I A Lyon, Bonaparte agit comme s'il était redevenu l'empereur. Il harangue le peuple, passe l'armée en revue, reçoit le conseil municipal, la cour, le clergé, les facultés, les députations des ateliers, nomme et destitue les fonctionnaires, décore un garde national pour avoir, seul entre tous, escorté le comte d'Artois jusqu'aux portes de la ville, pourvoit aux commandements vacants dans les 7e et 19e divisions militaires[1], et, par décrets, il proscrit le drapeau royal et la cocarde blanche, abolit la noblesse et les titres féodaux, supprime les ordres de Saint-Louis et du Saint-Esprit, licencie les régiments suisses et la Maison du roi, annule toutes les nominations faites dans l'armée et la Légion d'honneur, ainsi que tous les changements opérés dans les cours et tribunaux, rétablit le drapeau tricolore, rend obligatoire le port de la cocarde nationale, restitue aux légionnaires leur traitement et leurs droits électoraux, abroge les ordonnances qui dépouillent les communes et les hospices, met le séquestre sur les biens formant l'apanage des princes de la famille des Bourbons et bannit du territoire français tous les émigrés rentrés depuis l'invasion. Par un onzième décret rendu le même jour, 13 mars, il abolit la Chambre des pairs, composée en partie de personnes qui ont porté les armes contre la France et qui ont intérêt au rétablissement des droits féodaux et à l'annulation des ventes nationales ; il dissout la Chambre des députés dont les pouvoirs sont expirés et dont la plupart des membres se sont rendus indignes de la confiance de la nation en adhérant au rétablissement de la noblesse, en faisant payer par la France des dettes contractées à l'étranger pour tramer des coalitions et en violant les droits du peuple ; il convoque à Paris, en assemblée extraordinaire du Champ de mai, les collèges électoraux de l'empire[2]. Napoléon procède avec la rapidité, la résolution et la vigueur de la Convention. Le roi l'a mis hors la loi ; il anéantit l'autorité royale. Les paysans et les ouvriers ont salué en lui le restaurateur des droits du peuple, le souverain de la Révolution ; il rend les décrets du 13 mars qui répondent au sentiment populaire. Sous l'influence des masses exaltées du Dauphiné et du Lyonnais, il s'inspire de l'esprit de 93. C'est sur les pas et devant la demeure de l'empereur une acclamation continue qui ne cesse qu'à son départ, le 13 mars, au delà du faubourg de Vaise jusqu'où l'accompagne la foule des Lyonnais. A Villefranche des arbres de la liberté s'élèvent sur les places, les maisons sont pavoisées aux couleurs de la nation et décorées d'aigles en papier doré. Dans cette petite ville qui ne comptait pas, en 1815, plus de quatre mille habitants, il y avait soixante mille paysans venus des environs pour voir l'empereur. A dix lieues à la ronde tous les villages étaient désertés. L'écrivain royaliste Fabry conte que deux paysans achetèrent à l'aubergiste, pour les garder comme reliques, les os du poulet mangé par l'empereur à son déjeuner[3]. De Villefranche, Napoléon alla coucher à Mâcon. Le préfet Germain et le maire en étaient partis dès l'avant-veille, au milieu des huées de la populace. La réception enthousiaste des Mâconnais, n'empêcha pas l'empereur de leur reprocher d'avoir, l'année précédente, rendu la ville à un peloton d'Autrichiens. — Vous n'avez point soutenu l'honneur des Bourguignons. — Sire, répondit un conseiller municipal, nous étions mal dirigés ; vous nous aviez donné un mauvais maire. — C'est bien possible, répliqua l'empereur : nous avons tous fait des sottises. Il faut les oublier et ne plus nous occuper que du salut et du bonheur de la France[4]. En arrivant, le lendemain 14 mars, à Tournus et à Chalon, où flottaient depuis le 12 les drapeaux tricolores[5], les premiers mots de l'empereur furent pour féliciter les habitants de leur vaillante conduite pendant l'invasion. — Je n'ai point oublié, dit-il, que vous avez quarante jours résisté à l'ennemi, enrayement défendu le passage de la Saône. Sur son désir de connaître celui d'entre eux qui dans ces circonstances s'était particulièrement distingué, la foule nomma le maire de Saint-Jean-de-Losne. — Je le décore, dit l'empereur. C'est pour des braves comme lui et comme vous que j'ai institué la Légion d'honneur et non pour les émigrés pensionnés par vos ennemis. Il décida en outre que les villes de Tournus, de Chalon et de Saint-Jean-de-Losne porteraient désormais dans leurs armes l'aigle de la Légion[6]. L'empereur avait su à Lyon l'arrivée du maréchal Ney en Franche-Comté. Selon Rovigo, c'était de tous les maréchaux celui que Napoléon craignait le plus. L'empereur, assure au contraire Fleury de Chaboulon, apprit avec plaisir que le commandement des troupes destinées à agir les premières contre lui avait été confié à Ney. Ces deux sentiments opposés ne sont pas inconciliables. Napoléon connaissant l'extrême violence du maréchal pouvait redouter de lui quelque coup de tête, mais il avait plus à espérer de sa nature impressionnable et spontanée que de la fermeté d'un Macdonald ou d'un Suchet. Quoi qu'il en soit, l'empereur dépêcha avant son départ de Lyon plusieurs émissaires au maréchal Ney, ainsi d'ailleurs qu'à différents généraux[7]. La fascination qu'il avait exercée sur le bataillon de Laffray, la conduite de la garnison de Grenoble, l'élan de la garnison de Lyon ne laissaient plus de doute à l'empereur sur les sentiments des troupes. Il savait que les chefs les plus aimés n'entraîneraient au pis-aller contre lui qu'un très petit nombre de leurs soldats. Lui-même, sans compter le peuple de Lyon et des milliers de paysans, avait déjà un vrai corps d'armée : les troupes de l'île d'Elbe, un fort bataillon d'officiers à la demi-solde, dix régiments de ligne, trois de cavalerie, un du génie et deux d'artillerie, avec trente pièces de campagne[8]. Rien ne semblait pouvoir désormais arrêter son triomphe, mais une tentative désespérée du maréchal Ney pouvait l'ensanglanter. II Ney était arrivé le 10 mars à Besançon, siège de son commandement, sous l'impression de ses paroles au roi qu'il ramènerait Bonaparte dans une cage de fer. Cette expression lui paraissait même si heureuse qu'il la répéta au sous-préfet de Poligny, et celui-ci ayant objecté que mieux vaudrait le ramener mort dans un tombereau, le maréchal reprit : — Non, vous ne connaissez pas Paris. Il faut que les Parisiens voient[9]. Il disait encore : — C'est bien heureux que l'homme de l'île d'Elbe ait tenté sa folle entreprise, car ce sera le dernier acte de sa tragédie, le dénouement de la Napoléonade. Toutes ses paroles respiraient l'exaltation et même la haine : — Je fais mon affaire de Bonaparte, répétait-il. Nous allons attaquer la bête fauve[10]. La difficulté était d'avoir une meute. La garnison de Besançon, dont le général de Bourmont avait fait filer tous les disponibles vers Lyon, par Lons-le-Saunier, ne comptait plus que quatre à cinq cents hommes des dépôts, la plupart d'une fidélité suspecte. Les officiers disaient qu'ils pourraient maintenir leurs hommes si on laissait la troupe dans les casernes, mais qu'une fois mise en route et en contact avec la population ils ne répondaient plus de rien[11]. En outre, Ney se trouvait sans instructions précises. Il avait dû d'abord être le lieutenant du