1815

LIVRE II. — LE VOL DE L'AIGLE

 

CHAPITRE I. — LE GOLFE JOUAN.

 

 

I

Trois frégates françaises et un brick de guerre croisaient entre l'île d'Elbe et la Corse, la frégate the Partridge était en rade de Livourne, d'autres vaisseaux anglais de la station de Gênes pouvaient se trouver dans ces parages. En naviguant de conserve, la flottille impériale eut trop risqué d'éveiller l'attention. Avant le départ, Napoléon avait donc fait tenir à chaque capitaine l'ordre secret de se diriger isolément vers le golfe Jouan[1].

Dans la matinée du 27 février, le brick l'Inconstant séparé des autres bâtiments, n'était encore qu'à la hauteur de Capraja, au centre même de la croisière, et le vent mollissait. Au nord, on apercevait la frégate anglaise la Perdrix venant de Livourne ; au sud, la Fleur de Lys louvoyait entre Capraja et le cap Corse. Chautard, qui avait rem placé dans le commandement du brick le lieutenant Taillade, mis à la tête des marins de la garde, ouvrit l'avis de retourner à Porto-Ferrajo. L'empereur refusa. On fit force de voiles, et afin d'alléger la marche du bâtiment on coula bas un canot à la traîne. Vers quatre heures l'Inconstant avait doublé le cap Corse, quand la vigie signala à bâbord un bâtiment de guerre arrivant droit, vent arrière. L'empereur commanda le branle-bas. Laissons-le approcher, dit-il, et s'il attaque, à l'abordage ! Les sabords furent enlevés, les pièces chargées, mais on ne bastingua point. Après quelques instants, Taillade reconnut le brick le Zéphyr qu'il avait souvent croisé à bord de l'Inconstant dans cette région de la Méditerranée et que commandait un de ses anciens camarades, le capitaine Andrieux. L'empereur, qui était bien loin de vouloir un combat, ordonna aux grenadiers d'enlever leurs grands bonnets à poil et de se coucher sur le pont. On attendit. Les deux bricks passèrent bord à bord. Accoutumé à voir dans ces parages le pavillon elbois, le capitaine Andrieux ne montrait aucune disposition hostile. Sur l'ordre de l'empereur, Taillade prit le porte-voix et héla le commandant du Zéphyr. — Où allez-vous ? cria Taillade, répétant les paroles que lui soufflait Napoléon. — A Livourne. Et vous ?A Gênes. Avez-vous des commissions ?Non. Et comment se porte le grand homme ?A merveille ! Les deux bâtiments s'éloignèrent[2].

On aperçut encore le lendemain, au point du jour,  un vaisseau de 74, mais ce navire qui avait le cap sur la Sardaigne disparut bientôt à l'horizon. L'empereur, tout joyeux d'avoir échappé aux croisières, s'écria : — C'est une journée d'Austerlitz. Mis en belle humeur, il commença à parler ouvertement du but de son expédition. A Peyrusse, que tourmentait le mal de mer, il dit gaiement : — Allons, monsieur le Trésorier, un peu d'eau de Seine vous guérira. En causant avec le colonel Mallet et plusieurs autres officiers, il avoua combien son entreprise était hardie. — Aucun exemple historique, dit-il, ne peut m'engager à la tenter. Mais j'ai mis en ligne de compte l'étonnement des populations, la situation de l'esprit public, les ressentiments de toute espèce, l'amour de mes soldats, enfin les éléments napoléonistes qui germent encore en France. Je compte sur la stupeur et l'irréflexion, sur l'entraînement des esprits soudainement frappés par une entreprise audacieuse et inattendue. Mille projets se forment, la réflexion est incomplète. J'arriverai sans que rien ait été organisé contre moi. Puis, montrant du doigt Drouot qui se promenait seul et sombre à l'avant, il reprit : — Je sais bien que si j'avais voulu croire le Sage, je ne serais pas parti, mais il y avait encore plus de dangers à rester à Porto-Ferrajo[3].

Les soldats et les officiers subalternes étaient joyeux, mais l'état-major et les employés civils cloutaient du succès. Drouot, on l'a vu, avait tout fait pour détourner l'empereur de cette aventure. Cambronne lui-même n'était pas enthousiaste, à en juger du moins par la façon dont il s'était dérobé aux premières confidences de Napoléon. — Où allons-nous, Cambronne ? avait dit celui-ci, après avoir donné l'ordre de tenir les troupes prêtes à partir. Et au lieu du mot : A Paris qu'attendait certainement l'empereur, Cambronne avait répondu : — Je n'ai jamais cherché à pénétrer les secrets de mon souverain. Je vous suis tout dévoué[4]. Pons de l'Hérault, Peyrusse, le colonel Millet questionnaient l'empereur avec inquiétude sur ses moyens d'action. Pour leur donner confiance, Napoléon finit par dire : — Une révolution a éclaté à Paris, un gouvernement provisoire est établi. Je compte sur toute l'armée. J'ai reçu des adresses de plusieurs régiments. Après avoir débité ces mensonges, il clôt l'entretien par cette prédiction qui allait devenir une vérité : — J'arriverai à Paris sans tirer un coup de fusil[5].

Entre midi et une heure, l'empereur qui s'était retiré quelques instants dans sa cabine remonta sur le pont. Il tenait dans la main les manuscrits de ses deux proclamations au Peuple français et à l'Armée et de la proclamation des soldats de la garde à leurs camarades de l'armée. Les fourriers assemblèrent tous les grenadiers qui savaient écrire et leur dictèrent ces manifestes. Quand on eut achevé les copies, une vingtaine d'officiers et de sous-officiers furent invités à descendre dans la cabine de l'empereur pour signer la proclamation à l'armée[6]. On a vu que contrairement à la version du Mémorial, suivie par tous les historiens, l'empereur avait rédigé ces trois proclamations le 25 février et les avait l'ait secrètement imprimer à Porto-Ferrajo[7]. La prévoyance, qui est une des parties essentielles de l'art de la guerre, était trop grande chez Napoléon pour qu'il s'embarquât sans proclamations imprimées. Comment les paysans, les soldats, les ouvriers, qui connaissaient à peine leurs lettres, auraient-ils déchiffré des proclamations manuscrites ? Et Napoléon savait-il où et quand il pourrait les faire imprimer en France ? Si pendant la traversée, il fit copier ses deux proclamations au Peuple et à l'Armée, dont existaient déjà des exemplaires imprimés, c'est vraisemblablement qu'on en avait tiré trop peu. Mais pour la proclamation de la garde, Napoléon, il semble, avait un autre motif. Le placard imprimé à Porto-Ferrajo portait la signature de vingt-quatre officiers et sous-officiers de la vieille garde. Le temps avait manqué pour les faire signer avant l'impression, et d'ailleurs Napoléon ne voulait pas encore révéler le but de son expédition. Il fallait bien cependant que cette pièce, qui était censée émaner de la garde, fût connue d'elle et portât quelques signatures authentiques. De là l'idée de la dictée sur le pont de l'Inconstant, stratagème qui permit de faire signer l'adresse par les officiers sans leur apprendre qu'on avait pris leur signature avant de la leur demander. En outre, cette proclamation était d'une extrême violence. On y lisait : Camarades, foulez aux pieds la cocarde blanche, elle est le signe de la honte ! et encore : Soldats de la grande nation, soldats du grand Napoléon, continuerez-vous à l'être d'un prince qui vingt ans fut l'ennemi de la France ? Les capitaines et les sergents auraient néanmoins signé sans scrupules. Mais Cambronne et Drouot eussent peut-être hésité. Un an plus tard, devant le conseil de guerre, tous deux reconnurent avoir signé une proclamation à l'Armée rédigée par Napoléon à bord de l'Inconstant, mais l'un et l'autre nièrent que la proclamation qu'on leur présentait fût celle qu'ils eussent signée[8]. C'est que la proclamation copiée par les grenadiers pendant la traversée contenait seulement les trois derniers paragraphes le la véritable proclamation, de celle qui, d'abord imprimée à Porto-Ferrajo, fut réimprimée à Digne et à Gap et enfin reproduite dans le Moniteur du 21 mars[9].

