s'agissait pas de garder prisonnier le duc d'Angoulême pris dans un combat, mais de le retenir au mépris d'une capitulation régulière. Les ordres de Grouchy, en admettant qu'il en eût, ne prévoyaient certainement pas ce cas, et il y avait de quoi faire hésiter le lieutenant de l'empereur.
D'après la même Note de Grouchy (Mém. de Grouchy, III, 247-248, 299-300), Davout lui avait remis des instructions secrètes portant qu'il devait déférer à des commissions militaires et faire fusiller tous les partisans du duc d'Angoulême. (Dans les lettres de Davout à Grouchy, 31 mars, et à Suchet, 4 avril, il est en effet question d'établir des commissions militaires et de renvoyer les habitants chez eux, mais de poursuivre les chefs.) Peu soucieux d'assumer cette responsabilité, Grouchy communiqua ces instructions à Napoléon qui, après les avoir lues avec impatience, dit : — Ce que je veux, c'est préserver le Midi de la guerre civile et non en allumer les torches en le couvrant d'échafauds. J'entends que vous ne preniez aucune mesure de terrorisme. Je ne veux me venger de tels ennemis qu'en les vouant par ma générosité à l'exécration publique.
[102] Grouchy à Davout, Lyon, 3, 4, et 5 avril. (Arch. Guerre.) — Le général Girard, parti en poste pour Lyon le 4 avril avec ses quatre régiments d'infanterie, y arriva quand tout était terminé.
[103] Napoléon, Correspondance, 21768. Davout, Correspondance, 1438. Note de Grouchy précitée. Cf. la lettre de Davout à Grouchy (Correspondance, 1534) où il s'étonne du ton alarmant des dépêches de Lyon ; et la lettre de Grouchy à Davout (Lyon, 8 avril, Arch. Guerre) où ce général demande à être rappelé à Paris s'il doit être subordonné au maréchal Suchet.
[104] Grouchy à Gilly, Montélimar, 9 avril. (Arch. Guerre.) — Cette lettre suffit à réfuter les assertions des Mémoires de Grouchy (III, 297-290, 300-311, etc.) touchant les efforts de Grouchy pour ne pas inquiéter la retraite du duc d'Angoulême et le laisser librement s'embarquer.
[105] Grouchy à Davout, Lyon, 8 avril ; à Napoléon, Montélimar, Donzère et Pont-Saint-Esprit, 9, 10 et 12 avril ; à Suchet, Montélimar et Pont-Saint-Esprit, 9 et 10 avril. (Arch. Guerre.)
Dans sa Note précitée, Grouchy prétend que ce fut afin de perdre du temps, et de permettre ainsi au duc d'Angoulême de profiter de la capitulation, qu'il s'embarqua à Donzère et descendit le Rhône. Mais s'il était si désireux de laisser le prince s'échapper, pourquoi avait-il écrit la lettre à Gilly ? Si Grouchy, qui était alors surveille par Corbineau, s'embarqua, c'est qu'il ne pouvait pas continuer sa route par terre, car il aurait eu à passer à La Pallud qu'occupait l'armée royale non encore licenciée.
[106] Note précitée de Grouchy (Mémoires, III, 301). — Grouchy ne s'engageait pas beaucoup, car d'après sa conversation avec Napoléon, il savait fort bien que le duc d'Angoulême ne risquait point en tout cas le sort du duc d'Enghien.
[107] Damas à Grouchy, Pont-Saint-Esprit, 10 avril. (Arch. Guerre.) Interrogatoire de Radet. (Dossier de Radet, Arch. Guerre.)
[108] Grouchy à Napoléon, Montélimar, 9 avril, 9 h. du matin. (Arch. Guerre.)
La veille au soir on avait déjà reçu deux autres dépêches de Grouchy également du 9 avril, portant, l'une, que le duc d'Angoulême abandonne par les troupes allait s'embarquer à Marseille, l'autre qu'il allait s'embarquer à Cette par suite d'une capitulation. (La première de ces dépêches existe aux Arch. de la Guerre ; il est parlé de la seconde — qui n'est pas celle de Montélimar, 9 avril, 9 h. du matin, laquelle fut expédiée par le télégraphe de Lyon seulement le 11 avril, à 10 h. 31 du matin — dans une lettre de Davout à Lorcet, 10 avril, 5 heures du matin, Arch. Guerre.) L'empereur, semble-t-il, avait attendu des renseignements plus précis pour s'occuper de cette affaire.
[109] Dépêche citée par Ernouf, Maret, duc de Bassano, 649. — La minute d'une dépêche de Davout à Suchet, 11 avril, 5 h. du soir, est conçue en des termes presque identiques. (Arch. Guerre.)
[110] Grouchy à Napoléon, s. l. n. d (Donzère, 9 avril, 11 heures ou midi) transmise de Lyon, le 11 avril après midi. (Arch. Guerre.) — Comme la première dépêche datée de Montélimar, cette dépêche de Donzère, par un retard tout à fait inexplicable, avait mis près de quarante-huit heures pour arriver à Lyon.
[111] Note de Montholon (citée par Ernouf, Bassano, 647-651). Fleury de Chaboulon, Mémoires, I, 322-32 Napoléon, Notes sur les Mémoires de Fleury. (Dans l'édition de 1823, Napoléon confirme sur ce point le récit de Chaboulon. Dans l'édition de l'Imprimerie impériale. il le dément absolument. Au reste, nous avons déjà dit qu'il ne faut consulter ces notes de Napoléon qu'avec la plus grande défiance.)