duc de Berry, mais le duc de Berry était resté à Paris. Maintenant, il devait prendre les ordres du comte d'Artois. Il lui écrivit que, jugeant sa présence inutile à Besançon, il le priait de l'appeler à Lyon pour l'employer à l'avant-garde de son armée[12]. Cette lettre demeura naturellement sans réponse, le comte d'Artois n'étant plus à Lyon et n'ayant plus d'armée. Au manque de nouvelles allaient succéder les mauvaises nouvelles. Le duc de Maillé, premier gentilhomme de Monsieur, arriva le soir du 10 mars à Besançon où il croyait trouver le duc de Berri. Il avait quitté Lyon la veille, et il n'apportait aucun ordre au maréchal. Il lui apprit seulement la défection de Grenoble et la retraite projetée du comte d'Artois vers Roanne. Ney pensa d'abord à partir pour Roanne afin d'y rejoindre Monsieur, mais il s'arrêta à une résolution plus militaire qui consistait à réunir ses troupes à Lons-le-Saunier. Là, il serait au centre des opérations et pourrait déboucher par Bourg, selon les circonstances, sur le flanc ou sur les derrières de Napoléon. Après avoir conjuré le duc de Maillé, à qui il exposa son nouveau plan, de lui faire envoyer néanmoins des instructions du comte d'Artois, il donna des ordres pour le départ des dépôts de Besançon, instruisit Soult de ses dispositions et quitta la ville le 11 mars en compagnie de Bourmont[13]. Ce général, ancien vendéen, était le meilleur lieutenant que Ney pût avoir pour cette campagne. Il allait s'en adjoindre un second, moins bourbonien mais plus anti-bonapartiste encore, le général Lecourbe, qui malgré ses beaux services avait été rayé des cadres après le procès de Moreau. Lecourbe, réintégré dans son grade par Louis XVIII et chargé d'une inspection générale, habitait le Jura. De sa propre autorité, Ney le nomma au commandement de la subdivision[14]. Dès son arrivée à Lons-le-Saunier, dans la nuit du 11 au 12, le maréchal fit appeler le préfet, le marquis de Vaulchier, et se concerta avec lui. Dans la matinée, il vit les chefs de corps et les chefs de services, dépêcha des estafettes pour hâter la concentration de ses troupes et écrivit une nouvelle lettre à Soult, l'informant que dès qu'il aurait de l'artillerie, il se porterait à Bourg afin de manœuvrer vers Mâcon[15]. Ney savait que le comte d'Artois avait quitté Lyon, mais
il ignorait encore si Napoléon y était entré. Dans la soirée, il l'apprit
d'un négociant nommé Boulouze, qui avait fui, le 11 au matin, le tumulte de
Lyon. Boulouze lui dépeignit l'enthousiasme furieux des soldats et du peuple
en voyant la redingote grise. — Quand Bonaparte a
passé les troupes en revue sur la place Bellecour, ajouta-t-il, il a dit : Mes amis, nous allons à Paris les mains
dans les poches. Tout est préparé pour mon passage. En même temps,
Boulouze montra au maréchal la proclamation à l'armée, datée du golfe Jouan.
Le maréchal la parcourut sans avoir l'air d'y attacher d'importance et la mit
dans sa poche. Sur l'observation de Boulouze que Bonaparte prétendait avoir
l'appui de l'Autriche, il s'indigna : — Allons donc
! c'est encore sa jactance ordinaire ! Enthousiasmé par l'assurance de
Ney, le bon Boulouze s'écria : Ah ! monsieur le
maréchal, vous avez été déjà le sauveur de la France en forçant Napoléon
d'abdiquer ; vous le serez deux fois. Le mot plut à Ney qui le répéta
en d'autres termes devant le major de La Génetière : — Si je pouvais faire triompher le roi, je serais le libérateur
de la patrie[16]. Resté seul, le maréchal a relu la proclamation de Napoléon. Cette fois, il en est si frappé qu'il ne peut s'empêcher de la montrer au préfet du Jura et au marquis de Saurans, aide de camp du comte d'Artois, qui entrent chez lui à ce moment-là. — On n'écrit plus comme ça, dit-il... Le roi devrait écrire ainsi. C'est comme ça qu'on parle aux soldats et qu'on les émeut. Et allant d'un bout à l'autre de son cabinet, il répète à haute voix : La victoire marchera au pas de charge. L'aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher, jusqu'aux tours de Notre-Dame[17]. Puis s'emportant selon son habitude, il commence à incriminer la conduite du comte d'Artois à Lyon, — du comte d'Artois qui n'a jamais daigné faire monter un maréchal de France dans sa voiture, et qui le laisse sans troupes et sans ordres. Il blâme le roi d'avoir refusé l'année précédente de conserver la vieille garde auprès de lui, il accuse le parti des émigrés et rappelle les humiliations subies à la cour par la princesse de la Moskowa. D'ailleurs, il ne traite pas mieux Napoléon. — Cet enragé-là, dit-il, ne me pardonnera jamais son abdication. Il pourrait bien me faire couper la tête avant six mois ! Malgré ses plaintes contre les Bourbons, Ney demeure aussi résolu, aussi animé : — Le premier soldat qui bouge, s'écrie-t-il, je lui passe mon sabre au travers du corps ; la garde lui servira d'emplâtre... Mais le soldat marche toujours au canon, et Vavasseur, mon aide de camp, sait s'en servir à merveille[18]. Le lendemain, 13 mars, le maréchal fait venir cent mille cartouches de Besançon, presse l'arrivée de sou artillerie, ordonne de conduire en prison un officier qui a crié Vive l'Empereur ! envoie aux nouvelles, à Mâcon, des gendarmes déguisés et des royalistes de bonne volonté[19]. Il écrit à Suchet : J'espère que nous verrons la fin de cette folle entreprise[20], et en étudiant ses effectifs, si inférieurs à ceux de Napoléon — Ney avait tout au plus 6.000 hommes, échelonnés de Besançon à Bourg, sur une ligne de trente-trois lieues[21], et Napoléon en avait 1.000 dans la main —, il dit à Bourmont : — Nous serons en plus petit nombre, mais nous le frotterons. Et sur l'observation de Bourmont que les troupes ne sont pas sûres, il réplique : — Je prendrai un fusil, je tirerai le premier coup, et tout le monde marchera ![22] Cependant les nouvelles se succèdent de plus en plus accablantes. Non seulement Lyon, mais toutes les villes du Rhône, de l'Ain, de Saône-et-Loire sont en pleine insurrection. Chalon, où Ney a mandé au général Heudelet de concentrer ses troupes, a proclamé Napoléon ; Mâcon, où il compte déboucher, a arboré le drapeau tricolore. Sur les routes de Dôle, de Poligny et de Besançon, ses propres soldats crient. Vive l'Empereur ! Dans les casernes de Lons-le-Saunier, la rébellion menace ; à Saint-Amour, le 15e léger est prêt à la défection[23]. Enfin, dans la soirée, Capelle, préfet de Bourg, arrive à demi-mort de peur. Les habitants l'ont chassé, et le 76e de ligne, qui formait. à Bourg la tête de colonne du corps de Ney, a passé à Napoléon. Capelle est dans l'épouvante de l'effervescence populaire. — C'est, dit-il, une rechute de la Révolution. Il ne pense pas que le maréchal puisse se hasarder à attaquer Bonaparte et lui conseille soit de rejoindre Masséna pour marcher sur les derrières de Napoléon, soit de gagner Chambéry, car les Suisses sont tout disposés à venir au secours du roi. A ces mots, le cœur vraiment français de Ney se révolte. — Si les étrangers mettaient le pied en France, s'écrie-t-il, ce serait alors que tous les Français se déclareraient pour Bonaparte ![24] La fidélité du maréchal n'était pas encore ébranlé mais
déjà le trouble était en lui. Il dit à Capelle que le roi n'avait plus qu'à
se faire porter sur un brancard à la tête des troupes pour ranimer les
courages[25].