Le vent ayant fraîchi, le brick marchait assez vite. On découvrit les cimes des Alpes. Alors l'empereur annonça au capitaine Chautard et au lieutenant Taillade qu'il leur donnait la Légion d'honneur. En même temps, il mit à l'ordre qu'il décorait tous les officiers et soldats qui l'avaient suivi à l'île d'Elbe et gui comptaient quatre ans de service dans la garde. Chautard fit découper un pavillon rouge servant aux signaux et distribua ces lambeaux d'étamine aux nouveaux légionnaires qui les attachèrent incontinent à leur capote. Ils étaient d'ailleurs peu nombreux, dit l'adjudant-major Laborde, car presque tous ces braves avaient déjà reçu la croix sur les champs de bataille[10].

Vers neuf heures du soir, les vigies signalèrent les feux de plusieurs bâtiments. C'était la flottille qui ralliait. L'empereur averti monta sur le pont pour s'en assurer, puis il rentra dans sa cabine finir une partie d'échecs qu'il avait commencée avec Bertrand[11]. Ce soir-là le grand-maréchal aurait été mal avisé et même un peu cruel s'il n'avait joué de façon que son roi fût fait échec et mat par Napoléon.

 

II

Le 1er mars, au point du jour, la flottille était à la hauteur du cap d'Antibes. L'empereur parut sur le pont de l'Inconstant, la cocarde tricolore au chapeau. D'après ses ordres, les soldats quittèrent leur cocarde pour la cocarde nationale. On amena le pavillon de l'île d'Elbe, et le pavillon aux trois couleurs, hissé en même temps à la corne du brick et des autres bâtiments, fut salué par une grande acclamation[12].

A une heure après midi, le convoi mouilla au golfe Jouan[13]. Auparavant, l'empereur avait détaché dans un canot le capitaine Lamouret avec vingt grenadiers et chasseurs, un lieutenant et un tambour, pour s'assurer de la batterie rase de la Gabelle[14] qu'il savait exister sur ce point. Ce petit ouvrage était désarmé. Les grenadiers débarquèrent sans opposition, gagnèrent la route de Cannes à Antibes et vinrent se poster en observation sur les hauteurs voisines de cette petite place de guerre. Un capitaine à la suite, nommé Bertrand, s'acheminait presque en même temps vers Antibes, vêtu d'habits civils et porteur de proclamations. Drouot, qui était débarqué peu après Lamouret avec un autre détachement, avait envoyé cet officier pour entraîner la garnison à se prononcer et pour se faire donner des passeports en blanc. Le capitaine Bertrand, arrêté à ses premiers pas dans la ville par un sous-officier auquel il faisait des ouvertures, est conduit chez le major du 87e. Celui-ci prévient incontinent le colonel Cunéo d'Ornano, commandant d'armes, qui après avoir lu les proclamations et interrogé l'émissaire le maintient en arrestation. A ce moment, on l'avertit qu'un détachement de grenadiers de l'île d'Elbe se présente à la Porte-Royale et demande à entrer dans la citadelle. C'étaient les vingt hommes de Lamouret. Soit qu'il agît de sa propre initiative, comme l'a dit Napoléon dans la relation du Moniteur, soit, comme l'a dit Peyrusse dans son Mémorial, qu'il en eût reçu l'ordre de l'empereur sur le brick, il s'était déterminé à soulever la garnison. Cunéo d'Ornano accourt fort troublé, car les soldats du 87e sont à l'exercice avec des pierres en bois à leurs fusils, et les hommes du poste eux-mêmes n'ont pas de cartouches. Il s'avise d'un stratagème. Après avoir parlementé quelques instants avec Lamouret, de façon à donner le temps d'exécuter ses ordres, il le laisse entrer, lui et sa petite troupe. Mais à peine ont-ils franchi l'enceinte que le pont-levis se relève derrière eux. Le détachement pris comme dans une souricière se trouve en présence d'un bataillon l'arme au bras. Il y a cependant des velléités de résistance chez les grognards, tandis que dans la ligne, émue à l'apparition des bonnets à poil, souffle un esprit de révolte. La disproportion des forces, d'une part, et, d'autre part, l'accoutumance de la discipline l'emportent cependant. Les grenadiers se résignent à se laisser conduire au quartier de la Courtine, où ils déposent leurs fusils qui sont aussitôt enlevés par ordre de l'adjudant de place[15].

Pendant cette aventure, les onze cents hommes[16] formant la petite armée impériale opéraient leur débarquement. La flottille s'approcha le plus près possible de la côte et l'on mit les chaloupe à la mer. Sans vouloir attendre le retour des embarcations, nombre de soldats gagnèrent le rivage avec de l'eau jusqu'à la ceinture. On atterrit au fond du golfe Jouan, près de la tour de la Gabelle, vieille construction d'où la batterie rase avait pris son nom[17]. A quatre heures, il restait encore à débarquer le trésor, les bagages, les canons et les chevaux mais toutes les troupes avaient pris terre et s'établissaient au bivouac dans une olivette située entre la mer et la route de Cannes à Antibes[18]. Napoléon, qui avait quitté le brick l'un des derniers, s'assit sur son fauteuil de campagne, près des feux allumés par les soldats. Son premier soin en débarquant avait été d'envoyer Cambronne à Cannes, avec quarante chasseurs et grenadiers, pour arrêter le passage de tous les courriers et réquisitionner contre argent les chevaux et les mulets qu'il pourrait trouver. — Cambronne, dit-il, je vous confie l'avant-garde de ma plus belle campagne. Vous ne tirerez pas un seul coup de fusil. Songez que je veux reprendre ma couronne sans verser une goutte de sang[19].

Les historiens ont représenté Napoléon, dans sa halte au golfe Jouan, les yeux sur ses cartes, hésitant entre deux itinéraires et pesant les avantages et les dangers de chacun. Pour se déterminer, l'empereur n'avait pas attendu l'heure de son débarquement. Il connaissait trop bien la carte politique de la France, il se rappelait avec trop d'amertume les menaces, les insultes, les humiliations subies à Orange, à Avignon, à Orgon, les dangers évités à Saint-Canat et à Aix, pour songer à gagner Lyon par la grande route.

Dans les contrées ultra-royalistes de la Provence, il avait à craindre les gardes nationales et les paysans en armes ameutés au son du tocsin et des tambours de village. Sans doute, de telles bandes ne fussent point aisément venues à bout de onze cents vieux soldats commandés par Napoléon, mais les troupes de Marseille et de Toulon, encadrées au milieu des volontaires royaux, pouvaient être entraînées à combattre. A supposer qu'une première rencontre eût quand même été la victoire, en tout cas c'eût été la bataille, et l'empereur ne voulait point de bataille. Dans les Alpes, il n'avait pas à en appréhender. L'esprit des montagnards de la Provence orientale et surtout des Dauphinois différait absolument de celui des riverains de la Méditerranée et du Rhône puis ces populations peu nombreuses, disséminées, communiquant difficilement entre elles à cause des obstacles naturels et du manque de chemins, ne pouvaient guère être averties et rassemblées. Dès l'île d'Elbe, Napoléon s'était décidé à marcher par les sentiers escarpés des Alpes, et le 28 février, à bord de l'Inconstant, il avait annoncé qu'il se dirigerait d'abord sur Grenoble[20].

Ce n'est pas qu'à Grenoble l'empereur eût des intelligences dans la garnison ni qu'un mouvement populaire fût préparé. Mais il savait que le plus grand mécontentement régnait dans cette ville et dans tout le Dauphiné, où les paysans, fermement attachés aux principes de la Révolution, irrités de l'arrogance de la noblesse de clocher et tremblant pour leurs droits et pour leurs biens, étaient hostiles à la royauté[21]. Le chirurgien de la garde Émery, originaire de Grenoble, était passé par cette ville en rejoignant son bataillon à l'île d'Elbe. Il avait donné des renseignements à l'empereur, et son rapport avait été confirmé par les paroles d'un de ses amis, riche gantier de Grenoble, nommé Jean Dumoulin, qui vint à Porto-Ferrajo en septembre 1814 et eut un assez long entretien avec Napoléon[22]. Cela explique pourquoi dès son arrivée à Castellane, le 3 mars au matin, l'empereur exigea du maire trois passeports en blanc et en fit remplir un au nom du chirurgien de la garde Émery, prétendu en congé. — Prends les devants, lui dit-il. Va à Grenoble et dis que j'arrive[23].