C'est à la suite de cet entretien avec Bassano, dans la soirée du 11, que Napoléon dicta la lettre à Grouchy publiée dans le Moniteur du 12 avril : L'ordonnance du roi en date du 6 mars et la Déclaration signée à Vienne par les ministres pouvaient m'autoriser à traiter le duc d'Angoulême comme cette ordonnance et cette Déclaration voulaient qu'on traitât moi et ma famille Mais, constant dans les dispositions qui m'avaient porte à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous donniez des ordres pour que le duc d'Angoulême soit conduit à Cette où il sera embarqué et que l'on veille à sa sûreté et à écarter de lui tout mauvais traitement.
[112] Interrogatoire de Radet (dossier de Radet). Suchet à Grouchy, Lyon, 13 avril. (Arch. Guerre.) Radet à Napoléon, Cette, 16 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1938.) Duc d'Angoulême au roi (Journal Universel, n° 10).
Sur les guets-apens qui menaçaient le duc d'Angoulême, voir aussi le rapport de Berton, Nîmes, 16 avril (dossier de Berton), la note de Bassano (citée par Ernouf, Bassano, 650) et Beauchamp, III, 486.
Beauchamp, est-il besoin de le dire, insinue que les assassins étaient apostés par les ordres secrets de l'autorité militaire.
[113] Masséna à Napoléon, Toulon, 14 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1938.) Cf. Suchet à Davout, Lyon, 10 avril. (Arch. Guerre.)
[114] Masséna à Napoléon, Toulon, 14 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1938.) Rapport du maire de Toulon, 17 avril. (Arch. Guerre.)
[115] Masséna à Napoléon, Toulon, 14 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1938.) Masséna, Mémoire justificatif, 42-43. Gal Abbe à Davout, Toulon, 13 avril (Arch. Guerre.)
[116] Grouchy à Napoléon, Pont-Saint-Esprit, 12 avril, et Avignon, 13 avril. (Arch. Guerre.) Note imprimée, Marseille, 10 avril. (Arch. Aff. étr., 646.)
[117] Masséna à Napoléon, Toulon, 14 avril (Arch. nat., AF. IV, 1038). Délibération du conseil municipal de Marseille, 11 avril, et lettre de Gras-Salicis, Marseille, 14 avril (cités dans le Mémoire de Masséna, Appendice.) Grouchy à Napoléon, Avignon, 13 avril. Général Miollis à Grouchy, Marseille, 14 avril. Général Leclerc à Grouchy, Marseille, 16 avril. (Arch. Guerre.)
[118] Davout, Correspondance, 1570 et 1579. Journal de l'Empire, 17 avril.
[119] Napoléon, Correspondance, 21,824, et Moniteur, 10 avril. — Plusieurs de ces officiers et de ces préfets, d'abord arrêtés, furent relâchés dans le courant du mois. Loverdo, accusé plus tard d'avoir tué de sa main un maire bonapartiste, échappa aux poursuites.
[120] Davout, Correspondance, 1548.
[121] A Aubenas une troupe de royalistes commit tous les excès : ils blessèrent ou tuèrent plusieurs personnes, assommèrent Mounier et Filiot aîné. (Lettre de Tournon, 31 mars. Arch. nat., F. 7, 3147.) — A Montélimar, on croyait que les volontaires allaient piller la ville et massacrer tous les républicains et bonapartistes. Lettre interceptée du duc à la duchesse d'Angoulême, Pont-Saint-Esprit, 30 mars. Journal de l'Empire, 9 avril. Déposition de Kresly, Procès de Debelle, 18-19.) — Sur la rive droite du Rhône, le détachement du colonel Magnier s'attacha particulièrement à enlever les naisses publiques et à piller les particuliers (Mémoire manuscrit de Merle cité par Braquehay, Le général Merle, 205-206) — Après le combat de Loriot les volontaires massacrèrent des prisonniers bonapartistes, maigre les efforts des soldats du 10e et du duc d'Angoulême lui-même. (Journal du colonel Noël. Rapport du colonel d'Ambrugeac, 4 avril, Arch. Guerre.) — A Nîmes, les catholiques chantaient dans les rues :
Lavaren nostri mans
Din lou sang di proutestans !
Si l'on remarque aussi que la commune d'Arpaillargues, où les miquelets furent lâchement attaqués, à leur retour, par la population, se trouve précisément sur le chemin qu'ils avaient suivi quinze jours auparavant pour se rendre de Nîmes à Pont-Saint-Esprit, on est porté à croire que ces hommes y avaient laissé de douloureux souvenirs.
[122] Lettres interceptées du comte de Saint-Priest et du préfet Harmand, Sisteron, 4 avril (Journal de l'Empire, 14 avril.) Mémoire concernant les troubles du Midi, 8, 20. Marseille et Nîmes justifiées, 65. Préfet de Mende à Carnot, 4 avril. (Arch. nat., AF. IV, 1935.) Sous-préfet d'Issoire à Davout, 8 avril. (Arch. Guerre.)
[123] Rapport du Général Berton à Davout, Nîmes, 16 avril. (Dossier de Berton, Arch. Guerre.) Réquisitoire du procureur du roi dans le procès des assassins d'Arpaillargues, (Exposé des crimes el attentats commis dans la commune d'Arpaillargues le 11 avril 1810, avec l'arrêt rendu contre eux par la Cour d'assises du Gard, Avignon, 1816, in-8°.) Précis de ce qui s'est passé dans le département du Gard, 21. Les Gémissements du Midi, 37-38. Marseille et Nîmes justifiées, 72-73.