Ce fut peu après la visite du préfet de l'Ain que les émissaires de Lyon
s'introduisirent à l'Hôtel de la Pomme d'Or où Ney avait pris son logement.
Ils lui remirent une lettre de Bertrand, écrite sous l'inspiration sinon sous
la dictée de Napoléon, et qui portait que l'empereur n'avait point fait une
tentative d'écolier, qu'il était sûr de réussir quoi qu'on pût faire, que
tout était arrangé, que partout la population et l'armée se déclaraient
contre les Bourbons, et que lui, Ney, serait responsable devant la France de
la guerre civile et du sang inutilement répandu[26]. A cette lettre
étaient joints un ordre de marche[27] et ce billet
autographe de l'empereur : Mon cousin, mon major
général vous expédie l'ordre de marche. Je ne doute pas qu'au moment où vous
aurez appris mon arrivée à Lyon vous n'ayez fait reprendre à vos troupes le
drapeau tricolore. Exécutez les ordres de Bertrand et venez me rejoindre à Châlon.
Je vous recevrai comme le lendemain de la bataille de la Moskowa[28]. Les messagers
apportaient en outre, a dit Ney, une proclamation aux troupes de la 6e
division militaire, proclamation dictée par l'empereur et déjà revêtue de la
signature du maréchal[29]. Ney questionna
les émissaires. C'étaient des officiers de la garde qu'il connaissait
personnellement. Ils étaient entrés à Lons-le-Saunier en vêtements bourgeois,
et le maréchal refusa généreusement de révéler leurs noms pendant son procès[30]. Ils
rapportèrent avec mille détails tout ce qu'ils avaient vu et tout ce qu'ils
avaient entendu dire : la France était dans l'enthousiasme, le drapeau
tricolore flottait sur toutes les villes, il n'y aurait de résistance nulle
part, le roi avait déjà quitté Paris, l'Europe favorisait le rétablissement
de l'empire, Marie-Louise et le prince impérial allaient revenir de Vienne,
l'escadre anglaise avait eu des ordres pour livrer passage à Napoléon[31]. Ces lettres, ces paroles que confirmaient trop, du moins en ce qui regardait la France, les rapports faits à Ney par les plus sincères royalistes, le duc de Maillé, les préfets de l'Ain et du Jura, le colonel de Saint-Amour, le major de La Génetière, perturbèrent l'esprit du maréchal. Ce fut une nuit de fièvre. Peut-être se livra-t-il au fond de sa conscience un tumultueux et pénible combat. Peut-être passa-t-il par toutes les angoisses de l'irrésolution. Il est plus probable qu'entraîné par sa nature fougueuse, il prit vite son parti et se jeta dans l'abîme comme il s'élançait naguère à la gueule des canons. Dominé par une situation fatale, il la subit non sans douleur, mais sans résistance. Ses serments s'évanouirent devant la vision de la France ensanglantée par une guerre civile dont lui seul aurait donné le signal[32] : — J'étais dans la tempête, répétait-il au cours de son procès. J'ai perdu la tête[33]. Au reste, Ney eût-il voulu tenir sa promesse au roi de combattre Bonaparte — et il le voulut fermement jusque dans la soirée du 13 mars — qu'il eût été dans l'impossibilité matérielle de le faire. Si le commandant Delessart n'avait pu défendre le déifié de Laffray, si le général Marchand n'avait pu défendre les remparts de Grenoble, si Macdonald n'avait PU défendre le pont de la Guillotière, à plus forte raison Ney n'aurait pu se faire obéir de ses soldats quand huit jours s'étaient passés depuis ces vaines tentatives de résistance, quand le bataillon de l'île d'Elbe était devenu une armée et alors qu'il s'agissait, non plus d'attendre l'ennemi dans de bonnes positions, mais de le joindre à marches forcées et de l'attaquer. A supposer même — hypothèse inadmissible[34] — que Ney eût réussi, malgré la défection, la débandade et la révolte, à mener le quart ou le tiers de ses troupes à la poursuite de l'armée impériale, qu'il eût atteint cette armée qui avait plus d'une marche d'avance[35] et que, donnant l'exemple en prenant un fusil et en engageant le feu, il eût entraîné ses soldats à combattre leurs camarades, qu'en fût-il résulté ? Une lutte odieuse et inutile, la défaite et la dispersion du petit corps de Ney par les impériaux quatre ou cinq fois plus nombreux, peut-être l'égorgement de ses soldats en fuite par les paysans bourguignons exaspérés. Et qui sait si la postérité, qui a absous de son parjure le héros de tant de victoires et l'intrépide général de la retraite de Russie, aurait pu oublier qu'il avait fait tirer sur des soldats français ! On a insinué que rassuré sur l'accueil de Napoléon depuis que celui-ci lui avait écrit : Je vous recevrai comme le lendemain de la Moskowa, Ney avait trahi par ambition et par rancune des humiliations subies aux Tuileries. C'est faux. La vérité, c'est que le brave des braves tremblait à l'idée de la bataille ; la vérité, c'est que dominé par les événements et prisonnier de ses soldats, il était dans l'impossibilité d'agir ; la vérité, il l'a dite dans un cri de douloureuse éloquence : Je ne puis pourtant pas arrêter l'eau de la mer avec les mains ![36] Le matin du 14 mars, Ney manda chez lui Lecourbe et Bourmont. Il dit et il crut que c'était pour leur demander conseil. Illusion ! C'était pour les convaincre de la nécessité du parti qu'il avait pris et pour se donner raison à ses propres yeux par l'adhésion qu'il espérait obtenir de ses lieutenants. Il leur répéta les paroles des envoyés de Napoléon sur la force irrésistible du courant bonapartiste et sur la connivence de l'Autriche et de l'Angleterre ; puis, soit qu'un rapprochement s'opérât dans son esprit entre les propos des émissaires et les révélations que peut-être on lui avait faites jadis à Paris du complot des patriotes et des généraux, soit que les émissaires eux-mêmes lui eussent appris l'existence de cette conjuration, il ajouta : — C'est une affaire arrangée. Il y a trois mois que nous sommes tous d'accord, vous le sauriez si vous aviez été à Paris. Le roi n'ayant pas tenu ses promesses, on a décidé de le détrôner. On avait pensé d'abord au duc d'Orléans, mais les bonapartistes l'ont emporté. On a envoyé un commissaire à l'île d'Elbe pour poser des conditions à l'empereur. Le ministre de la guerre lui-même est dans la conjuration. A cette heure-ci, le roi doit avoir quitté Paris ; sinon, il sera enlevé, mais on ne lui fera aucun mal. Tout se passera très tranquillement[37]. Lecourbe, qui détestait l'empereur, et Bourmont, royaliste de cœur comme de tradition, se récrièrent. Bourmont rappela respectueusement mais fermement au maréchal qu'il avait reçu et accepté du roi la mission de combattre Bonaparte. Lecourbe fut plus violent. — Comment voulez-vous que je serve ce b... là ? Il ne m'a fait que du mal et le roi ne m'a fait que du bien. Puis, je suis au service