Après être resté assis quelques instants près du feu de bivouac, l'empereur vint sur la route et causa avec des rouliers et des paysans et avec deux soldats du 87e qui avaient déserté pour le rejoindre. On apprit ainsi que les grenadiers de Lamouret étaient retenus prisonniers dans la citadelle d'Antibes. Sur l'ordre de Napoléon, le capitaine Casabianca, officier sans troupe, puis un officier de santé nommé Muraoud partirent pour Antibes afin de les réclamer. Ils ne réussirent qu'à se l'aire arrêter. Ne voyant pas revenir les parlementaires, l'adjudant-major Laborde tenta une dernière démarche. Mais à l'avancée, une sentinelle lui cria : — Retirez-vous, mon officier, ou je fais feu sur vous. Il rebroussa chemin[24]. Quelqu'un ayant dit alors qu'il fallait enlever Antibes de vive force afin de prévenir le mauvais effet que produiraient la résistance de cette place et l'emprisonnement des grenadiers, l'empereur répliqua : — Les moments sont trop précieux. Il faut voler. Le meilleur moyen de remédier au mauvais effet de l'affaire d'Antibes, c'est de marcher plus vite que la nouvelle.... Vous jugez bien mal de l'étendue de mon entreprise ! Si la moitié de mes soldats se trouvaient prisonniers à Antibes, je les laisserais de même. S'ils y étaient tous, je marcherais seul[25]. En effet, il importait peu au succès de cette grande entreprise que la colonne fût diminuée d'une vingtaine de soldats. Napoléon avait emmené toutes les troupes de l'île d'Elbe, mais il aurait eu cinq cents hommes au lieu de onze cents qu'il ne se fût pas moins embarqué. Il lui fallait une escorte pour imposer aux gendarmes et non une armée pour livrer bataille.

Vers minuit les hommes ayant nettoyé leurs armes, mangé la soupe et reçu leur solde pour quinze jours, la colonne fut formée et gagna Cannes par un magnifique clair de lune[26]. A Cannes, on avait cru d'abord à un débarquement de corsaires algériens. Les habitants s'étaient même barricadés. L'arrivée de l'avant-garde de Cambronne dissipa ces craintes tout en en provoquant de nouvelles. La foule se pressait autour des grenadiers et les questionnait avec plus d'anxiété que de sympathie[27]. Seuls les enfants étaient tout joyeux. Au passage du détachement, les bonnets à poil avaient éveillé leur attention en projetant une ombre insolite sur les vitres dépolies de l'école, et les gamins bravant pensums et férule s'étaient précipités hors de la classe[28]. Sans perdre de temps, Cambronne réquisitionna argent en main des vivres, des chevaux et des mulets. Comme il discutait avec le maître de poste et avec le maire, royaliste convaincu qui eût mieux aimé voir le dey d'Alger lui-même qu'un général de Buonaparte, une berline armoriée déboucha de la route d'Aix. C'était le duc de Valentinois qui se rendait dans sa principauté de Monaco. Cambronne l'obligea à descendre de voiture et le consigna jusqu'à nouvel ordre à l'hôtel de la Poste[29].

Les troupes, qui n'arrivèrent que passé une heure du matin, firent halte à une demi-portée de fusil des premières maisons, non loin de l'embranchement de la route de Grasse[30]. Cette belle nuit était glaciale. L'empereur ordonna d'allumer un feu de sarments en attendant les distributions. Malgré l'heure avancée, toute la population accourut pour voir Napoléon, On fit cercle autour de lui. Il dut même pour se dégager, car on le touchait presque, appeler des grenadiers auxquels il recommanda d'agir avec douceur. — N'inquiétez pas le peuple, dit-il. Et il continua à se chauffer, attisant le feu du bout de sa botte[31].

Le peuple de Cannes, lit-on dans la relation du Moniteur, reçut l'empereur avec des sentiments qui furent le premier présage du succès de l'expédition. D'après d'autres témoignages, il y avait dans la foule moins d'enthousiasme que de curiosité et d'inquiétude. On prétend même qu'un boucher du nom de Bertrand, embusqué à sa fenêtre, coucha l'empereur en joue, et qu'il aurait tiré si un voisin, épouvanté des représailles terribles qui suivraient cet assassinat, ne lui eût arraché l'arme des mains. Vraisemblablement, le seul encouragement que Napoléon reçut à Cannes lui fut donné par le courrier du duc de Valentinois. Cet homme assura que la Provence une fois traversée, tout le monde serait pour l'empereur. Le prince fut aussi amené au bivouac. — Venez-vous avec nous, Monaco ? demanda l'empereur en riant. — Mais, sire, je vais chez moi. — Et moi aussi, répondit Napoléon. Après une halte d'environ deux heures, la colonne se remit en marche et prit la route de Grasse sans entrer dans Cannes[32].

A Grasse, distant de cinq lieues, le bruit d'une descente de corsaires s'était répandu comme à Cannes, mais le maire, le marquis de Gourdon, avait été bientôt plus exactement renseigné. En l'absence du sous-préfet, il réunit dans la nuit le conseil municipal et manda le général Gazan qui depuis peu de temps à la demi-solde s'était retiré dans sa ville natale. A la mairie, on parlait d'armer la population et de s'opposer au passage de l'usurpateur s'il voulait marcher par Grasse. Gazan, qui n'était pas suspect, car dès dix heures du soir il avait envoyé une dépêche au maréchal Soult pour lui apprendre cette grave nouvelle, commença par s'enquérir de l'état de l'armement. Sur la réponse du maire, que l'on avait trente fusils dont cinq seulement pouvaient faire feu et pas une cartouche, Gazan conseilla à ce foudre de guerre de se tenir tranquille[33].

D'ailleurs, on ignorait encore si Napoléon prendrait la route de Grasse ou la route d'Aix. Un homme envoyé aux nouvelles à Cannes rencontra l'avant-garde à mi-chemin. Cambronne, devinant un espion, l'interpella : — Vous m'avez l'air bien fatigué, mon ami. N'allez pas plus loin. Je vais vous dire tout ce que vous cherchez à savoir. Cela fait, le général pressa le pas et devançant son peloton entra tout seul à Grasse. On se mit aux fenêtres ; quinze cents personnes — beaucoup de vieilles têtes et de rubans blancs, dit pittoresquement Cambronne — furent bientôt réunies sur le cours et sur la place du Clavecin. Le maire demanda à Cambronne au nom de quel souverain il faisait des réquisitions ; et celui-ci ayant répondu que c'était au nom de Napoléon, il répliqua : — Nous avons notre souverain et nous l'aimons. — Monsieur le maire, reprit Cambronne, je ne viens pas pour faire de la politique avec vous, mais pour demander des rations parce que ma colonne sera ici dans un instant. Bon gré mal gré, le maire s'exécuta. Rien pourtant, dit plus tard Cambronne devant le conseil de guerre, n'était si facile que de me tuer, seul au milieu de toute la population. Il ne suffit pas de dire : j'aime le roi. Il fallait le montrer. Apprenant que le général Gazan se trouvait à Grasse, Cambronne demanda à le voir ; mais Gazan avait fui comme à l'approche d'une bande de pestiférés[34].

Napoléon s'avançait fort lentement, inquiet de ce qui pouvait se passer dans cette ville de douze mille habitants. Près du village de Mouan, il s'arrêta en entendant des cloches et ne reprit sa marche qu'après avoir interrogé un roulier qui lui répondit que l'on sonnait pour un enterrement. Arrivé en vue de Grasse et instruit de l'agitation qui y régnait, il contourna la ville au lieu de la traverser et fit la grand'halte à environ une demi-lieue plus loin, sur le plateau de Roccavignon[35]. D'ailleurs, il n'y avait pas que des royalistes à Grasse. Nombre de gens gravirent le plateau, apportant du vin pour les soldats et des fleurs pour l'empereur. La floraison des violettes était venue à propos. Un. vieil officier aveugle se lit conduire par sa femme et demanda à l'empereur la permission de lui baiser la main. Napoléon l'embrassa. C'est au bivouac de Grasse qu'il réentendit pour la première fois des Vive l'empereur ! criés par des Français[36].