du roi, et, voyez-vous, monsieur le maréchal, moi j'ai de l'honneur. Cravaché par ces paroles, Ney s'emporta, et au lieu d'exposer les vrais mobiles de sa résolution, c'est-à-dire l'impossibilité de faire marcher les troupes et ses scrupules de commencer la guerre civile, il épancha sa colère en récriminations contre les Bourbons : — Et moi aussi j'ai de l'honneur ! c'est pourquoi je ne veux plus être humilié. Je ne veux plus que ma femme rentre chez moi, les larmes aux yeux des humiliations qu'elle a reçues. Le roi ne veut pas de nous, c'est évident. Ce n'est qu'avec un homme de l'armée comme Bonaparte que l'armée pourra avoir de la considération. Et, prenant sur la table l'ordre du jour rédigé par l'empereur sous son nom, il le passa aux deux généraux en disant : — Tenez, voici ce que je veux lire aux troupes. Après une nouvelle discussion, Lecourbe et Bourmont, non moins convaincus en réalité que le maréchal de la difficulté de se faire obéir des soldats, se résignèrent à suivre leur chef dans sa défection. Sur l'ordre de Ney, Bourmont prescrivit aux troupes de se réunir à une heure sur la place d'Armes, et peu d'instants avant la revue, lui et Lecourbe vinrent prendre le maréchal à l'Hôtel de la Pomme d'Or pour l'accompagner sur le terrain. Tous deux savaient le motif de la prise d'armes : en s'y montrant aux côtés du prince de la Moskowa, ils sanctionnèrent sa défection et en prirent leur part[38]. Les troupes composées de quatre bataillons (60e et 77e de ligne) et de six escadrons (8e de chasseurs et 5e de dragons) formaient le carré. Le maréchal et les généraux Bourmont et Lecourbe, entourés de leurs états-majors, se placèrent au centre, à pied. Les tambours ouvrirent un ban. A ce moment, dit un témoin, je regardai les soldats. Tous étaient mornes et pâles. Je pressentais le retour d'une de ces journées de la Révolution où les officiers furent victimes de leurs soldats ![39] Ney tira son épée, et de sa voix forte et claire, il lut : Officiers, sous-officiers et soldats, la cause des Bourbons est à jamais perdue.... Un grand cri de : Vive l'empereur ! cri de joie, cri de délivrance, s'élevant des quatre faces du carré, interrompit le maréchal[40]. Il reprit : La dynastie légitime que la nation française a adoptée va remonter sur le trône : c'est à l'empereur Napoléon qu'il appartient seul de régner sur notre beau pays... Soldats, je vous ai souvent menés à la victoire ; maintenant je vais vous mener à la phalange immortelle que l'empereur conduit à Paris... La lecture s'acheva au milieu des acclamations. Tous les soldats s'embrassaient. Exalté par l'enthousiasme général, Ney se jeta dans les bras des officiers qui l'entouraient, puis, se niant à la troupe, il donna l'accolade aux soldats. Il parcourait les rangs comme un homme en délire, embrassant jusqu'aux fifres et aux tambours[41]. Seuls quelques officiers supérieurs, indignés et consternés, résistèrent à l'entraînement. Le colonel Dubalen, commandant le 60e de ligne, aborda Ney au milieu de ses embrassades. — Monsieur le maréchal, dit-il, mes serments au roi ne me permettent pas de changer de cause. Je vous donne ma démission. — Je ne l'accepte point, s'écria Ney, mais vous êtes libre de vous retirer. Partez vite, et surtout ne vous faites point maltraiter par vos hommes[42]. Le soir, pendant que les soldats et le peuple fraternisaient en chantant et en buvant, brisaient les enseigne, décorées de fleurs de lys et saccageaient un café parce qu'il s'appelait le café Bourbon[43], le prince de la Moskowa réunit à dîner son état-major, les généraux et les officiers supérieurs. Le repas fut bruyant, animé, plein de gaîté. Un seul homme était silencieux et sombre. C'était le maréchal[44]. Son exaltation tombée, il entendait la voix de sa conscience. Depuis cette malheureuse proclamation, dit-il plus tard, je ne désirais que la mort. J'ai eu bien des fois envie de me brûler la cervelle[45]. Le héros devait vivre désormais avec l'esprit troublé et ne recouvrer sa sérénité que devant le peloton d'exécution. III Dès le lendemain matin, 15 mars, Ney mit ses troupes en marche sur Me et Dijon, conformément aux ordres du général Bertrand[46]. A la même heure l'empereur quittait Chalon. Il vint coucher à Autun. Depuis trois jours, la discorde régnait dans la ville. Le 11, le sous-préfet s'était enfui. Le 12, le lieutenant de gendarmerie, secondé par ses hommes et les ouvriers tanneurs, avait arboré le drapeau tricolore, promené dans les rues, et jusque dans l'église, un buste de Napoléon, et chassé de la mairie le conseil municipal où dominait l'opinion royaliste. Mais le 13, le maire d'Autun, vieillard plein d'énergie malgré ses quatre-vingts ans, convoque la garde nationale, arma les royalistes, et imposant au populaire, fit rétablir le drapeau blanc. Les choses en étaient là lorsque se présenta l'avant-garde impériale. C'étaient les dragons du 13e, le régiment de Lyon. Ils désarmèrent les gardes nationaux et auraient sabré le maire et les royalistes les plus compromis sans l'intervention du général Brayer, qui arriva fort à propos : — De quel droit, dit l'empereur au maire, vous êtes-vous permis de menacer les citoyens parce qu'ils portaient les couleurs nationales ? Comment avez-vous osé vous mettre en rébellion contre moi ? Je vous casse... Vous vous êtes laissé mener par les prêtres et les nobles qui voulaient rétablir la dîme et les droits féodaux. J'en ferai justice. Je les lanternerai... Et s'arrêtant, assourdi par les acclamations de la foule qui se pressait devant l'Hôtel de la Poste, il reprit : — Mon pouvoir est plus légitime que celui des Bourbons, car je le tiens de ce peuple dont vous entendez les cris[47]. Le 16 mars, l'empereur entra à Avallon. Là aussi le conseil municipal était royaliste, mais il n'avait pu empêcher l'immense majorité des citoyens de prendre la cocarde tricolore à l'approche de Napoléon[48]. Désormais, l'entraînement populaire devient irrésistible. La rébellion s'étend à vingt lieues à la ronde, des bords du Doubs aux rives de la Loire. Les trois couleurs flottent à Arbois, à Poligny, à Dôle, à Beaune, à Auxonne, à Dijon[49]. A Nevers, une émeute éclate dans la nuit du 14 au 15 mars[50]. A Clamecy, le général en demi-solde Allix assemble le peuple sur la place de la mairie, lit au milieu des vivats les proclamations du golfe Jouan et déclare qu'il prend le commandement de la ville au nom de l'empereur. — Je vous adjure, dit-il en terminant, d'arborer sur-le-champ la cocarde nationale et de regarder comme ennemis ceux qui ne la porteront point[51]. A Auxerre, où l'empereur arrive le 17 mars, le préfet Cramot l'attend à l'entrée de la ville avec les autorités et toute la population ; le 14e de ligne (colonel Bugeaud) lui présente les armes ; dans le grand salon de la préfecture, il trouve les bustes de l'impératrice et du prince impérial et son portrait en pied, en costume du sacre[52]. C'est à Auxerre que le maréchal Ney rejoignit l'empereur. Bien que la proclamation de Lons-le-Saunier pût effacer les paroles de Fontainebleau, cette entrevue ne laissait pas d'être embarrassante pour le prince de la Moskowa. Napoléon le mit à son aise dès qu'il entra. Embrassez-moi, mon cher maréchal, lui dit-il. Je suis heureux de vous voir et je n'ai besoin ni d'explications ni de justification. Ney crut cependant devoir s'excuser, et tout en ayant le tact de ne point prononcer le nom de Fontainebleau, il dit que sa conduite passée et présente n'avait jamais été inspirée que par l'amour de la patrie. Puis, recouvrant vite son assurance, il reprit : — Je vous aime bien, Sire, mais la patrie avant tout ! avant tout ! Votre Majesté est sûre que nous la soutiendrons, car avec de la justice on fait des Français tout ce que l'on veut... Mais il ne faut plus songer aux conquêtes, il ne faut plus songer, qu'au bonheur de la France. L'empereur l'interrompit en disant que lui aussi était un patriote, qu'il était revenu de l'île d'Elbe dans le seul intérêt du pays et qu'il donnerait aux Français tout ce qu'ils attendaient de lui. Il appela Ney le brave des braves, et changeant de conversation, il le questionna sur l'esprit de ses troupes et sur les sentiments des habitants du Jura, du Doubs et de la Côte-d'Or[53]. Le lendemain, Ney regagna Dijon avec l'ordre de conduire ses troupes à Paris par Joigny et Melun[54]. Depuis plusieurs jours, l'empereur et son état-major recevaient indirectement et directement des nouvelles de Paris. Il y avait les journaux ; il y avait les dépêches ministérielles et les lettres privées que Fleury de Chaboulon rendait aux courriers de la malle après les avoir lues sans scrupule ; il y avait les rapports verbaux des officiers à la demi-solde venus au-devant de l'armée impériale[55]. L'un d'eux ayant sans doute dépeint l'état de Paris comme plus agité qu'il ne l'était réellement, l'empereur appréhenda quelque émeute dont le succès, à son avis, n'eût pas avancé son retour et dont la répression eût été funeste à tous les points de vue. Un parent de Bassano occupait à Dijon les fonctions d'inspecteur des droits réunis. L'empereur envoya l'ordre à Ney d'écrire sur-le-champ au duc de Bassano pour qu'il arrêtât tout mouvement à Paris, et de lui faire passer sa lettre par les soins de ce parent[56]. La correspondance des royalistes décachetée l'état-major impérial révélait des complots contre la vie de l'empereur. Dans plusieurs lettres, il était question de vendéens et de gardes du corps qui s'étaient mis en route pour l'assassiner, déguisés en femmes et en soldats de la garde[57]. Il est certain, en effet, que des souscriptions furent ouvertes publiquement au profit de l'homme qui tuerait Napoléon[58], et que plusieurs individus s'offrirent à remplir cette mission[59]. Il y eut aussi les forçats du bagne de Cherbourg qui adressèrent une supplique au duc de Berry pour être employés contre l'usurpateur[60]. La Fayette pré tend même qu'un ministre lui dit : — Si Bonaparte était passé où nous l'attendions, c'en était fait de lui, et que le principal agent du guet-apens fut emprisonné pendant les Cent Jours[61]. Quoi qu'il en soit, les officiers de l'entourage de l'empereur étaient inquiets et faisaient bonne garde. Lui-même se montrait plus attristé qu'alarmé des complots annoncés contre sa personne. Il les méprisait et se mêlait aux rassemblements populaires sans crainte des assassins[62]. Mais le bruit de ces projets homicides se répandit clans l'armée. Déjà fort irrités par l'ordonnance royale du G mars qui les mettait hors la loi et par le langage des journaux qui les traitaient de bandits, les soldats devinrent furieux. Ils parlaient d'exterminer les chouans et les gardes du corps que l'on disait massés en avant de Fontainebleau. Instruit de l'exaspération des troupes, l'empereur écrivit au général Girard qui allait commander l'avant-garde : On m'assure que vos troupes ont résolu de faire main basse sur les royalistes. Vous ne rencontrerez que des Français. Je vous défends de tirer un seul coup de fusil. Calmez vos soldats ; démentez les bruits qui les exaspèrent ; dites-leur que je ne voudrais pas rentrer dans ma capitale à leur tête si leurs armes étaient teintes du sang français[63]. Ils grognaient mais le suivaient toujours, a inscrit Raffet au bas d'une grandiose estampe. Les vieux soldats ne grognaient plus. Ils étaient dans l'enthousiasme. L'un d'eux écrivait à un camarade du village : — Au nom de l'empereur, Alexandre Gauvilier te souhaite le bonjour. Nous ne faisons que rafraîchir et nous marchons à grandes journées sur Paris où l'aigle et le drapeau tricolore flotteront bientôt sur la tour Notre-Dame. Je souhaite le bonjour à tout le monde. Embrasse pour moi tous ceux qui crient du fond du cœur : Vive Napoléon ! [64] Quelle que fût l'ardeur des soldats, l'empereur voulait leur épargner de trop grandes fatigues. A Auxerre, il fit embarquer une partie de son infanterie sur des barques et des chalands[65]. Pour que les troupes transportées par eau se tinssent à peu près à la hauteur de celles qui suivaient la route, il fallait nécessairement naviguer le jour et la nuit. En arrivant à Pont-sur-Yonne, dans la soirée du 19 mars, l'empereur vit un certain nombre de bateaux qui s'y étaient garés. Il témoigna son étonnement aux patrons. — Est-ce que vous avez peur de vous mouiller ? leur dit-il en plaisantant. Ceux-ci, connaissant les dangers de cette navigation, auraient sans doute passé outre à l'observation de l'empereur mais, malheureusement, quelques soldats répétèrent le propos à leurs camarades qui contraignirent les mariniers à se remettre en route. Au milieu de la nuit, on entendit sur l'Yonne un cri surhumain de : Vive l'empereur ! Puis tout rentra dans le silence. Le lendemain, les épaves d'un bateau qui s'était brisé contre une arche de pont furent trouvées flottant à la dérive. Au moment de mourir, les soldats avaient salué leur empereur d'une suprême acclamation[66]. |
[1] Guerre, Lyon en 1814 et 1815, 1../-199. Fabry, Itinéraire de Buonaparte, 82-86. Fleury de Chaboulon, Mém., I, 204-205. (Fleury revenu de Naples par Turin, où il avait appris le débarquement de l'empereur, arriva à Lyon le 10 mars.) — Guerre (89-190) fait remarquer que si le comte d'Artois n'eut pas d'escorte de garde nationale à son départ, c'est que l'ordre n'en avait point été donné.