De Cannes à Grasse, la colonne avait pris un chemin carrossable, d'ailleurs en fort mauvais état, qui servait à la poste. A Grasse, ce chemin s'arrêtait. Sur une étendue de vingt-cinq lieues, jusqu'à Digne où aboutissait la route de Grenoble, on n'allait plus trouver qu'un sentier de montagne[37]. Napoléon réfléchit que le transport des canons, à supposer qu'on pût l'effectuer, retarderait infiniment sa marche. Il se décida à abandonner son artillerie avec d'autant moins de regret qu'il l'avait amenée pour imposer et non pour s'en servir. Il savait bien que s'il en était réduit à subir le feu de l'armée française, ce ne seraient pas quelques boulets qui le sauveraient Les quatre pièces furent laissées à la garde de la municipalité de Grasse qui les envoya à Antibes comme un trophée. On laissa de même la berline réquisitionnée pour le trésor pendant la halte au golfe Jouan ; Peyrusse chargea sur des mulets les sacs d'or et les papiers de la trésorerie[38].

La seconde moitié de l'étape fut très pénible. On marchait au bord de précipices, par des sentiers escarpés et couverts de neige où un seul homme pouvait passer de front. Notre petite colonne, dit Laborde, tenait l'espace qu'auraient occupé vingt mille hommes sur une route. Les lanciers démontés avançaient avec une peine et une fatigue extrêmes, embarrassés par leurs pantalons basanés, leurs éperons, leurs grands sabres, leurs lances, et portant en outre selle et brides sur les épaules. Le petit nombre des cavaliers que l'on avait pu remonter à Cannes avec des chevaux réquisitionnés, et à Grasse avec les attelages de l'artillerie n'étaient guère plus enviables, car pendant ce périlleux trajet ils devaient marcher à côté de leurs chevaux. L'empereur cheminait aussi à pied, un bâton à la main. Il tomba plusieurs fois. Un grenadier dit : — Il ne faut pas que Jean de l'Epée (c'était un des sobriquets du Petit Caporal) se donne une entorse ; il faut qu'auparavant il soit redevenu Jean de Paris. Après avoir repris haleine à Saint-Vallier, on atteignit, vers huit heures du soir, le petit village de Sernon, à 1373 mètres d'altitude. La colonne avait fait un peu plus de cinquante kilomètres en vingt heures. En pays de montagne, une telle marche tenait du prodige. Mais Napoléon, qui voulait toujours frapper les imaginations, écrivit dans la relation du Moniteur qu'il avait fait vingt lieues dans la première journée[39].

Le 3 mars, entre dix heures et midi, l'empereur arriva à Castellane. Les autorités avaient été prévenues le matin par une lettre du maire de Sernon, qui annonçait la présence dans sa commune de l'empereur Bonaparte avec une armée, et par ce laconique billet de Cambronne au sous-préfet Monsieur, je vous prie de donner des ordres pour fournir de suite 5.000 rations de pain, 5.000 de viande, 5.000 de vin, 40 charrettes à quatre colliers ou 200 mulets tic bât. S. M. sera à dix heures à Castellane. — Baron Cambronne, général de brigade, major de la garde impériale[40]. Quelque peu troublés, car c'était la première nouvelle qu'ils eussent du débarquement de l'empereur, le sous-préfet et le maire crurent devoir satisfaire à cette réquisition. Ils se mirent en mesure de fournir les cinq mille rations et le plus grand nombre possible de mulets et de charrettes[41]. L'empereur les remercia, obtint des passeports en blanc qu'il fit remplir aux noms du chirurgien Emery, qui partit pour Grenoble, et de Pons, qui partit pour Marseille, puis il annonça au sous-préfet qu'il le nommerait préfet dès son retour à Paris. On se remit en route et l'on prit gîte à Barrème fort avant dans la nuit. Cette nouvelle étape de 46 kilomètres à travers les Alpes ne fut ni moins pénible ni moins périlleuse que celle de la veille. Il neigeait à gros flocons. Un des mulets du trésorier Peyrusse tomba dans un précipice et se tua. Il portait 300.000 francs en or. On ne put retrouver que 263.000 francs. Les caisses s'étaient brisées, et près de deux mille napoléons avaient roulé au torrent ou se trouvaient éparpillés dans des creux de rocher[42].

 

III

La première nouvelle du débarquement au golfe Jouan avait été apportée dans la nuit du 1er mars au maire de Fréjus par le brigadier de gendarmerie de Cannes qui, à l'arrivée de Cambronne et de son avant-garde, à cinq heures du soir, était parti au triple galop. Un gendarme de Fréjus transmit cet avis au chef d'escadron de Draguignan ; ce dernier réveilla à deux heures du matin le général Morangiès pour le lui communiquer. Mais contrairement à ce qui arrive d'ordinaire, la nouvelle, en passant de bouche en bouche, avait perdu de sa gravité. Tandis que le brigadier de Cannes avait annoncé à Fréjus le débarquement des troupes de l'île d'Elbe, sans parler d'ailleurs de Napoléon, le gendarme de Fréjus dit seulement à Draguignan que cinquante hommes de la garde de l'ex-empereur étaient arrivés de l'île d'Elbe[43]. C'est cette dernière information que Morangiès lit parvenir à Toulon, au générai Abbé, lequel la transmit au prince d'Essling, à Marseille, en l'accompagnant de ce rassurant commentaire : Le préfet maritime me dit qu'il est avisé que des grenadiers de Ille d'Elbe ont eu des congés pour revenir en France dans leur famille. C'est ce que je puis présumer[44]. Masséna reçut le message le 3 mars à neuf heures du malin et ne crut pas que pour surveiller cinquante hommes il fallût mettre en mouvement la garnison de Marseille. Il instruisit de l'incident le ministre de la guerre, terminant sa lettre par ces mots : Quant à moi, je suis de l'avis du préfet maritime que ce n'est qu'un débarquement de quelques hommes ennuyés de rester à l'île d'Elbe[45]. Au mois de janvier, en effet, sept grenadiers munis de congés définitifs avaient débarqué à Toulon et avaient dit qu'un très grand nombre de leurs camarades étaient sur le point de quitter Porto-Ferrajo[46].

Mais le prince d'Essling n'allait pas tarder à être mieux informé. Le comte de Bouthillier, préfet du Var, et le général Morangiès, ne doutant pas que le détachement de l'île d'Elbe ne prît la grande route de Provence et décidés à lui barrer le passage, s'étaient rendus à Fréjus le 2 mars au matin et y avaient concentré environ trois cents soldats, gendarmes et gardes nationaux. Dans la soirée, ils apprirent par un rapport des gendarmes envoyés en reconnaissance du côté de Cannes que Napoléon lui-même avait débarqué, avec un millier d'hommes et du canon, et qu'il marchait sur Grenoble. Bouthillier transmit la nouvelle à Masséna qui reçut l'estafette le 3 mars à neuf heures du soir[47]. Le point le plus rapproché de Marseille sur la route que suivait l'empereur était Sisteron, dont la vieille citadelle, d'ailleurs dépourvue de garnison, commandait le passage de la Durance. Masséna expédia incontinent une nouvelle dépêche à Paris[48] et, sans attendre au lendemain, il donna l'ordre au général Miollis de prendre le 83e de ligne et six compagnies du 58e (presque toute la garnison) pour se porter en hâte sur Sisteron. La tête de colonne quitta Marseille à trois heures du matin. Le surlendemain, 600 volontaires de la garde nationale se mirent en route à la suite de la ligne. L'état de santé du maréchal lui interdisait de commander l'expédition en personne. Au reste, il connaissait trop la rapidité des marches de Napoléon pour croire que la garnison de Marseille arriverait à temps. Sisteron, situé à près de trente-neuf-lieues de poste de Cannes, n'était qu'à trente-six lieues de Marseille, mais les troupes de l'île d'Elbe avaient sur celles de Masséna une avance de deux journées. Le seul espoir du prince d'Essling était que les mauvais chemins de la montagne ou des combats partiels livrés par les gardes nationales des Basses-Alpes retarderaient la marche de Napoléon[49].