[2] Ces onze décrets, datés du 13 mars, furent d'abord publiés dans le Journal du Rhône, puis reproduits dans le Moniteur des 21 et 22 mars. — D'après Fabry (Itinéraire, 87), le baron Vouty, premier président de la Cour de Lyon, collabora avec Napoléon pour les considérants des décrets.
[3] Fabry, Itinéraire de Buonaparte, 88-39. Laborde, Relation de l'île d'Elbe, 115. Peyrusse, Mémorial de l'île d'Elbe, 206.
[4] Fleury de Chaboulon, II, 227-223. Fabry, 80-91. Relation du Moniteur, 13 mars.
[5] Rapports du général Rouelle, 12 et 13 mars. Rapport du vicomte de Saillan, 14 mars. (Arch. Guerre.)
[6] F. de Chaboulon, II, 230-231. Fabry, 91. Relation du Moniteur, 23 mars. Bulletin des Lois, 25 mai.
[7] Interrogatoire de Ney. (Procès, II, 101-102.) F. de Chaboulon, II, 224. Rovigo, VII, 369. Las Cases, VI, 199.
[8] 5e, 7e et 11e de ligne, 4e de hussards, 3e du génie, 4e d'artillerie (garnison de Grenoble) ; 20e et 24e de ligne et 13e de dragons (garnison de Lyon) ; 23e, 36e, 39e, 72e et 76e de ligne. 3e de hussards, 4e d'artillerie à cheval (ces troupes, dirigées primitivement sur Lyon pour y former l'armée du comte d'Artois, puis rappelées en arrière, rejoignirent l'empereur du 11 au 13 mars, les unes à Lyon, les autres entre cette ville et Macon.
[9] Dépositions du sous-préfet de Poligny. (Procès de Ney, II, 180.)
[10] Dépositions du colonel de Saint-Amour, du général Durand, du marquis de Saurans, du comte de Scey, de Grivel, de Bourcier, de Cayrol. (Procès de Ney, II, 115, 151, 157, 172-173, 180, 183, et dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[11] Déposition de l'adjudant-commandant Préchamp. (Procès de Ney, II, 178.)
[12] Ney au comte d'Artois, Besançon, 10 mars. (Procès de Ney, II, 233-234.) — Ce même jour, Ney fit part au ministre de la Guerre de ses incertitudes et des difficultés de sa situation (Ney à Soult, Besançon, 10 mars, 4 h. après-midi. Dossier de Ney, Arch. Guerre).
[13] Dépositions du duc de Maillé, du marquis de Saurans et du colonel de Préchamp. (Procès, II, 168-169, 170-171.) Ney à Soult, Besançon, 11 mars, 9 h. matin. (Dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[14] Rapport de Clarke au roi, Paris, 13 mars. (Arch. Guerre.)
[15] Dépositions de Vaulchier, du major de La Génetière, etc. (Procès de Ney, II, 142-143, 153-154.) Ney à Soult, Lons-le-Saunier, 12 mars. (Dossier de Ney, Arch. Guerre).
[16] Déposition de Boulouze et de La Génetière (Dossier de Ney, Arch. Guerre).
[17] Déposition de Saurans (Procès de Ney, II, 171. Cf. la même déposition au dossier de Ney, Arch. Guerre).
[18] Dépositions de Vaulchier, de Saurans et de Bourmont (Procès de Ney, II, 142-143, 171-173, 225, et dossier de Ney, Arch. Guerre).
[19] Dépositions de F. de Richemont et de Bourmont et interrogatoire de Ney. (Procès, II, 119, 136-137, et dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[20] Ney à Suchet, Lons-le-Saunier, 13 mars. (Arch. Guerre.)
[21] Ney à Soult et à Clarke, Lons-le-Saunier, 12 et 13 mars (Dossier de Ney, Arch. Guerre) : division Lecourbe, 15e léger (1.000 h.), 76e (1.000), 3° hussards (300 h.), 8° chasseurs (300). Division Bourmont : 60e, 77e, 81e (3.000). 6e hussards et 5e dragons (600). Total : 6.200 hommes. — Encore, Ney croyait-il avoir ces 6.200 hommes, mais il ne les avait plus, puisque le 13 mars, le 76e et le 3e de hussards étaient déjà en marche pour rejoindre Napoléon.
[22] Dépositions de Bourmont, de Capelle et du duc de Maillé. (Procès, 131, 147, 169, et dossier de Ney. Arch. Guerre.) Cf. le premier interrogatoire de Ney (ibid.) : ... Je prendrai le fusil du premier grenadier pour m'en servir et donner l'exemple aux autres.
[23] Dépositions de Bourmont, Vaulchier, Saurans, Saint-Amour, Heudelet. (Procès de Ney, 11,121, 135, 143, 171-172, 175, 189-190.) Sous-préfet de Chalon à Vaulchier, 12 mars. Ney à Clarke, 13 mars. (Dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[24] Déposition de Capelle (Procès de Ney, 146449, et dossier de Ney).
[25] Déposition de Capelle (Procès de Ney, II, 147).
[26] Interrogatoire de Ney (Procès, II, 106). Cf. Fleury de Chaboulon, Mém., I, 224. Rovigo, Mém., VII, 363-364. Cette lettre n'a pas été produite au procès. Ney dit que la princesse de la Moskowa la brûla avec d'autres papiers le jour de son arrestation. Au témoignage de Ney, cette lettre portait en outre que l'évasion de Ille d'Elbe avait été favorisée par l'Angleterre, d'accord avec l'Autriche, pour rétablir l'empereur. Très probablement, en parlant ainsi devant les pairs, le maréchal confondait le texte même de la lettre et les commentaires dont l'accompagnèrent ceux qui la lui remirent. Il est peu vraisemblable que Bertrand ait osé écrire et signer de son nom un pareil mensonge. Qu'il ait conseillé à ses émissaires d'insinuer à Ney que l'empereur agissait avec l'assentiment de l'Europe, et que ceux-ci aient renchéri encore sur ses instructions, cela est possible, probable même, mais qu'il l'ait écrit, on aura peine à le croire. C'est ainsi — nous le disons une fois pour toutes — que l'évasion de l'île d'Elbe ayant paru impossible à tous sans la connivence des Anglais, et le bruit de cette complicité s'étant, par conséquent, répandu dans l'entourage de l'empereur, Napoléon ne fit rien, bien au contraire, à son arrivée en France pour l'empêcher de s'accréditer, mais dans aucun écrit, dans aucun discours il n'y fit la moindre allusion.
[27] Interrogatoire de Ney. (Procès, II, 139.)
[28] Napoléon, Correspondance, 21.689. — Il est assez singulier qu'il n'ait pas été question de ce billet devant la Chambre des pairs quand, à l'instruction Ney avait reconnu l'avoir reçu. (Dossier de Ney. Arch. Guerre.)
[29] Procès, II, 107, 283, et dossier de Ney. — On a vu que cette façon de disposer par avance de la signature des gens était dans les habitudes de l'empereur. — Dans un livre sur le Maréchal Ney, paru peu de jours après la publication de 1815, M. Welschinger donne cette proclamation écrite entièrement de la main de Ney. Mais est-ce un original ou tout simplement une copie, un peu modifiée, du texte de l'empereur ? Voilà ce qu'il est impossible de déterminer.
[30] Interrogatoire de Ney (Procès, II, 106, 138, et dossier de Ney).
[31] Interrogatoire de Ney (Procès, II, 106-107. Cf. 137, et dossier de Ney, Arch. Guerre).
[32] J'ai eu tort, mais j'ai eu peur de la guerre civile. J'aurais marché sur quarante mille cadavres avant d'arriver à Bonaparte. — J'ai préféré ma patrie à tout, etc., etc. Interrogatoire de Ney (Procès, II, 134, 139, et dossier de Ney, Arch. Guerre).
[33] Interrogatoires de Ney (Procès, II, 173-174, et dossier de Ney).
[34] Mes quatre malheureux bataillons m'auraient pulvérisé plutôt que de me suivre. Interrogatoire de Ney. — Le maréchal ne pouvait plus rien après l'insurrection des troupes de Saint-Amour. Déposition de Bourmont. — J'ai proposé au maréchal de ne pas attaquer. Déposition de Capelle. — Que voulez-vous qu'on fasse si les soldats ne veulent pas se battre ? Paroles de Lecourbe citées dans la déposition du comte de Faverney. — Il aurait été impossible de tirer aucun parti des troupes pour le service du roi. Déposition de Préchamp. Avec les quatre régiments incomplets qu'avait le maréchal, il était impossible de s'opposer aux progrès de Bonaparte. Déposition du général Heudelet. (Procès de Ney, II, 134, 135, 147, 123, 190, et dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[35] Ney n'aurait pu mettre ses troupes en mouvement que le 15 au matin, quand il aurait eu son artillerie. Or, le 15 au matin, Napoléon se mettait lui-même en marche de Chalon sur Autun.
[36] Déposition de Capelle (Procès de Ney, II, 147),
[37] Dépositions de Bourmont, de Vaulchier, de Capelle ; déposition (écrite) de Lecourbe (Procès de Ney, II, 125-126, 144, 148, 841). Déposition de Vaulchier et de Capelle à l'instruction. (Dossier de Ney, Arch. Guerre.)
Au lieu de reconnaître ces paroles en disant — ce qui était la vérité qu'il les avait répétées à l'aveugle pour entraîner Lecourbe et Bourmont, Ney en nia la plus grande partie. Il craignait, et non sans raison, qu'on ne prit acte de son aveu pour conclure que, dès son départ de Paris, il avait prémédité sa défection.
Quant à la question de savoir si Ney connaissait la conspiration orléano-bonapartiste par des confidences antérieures (nul n'ignorait, en décembre 1814, son humeur contre la cour et on put lui faire des ouvertures) ou seulement par les rapports des émissaires de Lyon (Fleury de Chaboulon était dans cette ville pendant le séjour de l'empereur et il avait pu parler de son voyage à l'île d'Elbe et des projets de Fouché), il est impossible d'y répondre. Quoi qu'il en soit, Ney contribua par ces propos à accréditer la fausse opinion qu'il existait une entente entre l'île d'Elbe et leste conspirateurs de Paris.
[38] Interrogatoire de Ney, déposition de Bourmont, déposition (écrite) de Lecourbe (Procès, II, 108-109, 126-131, 141, et dossier de Ney, Arch. Guerre).
La conversation de l'Hôtel de la Pomme d'Or est à peu près le seul point du procès où l'interrogatoire de Ney et les dépositions des témoins soient en désaccord. Suivant Ney, Lecourbe et Bourmont l'approuvèrent tout de suite et sans discussion. Selon ces deux généraux, ils s'opposèrent tant qu'ils le purent à sa détermination C'est plus probable. S'ils eussent accueilli d'enthousiasme les ouvertures de Ney, Napoléon, après avoir appris du maréchal à Auxerre les détails de celte conversation, ne lui eût pas donné l'ordre de faire arrêter Bourmont et Lecourbe avec les autres opposants, Delort, Jarry, Capelle, Vaulchier. Mais il n'en est pas moins vrai qu'après avoir d'abord résisté à Ney, ses deux divisionnaires prirent très facilement leur parti de se faire ses complices. Autrement, loin de le venir prendre à l'hôtel et de l'accompagner à la revue, ils eussent purement et simplement quitté la ville entre dix heures et midi. Bourmont prétend qu'il alla à la revue par curiosité, afin ce voir l'effet que la proclamation produirait sur les troupes et aussi de crainte d'être arrêté. Voilà de pauvres raisons. Bourmont ne pouvait douter des sentiments des troupes, et on verra plus loin comment le colonel Dubalen resta fidèle au roi sans s'inquiéter de savoir s'il serait arrêté. — Barante (Souvenirs, II, 105-106) dit qu'il lient de Bourmont lui-même que celui-ci et Lecourbe, voyant l'impossibilité de résister, en raison ce l'esprit des troupes, approuvèrent la résolution de Ney. Ajoutons enfin qu'un fragment de lettre annexé a un dossier de Ney qui se trouve aux Arch. nationales (F. 7, 6683) porte : Les allégations de M. Ney contre M. de Bourmont sont malheureusement trop fondées. J'ai en main des preuves de sa culpabilité momentanée.
[39] Déposition du colonel de Préchamp (Procès, II, 178-179, et dossier de Ney, Arch. Guerre). Cf. au dossier le premier interrogatoire de Ney : Les soldats menaçaient de me tuer.
[40] Déposition du major de La Génetière (Procès, II, 154, et dossier de Ney).
[41] Interrogatoire de Ney, dépositions de Bourmont, Vaulchier, La Génetière, Gay, Beauregard, etc. (Procès, II, 127, 1ts9, 137, 146, 155, et dossier de Ney, Arch. Guerre.)
[42] Interrogatoires de Ney, dépositions de Bourmont et de La Génetière (Procès, II, 111, 135, 138, 155, et dossier de Ney, Arch. Guerre).
Dubalen, se regardant comme délié de ses serments par le départ du roi, reprit après le 20 mars le commandement de son régiment. Il fut tué le 16 juin à la bataille de Ligny.
Les généraux de Bourmont, Delort, Jarry et Bessières, l'aide de camp Clouet, le major de La Génetière et l'ordonnateur Cayrol abandonnèrent. Ney le 15 mars De même les préfets Vaulchier et Capelle refusèrent, malgré les instances du maréchal, d'administrer les départements au nom de Bonaparte. Pour Lecourbe, il ne suivit pas non plus Ney à Auxerre, mais il prit la cocarde tricolore, ne dit pas qu'il ne servirait pas l'empereur et accepta — avec joie, j'ai des raisons pour le dire — le commandement du corps d'observation du Jura. (Déposition du comte de Villars, dossier de Ney, Arch. Guerre. Napoléon, Correspondance, 21.733. Lecourbe à Davout, Paris, 7 avril. Arch. nat., AF., IV, 1939.)
[43] Dépositions de Bourmont, Grivel, La Génetière, Vaulchier (Procès, II, 111, 127, 152, 155, 182, et dossier de Ney).