En même temps que Bouthillier avait averti Masséna, il avait aussi envoyé une estafette au préfet des Basses-Alpes. Celui-ci, prévenu également dans la soirée du 3 mars par des rapports de la gendarmerie, conféra avec le général Loverdo qui commandait le département. La garnison de Digne ne se composait que de 132 hommes d'une fidélité douteuse, huit jours auparavant, quelques soldats ayant été punis de prison pour des cris de Vive l'empereur ! Loverdo n'avait pas jugé prudent de maintenir la punition. Il craignait une mutinerie, les soldats disant qu'on devait les mettre tous en prison puisqu'ils étaient tous prêts à crier : Vive l'empereur ! comme leurs camarades. Néanmoins, Loverdo et le préfet Duval montrèrent d'abord quelques velléités de résistance. Un ordre de concentration fut expédié à toutes les brigades de gendarmerie, et l'on décida de convoquer la garde nationale et d'armer la population. Mais les notables accoururent à la préfecture. — Nous vous conjurons, gémirent-ils, de ne commettre aucune hostilité contre Buonaparte afin d'éviter les derniers désastres à la ville. Cette déclaration sans ambages leva les scrupules du préfet et du général, qui d'ailleurs ne tenaient pas beaucoup à soutenir un siège. Duval mit les caisses publiques en sûreté et, se retira dans un village des environs, de façon à reprendre son poste aussitôt après le passage de la colonne. Afin d'éviter tout contact, Loverdo porta ses troupes au delà de la Durance, sur la route d'Aix[50].

Ce jour-là 4 mars, l'empereur qui avait été salué par les acclamations de la foule au départ de Barrème entra à Digne dans l'après-midi et s'arrêta quelques heures à l'auberge du Petit-Paris. Accueilli d'abord très froidement, il gagna les habitants par une harangue. Pendant cette halte, Drouot fit imprimer ou plutôt réimprimer les proclamations, qui commençaient à s'épuiser, et Bertrand écrivit au général Loverdo et au commandant du bataillon du 87e pour les engager à se joindre avec leurs troupes aux braves de la garde impériale. Ces invitations restèrent sans effet. Du golfe Jouan à la Durance, Napoléon fit seulement quatre recrues : deux soldats de la garnison d'Antibes, un tanneur de Grasse et un gendarme[51].

Tant que l'on avait suivi les sentiers des Alpes, on avait cheminé à peu près sans ordre, tantôt en groupes épars, tantôt en file indienne. A la sortie de Digne, qu'un embranchement reliait à la grande route de Grenoble, l'empereur divisa sa petite armée en trois échelons. En tête marchait le colonel Mallet avec les trois compagnies de chasseurs à pied de la vieille garde, les marins et les lanciers polonais montés ou non montés — la plupart trouvèrent des chevaux entre Digne et La Mure —. Les trois compagnies de grenadiers, sous les ordres du capitaine Loubers, les canonniers et une trentaine d'officiers sans troupe venaient ensuite. C'était clans ce groupe que se trouvaient l'empereur, l'état-major et le trésor. Les trois cents fusiliers du bataillon corse (commandant Guasco) fermaient la marche. Cambronne avec un peloton de chasseurs et de grenadiers continuait à faire l'extrême avant-garde ou plutôt le logement[52].

Le soir du 4 mars, la colonne prit gîte à Malijaï, à vingt kilomètres de Digne, tout près de la Durance[53]. L'avant-garde de Cambronne marcha sans s'arrêter pendant cinq lieues encore, l'empereur voulant s'assurer de Sisteron avant que l'on pu s'y établir militairement ou en faire sauter le pont. Les troupes de Marseille, en effet, doublaient les étapes à cette intention, et Loverdo, en quittant Digne, avait lui aussi eu l'idée de se poster à Sisteron. Mais il manquait de poudre pour faire sauter le pont. Puis il ne croyait pas avec cent trente-deux fantassins, dans une vieille forteresse armée de canons sans affûts, pouvoir disputer le passage à une colonne que l'on évaluait, dit-il, à deux ou trois mille hommes. Enfin, il y avait sur la rive gauche de la Durance de grands amas de bois au moyen desquels les marins de la garde auraient rapidement construit des radeaux[54]. C'étaient de bonnes raisons ; peut-être étaient-ce en même temps de bons prétextes. Comme presque tous les officiers généraux maintenus en activité, Loverdo était exaspéré de la tentative de Napoléon et souhaitait de tout son cœur que l'on mit fin à cette équipée fabuleuse. Mais la perspective de Se trouver en face de l'empereur pour lui faire tirer des coups de fusils n'avait rien qui séduisit ses anciens généraux. Tous auraient préféré qu'un de leurs camarades se chargeât de cette corvée peu agréable en soi et que l'esprit au moins incertain des troupes rendait difficile.

Sisteron ne fut donc pas occupé. Cambronne y entra le 5 mars, à une heure du matin, avec ses quarante grognards. Le maire refusa le paiement des rations à fournir aux troupes, et lui et le sous-préfet se crurent obligés d'aller à la rencontre de Napoléon qui arriva avant midi. En voyant la décoration du Lys sur la poitrine du maire, l'empereur lui dit : — Otez cela pendant que je serai ici, car mes soldats pourraient vous insulter. Il s'arrêta à l'auberge du Bras d'Or, où il s'entretint de nouveau avec ces deux fonctionnaires. Interrogé sur l'impression que Produisait son retour en France, le sous-préfet répondit : — La surprise est le sentiment qui prime tous les autres. — Mais aurait-on plaisir à me revoir sur le trône ?Je crois que oui, si l'on ne craignait pas de voir revenir avec vous la conscription et tous les fléaux. — Je sais, reprit l'empereur, qu'il a été fait bien des sottises. Mais je viens tout réparer. Mon peuple sera heureux. Il quitta Sisteron aux cris de : Vive l'empereur ! poussés par la foule qui formait la haie sur son passage. Une ouvrière s'approcha de Napoléon et lui remit un drapeau tricolore qu'elle avait confectionné en moins d'une heure. Plusieurs officiers à la demi-solde, un ancien tambour, un ingénieur militaire et son fils se joignirent à la colonne[55]. Le soir, l'empereur coucha à Gap, d'où le préfet et le général Rostollant s'étaient retirés, et le lendemain, 6 mars, il passa la nuit à Corps, distant d'une marche de Grenoble[56].

 

IV

En 1815, le télégraphe aérien s'arrêtait à Lyon. La dépêche que Masséna avait adressée de Marseille, dans la soirée du 3 mars, au ministre de la guerre, fut donc portée par un courrier jusqu'à Lyon et n'arriva à Paris que le 5 mars vers midi. Emu de la gravité de la nouvelle, Chappe prit sur lui d'apporter cette dépêche à Vitrolles, au cabinet du roi, au lieu de la transmettre au maréchal Soult[57]. Vitrolles présenta la dépêche toute cachetée à Louis XVIII qui la lut plusieurs fois de suite et la jeta sur sa table en disant avec le plus grand calme : — C'est Bonaparte qui est débarqué sur les côtes de Provence. Il faut porter cette lettre au ministre de la guerre. Il verra ce qu'il y aura à faire. Vitrolles, fort agité, courut rue Saint-Dominique. Sur le Pont-Royal, il se croisa avec Soult qui venait à pied aux Tuileries pour une réunion chez M. de Blacas. Le maréchal se montra incrédule. — Le débarquement, dit-il, n'a aucune certitude. Il faudrait en attendre la confirmation. Le comte d'Artois, lui non plus, ne fut nullement troublé. A la stupéfaction de Vitrolles, il alla entendre les vêpres aussitôt après que le roi lui eut révélé cette grave nouvelle[58].

Cependant, comme d'autres dépêches vinrent bientôt corroborer celle de Masséna[59], le conseil des ministres se réunit dans la soirée. Soult exposa que Talleyrand ayant écrit de Vienne pour demander la formation d'un corps d'observation sur la frontière italienne, afin de tenir en respect Murat et les révolutionnaires de la péninsule, trente mille hommes s'acheminaient vers les Alpes[60]. Le ministre de la guerre se faisait donc fort d'opposer sous peu de jours une véritable armée aux onze cents soldats de Bonaparte. On se félicita de cette heureuse conjoncture, et il fut décidé que le comte d'Artois se rendrait à Lyon pour prendre le commandement des troupes réunies et à réunir dans le Lyonnais, le Dauphiné et la Franche-Comté. Il aurait ses deux fils comme lieutenants : le duc de Berry à l'aile gauche ; le duc d'Angoulême à l'aile droite, qui serait formée avec les garnisons des 9e, 10e et 11e divisions militaires. On espérait du même coup en finir avec Bonaparte et donner aux princes l'occasion d'un succès personnel. Toutefois Soult et quelques-uns de ses collègues du ministère, qui connaissaient l'impopularité dans l'armée de Monsieur et de ses fils et qui doutaient un peu de leurs capacités militaires, proposèrent qu'un maréchal de France fût adjoint à chacun des princes. Le conseil désigna pour ces commandements en second Gouvion Saint-Cyr, Macdonald et Ney. On n'ignorait pas l'irritation de Ney contre la cour, mais on estimait qu'après s'être si brutalement compromis envers l'ex-empereur à Fontainebleau, il devait craindre son ressentiment et ferait tout pour l'empêcher de ressaisir le pouvoir. Au sortir de la séance, Soult informa par écrit les trois maréchaux de la mission dont le roi les chargeait et prit toutes les mesures nécessaires à la rapide concentration des troupes. Le comte d'Artois partit à minuit pour Lyon[61].

Les idées libérales du duc d'Orléans, ses relations avec les constitutionnels, les vues que les patriotes et certains généraux avaient sur lui le rendaient suspect aux Tuileries. Dans cette crise, on ne voulait pas lui donner un corps d'armée et on voulait moins encore qu'il restât à Paris. Sur les instances du comte d'Artois, inspiré par Vitrolles, le roi décida que le duc d'Orléans serait employé à Lyon sous les ordres de Monsieur ; il le manda à onze heures du soir dans son cabinet pour l'en avertir. Augurant mal de l'esprit des troupes et très peu flatté de servir d'aide de camp à son cousin, le duc d'Orléans tenta en vain d'obtenir quelque autre commandement à Paris ou ailleurs. Il dut suivre le comte d'Artois[62].

Le lendemain matin, 6 mars, il y eut de nouveau conseil aux Tuileries. On délibéra sur la convocation immédiate des Chambres qui avaient été prorogées jusqu'au 1er mai. Le roi, Blacas, le chancelier Dambray n'en étaient point partisans, et Soult, qui redoutait l'action des corps politiques dans un moment de trouble, s'y montra également hostile. Mais Jaucourt, Louis, Montesquiou, Vitrolles lui-même comprenaient qu'en présence de Napoléon, qui faisait appel aux principes de la Révolution, le roi devait donner des preuves de sa constitutionnalité, et qu'il serait vraiment bien maladroit à lui de se priver du grand appui moral des représentants du pays, alors que parmi eux il ne se trouvait pas un seul bonapartiste. Ces raisons prévalurent ; Louis XVIII signa l'ordonnance de convocation. Dans la même séance, on rédigea une autre ordonnance royale qui déclarait Bonaparte traître et rebelle et enjoignait à tout militaire, garde national ou simple citoyen, de lui courir sus[63].

Ces deux ordonnances furent publiées dans le Moniteur du 7 mars et reproduites par les journaux du lendemain. Dans le Journal des Débats, un entrefilet furibond y servait de commentaire : Bonaparte s'est évadé de l'île d'Elbe. Cet homme tout couvert du sang des générations vient disputer au nom de l'usurpation et des massacres la douce autorité du roi de France. Il ose mettre le pied sur une terre qui l'a réprouvé à jamais.... Dieu permettra que le lâche guerrier de Fontainebleau meure de la mort des traîtres[64]. Le conseil municipal de Paris, la cour de cassation, la cour royale, le général Maison, le maréchal Jourdan, Dessoles, major général des gardes nationales du royaume, rédigèrent des proclamations conçues dans le même esprit, et Soult adressa cet ordre du jour à l'armée : Cet homme qui abdiqua un pouvoir usurpé dont il avait fait un si fatal usage, Bonaparte, est descendu sur le sol français qu'il ne devait plus revoir. Que veut-il ? La guerre civile. Que cherche-t-il ? Des traîtres. Les trouverait-il parmi les soldats qu'il a trompés et sacrifiés tant de fois ? au sein de ces familles que son nom seul remplit encore d'effroi ?... Cet homme n'est plus qu'un aventurier, que son dernier acte de démence achève de faire connaître[65].

Louis XVIII avait les chambres, la presse, les corps constitués, les officiers généraux. La résistance de la citadelle d'Antibes lui faisait croire qu'il avait les soldats. Il comptait sur la garnison de Grenoble, sur l'armée de Lyon, sur les gardes nationales. Puis il avait sa maison militaire, les Suisses et les compagnies rouges, les gardes du corps et les gardes de la porte ! Il ne craignait rien. C'est avec une sérénité qui n'avait rien d'affecté qu'il dit le 7 mars, en recevant les ambassadeurs et ministres étrangers : — Messieurs, je vous prie de mander à vos cours que vous m'avez vu n'étant nullement inquiet. Je suis persuadé que ceci n'altérera pas plus la tranquillité de l'Europe que celle de mon âme[66]. Beaucoup de gens pensaient comme le roi. Le comte de Ses-maisons écrivait précisément ce jour là au baron de Barante : Rien d'alarmant. On ne conçoit pas cette folie... Les mesures sont prises et sont bonnes. Je ne doute pas que tout ne soit fini dans huit jours[67].

Quoique les royalistes du Midi fussent mieux à même de juger les choses, ils ne perdaient pas non plus espoir. La colonne du général Miollis n'était arrivée à Sisteron que quarante heures après le passage de Napoléon, mais on comptait bien que repoussé par la garnison de Grenoble il allait rétrograder, et l'on se préparait à lui couper la retraite. Miollis porta à Gap le 83e et un bataillon du 58e ; Loverdo tenait la ligne de la Durance avec trois compagnies du 87e, les 600 volontaires de Marseille et 600 gardes nationaux du Var, de Manosque et d'Aix ; Mouton-Duvernet occupait les débouchés des Hautes-Alpes, du côté de la Drôme[68]. Bonaparte est dans la souricière, disait Masséna. Ce sera la fin de sa folle équipée[69]. Les volontaires, les gardes nationaux et même certains officiers de la ligne étaient fort animés. Un capitaine du 83e écrivait à un ami : ... Nous avons manqué le monstre à Sisteron, le colonel avait promis cinquante louis au soldat qui le tuerait[70].

 

 

 



[1] Peyrusse, Mémorial, 275.

[2] Pons à Masséna, Marseille, 7 mars (Arch. Guerre). Peyrusse, Mémoires, 275-276. Lieutenant-colonel Laborde, Napoléon et la garde à l'île d'Elbe, 53. Cf. Monier, lieutenant de grenadiers, Une année de la vie de Napoléon, 101-104. Relation officielle (Moniteur, 23 mars 1815).

[3] Déposition de Peyrusse (Procès de Drouot, 6). Peyrusse, Mémoires, 276-278. Cf. Pons à Masséna, Marseille, 7 mars (Arch. Guerre).

[4] Interrogatoire de Cambronne (Procès de Cambronne, 11).

[5] Pons à Masséna, Marseille, 7 mars (Arch. Guerre). Cf. Peyrusse, 276.

[6] Interrogatoire de Cambronne (Procès de Cambronne, 14). Interrogatoire de Drouot (Procès de Drouot, 24). Peyrusse, 276, 284. Laborde, 57. Monier, 105. Las Cases, VI, 196.