[44] Interrogatoires de Ney. (Procès, II, 129, et dossier de Ney.)
[45] Interrogatoires de Ney (dossier de Ney, Arch. Guerre).
[46] Interrogatoires de Ney, déposition de La Génetière (Procès, 11,109, 132, et dossier de Ney, Arch. Guerre). — Bertrand avait d'abord donné l'ordre de marcher sur Bourg et Mâcon, mais dans la soirée du 14, Ney avait reçu un nouvel ordre indiquant Dijon comme point de direction.
Dans L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 70-73), Napoléon prétend qu'il hésita d'abord à faire venir Ney. Mais ce récit est, en général, peu véridique. Entre autres erreurs, il est dit que la lettre : Je vous recevrai comme le lendemain de la Moskowa, fut écrite à Auxerre, alors que dans la Correspondance (21.689) cette lettre est datée de Lyon et que, d'après la rédaction, elle ne put en effet avoir été écrite qu'à Lyon.
[47] Général Heudelet à Clarke, Dijon, 13 mars. Général Coetlosquet à Clarke, Nevers, 14 mars. Rapport du vicomte de Saillan sur la situation de la 18e division militaire, 14 mars. Sous-préfet de Château-Chinon à Coetlosquet, 15 mars. (Arch. Guerre.) Fabry, 54-99. Déposition de Heudelet (Procès de Ney, II, 190-191). Cf. Napoléon, L'Ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 73).
[48] Fleury de Chaboulon, II, 235-212. Fabry, 100-104.
[49] Heudelet à Clarke, Dijon. 13 mars. (Arch. Guerre.) Interrogatoires de Ney et déposition du comte de Villars. (Procès, II, 112, et dossier de Ney.)
[50] Capitaine de gendarmerie de la Nièvre à Moncey, 15 mars. (Arch. Guerre.) Préfet de la Nièvre à Carnot, 27 mars. (Arch. nat., F. 7, 3147.)
[51] Rapport du lieutenant de gendarmerie de Clamecy, Varzy, 17 mars. (Arch. Guerre.) — Cet officier, ne se sentant pas en forces pour résister à 3.000 insurgés, se replia avec ses gendarmes.
[52] Fabry, 121, Fleury de Chaboulon, I, 238, 246. — Gamot était le beau-frère de Ney, ayant épouse la sœur de la maréchale.
Pendant huit jours, Bugeaud, dirige d'Orléans sur Moulins, avait réussi par des miracles d'énergie à maintenir son régiment dans le devoir, mais à Avallon, le général Girard, précédant l'empereur, avait entraîné les hommes et le colonel à la défection et avait donné l'ordre au 14e de rétrograder sur Auxerre (Fabry, 100. Bugeaud à préfet du Loiret, Montargis, 10 mars, et à Clarke, Avallon, 14 mars. Boudin à Clarke, Auxerre, 12 et 14 mars. Arch. Guerre).
[53] Fleury de Chaboulon, I, 241-243. Cf. Premier et deuxième interrogatoires de Ney. (Dossier, Arch. Guerre.)
Dans les Notes sur les Mémoires de Fleury, l'empereur dit que cette conversation est rapportée inexactement. Il est possible que Fleury n'ait point rapporté les termes mêmes de cet entretien, mais il en a certainement donné le sens.
Une pièce produite au procès (Procès de Ney, II, 284-285) prête au maréchal Ney un langage tout autrement violent. Je ne suis pas venu vous rejoindre, aurait-il dit, par attachement ou considération pour votre personne. Vous avez été le tyran de ma patrie, vous avez porté le deuil dans toutes les familles, vous avez troublé la paix du monde. Jurez-moi, puisque le sort, vous ramène, que vous ne vous occuperez à l'avenir qu'à réparer les maux que vous avez causés à la France, que vous ferez le bonheur du peuple, etc., etc. — La version de Fleury est plus vraisemblable.
[54] Second interrogatoire de Ney (dossier de Ney, Arch. Guerre). Cf. Ney à Davout, Paris, 23 mars. (Arch. Guerre.)
[55] Fleury de Chaboulon, I, 229, 245-246.
[56] Second interrogatoire de Ney (dossier de Ney, Arch. Guerre).
[57] Fleury de Chaboulon, I, 215-246.
[58] Souscription ouverte à Blois, du 15 au 18 mars. (Copie de la pièce originale avec signatures. Arch. nat., F. 7, 3774.)
[59] Lettres au ministre de l'intérieur, Strasbourg, 15 mars ; Redon, 18 mars ; Lille, 21 mars ; Rennes, 22 mars, etc., etc. (Arch. nat., F. 7, 3147). — Le plus curieux, c'est que plusieurs de ces lettres n'arrivèrent à Paris qu'après le retour de l'empereur. Carnot en eut connaissance. Les signataires ne furent pas inquiétés. L'un d'eux, vérificateur des douanes à Redon, écrivait : Je suis prêt à assassiner Bonaparte pour gagner la récompense promise.
[60] Sous-préfet de Cherbourg à Montesquiou, s. d. (du 12 au 18 mars) (Arch. nat., F. 7, 3774).
[61] La Fayette, Mémoires, V, 359-360.
[62] Fleury de Chaboulon, I, 246-248.
[63] Fleury de Chaboulon (I, 250-251) cite cette lettre, qu'il dit avoir écrite lui-même sous la dictée de l'empereur et dont une copie existe aux Archives de la Guerre (carton de la correspondance de Napoléon). Mais celui-ci, dans ses Notes sur les Mémoires de Chaboulon, s'insurge contre la phrase : Je vous défends de tirer un seul coup de fusil. Il dit : Ainsi, si 200 volontaires royaux avaient tenu ferme, le général Girard devait se rendre puisqu'il ne devait pas tirer un coup de fusil, et Napoléon, s'il trouvait de la résistance, devait retourner à l'ile d'Elbe ? Comme dans toutes les Notes sur ce livre, qui ne sont qu'une suite de boutades paradoxales, Napoléon joue sur les mots d'une façon indigne d'un si grand esprit. Il est bien clair que si l'empereur a écrit : Je vous défends de tirer un seul coup de fusil, cela ne voulait point dire qu'on devait se laisser fusilier sans riposter et battre en retraite à la moindre résistance. Cela signifiait que Girard ne devait point engager le feu le premier et qu'il devait employer tous les moyens pour éviter l'effusion du sang. C'est ce que l'empereur avait recommandé à Cambronne en débarquant au golfe Jouan, c'est ce dont lui-même avait donné l'exemple en abordant le 5e de ligne à Laffray.
[64] Lettre saisie, datée d'Autun, 15 mars. (Arch. Guerre) — L'original porte : flottera pour flotteront et crie pour crient.
[65] Peyrusse, Mémoires, 299. Napoléon, L'ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 74). — Déjà plusieurs régiments avaient été transportés sur la Saône de Lyon à Châlon.
[66] Fabry, Itinéraire de Buonaparte, 134-135. Cf. les Cahiers, de Coignet (389), qui parle de bateaux submergés, et le rapport du colonel du 76e a Davout, 30 avril (Arch. Guerre), où cet officier rappelle que trente-trois hommes de son régiment furent noyés à Pont-sur-Yonne.
Le royaliste Fabry cite ce fait comme une preuve de la férocité de Napoléon et de la sauvage idolâtrie de ses soldats.