[7] Nous avons dit que ces trois proclamations existent, en placards imprimés, aux Archives des Affaires étrangères (Papiers des Bonapartes, 1801), sans indication de lieu ni de date, mais avec la mention : Porto-Ferrajo, chez Broglia, imprimeur du Gouvernement.

[8] Interrogatoire de Drouot (Procès de Drouot, 28-29). Interrogatoire de Cambronne (Procès de Cambronne, 15-16).

[9] La proclamation dictée à bord du brick est très vraisemblablement celle que cite Fleury de Chaboulon (I, 170-171) et qui commence seulement à la phrase : Soldats ! la générale bat et nous marchons !... Cf. avec la proclamation donnée d'après le Moniteur du 21 mars dans la Correspondance de Napoléon (21.683), dont le texte est conforme, sauf quelques mots, à la proclamation primitive imprimée à Porto-Ferrajo.

[10] Peyrusse, 277-278. Laborde, 75-76. Monier, 104-105.

[11] Peyrusse, 278.

[12] Peyrusse, Mémoires, 279. Laborde, Napoléon à l'île d'Elbe, 76.

[13] Interrogatoire du capitaine de la polacre le Saint-Esprit, Antibes, 2 mars (Arch. Guerre).

[14] Il y avait une autre batterie, dite de la Fourcade, mais l'empereur la jugeait sans doute trop éloignée du lieu projeté du débarquement pour s'en préoccuper. D'ailleurs, cet ouvrage était également désarme.

[15] Rapports de Cunéo d'Ornano à Soult, et aux généraux Corsin et Abbé, Antibes, 1er et 2 mars. (Arch. Guerre.) Cunéo d'Ornano, Napoléon au golfe Jouan, 25-27 36-42, 49. Récit de Corsin rapporté par Campbell (Napoleon at Elba, 390). — Le général Corsin, commandant la subdivision d'Antibes, était allé le 1er mars en partie de plaisir à l'île Sainte-Marguerite.

[16] 607 grenadiers et chasseurs de la vieille garde ; 118 chevau-légers polonais ; 21 marins de la garde ; 43 canonniers ; 400 chasseurs corses et environ 30 officiers sans troupe qui étaient venus à Porto-Ferrajo demander du service.

Ce total de 1219 officiers et soldats est le chiffre de l'effectif, mais il faut en rabattre. On peut évaluer à une vingtaine les grenadiers et les Polonais qui avaient pris leur congé de novembre 1814 à février 1815. Il y avait eu des désertions chez les chasseurs corses, qui d'ailleurs n'avaient jamais été 406 hommes présents sous les armes. Enfin, il parait qu'un certain nombre a : canonniers étaient restes à Porto-Ferrajo. D'après des documents du consulat de Livourne, M. Marcellin Pellet (168, note) affirme qu'on n'était que 900 au départ de l'île d'Elbe. Mais Laborde (80) dit : 1.000 à 1.100 ; Cambronne (Procès, 33), 1.200 ; Las Cases (VI, 186), 1.000 à 1.200 ; et Bouthillier, préfet du Var (Lettre du 3 mars, Arch. Guerre), 1.000.

[17] Rapport du capitaine de la polacre le Saint-Esprit, Antibes, 2 mars (Arch. Guerre). Laborde, 76.

Le débarquement s'effectua entre les deux points déterminés aujourd'hui par la petite gare du golfe Jouan et la villa de M. Roux, laquelle est construite sur l'emplacement de tour de la Gabelle qui a été démolie.

[18] Rapport du capitaine du Saint-Esprit. Rapport de Cuneo d'Ornano (Arch. Guerre). Laborde, 76. Peyrusse, 279-280. Monier, 106-107.

Un gros olivier sous lequel, d'après la tradition locale, Napoléon s'était assoupi quelques instants, a été abattu quand on a élargi le chemin qui mène de la nier à la grande route. La colonne commémorative dont la première pierre fut posée le 6 mai 1815 par les officiers du 870 de ligne (Général de Civray à Brune, Antibes, 7 mai, Arch. Guerre) et qui existe encore aujourd'hui sur le bord de la route se trouve ainsi précisément en face, à environ 30 mètres, de l'endroit où s'élevait l'olivier légendaire.

[19] Interrogatoire de Cambronne (Procès de Cambronne, 28). Cf. Laborde, 77. Peyrusse, 280. Général Morangiès à Abbe, Draguignan, 2 mars (Arch. Guerre).

[20] Pons à Masséna, Marseille, 7 mars. (Arch. Guerre.)

[21] Relation de Berriat Saint-Prix, écrite à Grenoble en mai 1815 et publiée en 1861, sous le titre de : Napoléon à Grenoble, 6-14. Cf. sur les sentiments de Grenoble : lettres du Préfet de l'Isère et rapports de police, 21 mai, 25 août, 27 janv., etc. (Arch. nat., Fta 582, F. 7. 3738, F. 7, 3739.)

[22] Lettre de Dumoulin à Napoléon III, s. d. (communiquée par M. Frédéric Masson.) Cf. Laborde, Napoléon et la Garde à l'île d'Elbe, 65, et Montholon (Récits, II, 40), qui mentionnent tous deux le voyage de Dumoulin à Porto-Ferra quelques mois avant le départ de l'empereur, et Berriat Saint-Prix, Relation précitée, 24-25.

[23] Préfet des Basses-Alpes à Soult, s. d. (7 mars) (Arch. Guerre). Interrogatoire d'Émery. (Dossier de Marchand. Arch. Guerre.)

[24] Laborde, 67. Monier, 107. Cunéo d'Ornano, 49, 52.

Dans la nuit, Casabianca et plusieurs grenadiers tentèrent de s'évader. Casabianca se blessa grièvement en tombant du rempart, un des soldats fut atteint d'un coup de feu, les autres furent repris. Le surlendemain, on envoya sous bonne escorte tous les prisonniers à Toulon, où ils furent jetés dans les casemates du fort Lamalgue, en attendant leur comparution devant le conseil de guerre. Rapport de Cunéo d'Ornano, Antibes, 3 mars (Arch. Guerre). Récit de Corsin, rapporté par Campbell, 370.

[25] Las Cases, VI, 187-188. Montholon, II, 39-40, 189.

[26] Peyrusse, 280. Laborde, 78. Cf. Relation du Moniteur, 23 mars.

[27] Peyrusse, 281. Cf. Récit de Corsin rapporté par Campbell, 390.

[28] Détail donné par un de ces écoliers survivants, M. A. Sardou, commentateur de Rabelais et père de M. Victorien Sardou. — Cambronne arriva à Cannes vers 5 heures (Lettre du général Morangiès, Draguignan, 2 mars, Arch. Guerre), conséquemment avant le coucher du soleil.

[29] Interrogatoire de Cambronne (Procès, 31). Lettre du marquis de Rivière, s. l. n. d. (Marseille, 4 ou 5 mars 1815.) (Arch. Aff. etr., 680.)

[30] La rue du Bivouac s'ouvre aujourd'hui à l'endroit où fut établi ce bivouac.

[31] Lettre précitée du marquis de Rivière (Arch. Aff. étr., 680).

[32] Cf. Lettre précitée du marquis de Rivière. Peyrusse, 281. Laborde, 70, Monier, 106. Montholon, II, 39. Traditions locales rapportées par M. Stéphen Liegeard, La côte d'Azur, 162.

[33] Gazon au maire de Grasse, 15 août ; au ministre de la guerre, 19 août. (Dossier de Gazan, Arch. Guerre.) Cf. Bouthillier au ministre de la guerre, 15 déc. (ibid.). — La lettre de Gazan à Soult, Grasse, 30 février (sic), 10 heures du soir, existe également au dossier de Gazan. Tel était le trouble du général qu'il l'a datée : 30 février au lieu de : 1er mars.

[34] Interrogatoire de Cambronne (Procès, 35-36, 39). Lettre précitée de Gazan (Dossier de Gazan. Arch. Guerre)

[35] A la côte 544. — Dans le pays on appelle aujourd'hui ce plateau : le plateau Napoléon.

[36] Peyrusse, 281-281 Laborde. 79. Préfet des Basses-Alpes à Soult, Digne, 7 mars (Arch. Guerre). Cf. Rapport du préfet maritime de Toulon, du 5 mars (Journal des Débats, 10 mars).

[37] Dès 1802, Bonaparte avait ordonné que l'on rendit carrossable la route de Grasse à Digne, marquée sur la carte de Cassini. Mais ses instructions n'avaient ras été exécutées. Pendant l'empire et toute la restauration, Castellane ne figure pas comme relai dans les Livres de Poste et Itinéraires.

[38] Rapport précité du préfet maritime de Toulon, 5 mars. Peyrusse, 279, 280, 282. Laborde, 80.

[39] Laborde, 80-81. Peyrusse, 282-283. Monier, 108-109. Cf. Moniteur, 23 mars.

[40] Maire de Sernon à maire de Castellane, 2 mars. Cambronne au sous-préfet de Castellane, 2 mars. (Arch. Guerre.)

[41] Il est fort peu probable qu'on ait fourni la totalité des mulets demandés, car nous savons par le Livre de caisse de Peyrusse (Annexes 308) qu'on n'acheta pendant tout le voyage que vingt mulets. Peyrusse, il est vrai, porte dans ses comptes des frais de transport. Sans doute un certain nombre de mulets furent seulement loués pour chaque étape et renvoyés ensuite avec leurs conducteurs.

[42] Préfet des Basses-Alpes à préfet de l'Isère, 4 mars ; à Soult, 7 mars (Arch. Guerre). Peyrusse, 283-284. Interrogatoire d'Émery. (Dossier de Marchand, Arch. Guerre.)

[43] Cf. Morangiès à Abbé, Draguignan, 2 mars dans la nuit (Arch. Guerre), et le même au même, Draguignan, 2 mars, 6 heures du matin (cite par Masséna, Mémoires, 51).

[44] Abbé à Masséna, Toulon, 2 mars (cit. par Masséna, Mémoires, 58-59).

[45] Masséna à Soult, Marseille, 3 mars. (Arch. Guerre.) Cf. Masséna, Mémoires, 4-7.

[46] Préfet du Var à Soult, 12 janv. et 13 janv. Chef d'état-major de la 8e division militaire à Soult, Marseille, 7 fév. (Arch. Guerre.)

[47] Bouthillier à Masséna, Fréjus, 3 mars. (Cité par Masséna, Mém., 10-11.)

[48] C'est cette dépêche, arrivée à Paris (on ne s'explique pas comment) avant précédente, qui donna l'alarme aux Tuileries. Vitrolles, Mém., II, 284-285.

[49] Masséna, Mémoires, 11-17. Cf. Miollis à Masséna, Aix, 5 mars, cit. ibid., 64-65,

[50] Loverdo à Masséna, Digne, 3 mars ; au même, Digne, 4 mars, 5 heures du matin ; au même, 20 mars. Préfet des Basses-Alpes à préfet de l'Isère, Digne, 4 mars ; à Soult, Digne, 7 mars. (Arch. Guerre.)

[51] Rapp. de Digne, 8 mars. (Arch. nat., F. 7, 3147.) Peyrusse, 284. Laborde, 82. Fabry, 21, 32, 37, 39. Lettres de Bertrand citées, par Masséna (Mém., 70-71).

[52] Laborde, 83. Cf. Rapport de Loverdo à Masséna, 20 mars. (Arch. Guerre.)

[53] Rapport de Loverdo précité. Journal des séjours de l'empereur. (Arch. nat., AF * IV, 347.)

[54] Loverdo à Masséna, Digne, 4 mars. Préfet des Basses-Alpes à Soult, Digne, 7 mars. (Arch. Guerre.)

Masséna dit aussi (Mém., 24-25) : En supposant le pont barré ou coupé, Bonaparte n'avait qu'à côtoyer la Durance en amont, l'espace de trois ou quatre lieues, pour la traverser à gué... Le point essentiel à défendre était la route en avant du pont de Sisteron ; mais dans ce cas, Bonaparte eût pris le chemin qui conduit à Gap par les montagnes. Il n'est pas plus long que l'antre ni plus difficile que celui déjà parcouru depuis Grasse.

[55] Rapport de Loverdo à Masséna, cité par Masséna, Mém., 69. Interrogatoire de Cambronne. (Procès de Cambronne, 34.) Peyrusse, 284. Laborde, 82. Fabry, Itinéraire de Bonaparte de l'île d'Elbe à Sainte-Hélène, 39-43. Fabry, dont le récit est assez exact quant aux faits, mais très partial dans les commentaires dont il les accompagne, dit que le sous-préfet avait été contraint par Cambronne d'aller au devant de l'empereur ; que ce fut une populace soudoyée qui acclama Napoléon, et que la femme avait confectionné le drapeau par ordre.

[56] Laborde, 82. Peyrusse, 286. Journal des séjours de l'empereur. (Arch. nat., IV, 347.)

[57] C'est du moins ce que l'on peut inférer du récit de Vitrolles (II, 283-285), à moins d'admettre qu'en même temps qu'il écrivait à Soult, Masséna avait aussi envoyé directement une dépêche à Louis XVIII. Mais Masséna n'en fait pas mention dans son Mémoire. — Il est singulier, d'ailleurs, que cette seconde dépêche, expédiée le 3 mars passé 9 heures du soir, soit arrivée à Paris avant la première expédiée le même jour vers midi et qui annonçait seulement un débarquement de quelques soldats de l'île d'Elbe. Quant à la lettre que, le 3 mars, le préfet du Var avait adressée de Fréjus directement à Paris par Aix, en même temps qu'il écrivait à Masséna, le courrier qui la portait s'était cassé la cuisse entre Aix et Lyon (Barante, Souvenirs, II, 100.)

[58] Vitrolles, Mémoires, II, 283-289.

[59] Duc d'Orléans, Extrait de mon Journal (Twickenham, 1816, in-8°), 2. Sesmaisons à Barante, Paris, 7 mars. (Barante, Souvenirs, II, 100.)

[60] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 24 févr. (Correspondance avec Louis XVIII, 298.) Cf. Vitrolles, Mém., II, 293. Soult, Mém., 16-18. Rapp. de Soult au roi, en date du 3 mars, sur la mise en mouvement des troupes devant être réunies au nombre de 29.650 sur la frontière des Alpes (Arch. Guerre.)

[61] Soult à duc de Berry, Ney, Gouvion, Macdonald, Suchet, etc., etc., 5 mars. (Arch. Guerre.) Vitrolles, Mém., II, 291-297. Soult, Mém., 18. Jaucourt à Talleyrand, 8 mars. (Arch. Aff. étrang., 680.)

[62] Duc d'Orléans, 1-7. Vitrolles, II, 293, 296-297.

[63] Jaucourt à Talleyrand, 8 mars. (Arch. Aff. étr., 680.) Vitrolles, II, 293-294. Moniteur, 7 mars.

[64] Journal des Débats, 8 mars.

[65] Moniteur, 8, 9, 10, 12 mars.

[66] Louis XVIII à Talleyrand, 7 mars. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 316-318.) — Ce qui prouve bien que le roi avait parlé sincèrement aux ambassadeurs, c'est que dans cette lettre, où il cite ces paroles, il ajoute : ... J'ai pris sur le champ les mesures propres à faire repentir Bonaparte de son audacieuse entreprise, et je compte avec confiance sur leur succès.

[67] Sesmaisons à Barante, Paris, 7 mars. (Barante, Souvenirs, II, 99-100.)

[68] Miollis à Masséna, Gap, 9 mars. Loverdo à Masséna, Digne, 9 mars. Colonel Ferru à Soult, Sisteron, 8 mars. Mouton à Soult, s. l., 7 mars. (Arch Guerre.)

[69] Masséna au marquis de Rivière, Marseille, 9 mars. (Arch. Guerre.) Cf. Journal des Débats, 12 mars.

[70] Buquet, capitaine au 83e, à Desrosiers, Marseille, 17 mars. (Arch. nat., F. 7, 3774.)